1 G.-M. Coissac a donc eu tort d’attribuer à Jules Duboscq la substitution des photographies aux dessins en relief : c’est Brewster qui lui a fourni le prototype de l’appareil photographique binoculaire en 1850.
2 David Brewster, The Stereoscope, Its History, Theory and Construction, Londres, J. Murray, 1856, p. 205-207. C’est moi qui traduis cette citation et les autres textes anglais cités dans le texte.
3 Denis Pellerin, La photographie stéréographique sous le Second Empire, Paris, BnF, 1995, p. 14, cité par Philippe Willems dans un texte inédit. Willems suggère aussi que les séries narratives dans les cartes stéréoscopiques, y compris dans celles avec des spirites, auraient pu influencer Méliès.
4 Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1961, p. 1034. Image reprise par Noël Burch pour La lucarne de l’infini : naissance du langage cinématographique, Paris, Nathan, 1991.
5 William Merrin, « Skylights onto Infinity: The World in a Stereoscope », in Vanessa Toulmin et Simon Popple (dir.), Visual Delights 2, Eastleigh, J. Libbey Publishing, 2005, p. 163.
6 Paul de Saint-Victor, en 1863, cité dans Laurent Mannoni, « La lanterne magique du Boulevard du Crime : Henri Robin, fantasmagore et magicien », 1895, no 16, 1994, p. 19.
7 Voir l’Abbé Moigno, L’Art des projections, Paris, Gauthier-Villars, 1872. Antoine Claudet a produit des figures animées en relief avec des disques stroboscopiques en 1853, mais n’a pas pu les projeter, selon Jean Vivié, Prélude au cinéma, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 96.
8 D. Brewster, op. cit., p. 208.
9 Ibid.
10 Il est décrit en détail dans The Optical Magic Lantern, vol. 2, no 29, 1er octobre 1891, p. 156.
11 Toutefois, Peter Hubert Desvignes a déposé un brevet en 1863 (Brit. no 3089) pour « obtenir des effets fondants stéréoscopiques à l’aide d’une plaque de mica ». Cela laisse supposer qu’il n’y a pas eu de fondu enchaîné dans les projections de lanterne d’Almeida en 1858.
12 W. R. Hill et M. Childe les introduisent en 1842-1843 ; voir G. H. Baker, « Dissolving Views », The Optical Magic Lantern, vol. 3, no 34, 1892, p. 29-31. Voir aussi Magazine of Science, 25 mars 1843. Selon d’aucuns, le fondu enchaîné aurait existé dans la fantasmagorie.
13 Gaston Tissandier, « L’art des projections : son histoire », La Nature, 15 octobre 1890.
14 Remy de Gourmont, « La leçon des yeux », in Daniel Banda et José Moure, Le cinéma : naissance d’un art (1895-1920), Paris, Flammarion, 2008, p. 118.
15 Le fondu enchaîné est « mouvement, donc transformation donnée à voir en progrès, une figure […] d’une apparition/disparition, en cela purement cinématographique » (Christian Metz, Essais sur la signification au cinéma, Paris, Klincksieck, 2003, p. 124).
16 Jean Epstein, « L’Art d’événement », Comœdia, 18 octobre 1927.
17 La complexité du système de deux films projetés en même temps et nécessitant des stéréoscopes individuels pour les spectateurs ( !) en a rendu impossible la commercialisation. Ray Zone a recensé les essais de projection de films stéréoscopiques qui se sont soldés par un échec dans Stereoscopic Cinema and the Origins of 3-D Film, Lexington, University Press of Kentucky, 2007, p. 33, 38, 43 et 59. L’histoire des essais de projection en 3D est fascinante ; outre les travaux de Zone, de Vivié et de Mannoni (Le grand art de la lumière et de l’ombre), il faut lire les articles de Ciné-Journal, à commencer par le premier numéro (15 août 1908).
18 La méthode d’Almeida sans lunettes (dite « à éclipses ») consiste en deux vues superposées pour deux lanternes.
19 Hugo Munsterberg, The Photoplay: A Psychological Study, New York, D. Appleton, 1916, p. 53.
20 Édouard Toulouse et Raoul Mourgue, « Des réactions respiratoires au cours de projections cinématographiques » [1920], article cité dans Léon Moussinac, Naissance du cinéma, Plan-de-la-Tour, Éditions d’aujourd’hui, 1983, p. 174.
21 Albert Michotte Van Den Berck, « Le caractère de “réalité” des projections cinématographiques » [1948], article cité dans C. Metz, op. cit., p. 17. Metz cite aussi Cesare L. Musatti, « Les phénomènes stéréocinétiques et les effets stéréoscopiques du cinéma normal », Revue internationale de filmologie, no 29, janvier-mars 1957.
22 R. de Gourmont, op. cit., p. 118.
23 Cité dans N. Burch, op. cit., p. 174.
24 Georges Méliès, « Les vues cinématographiques. Causerie par Geo. Méliès », Annuaire général et international de la photographie, Paris, Plon, 1907, p. 387.
25 Ibid., p. 370.
26 H. Munsterberg, op. cit., p. 106. Il ajoute que cette expérience ne peut s’incarner que dans un film.
27 H. M. Underhill, « Instantaneous Dissolving », The Optical Magic Lantern, vol. 3, no 35, janvier-décembre 1892, p. 46-49.
28 Moigno, op. cit., p. 68.
29 La grande majorité des psychologues et psychiatres ne se penchent sur le cinéma que vers 1910 ; cependant, certains décrivent des phénomènes tout à fait semblables au fondu enchaîné.
30 Tom Gunning, depuis longtemps, attribue l’étonnement du spectateur de Méliès aux prouesses techniques plutôt qu’au surnaturel. Mon travail apporte un nouvel élément à ce glissement : l’importance des illusions perceptuelles et de l’hallucination dans la culture de l’époque.
31 Fulgence Marion, L’optique, Paris, Hachette, 1874, p. 63.
32 On trouve « Photographie d’effluves humains et magnétiques » à la même page où Tissandier écrit que « le cinématographe va bientôt franchir le domaine de l’irréel et de l’incompréhensible, pour peu que nos cinématographes veulent [sic] bien [faire des surimpressions] » (« Cinématographies spirites », La Nature, 1er novembre 1897, p. 350).
33 Rudolf Arnheim, Art and Visual Perception, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 1974, p. 227.
34 Brewster a exploité « un défaut visuel singulier » qui rappelle les Gestalts : il a lieu quand on regarde une scène en fermant un œil, puis l’autre. Il transpose cette illusion pour le stéréoscope en invertissant les images droite et gauche : « Ce qui était convexe est maintenant concave […] et ce qui est proche est distant » (op. cit., p. 209-210).
35 Paul Souriau, La suggestion dans l’art, Paris, Alcan, 1893, p. 75. Voir Rae Beth Gordon, Ornament, Fantasy and Desire, Princeton, Princeton University Press, 1992, p. 17-19 et 237-239.
36 L’effet continue à interpeller les artistes : dans La mort de Robert Walser de Thierry Kuntzel, « fond devient figure dans le mouvement qui le distend [avant qu’il] se perd[e] », ce qui fait que l’on ressent l’écart « radical entre avoir vu et n’avoir pas vu [et] avoir pensé qu’on a vu ou non » (Raymond Bellour, Trafic, no 1, hiver 1991).
37 Le sous-titre est Question médico-légale sur l’isolement des aliénés, Paris, Crochard, 1832.
38 P. Souriau, op. cit., p. 82 ; du même auteur, voir aussi L’imagination de l’artiste, Paris, Hachette, 1901.
39 James Sully, Illusions: A Psychological Study, Londres, Kegan & Paul, 1881, p. 2.
40 Théodule Ribot, compte rendu d’Illusions, Revue philosophique de la France et de l’étranger, octobre 1881, p. 438.
41 Voir Paul Dheur, Les hallucinations volontaires, Paris, Société des Éditions scientifiques, 1899.
42 Voir Henri Ey, Traité des hallucinations, t. I, Paris, Masson, 1973, p. 113.
43 Max Nordau, Degeneration [1892] (trad. Entartung), New York, Fertig, 1968, p. 56-57 ; je souligne.
44 Voir R. B. Gordon, De Charcot à Charlot. Mises en scène du corps pathologique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
45 « La psychologie de la prestidigitation », Revue des Deux Mondes, 15 août 1894. Anne-Marie Quévrain et Marie-Georges Charconnet-Méliès se sont penchées sur l’importance de la suggestion et de l’hypnotisme dans leur article important « Méliès et Freud : un avenir pour les marchands d’illusions », in Madeleine Malthête-Méliès (dir.), Méliès et la naissance du spectacle cinématographique, Paris, Colloque de Cerisy/Klincksieck, 1984.
46 Ce pouvoir chez le metteur en scène est analysé par Munsterberg, Toulouse et Mourgue, Jean Epstein et bien d’autres.
47 « Quelques effets particuliers des projections cinématographiques sur les névrosés », in D. Banda et J. Moure, op. cit., p. 289 et 294 ; je souligne.
48 La suite du récit est strictement semblable aux cas cités par F. Marion, d’après Brierre de Boismont, op. cit, p. 60-61. Marion constate aussi « qu’un tableau qui nous a vivement frappés peut réapparaître » (p. 281).
49 G. d’Abundo, op. cit, p. 292.
50 Ibid., p. 293 ; je souligne.
51 Ibid., p. 290.
52 La place manque pour citer toutes les études sur la qualité tactile du cinéma (Benjamin, Hansen, Sirois-Trahan, etc.).
53 Notez que le stéréoscope prépare bien l’avènement du film à trucs en « développ[ant] dans le cerveau de l’enfant le goût des effets merveilleux et surprenants » (C. Baudelaire, « Morale du joujou », op. cit., p. 528).