Tristes spectacles : exhibitions fin-de-siècle
p. 67-81
Texte intégral
« Être visible, c’est être à découvert, c’est-à-dire avant tout vulnérable1. »
Comité Invisible.
1Au moment où Régis Debray propose au président de la République, en des termes étonnamment proches des perspectives essentialistes des siècles passés, l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, « première star noire », afin de « mettre un peu de turbulence et de soleil dans cette crypte froide et tristement guindée2 », il semble opportun de porter à nouvel examen les discours tenus sur la spectacularisation de l’altérité au sein des spectacles exotiques (ethnic shows). Par ce terme, on entend des formes d’exposition d’êtres choisis pour leur étrangeté ou leur incongruité (freak), allant des jardins exotiques, puis des collections et cabinets de curiosité (exotica) des XVIIe et XVIIIe siècles et des exhibitions anthropozoologiques et ethnologiques3 du XIXe siècle, jusqu’aux « villages nègres » (catégorie générique renvoyant aux « indigènes » de toutes les colonies4) des expositions coloniales5, réunissant plus d’un milliard quatre cents millions de « visiteurs » européens entre 1850 et 1930. Si l’historiographie de ces « zoos humains » et de leurs avatars6 à travers différentes « scènes ethnographiques » et « spectacles interculturels7 », poreux les uns aux autres (cirques, café-théâtre, revue, cabaret music-hall8), a mis en évidence l’émergence d’un imaginaire différentialiste dominant, solidaire d’un ambitieux projet d’affirmation identitaire et d’une stratégie d’expansion coloniale9, rares sont les réflexions soucieuses de rendre justice aux représentations alternatives, concurrentes, voire critiques à l’égard de cette construction de l’altérité présentée comme subalterne. Or la « spectacularisation de l’Autre », processus par excellence de mise en scène catégorisante et hiérarchisante d’une altérité placée en position d’infériorité, peut à bon droit apparaître comme le dispositif paradoxal de sa propre déconstruction. En effet, les catégories de l’analyse de spectacle (scénographie, mise en scène, jeu, performance, masque) paraissent pertinentes et efficaces pour penser les dispositifs esthético-idéologiques d’exhibition (au double sens de présentation et d’exposition) de l’étrange(r), d’abord « curiosité » (réflexion sur le genre humain), puis « sauvage » (réflexion sur l’échelle des êtres), enfin « indigène » (anthropologie raciale). Encore convient-il, pour rendre féconde une telle approche, de prendre en considération les affects dont le discours d’essentialisation de l’altérité est à la fois révélateur, moteur et vecteur : mélange de répulsion et de fascination, le processus d’ostentation du corps étranger en voie de normalisation est porteur, non seulement d’un rapport spéculaire de l’Occident à lui-même, qui se cristallise autour de stéréotypes tenaces10, mais encore d’une relation de configuration mutuelle, faite de projections fantasmatiques dont le spectacle est la caisse d’amplification et dont nous sommes héritiers en ligne directe.
2Loin de la propagande publicitaire et des discours convenus de la presse de masse, c’est l’analyse de paroles singulières produites par une minorité supposément « éclairée », pourtant vraisemblablement issue, sur le plan sociologique, de la majorité dominante, que je souhaite proposer, en prenant appui sur un extrait anonyme de la publication promotionnelle d’une société philanthropique consacrée à l’Exposition universelle de Bordeaux en 189511. Organisme de diffusion des savoirs, elle a pour vocation, dans la tradition d’un mouvement né entre la fin des Lumières et l’époque romantique, d’englober un ensemble d’approches scientifiques et culturelles, ce qui en fait un témoin privilégié du regard porté sur l’altérité. Plus d’un demi-siècle avant le retournement axiologique proposé par Claude Lévi-Strauss avec la parution de Tristes Tropiques (1955), à travers le regard nouveau porté sur les populations amérindiennes de Bororos, Nambikwaras et Tupis, s’exprime de façon symptomatique, dans ce texte d’une rare densité argumentative, une attitude mélancolique de compassion à l’égard d’une humanité souffrante. L’auteur y cherche avec une certaine lucidité à percevoir, sous l’exotisme de pacotille, un processus agissant de civilisation, autrement dit d’inculcation. Cependant, en dépit de sa tentative d’universalisation des conditions particulières, c’est finalement sur un certain déni d’altérité que repose en dernier ressort ce document à bien des égards discordant en comparaison de la configuration des savoirs et des sensibilités du temps. Afin de rendre justice à cette ambivalence, j’en proposerai deux lectures disjonctives en le réinscrivant dans l’économie du recueil où il est inséré et dans son contexte d’écriture. De même qu’il est délicat aujourd’hui de dresser rétrospectivement le procès à charge de l’idéologie coloniale, on peine à évaluer l’audace de positions critiques qui sont entre temps, plus d’un siècle après les faits, d’une façon problématique et sujette à controverse, devenues en grande partie les nôtres.
3Bien loin de nourrir une quelconque perspective « révisionniste » à l’égard de l’historiographie féconde des « zoos humains », ma démarche propose au contraire une extension du domaine d’investigation au moyen d’un double décentrement : d’une part, de la production des pratiques culturelles dominantes vers leur réception ; d’autre part, de la culture de masse vers les paroles singulières. Elle cherche précisément à mettre en évidence l’ambivalence, à l’œuvre dans un tel corpus, d’une posture de dénonciation qui, si sa sincérité n’est pas en cause, s’avère prisonnière d’une forme d’instrumentalisation de l’altérité. Elle est révélatrice des contradictions inhérentes aux régimes de visibilité des minorités subalternes au sein des sociétés du spectacle occidentales.
Éloge paradoxal : déconstruction de l’altérité exhibée
4Fondée le 5 août 1808, déclarée d’utilité publique par Décret impérial du 27 juillet 1859, la Société philomathique de Bordeaux présente dès décembre 1812 son règlement, approuvé par le Conseil d’État : « elle s’occupe d’améliorer le sort des indigents, considérés sous des rapports collectifs ; elle tâche de faire connaître et mettre en pratique tout ce qui peut soulager les besoins actuels, et leur préparer des ressources pour l’avenir ; elle crée, soutient et favorise les institutions charitables ». Son action est précisée dans l’article premier du règlement de 1859 : elle est chargée des congrès internationaux d’enseignement technique, commercial et industriel et de la publication de leurs travaux, mais son activité principale consiste à organiser les treize expositions universelles qui se succèdent à Bordeaux entre 1827 et 1895. La dernière se tient en plein centre de la capitale girondine, place des Quinconces : elle réunit pas moins de 10 229 exposants (sciences sociales, électricité, vins et spiritueux), 23 congrès internationaux et de nombreux comités de patronage et de propagande, devant un public de 2 128 000 visiteurs et un jury de 3 150 personnalités chargées de distribuer 5 817 récompenses, pour un budget de plus de deux millions de francs de l’époque… La Société philomathique a beaucoup œuvré pour la construction d’une identité coloniale bordelaise, particulièrement à la fin du siècle. L’Exposition universelle de 1895 peut être considérée comme son apogée.
5Le recueil destiné à rendre compte de l’ampleur de l’événement, sous le titre Les Villages exotiques, est emblématique de cette production à vocation philanthropique, reflet d’une vision ambiguë de l’altérité, qui s’inscrit dans la stratégie de différenciation de la ville de Bordeaux, commerçante, portuaire et coloniale, par rapport aux expositions de Lyon (1894) ou de la capitale. Il fait la synthèse d’un impressionnant catalogue de stéréotypes raciaux sur la saleté, la vénalité, l’immoralité, l’indécence ou l’hébétude dont sont crédités les nègres, entrecoupé par des anecdotes soulignant la « couleur locale » et le « pittoresque » de ces scènes d’ailleurs. Empreint d’une condescendance toute paternaliste qui adopte le style d’une aménité doucereuse au goût du temps pour mieux masquer la violence de la justification de l’emprise coloniale, il offre notamment matière à des considérations au sujet de la « sorcellerie » du « médecin de la tribu », « saint homme à barbe blanche, serré dans un burnous qui fut blanc », qui « marmonne une façon de chapelet devant une poignée de petits polissons à la mine fort éveillée » et « montre au public, en ses sourires bienveillants, les plus belles dents du monde ». La pointe finale de cette chronique de « choses vues » pleine d’une inquiétante bonhomie est des plus révélatrices :
« Ce dont j’ai cru m’apercevoir, en revanche, c’est que ce digne nègre n’est pas insensible au charme d’une pièce blanche. Il la sollicite en fort bon français : “Faire cadeau à moi… Faire cadeau à moi…”. Fait-il dire la vérité entière ? Ce genre de mendicité fleurit aux Quinconces chez les noirs, chez les jaunes et même chez… Non, vraiment, le désintéressement n’est pas dans ce monde » (p. 169).
6En dépit d’une apparente généralisation des considérations éthiques, dans la tradition des moralistes, la rhétorique selon laquelle s’expriment sans le moindre état d’âme les préjugés coloniaux ne trompe personne.
7Elle contraste avec le processus de dévoilement du témoignage qui inspire l’article dont il va être question maintenant, placé sous le signe de la compassion victimaire. Le moins que l’on puisse dire est que celui-ci, signé par « un passant » (il s’agit sans doute d’une mystification éditoriale dissimulant la position officielle de la Société philomathique de Bordeaux elle-même), tranche nettement avec le style du recueil dans lequel il s’insère. Plusieurs mouvements distincts organisent ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme un discours singulier au regard de l’état de la conscience collective à l’égard des premiers « villages exotiques » dans les dernières années du XIXe siècle, bien qu’il s’inscrive dans la lignée des perspectives humanistes des sociétés philanthropiques, d’inspiration libérale et chrétienne, nées près d’un siècle auparavant, qui ont eu le rôle qu’on connaît dans l’abolition de l’esclavage12. Une première séquence fait état du caractère intolérable de ces zoos humains aux tableaux vivants savamment composés ; une seconde, qui se caractérise par sa lucidité historique et son exigence de prise de champ par rapport à la situation, la réinscrit dans le contexte de l’idéologie raciale et de l’entreprise coloniale ; une troisième propose une comparaison entre l’exposition universelle bordelaise de 1895 et celle qui s’est tenue à Paris en 1889 ; une quatrième donne une consistance plus théorique à la réflexion, en risquant une définition de l’« exotisme » ; une cinquième propose un renversement de perspective, en imaginant l’incongruité de la situation consistant à transplanter artificiellement des Occidentaux en contexte indigène ; enfin, une sixième revient sur les conséquences d’une telle « transplantation », en filant la métaphore végétale. Véritable démonstration au service d’une thèse forte, cet article transcende les règles du simple témoignage de visiteur en déployant une argumentation serrée à vocation épidictique : elle repose sur un dispositif de décentrement et de réflexivité par rapport à la question de l’altérité.
8Au début de l’article, le visiteur se place d’emblée dans une posture d’indignation face aux mauvais traitements infligés à ce matériau humain déraciné :
« On y grelotte, on y est triste. Je ne puis m’empêcher de plaindre ces pauvres diables en deuil de soleil, rongés de nostalgie. Je les plains, oh ! sincèrement, d’avoir vécu six mois au contact de l’énorme et féroce bêtise des foules occidentales. – Ma foi, tant pis ! Les grands mots sont lâchés. Aussi bien, ils me brûlaient les lèvres. »
9L’emphase un peu outrée et convenue dans la verbalisation d’une certaine empathie s’articule à un portrait à charge de l’ineptie des masses et de la cruauté des spectateurs rendus complices de cette indécence. Elle est présentée comme une forme perverse de voyeurisme et une preuve d’incurie :
« Plus d’une fois, si ces malheureux ont pu comprendre la moitié des plaisanteries ineptes, des obscènes facéties dont ils ont été le sujet, l’écœurement a dû les saisir. Et plus d’une fois aussi, s’ils ont eu conscience des idylles béates inspirées par eux à certaines âmes sentimentales, ils ont dû hausser les épaules. Pas d’intermédiaire, chez nous, entre le ridicule dédain et l’absurde attendrissement. »
10C’est donc, au-delà de toute sensiblerie humaniste, de façon « moderne », à travers un processus d’intériorisation du regard porté par l’Autre sur le comportement du public que se pense l’indignation à l’égard de tout procédé d’exhibition. La mise à distance compromet tout effet de sidération ou de fascination envers le corps étranger ; elle exerce une fonction de révélateur de la structure projective du regard sur l’altérité.
11S’amorce alors un second mouvement de l’argumentation, qui repose sur une tentative conjointe de remise en contexte et de mise en perspective historique. Le traitement infligé à « ces coloniaux » est plaisamment réinscrit dans la tradition de stratégies de conquête issues des grandes découvertes ou des voyages au long cours, mais également de l’esprit des peuples, de l’anthropologie et la philosophie politique des Lumières, tout en insistant sur la dimension sélective de la construction sociale et culturelle des stéréotypes. Ce décapage radical des alibis colonialistes et de leurs mécanismes d’accréditation fait émerger une voix discordante au sein du concert quasi unanime de légitimation de l’entreprise coloniale et fait de cet article un « texte tiers », à mi-chemin entre la bonne conscience du discours dominant imposé par l’idéologie impérialiste du Second Empire, puis de la Troisième République, et les paroles subalternes reléguées au sein de minorités activistes et militantes, voire de communautés exploitées. Entre suffisance et indignation, l’ironie discrète dont est empreint ce texte en demi-teintes s’avère efficace sur un plan à la fois heuristique et polémique.
12La stratégie du troisième mouvement du texte est comparable : elle récuse toute prétention scientifique à ces « exhibitions de simili-anthropologie », réinscrites dans la filiation des cabinets de curiosités nés au XVIIe siècle, à la faveur des grandes explorations et du goût pour la littérature viatique. La facticité de cette société du spectacle à « la curiosité un peu épuisée » est ramenée à un goût suranné et rendue à son inanité : dans le regard vide des indigènes en représentation se lit la vacuité d’un monde occidental déclinant, doutant de ses valeurs, vacillant sur ses propres fondements. Amalgame hétéroclite destiné à satisfaire une curiosité de bazar, les exhibitions offrent un poste d’observation privilégié de la fabrique de stéréotypes présentés comme tels au moyen de raccourcis suggestifs : « Arabes fainéants et solennels », « paresseux et vulgaires Canaques, fumant leur pipe auprès de leurs fétiches »… Au-delà de l’attrait circonstanciel pour les procédés dignes de bateleurs forains, l’intérêt de curiosité pour l’altérité n’a d’égal que le seuil d’indifférence qu’elle ne fait que déplacer, sans jamais le remettre en question en tant que tel :
« Le spectacle amusait par sa diversité, par sa brutalité diverse, bizarre et foraine, assemblant pêle-mêle des authentiques et des à-peu-près, dans le paradoxe de l’ensemble. Je ne sais si les hommes d’étude ont tiré parti des éléments de ce chaos ; pour le public, je réponds qu’il s’inquiétait de l’humanité particulière des sujets exhibés autant que de la religion des habitants de mars. »
13Fait significatif : c’est dans la métaphore théâtrale qu’est forgé l’outil de démystification de ces mises en scène à vocation coloniale, au moyen de propos supposément rapportés de visiteurs qui mettent plaisamment en abyme l’économie des affects engendrée par ces spectacles de masse au divertissement imposé par le désœuvrement d’une société de loisirs en gestation :
« Si l’on a raillé, sentimentalisé, raisonné et déraisonné, à l’endroit de la “contribution coloniale”, c’est par passe-temps, sans y attacher d’importance. Quelqu’un a même prononcé ce mot significatif : “Les villages exotiques des Quinconces ont moins d’exotisme qu’un décor d’opéra…” »
14C’est à récuser le terme d’« exotisme » qu’est employé le quatrième mouvement du texte, reposant sur la métaphore filée du règne animal et végétal. Rabattant toute abstraction dans l’évocation de l’exotisme sur sa signification concrète, il met en correspondance l’exposition ostentatoire d’objets et l’exhibition d’êtres humains. En dénonçant une société du simulacre ou du leurre généralisé, il met en évidence la contradiction entre la taxinomie occidentale moderne, attachée à la séparation entre les lois de la matière et les conventions de la vie en société, autrement dit entre nature et culture13, et la confusion au fondement de l’exhibition, considérée comme réification marchande : « Votre œil est façonné depuis longtemps à ces singularités meublantes », affirme encore le narrateur, dans une formule qui nous met sur la voie d’une véritable « anthropologie des Modernes14 », fruit paradoxal de la confrontation avec les peuples dits « premiers ».
15Cependant, face à la banalité d’attributs ayant rejoint une culture matérielle commune où l’exotisme se fait oublier en tant que tel à force de familiarité, l’exhibition représente une surenchère spectaculaire qui fait signe vers autre chose qu’elle-même et rend à l’altérité toute sa suggestivité. Récusant le glissement entre exotisme décoratif et exotisme performatif, proposant une typologie des émotions produites par l’exotisme (« à usage des esprits lents » ou « à l’usage des amateurs »), l’auteur dénonce les effets de sidération produits par la monstration de « matériaux » humains composites. C’est l’amorce d’un mouvement de substitution classique entre population occidentale et « orientale15 » dans la tradition des Lettres persanes. Sauf qu’elle s’exprime ici à front renversé. Remotivant le système d’équivalence entre visiteurs et indigènes, autrement dit, en l’occurrence, entre spectateurs et acteurs, elle insiste sur la réversibilité de la situation au moyen d’une sorte d’ethnographie de proximité.
16Le paradoxe du principe de l’exhibition tient donc à la contradiction patente entre la curiosité pour l’insolite et l’inquiétante étrangeté de cette proximité distante, source d’un dilemme impossible entre identification et distanciation au sein d’une commune humanité discordante. Cette cruelle inconséquence, variation sur l’inconstance des jugements et des goûts occidentaux, occasionne une parabole consistant à « transplanter » d’« un coup de baguette » la « ville superbe » de Bordeaux au Japon : « du même coup, représentez-vous Yeddo au bord de la Gironde ». La convention merveilleuse placée au service d’une hypothèse de la raison ouvre la voie à une expérience de déterritorialisation aboutissant à une posture à la fois relativiste et évolutionniste : « Hors du cadre naturel, on se sent à l’étroit, et, pourtant, rapetissé. L’exotisme pèse, étant anormal. »
17Ce qui rend insupportable le spectacle exotique, c’est le principe d’ostentation au moyen duquel il exhibe l’« anormal », alors que l’Occident a amorcé depuis l’âge classique un processus d’« enfermement » des marginaux bien connu depuis les thèses de Michel Foucault sur la folie et la déviance. De telles injonctions paradoxales sont à l’origine du caractère insoutenable de ces spectacles, indépendamment de toute considération éthique, philosophique ou politique. Par conséquent, cet article entre à bien des égards en contradiction avec l’horizon d’attente de ses contemporains, tout en amplifiant ses lieux communs. Il montre qu’en réinscrivant l’altérité au cœur même du processus de civilisation, estompant les frontières d’ordre symbolique, axiologique et taxinomique entre l’animal, le végétal et l’humain, brouillant l’effet miroir entre l’Occident et le reste du monde, le zoo humain échappe en partie à l’objectif qui lui est assigné. Quarante ans avant le désintérêt effectif des masses à l’égard de spectacles exotiques, à partir des années 1930, émerge par ce texte des dernières années du XIXe siècle une conscience critique et réflexive de l’altérité qui ne se laisse pas piéger par l’effet d’ostentation factice de tableaux vivants.
Éloge contrarié : renaturalisation de l’altérité reléguée
18Pour utile qu’il soit à la perception des contre-discours de récusation qui concourent à l’émergence, longtemps minoritaire, d’une réflexivité critique à l’égard de la monstration mercantile de l’altérité, ce texte n’est pourtant pas exempt de présupposés idéologiques : il n’échappe ni à la tentation de renaturalisation des phénomènes culturels, ni au risque d’essentialisation des cultures étrangères. En effet, par la remotivation de stéréotypes, même au second degré, il nourrit une perspective différencialiste qui contribue à un dispositif de relégation de l’altérité, perçue comme incommensurable, au sein de cultures finalement présentées comme irréconciliables : « Incompris des Européens, ils n’arrivent pas à les comprendre. » On peut donc proposer une relecture de ce texte susceptible de prendre à contre-pied celle qui vient d’être esquissée, sans pour autant que la seconde n’invalide la première.
19Abstraction faite du misérabilisme de circonstance qui connote l’évocation de ces « pauvres diables en deuil de soleil », qu’on ne peut considérer comme significatif puisqu’il relève d’un topos du temps, force est de s’interroger sur le caractère déceptif des constats relevés par le rédacteur, en particulier sur les présupposés et les implications de la posture mélancolique qu’il affecte. Le plaisir trouble et délectable de sa propre tristesse face à ces « rebuts » d’humanité, tout comme l’évocation complaisante du « phénomène d’embarras et de lassitude » qui s’empare des visiteurs de ces exhibitions fin-de-siècle, mettent sur la voie d’une reconnaissance finalement contrariée de l’altérité. La première preuve en est la généricité des figures de l’Autre, qui autorise tous les amalgames, motive tous les agrégats, à l’instar du principe même de l’exposition que le texte est censé dénoncer : longues énumérations d’objets disparates, évocations du caractère hybride de cette faune bigarrée sont autant de signes d’une absence de considération pour l’altérité, au-delà de la simple position de convenance ou de principe.
20Autre signe perceptible de cette contradiction interne du texte : l’indignation ne conduit à aucun moment l’auteur à prendre la situation de domination en tant que telle, autrement dit à expliciter les termes de la relation d’aliénation au fondement des zoos humains. Le procédé relativiste de substituabilité des conditions a pour effet d’évacuer toute considération sur les conditions réelles d’existence de ces populations déracinées. Si bien que la question des rapports de domination demeure le point aveugle d’un texte placé sous le signe d’un humanisme d’inspiration relativiste. Par un travers inverse, ce texte ne débouche pas véritablement sur la réhabilitation attendue de cette humanité souffrante. À aucun moment n’est posée la question de l’intentionnalité des exhibés, de même qu’à aucun moment n’est relevée leur habileté à donner le change et à prendre une part active à la représentation dont ils font apparemment l’objet. Ils sont donc agis au sein du dispositif spectaculaire, mais toute capacité autonome d’action ou, pour le moins, de réaction, leur est interdite, autrement dit toute perspective émancipatrice d’« encapacitation » (empowerment). Cette ambivalence dans la représentation de l’altérité aliénée est perceptible dès le début du texte, où la capacité effective des exhibés à prendre conscience de leur situation subalterne est présentée comme simple hypothèse de pensée : « Plus d’une fois, si ces malheureux ont pu comprendre » ; « Et plus d’une fois aussi, s’ils ont eu conscience. » C’est de façon virtuelle et incidente qu’est reconnue la conscience subjective de l’Autre comme être pensant et ressentant.
21On constate la même ambivalence dans ce qui apparaît en dernière analyse comme une façon – intentionnelle ou non – de remotiver les stéréotypes ethniques, sous couvert de persifler la « curiosité un peu épuisée » considérée, non sans indulgence, comme l’expression d’un goût suranné. La fonction dévolue à la curiosité n’est-elle pas, précisément, de créer la surprise et la stupeur, avant de disparaître, remplacée par une autre ? Sa nature est donc structurellement évanescente et condamnée à une obsolescence aisément prévisible :
« En 1889, les figurations d’Orientaux et de nègres étaient neuves. Le Théâtre annamite attira l’attention du public par ses bariolures, ses mimiques forcenées et ses incomparables vacarmes. On eut plus de plaisir au Kampoung javanais, où la musique avait, en ses naïvetés primitives, certaines sonorités non sans charme, et où les danses avaient je ne sais quoi du rêve immémorial. »
22Mélange de termes péjoratifs et de litotes à vocation atténuante, une telle assertion, en trahissant une posture d’extériorité, sinon de surplomb, conduit le commentateur à la reprise d’une structure topique au moins aussi éculée que celle des spectacles, source d’une violence symbolique demeurée intacte : le « rêve immémorial », sorte de quête des origines perdues, est précisément la structure de l’imaginaire symbolique qui prédomine au sein de l’appréhension des « peuples premiers », héritiers des « bons sauvages » de la vulgate rousseauiste, que le texte s’emploie pourtant, en apparence – sans doute avec sincérité et conviction –, à remettre en cause.
23La même stratégie discursive préside à l’évocation de la pompe de la visite de Dinah Salifou, dernier roi des Nalous, peuple guinéen16, au président de la République à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889 à Paris. Sauf que le récit du témoin quitte le ton compassé dont il est coutumier pour se faire parodique et ironique. C’est quasiment sur un mode burlesque qu’est évoquée la procession « d’une vingtaine de princes nègres, impassibles comme des statues, [qui] donnait la main à la petite reine Phélis, aux yeux étonnés », de même que la performance des musiciens africains, « sur leurs instruments cacophoniques d’où nulle mélodie ne sortait », ou du choriste, qui « par intervalles, lançait en l’air, d’une voix chevrotante et grêle, une psalmodie monotone, aux notes répétées ». Sont visés au moyen de procédés de travestissement burlesque la grave solennité et l’esprit de sérieux du rituel : « Et vainement les Athéniens de Paris pensaient les désarçonner en riant de leurs symphonies primitives. Leur sérieux ne se démentait pas. » Aucun poncif n’est épargné dans cette évocation haute en couleur, contribuant à discréditer a priori toute prétention artistique à l’événement, et par conséquent à ses interprètes. Cet effet est renforcé par l’évocation complaisante, dans un hypothétique futur, de la démotivation progressive des exécutants comme des visiteurs et de l’échec annoncé de la prestation :
« Cependant, si l’expérience se fût prolongée, tout eût changé certainement. Ils eussent perdu toute foi en eux-mêmes et en leur art. Vers la fin de l’Exposition, leur gêne était déjà très sensible. […] Ils avaient conscience que les rires des premiers jours n’entr’ouvraient même plus les lèvres et qu’on était fatigué d’eux. »
24Le traitement de la scène, s’il est censé désamorcer la complaisance de l’esthétique à vocation commerciale et la fonction de propagande coloniale sur lesquelles reposent les zoos humains, ne fait donc que substituer une modalité de mise à distance de l’altérité par une autre : de l’effet de sidération de l’exhibition, on passe à son ironisation, en faisant l’économie de toute considération pour l’altérité en tant que telle. Le rire serait-il, dès lors, l’horizon indépassable de tout rapport nécessairement contrarié à l’altérité, comme semble l’indiquer Bergson dans un extrait du Rire consacré à la question « Pourquoi rit-on du nègre ? », publié cinq ans après l’exposition, en 190017 ?
25La tristesse qui se dégage de cette fête africaine teintée de nostalgie est en outre emblématique d’un dispositif de relégation sensible dans l’apostrophe finale aux exhibés : « Bonsoir donc aux pauvres étrangers frileux, en deuil de soleil. Puissent-ils, sous des cieux plus dorés, être les héros de fêtes meilleures ! » On ne saurait mieux signifier son congé au subalterne, en vertu d’une conception finalement normative et prescriptive postulant par principe l’échec inéluctable de toute expérience de métissage. Il résonne comme une exhortation au maintien dans une situation d’isolement de ces « pauvres étrangers », assignés à résidence dans les marges d’un empire colonial destiné à les domestiquer en normalisant leurs comportements, leurs affects et surtout leurs représentations, notamment d’eux-mêmes. Revers de l’ostentation marchande, le spectacle exotique est décrit par le visiteur comme un jeu à contre-emploi dénué de toute efficacité performative.
Malaise dans la civilisation
26Ce texte, en dépit de son apparente sincérité et d’une indéniable lucidité sur la configuration historique qui s’impose pourtant à son époque, est donc davantage révélateur d’une altérité contrariée que d’une altérité réflexive. À peine reconnue et défendue, l’altérité souffrante et aliénée qui se révèle au sein de spectacles exotiques tels que les zoos humains est immédiatement reléguée dans les limbes de l’inconscient collectif. Comme si le seul remède aux excès de l’exhibition inspirée par l’ostentation colonialiste était dans la dissimulation d’une altérité ontologiquement dérangeante qu’il faudrait, comme telle, absolument réinscrire dans son milieu supposé « naturel ». Une telle aporie permet de replacer la perspective foucaldienne au cœur de l’analyse critique de nos sociétés du spectacle : l’« exhibition » apparaît dès lors comme la contrepartie structurelle du « grand renfermement » des anormaux, selon un mécanisme complexe de compensation symbolique où l’altérité se caractériserait par un dispositif d’exacerbation déceptive de la différence. Elle inspire une réflexion sur les ambiguïtés d’un « capital de visibilité » qui s’est mis en place « en régime médiatique » au début du XXe siècle : véritable « fait social total », il implique l’ensemble des dimensions de la vie culturelle18 et concourt à la crise de la représentation démocratique19. L’exhibé, c’est à la fois le visible et l’invisible, celui qu’on expose parce qu’on le ne voit pas et même pour ne plus avoir à le voir, selon une dialectique subtile aux conséquences idéologiques multiples20.
27Ma démarche a pour ambition de prendre acte d’une nouvelle étape dans l’évolution des Postcolonial Studies : en choisissant pour objet d’étude, non plus les phénomènes de production de masse d’un imaginaire colonial diffusé à grande échelle, mais leurs effets indirects ou non souhaités de réception, voire l’expression de paroles plus singulières, il est loisible de faire l’archéologie d’un espace public délibératif, voire oppositionnel, mais aussi de proposer une généalogie des systèmes de compensation symbolique qui travaillent, à différentes époques, la conscience collective occidentale. À l’heure où certains pays font le choix de restituer des « reliques humaines » conservées dans leurs musées, c’est donc autant dans les lueurs issues de l’historiographie du passé que dans les coups d’éclat inspirés par la situation présente que se manifeste la lumière susceptible de dissiper les ténèbres : « Nous avons l’impression que nous sortons – par la grande porte – de la longue nuit coloniale. […] Les temps changent21. »
28Interroger l’héritage colonial à travers ses manifestations artistiques, culturelles et médiatiques ne peut se réduire à un débat historiographique. Une telle démarche autorise une réflexion sur le monde contemporain22, en particulier sur les équivalents actuels des zoos humains, réels ou supposés23. Aujourd’hui, le spectacle vivant n’en finit pas de se confronter à l’exhibition du vivant et s’affranchit progressivement – et douloureusement – de son inconscient colonial24, en prenant notamment à bras le corps la question des zoos humains. Ils inspirent la proposition artistique du chorégraphe algérien Rachid Ouramdane avec Exposition universelle, présenté au festival d’Avignon 2011 (Cloître des Célestins), faisant allusion à l’Exposition coloniale de 1889 à Paris. C’est une sorte de divagation poétique à partir de la présentation d’un homme-objet entièrement grimé de noir, posé sur un socle pivotant, qui se dénude progressivement pour métaboliser l’inscription sur son corps de différentes situations d’oppression ou de résistance, alternant blanc et noir, avant de finalement voir projeter sur son corps entièrement dénudé un drapeau tricolore.
29Ces zoos humains inspirent également, de façon plus littérale, l’installation-performance de l’artiste sud-africain né sous l’Apartheid Brett Bailey dans Exhibit B, créé au festival d’Avignon 2013 et repris à Paris au Cent-quatre dans le cadre du Festival d’automne en 2013, alors que la France s’apprête à supprimer le mot « race » de sa Constitution. Constitué à partir d’archives photographiques et de témoignages, les tableaux vivants se succèdent comme autant de « pièces à conviction » (traduction littérale du mot anglais exhibit) dans le procès à charge de l’Occident colonisateur, par un constant aller-retour entre histoire et présent. La visite, ponctuée par la rencontre d’objets ayant appartenu à des migrants (réfugié congolais, migrant égyptien, Somalien mort à la suite d’une expulsion), s’ouvre sur la fameuse « Vénus hottentote », Saartjie Baartman ; elle se poursuit avec Angelo Soliman, esclave africain enlevé au Nigeria, adopté par la bonne société viennoise puis empaillé en 1796 pour orner un salon impérial jusqu’en 1848 ; puis avec un jeune homme au torse nu rappelant le nègre du Surinam voltairien, derrière une fenêtre dorée d’Amsterdam, la tête dans une muselière de fer, sur un tableau symbolisant « l’âge d’or néerlandais », avec pour légende « Nature morte avec Nègre » ; elle s’achève finalement en abordant la violence coloniale à travers le projet de « civiliser les indigènes » mené au Congo belge, où on coupait les mains des travailleurs trop peu zélés, ou en Namibie allemande, où on faisait bouillir et récurer par les femmes les crânes de leurs frères, enfants ou époux indociles, victimes d’une sorte de « premier génocide », le spectacle assumant l’amalgame contestable entre colonialisme et nazisme… C’est d’ailleurs sur des photos de Namas (ethnie de Namibie) décapités et exposés sur un mur que s’achève ce parcours initiatique au sein de l’installation-performance, devant quatre caissons dont dépassent des têtes d’artistes Namas chantant une mélopée.
30Si elle joue un jeu dangereux, en ressuscitant (reenactement) le principe des « zoos humains », non sans risque d’esthétisation de la violence inhérente au principe même du procédé d’« exhibition », une telle installation place le spectateur au centre d’un dispositif immersif : il y prend conscience, non seulement de sa condition d’observateur complaisant, mais encore de sa participation indirecte aux événements relatés. Il est littéralement intégré aux matériaux du spectacle, comme pour « l’origine des espèces », rassemblant, sans solution de continuité « cartes, trophées […], accessoires anthropologiques et spectateurs ». Plus loin, on peut lire l’inscription : « Techniques mixtes, socles, chœur de chanteurs Namas, spectateurs. » C’est ce que remarque Éric Fassin, jouant sur l’équivoque selon laquelle « cela nous regarde » : « le regard se renverse : le spectateur n’est pas voyeur, car il est vu. Immobiles, ces hommes et ces femmes nous regardent – même le gisant. Leurs yeux nous suivent, et c’est nous qui finissons par les baisser25 ». Le spectacle vivant, en tant que « spectation » − ou « spectaction » – contiendrait-il dès lors, au sein de nos sociétés post-modernes et de notre théâtre post-dramatique, les conditions de possibilité de son propre dépassement dialectique, autrement dit, de sa propre disqualification en tant que politique de la représentation ?
Notes de bas de page
1 Comité Invisible, L’Insurrection qui vient, Paris, La Fabrique, 2007, p. 102.
2 Le Monde, 16 décembre 2013.
3 Comme celle de la « Vénus hottentote » Saartjie Baartman sur les tréteaux de foire londoniens puis dans les salons parisiens au début du XIXe siècle, qui est finalement disséquée par Cuvier.
4 Même s’il arrive que soient malgré tout opérées des distinctions, comme lors des Expositions universelles de Lyon (1894) ou Bordeaux (1895), qui séparent clairement le village nègre du village annamite.
5 La première smala algérienne est exhibée au Champ de Mars dès l’Exposition universelle de 1867, à peine 20 ans après l’abolition de l’esclavage. Devant le succès de l’initiative, une ferme japonaise est montée au Trocadéro en 1878, puis un premier village ethnographique « reconstitué » en 1880 à Paris, suivi par un simulacre de tribu congolaise en 1885 à Anvers. Plus de 300 « indigènes » africains, vietnamiens, kanaks et khmers sont finalement exposés à Paris lors de l’Exposition universelle de 1889. Le « village nègre » devient une catégorie générique, qu’il s’agisse d’exposer des Annamites, des Canaques ou des Mauresques…
6 L’appellation « zoo humain » est une catégorie historiographique a posteriori renvoyant à ce qu’on appelle à l’époque « village nègre », « village exotique », « village ethnographique » ou encore « village noir »…
7 Blanchard P., Boëtsch G. et Jacomijn Snoep N. (dir.), L’Invention du sauvage. Exhibitions, Actes Sud/musée du quai Branly, catalogue de l’exposition, 2011, parties 2 et 3.
8 Chalaye S., Nègres en images, Paris, L’Harmattan, 2002, et Coutelet N., Étranges sur la scène des Folies-Bergère, 1871-1936, Saint-Denis, PUV, coll. « Théâtres du monde », 2015.
9 Bancel N., Blanchard P., Boëtsch G., Deroo É. et Lemaire S. (dir.), Zoos humains. temps des exhibitions humaines [2002], Paris, La Découverte, 2004. Voir également le documentaire d’images d’archives d’Éric Deroo, Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines [2002], DVD, 2009, 52’.
10 Ibid., p. 9 : « L’altérité n’est pas qu’un statut, c’est aussi la part étrange, inassimilable, qui rend possible la construction des identités sociales, culturelles ou corporelles. L’altérité est une nécessité, et elle induit le stéréotype. Processus dialectique, la mise à distance de l’“anormal” s’accompagne de sa plus grande visibilité comme “monstre”. »
11 Société philomathique de Bordeaux, « Les Villages exotiques », L’Exposition de Bordeaux 1895, Bordeaux Féret et Fils, Paris, Ancienne maison Quantin, 1895, p. 169-176. C’est la source des citations qui suivent. Remerciements à Christelle Lozère pour avoir attiré mon attention sur ce texte.
12 Après l’abrogation par le premier consul Napoléon Bonaparte en 1802 de la tentative d’lition de l’esclavage (à l’initiative de l’abbé Grégoire dès février 1794), dans un climat marqué par la répression de plus en plus violente des insurrections d’esclaves dans les colonies des Antilles, de nombreuses sociétés philanthropiques, influencées par le modèle britannique, font pression sur le pouvoir politique, notamment à partir de la monarchie de Juillet. Elles militent activement pour obtenir une abolition du système esclavagiste qui ne sera effective qu’à partir de 1848. Ses membres sont régulièrement la cible de cabales de riches planteurs coloniaux.
13 Descola P., Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, « nrf », 2005, et plus récemment La Fabrique des images. Visions du monde et formes de la représentation, Paris, Somagy édition d’art/Musée du quai Branly, 2010.
14 Latour B., Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, Paris, La Découverte, 2012. Cette « anthropologie des Modernes » est inspirée par la construction de « faitiches » (néologisme par contraction entre faits et fétiches) issus de notre propre structure fantasmatique et d’un rapport dévoyé au savoir et à l’altérité au sein d’une culture matérielle massifiée. Sur ce point voir Latour B., Petite Réflexion sur le culte moderne des dieux faitiches [1996] Paris, Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2009.
15 Au sens donné à ce terme par Edward W. Saïd dans L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident [1978], trad. Catherine Malamoud, Paris, Le Seuil, 2005.
16 Il est qualifié par erreur par le rédacteur de « sénégalais », indice de ses compétences approximatives en matière d’« ethnographie ».
17 Bergson H., Le Rire. Essai sur la signification du comique (1900), Paris, Alcan, 1924, p. 15.
18 Heinich N., De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, 2012.
19 Rosanvallon P., Le Parlement des invisibles. Raconter la vie, Paris, Le Seuil, 2014.
20 Mubi Brighenti A., Visibility in Social Theory and Social Research, Basingstoke, Palgrave, McMillan, 2010. Voir également Boidy M., « Politiques de la visibilité », Revue des livres, no 14, nov.-déc. 2013, p. 76-79.
21 Blanchard P. et Daeninckx D., « Un chef revient parmi les siens », Le Monde, 11-12 août 2013, p. 16.
22 Bancel N. et al. (dir.), Zoos humains…, op. cit., p. 6. Voir aussi Blanchard P., « Les zoos humains aujourd’hui ? », ibid., p. 417-427.
23 Razac O., L’Écran et le zoo. Spectacle et domestication des expositions coloniales à Loft Story, Paris, Denoël, 2002.
24 Shahryari K. et Zang M., « L’imaginaire colonial des scènes françaises », Cassandre, printemps 2013 : « La mémoire du Noir fait partie du récit national, qui comporte beaucoup de cases vides. Il faut remplir ces cases-là avec du réel, mettre du visible sur l’invisible. »
25 Fassin É., « La race, ça nous regarde », Libération, 26 juillet 2013, p. 20.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Shakespeare au XXe siècle
Mises en scène, mises en perspective de King Richard II
Pascale Drouet (dir.)
2007
Eugène Scribe
Un maître de la scène théâtrale et lyrique au XIXe siècle
Olivier Bara et Jean-Claude Yon (dir.)
2016
Galions engloutis
Anne Ubersfeld
Anne Ubersfeld Pierre Frantz, Isabelle Moindrot et Florence Naugrette (dir.)
2011