1 Voir plus loin la contribution d’Alain Boillat et combien ce film n’a jamais été « muet ».
2 Cette série de films sur l’art allemands qui court de 1922 à 1929, puis reprend de 1950 à 1970, a donné lieu à plus de 40 réalisations, dont 32 sont signées Hans Cürlis (voir le recensement exhaustif sur http://de.ofdb.de [Online Filmdatenbank]). Dans notre filmographie, nous n’avons pu détailler tous les films et donc les sujets qui composent cette série, consacrée notamment à Lovis Corinth (1922), Georges Grosz (1924), Otto Dix (1926), Kandinsky (1926), Max Pechstein (1927), Mopp (1928), Renee Sintenis (1954), Hans Uhlmann (1961) et Hannah Höch (1968). Hans Cürlis a par ailleurs accompagné cette production filmique de deux ouvrages : Cürlis H., Schaffende Hände : die Maler (vol. I)/Schaffende Hände: die Bildhauer (vol. II), Berlin, Berlin Werkkunst-Institut für Kulturforschung, 1926-1927.
3 Voir les regrets et conseils de visites formulés par Joshua Reynolds dans les cours qu’il donne à la Royal Academy à la fin du XVIIIe siècle, cités par Nelson R. S., « The Slide Lecture, or the Work of Art “History” in the Age of Mechanical Reproduction », Critical Inquiry (Chicago), vol. 26, no 3, printemps 2000, p. 423. Notons que certains professeurs perpétueront ce modèle et refuseront d’utiliser les projections fixes, à l’instar de Charles Eliot Norton, premier occupant d’une chaire d’histoire de l’art à Harvard (entre 1875 et 1898), qui considère qu’un cours doit venir en amont de toute contemplation, à titre de préparation perceptive et intellectuelle (Freitag W. M., « Early Uses of Photography in the History of Art », Art Journal [New York], vol. 39, no 2, hiver 1979-1980, p. 119), ou surtout de Carl Justi, qui postule que les images mécaniques corrompent l’œil et, par leur soi-disant fidélité, trahissent les originaux bien plus que les estampes, où le graveur réfléchit à sa transposition et peut retravailler certains traits ou tonalités afin que la reproduction conserve mieux l’effet visuel de l’original (Fawcett T., « Visual Facts and the Nineteenth-Century Art Lecture », Art History [Oxford], vol. 6, no 4, décembre 1983, p. 454).
4 John Ruskin est sûrement l’historien de l’art le plus célèbre pour son utilisation de supports visuels avant les projections lumineuses, préparant, pour ses cours à l’Edinburgh Philosophical Institution, d’innombrables illustrations, schémas, esquisses, dessins géants qu’il fixait au mur, dévoilait à mesure, etc. (Fawcett T., art. cit., p. 451-453).
5 Nelson R. S., art. cit., p. 423.
6 Même au sein des académies royales, fondées pourtant sur le principe d’une cohabitation entre salles de cours et galeries d’exposition, la plupart des leçons ont pour support des reproductions, ainsi qu’en témoigne l’illustration 1 qui montre en 1830 la salle de cours de la Royal Academy tapissée de copies.
7 Fawcett T., art. cit., p. 449.
8 La mise sur le marché, dans les années 1870, d’appareils tels que le Sciopticon Marcy permettra aux enseignants d’histoire de l’art – Allan Marquand à Princeton dès 1882, James Hoppin à Yale dès 1885 environ – de s’approprier le procédé. L’usage s’impose avant tout en Allemagne, où l’histoire de l’art est une discipline établie et où la projection lumineuse trouvera des défenseurs acharnés chez des professeurs tels que Herman Grimm ou avant lui Bruno Meyer. Voir notamment Dilly H., « Lichtbildprojektion: Prothese der Kunstbetrachtung », in Below I. (dir.), Kunstwissenschaft und Kunstvermittlung, Giessen, Anabas, 1975, p. 153-172.
9 Marqué par le nouveau concept de « l’enseignement par l’aspect », le contexte intellectuel et éducatif de l’époque trouve dans la conférence illustrée son mode d’enseignement par excellence, tant en France qu’outre-Atlantique. Voir Spinder R. P., « Window to the American Past: Lantern Slides as Historic Evidence », in Roberts H. E. (dir.), Art History through the Camera’s Lens, Amsterdam, Gordon and Breach, 1995, p. 133-149.
10 L’arc de carbone électrique était extrêmement populaire chez les professeurs pour ce type de projections, car son intensité lumineuse permettait à la fois de conserver la pénombre nécessaire au bon visionnement des plaques et d’en voir assez pour prendre des notes. Voir Leighton H. B., « The Lantern Slide and Art History », History of Photography, vol. 8, no 2, avril-juin 1984, p. 109.
11 Recht R., « Du style aux catégories optiques », in Waschek M. (dir.), Relire Wölfflin, Paris, Musée du Louvre/École nationale supérieure des beaux-arts, 1995, p. 48.
12 Hamber A., « The Use of Photography by Nineteenth-Century Art Historians », in Roberts H. E. (dir.), Art History through the Camera’s Lens, op. cit., p. 108-109.
13 Roberts H. E., « Bernard Berenson on Isochromatic Film », ibid., p. 123-126.
14 Pour des bilans techniques contemporains, voir Berenson B., « Isochromatic Photography and Venetian Pictures », Nation, vol. 57, no 1480, novembre 1893, p. 346-347 et Rawkins R. R., « Diapositives artistiques pour projection », Bulletin de l’association belge de photographie, vol. 27, no 7, 1900, p. 47-53. Pour une synthèse théorique, voir Freitag W. M., art. cit., p. 117-123.
15 Hamber A., art. cit., p. 97.
16 Spinder R. P., art. cit., p. 143.
17 Berenson B., Journal (14 octobre 1893), cité par Freitag W. M., art. cit., p. 119 (je traduis).
18 Grimm H., « Die Umgestaltung der Universitätsvorlesungen über neuere Kunstgeschichte durch die Anwendung des Skioptikons », Beiträge zur deutschen Culturgeschichte, Berlin, Wilhelm Hertz, 1897, p. 283-284.
19 Ibid., p. 301.
20 Ibid., p. 284.
21 Cette pratique se vérifie dès le catalogue précurseur de Meyer B., Glasphotogramme für den kunstwissenschaftlichen Unterricht, Karlsruhe in Baden, Selbstverlag des Herausgebers, 1883.
22 Molteni A., L’Histoire de l’art par les projections lumineuses, Paris, Radiguet & Massiot, 1912, plaques no 50635 (La nativité de Notre Seigneur), 52066 (La nativité de Notre-Seigneur [détail]).
23 Ibid., no 51457 (La Vierge avec l’Enfant couronnée par des anges), 52172 (Les anges, détail du précédent no 51457), 52173 (La Vierge et l’Enfant et six anges), 52174 (Des anges, partie droite du tableau précédent).
24 Ibid., no 50149 (Le Printemps), 51474 (Groupe des trois Grâces, détail du Printemps), 51475 (Figure du Printemps), 51608 (Groupe du Printemps [détail]).
25 Ibid., no 41243, 41244, 14695, 41926, 41927, 16108, 38209, 38208, 37925, 54531, 54532, 54533.
26 Ibid., no 33914, 33915, 22894, 33885, 33886.
27 Ibid, no 31692, 31697, 15154, 27138, 31698.
28 Berenson B., « Isochromatic Photography and Venetian Pictures », art. cit., p. 346-347.
29 Voir Karlholm D., « Developing the Picture: Wölfflin’s Performance Art », Photography and Culture (Oxford), vol. 3, no 2, juillet 2010, p. 207-215.
30 Soulignons l’ambiguïté de cette dernière phrase qui paraît impliquer que Wölfflin lui-même a pris ces clichés, alors même que ni lui ni Berenson ne semblent avoir jamais pratiqué la prise de vue photographique. D’autres historiens de l’art tels que Jacob Burckhardt, Bruno Meyer ou John Ruskin en étaient adeptes dès les années 1840, et ont même supervisé des campagnes photographiques dans les musées ou sur des sites archéologiques (Hamber A., art. cit., p. 110-113), préfigurant d’un siècle les associations entre historiens de l’art et cinéastes décrites par Albera F., « Pierre Francastel : un historien de l’art à la FIFA », dans le présent volume.
31 Wölfflin H., « Comment photographier les sculptures (I : 1896) » (trad. Vincent Barras), in Mason R. M. et Pinet H. (dir.), Pygmalion photographe : La sculpture devant la caméra, 1844-1936, Genève, cabinet des Estampes du musée d’Art et d’Histoire, 1985, p. 129.
32 Wölfflin H. [« lettre du 23 mai 1897 »] et Gantner J. (dir.), Jakob Burckhardt und Heinrich Wölfflin : Briefwechsel und andere Dokumente ihrer Begegnung 1882-1897, Bâle, Schwabe, 1948, p. 122.
33 Actualités Pathé des années 1912-1913, cataloguées dans la série « scènes de plein air » (Bousquet H., Catalogue Pathé. Des années 1896 à 1914, Bures-sur-Yvette, H. Bousquet, t. iv, 1995, p. 560-561, 590, 694).
34 Ibid., p. 542.
35 Catalogue Edison cité dans Savada E. (dir.), The American Film Institute catalog of motion pictures produced in the United States. Film Beginnings, 1893-1910, Metuchen, AFI/Scarecrow Press, 1995, p. 212 (je traduis).
36 Entre 1896 et 1907, rien que chez Edison, plus d’une centaine de films sont diffusés sous le titre de « vues panoramiques », tandis que Pathé propose, dès son catalogue de 1902, une série intitulée « vues panoramiques circulaires ». Les principes de tournage de ces vues et leur terminologie chez Gaumont (qui use notamment du terme « panorama ») sont abordés par Delmeulle F., « Gaumont et la naissance du cinéma d’enseignement (1909-1914) », in Gili J. A., Lagny M., Marie M. et Pinel V. (dir.), Les Vingt premières années du cinéma français, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1995, pp. 67-75.
37 Bessou A. (dir.), Rapport général de la commission extraparlementaire chargée d’étudier les moyens de généraliser l’application du cinématographe dans les différentes branches de l’enseignement, Paris, Imprimerie nationale, 1920, p. 31.
38 Si ces dévoilements de statues sont un incontournable des vues d’actualités qui se développent dès les années 1910 (comme La Gazette animée de Pathé, Warwick Bioscope Chronicle, les Gaumont actualités et Williamson’s Animated News), on en trouve déjà plusieurs occurrences filmées bien en amont, autour de 1900 : Unveiling the Statue of General U.S. Grant (Sigmund Lubin [prod.], 1899), Lord Roberts unveils Statue of Queen Victoria (Cecil Hepworth [prod.], 1899), Statue de Marey (Charles Pathé [prod.], 1900), Unveiling the Rochambeau Statue (James H. White [prod.], 1902), etc.
39 Eugène Belville cité dans Riotor L. (dir.), Rapport au nom de la 4e commission (Enseignement beaux-arts) sur « Le Cinématographe à l’École », Paris, Imprimerie municipale, 1921, p. 76.
40 « Le cinéma Solus », annonce publicitaire parue dans le bulletin mensuel Le Rayon, vol. 8, no 12, décembre 1913, p. 212.
41 Arndt A., les Projections lumineuses et la cinématographie appliquées à l’enseignement : rapport présenté au IIIe Congrès international de l’éducation populaire, Bruxelles, Imprimerie du Progrès, 1910, p. 31.
42 L’on sait par exemple qu’en 1934, à l’université de Bologne, il utilisait plus de 600 diapositives pour son enseignement sur la peinture du Quattrocento. Cf. Scremin P., « Carpaccio de Longhi et Barbaro », in Chevrefils Desbiolles Y. (dir.), Le Film sur l’art et ses frontières, Aix-en-Provence, université de Provence, 1998, p. 63.
43 Pasolini P. P., « Sur Roberto Longhi (18 janvier 1974) » (trad. Hervé Joubert-Laurencin), Écrits sur la peinture, Paris, Éditions Carré, 1997, p. 80.
44 Ibid., p. 80-81.
45 Ibid., p. 84-85.
46 Rappelons que Pasolini aime à composer ses plans en référence aux peintures que lui a fait découvrir Longhi, son questionnement sur le tableau vivant se cristallisant dans La Ricotta. Voir par exemple Parant C., « De Giotto à Caravage : la troisième dimension picturale dans quelques films de Pasolini », www.pasolini.net, 2005 ; Robert V., « La pose au cinéma : film et tableau en corps-à-corps », Figures de l’art, no 23, printemps 2013, p. 73-89 ; Vert X., La Ricotta, Pier Paolo Pasolini, Lyon, Aléas, 2011.
47 Le film conservé Carpaccio (Roberto Longhi et Umberto Barbaro, 1948) travaille précisément avant tout la question du point de vue : la caméra filme des photographies des œuvres prises sur les indications de Longhi, tandis que le coréalisateur, Umberto Barbaro, venait de traduire en italien le texte de Wölfflin « Comment photographier les sculptures » (cf. Scremin P., art. cit., p. 64).
48 Voir Voillot E., « De la traduction en gravure et sculpture d’édition, ou l’art (délicat) de la reproduction », Histoire de l’art, no 69, décembre 2011, p. 67-75.
49 Sur les tableaux vivants filmiques en général, voir Robert V., « Le tableau vivant ou l’origine de l’“art” cinématographique », in Ramos J. (dir.), Paris, INHA/Mare & Martin, 2014, p. 260-281 ; sur le cas particulier de la reconstitution picturale illustrée ici, voir Robert V., « Doré et le cinéma », in Kaenel P. (dir.), Gustave Doré (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir (cat. exp.), Paris, musée d’Orsay/Flammarion, 2014, p. 287-295.
50 Si la production de Méliès fait figure de parangon pour ce type de films, les exemples sont innombrables, voir notamment Nead L., The Haunted Gallery. Painting, Photography, Film c. 1900, Londres, Yale University Press, 2007.