Les territoires du cinéma : une histoire des représentations de l'eau comme paysage
p. 19-20
Texte intégral
« Raillant avec dédain les décorateurs de théâtre qui s’évertuaient dans leurs ateliers à barbouiller des kilomètres de toile pour évoquer, tant bien que mal, une chaumière ou un palais, un champ de blé ou un glacier, une forêt ou une plage, les détenteurs du coffret magique se grisèrent à le remplir à grands coups de manivelle de toutes les féeries de la nature. Ils s’enorgueillirent de posséder le plus beau magasin de décors naturels du monde. À eux les plaines, les vallées, les fleuves, les océans, tous les arbres, toutes les fleurs, les nuages, les sables brûlants du désert et les neiges éternelles. Tout cela authentique, avec certificat d’origine, entièrement fabriqué et modelé par la main du Créateur1. »
1Le premier défiqui attend le cinéma français, au sortir de la Première Guerre mondiale, est de penser et de mettre en œuvre les moyens de sa reconstruction. Dans un pays ravagé aussi bien physiquement qu’économiquement, l’enjeu est de taille puisque ces quatre années de conflit ont vu le cinéma américain s’imposer sur les écrans du monde entier. La France, reléguée du statut de meneur à celui d’outsider, prend alors conscience de la mauvaise posture qui est désormais la sienne sur la scène internationale.
2Ce qui étonne pourtant, c’est qu’à partir de cette situation délicate le cinéma français ait pu assurer son renouveau, et imposer dans la décennie suivante une filmographie aujourd’hui encore considérée comme l’une des plus audacieuses et foisonnantes de son histoire. L’une des clés de cette « résurrection » est la réinvention opiniâtre et concertée du territoire national par le cinéma, qui va s’appuyer sur les singularités du paysage français pour en faire tout à la fois une vitrine et l’instrument d’une exploration de son identité. La géographie et le climat du pays font que l’eau y est omniprésente, et sous des formes extrêmement variées : les cinéastes se saisissent alors de l’élément, dans toutes ses configurations topographiques ou climatiques, comme un moyen d’arpentage du territoire mais aussi comme un marqueur des grands lieux de l’imaginaire national dans une période qui est à la fois le théâtre d’une exacerbation du sentiment national, et (modernité oblige) d’importantes mutations des modalités du regard.
Notes de bas de page
1 Émile Vuillermoz, « Réalisme et expressionnisme », Les Cahiers du mois no 16-17, « Cinéma », 1925, p. 72-73.
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Les images de l’eau
Ce livre est cité par
- (2017) Théorie du montage. DOI: 10.3917/arco.fauco.2017.01.0217
Les images de l’eau
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