« Survivre dans le refuge des sensations discrètes » : le dit et le montré dans les écrits de Charlotte Delbo
p. 59-68
Résumés
Quelques phrases simples, et Charlotte Delbo dit la privation des objets et la disparition de la nature au sein des camps, mais également la douleur singulière de la rescapée : l’expérience que constituent les jours passés à Auschwitz n’est traduisible en aucun langage. Ni les mots – « depuis longtemps décolorés » – ni les images – « depuis longtemps livides » – ne suffisent à relater les faits ni les sentiments. Affadissement de tous les langages contre lequel il faudrait lutter pour continuer d’exister et, un jour peut-être, témoigner. Comment la scène théâtrale peut-elle donc contenir et traduire l’essentiel de l’expérience concentrationnaire ? Peut-on y montrer ce qu’on ne peut dire et dire ce qu’on ne peut y montrer ? L’image aurait-elle valeur de remplacement quand les mots manquent pour dire la vérité des camps ?
A few simple sentences in which Charlotte Delbo expresses the loss of things and the disappearance of nature in the midst of camps as well as the singular grief of a survivor: the experience of days spent at Auschwitz can’t be translated into any language. Neither the words “so long ago faded away” nor the images “pallid for such a long time” can alone describe the facts or the feelings endured by prisoners. All languages become dull and meaningless, a fact against which it would be necessary to struggle to go on living and, may be some day, testify. How can a theatre stage contain and translate the mere core of an experience in a concentration camp? Can they show what can’t be named or even shown? Could images replace words to expose the truth about camps?
Extrait
« Ici, en dehors du temps, sous le soleil d’avant la création, les yeux pâlissent. Les yeux s’éteignent. Les lèvres pâlissent. Les lèvres meurent.
Toutes les paroles sont depuis longtemps flétries.
Tous les mots sont depuis longtemps décolorés.
Graminée – ombrelle – source – une grappe de lilas – l’ondée – toutes les images sont depuis longtemps livides.
Pourquoi ai-je gardé la mémoire1 ? »
1Quelques phrases simples, et Charlotte Delbo dit la privation des objets et la disparition de la nature au sein des camps, mais également la douleur singulière de la rescapée : l’expérience que constituent les jours passés à Auschwitz n’est traduisible en aucun langage. Ni les mots, « depuis longtemps décolorés », ni les images, « depuis longtemps livides », ne suffisent à relater les faits ni les sentiments. Affadissement de tous les langages contre lequel il faudrait lutter pour continuer d’exister et, un jour peut-être, témoigner. Comment la scène théâtrale peut-elle donc contenir et traduir
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