Lexique des termes liés à l’eau dans les écrits sur le cinéma français des années 20
p. 291-302
Texte intégral
1L’imaginaire cinématographique des années 20 est pétri d’images, mais en France du moins, et sans doute plus qu’ailleurs, il est aussi pétri de mots. Bon nombre de cinéastes trouvaient ainsi dans la critique un moyen d’exposer leurs vues sur le « septième art » et, pour certains d’entre eux, ce fut même parfois l’occasion d’ébaucher un système qui, à travers le cinéma, était aussi bien une vision du monde. L’écriture permet bien des inventions, elle use de la métaphore ou de l’adjectif comme moyens de récrire le monde en palimpseste, de donner corps à des visions, de mettre un nom sur des phénomènes, d’exprimer l’ineffable du mouvement des images. C’est pourquoi le champ lexical de l’eau est partout présent lorsqu’il s’agit de décrire un plan, un projet, une méthode travail ou, de façon plus abstraite, le dispositif cinématographique en tant que tel. On le retrouve sous la plume des cinéastes bien sûr, mais aussi des critiques et des théoriciens qui se sont attachés à penser le cinéma français, des années 20 jusqu’aux exégèses contemporaines.
2Ce petit lexique, qui est loin d’être exhaustif, présente quelques-uns des termes les plus usités pour qualifier le cinéma français de la fin du muet dans son rapport à l’élément liquide. On a choisi ici de laisser la parole aux autres, sans commentaire ou contextualisation autres que la précision des références des citations. Libre au lecteur d’y chercher des ramifications, des renvois, des résurgences, puisque ces termes sont par ailleurs assez largement abordés tout au long de l’ouvrage : par souci de laisser à chacun la liberté d’y construire son propre parcours, d’y rajouter mentalement ses propres sources, et aussi, avouons-le, parce qu’il n’est pas désagréable de s’autoriser un peu de jeu – au double sens du terme – dans la construction du savoir.
3Affluent :
4– « Dans le petit ruisseau du récit sur l’écran unique, j’ouvre à mon gré les vannes des affluents que toute l’orchestration visuelle simultanée met à ma disposition1. »
5Aquatique :
6– « Du commencement à la fin, ce film [La Brière] vit d’une existence aquatique, lente, sournoise2. »
7– « Les travellings aquatiques, par lesquels débute [La Fille de l’eau]3. »
8Aqueux :
9– « Epstein traite l’air comme un milieu aqueux et réciproquement4. »
10Baigner :
11– « L’idée était très ancrée dans mon esprit que le cinématographe, s’il devait être grand, ne devait pas dédaigner le documentaire, si bien que tout film de fabulation devait en comporter une part. Déjà, dans L’Homme du large ce documentaire, qui baignait l’action, la détournait du théâtre5. »
12Bruine :
13– « Mes collaborateurs et moi, nous venons de vivre sur la côte bretonne et sur la mer. Le roman de Loti [Pêcheur d’Islande], nous l’avons lu, étudié, médité jusqu’à ce qu’il entrât en nous ainsi qu’une bruine6. »
14Congeler :
15– « Grâce à cette variabilité du temps cinématographique, l’image d’une vague dont on ralentit progressivement le mouvement, peut conserver d’abord sa forme liquide, puis passer par des degrés de viscosité croissante, jusqu’à presque se congeler, se solidifier enfin7. »
16Coulée :
17– « Dans son ensemble, le développement d’un film est d’une coulée rythmique8. »
18– « Il suffit de comparer certains plans de L’Hirondelle et la Mésange aux “panoramas de villes pris d’un bateau” par Promio, et plus précisément celle d’Anvers : même sentiment de vitesse, même coulée, même étonnement devant ce qui vient à la caméra ; mais ici la vue ne fait plus événement, ne constitue plus un instant prégnant ; elle est noyée dans le défilement des séquences9. »
19– « Une autre équivalence de la création renoirienne avec une “pensée des eaux” se manifeste au niveau du découpage qui apparaît très continu, le plus souvent d’une seule coulée, utilisant la mobilité de la caméra en des mouvements d’appareil souples, fluides, sinueux, évoquant tout à fait, suivant leur amplitude, le débit capricieux d’un ruisseau ou le cours majestueux d’un fleuve10. »
20Couler :
21– « Jean Epstein, qui est fort intelligent en dépit du pathos dont il use pour exprimer sa pensée, a compris qu’il convenait de remonter le courant s’il ne voulait point couler à pic dans l’indifférence générale11. »
22Courant :
23– « La Pensée, courant d’eau vive qui nous apporte les aliments les plus précieux à chaque battement de notre cœur, fonctionne par abstraction. Pas d’objet réel : l’abstraction d’un objet12. »
24– « Il y a dans le mouvement du film un côté inéluctable qui l’apparente au courant des ruisseaux, au déroulement des fleuves13. »
25Crue :
26– « Aujourd’hui, où nos préoccupations sont autres, où nous ne voyons plus qu’une eau calme là où il y avait le tourbillon de la crue, où nous sommes beaucoup plus intéressés par ce qui surnage que par le phénomène de la montée des eaux, on ne dira jamais assez ce que le cinéma doit à ce laboratoire expérimental que fut la première avant-garde française entre 1919 et 192414. »
27Eau :
28– « Esprit de cinéma de Jean Epstein […] est, de très loin, le plus extraordinaire [ouvrage] que j’aie lu sur le cinéma. Il sera, un jour, objet d’étude dans les universités – et je ne serais pas étonné que les nouvelles générations de cinéastes amorcent la bombe atomique destructrice de tout le cinéma actuel avec l’eau lourde de ce grand et puissant livre15. »
29– « Les travellings aquatiques, par lesquels débute [La Fille de l’eau], rendent physiquement sensible la présence visuelle de l’eau en procurant la sensation matérielle de l’écoulement16. »
30– « À la faveur d’un transfert de qualité (la fluidité) sur le filmage lui-même (le rebord du cadre comme niveau d’eau), Allan s’évanouit par le bas du cadre devenu ligne d’horizon d’une marée montante17. »
31Écluse :
32– « Les écluses du nouvel art sont ouvertes18. »
33– « Il faut, à cet instant du départ de l’armée d’Italie [dans Napoléon] que deux rideaux s’ouvrent brusquement à droite et à gauche de l’écran, démasquant deux autres écrans sans solution de continuité. Comme si les trois vannes d’une écluse étaient simultanément ouvertes19. »
34– « Les écluses du nouvel art sont ouvertes, les Images innombrables se bousculent et s’offrent, multiples, à nos possibilités20. »
35Écoulement :
36– « Il faut donc reconnaître que les classifications morphologiques n’ont de valeur que relativement à une certaine vitesse d’écoulement du temps. Si elles restent utilisables dans notre monde, c’est que celui-ci est à temps soit constant, soit lentement et régulièrement variable, mais elles ne valent guère dans l’univers que révèle le cinématographe21. »
37– « Au temps du muet, tous ceux qui avaient acquis un certain sens de la langue cinématographique, éprouvaient une gêne devant le sous-titre [i. e. l’intertitre] qui, trop souvent, rompait le rythme du récit imagé, par l’introduction de la cadence plus lourde de la lecture, comme d’un obstacle solide, brisant l’écoulement d’un fluide22. »
38– « Ainsi, dans le monde qu’il voit à l’écran, le spectateur, qu’il le veuille ou non, qu’il le comprenne ou non, a son attention attirée, à l’encontre de ses habitudes d’esprit classiques, sur le changement, la malléabilité, l’écoulement des formes23. »
39– « Plongées et contre-plongées, fondus, surimpressions, jeux de reflets, jets intempestifs, rideaux de pluie […], la rhétorique du film prend l’eau de toutes parts. Jusqu’à la symbiose, lorsque le cours même du récit se glisse dans le lit d’un fleuve. Le défilement s’y fait écoulement24. »
40Écume :
41– « Tout ce qui marque et pare les fonds glauques de l’océan et de la vie, le songe et la griserie, l’amoureuse ferveur et la naïve confiance en la justice des jours humains, tout cela est fragile, éphémère et léger comme l’écume25. »
42Engloutir :
43– « Selon Epstein, il fallait dénier l’abstraction plastique pour mieux l’engloutir et déployer jusqu’au bout l’ultra-figurativité26 ».
44Floculation :
45– Chez Epstein, « les mouvements de l’eau – vaguelettes qui la parcourent – n’ont plus pour fonction de représenter la surface ridée d’une eau mais provoquent une espèce d’hypnose où l’attention au monde se fait flottante et rend le visible à une apparente confusion qui est celle du fourmillement, de la floculation des micro-perceptions27 ».
46Flottant :
47– « Comment donner à voir la transformation d’une perception claire et toute terrestre, sensitive-motrice, en une attention flottante28 ? »
48Flotter :
49– « Danse des nuages, danse des bougies et des feuilles mortes, danse du cercueil qui, voilà quelques plans, chutait au ralenti sur les marches d’un escalier et flotte maintenant dans le cadre, comme en lévitation, enfin délesté de son poids29. »
50Fluide :
51– « Logique du fluide30. »
52– « L’œuvre documentaire de Grémillon parcourt ce mouvement, de la mécanique des solides à une mécanique des fluides, de l’industrie à son arrière-fond marin31. »
53– Dans La Chute de la maison Usher, « l’effet de perspective produit […] une double impression d’accélération […] et de ralenti […] : temps élastique, “mouvement aberrant” selon Deleuze, mécanique des fluides en tout cas, laquelle consiste ici en une anamorphose du temps par distorsion du filmage (le ralenti) et de l’espace32 ».
54– Selon Epstein, « l’instabilité du mouvement engendre l’instabilité des formes. Les formes sont aussi mobiles que les mouvements dont elles sont affectées et “se comportent comme des fluides ”. Elles “entrent en liquidité”33 ».
55– « Le fluide photogénique : Jean Epstein34. »
56– Si l’espace cinématographique « ne possède ni homogénéité, ni symétrie, c’est qu’il représente un espace en mouvement ou, pour mieux dire, un espace suscité, non plus, comme l’espace euclidien, par des positions bien déterminées de solides aux formes stables, mais par des déplacements mal définis de spectres qui sont mobiles aussi dans leur forme et qui se comportent comme des fluides35 ».
57– « Ainsi, de la façon la plus générale, grâce à la photogénie du mouvement, le cinématographe nous montre que la forme n’est que l’état précaire d’une mobilité fondamentale, et que, le mouvement étant universel et variablement variable, toute forme est inconstante, inconsistante, fluide36. »
58– « Vous vous souvenez de ces images vues les unes au travers des autres, comme des ombres à travers lesquelles apparaissent d’autres images, transparentes et fluides37. »
59– « Des êtres passent, habitants nécessaires de ces ambiances choisies. Ils sont fluides, à vrai dire, et se distinguent si peu de leur milieu qu’on ne sait pas encore si ce sont eux ou les choses qui parleront le mieux38. »
60– « J’évoque sur des voiles une projection lumineuse ! Matière précise ! Non. Rythmes fluides39. »
61Fluidité :
62– Sur Germaine Dulac : « Quelle patience pour chanter en images la fluidité des jets d’eau, leurs tracés changeants, la moire des poussières liquides40. »
63– « Pourquoi Dulac hériterait-elle du symbolisme ? Selon cette analyse, parce que la réalisatrice viserait une certaine fluidité des images, une sorte d’euphorie expressive et d’harmonie quasi musicale41. »
64– Pour le remontage de L’Hirondelle et la Mésange, « l’eau vous inspire une fluidité des raccords. Vous montez plan sur plan des travellings le long des berges42 ».
65– « Le cinéma est, par excellence, l’appareil de détection et de représentation du mouvement, c’est-à-dire de la variance de toutes les relations dans l’espace et le temps, de la relativité de toute mesure, de l’instabilité de tous les repères, de la fluidité de l’univers43. »
66Flux :
67– « Voilà la matière du cinéma. C’est la matière du temps plus que de l’espace, du mouvement plus que de la trace, du flux plus que du tracé, de la modulation plus que de la structure, de la force plus que de la forme44. »
68– Objectif de Marseille, Vieux-Port : saisir « une pluralité mouvante baignée de lumière, le grand flux des corps, des eaux, des machines et des ombres45 ».
69– « Comme élément stylistique de l’art muet, le montage s’oppose à la sonorisation, mais en morcelant le flux visuel il prépare les ruptures et les éclats que sont les bruits. Cela explique que les films soient restés si longtemps silencieux et qu’ils se soient mis si vite à parler46. »
70Gouttes :
71– « Plus tard, on parviendra à composer des poèmes cinématographiques parfaits, avec leurs rimes qui tomberont à intervalles réguliers, comme des gouttes, par des rappels d’images47… »
72Houleux :
73– « Le Napoléon d’Abel Gance contient une séquence spectaculaire où les images d’un Bonaparte à la dérive se superposent aux débats houleux de la Convention. Comme si le déchaînement des éléments avait pour effet de bousculer les plans48. »
74Liquéfaction :
75– L’espace cinématographique « est un monstre qui, par liquéfaction des formes, devient géométriquement et mécaniquement presque insaisissable49 ».
76– « Liquéfaction et solidification : de deux tendances perceptives50. »
77Liquéfié :
78– « Placées dans cette mobilité, élevées en quelque sorte au carré, toutes les formes s’en trouvent atteintes et malléabilisées, refondues ou retrempées ou liquéfiées, à preuve de ce qu’elles ne sont rien d’autre que des formes de mouvement51. »
79Liquéfier :
80– « Pour Epstein, il s’agit de liquéfier l’air, de donner chair au vide, de procurer aux gaz une densité, une substance, en un mot, de matérialiser l’impalpable52. »
81– « Quand toutes les formes se liquéfient dans une perpétuelle mobilité, le principe d’identité leur devient aussi inapplicable qu’aux vagues de la mer53. »
82Liquide :
83– « Il n’existe pas de forme fixe dans un monde dont toutes les figures, mobilisables, liquéfiables, ne sont que des états de mouvement ; où la rigidité n’est que lenteur ; où, selon la vitesse du temps, il faut passer de la géométrie des solides à celle des visqueux, puis à celles (s’il en est) des liquides, des gaz, et les inventer54. »
84– Dans les années 20 « on s’oppose à une conception de la matière comme solide pour lui substituer une vision d’un monde en perpétuel mouvement – comme les liquides et les gaz55 ».
85– « Tandis que le dicisigne dressait un cadre qui isolait et solidifiait l’image, le reume56 renvoyait à une image qui devenait liquide, et qui passait à travers ou sous le cadre. La conscience-caméra devenait un reume, parce qu’elle s’actualisait dans une perception fluente et atteignait ainsi à une détermination matérielle, à une matière-écoulement57. »
86– « Le monde de l’écran, à volonté agrandi et rapetissé, accéléré et ralenti, constitue le domaine par excellence du malléable, du visqueux, du liquide58. »
87Marée :
88– « Beaucoup d’“avant-gardistes” étaient proprement écœurés de voir que le langage allusif et suggestif des images mouvantes allait être subitement remplacé par le langage parlé. Toute une poésie du cinéma allait disparaître avec la marée du parlant59. »
89– « Novateurs ? Ils suivent. Ils obéissent aux tourbillons lumineux. Ils s’essoufflent même. On dit qu’ils sont à l’avant-garde. Comment peut-on être à l’avant-garde d’un vent violent ou d’une marée trop forte60 ? »
90Mer :
91– « Aussi peut-être petites raies d’abord/Ensuite grossissant à mesure qu’elles vont plus vite/(mal de mer si possible)61. »
92– « On dirait que, pour vous, il n’y a pas d’art sans mal de mer !… Je renonce à vous comprendre62… »
93Météorologique :
94– « Qu’a donc pu inventer cette “secte des adorateurs du soleil” qui ne fût déjà dans l’image ? Tout ce que l’instrument a pris en même temps que l’image : le vent, la poussière et le temps qui est entré comme une perturbation météorologique dans le monde des images63. »
95Navire :
96– « Depuis le début de cette grande œuvre [Napoléon], je suis resté muet, tendu, les dents serrées courageusement dans un océan d’incompréhensions et de maladresses. Et quand la tempête est venue, j’ai tout essayé pour sauver mon magnifique navire64. »
97Neige :
98– « L’exemple le plus merveilleux est celui du plongeur dont les élans, la coupe, le mouvement, pris au ralenti, réalisent une suite incomparable d’attitudes enveloppées d’une écume légère et solennelle comme une neige interminable65. »
99Noyé :
100– « Ici la vue ne fait plus événement, ne constitue plus un instant prégnant ; elle est noyée dans le défilement des séquences66. »
101Noyer :
102– Pour Napoléon, Gance « exige de ses opérateurs d’exécuter avec la caméra toutes les prouesses possibles et imaginables. Il veut qu’elle marche avec l’homme, coure avec le cheval, glisse avec le traîneau, se noie dans les tempêtes, monte, descende, virevolte, culbute à volonté67… »
103Océan :
104– « Huit fois ralentie, étalée dans la durée, une vague développe aussi une atmosphère d’envoûtement. La mer change de forme et de substance. Entre l’eau et la glace, entre le liquide et le solide, il se crée une matière nouvelle, un océan de mouvements visqueux, un univers embourbé en lui-même68. »
105Ondulation :
106– « De la progression horizontale de la brume, de l’ondulation sans fin des tentures, de la pesanteur du balancier, de l’affaissement au ralenti de lady Madeline, […] nous déduisons la matière du milieu epsteinien, sa densité (lourde), sa texture (fluide)69. »
107Ruisseau :
108– « Dans le petit ruisseau du récit sur l’écran unique, j’ouvre à mon gré les vannes des affluents que toute l’orchestration visuelle simultanée met à ma disposition70. »
109Submergé :
110– « Le récit d’abord absorbé, submergé, se débarrasse de tout ce qui alourdissait sa marche pour ne plus être que la perle ou le diamant d’écume qui remonte lorsqu’il en est besoin sur la crête des vagues : voilà la polyvision71. »
111Tempête :
112– « Si éclatantes que soient ces visions inattendues, elles ne sont que l’écume d’une mer en travail et en tempête dont on ne voit pas les horizons. L’horizon ce sera d’abord un homme. Qui ? Peut-être pas un Américain72. »
113Torrent :
114– « Gance pensait en images avant tout. Il assaillit les sens des spectateurs, déversant sur eux un torrent de visions remarquables73. »
115– Avec le triple écran dans Napoléon « va s’engouffrer alors dans le public le torrent le plus véhément et le plus riche de puissance humaine que l’histoire ait vu se déchaîner74 ».
116– « Ne demandons pas toujours des chefs-d’œuvre. Contentons-nous d’être parfois emportés par un torrent d’images75. »
117Tourbillon :
118– « Le Cinéma. Tourbillon des mouvements dans l’espace76. »
119– « Commençant le mouvement doucement et se terminant dans un tourbillon77. »
120Vague :
121– « Quand toutes les formes se liquéfient dans une perpétuelle mobilité, le principe d’identité leur devient aussi inapplicable qu’aux vagues de la mer78. »
122– « L’autre jour j’ai vu sur l’écran une vague qui tenait tout le cadre, une vague immense qui s’élevait transparente, géante, dans la lumière. Je ne saurais décrire son aspect féérique et formidable, mais je savais la traîtrise de la mer, et je l’ai vue ! J’ai vu en cet instant sa face hypocrite et mauvaise, superbe et si dangereuse79. »
123Viscosité :
124– « Seul, le cinéma peut nous montrer une vie vingt fois plus lente ou cinquante mille fois plus rapide, dans laquelle nous découvrons la reptation du minéral, la floraison des cristaux, l’élasticité et la solidité de l’eau, la viscosité des continents, la gesticulation des plantes, la rigidité des nuages, lancés à travers le ciel comme des flèches, la pétrification de l’homme lui-même, devenant sa propre statue80. »
125– « Ce n’est pas un des moindres événements esthétiques, en effet, que cet état de la matière, cet état nouveau qui découle de la conjugaison d’un mouvement irrémédiable (la vague) et d’une vitesse variable (le défilement des photogrammes). Et cet état pourrait être nommé viscosité. Entre solidification et liquéfaction, la viscosité décrit ce à quoi le ralenti contraint le cinéma : tirer le temps vers l’illusion d’une matière, une matière plastique81. »
126Visqueux :
127– « Hors quelques séquences d’exposition : le port de Marseille, les ruelles sordides et visqueuses, le débarquement d’un navire, toute l’action [de Fièvre] se passe dans un bar à matelots82. »
128– « Chez Epstein, ce sont par exemple ces images de l’étang, tour à tour scintillant et léger […] puis soudainement opaque et visqueux […], ce sont ces nuages dans lesquels luttent des forces contraires83. »
Notes de bas de page
1 Abel Gance, « Départ vers la polyvision », dans Blandine Lepage (dir.), Abel Gance, op. cit., p. 83-84. Pour chaque citation à venir dans ce chapitre, c’est moi qui souligne.
2 Henri Fescourt, La foi et les montagnes, op. cit., p. 323.
3 Frank Curot, L’eau et la terre dans les films de Jean Renoir, op. cit., p. 13.
4 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 143.
5 Jean-André Fieschi, « Autour du cinématographe », op. cit., p. 33.
6 Jacques de Baroncelli, « Art, science et métier », op. cit., p. 130.
7 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 28.
8 Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, op. cit., p. 174.
9 Philippe Azoury, « Remonter les bords de la fiction », op. cit., p. 304.
10 Frank Curot, L’eau et la terre dans les films de Jean Renoir, op. cit., p. 10.
11 Georges Charensol, 40 ans de cinéma – 1895-1935 – Panorama du cinéma muet et parlant, Paris, Éditions du Sagittaire, coll. « Les documentaires », 1935, p. 181.
12 Jean Grémillon, « Propositions », op. cit., p. 76.
13 Jean Renoir, Ma vie et mes films, op. cit., p. 60.
14 Henri Langlois, « L’avant-garde française », op. cit., p. 13.
15 Abel Gance, « Mon ami Epstein », Cahiers du cinéma no 50, août-septembre 1955, p. 59.
16 Frank Curot, L’eau et la terre dans les films de Jean Renoir, op. cit., p. 13.
17 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 143.
18 Blaise Cendrars, L’ABC du cinéma, Paris, Denoël, coll. « Tout autour d’aujourd’hui », 2001, p. 145.
19 Abel Gance, cité par Jean Tulard, « Gance dans l’histoire du cinéma », dans Blandine Lepage (dir.), Abel Gance, op. cit., p. 20.
20 Abel Gance, « Le cinéma, c’est la musique de la lumière », op. cit., p. 58.
21 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 29.
22 Jean Epstein, « Alcool et cinéma », op. cit., p. 198.
23 Ibidem, p. 212.
24 Dominique Auzel, Voiles & toiles, op. cit., p. 29.
25 Jacques de Baroncelli, « Jacques de Baroncelli parle au Vieux-Colombier », Écrits sur le cinéma, op. cit., p. 132.
26 Nicole Brenez, « Ultra moderne. Jean Epstein contre l’avant-garde (repérage sur les valeurs figuratives) », op. cit., p. 221.
27 Loig Le Bihan, « Le regard vague », op. cit., p. 260.
28 Ibidem, p. 258.
29 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 143.
30 Jean Epstein, « Alcool et cinéma », op. cit., p. 210.
31 Gilles Deleuze, L’image-mouvement, op. cit., p. 113.
32 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 143.
33 Jean Epstein, « Le cinéma du diable », op. cit., p. 348.
34 Jacques Aumont, Les théories des cinéastes, op. cit., p. 77.
35 Jean Epstein, « Alcool et cinéma », op. cit., p. 214.
36 Jean Epstein, « Le cinéma du diable », op. cit., p. 404.
37 Abel Gance, « Le cinéma de demain », op. cit., p. 118.
38 Abel Gance, « Le temps de l’image est venu », op. cit., p. 85.
39 Germaine Dulac, « Du sentiment à la ligne », Écrits sur le cinéma, op. cit., p. 89.
40 Henri Fescourt, La foi et les montagnes, op. cit., p. 301.
41 Alain et Odette Virmaux, Artaud/Dulac – La Coquille et le clergyman, essai d’élucidation d’une querelle mythique, Paris, Paris Expérimental, coll. « Sine qua non », 1999, p. 55.
42 Philippe Le Guay, « Entretien avec Henri Colpi », op. cit., p. 66.
43 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 18.
44 Philippe Dubois, « La tempête et la matière-temps, ou le sublime et le figural dans l’œuvre de Jean Epstein », op. cit., p. 316.
45 Stéfani de Loppinot, « Marseille, Vieux-Port de László Moholy-Nagy – Psychophysique d’une ville », op. cit., p. 128.
46 Alain Masson, L’Image et la parole – L’avènement du cinéma parlant, Paris, La Différence, coll. « mobile matière », 1989, p. 128.
47 Abel Gance, « Ma Roue est incomprise du public », Un soleil dans chaque image, op. cit., p. 57.
48 Jacques Gerstenkorn, « Incandescences », Vertigo no 8, op. cit., p. 91.
49 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 29.
50 Loig Le Bihan, « Le regard vague », op. cit., p. 163.
51 Jean Epstein, « Alcool et cinéma », op. cit., p. 217.
52 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 142.
53 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 32.
54 Ibidem, p. 42.
55 Patrick de Haas, Cinéma intégral, op. cit., p. 124.
56 Du grec ancien rheïn, qui signifie « couler ».
57 Gilles Deleuze, L’image-mouvement, op. cit., p. 116.
58 Jean Epstein, « Le cinéma du diable », op. cit., p. 347.
59 Noureddine Ghali, L’Avant-Garde cinématographique en France dans les années vingt, op. cit., p. 317.
60 Louis Delluc, « Novateurs, primitifs, primaires », Cinéa no 93, 1er juin 1923. Repris dans Écrits cinématographiques II, op. cit., p. 346.
61 Marcel Duchamp, « Notes », dans Nicole Brenez et Christian Lebrat (dir.), Jeune, dure et pure !, op. cit., p. 90.
62 Jean Epstein, « L’imprévu et le prévu », op. cit., p. 49.
63 Jean-Louis Schefer, Du monde et du mouvement des images, op. cit., p. 18.
64 Abel Gance, « Je conçois une gigantesque fresque sur Napoléon », Un soleil dans chaque image, op. cit., p. 74.
65 Louis Delluc, « Le cinéma, art populaire », op. cit., p. 282.
66 Philippe Azoury, « Remonter les bords de la fiction », op. cit., p. 304.
67 Nelly Kaplan, « Abel Gance », op. cit., p. 41.
68 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 45.
69 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 143.
70 Abel Gance, « Départ vers la polyvision », op. cit., p. 83-84.
71 Ibidem, p. 84.
72 Louis Delluc, « Le cinéma existe », Comœdia illustré, 5 novembre 1919. Repris dans Écrits cinématographiques II, op. cit., p. 261.
73 David Robinson, Panorama du cinéma mondial, T. 1, Paris, Denoël/Gonthier, 1980, p. 130.
74 Abel Gance, cité par Jean Tulard, « Gance dans l’histoire du cinéma », op. cit., p. 20.
75 René Clair, Réflexion faite, op. cit., p. 22.
76 Blaise Cendrars, L’ABC du cinéma, op. cit., p. 141.
77 Marcel Duchamp, « Notes », op. cit., p. 90.
78 Jean Epstein, « Esprit de cinéma », op. cit., p. 32.
79 Georgette Leblanc, « Propos sur le cinéma », Mercure de France no 514, 16 novembre 1919. Reproduit dans Daniel Banda et José Moure (éd.), Le cinéma : naissance d’un art – 1895-1920, Paris, Flammarion, coll. « Champs arts », 2008, p. 379-380.
80 Jean Epstein, « Alcool et cinéma », op. cit., p. 217.
81 Dominique Païni, Le temps exposé, op. cit., p. 100.
82 Jean Mitry, Delluc, Paris, Anthologie du cinéma, 1971, p. 41.
83 Jean-Baptiste Thoret, « Matière des fantômes, fantômes de la matière », op. cit., p. 142.
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