Voir et savoir voir. Les critofilms de Carlo L. Ragghianti
p. 289-308
Texte intégral
1En 1990, Georges Didi-Huberman posait, dans son ouvrage Devant l’image1, les limites d’une simple pratique de l’histoire de l’art et de son corollaire, la connaissance illusoire, en nous incitant à poser notre regard sur une Annonciation de Fra Angelico, peinte vers 1440-1441 au couvent San Marco à Florence, sur laquelle un étonnant « pan de blanc » s’inscrivait entre l’ange et la Vierge. À la satisfaction d’avoir facilement identifié une Annonciation succéderait probablement la déception provoquée en nous par la vision d’une fresque se donnant « comme l’histoire la plus pauvrement, la plus sommairement racontée qui soit. Aucun détail saillant, aucune particularité apparente […] ». D’ailleurs, plusieurs historiens de l’art, déçus en regard de la « profusion stylistique qui caractérise en général les Annonciations du Quattrocento », considéraient cette œuvre comme « un imagier un peu sommaire, voire naïf », faisant du « rien entre l’ange et la Vierge » un témoignage de « l’ineffable et de l’infigurable voix divine à laquelle, comme la Vierge, Angelico devait se soumettre tout entier ».
2Georges Didi-Huberman s’interrogeait alors : d’où émanait pourtant la puissance visuelle, et même virtuelle – puissance souveraine de ce qui n’apparaît pas visiblement – de ce « pan de blanc », d’une « efficacité sans détour » ? Et si l’efficacité des images ne tenait pas uniquement à la seule transmission des savoirs mais se jouait au contraire « dans l’entrelacs, voire l’imbroglio de savoirs transmis et disloqués, de non-savoirs produits et transformés », exigeant « un regard qui ne s’approcherait pas seulement pour discerner et reconnaître, pour dénommer à tout prix ce qu’il saisit – mais qui, d’abord, s’éloignerait un peu et s’abstiendrait de clarifier tout de suite […] » ? S’il fallait, non pas « se saisir de l’image [mais] se laisser plutôt saisir par elle : donc [à] se laisser dessaisir de son savoir sur elle » ? « Nous accepterions d’imaginer, avec le seul garde-fou de notre pauvre savoir historique, comment un dominicain du XVe siècle nommé Fra Angelico pouvait dans ses œuvres faire passer la chaîne du savoir, mais aussi la briser jusqu’à l’effilocher toute, pour en déplacer les parcours et les faire signifier ailleurs, autrement ».
3L’exhortation de Georges Didi-Huberman à une approche circonstanciée, plurielle et mobile de l’histoire de l’art nous parait entrer en résonance avec la démarche singulière d’un historien de l’art qui, à partir de 1949, s’appropria de manière novatrice les ressources du cinéma afin de questionner l’efficacité des images pour les « faire signifier ailleurs, autrement ». Une démarche inédite pour l’époque car, s’il n’était pas le premier historien de l’art à s’intéresser aux potentialités du médium – Roberto Longhi2 l’avait précédé en 1947 en réalisant un film sur Carpaccio avec le cinéaste Umberto Barbaro – Ragghianti excluait de se contenter d’un rôle de consultant ou d’auteur du commentaire : il décidait d’assumer l’entière paternité artistique des films.
4Un retour en arrière s’impose, sur le chemin qui mène l’historien de l’art au cinéma. Au début des années 1930, alors qu’il est encore étudiant en histoire de l’art à l’École Normale de Pise3, Ragghianti se passionne, à l’instar de nombreux intellectuels4 de l’époque, pour les films de Chaplin, de Stroheim, d’Eisenstein, de Poudovkine ou de Pabst, œuvres qu’il tient d’emblée pour des objets d’étude d’un intérêt au moins égal à celui que peuvent susciter les œuvres visuelles qui les ont précédés. En 1933, il publie un essai intitulé Cinematografo rigoroso5 (Cinématographe rigoureux), dans lequel il affirme que le cinéma est un art plastique à part entière, à partir duquel il est possible d’établir non seulement des correspondances symptomatiques mais aussi une certaine filiation avec les autres arts visuels. Ragghianti s’appuie notamment sur l’exemple de Pabst, dans l’œuvre duquel il distingue l’influence de Rembrandt et de Millet pour certaines scènes de La Tragédie de la mine (1931) ou encore celle de la peinture impressionniste dans une séquence de L’Atlantide (1932). Plus encore, selon lui, le langage propre du cinéma, qui associe à la force visuelle des images la puissance de conviction des mots, ferait de ce médium un mode d’expression et un vecteur de la pensée sans équivalent.
5Aussi n’est-il guère étonnant, en 1949, de voir l’étudiant cinéphile devenu un historien de l’art reconnu – il enseigne alors à l’université de Pise – décider de mettre les potentialités exégétiques du cinéma au service de sa pensée critique et réaliser deux premiers essais cinématographiques (La Déposition de Raphaël et Laurent le Magnifique et les arts). Dès 1954, le soutien d’Adriano Olivetti6 va lui offrir les moyens de poursuivre la tentative et d’explorer plus avant, avec les ressources du cinéma, l’histoire de l’art italien, des Urnes étrusques de Volterra à L’Art de Rosai. Vingt-et-un films, réalisés au cours de quinze années, constitueront la série seleArte cinematografica7, dans laquelle Ragghianti aborde non seulement la peinture, la sculpture ou l’architecture, champs classiques du film sur l’art, mais aussi des sujets moins attendus comme la numismatique ou l’urbanisme. Cette volonté d’échapper aux primats traditionnels du genre va aussi se retrouver dans le contenu critique et le traitement formel des critofilms. Le recours à un néologisme prouve combien Ragghianti aspire à se distinguer largement d’une production contemporaine qu’il juge plus apte à « ébranler, troubler, transporter psychologiquement le spectateur8 » qu’à lui enseigner à « savoir voir9, c’est-à-dire [de] savoir déchiffrer et comprendre les œuvres d’art, pleinement, en tant que langage et que structure10 », ce que Ragghianti se propose de faire avec ses critofilms.
6Deux courants prédominent alors, selon Ragghianti, dans la production de films sur l’art de l’époque : celui des films pédagogiques, d’une part, où « les prises de vues ne se distinguent guère des documents fixes de photographie […] et où le conférencier joue le rôle principal11 », reléguant l’image à l’arrière-plan ; celui des films narratifs, d’autre part, qui rendent, certes, « directement compte des peintures, sculptures ou architectures12 », mais relèvent avant tout de l’esthétique psychologique. Dans ces films prime un « récit » énoncé à travers un choix d’images et le « souci de traduire la sensibilité esthétique13 » du réalisateur. Enfin, plus que tout, la « fadeur de vues superficielles et malvenues14 » autant que « la platitude et la banalité » des commentaires, caractérisent, aux yeux de Ragghianti, l’ensemble de la production, à quelques exceptions près15.
7Pour cet ardent anti-fasciste qui a exercé des responsabilités politiques dans l’après-guerre16, les critofilms s’assimilent au contraire à un acte militant. Loin de constituer une activité parallèle à son enseignement de l’histoire de l’art, les critofilms en forment un prolongement par le biais duquel il espère s’adresser au plus grand nombre. Seul en effet, le langage cinématographique permet, selon lui, de dépasser « les ressources et les potentialités de la parole et de l’écrit », et peut contribuer, en tant que « mode de communication le plus universel et le plus accessible, [celui] qui s’adresse à tous avec la force de conviction la plus immédiate17 ».
8Rappelons qu’émerge alors, dans l’Italie de l’après-guerre, un mouvement18 dont l’objectif est d’amener le public, par la connaissance et l’analyse des grands films19 – que ce soit à la maison, à l’université (avec les Cercles Universitaires de Cinéma), au bureau ou dans les usines – à une conscience critique.
9C’est justement sur une approche critique des œuvres que se fonde avant tout le langage des critofilms, « une parole qui exprime […] une parole-concept », tout autant que sur un traitement plastique original, « une parole en acte20 ». Le terme critique est entendu en opposition au discours dominant, académique, sur les œuvres d’art :
« Naturellement, ce devra être une véritable critique, et non quelque succédané comme on en rencontre beaucoup, ni une quelconque approximation qui n’ait de commun avec elle qu’une dénomination trop galvaudée, telle notamment la tendance à concevoir les œuvres d’art comme des documents sur une certaine époque ou une certaine culture, ou bien comme des exemples instructifs, ou encore à ne s’intéresser qu’aux thèmes pris isolément, et à les faire servir à des fins utilitaires ou émotionnelles21. »
10Cette approche critique repose sur deux concepts fondateurs : celui de « valeur temps22 », d’une part, et celui de faire – ou geste – artistique, d’autre part.
11À rebours de l’idée communément admise selon laquelle la notion de temps serait aussi inexistante dans la peinture, par exemple, qu’elle est manifeste dans le cinéma, Ragghianti affirme qu’« une peinture résulte précisément d’un processus, et [que] la différence, dépourvue de signification sur le plan spéculatif, ne tient qu’au fait que cette valeur se traduit différemment mais non moins réellement dans un tableau, tant à travers le processus du regard que par celui de la reconstitution critique23 ». Toutes les œuvres d’art ont donc leur dynamique et leur temporalité que le critofilm se propose de révéler :
« […] toute œuvre d’art pose un problème formel bien distinct, car elle possède une dynamique propre, née de la personnalité de son auteur, et [qu’] il convient de redécouvrir cette dynamique pour la disséquer et l’explorer dans ses moindres fluctuations et articulations perceptibles, afin d’en restituer et d’en faire pleinement goûter la saveur unique24. »
12Le dispositif cinématographique, avec ses ressources propres – principalement les images en mouvement et le montage –, parait, par sa forte dimension temporelle, plus susceptible que tout autre procédé « de reconstituer le processus qui a donné naissance à cette œuvre, et selon ses qualités spécifiques25 », de « transmettre son histoire […] et son évolution26 », en un mot, de restituer une durée au regard.
13Les critofilms doivent également s’attacher à « cette forme de recherche qui tend à reconstituer fidèlement le faire d’un artiste, sa pratique27 ». Le concept du faire artistique, entendu comme processus intellectuel – assez proche de la notion développée par Alois Riegl de Kunstwollen (volonté d’art)28, conscience effective de l’artiste créateur – repose en partie chez Ragghianti sur la distinction29 entre la création pure (poésie) et l’acte de cognition (prose) à l’œuvre dans le processus artistique.
« Le langage cinématographique permet précisément de retracer et de faire revivre cette pratique spécifique à chaque personnalité artistique, et avec ses divers ancrages, ses multiples inflexions originales déterminés par la dynamique qui préside concrètement à l’éclosion de toute singularité, – en évitant la moindre abstraction forgée a posteriori et coupée de la réalité, la moindre extrapolation douteuse30. »
14La propre expérience artistique de Ragghianti31 n’est sans doute pas étrangère à cette attention portée à la reconstitution du faire artistique, et à son désir de cinéma.
15Des deux concepts que sont la valeur temps et le faire artistique, socle de l’approche critique ragghiantienne, vont découler plusieurs constantes qui distinguent le propos des critofilms et induisent leurs caractéristiques formelles : l’attention extrême portée à la contextualisation de l’œuvre et aux rapports de la composition et de l’environnement architectural et spatial ; la recherche méthodique et le respect du point de vue de l’artiste ; l’étude systématique de la structure compositionnelle, des articulations, du rythme et de la tridimensionnalité des œuvres ; le décloisonnement des disciplines artistiques et l’analyse de leurs apports réciproques.
16Le principe de contextualisation conduit Ragghianti à préférer, à l’écriture d’un scénario, l’observation in situ, comme le souligne Cesare Molinari32 en évoquant la préparation du tournage de Michel-Ange :
« Avant et pendant l’élaboration du film, Ragghianti passait des heures à tourner autour des statues et devant les peintures de Buonarroti, à les scruter et à chercher tous les points de vue possibles, afin d’en comprendre chaque fois la logique : ainsi sont nés des angles “impossibles” (mais bien réels aux yeux de l’artiste au moment de l’exécution), qui approfondissent et complètent la connaissance de l’œuvre […]. Le film est donc né, d’abord, de la “familiarité” avec les œuvres33. »
17Seule la préparation des premiers critofilms donnera lieu à l’établissement de découpages extrêmement détaillés – indiquant la position et les mouvements de caméra, le commentaire, la musique, etc., comme en témoignent les documents de préparation retrouvés dans les archives personnelles de Ragghianti34. Celle des films suivants se révèlera beaucoup moins contrainte et obéira davantage « aux vivantes injonctions des lieux, des édifices, des œuvres […]35 ».
18L’attention extrême portée au contexte dans lequel se situe l’œuvre va trouver sa traduction cinématographique dans la représentation qu’en font les critofilms, de façon quasi systématique, au sein de son environnement et ce, dès les premiers plans : de nombreuses vues de grand ensemble, aériennes ou panoramiques ouvrent en effet la plupart des critofilms. Ainsi ces plans de très grand ensemble qui, pour démontrer l’unité organique des communautés et de la configuration des paysages environnants, s’attardent sur les paysages dans lesquels s’inscrivent les villages de la Lunigiana36, dans Communautés millénaires (1954) ; ce panoramique balayant le paysage dans lequel s’inscrit La Chartreuse de Pavie (1961) ; ou encore cette série de vues aériennes de Venise qui ouvre Grand Canal (1963) et permet de percevoir la complexité du plan urbain et l’agencement des voies de circulation.
19La contextualisation par la prise de vue est ensuite complétée au montage, comme on peut le voir dans Le Style de l’Angelico (1955). Dans ce film, qui s’ouvre sur les images du couvent San Marco de Florence où vécut et travailla l’artiste entre 1438 et 1446, une série de fondus enchaînés permet d’établir des correspondances symptomatiques : « La nécessité de replacer l’artiste dans la culture figurative à laquelle il appartient est traitée par Ragghianti sur un mode strictement visuel, par un usage déjà largement éprouvé de fondus enchaînés permettant d’évoquer successivement, dans une même séquence, des œuvres de Giotto, Masaccio et Paolo Uccello37 », analyse Daniela Ferrante. Ces fondus enchaînés sont également employés pour établir, dans Le Style de Piero della Francesca (1954), une série de correspondances reliant le peintre à ses prédécesseurs ou successeurs.
20Si les vues aériennes permettent de contextualiser l’œuvre, elles se révèlent également particulièrement efficaces pour rendre compte de l’agencement de certains ensembles complexes, et Ragghianti y a recours régulièrement. Elles constituent l’essentiel des vues de Hautes Terres de Toscane (1961) où elles s’avèrent déterminantes pour restituer de vastes espaces et illustrer « la structure géophysique, économique et urbaine médiévale » qui caractérise la région de Sienne. Vues aériennes et vues en plongée permettent également de renouveler la vision des œuvres : une vue en plongée met ainsi en évidence, de manière tout à fait saisissante, « le caractère unificateur de l’organisation de l’espace38 » de la Chapelle Médicis (Michel-Ange, 1964). Pour pousser plus avant certaines analyses, notamment celle de la structure urbaine de la ville médiévale de Lucques, Ragghianti profitera également, dès 1955, de l’élargissement du cadre qu’autorise le Cinémascope (La Ville de Lucques)39, auquel il fera régulièrement appel par la suite pour dépasser les « limites du cadrage habituel ».
21Mais, autant les vues aériennes et en plongée, ainsi que l’élargissement du cadre, donnent une vision synthétique des œuvres et traduisent la vision extérieure du critocinéaste, autant la nature intrinsèquement « démiurgique » de leur point de vue fait courir au film le risque de ne pas refléter l’intention originelle « humaine », la volonté d’art qui a présidé à leur réalisation. Aussi, Ragghianti propose-t-il un contrepoint en mettant en valeur le « point de vue choisi à l’origine par l’auteur40 ». Le respect scrupuleux de celui-ci passe notamment par la vision en contre-plongée de certaines fresques ou coupoles :
« Il existe des peintures qui nécessitent d’être regardées à une certaine distance et par en-dessous, c’est le cas de la Naissance de Vénus, de Botticelli, dont le peintre a déterminé très rigoureusement la hauteur et l’éloignement par rapport au spectateur, et où il a calculé l’écart entre les détails afin de graduer la composition. Il a même établi des axes ascensionnels, obliques ou longitudinaux qui facilitent la vision globale de la toile, créant des ruptures et des éléments de continuité pour guider le regard, selon une dynamique et une syntaxe propres, ce qui requiert du spectateur une forme de disponibilité particulière41. »
22Pour qu’« une œuvre qui ne pouvait se regarder que de façon statique et distante, [devienne] un événement ; [pour que] du fait, on [passe] au faire42 », il convient tout d’abord, selon Ragghianti, « de se rapprocher autant qu’il est possible de la situation dans laquelle se trouvait initialement l’artiste, et je dirai presque de refaire son geste43 ».
23Ces démarches audacieuses vont cependant induire de grandes difficultés que l’historien de l’art ne saurait résoudre seul : ses directeurs de la photo, Umberto Pitscheider puis Carlo Ventimiglia44, seront alors d’une aide considérable. L’exiguïté ou la hauteur de certains emplacements, le respect de la sécurité des lieux et des contraintes d’ouverture au public obligent en effet à une inventivité et à des aménagements constants : des praticables, ajustables en hauteur et pouvant être déplacés sur les côtés, en diagonale, en courbe, grâce à des chariots mobiles, seront disposés devant les œuvres. Des caméras spéciales seront également mises au point, montées sur un bras articulé, dirigeables à distance et équipées de plusieurs moteurs, avec une capacité de rotation à 180°45.
24L’attention à la structure compositionnelle des œuvres, la volonté de redécouvrir leur dynamique propre, de la disséquer et de l’explorer dans ses moindres fluctuations et articulations perceptibles, conduisent Ragghianti à recourir à des procédés spécifiques. Parmi ceux-ci, on trouve par exemple les schémas dessinés en plan ou en élévation, comme ceux faisant apparaître la structure morphologique des agglomérations antiques de Communautés millénaires, ou encore le procédé, utilisé par ailleurs simultanément par Paul Haeserts et Henri Storck dès 1948 (Rubens), consistant à placer sur l’image, en surimpression des œuvres, des lignes directrices qui en font apparaître les principes compositionnels.
25Les travellings et les panoramiques, quant à eux, sont utilisés pour opérer des enchaînements dynamiques entre les éléments visuels et se replacer dans une optique spécifique :
« [Celle] que l’artiste avait su faire triompher sur le plan de la vision et du style, d’adopter ses choix d’un seul ou de plusieurs points de vue, d’un lien statique ou au contraire d’un enchaînement dynamique entre les éléments visuels, que ceux-ci soient univoques ou très complexes, isolés ou joints, immobiles ou en mouvement, qu’ils focalisent l’attention ou bien enveloppent le regard, qu’ils soient centripètes ou centrifuges, etc.46. »
26Un filmage en continu, longeant les rues ou les canaux d’une ville, épousant la structure d’une façade, les lignes d’un tableau ou les courbes d’une sculpture, respectera, autant qu’il la mettra en relief, une certaine organisation plastique ou urbanistique.
27Les travellings en caméra subjective permettent également de capter l’attention du spectateur. De longs travellings parcourent par exemple, comme pourrait le faire un promeneur, les artères du site archéologique de Pompéi (Pompéi urbaine, 1958). Mais, en invitant, par l’intermédiaire de la caméra, le spectateur du critofilm à évoluer dans le dédale de Pompéi, Ragghianti s’attache, non pas à lui faire ressentir une émotion d’ordre esthétique, mais bien plutôt à lui faire découvrir les nœuds fonctionnels de la structure urbaine antique et à recréer les conditions visuelles de son appréhension. Dans la même perspective, une longue vue aérienne épousant les courbes du Grand Canal à Venise permet de saisir l’agencement du réseau des quais et des ruelles qui se déploie à partir de celui-ci (Grand Canal). Un panoramique circulaire filmant les édifices situés autour de la place du Dôme à Pise cherche non pas à troubler la perception du spectateur mais à lui révéler tout à la fois la structure et l’historique de l’édification de la place (Histoire d’une place).
28Un traitement formel tout aussi singulier va s’appliquer à l’architecture. Alors que les documentaires classiques privilégient une vision invariablement fixe et frontale, qui « nivelle les monuments », les critofilms cherchent au contraire à les mettre en relief et à en distinguer, comme à en souligner, les caractéristiques intrinsèques. Evoquant deux monuments aussi différents que Sainte-Sabine et Saint-André du Quirinal, deux églises de Rome, l’une basilique primitive élevée au Ve siècle, et l’autre typiquement baroque, du Bernin (1658-1670), Ragghianti évoque ainsi le traitement distinct qui doit en être effectué :
« En effet, à Sainte-Sabine, il convient d’adopter des mouvements angulaires, en gardant présent à l’esprit l’aspect déterminant du jeu des surfaces entre elles, ainsi que des rythmes qui ponctuent l’espace, et créent même une scansion métrique. En revanche, à Saint-André du Quirinal, il faudra mettre l’accent sur cette incroyable envolée de tangentes, d’un mouvement inépuisable, qui modèle de l’intérieur l’architecture du Bernin, tel une sorte de tourbillon qui vous entraîne. Dans un pareil espace, il ne faut surtout pas s’arrêter sur un plan-image, ce serait rompre l’élan plein de fougue qui, dès le porche, saisit le visiteur qu’enveloppe soudain la façade, et qui se sent comme aspiré vers l’intérieur de l’édifice d’un mouvement plein de vie. À l’évidence, les déplacements de caméra doivent, à Sainte-Sabine, être à la fois angulaires et réguliers, les plans, demeurer fixes ou très statiques, ou bien marquer des temps d’arrêt au gré des douces courbures des arcs et des alternances de pleins et de vides ; tandis que dans la construction du Bernin, on n’a nul loisir d’oser la moindre fantaisie arbitraire, il devient indispensable et d’ailleurs parfaitement possible de s’immerger au cœur des éléments architecturaux en un entrelacs de trajectoires complexes, en s’attachant aux foyers d’où irradient les lignes de force et d’en suivre l’extension dans toutes les directions47. »
29De longs mouvements de caméra horizontaux ou verticaux parcourent donc, dans les critofilms consacrés à l’architecture, les parois, les colonnes, les façades, les sculptures des monuments, pour en souligner la structure, ou encore révéler la fusion, en un même dessein artistique, des formes architecturales et sculpturales (les reliefs sculptés de La Chartreuse de Pavie).
30Une même vision dynamique caractérise le traitement formel de la peinture. Ragghianti évite en effet « la projection successive de détails », à l’œuvre dans la plupart des films sur l’art, « et surtout la seule présentation de ceux-ci, isolément et statiquement48 ». Dans Le Style de l’Angelico, des mouvements de caméra courbes et circulaires suivent dans leur impulsion la figuration des processions d’anges sur une fresque de Fra Angelico, tandis que d’autres, verticaux et horizontaux, relient entre eux les motifs figuratifs du peintre. La caméra suit, dans « La Déposition » de Raphaël, « un parcours rigoureusement tracé à l’intérieur de l’espace pictural pour saisir la démarche créatrice de Raphaël dans toutes ses ramifications49 ». Ragghianti reprend ainsi la méthode, couramment utilisée chez Luciano Emmer, du travelling exploratoire. Mais, alors que chez Emmer ce dispositif est mis au service d’une ambition narrative, le travelling participe, chez Ragghianti, de l’analyse formelle de l’œuvre et met en place une vision mobile de la peinture pour « parvenir à une analyse en profondeur de la composition50 ».
31Parallèlement à la mise en œuvre novatrice de procédés peu utilisés dans les films traditionnels sur l’art, Ragghianti n’hésite donc pas à recourir à certaines propositions cinématographiques dont il a perçu l’efficacité chez d’autres réalisateurs. Il a ainsi particulièrement apprécié l’usage de la lumière fait par Carl Lamb dans son film sur l’architecture religieuse baroque, Raum im kreisenden licht51, et utilise à son tour l’éclairage en faisceaux mobiles et rasants pour souligner par exemple les reliefs des urnes sculptées conçues pour l’obscurité de la tombe (Urnes étrusques de Volterra). L’éclairage s’avère particulièrement efficace pour mettre en valeur la tridimensionnalité des œuvres à laquelle Ragghianti se montre particulièrement attentif, et qui tranche avec les points de vue frontaux à l’œuvre dans les documentaires traditionnels. C’est l’une des grandes constantes des critofilms, comme en témoigne notamment l’approche de la figura serpentinata, symbole de la fusion du corps et de l’esprit, qui domine l’œuvre de Michel-Ange (Michel-Ange, 1964) : à partir du visage du David, un long mouvement de caméra descend, puis remonte le long de la sculpture. Ragghianti y imprime délibérément un mouvement de torsion, de spirale et des arrêts sur certains détails qu’il juge symptomatiques : le regard déterminé de David, la main tenant la pierre qu’il va lancer.
32Si le montage s’est révélé un instrument précieux pour renforcer la contextualisation de l’œuvre, questionner les rapports de la composition et de l’environnement architectural et spatial permet également d’étudier la structure compositionnelle des œuvres et de décloisonner les disciplines. Une césure filmique permet ainsi de souligner l’existence de deux univers formels distincts au sein d’un tableau ou de comparer les techniques utilisées par un même artiste dans des disciplines différentes (l’effet de « remous sismique » provoqué par les hachures de la plume sur un dessin et les sillons de la gradine sur une sculpture chez Michel-Ange). Un fondu enchaîné permet d’établir des correspondances entre l’architecture et le portrait peint : le passage d’une fenêtre jumelée à un portrait du Christ révèle l’utilisation, par l’Angelico, d’un critère architectonique commun pour figurer un visage (Le Style de l’Angelico), correspondances que Ragghianti s’attache particulièrement à révéler.
33La structure générale des critofilms répond parfois plus spécifiquement à une logique spatiale (le cheminement dans Pompéi urbaine) ; ou chronologique, comme dans L’Art de Rosai (1957) et Michel-Ange52, dans lesquels les œuvres des artistes apparaissent à l’écran dans l’ordre de leur création, agencement qui répond à une double nécessité, comme le souligne Cesare Molinari à propos de Michel-Ange :
« Du parcours rapide, nerveux, pourrait-on dire, sur les premières œuvres (comme s’il s’agissait de fixer les points d’origine et les leitmotiv qui se déploieront par la suite) au discours ample et détaillé sur la voûte de la Sixtine, qui se fait lent et distendu pour évoquer le drame secret des tombeaux des Médicis, jusqu’aux circonvolutions sur le Jugement et à l’accord plaqué et dramatisé de la synthèse finale, le rythme du film, qui a aussi une valeur propre, devient en tant que tel histoire et exégèse critique53. »
34Le rythme des critofilms, du fait de ses grandes variations, est particulièrement atypique. En imprimant à la caméra des mouvements parfois très rapides (Histoire d’une place), parfois beaucoup plus lents (Stupinigi, 1963), ponctués ou non de pauses, en imposant une cadence inhabituelle à certaines séquences, Ragghianti se propose de suivre les rythmes visuels spécifiques élaborés par l’artiste. Ainsi, pour filmer une mosaïque de Ravenne, suggère-t-il tout d’abord une approche lente des représentations, une cadence calme ponctuée de pauses « afin de traduire ce sentiment de recueillement contemplatif, en un instant suspendu, qui distingue essentiellement l’art de la mosaïque à Ravenne54 ». Puis le tournage doit ensuite être discontinu afin, écrit Ragghianti,
« de faire ressortir en positif les intervalles créés par les espaces indéterminés de fond doré (et non pas neutre), lesquels articulent à l’ensemble le défilé rythmé des figures. Un enchaînement ondulatoire d’avances et de reculs de l’objectif ferait en sorte que la mise en forme esthétique obéisse à l’agencement d’origine.
Ensuite, il serait bon d’intervenir dans ce mouvement par des arrêts sur l’image, ou des entrecroisements alternés de vues prises à des distances différentes, chaque fois que se rencontrent des rythmes dont les répétitions et les alternances présentent un sens esthétique certain.
Laisser résonner la composition, puis marquer une pause, suivant une pulsation qui constitue véritablement un parti d’aménagement du temps, équivalent, au tournage comme au montage, au long balayage du regard entrecoupé de scansions périodiques55. »
35Le langage cinématographique doit épouser « celui même de l’œuvre56 », « coïncider le plus rigoureusement possible57 » avec sa « pulsation », et adopter « en se les appropriant les rythmes, le tempo, le phrasé particulier qui agencent les formes et articulent leur déploiement58 ».
36Mais le rythme imposé au regard par la caméra de Ragghianti surprend et déroute plus souvent qu’il ne révèle de manière évidente la pulsation de l’œuvre. Vouée à l’approche critique singulière de son auteur, la caméra ne s’attarde que rarement sur les détails – sauf pour en répéter, au montage, la représentation dans l’intention d’insister sur une question particulière – et impose au regard un parcours dont le spectateur ne saisit pas toujours la logique.
37Le commentaire se veut « bref et simple, afin d’être accessible à un public même non préparé59 » et surtout « nullement conditionné par un programme, encore moins par un objectif à atteindre ou un point de vue à défendre60 ». Idéalement, il doit même être écrit une fois le tournage et le montage achevés. Si les images et leur enchaînement sont, pour Ragghianti les instruments privilégiés du langage cinématographique, au point d’imaginer que ses critofilms auraient pu « être muets, et reposer uniquement sur le subtil enchaînement des images61 », le commentaire et l’accompagnement musical, « simple accompagnement sans signification62 », doivent se fondre « dans l’enchaînement rythmique des images ».
38Citons, à titre d’exemple, ce commentaire accompagnant une série de plans du bas-relief de la Bataille des Centaures63 (Michel-Ange), parallèlement soumis à des variations d’éclairage :
« Dans la Bataille des Centaures, Michel-Ange exprime sa vision en toute plénitude. La composition en est organique comme une strophe, dans l’élancement des diagonales, dans les passages angulaires et courbes, dans les rythmes internes étroitement liés où il domine un tumulte de corps enserrés, dans lequel aucune des figures n’est libre. Pour rendre cette image de soulèvement de forces, Michel-Ange se sert du demi-relief, sur trois plans. En créant un nouveau rapport entre surface et épaisseur, il réussit à multiplier jusqu’à l’extrême limite l’expression de la poussée impétueuse d’une énergie et d’une lutte vitale toujours renaissantes : intuition qui l’apparente à Machiavel. Le cycle et le changement des lumières sont calculés pour obtenir un effet de continuelle, d’incessante émergence. »
39Le commentaire devait n’occuper, à l’origine, qu’une place secondaire. Mais, peu à peu, Ragghianti s’aperçoit qu’il permet bien souvent de seconder et de renforcer le propos des images. Il s’imposera parfois même avec force à Ragghianti lorsque la transcription visuelle retenue lui paraît insuffisamment accessible au public.
« Si j’avais eu la certitude que telle ou telle composition serait comprise par le spectateur sans explication, je me serais passé du commentaire. Mais je transmets un savoir et je procède de la culture de mon temps ; seleArte tentait d’ailleurs d’éveiller le public aux différentes formes d’art et à la valeur des œuvres sur une grande échelle. Bien des gens me demandaient, après avoir vu mes critofilms : Mais pourquoi vous déplacez-vous, pourquoi ne laissez-vous pas voir les tableaux immobiles ? Puisque je troublais les habitudes visuelles, il fallait que j’en rende compte […] la prise de vue ne se suffisant pas à elle-même, j’ai dû expliciter au moyen du discours, parce que les conditions historiques dans lesquelles cette expérience se déroulait exigeaient qu’il y ait un commentaire64. »
40Ces réflexions révèlent à quel point il fut difficile à Ragghianti de faire passer son propos. Malgré l’objectif d’être « bref et simple », le commentaire n’en paraît pas moins sophistiqué et pointu, voire « particulièrement abscons » selon certains65, surtout pour un public que déroute une approche à la fois critique et formelle des œuvres. Ce sera un des principaux reproches adressés aux critofilms.
41Parfois, assez curieusement, Ragghianti n’hésite pas à recourir à une certaine dramatisation, à la manière de Luciano Emmer, notamment par l’emploi d’un ton emphatique que vient accentuer le choix de musiques « pompeuses » et bien souvent anachroniques, comme en témoigne ce commentaire accompagnant une série de plans du Jugement dernier dans Michel-Ange :
« Au centre, dans le vent se déclenche la clameur des trompettes du Jugement. De toutes parts, trouble, anxiété, crainte… Des foules d’esprits bienheureux provenant des étoiles participent à l’évènement suprême, dans un tumulte de sentiments… Les élus saisis contemplent ce spectacle inouï. Sur la terre bouleversée, les morts reprennent vie et dépouilles, encore incertains de leur destin… ou bien hurlants de terreur. Le Charon dantesque chasse les réprouvés de la barque infernale en une mêlée terrifiante. D’autres, encore entre la vie et la mort, se soulèvent de la boue… »
42Avec le recours récurrent aux travellings et aux panoramiques, aux vues aériennes et aux contre-plongées, cette dramatisation est probablement l’un des moyens déployés pour focaliser l’attention du spectateur non spécialiste par un cinéaste intimement persuadé que ses critofilms peuvent toucher non seulement « un cercle restreint de spécialistes et d’initiés mais le large public auquel ils sont destinés66 ».
43Cependant, leur complexité et leur prolixité, tant visuelles que sonores, ont sans doute contribué à rendre leur accès, si ouvert fut-il, malaisé pour un public non averti. Le maintien de l’analyse dans des limites formelles, l’absence d’interprétation iconographique, l’imposition d’un rythme inhabituel, le caractère dynamique des vues, rendaient l’accès aux critofilms beaucoup moins aisé pour un public néophyte que celui des films de facture plus classique proposant une approche didactique, narrative et plus statique. Certes, les critofilms, selon leur auteur, ne se voulaient pas expérimentaux, certains furent même projetés au Festival de Venise67 ainsi qu’au Festival de Bergame. Mais leur diffusion demeura plutôt restreinte, notamment aux Cercles universitaires de Cinéma. La disparition, en 1960, d’Adriano Olivetti vint sonner le glas de la série seleArte cinematografica dont Michel-Ange, long-métrage réalisé en 1964 à l’occasion du quatrième centenaire de la mort de Michel-Ange, véritable synthèse et quintessence des théories et du style ragghiantiens, allait constituer le dernier opus.
44Parallèlement à la réalisation et la production des critofilms, Ragghianti s’était employé à faire connaître le film sur l’art, organisant des séminaires, des rencontres, des échanges. Il s’intéressa également à un nouveau médium, la télévision, pour lequel il conçut des projets, dont certains furent proposés à la RAI mais sans jamais être réalisés68. Consacrant ses dernières années d’activité à réunir ses textes sur l’expression visuelle dans trois imposants volumes, Arti della visione69, il s’intéressa également aux voies que dessinaient l’informatique et la cybernétique, ses critofilms annonçant par ailleurs, comme l’a souligné Antonio Costa, ces expérimentations technologiques70.
45Mis au service de la pensée d’un historien de l’art, qu’ils ont « considérablement aidé à formuler avec plus de précision71 » sa réflexion critique, et opérés par lui-même avec une grande ambition novatrice, les critofilms restent un exemple unique dans l’histoire du cinéma et l’histoire de l’art en général. Malgré leurs limites conceptuelles et leur échec à toucher un large public, leur caractère peut-être utopiste mais visionnaire a ouvert la voie à d’autres explorations en histoire de l’art et les a fait s’inscrire avec force dans ce vaste courant contemporain de refus du choix aliénant proposé entre savoir sans voir ou voir sans savoir.
Notes de bas de page
1 Georges Didi-Huberman, Devant l’image, Éditions de Minuit, Paris, 1990, p. 21-36 (toutes les citations qui suivent en sont issues).
2 Roberto Longhi contribua à la revue Critica d’Arte fondée en 1935 par Ragghianti et Ranuccio Bianchi-Bandinelli.
3 Après avoir étudié les sciences politiques à Florence, Ragghianti a soutenu une thèse d’histoire de l’art à Pise.
4 Dans les années vingt et trente, beaucoup d’intellectuels italiens écrivent sur le cinéma, notamment dans la revue Solaria.
5 Carlo Ludovico Ragghianti, « Cinematografo rigoroso », Cine-Convegno, I (4-5), 1933, in C. L. Ragghianti, Arti della visione (vol. 1), Torino, Einaudi, 1979.
6 Industriel italien, Adriano Olivetti (1901-1960) a financé dans l’après-guerre de nombreux projets urbanistiques, architecturaux, sociaux et culturels (dont la revue seleArte et les critofilms).
7 Du nom de la revue seleArte qui sera, entre 1952 et 1965, l’une des plus importantes publications culturelles italiennes de l’après-guerre. Dirigée par Ragghianti et sa femme Licia Colbi, avec le soutien financier d’Adriano Olivetti, elle s’attache principalement à « développer l’esprit critique » de ses lecteurs.
8 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art [Les textes ont été édités en langue italienne dans Arti della visione (vol. 1), op. cit.] RMN, Paris, 1996, p. 17.
9 Cette approche fait particulièrement écho à un ouvrage que Ragghianti avait un temps envisagé de mettre partiellement en images, Come si guarda un quadro (Comment regarder un tableau, le guide du musée des Offices, Florence, 1927), rédigé par celui qui avait été son professeur à Pise, Matteo Marangoni, spécialiste du XVIIe siècle, et complété puis réédité plus tard sous le titre de Saper Vedere (Savoir Voir, Milan/Rome, 1933).
10 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 45.
11 Ibid., p. 11.
12 Ibid.
13 Ibid., p. 12.
14 Ibid., p. 11.
15 Ragghianti cite « pour leurs hautes qualités techniques et stylistiques les films d’Emmer sur Giotto, Bosch, son Cantico delle creature et sa La Légende de Sainte-Ursule, ainsi que ceux de Pozzi Bellini, et le Carpaccio de Longhi et Barbaro ». Il estime également que si le Rubens de Paul Haeserts et de Henri Storck constitue une « tentative discutable », il a néanmoins « le grand mérite de se démarquer radicalement », « d’exprimer et de susciter une réflexion véritablement critique ». Enfin il va même jusqu’à qualifier de « critofilm » le film de Carl Lamb Raum im Kreisenden Licht, in Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 12, 13 et 18.
16 Incarnation, en Italie, de la résistance au fascisme, Carlo Ludovico Ragghianti organisa, à partir de septembre 1943, la résistance armée en Toscane et prit, en tant que président du Comité de Libération Nationale, la tête du gouvernement provisoire qui libéra Florence le 11 août 1944. Nommé dans la foulée sous-secrétaire d’État aux arts et aux spectacles du gouvernement Parri (1945), il fut l’un des acteurs de la réforme de l’Université, et joua également un rôle important dans la protection du patrimoine artistique. On lui doit aussi l’introduction de l’enseignement de l’histoire et de la théorie du cinéma dans l’Université italienne (Carlo Ludovico Ragghianti www.fondazioneragghianti.it)
17 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 45.
18 Ce mouvement conduit à l’apparition des ciné-clubs, regroupés au sein de la Federazione Italiana dei Circoli di Cinema (FICC). Un manifeste de soutien à la FICC, intitulé « Défendons l’art dans le cinéma », sera même signé, en février 1951, par des réalisateurs comme Antonioni, Lattuada, Comencini, Zavattini, Emmer, etc.
19 Ce mouvement est à replacer dans le sillage de l’action menée en faveur de l’éducation populaire par le cinéma. Cette action fut notamment prônée, dans les années 1930, par l’Institut international du Cinématographe Educatif, ICE, institut dans la création duquel la Société des Nations et le gouvernement italien de l’époque s’étaient largement impliqués. Voir à ce sujet l’ouvrage de Christel Taillibert, L’Institut international du Cinématographe Educatif. Regards sur le rôle du cinéma éducatif dans la politique internationale du fascisme italien, Paris, L’Harmattan, 1999.
20 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 19.
21 Ibid., p. 21.
22 Ibid., p. 31.
23 Ibid.
24 Ibid., p. 25.
25 Ibid., p. 21.
26 Ibid., p. 31.
27 Ibid.
28 Alois Riegl, Die Spätrömische Kunst-Industrie, 2 vol., Vienne, 1901.
29 Établie par Benedetto Croce.
30 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 22.
31 C. L. Ragghianti s’essaya, adolescent, à la peinture dans l’atelier d’Alfredo Meschi, peintre paysagiste anarchiste.
32 Assistant réalisateur de Ragghianti pour Michel-Ange.
33 Cesare Molinari, « un critofilm d’arte su Michelangiolo », Critica d’arte, XIe année, 65-66, nov. 1964, cité par Daniela Ferrante, « Michel-Ange », Histoire de l’art et cinéma – les critofilms de C.L. Ragghianti, Paris, Louvre – RMN, 1994, p. 65-66.
34 Paola Scremin, « Carlo Ludovico Ragghianti (1910-1987) et le cinéma au service de l’art », postface à Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., note 44, p. 108.
35 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 65.
36 Région des Apennins toscano-émiliens.
37 Daniela Ferrante, « Le style de l’Angelico », Histoire de l’art et cinéma, op. cit., p. 47.
38 Paola Scremin, « Carlo Ludovico Ragghianti (1910-1987) et le cinéma au service de l’art », postface à Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 101.
39 Ragghianti s’intéressera aussi à la couleur dès 1954. Il utilise tout d’abord le procédé Ferraniacolor (qui a mal résisté au temps) puis, à partir de Urnes étrusques de Volterra, le procédé Eastmancolor.
40 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 65.
41 Ibid., p. 26-27.
42 Ibid., p. 58.
43 Ibid., p. 26.
44 Carlo Ventimiglia est devenu, à partir de 1961, le directeur de la photographie et le technicien des effets spéciaux des critofilms.
45 Carlo Ventimiglia a mis au point, puis breveté, une caméra verticale permettant des mouvements sinueux rapprochés dans un espace limité tout en conservant la netteté de l’image. Ce procédé permet également à Ragghianti de tourner certains plans, lorsque les conditions sont trop difficiles, non plus in situ mais à partir de plaques sensibles.
46 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 26.
47 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 24-25.
48 Ibid., p. 28.
49 Daniela Ferrante, « La Déposition de Raphaël », Histoire de l’art et cinéma, op. cit., p. 37.
50 Ibid.
51 L’Espace parcouru par la lumière (1936).
52 Le film dure 78 minutes, durée exceptionnelle à la fois pour un critofilm, dont beaucoup ne dépassent pas vingt minutes et, à l’époque, pour un documentaire sur l’art, dont la durée excède rarement une heure. Une version scientifique plus longue existe également.
53 Cesare Molinari, « un critofilm d’arte su Michelangiolo », op. cit., p. 67.
54 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 22.
55 Ibid., p. 22-23.
56 Ibid., p. 21.
57 Ibid., p. 53.
58 Ibid.
59 Ibid., p. 66.
60 Ibid.
61 Ibid., p. 46.
62 C. L. Ragghianti cité par Massimo Gasparini, « Conversation avec Ragghianti », Histoire de l’art et cinéma. Les critofilms de C. L. Ragghianti, Paris, Louvre – RMN, 1994, p. 34.
63 Ce bas-relief était parallèlement soumis à des variations d’éclairage.
64 C. L. Ragghianti cité par Massimo Gasparini, « Conversation avec Ragghianti », op. cit., p. 32-34.
65 C. Bertieri, « I documentari, Da “selearte” a “Selecinema” », Cinema, no 155, 1955, cité par Paola Scremin, « Carlo Ludovico Ragghianti (1910-1987) et le cinéma au service de l’art », postface à Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 99.
66 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 47.
67 La Mostra programmait, en 1957, une rétrospective du film sur l’art.
68 Paola Scremin, « Carlo Ludovico Ragghianti (1910-1987) et le cinéma au service de l’art », postface à Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., note 36, p. 107.
69 Einaudi, Turin, 1974-1979.
70 Antonio Costa, « Histoire de l’art en images », Histoire de l’art et cinéma, op. cit., p. 8.
71 Carlo L. Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit., p. 33.
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