Ar-chaos-logie du découpage
p. 19-40
Texte intégral
1La récente traduction anglaise de Qu’est-ce que le cinéma ? par Timothy Barnard1 a frappé nombre de commentateurs par la précision de son appareil de notes. Parmi celles-ci, la plus imposante est consacrée au terme de « découpage » et à la difficulté de le traduire en anglais. Sur vingt pages, Barnard entreprend une sorte de sémantique historique du terme, des premières occurrences jusqu’aux usages des historiens et théoriciens contemporains (Burch, notamment), soulignant ainsi les nuances que l’histoire a pu apporter à ce mot. S’appuyant essentiellement, pour ce qui concerne l’apparition du terme et ses premiers usages, sur le travail de Jean Giraud2, Barnard ambitionne surtout de comprendre la fréquence et la signification de ce mot dans la pensée bazinienne. Mais pour accéder à une bonne compréhension du « découpage » selon Bazin, il semble nécessaire d’en passer par une étude plus détaillée encore des usages du terme qui précèdent Bazin, laquelle permettrait ensuite l’analyse de la transformation que Bazin opère tout à la fois avec et à partir de cette notion.
2Cette archéologie ne sera ici qu’esquissée. Archéologie que l’on pourrait d’ailleurs appeler « archaologie », c’est-à-dire une archéologie du chaos que constituent les multiples usages du terme, de son apparition jusqu’à sa généralisation dans les années 1940, en passant par sa circulation séminale dans les années 1920 et 1930. Cette dimension chaotique tient notamment au fait que le terme a fait l’objet d’utilisations relativement différentes selon les champs du cinéma (critique, technique, théorique, etc.). Barthélemy Amengual l’avait déjà noté : « On pourra s’étonner que pour désigner un style qui se refuse au morcellement on ait adopté précisément ce terme de découpage. C’est que la critique n’a pas choisi sa terminologie, elle l’a héritée du langage technique du cinéma3. » Il n’est pas certain pour autant que le mouvement suggéré par Amengual, de la technique vers la critique, voire la théorie, soit réellement injectif ou, pour le dire autrement, diachronique (technique puis critique). Posons plutôt – et c’est un point que cet article va développer – que cette terminologie s’impose simultanément du côté technique et dans la critique, mais sans nécessairement se charger de la même signification.
3L’objet de ce texte consiste donc à dessiner les contours d’une possible sémantique historique élargie du terme « découpage » depuis son apparition dans le champ francophone, où l’on a évidemment inventé ce terme. Précisons d’ailleurs que le mot « découpage » s’est vite trouvé lesté d’une telle force heuristique qu’on a pu prétendre vouloir l’utiliser en français dans des langues étrangères, comme l’a très tôt proposé Buñuel à ses compatriotes espagnols : « Devrons-nous refuser l’emploi du mot découpage au nom de son équivalent espagnol recortar [découper] ? Mis à part le fait que notre vocable n’est pas aussi spécifique que son correspondant français, il s’adapte encore moins que celui-ci à l’action qu’il prétend exprimer4. »
4Le travail dont cette étude propose de rendre compte repose donc sur le repérage d’occurrences diverses du terme – bien évidemment, pas de manière exhaustive. Le but n’est pas non plus de circuler dans un corpus de textes sanctifiés, déjà connus et toujours retenus parce qu’émanant de telle ou telle personnalité. Il me semble que le risque, en ne constituant son corpus qu’avec des textes célèbres d’auteurs célèbres, c’est de n’avoir à traiter qu’une addition de cas singuliers et ainsi de manquer les usages courants, pleinement socialisés du terme. L’étude de ceux-ci permettra aussi d’expliquer les problèmes que nous rencontrons avec le terme « découpage », qui tiennent justement à l’ambiguïté de ces usages. Posons l’hypothèse que cette ambiguïté provient pour une bonne part de ce qui se perd dans le processus de substantivation du verbe « découper », lequel, devenant un nom, abandonne sa nécessaire relation à un sujet et à un objet : chacun croit savoir ce qu’est un découpage, oubliant de s’interroger tout aussi bien sur celui qui l’opère que sur ce sur quoi on l’opère.
5Bien évidemment, le terme de « découpage » relatif à la construction filmique n’apparaît qu’après que la pratique de la construction filmique s’est généralisée – c’est-à-dire avec le passage des vues uniponctuelles aux bandes pluriponctuelles. Pourtant, avant le processus de verbalisation du phénomène de la pluriponctualité, le terme de « découpage » existe en cinéma. Certes, il revêt d’autres significations, correspond à d’autres pratiques. Aux alentours de 1912, on peut trouver plusieurs occurrences du terme dans le domaine du cinéma. Elles se divisent principalement en deux types. Le découpage peut concerner d’une part la fabrication de la pellicule, qui est découpée à la fois dans sa largeur et dans sa longueur, et consiste principalement à sectionner un très large rouleau de celluloïd en bandes faisant toutes 35 mm de largeur et d’une longueur de 400 pieds, soit à peu près 122 m5.
6L’opération industrielle qu’est ce découpage, largement commenté dans les revues corporatives, n’est sans doute pas exempte d’effets sur une certaine conception de cinéma qui se développe très tôt : l’idée qu’il constitue l’enregistrement d’une découpe du réel, découpe dans l’espace (le cadre, déterminé partiellement par la largeur de la pellicule) et découpe dans le temps (la longueur de la bobine). Cette découpe mécanique, qui renvoie à la nature machinique du dispositif cinématographique, concerne donc les limites spatiales de l’image cinématographique, en même temps que les limites temporelles de la succession d’images, que celle-ci soit continue ou discontinue. Il n’est sans doute pas totalement insignifiant qu’ainsi ce découpage oblige à penser le film, dès l’enregistrement de ses images, en termes de blocs de temps et d’espace prélevés sur le réel – idée que vont développer divers penseurs justement fascinés par la nature machinique du cinéma et qui s’incarne déjà dans certains films Lumière, conçus en fonction des limites du cadre et de la longueur de la bobine.
7D’autre part, toujours vers 1912, le découpage concerne le coloris que l’on applique à de nombreuses copies. Afin d’améliorer la productivité de cette activité importante (les films coloriés sont évidemment vendus et loués plus cher que les films non coloriés : la couleur est donc avant tout un moyen de « marger »), on invente très vite plusieurs dispositifs dont celui du pochoir, qui consiste à découper, par exemple dans du carton, la forme à colorier6. Cela permet d’éviter tout coup de pinceau intempestif en dehors de la zone de coloriage. Mais cette méthode présente un inconvénient, qui la discrédite aux yeux de certains, comme Méliès : la forme à colorier est figée par le découpage, alors même que le plus souvent elle ne cesse de varier, certes parfois presque imperceptiblement, d’une image à l’autre. Dès lors, le pochoir provoque cela même qu’il est censé éviter (en plus du gain de temps qu’il engendre) : une relative imprécision. Si ce deuxième mode de découpage relève également d’une technique qui peut paraître éloignée de l’acte de création cinématographique, il n’est pas sans effet sur la perception du film par le spectateur : le découpage du pochoir vise à rendre plus précises les zones coloriées de l’image, provoquant ainsi des découpes symboliques de celle-ci. Il s’agit donc aussi de favoriser la circulation du regard dans l’image, de la rendre plus lisible à une époque où, pour diverses raisons, le modèle du cadrage en pieds paraît s’être imposé durablement. Par conséquent, ce qui se joue, avec le coloris, et sa généralisation grâce à la découpe du pochoir, c’est une façon de segmenter le tableau, non pas de façon temporelle, mais sur le plan spatial, en rendant possible un investissement parcellisant du regard dans l’image, en sollicitant un regard découpeur. En d’autres termes, couleurs et composition sont les deux moyens par lesquels les films des premiers temps peuvent en quelque sorte lutter contre le principe même qui les structure : celui du tableau autonome, dont la longueur est généralement dictée par l’unité de l’espace. Donc, à défaut d’abolir la durée, composition et couleurs participent d’une tentative de modelage de l’espace.
8Ce découpage lié au coloris ne relève pas que de la contrainte « invisible » imposée par la machine, mais aussi et surtout de l’intervention visible de l’homme. Non seulement la couleur se donne à voir, mais elle est valorisée, par exemple dans les catalogues, comme un signe d’artisticité. Peut sembler se jouer ici une sorte d’opposition (qui va se prolonger, en dépit de sa nature plus ou moins factice) entre, d’une part, un cinéma « manufacturé » pour lequel l’intervention humaine (dans le profilmique aussi bien que sur la pellicule, c’est-à-dire aussi par le montage, lui-même partiellement déterminé par le découpage) est la condition d’une certaine artisticité et, d’autre part, un cinéma « machinique » pour lequel l’effacement humain devant les contraintes de la machine est le gage d’une captation réussie du réel.
9Il y aurait probablement lieu de se demander si ces premiers modes de découpage n’ont pas été sans conséquence sur quelques conceptions du « découpage » qui vont se développer par la suite. Concevoir l’image cinématographique sur un plan avant tout pictural, comme jeu dialectique entre des portions qui la structurent, n’est en effet pas sans écho par la suite : dès le début des années 1920, l’idée est approfondie par exemple par Eisenstein, avec le principe du conflit de fragments interne au cadre. Avec cette conception, il ne s’agit plus seulement de rendre lisible l’image, mais de rendre lisible la signification que l’on vise à donner à l’image. Or cette lisibilité de la signification, qui va rapidement devenir l’un des buts du découpage, a contribué par la suite à une sorte de discrédit d’une partie du cinéma classique par André Bazin, emblématisé dans ce qu’il appelle le « découpage-montage » ou le « découpage analytique », qu’il oppose notamment à la « profondeur de champ de William Wyler […] libérale et démocratique comme la conscience du spectateur américain », laquelle profondeur de champ contribue « à rassurer le spectateur et à lui laisser le moyen d’observer et de choisir, et même le temps de se faire une opinion, grâce à la longueur des plans7 ».
10En 1947, un an avant la publication du texte sur Wyler, Bazin a déjà commencé à développer cette idée dans son article sur Citizen Kane publié par les Temps modernes. Il y analyse longuement la « séquence » de la tentative de suicide de Susan Alexander Kane et plus particulièrement « le dynamisme interne de cette image, étirée entre ses deux pôles, avec son premier plan monstrueux collé au visage du spectateur et ce petit rectangle sonore, très loin où se devine [sic] l’angoisse et la colère de Kane8 ». Or ce qu’il souligne ici relève pour une bonne part de conflits de fragments qui structurent l’image tout en façonnant sa lisibilité. De fait, il n’y a pas ici une opposition entre deux conceptions du découpage de l’image, qui au contraire sont assez proches, mais plutôt une opposition entre deux conceptions du montage, opposition perceptible dans la différence de longueur du plan (que Bazin note au sujet des Plus belles années de notre vie), et dans la nature des rapports que le plan, dans un système esthétique ou dans l’autre, entretient avec les plans qui l’entourent au sein de la structure narrative.
11Apparaît ici une ambiguïté entre « découpage » et « montage », déjà bien connue, et largement commentée. Notamment par Jean-Pierre Berthomé et François Thomas, qui discutent ainsi l’hypothèse de Bazin : « On a beaucoup dit qu’avec l’emploi de la profondeur de champ par Orson Welles, c’est le réalisme qui reprenait ses droits. Rien de moins réaliste pourtant que ces compositions saisissantes où trois actions s’étagent sur trois plans successifs de la profondeur du cadre, toutes parfaitement nettes, de l’énorme gros plan à quelques dizaines de centimètres de l’appareil jusqu’à la petite silhouette qui se découpe au fond, à plusieurs dizaines de mètres9. » La façon dont Berthomé et Thomas décrivent la silhouette qui « se découpe » indique, en creux, combien le travail de Welles entretient de nombreuses affinités avec une pensée du découpage dans l’image, qui court en pointillé des premiers temps jusqu’à Eisenstein et continue bien après, reprise par exemple en France par Moussinac, lorsqu’il parle, en 1923, du « rythme intérieur des images, obtenu par la représentation (décors, costumes, éclairages, objectifs, angles de prises de vues) et l’interprétation10 ».
12Cette ambiguïté est sans doute liée aux multiples circulations du terme de « découpage », depuis ses premières occurrences. En fait, ce découpage de l’image ou ce « découpage-image » que le coloris construit, notamment à des fins de lisibilité, constitue une sorte de situation triviale, dans tous les sens de ce terme : c’est-à-dire une pratique commune, banale, reconnue par presque tous puisque cette conception de l’image est très répandue dans le cinéma des premiers temps, et face à laquelle plusieurs voies vont s’ouvrir. Ces différentes voies vont déboucher logiquement sur diverses conceptions du découpage qui, utilisant toutes plus ou moins le même terme auquel on ajoutera parfois un adjectif, vont contribuer à entretenir cette ambiguïté tant lexicale que notionnelle.
13La circulation du terme, cette fois sans lien avec le coloris, commence, dès le début des années 1910. Dans son Lexique…, Giraud mentionne comme première occurrence, parmi celles qu’il a retrouvées, une phrase du Temps, en 1917 qui évoque « des subtilités et des ingéniosités de découpage ». Citation très courte que Giraud place à côté de deux autres, d’Henri Diamant-Berger, qui conçoivent le découpage comme « la forme définitive du scénario ». L’acception qui s’impose à la fin des années 1910 paraît, présentée ainsi, sans réel rapport avec l’idée de « découpage-image » née du coloris : le découpage comme texte (ce que je vais appeler ici le « découpage-texte ») destiné à rendre un scénario cinématographiable, apparaîtrait en un sens ex nihilo.
14Or il se trouve que le même Diamant-Berger, dès juin 1918, propose une autre acception du terme, qui tend à laisser imaginer un lien entre « découpage-image » et « découpage-texte ». Dans Le Film, il consacre l’un de ses éditoriaux aux « gros plans », à leurs formes et à leurs usages, remarquant que, comme d’autres procédés, ils servent finalement à rendre plus lisible, plus compréhensible une situation, mais aussi à l’analyser, c’est-à-dire « à nous montrer seulement ce qui nous intéresse au moment opportun ». Ce qui l’amène à faire cette remarque :
« J’ai indiqué les divers procédés qui, avec les gros plans, peuvent donner ce découpage précis qui est la règle fondamentale du cinéma. Il en existe d’autres, et c’est aux metteurs en scène à les chercher, à les montrer, à les perfectionner11. »
15À la différence des citations proposées par Giraud, l’objet du découpage envisagé par Diamant-Berger n’est pas le scénario, mais un continuum spatiotemporel, qu’il soit inventé ou réel. Et ce qui distingue ce découpage du montage est qu’il est produit par une pensée qui préexiste à l’enregistrement. Plus exactement ce que Diamant-Berger nomme ici « découpage », c’est l’acte de penser la mise en images d’une situation, qui peut avoir été préalablement consignée sur le papier dans un « découpage-texte », mais qui peut tout aussi bien être demeurée dans l’esprit du metteur en scène, sans fixation écrite. Bref, il y a l’outil et il y a la pensée, celle-ci pouvant avoir besoin de l’outil mais pouvant tout aussi bien s’en passer. C’est ce que j’appellerai ici le « découpage-pensée ».
16Diamant-Berger fait de ce principe de fragmentation une « règle fondamentale » du cinéma, prolongeant à sa façon la croyance, dominante à cette époque, que le cinéma ne peut accéder au statut d’art qu’en développant ce qui lui est singulier et qui tient donc, comme pour les autres arts, à ses capacités à transformer le réel, plus qu’à l’enregistrer. Ce « découpage-pensée » proposé par Diamant-Berger prend en un sens la suite du « découpage-image », d’autant qu’il s’inscrit aussi dans la lignée d’un cinéma « manufacturé », opposé à un cinéma « machinique », pour lequel les traces visibles de la main sont autant de gages d’artisticité. La main créatrice joue en effet un double rôle dans ce « découpage-pensée », ou dans ce découpage bien que pensé. D’abord, parce que bien évidemment ce « découpage-pensée » peut être écrit et se convertir en « découpage-texte », la main devenant alors l’incarnation physique de la pensée, comme le dit Buñuel peu de temps après : « C’est un travail qui ne requiert d’autre instrument que la plume. Tout le film, jusqu’en ses moindres détails, demeurera contenu dans les feuillets. » Ensuite parce que, comme on le répète beaucoup à l’époque, le découpage se concrétise finalement au montage en « mettant la main à la pâte » pour exécuter « l’acte matériel d’accoupler des éléments bout à bout, en faisant concorder les différents plans entre eux ; en se débarrassant, à grands renforts de ciseaux, de quelques images importunes12 ». Façon de dire que le montage ne fait jamais que préciser le découpage, l’affiner à quelques images près.
17Cependant, la proposition de Diamant-Berger ne s’adosse pas qu’à une vision de ce que doit être l’art cinématographique. Elle trouve également ses fondements dans des considérations très peu théoriques. Il s’agit en effet, plus prosaïquement, de s’adapter à la tendance du moment, de s’accorder aux principes esthétiques qui se dégagent de l’imposante production américaine alors très présente sur les écrans français. La production cinématographique française peine à redémarrer, après guerre, comme le rappelle d’ailleurs l’article du Temps, signé par Émile Vuillermoz et cité de manière imprécise par Giraud13 : en plus de la forte concurrence américaine et des stratégies frileuses des grandes maisons de production comme Pathé qui préfèrent importer des films ou se recentrer sur la fabrication de matériel plutôt que d’investir massivement dans la production, les films français tendent globalement à s’arc-bouter sur une forme qui fit leur succès avant-guerre, sans voir que des œuvres comme Forfaiture, formidablement accueillie en France, les ont brutalement démodés, par leur manière de varier les vues, les angles, bref de découper une situation.
18C’est d’ailleurs en substance ce que dit Vuillermoz dans cet article du Temps. En effet, le découpage n’est pas ici l’outil écrit adaptant le scénario aux contraintes et/ou aux principes cinématographiques, mais bien une sorte d’anticipation (dès le tournage) de la forme fragmentaire que prendra finalement le film. Cette qualité formelle qui naît du découpage semble, selon Vuillermoz, caractériser le cinéma américain, par opposition au cinéma français qui paraît en être dépourvu. Or Diamant-Berger qui, à cette époque, est aussi un jeune producteur/metteur en scène, partage cette opinion. Selon lui, la production française ne doit pas manquer le tournant du découpage s’il veut rester concurrentiel. Il doit adopter les méthodes américaines pour continuer d’exister face au cinéma américain. C’est ce qu’il affirme en conclusion de son texte :
« C’est ainsi, par des détails, menus en apparence, que nous corrigerons la banalité des films et que nous créerons une technique susceptible de rivaliser avec la technique américaine qui n’est pas autre chose. »
19De fait, le lieu social depuis lequel des personnes comme Diamant-Berger et Vuillermoz promeuvent le principe du « découpage-pensée » doit être pris en compte pour comprendre la fonction symbolique que recouvre alors cette notion : le but est clairement, grâce au découpage, de faire accéder le cinéma au statut d’art, enjeu essentiel de cette époque. Mais démontrer que le cinéma n’enregistre pas le réel, puisqu’il le découpe (ou plus exactement puisqu’il découpe le continuum spatio-temporel, qui peut être réel ou juste imiter le réel), et donc le sculpte, le retravaille, n’est pas totalement suffisant. Chacun, à sa manière, ajoute une dimension : d’un côté, avec Diamant-Berger, il s’agit d’égaler le niveau d’artisticité reconnu par la presse spécialisée française au cinéma américain ; de l’autre, avec Vuillermoz, il s’agit de placer l’acte de création cinématographique au même plan que l’acte de création musical puisque l’on sait que la pensée du découpage mise en place par Vuillermoz et bien d’autres s’adosse à un modèle musical14.
20De surcroît, si Diamant-Berger contribue à populariser l’une et l’autre des acceptions du terme « découpage » c’est probablement parce que, lors de son voyage aux États-Unis, pendant la guerre, il a pu constater que cette forme singulière des films américains s’incarne en quelque sorte dès la production dans le travail d’adaptation du scénario en vue de le rendre « cinématographiable » : le « découpage-pensée » existe alors aux États-Unis essentiellement à travers l’usage du « découpage-texte ». Et c’est donc logiquement que les deux acceptions vont circuler parallèlement durant les années 1920 en France, se relayant en quelque sorte l’une l’autre. Ce sont dans un premier temps les plus revendicatifs quant au statut d’art du cinéma qui vont s’emparer massivement et itérativement de la notion de découpage, et plus particulièrement du « découpage-pensée ». L’ampleur du phénomène est telle qu’elle dissuade toute prétention à une présentation détaillée.
21La notion doit certainement une partie de sa popularisation au formidable prosélytisme en la matière d’une presse spécialisée convaincue qu’elle possède là un concept qui sert parfaitement ses desseins de reconnaissance du cinéma comme art. De nombreux moyens, très divers, sont utilisés pour tenter d’ancrer dans l’esprit des lecteurs-spectateurs l’importance du découpage en cinéma, à travers la presse la plus cinéphile. Cela peut passer par la mise en place d’un concours, qui se présente certes comme un banal concours de scénario, mais qui se révèle en fait être un concours de découpage (au sens de « découpage-texte »), puisque c’est bien cela qu’il faut envoyer à Cinéa, la revue organisatrice15. On comprend aisément ce qui sous-tend cette idée : produire un scénario n’est pas considéré par les rédacteurs de Cinéa comme un acte de création cinématographique, cette phase du processus étant d’ailleurs confiée le plus souvent à des écrivains, à une époque où le métier de scénariste professionnel ne paraît pas encore pleinement exister.
22Cette idée n’appartient pas au seul camp de l’avant-garde. L’arrière-garde Pathé (si l’on peut dire) la partage également, puisque la société organise aussi un concours de scénarios originaux, opposés explicitement aux adaptations : « Dans la proportion de 8 ou 9 fois sur 10 ces adaptations aboutissent à des résultats déplorables parce qu’il y a, en réalité, très peu de romans et très peu de pièces vraiment propres à subir favorablement la barbare opération du découpage16. » Pathé désire donc, par ce concours, encourager l’écriture de scénarios « découpables », c’est-à-dire, en un sens, susceptibles de quitter le registre de l’artisticité littéraire pour entrer dans le domaine de l’artisticité cinématographique.
23Cette idée du découpage comme gage de l’artisticité cinématographique est corroborée par la deuxième forme que peut prendre ce prosélytisme, à savoir la publication de textes, qui ne sont pas présentés comme des scénarios – on trouve des appellations originales qui visent à témoigner immédiatement de leur dimension artistique, comme « composition cinégraphique17 » – textes qui s’apparentent clairement, et même parfois explicitement, à des découpages. Certains de ces écrits semblent être restés à l’état de chrysalide et n’avoir jamais été tournés : la fonction de la publication de ces textes paraît finalement, pour l’essentiel, didactique.
24Cette pédagogie du découpage porte très vite ses fruits, semble-t-il : les années 1920 voient l’efflorescence du découpage comme outil critique, comme critère d’évaluation, aussi bien pour défendre (« Il a su, par une prise de vue d’une rare souplesse, adapter les différents décors aux nécessités d’un découpage que l’ordre, la précision et l’utilité vitale des plans révèle [sic] minutieux18 ») que pour attaquer certains films (« cette multiplicité de scènes brèves, hachées, décousues, juxtaposées sans soudures ou rattachées entre elles par du fil trop lâche. Du découpage ? Non pas : du déchiquetage19 ! »). Le découpage est une notion finalement bien commode qui permet de faire l’apologie d’un type de cinéma – marqué par un travail sur le rythme – comme d’en faire le procès.
25Ainsi, apparaît, progressivement, une troisième acception, que je vais appeler ici « découpage-critique ». Dès lors que le terme n’émane plus seulement des professionnels, comme Diamant-Berger, qui veulent décrire l’acte de création cinématographique, il est logiquement amené à devenir, dans des discours qui ne relèvent plus que de la théorie ou de la critique, non plus la description de cet acte de création mais son résultat, c’est-à-dire une façon de nommer le rythme propre à l’art cinématographique, le terme de « rythme » pouvant présenter justement le désavantage de trop renvoyer à d’autres pratiques artistiques. Moussinac paraît, dès 1923, avoir parfaitement saisi ce léger déplacement qui s’opère et auquel, simultanément, il contribue : « Le rythme extérieur des images, obtenu par le découpage, autrement dit par la valeur en durée, mathématique ou sentimentale, donnée à chaque image, par rapport aux images qui la précèdent et celles qui la suivent20. » Cette troisième acception connaît donc très vite une vraie fortune critique, et même bien au-delà des publications spécialisées. Bien évidemment, l’intérêt de plus en plus large de la critique pour l’idée de découpage, même si ce « découpage-critique » ne recouvre pas exactement la même signification que les acceptions déjà présentes, contribue à populariser un peu plus, en France auprès d’une très grande majorité de metteurs en scène, bien au-delà de l’avant-garde, la notion de découpage. On le voit par exemple avec ces propos de Raymond Bernard, qui confinent à l’apologie du « découpage-pensée » :
« Ce qui est vraiment intéressant dans notre métier, ce n’est pas la mise en scène proprement dite, mais le découpage. C’est là que l’on conçoit le film, dans ses plus minutieux détails : angles de prise de vues, possibilités techniques, succession et rythme des scènes. Découpage oblige. Un bon découpage, c’est déjà un bon film. Ensuite le montage complète l’œuvre de création. Aussi bien je comprends mal qu’on confie la réalisation et le montage d’un film à deux individus différents21. »
26Mais Raymond Bernard plaide aussi, assez subtilement, pour faire du metteur en scène le lieu (si l’on peut dire) d’une fusion entre les deux découpages, le « découpage-texte » et le « découpage-pensée ». Ce qui renvoie clairement à un débat essentiel de cette époque, autour de cette notion de découpage. Car cette expansion apparemment illimitée du terme se heurte à quelques problèmes, tous liés à la question du modèle américain.
27Le premier problème tient aux limites de l’américanophilie des spectateurs assidus de cinéma en France. Cette américanophilie peut même, dès cette époque, constituer un clivage entre des cinéphiles défendant pourtant une même conception du cinéma comme art du découpage, par exemple entre Delluc et Moussinac. Mais ce constat vaut bien au-delà des membres ou des défenseurs de l’avant-garde. Pour beaucoup de professionnels de l’industrie cinématographique française, le cinéma américain est tout autant une menace qu’un modèle – il s’agit là bien sûr d’une forme d’appréciation ambivalente qui a traversé l’histoire des relations cinématographiques entre la France et les États-Unis. Mais comme chacun convient alors que le découpage, qu’il soit texte ou pensée, a connu son apparition réelle aux États-Unis et qu’il est là-bas fort répandu, ce « découpage américain », comme on le nomme alors, peut faire fonction d’idéal comme de repoussoir. En d’autres termes, le « découpage américain22 » paraît, pour beaucoup de metteurs en scène français, indissociable d’un système de production, que certains veulent à tout prix éviter et que d’autres envient. C’est tout le sens d’une autre citation donnée, partiellement, par Giraud dans son Lexique, au sujet du « découpage américain ». Il s’agit d’un article de Jacques Faure consacré à « l’histoire de J’ai tué racontée par son metteur en scène », Roger Lion. Pour ce film, qu’il précise avoir découpé lui-même, Roger Lion obtient pour le rôle principal l’accord de Sessue Hayakawa. Il lui remet son scénario – qui est en fait semble-t-il un « découpage-texte » –, et s’attire les reproches de son interprète :
« Votre scénario est bien, mais il est découpé à la française, non à l’américaine. Je “veux” un découpage américain ou je ne tourne pas !
Par découpage américain, Hayakawa entendait une refonte des scènes où son rôle serait continuellement mis en valeur.
La dame qui a découpé la plupart de mes films est actuellement à Paris, ajouta Sessue. Elle doit partir demain. Trouvez la d’urgence et retenez-la ! Je blêmis. Et me voilà, de 10 heures du soir à 2 heures du matin, à la poursuite de la dame à découper, sur les diverses pistes que m’avait signalées Hayakawa. Enfin je la découvris et lui remis le scénario23. »
28On comprend assez clairement, avec cet exemple, que pour Roger Lion, il existe deux conceptions économiques totalement différentes du « découpage-texte » (mais qui va ici de pair avec le « découpage-pensée ») : une conception française, qui laisse toute latitude pour concevoir un découpage essentiellement en fonction de critères « artistiques », peu assujettis aux contraintes économiques ; une conception américaine, dans laquelle le découpage n’est qu’une tâche parmi d’autres, au sein d’un processus qui relève plus de l’économique que de l’artistique, puisque ce découpage est présenté comme n’ayant pour fonction que de valoriser le principe du star-system.
29Mais ces deux conceptions engagent deux pratiques tout aussi divergentes puisqu’on peut penser que l’enjeu, pour Hayakawa, est notamment de bénéficier de davantage de gros plans, ou de plans plus serrés, ou encore de plans plus longs sur lui que ce que Roger Lion avait pu imaginer. Enfin, ces deux conceptions et ces deux pratiques débouchent sur des usages sociaux radicalement opposés : d’un côté, le metteur en scène est le seul maître d’œuvre du découpage (comme on le revendique en France) et en un sens c’est par le découpage qu’il assoit sa position de créateur du film ; de l’autre, la tâche est confiée à une femme – ce qui, dans l’industrie de l’époque indique nettement le peu de cas que l’on fait de cette phase non pas au plan de son intérêt industriel mais plutôt en ce qui concerne sa dimension créatrice – une femme qui plus est anonyme, qui est donc renvoyée à son statut d’intermédiaire quelconque dans une chaîne de production.
30C’est dans cette perspective qu’il faut lire les nombreux articles, dans une revue comme Cinéa (qui est en première ligne dans le combat de la reconnaissance du cinéma comme art à partir de la notion de découpage), visant à replacer, parfois contre la réalité industrielle du cinéma américain, le découpage (texte et pensée) dans la sphère de création du metteur en scène américain. L’enjeu est d’instituer le metteur en scène en auteur du film (quel que soit le pays de production), en déplaçant cette auteurialité, encore très liée dans l’imaginaire collectif au fait d’écrire, de l’écriture du scénario à l’écriture du découpage. Ce dialogue entre Germaine Dulac et Griffith le dit assez clairement :
« Estimez-vous que le directeur de films doit être le seul auteur de l’œuvre ? Griffith sourit :
– J’achète une idée mais je la transforme, je la découpe moi-même24. »
31Là encore, afin d’être acceptée par les lecteurs, cette idée fait l’objet d’une véritable pédagogie reposant sur la répétition. La paternité du découpage est presque systématiquement annoncée dans les articles des revues cinéphiles et attribuée, si possible, au metteur en scène. Ce qui ne va pas, d’un numéro à l’autre de Cinéa, sans quelques contradictions : ainsi le découpage des Trois Mousquetaires peut-il être successivement attribué à Fred Niblo25 puis à Edward Knoblock, scénariste-adaptateur du film26. Sans doute cette confusion produit-elle l’effet inverse de celui recherché : la prise de conscience que cette phase du processus créatif constitue certes un enjeu important, mais fait donc l’objet d’une sorte de tension entre deux pôles : l’auteur littéraire/l’auteur metteur en scène.
32Il n’en reste pas moins que le « découpage-texte », tel qu’institué par et dans le cinéma américain, est perçu comme tendant à mécaniser le cinéma manufacturé, presque à automatiser la pensée de la découpe, en faisant correspondre tel type de plans à telle situation, comme les formations de cinéma l’enseigneront un peu plus tard, ou en adaptant le choix des plans à la star, comme le laisse entendre la remarque de Hayakawa. Ce « découpage-texte » tendrait aussi à soumettre au contrôle un acte de création pourtant purement idéel, intellectuel (c’est en tout cas comme ça qu’il est pensé en France à cette époque), à rendre systématiquement matériel (le « découpage-texte ») ce qui relève de l’immatériel (le « découpage-pensée ») – tout cela prenant place de manière évidente dans un vaste processus d’industrialisation du cinéma comme art.
33Cette tension entre le modèle américain et la pratique française débouche sur l’affirmation d’une véritable spécificité française : l’absence de séparation entre le « découpage-texte » et le « découpage-pensée », les deux relevant pleinement des prérogatives du metteur en scène. Cette spécificité devient en quelque sorte officielle lorsqu’elle se trouve inscrite dans le marbre du droit, dès le milieu des années 1920, ou du moins dans la glaise des contrats. En effet, selon Le Code du cinéma, le metteur en scène
« s’engage à assurer la bonne exécution des films afin que la préparation méthodique, la mise en scène, l’interprétation, l’éclairage, la photographie, etc., soient toujours parfaits, et il s’engage également à faire tout le possible pour assurer l’économie la plus grande dans la durée du travail et dans l’emploi de la pellicule. Il sera chargé du découpage et du montage27 ».
34Tout en citant ce passage du Code du cinéma, sans le discuter, Coissac, qui se pose à cette époque en représentant de l’industrie cinématographique française, défend, dans Les Coulisses du cinéma, une vision exactement opposée puisque favorable à la création, en France, du métier de « découpeur » qui n’existe alors officiellement qu’aux États-Unis, semble-t-il. Il s’en fait l’apôtre par l’intermédiaire d’un long texte de Robert Boudrioz qui, alors même qu’il officie également en tant que metteur en scène, élabore aussi des « découpages-textes » pour les films d’autres metteurs en scène, sur lesquels il a pu être engagé comme scénariste. Si Boudrioz, dans la citation qu’en donne Coissac, ne réclame pas explicitement la création du statut de découpeur en France, il tend néanmoins à suggérer que cette tâche relève du travail du scénariste, mais d’un scénariste spécialisé, formé ou habitué à l’écriture cinématographique, un scénariste moins écrivain qu’auteur-technicien. Surtout, si Boudrioz ne réclame pas explicitement la création du statut de découpeur en France, Coissac s’en charge à sa place, dans une conclusion très personnelle qu’il appose juste au bas du texte de Boudrioz, non sans une part de contradiction vis-à-vis de celui-ci : « On peut regretter que le découpeur spécialisé n’existe pas en France, alors qu’en Amérique il est considéré comme un rouage important de la machine cinématographique28. »
35Cependant, l’écart entre la position officialisée par Le Code du cinéma et celle défendue par Coissac doit être compris à l’aune du changement profond qui affecte le cinéma durant ces années : le passage progressif au parlant, qui concerne encore peu, en 1929, le cinéma français, mais qui bouleverse les données technicosocio-économiques de l’industrie cinématographique américaine. La presse spécialisée française se fait très tôt l’écho de ces bouleversements. Ce qui paraît inquiéter le plus la presse française, ce sont les risques d’altération du statut du metteur en scène. Du cinéma publie ainsi un long article sur « le metteur en scène et le film parlant », qui opère une comparaison entre deux époques : celle du muet qui se serait caractérisée par une appropriation du sujet du film par le metteur en scène au moyen du découpage (l’exemple choisi est celui de Griffith), « découpage-texte » destiné en quelque sorte à libérer la pensée ; et la période du parlant, tout juste entamée, mais déjà perçue comme en quelque sorte « dépossédante » pour le metteur en scène, dont le rôle paraît dorénavant limité à mettre en images un « découpage-texte », qui plus est avec l’aide de techniciens spécialisés pour régler les problèmes du tournage sonore29. Auparavant, le « découpage-texte » permettait au metteur en scène de mettre à profit ses capacités d’imagination ; dorénavant, le « découpage-texte » tel qu’envisagé dans le nouveau mode de production lié au parlant le contraint à la seule fonction d’illustrateur d’un texte écrit.
36Le parlant, en réduisant les possibilités du « découpage-pensée » (le son rend évidemment beaucoup plus difficiles les manipulations de blocs d’images), aurait donc renforcé le rôle du « découpage-texte ». L’équilibre entre les deux, souhaité par beaucoup de professionnels français, paraît définitivement rompu. Les raisons de ce changement sont multiples et tout à fait logiques : la volonté de rationaliser le travail à des fins d’économie, déjà évoquée par Boudrioz, se trouve en quelque sorte décuplée avec le parlant qui alourdit le budget des films ; par ailleurs la question de la continuité entre les plans (« continuity » est originellement le terme anglo-saxon pour désigner le découpage) prend une importance inédite.
37Cependant le « découpage-critique » continue de circuler massivement durant les années 1930, sans réelle transformation. Il devient d’ailleurs une sorte de lieu commun, utilisé dans de nombreuses critiques afin de porter un jugement en apparence objectivé, tout en s’épargnant la moindre argumentation30. Mais parallèlement on assiste donc à l’institutionnalisation d’un autre découpage : le « découpage-texte », jusqu’ici très utilisé aux États-Unis, qui devient dorénavant une pratique également très répandue en France, signalée à présent de manière régulière, mais pas systématiquement, au générique des films. Il suffit, pour s’en convaincre, de feuilleter les numéros de La Cinématographie française, dans les années 1930, et de constater la présence, assez souvent, de la catégorie « découpage » au côté des catégories « réalisation », « auteur », « dialogue », « décorateur », « opérateur », « musique », « interprétation », etc., dans les fiches techniques présentées chaque semaine. Le nom apposé à ce « découpage » n’est presque jamais celui du metteur en scène, mais fréquemment celui d’un scénariste ou d’un assistant. L’objet de son « découpage technique » est de moins en moins cette grande entité abstraite que j’ai appelé par commodité le continuum spatio-temporel, mais au contraire des entités plus concrètes, qui peuvent être précisément définies et délimitées : des scènes et des séquences. Cette évolution accompagne une transformation des principes de production : tournage en studio, professionnalisation croissante des scénaristes, etc. Dès lors le « découpage-texte » n’a plus vocation à rendre « cinématographiable » un récit littéraire, il prévoit plutôt, dans ses plus infimes détails, la continuité à instaurer entre tous les fragments tirés des scènes et des séquences qui structurent le scénario, afin de planifier au mieux un tournage entièrement sous contrôle. Le bilan de ces changements, à tous les niveaux, c’est que le découpage tend de plus en plus à échapper à la sphère de la création pour entrer dans celle de l’organisation sociotechnique.
38La presse française témoigne de multiples manières de cette place centrale qu’occupe désormais dans le processus de production d’un film ce qu’on nomme « découpage technique » (c’est-à-dire un croisement entre le « découpage-texte » et le « découpage-pensée », moins à l’initiative du metteur en scène que des collaborateurs qui l’entourent). Ce sont par exemple des sociétés de dactylographies qui font de la publicité dans les revues corporatives de cinéma, pour des « copies de découpage » ; mais aussi l’apparition des frais liés au découpage dans les devis de films publiés par ces revues31 ; ou encore le fait que le découpeur professionnel, au même titre que les autres techniciens et collaborateurs de création, est très officiellement pris en compte pour déterminer la nationalité exacte d’un film32.
39Cette fonction de découpeur devient l’affaire de spécialistes, présentés comme tels dans les articles33 et jusque sur les affiches de films, aux côtés du dialoguiste et de l’opérateur. Bref, le « découpage-technique » devient un savoir-faire… que toute personne ambitionnant de s’adonner au cinéma doit connaître, comme le laisse entendre Marcel Pagnol : « C’est ainsi que j’appris à me servir d’une caméra, à placer un projecteur, à distinguer un négatif d’un positif, à faire un découpage, à monter un film, à synchroniser. Toutes choses d’ailleurs passionnantes34. » Marcel Pagnol inscrit donc la pratique du découpage au cœur d’un arsenal technique (pellicule, montage, son, etc.) dont il croit devoir montrer qu’il le maîtrise, à une époque où il est encore régulièrement renvoyé à son statut d’auteur de théâtre uniquement préoccupé par un enregistrement prétendument peu ambitieux de ses pièces. Tout porte à croire, par ailleurs, que, comme beaucoup d’autres à cette époque, Pagnol use du terme en jouant sur son ambiguïté : ce qu’il appelle ici « découpage » renvoie en effet tout autant au « découpage-pensée » qu’au « découpage-texte » (« découpage technique »). N’a-t-il pas déjà repris à son compte, dans « Cinématurgie de Paris », l’idée du découpage immatériel comme phase de l’acte de création artistique en cinéma lorsqu’il écrit, à renfort de grands noms, que « Charlie Chaplin, Gance, King Vidor, Tourneur, René Clair et quelques autres trouvèrent le rythme, la façon de découper l’histoire, l’esprit dans lequel il fallait la présenter ; bref, ils inventèrent et ils portèrent très haut toute une technique nouvelle, tout un art, qu’on appela le septième Art35 » ? D’un découpage à l’autre, Pagnol montre qu’il entend s’occuper personnellement de cet aspect et se place ainsi dans la catégorie assez peu fréquentée des metteurs en scène français des années 1930 qui contrôlent suffisamment la création cinématographique pour pouvoir revendiquer de ne laisser à nul autre la tâche de découper leurs films. Bref, implicitement, il s’érige en auteur cinématographique, aux côtés de Carné, qui signe jusque dans les génériques de ses films ses découpages, de Renoir évidemment, qui s’affiche ostensiblement comme auteur de ses découpages, dans les articles et fiches techniques que publient les revues corporatives36.
40L’enjeu – et Pagnol l’a parfaitement compris – est important car nombre de metteurs en scène français des années 1930, aussi célèbres soient-ils, peinent à réobtenir le droit de s’occuper personnellement de leurs découpages. Le cas L’Herbier l’illustre parfaitement. Ce dernier, qui contribua, avec d’autres, à théoriser le « découpage-pensée » comme phase essentielle de l’art cinématographique, souffre dans les années 1930 de devoir s’accommoder au nouveau mode de production des films, qui le dépossède parfois d’une part non négligeable de ses prérogatives artistiques… y compris, de manière quelque peu symbolique, lorsqu’il s’attelle au remake de ce film fondateur que fut Forfaiture. En effet, le film est annoncé dans la presse corporative comme devant être écrit et découpé par le tandem de spécialistes, Companeez et Juttke. Mais ce cas témoigne aussi de l’ambiguïté autour du statut de découpeur. En fait, même si la fonction existe dans le cinéma français des années 1930, le découpeur, lui, n’existe pas vraiment, et beaucoup de productions présentent un certain flottement lorsqu’il s’agit d’attribuer le travail à tel ou tel. L’exemple de Forfaiture le montre, puisqu’après les premières publicités mettant en avant Companeez et Juttke, la production annonce finalement un film écrit par Auriol et les deux spécialistes du découpage, mais qui ne sont plus découpeurs puisque remplacés pour cela par le premier assistant (André Cerf)37.
41De fait, le découpage peut être assuré, en France dans les années 1930, par une multitude de personnes aux statuts différents. Outre le cas finalement assez rare du metteur en scène découpeur, et celui, plus commun, de l’assistant cumulant la fonction de découpeur, c’est parfois la scripte ou le scénariste qui effectue le découpage, voire l’auteur dont est tiré le scénario, cas très courant à une époque où le cinéma français adapte beaucoup, des romans autant que des pièces. Mais ce peut être aussi, plus simplement, le producteur, pratique assez habituelle qui désigne de manière explicite la fonction de contrôle, notamment budgétaire, du découpage.
42Plus fréquemment encore, une sorte de tandem peut s’établir entre un metteur en scène et une personne chargée du découpage, le plus souvent son assistant ; leur collaboration, si elle donne toute satisfaction aux différentes parties, est alors susceptible de se prolonger de film en film. C’est le cas par exemple de Jean Dréville et de Robert Paul Dagan. Après La Sonate à Kreutzer, le duo travaille sur Troïka rouge, puis sur Les Nuits blanches de St Petersbourg, avant d’enchaîner sur Maman Colibri38. Ce duo qui prépare quatre films en un an montre implicitement combien l’adoption de ce mode de production centré sur le découpage technique correspond, en France, à cette époque, à une volonté de rationalisation de la création cinématographique d’autant plus importante que l’industrie française du cinéma privilégie une politique de production assez massive, qui ne peut fonctionner qu’en se basant sur des méthodes productives et rentables. En conséquence, la phase de découpage s’en trouve vidée de sa substance artistique, le « découpage texte » prenant le pas sur le « découpage idée » dès lors que le metteur en scène ne joue plus un rôle aussi déterminant dans son élaboration. Les contraintes de production transforment le découpage en pratique technique. On comprend ainsi que, pour certains, ce nouveau découpage – qu’il soit alors qualifié de technique ou plus tard de classique, selon aussi que l’on met l’accent sur le processus de création ou sur son résultat – ait pu représenter un risque de perte d’artisticité pour le cinéma, d’autant plus à une époque où cette artisticité paraît être également mise en péril par les changements techniques qui affectent le médium.
43Dès lors, les principales pensées théoriques, en France dans les années 1930-1940, peuvent être logiquement vues comme des formes de réaction à cette « dés-artistisation » du découpage. Certaines vont par exemple opposer à l’esthétique « continuiste » prônée implicitement par ce nouveau découpage, la prévalence de la discontinuité. C’est la position qui traverse souterrainement L’Esquisse d’une psychologie du cinéma de Malraux. D’autres se demandent, un peu à l’inverse, ce qui, dans cette nouvelle pratique du découpage, relève encore ou relève à présent de l’art : cela consiste à voir les modifications autour du découpage comme les symptômes de changements profonds dans la nature même de l’art cinématographique. C’est la position plus explicitement affichée par Leenhardt pour qui l’art cinématographique n’est pas forcément lié à sa dimension « manufacturée » et peut très bien s’accommoder d’une dimension mécanique, automatique. Plus exactement, l’art est justement dans la conciliation entre le manufacturé et le mécanique, dans la manière dont le découpage permet de lier (principe de continuité) du discontinu, de l’hétérogène, permet de donner une forme à la « matière brute » livrée par l’objectif. Tout le paradoxe étant ici de reverser le mécanique sur l’enregistrement (la matière brute livrée par l’objectif) et de maintenir le découpage dans la sphère du manufacturé, Leenhardt insistant fortement (tout comme Malraux, d’ailleurs) sur le rôle du « découpeur ». Paradoxe puisqu’il s’agit en quelque sorte de renverser ce qui paraît être les données presque intangibles du cinéma français de cette époque : une création humaine plutôt du côté de l’enregistrement (voir l’importance conférée, à cette époque, au modelage du profilmique, par les décors, la photographie, etc.), et une dimension mécanique plutôt du côté de la planification et de l’uniformisation opérées par le découpage technique.
44Partant de cette situation qui détermine principalement deux types de réactions, les quelques modifications qui affectent la question du découpage durant le début des années 1940 s’effectuent plutôt à la marge. L’organisation sociale du cinéma français qui se met en place pendant la guerre, basée sur un contrôle de l’État tant financier qu’idéologique, a tout intérêt à maintenir au découpage sa position centrale dans le processus de production. Le découpage technique peut donc être déposé auprès du Crédit national à des fins d’aide au financement, aussi bien qu’auprès des instances en charge de la censure, et se trouve ainsi lesté d’un poids institutionnel inédit, que la Libération ne vient pas alléger39. Cette pression institutionnelle explique sans doute deux évolutions importantes dans l’existence sociale du découpage :
- le découpage technique est maintenant enseigné, dans une école spécialisée (l’IDHEC, à partir de 194440), si bien qu’il fait l’objet de longs développements dans des ouvrages techniques destinés aux étudiants41 et se trouve même enseigné dans des formations à distance. Tout cela contribue bien sûr à une vision normative et techniciste du découpage, qui creuse un peu plus le fossé avec la vision originelle du découpage comme principe fondateur de la création cinématographique ;
- parallèlement, l’identité du sujet découpeur tend enfin à se fixer : c’est dorénavant l’assistant metteur en scène qui est officiellement en charge du découpage technique (dans la majorité des cas) ou plus exactement le découpage peut être rédigé par l’assistant mais son contenu est nourri par un travail collectif qui réunit la plupart des collaborateurs de création associés au tournage.
45Ce processus d’institutionnalisation du découpage ne rend donc que plus patent encore son apparente inconciliabilité avec la dimension artistique du cinéma, d’autant que ni la proposition Malraux ni la proposition Leenhardt n’ont pleinement résolu cette aporie, la proposition Malraux paraissant en partie se couper de la réalité sociale du découpage, et la proposition Leenhardt tentant plutôt de contourner le problème ou plus exactement de le renverser. Et puisque dorénavant le découpage relève du contrôle, idéologique et financier, puisqu’il peut être enseigné (là où l’art, dans l’imaginaire collectif, relève plutôt du don), puisqu’il est produit par un collaborateur subalterne, comment peut-il représenter encore une phase essentielle de la création artistique en cinéma ?
46La critique d’après-guerre ne peut bien sûr ignorer cette question, envisageant plusieurs réponses possibles. La première consiste à essayer de tordre la réalité sociale du découpage ou plus exactement de l’étirer, afin de ménager durant cette phase une vraie place à la création artistique. Dans un processus déjà très parcellisé, on ajoute non pas une tâche supplémentaire mais un nouveau nom à une tâche déjà existante : le « découpage artistique ». L’Écran français, dans une série d’articles intitulée « Comment on fait un film » consacre sa deuxième livraison (no 78, 24 décembre 1946) au « découpage technique ». On y explique que le découpage technique clôt une chaîne de tâches très ordonnées. En effet, après un premier traitement de 30 à 50 pages, le texte se transforme en « continuité » par sa fragmentation en séquences (9 à 13) puis en scènes (40 à 52). Traitement et continuité sont pris en charge par l’adaptateur, qui passe ensuite le relais au dialoguiste lequel « remplace, pour chaque scène, le résumé établi par l’adaptateur par le dialogue des personnages ». Cette continuité transformée, à laquelle peut être associé le metteur en scène, est appelée « découpage artistique », qui fait ensuite l’objet du découpage technique. La présentation de cette chaîne de production tente d’insister sur la dimension artistique, mais confine cette dernière à des questions d’écriture littéraire ou théâtrale et laisse peu de place au metteur en scène.
47Bien évidemment, ce processus d’écriture et de préparation ne satisfait pas les metteurs en scène qui revendiquent toujours la nécessité d’être les auteurs du découpage, ou, à tout le moins, d’avoir une place prépondérante dans cette chaîne de production. C’est en substance ce que dit Louis Daquin :
« Il me serait difficile de travailler sur un découpage complet qui me serait remis quelques jours avant de tourner et auquel je n’aurais pas collaboré intimement. Je crois du reste que l’idéal serait que le metteur en scène fût l’auteur absolu de l’histoire qu’il raconte42. »
48Cette revendication est générale et l’Écran français, dans l’article mentionné, s’en fait l’écho en parlant au sujet du « découpage technique » de « mise en scène écrite » et en ajoutant : « C’est donc encore sur le papier que le réalisateur va définir sa mise en scène en établissant son découpage technique. » Mais le système de production du cinéma français d’après-guerre, très hiérarchisé et parcellisé, toujours sur le modèle américain qu’il s’agit encore de concurrencer, s’il peut concéder quelque place au metteur en scène dans ce processus, ne semble pas prêt, en revanche, à laisser le metteur en scène régenter la phase du découpage. Certains critiques s’en font ouvertement l’écho, sans nécessairement porter un jugement négatif sur cette situation. Ainsi Gérard Caillet qui écrit dans Opéra, le 1er mai 1946 :
« Un film est une œuvre collective. Y collaborent le scénariste, le découpeur et le dialoguiste qui ne s’identifient pas toujours avec lui, le metteur en scène, l’électricien, l’ingénieur du son, le photographe ; le compositeur et les musiciens ; le décorateur et l’acteur ; et les Américains ont encore multiplié les étapes avec leurs méthodes de travail en série. »
49Cette situation pose néanmoins problème à un moment où une bonne part de la critique tente de réinstaurer le metteur en scène comme auteur absolu du film – et se paye même le luxe de commencer à le faire à partir de l’exemple de cinéastes américains (Hitchcock, par exemple) qui revendiquent justement la maîtrise du découpage. Dès lors, en toute logique, ce que construit la critique française de l’époque, et Bazin en particulier, c’est une nouvelle acception du découpage, acception qui rapproche non pas « découpage-texte » et « découpage-pensée » mais « découpage-pensée » (ou une forme de « découpage-pensée) » et « découpage-critique ». C’est-à-dire une acception qui permet tout à la fois de rendre compte de la pensée créatrice en cinéma et d’évaluer le résultat de cette pensée. Pour la jeune critique, ces deux découpages n’ont qu’un auteur : le metteur en scène. Et ce nouveau découpage constitue donc en quelque sorte le moyen, pour la critique, de retourner aux intentions du metteur en scène, ouvrant la voie à une critique fondamentalement auteuriste. Surtout, le découpage tel qu’envisagé par cette nouvelle génération de critiques fait l’objet d’un déplacement dans la chaîne de production : il ne concerne plus l’avant-tournage, le fait de consigner par écrit des éléments à tourner ou le fait d’anticiper par la pensée ce qui sera tourné (comme c’était le cas auparavant avec le « découpage-texte » et le « découpage-pensée ») mais s’inscrit principalement dans la temporalité du tournage : la préparation du film doit être en quelque sorte réinventé au tournage, par la confrontation au réel. Le découpage devient alors une façon d’agencer des bribes de réel ou des bribes « comme dans le monde réel » (pour reprendre l’expression d’Amengual) – question qui trouve des prolongements, chez Chartier comme chez Bazin, sur le découpage comme forme reproduisant « la perception courante par mouvements d’attention successifs43 ».
50On voit ainsi l’ampleur de la transformation opérée par Bazin et ses contemporains, qui fusionnent plusieurs conceptions du découpage pour mieux inventer une nouvelle pensée du cinéma, privilégiant l’enregistrement sur la préparation. La Nouvelle Vague saura s’en souvenir.
Notes de bas de page
1 Bazin A., What is Cinema?, Montréal, Caboose, 2009.
2 Giraud J., Le lexique français du cinéma, des origines à 1930, Paris, CNRS, 1958.
3 Amengual B., « Du montage au découpage : l’évolution actuelle du langage cinématographique », Image et son : la revue du cinéma, no 51, mars 1952, p. 6 (merci à Sylvain Portmann). Ce texte paraît entre « Pour en finir avec la profondeur de champ », publié par Bazin dans le no 1 des Cahiers du cinéma (avril 1951) et « Le découpage et son évolution » édité par Bazin dans L’Âge nouveau (no 93, juillet 1955). Il est par ailleurs strictement contemporain de Vingt ans de cinéma à Venise, sachant que la refonte de ces trois textes de Bazin deviendra le chapitre « L’évolution du langage cinématographique » du tome 1 de Qu’est-ce que le cinéma ? (Paris, Éditions du Cerf, 1958). Il y aurait donc lieu de se demander dans quelle mesure le texte d’Amengual trouve une sorte d’écho dans le texte que Bazin (qui lisait assidûment les autres critiques) publie dans L’Âge nouveau, puis dans la forme définitive donnée à ses réflexions sur le sujet dans Qu’est-ce que le cinéma ?
4 Buñuel L., « “Découpage” ou segmentation cinégraphique » (1927-1928), Cahiers du cinéma, no 223, août-septembre 1970, p. 18.
5 Voir par exemple « Le film cinématographique Agfa et les usines de Greppin », Ciné-Journal, no 213, 21 septembre 1912, p. 42 et 46.
6 De nombreux brevets visant à faciliter et à améliorer la technique du pochoir sont déposés à cette époque. Voir par exemple Ciné-Journal, no 183, 24 février 1912, p. 55.
7 Bazin A., « William Wyler ou le janséniste de la mise en scène », La Revue du cinéma, no 10, février 1948, p. 47.
8 Bazin A., « La technique de Citizen Kane », Les Temps modernes, no 17, février 1947, p. 946.
9 Berthomé J.-P. et Thomas F., Citizen Kane, Paris, Flammarion, coll. « Cinémas », 1992, p. 94. (Merci à Jean-Baptiste Massuet de m’avoir rappelé cette citation.)
10 Moussinac L., « Le cinéma au Salon d’automne », Gazette des sept arts, no 9, 1er novembre 1923, p. 11, reproduit dans Léon Moussinac critique et théoricien des arts, Paris, AFRHC, 2014, p. 90-91. Pour plus de détails sur les conceptions du rythme, en général, et du découpage, en particulier, on se reportera à Laurent Guido, L’Âge du rythme, Lausanne, Payot, 2007.
11 Diamant-Berger H., « Les gros plans », Le Film, no 119, 24 juin 1918 (n. p.). C’est moi qui souligne.
12 Buñuel L., op. cit., p. 19 (pour les trois citations).
13 L’article date du 2 décembre et non du 7 février 1917 et dit notamment ceci : « Le cinéma français traverse aujourd’hui une crise de croissance extrêmement grave. Il doit en triompher ou en mourir. Il souffre, à la fois, d’une crise de quantité et d’une crise de qualité, celle-ci plus dangereuse que celle-là. »
14 De nouveau, je ne peux que renvoyer au travail de Laurent Guido sur ce sujet dans L’Âge du rythme, op. cit.
15 Voir Cinéa, no 1, 6 mai 1921, p. 24.
16 Cité dans Cinéa, no 55, 26 mai 1922, p. 14.
17 Landry L., « Une ténébreuse affaire. Composition cinégraphique d’après le roman de Balzac », Cinéa, no 4, 27 mai 1921, p. 12.
18 Auriol J. G., « Lonesome (Solitude) », Du cinéma, no 2, février 1928.
19 Debaker G., « La critique est aisée », Cinéa, no 8, 24 juin 1921, p. 18.
20 Moussinac L., « Le cinéma au Salon d’automne », art. cit.
21 Cité par Coissac G.-M. dans Les Coulisses du cinéma, Paris, Les Éditions pittoresques, 1929, p. 56.
22 Selon J. Giraud, Lexique français du cinéma des origines à 1930, op. cit., il s’agit d’un découpage « qui, suivant les principes appliqués aux États-Unis, fait valoir uniquement la vedette du film ».
23 Faure J., « L’histoire de J’ai tué racontée par son metteur en scène », Mon Ciné, no 151, 8 janvier 1925.
24 Dulac G., « Chez David Wark Griffith », Cinéa, no 7, 17 juin 1921, p. 12.
25 Voir Cinéa, no 10, 8 juillet 1921, p. 12.
26 Rose A. F., « Derrière l’écran », Cinéa, no 35, 6 janvier 1922, p. 8.
27 Meignen E. et Dumoret J. J., Le Code du cinéma, Paris, Dorbon aîné, 1924 (cité dans Les Coulisses du cinéma, op. cit., p. 107).
28 Coissac G.-M., Les Coulisses du cinéma, op. cit., p. 54.
29 Moen L. C. et Arnaud H. J., « Le metteur en scène et le film parlant », Du Cinéma, no 4, 15 octobre 1929, p. 50-52.
30 Par exemple : « Il est inutile d’insister sur ce film sans style et qui aurait pu avec plus de soin et surtout avec un découpage plus travaillé devenir une œuvre fort acceptable et même poétique » (P. G. – probablement Pierre Gérin –, « Aloha, le chant des îles de Léon Mathot », Ciné-France, no 27, 31 décembre 1937, p. 8).
31 Voir par exemple Richard A.-P., « La confection du film. Le devis préalable », La Cinématographie française, no 956, 26 février 1937, p. 27.
32 Voir ainsi « Le Grand Prix du Film Français de l’Exposition 1937. Règlement du concours », La Cinématographie française, no 959, 19 mars 1937, p. 86.
33 La Cinématographie française annonce ainsi que le remake français de Forfaiture sera « découpé par les excellents spécialistes Companeez et Juttke », no 973, 25 juin 1937, p. 228.
34 Cité par Epardaud E., « Marcel Pagnol réalise Arsule dans la rude poésie de la montagne provençale », La Cinématographie française, no 960, 26 mars 1937, p. 142.
35 Pagnol M., « Cinématurgie de Paris », Les Cahiers du film, no 1, 15 décembre 1933. (Merci à Karine Abadie.)
36 On pourrait ajouter Duvivier qui explique que c’est « en lisant mon scénario et en le découpant [que] peu à peu mon film se compose et s’organise ; ainsi toutes mes images sont prêtes quand j’arrive au studio » (Gérin P., « Enquête auprès des metteurs en scènes. Comment ils composent leurs images. Julien Duvivier », Ciné-France, no 29, 25 février 1938, p. 8).
37 Voir La Cinématographie française, no 979, 6 août 1937, p. 13.
38 Selon les sources (affiches, fiches techniques, encarts, etc.), le nom du découpeur varie : Robert Paul Dagan ou juste Robert Paul.
39 « Le découpage d’un film devrait être prêt au moins deux mois avant le premier jour de tournage. Une bonne préparation permet de diminuer considérablement la durée du tournage, et elle se traduit finalement par une diminution d’au moins 25 % des devis courants ; elle permet, en outre, une amélioration sensible de la qualité du film. » (Projet de réorganisation du syndicat des techniciens de la Libération. Merci à Guillaume Vernet.)
40 Les étudiants « vont, pendant trois ans, suivre les cours de l’Institut, cours où la formation intellectuelle et artistique s’allie à la formation pratique et technique. Les cours de “Littérature” et d’“Histoire de l’Art”, d’“Histoire de la vie sociale”, de “Géographie humaine” se mêlent aux travaux pratiques de montage, de prise de vues ; l’adaptation de nouvelles et de romans se complète de découpages et de mises en scène » (Gérin P., directeur général de l’IDHEC, « L’Institut des Hautes Études Cinématographiques après trois ans d’activité », Bulletin de l’IDHEC, no 4, septembre 1946, p. 11).
41 Voir par exemple Berthomieu A., Essai de grammaire cinématographique, Paris, La Nouvelle Édition, 1946.
42 Cité par Leprohon P., Les 1001 métiers du cinéma, Paris, Éditions Jacques Melot, 1947.
43 Chartier J.-P., « Art et réalité au cinéma », Bulletin de l’IDHEC, no 4, septembre 1946.
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