1 Jacques Rancière, « Une fable contrariée », La fable cinématographique, Paris, Le Seuil, coll. « La librairie du XXIe siècle », 2001, p. 8.
2 Malgré son caractère pluriel, on utilisera ici le terme d’« avant-garde » dans un sens univoque pour souligner une communauté, plutôt que des chapelles. Une définition synthétique en a été donnée, dans cette optique, par Germaine Dulac, pour qui « on peut qualifier “d’avant-garde” tout film dont la technique, utilisée en vue d’une expression renouvelée de l’image […], rompt avec les traditions établies pour rechercher dans le domaine strictement visuel […] des accords pathétiques inédits ». Germaine Dulac, « Le cinéma d’avant-garde », Écrits sur le cinéma, op. cit., p. 182. Pour une critique plus approfondie du terme, on se reportera à l’ouvrage de François Albéra, L’Avantgarde au cinéma, Paris, Armand Colin, coll. « Armand Colin Cinéma », 2005.
3 Jacques Rancière, « Une fable contrariée », op. cit., p. 9.
4 Robert Desnos, « Puissance des fantômes », Le Soir, 19 avril 1928. Repris dans Les rayons et les ombres – Cinéma, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1992, p. 116-117.
5 Même s’il n’est pas seul en cause, cette évolution du travail sur la lumière doit beaucoup au passage de la pellicule orthochromatique à la panchromatique dans la seconde moitié des années 20.
6 Jacques de Baroncelli, « Les films de la mer », Ciné-Miroir no 114, 15 janvier 1927. Repris dans Écrits sur le cinéma, op. cit., p. 162-163.
7 Henri Chomette, « Seconde étape », op. cit., p. 73.
8 Patrick de Haas, Cinéma intégral, op. cit., p. 77.
9 Pour une synthèse du rôle de l’eau dans les grands mythes occidentaux, on se reportera avec profit à trois courts articles publiés dans le no 16 de la revue Corps écrit. Les auteurs y passent en revue la présence de l’élément dans l’imaginaire chrétien, gréco-latin et arthurien. Jacques Goldstain, « L’eau biblique » ; Pierre Grimal, « La vie des sources » ; Kurt Ringger, « Perceval et les rêveries de l’eau », dans Béatrice Didier (dir.), Corps écrit no 16, « L’eau », Paris, Presses universitaires de France, 1985, respectivement p. 43-48, 49-55 et 57-64.
10 On parle d’ailleurs de « l’eau » d’un miroir, lorsque l’on veut désigner la qualité de son poli.
11 Ce type d’entreprise où s’illustrent des cinéastes comme Dulac, Sauvage, Chomette ou Ivens, sera repris explicitement, dans un même souci d’investigation théorique sur les propriétés du médium doublé d’une réévaluation des « acquis » des années 20, par Jean Mitry dans son film Images pour Debussy, en 1951.
12 Jacques Aumont, « Clair et confus », Matière d’images, Paris, Images Modernes, coll. « Inventeurs de formes », 2005, p. 137.
13 Incomplétude qui fonde par ailleurs, selon Rudolph Arnheim, l’essentiel des qualités artistiques de l’image cinématographique. C’est pourquoi il ne faut pas entendre ici ce terme de façon péjorative. Voir Rudolph Arnheim, Le cinéma est un art, op. cit., p. 19-44.
14 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 60.
15 Une occurrence encore, repérée dans le scénario de L’Inondation, au moment où les villageois se mettent à la recherche de Margot : « Dans la nuit, sur le chemin au bord de l’eau, des formes passent avec des lanternes. […] Les hommes errent dans la nuit, dans la boue, dans l’eau, et leurs lanternes se doublent d’un reflet trouble qui brouille les images. » Louis Delluc, « L’Inondation », Écrits cinématographiques III, op. cit., p. 168. Plus généralement, dans ce film, toute manifestation de l’eau semble être calamiteuse, et les reflets sont « reflets de désastre ». Ibidem, p. 171.
16 Antonin Artaud, cité par Nourredine Ghali, L’Avant-Garde cinématographique en France dans les années vingt, op. cit., p. 80.
17 Monica Dall’Asta, « Debates 1890-1930 – Thinking about Cinema First Waves », dans Michael Temple et Michael Witt (dir.), The french cinema book, Londres, British Film Institute, 2004, p. 89.
18 Jacques Gerstenkorn, « Vague à l’âme », Vertigo no 8, op. cit., p. 102.
19 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 66.
20 Jean-Louis Schefer, « Matière du sujet », op. cit., p. 15. Dans le même passage, l’auteur cite également un extrait du De rerum natura de Lucrèce, qui me semble particulièrement éclairant : « Mais une flaque d’eau pas plus profonde qu’un doigt déposée entre les pierres sur le pavé des routes offre une vue plongeant sous terre et descendant aussi profond qu’est profond l’abîme ouvert entre terre et ciel ; telle que l’on croit voir en bas le ciel et les nuages et par prodige cachés sous terre les corps qui sont au ciel. »
21 Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1964, p. 70-71.
22 Jean Epstein, « Le cinématographe dans l’archipel », op. cit., p. 197.
23 Mentionnons toutefois, pour être exact, que certains réalisateurs recourent à un procédé artisanal pour obtenir le même type d’effets en studio : il s’agissait de placer une bassine d’eau hors champ, sur laquelle on renvoyait la lumière, puis de bouger le contenu de la bassine en direction d’un objet dans le champ (mur, visage d’un acteur ou coque de bateau par exemple) afin de le parer de reflets lumineux et mouvants. Cela n’impliquant pas, bien sûr, qu’ils maîtrisent mieux la danse des reflets que leurs confrères travaillant en extérieur.
24 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 18.
25 Caroline Benjo, « Eaux fortes », Vertigo no 8, op. cit., p. 46.
26 Sur les développements de la cinématographie sous-marine au début du XXe siècle, voir l’article « Sous-marin (cinéma) », dans le Dictionnaire du cinéma et de la télévision de Maurice Bessy et Jean-Louis Chardans, T. 4, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1971, p. 319-326.
27 Bien que je n’aie pas pu voir ce film, plusieurs articles dans la presse d’époque soulignent la qualité de ces prises de vues sous-marines, et ce qu’elles doivent au talent de l’opérateur attitré de Baroncelli, Louis Chaix.
28 On pense évidemment à la scène qui clôt Mouchette de Robert Bresson, en 1967. Mais celui-ci va plus loin encore dans cette image de l’engloutissement, puisqu’il ne donne pas à voir le geste de Mouchette en tant que tel ; seule la trace en est visible.
29 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 59, 68, 83-84, 108.
30 Ou plus exactement le marin : Michel vient de la mer et le père Van Groot, tout en l’accueillant à bord au début du film, reconnaît que « ça n’est pas pareil ».
31 Sylvie Dallet, « Les péniches de l’entre-deux-guerres », Vertigo n ° 8, op. cit., p. 86.
32 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 20.
33 Jean Renoir, Ma vie et mes films, op. cit., p. 46.
34 Le terme renvoie à la typologie mise en place par Nicole Brenez, « L’ange noir – Plastiques du négatif dans le cinéma expérimental », De la figure en général et du corps en particulier – L’invention figurative au cinéma, Bruxelles, De Bœck Université, coll. « Arts & cinéma », 1998, p. 77-80.
35 Au moment de la sortie du film, Baroncelli déclare que « pour un auteur de films, il n’y a, selon [lui], qu’une façon d’envisager un sujet, qu’il soit inspiré par une pièce, par un roman ou par un scénario inédit. En chacun d’eux il y a une matière cinématographique – ou il n’y en a pas. Le metteur en scène est seul juge. Son choix arrêté, il est dans l’obligation absolue – travaillant pour le cinéma – de traiter son sujet cinématographiquement ». Jacques de Baroncelli, « Adaptation », Le Journal, 15 mai 1925.
36 Nicole Brenez, « L’ange noir », op. cit., p. 79.
37 La bibliographie sur le sujet est gigantesque. Je me permettrai ici de ne citer que l’un des textes les plus célèbres : Louis Marin, « Le sublime classique : les “tempêtes” dans quelques paysages de Poussin », Sublime Poussin, Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1995, p. 126-150.
38 L’expression est de Jacques Aumont, Matière d’images, op. cit.
39 C’est-à-dire : non faites de main d’homme.
40 Absolu qu’il faut pourtant relativiser, et d’autant plus qu’il conduira Epstein à formuler des propositions pour le moins douteuses sur l’utilisation du cinéma à des fins judiciaires. Voir Jean Epstein, « L’objectif lui-même » et « L’intelligence d’une machine », Écrits sur le cinéma, T. 1, op. cit., respectivement p. 128 et 242.
41 Jacques Aumont, « Des couleurs à la couleur », dans Jacques Aumont (dir.), La couleur en cinéma, op. cit., p. 45.
42 La pellicule panchromatique était en effet moins adaptée que l’orthochromatique à l’application de couleurs. Son développement a donc contribué à l’expansion du noir et blanc, qui s’impose réellement avec le cinéma sonore et permet, en outre, de « rendre compte » des couleurs par une amélioration sensible de la gamme des gris.
43 La gravure du son sur la pellicule interdisait le teintage séparé des fréquences.
44 Péter Forgács, dans Daan Hertogs et Nico de Klerk (dir.), « Disorderly order » – Colours in silent film, session 3, « A Slippery Topic : Colour as Metaphor, Intention or Attraction ? », Amsterdam, Stichting Nederlands Filmmuseum, 1996, p. 45. Traduction de l’auteur.
45 Jean-Louis Schefer, « Matière du sujet », op. cit., p. 14. Le terme de « catalogue » est à prendre ici au pied de la lettre puisqu’il existait à l’époque de véritables catalogues de couleurs à l’usage des maisons de production, dans lesquels on pouvait choisir la teinte exacte que l’on souhaitait apposer sur tel ou tel passage d’un film.
46 Ibidem. Je souligne ici : « teindre », et non pas « peindre ». C’est justement la différence qu’il y a entre l’industrie et l’artisanat d’un Méliès par exemple qui, au début de sa carrière en tout cas, coloriait encore les images une par une.
47 Jacques Aumont, « Des couleurs à la couleur », op. cit., p. 43.
48 Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, op. cit., p. 63.
49 Voir Jacques Aumont, « La couleur écran », Matière d’images, op. cit., p. 112.