L’eau et la figuration du mouvement, ou comment penser en mots et en images les puissances du cinéma comme art visuel
p. 185-186
Texte intégral
1Si les années d’après-guerre marquent à bien des égards un moment de réinvention du cinéma français, il ne faut pas oublier pour autant que ce qui constitue, à l’époque, le grand casus belli est la légitimation du cinéma en tant que forme artistique à part entière. L’armistice à peine signée, une cohorte de jeunes gens déclare à tout crin qu’un nouvel art est né, que « le temps de l’image est venu1 » et que le cinéma vient accomplir la vocation des autres arts, en les dépassant dans une synthèse nouvelle qui colle furieusement à l’air du temps. La défense de l’art du cinéma – du cinéma en tant qu’art – devient alors la grande affaire d’une avant-garde qui ne demande qu’à en découdre avec l’industrie, les aînés, le théâtre et le roman, bref avec tout ce qui n’est pas recherche d’une supposée « pureté » du cinéma dont ils font à la fois un horizon esthétique et un moyen de justifier théoriquement leurs positions partisanes autant que leurs innovations formelles.
2Quelle est la part de l’eau dans la réflexion des cinéastes français sur l’évolution des formes filmiques au long des années 20 ? Les films ne fournissant pas toujours, à eux seuls, de réponse complète à cette question, il faudra donc mettre les images à l’épreuve du contexte théorique afin de comprendre comment le « champ visuel » de l’eau fournit un ensemble d’arguments et de leviers pour penser l’évolution du cinéma en même temps que l’on promouvait son appartenance au régime de l’art. De même, la question du rythme cinématographique, les recherches syntaxiques sur le cadre, le point de vue ou le mouvement des images, sont également de grands lieux de la réflexion sur le cinéma dans les « Années Folles ». À travers leurs discours autant que leurs films, les cinéastes français mettent en place des modes d’appréhension et d’appréciation qui permettent de renouveler l’idée même que l’on se fait du mouvement, inventant des rapports inédits entre l’image et la matière et définissant un régime du regard qui est, précisément, celui de la fluidité.
Notes de bas de page
1 Abel Gance, « Le temps de l’image est venu », reproduit in extenso dans René Jeanne et Charles Ford, Abel Gance, op. cit., p. 81-90.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'acteur de cinéma: approches plurielles
Vincent Amiel, Jacqueline Nacache, Geneviève Sellier et al. (dir.)
2007
Comédie musicale : les jeux du désir
De l'âge d'or aux réminiscences
Sylvie Chalaye et Gilles Mouëllic (dir.)
2008