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5. La démocratie partisane en débats

La communication des primaires socialistes entre campagne à l’ancienne et modernité cathodique

p. 141-161


Texte intégral

1L’information a marqué les esprits : le 15 septembre 2011, le débat des primaires organisé par France 2 a très largement battu la première chaîne et son émission phare Masterchef1, soulignant par là même l’intérêt des Français pour la politique et le succès annoncé de l’entreprise de démocratie partisane initiée par le PS2. Cette information, pour réelle qu’elle soit, ne peut cependant résumer à elle seule la fabrique médiatique que fut la consultation socialiste. Elle risque même de faire écran à la réalité éminemment composite3 d’un scrutin partagé entre (c) ouverture médiatique – grâce à la diffusion de quatre débats télévisés – et restriction des offres de campagne – notamment financières – et des capacités de déploiement des technologies électorales par les candidats en lice.

2De fait, en attirant plus 5 millions de téléspectateurs, le PS a réussi son pari d’organiser une confrontation à ciel ouvert, rompant ainsi avec l’histoire des investitures conçues en cercles fermés4. Mais il a aussi tiré les leçons de l’affrontement des premières primaires de 2006 entre Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn en accordant sa priorité à l’organisation du scrutin au détriment de la compétition entre les prétendants à la fonction de président de la République, au risque d’affecter l’exercice même de la sollicitation des suffrages.

3L’agencement matériel de l’élection et tout particulièrement sa scénographie a concentré cette injonction paradoxale. Contrairement à 2006, les débats furent réduits dans leur nombre et tous télévisés. Ils ont surtout fait montre de la solidarité dans la concurrence des six candidats engagés dans la compétition5, oscillants entre grands-messes cathodiques sans enjeux véritables et odes collectives à une « belle équipe gouvernementale » selon le constat d’Olivier Ferrand, le fondateur du think tank Terra Nova et inspirateur avec Arnaud Montebourg des primaires6. Véritables répétitions générales du scrutin de 2012, ils ont également permis au PS d’occuper l’espace médiatique en son entier, éclipsant par là même l’UMP et surtout Nicolas Sarkozy de la confrontation pré-présidentielle. De la même manière, les campagnes de mobilisation des candidats et de leurs équipes ont dû s’inscrire dans cet entre-deux, en reproduisant a minima des techniques éprouvées du suffrage universel – « à l’ancienne » selon le journal Le Monde7 – sans pour autant manifester de manière ostensible leur adhésion au pluralisme politique affiché par les primaires ou se risquer à survaloriser l’acte de débattre et donc à se distinguer au sein d’une même organisation politique8.

4Cette tension guidera notre attention : « ouvertes et citoyennes », les primaires socialistes se devaient aussi de ne pas « abîmer » le candidat sorti vainqueur de la consultation électorale. « L’image de la confrontation positive et démocratique9 » du scrutin en dépendait. Nous retiendrons alors dans un premier temps le travail de mobilisation des candidats à l’épreuve des capacités à se faire élire – notamment budgétaires – offertes par le PS, puis dans un second temps, la capture partisane des débats télévisés, c’est-à-dire la volonté qu’a eu le PS de conserver le contrôle d’un outil délibératif volontairement externalisé et ce, quelques mois avant l’ouverture officielle de la vraie campagne présidentielle.

La politique à l’économie

Comptes et mécomptes de pré-campagne ou le contrôle financier de l’organisation de la concurrence électorale

5En inaugurant en 1988 sa législation pour contrôler le financement des campagnes électorales, la France a tout autant changé les règles normatives de la conquête des suffrages que les règles légales du fonctionnement de l’activité partisane10. Encadrée par de nombreuses exigences en matière de transparence et de limitation des dépenses, c’est au final l’économie même des partis politiques qui a été transformée par ce nouveau droit financier11. L’exercice des primaires met cependant en lumière les limites de la législation actuelle et de sa jurisprudence et rappelle ainsi que ce code des vertus électorales est tout autant une contrainte avec laquelle le PS doit composer qu’une ressource supplémentaire du jeu politique, aussi bien pour l’appareil socialiste que pour ses membres12.

6On le constate en effet : même ouvert à tous les électeurs se reconnaissant dans les « valeurs de la gauche et de la République », le cadre d’investiture choisi par le PS n’en demeure pas moins un mode de consultation « privé » qui relève de sa liberté d’organisation. Mettre en œuvre les primaires, c’est donc nécessairement arrêter le protocole technique d’une compétition interne arbitrée de l’extérieur13. Mais, c’est aussi pour le PS, en raison de la spécificité juridique du scrutin, se donner un moyen inédit de déplacer le curseur de la date d’ouverture de la campagne officielle et de jouer ainsi sur « l’étirement14 » du moment électoral, le compteur des dépenses ne pouvant être activé tant que le ou la candidate n’est pas désigné, même si pour l’élection présidentielle, les comptes de tous les candidats doivent être ouverts et pouvoir être retracés un an avant la date du vote15.

7Ce point de départ chronologique est essentiel : il permet de déterminer ce qui peut être imputable au jeu électoral – et qui doit donc être dûment mesuré économiquement – et ce qui ressort du seul jeu infra-partisan – et qui ne peut faire l’objet d’un contrôle par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP).

8Comme le soulignait déjà son trésorier en 2006, Michel Sapin, « au PS, les choses sont claires : la campagne pour l’investiture relève du fonctionnement interne. Lorsque le candidat sera désigné, nous regarderons ce qu’il a dépensé depuis le 1er avril. Si l’une des manifestations dépasse le cadre strict du parti, elle entrera dans les comptes de campagne16 ». La CNCCFP validera ce raisonnement : « sont considérées comme des dépenses électorales celles qui sont engagées pour l’obtention du suffrage des électeurs. Celles qui le sont pour rallier les voix des militants ne sont pas comptabilisées17 ».

9L’ouverture en 2011 des primaires à l’ensemble de l’électorat de gauche n’a paradoxalement pas changé ce principe, aussi bien pour les responsables du PS que pour les juges de l’élection. Comme le remarquait l’un de ses concepteurs, Arnaud Montebourg, « il s’agit de dépenses exposées en vue de la candidature à l’élection et non en vue de l’élection18 ». Le Conseil constitutionnel, la CNCCFP, le ministère de l’Intérieur et la CNIL19, consultés par le PS ont confirmé la jurisprudence de 2006. Malgré les attaques de l’UMP – Jean-François Copé, son président, a ainsi contesté la légalité des fichiers, le président du Sénat Gérard Larcher, a de son côté saisi la commission des lois du Sénat pour « vérifier la légalité des primaires car on ne joue pas avec un fichier électoral », des représentants locaux de l’UMP comme à Lyon ont dénoncé le subventionnement des primaires par le contribuable20 –, la CNCCFP n’a pas émis d’objection de principe à ce qu’une participation aux frais d’organisation soit réclamée aux votants de la primaire. Elle a également estimé que les dépenses d’organisation des primaires « ne seront pas imputables au compte de campagne du candidat qui sera désigné ». Seules les dépenses que celui-ci aura engagées étaient intégrées. Et encore fallait-il que le candidat se soit adressé dans le cas précis à tous les Français (« un large public » selon la CNCCFP) et non aux seuls militants socialistes21. De même, le Conseil constitutionnel a indiqué dans un courrier du 15 mars 2011 adressé à Martine Aubry qu’il « ne revient pas (au Conseil constitutionnel) d’intervenir sur les modalités de désignation de “pré-candidats” par les partis politiques ».

10Se fondant sur ce principe, le PS a pu alors entretenir la fiction d’une temporalité dictée par le seul jeu interne opposée à la temporalité de la campagne de l’élection présidentielle et bénéficier ainsi de la transformation actuelle du droit de la démocratie représentative en un nouveau modèle de « démocratie continue22 ». Comme le résume Jean-Pierre Mignard, l’ancien président de la Haute autorité des primaires et jusqu’en mars 2016 le président de la Haute autorité éthique du PS23, à la « différence des primaires américaines, où il n’y pas de lits séparés avec les électeurs, les partis politiques continuent à faire chambre à part en France24 ».

11La création nouvelle d’un « droit de cens25 », selon l’expression de Denys Pouillard, directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, c’est-à-dire la demande d’un euro aux participants des primaires, n’a pas plus changé le principe de l’autonomie fonctionnelle définie en 2006. Cette contribution volontaire a été considérée comme constituant un don à un parti politique. Elle n’a pas donné lieu au financement de la campagne à l’élection présidentielle du PS mais plus modestement a contribué à couvrir les frais d’organisation du scrutin, c’est-à-dire les moyens utilisés sur la façon d’élire – l’organisation matérielle des opérations électorales – et point notable, de manière très minoritaire les moyens utilisés pour se faire élire – la campagne des cinq candidats socialistes à la primaire.

12Cette distinction dans l’usage de la contribution volontaire des votants et du rôle joué par l’appareil militant26 est centrale. Si le PS a pu souligner qu’il avait marqué un pas important dans la spirale financière des campagnes électorales, il a aussi volontairement restreint l’espace de la lutte électorale entre les candidats. En agissant directement sur la monétarisation de l’exercice des ralliements des suffrages militants, le PS n’a pas seulement organiser – selon la formule du journal Le Parisien – des « primaires petits bras27 », il a également clairement désigné la cible de sa « sous-enchère » budgétaire.

13Comme en 2006, le PS a ainsi laissé en très grande partie porter la campagne des primaires sur ses propres candidats28, qu’ils soient enregistrés, déclarés ou supposés alors même que le nombre important de votant aux primaires – 2,6 millions au premier tour et 2,8 millions au second – a permis au PS, selon son trésorier Régis Juanico, d’engranger des sommes importantes – près de 5 millions d’euros – qui ont couvert les frais d’organisation du scrutin – entre 3 et 4 millions d’euros29.

14L’apport monétaire alloué par le PS à ses candidats – 30 000 euros passés à 50 000 euros30 après une décision du Comité d’organisation des primaires (CNOP), somme à laquelle il a fallu ajouter les moyens du parti (déplacements, chauffeurs, services d’ordre, moyens de presse, moyens d’étude…) n’a couvert que très partiellement les dépenses réellement engagées par les candidats : autour de 250 000 euros pour François Hollande, autour de 200 000 euros pour Martine Aubry, 110 000 euros pour Arnaud Montebourg, autour de 100 000 euros pour Ségolène Royal31 et 80 000 euros pour Manuel Valls32.

15À la différence du modèle américain où la règle de l’autofinancement s’impose de plus en plus aux candidats33, faute de redistribution de ressources effectuée par les machines électorales, l’exercice des primaires socialistes a fait peu appel aux revenus personnels ou aux fortunes privées des candidats. Pour compenser la faiblesse de ces apports, les candidats ont alors dû abonder leur crédit électif, soit en faisant appel aux dons – 50 000 euros de dons par exemple pour le budget de la campagne de Ségolène Royal –, soit également en reconvertissant de manière monétaire, organisationnelle et/ou matérielle les positions sociales et politiques qu’ils – et/ou leurs soutiens – occupaient au sein du PS et surtout en dehors de celui-ci, soit enfin en recourant à des outils de mobilisation et des relais d’opinion sans portées financières34.

16On le voit donc : élections à la fois privées et publiques dans leur financement, les primaires sont restées marquées par leurs ambiguïtés originelles puisqu’aucun texte législatif – ou jurisprudence – ne régit vraiment ce « service public de démocratie » selon la formule de Paul Bacot35. En dépit d’un cadre réglementaire fort et de la création de nombreux instruments de financement de la vie publique, on peut se demander si le fonctionnement interne des partis politiques n’est toujours pas considéré comme étant secondaire par rapport à leur contribution à l’expression du suffrage universel, la fabrication des conditions de l’éligibilité restant ainsi comme une sorte d’impensé pour le législateur.

17Ce vide juridique permet ainsi de rappeler une évidence : le droit des partis est avant tout un « droit corporatif36 », les « processus de marquage37 » qui touchent les conditions monétaires des campagnes électorales internes étant susceptibles d’être mis en forme à des fins fonctionnelles. Comme l’a alors rappelé Jean-Pierre Mignard, « si la gauche gagne en 2012, tous ces candidats seront amenés à gouverner ensemble. Dévoyer les primaires en pugilat exposerait aux sarcasmes lors de réconciliations de façade. Ce serait un billet pour la défaite38 ».

18Conséquences : les primaires citoyennes ont d’abord eu pour but premier de transformer le PS en « machine à gagner », ce qui explique pourquoi il a pu, dans un même mouvement, accorder sa priorité financière à l’organisation matérielle du scrutin et limiter budgétairement les instruments de la mise en concurrence, soulignant ainsi que la démocratie partisane forme, au travers de l’exercice des primaires, selon la formule empruntée à Patrice Gueniffey un « étrange amalgame39 » entre une acceptation des procédures de la démocratie participative et une culture d’organisation toujours dominée par la difficile intégration de la figure du pluralisme.

Popularité électorale versus popularité partisane ou le déplacement des frontières de la confrontation politique

19La priorité accordée par le PS à l’organisation matérielle du vote d’investiture a eu l’effet escompté : les candidats, déclarés ou supposés, ont dû restreindre leur campagne. L’organisation des conditions du vote est restée, selon Christophe Borgel, Secrétaire national aux élections, au stade de « l’épicerie artisanale40 » malgré les souhaits exprimés de passer à une « ère industrielle ».

20Agir a minima peut constituer un handicap certain dans une compétition classique. Dans le cadre d’un vote d’investiture, il n’en a pas été de même. Car choisir un candidat au sein d’un parti, ce n’est pas par principe « connaître ses opinions41 » et donc ce qui le distingue de ses concurrents. Comme l’a alors rappelé Martine Aubry, lors de son troisième débat télévisé, « ne comptez pas sur moi pour dire ce qui me sépare des uns ou des autres42 ». François Hollande n’a pas dit autre chose : « des phrases peuvent être prononcées, j’évite de le faire. Je prends la responsabilité, si je ne suis pas désigné de ne pas mettre en difficulté le candidat qui sera choisi. Je souhaite que chacun et chacune dans cette campagne ait la même précaution43 ».

21En conséquence, la « représentation libre » des votants n’a pas toujours reposé, comme cela devrait être le cas avec le vote citoyen, sur la nécessité de battre de campagne, c’est-à-dire de construire une popularité électorale fondée sur une offre de programme distinctif. Se présenter devant un électorat socialiste, même ouvert aux sympathisants, ce fut dans le cadre contraint du code électoral que s’était donné le PS chercher avant tout à se « démarquer tout en évitant de franchir la ligne jaune44 ». Car, comme le résumait ce proche d’un candidat, « le premier qui tire est mort45 ».

22Cette limitation des capacités à pouvoir marquer son « influence électorale » – en moyens et en temps – n’a cependant pas voulu dire que les candidats n’avaient pas fait campagne ou usé de moyens de communication. Cela voulait dire plus simplement qu’ils ont dû, à partir d’une somme de départ correspondant selon la formule de Najat Vallaud Belkacem, porte-parole de Ségolène Royal, au « budget d’une campagne pour une cantonale46 », aménager les méthodes de persuasion existantes sur le marché des technologies de mobilisation électorale.

23L’aménagement principal choisi par les différents candidats fut – paradoxalement – de ne pas réellement s’inscrire dans le cadre des primaires, soit en différant jusqu’au tout dernier moment l’acte même de candidater et donc de faire officiellement campagne – ce fut notamment le cas de Dominique Strauss-Kahn, puis par ricochet de Martine Aubry –, soit en décidant, selon l’expression d’Arnaud Montebourg, « d’enjamber la logique des partis ».

24Dans les deux cas, les primaires – surtout si on les résume à la seule phase de la période officielle de la campagne – n’ont constitué qu’une des formes prises par la compétition électorale. La légitimité politique des candidats, notamment des principaux, a d’abord procédé de leur statut, de Première secrétaire, d’ancien Premier secrétaire ou encore de directeur général du FMI, conjugué au verdict des sondages. L’engagement des mobilisations n’a ainsi fait que ratifier ces pré-sélections. Il n’en n’a pas été la résultante, sauf pour les candidats outsiders comme Arnaud Montebourg et Manuel Valls qui ont dû de leur côté davantage miser sur la pédagogie de la réforme électorale.

25Cette « présidentiabilité différentielle étalonnée par les sondages47 » a conduit les candidats à construire des stratégies d’appel à l’opinion démarquées du strict cadre électoral forgé pour les primaires et donc à se jouer de la faiblesse de l’accompagnement financier de leur parti. Mieux : ils ont même pu transformer en atout cette absence de synchronisation entre les deux temps électoraux en survalorisant des registres traditionnels d’expression politique et des pratiques échappant délibérément à l’étiquetage partisan.

26On le voit donc : le durcissement des règles de droit concernant le financement des campagnes électorales n’a pas seulement contribué au « recul de la publicité politique48 ». Il a également conduit les candidats socialistes – en raison des choix distributifs du PS – à repenser leurs investissements médiatiques en visant, tout particulièrement en amont de la date de dépôt des candidatures le 28 juin 2011, une forme de décroissance volontaire dans l’usage des instruments de propagande électorale49.

27L’amont du scrutin a en effet tout particulièrement concentré cette réorientation des savoirs experts mis en œuvre par les candidats et leur équipe. Sous la campagne officielle, financièrement contrainte, s’est ainsi organisée une campagne officieuse non régie par le code électoral que s’était donné le PS et surtout qui n’en a pas épousé l’ensemble des codes de politisation. Cette période que l’on peut qualifier de pré-primaires et qui fut essentielle dans la fabrication des conditions de l’éligibilité des différents candidats, n’a de fait jamais été intégrée en tant que telle par la charte d’organisation retenue par la direction, malgré le précédent des primaires fermées de 2006. La qualification teintée d’ironie utilisée par Laurent Fabius pour désigner le statut de Ségolène Royal et de François Hollande – « ça, c’est des pré… pré… pré… pré-candidats50 » – en fut une bonne illustration.

28François Hollande a été le candidat à avoir le mieux théorisé ce déplacement des frontières de la confrontation et ce recours à des formes de rapport au politique non strictement partisanes. Les primaires ne furent pour lui qu’une étape dans un parcours présidentiel51. Elles ne pouvaient résumer à elles seules l’intégralité de la campagne électorale. « Je ne fais pas de distinction entre les primaires et l’élection présidentielle ». Il trouva même une formulation qui n’était pas sans évoquer le séquençage proposé par la Fondation Terra Nova dans la première version de son rapport : « C’est le tour préliminaire52. » En cela, prenant acte de l’ouverture du vote aux non adhérents socialistes, François Hollande rappelait que les primaires n’abolissaient pas seulement les individualités militantes, elles s’inscrivaient également dans une démarche de remise en question du fonctionnement délégataire du PS53, voire de dépassement même de la structure partisane. « Un calendrier ne fait pas l’élection. Ceux qui veulent être candidat devront se préparer et s’exprimer avant54. » Julien Dray qui avait plaidé pour des primaires organisées avant l’été 2011 soulignait également qu’une présidentielle ne se gagnait pas « à la hussarde six mois avant le scrutin55 ». Ségolène Royal n’a pas dit autre chose lorsqu’elle déclara sa candidature : « j’ai longuement réfléchi et beaucoup consulté. Le moment est venu d’avancer dans la clarté et la simplicité. Je sais d’expérience qu’il faut plus que quelques mois pour se préparer et pour rassembler. Qui ne voit que la droite est déjà en campagne56 ? »

29Deux usages des primaires se sont donc opposés. Les outsiders qui avaient intérêt à une campagne longue comme François Hollande – avant la défection de Dominique Strauss-Kahn-, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg et Manuel Valls ont minimisé la phase officielle de la campagne et ont surtout commencé à labourer les départements français bien avant l’ouverture du scrutin et le dépôt des candidatures. Le PS ne fut alors qu’une arène parmi d’autres de la compétition électorale. Les adhérents socialistes ne constituaient pas l’électorat privilégié. Comme le remarquait ainsi François Hollande devant un parterre d’entrepreneurs champenois, « je ne suis pas sûr qu’ils aient tous leur carte du PS57 ! » Les primaires n’étaient finalement que le miroir de la Nation en son entier. François Hollande résumait bien son souhait de faire campagne en dehors du strict cadre partisan : « laissons la messe se faire avec ceux qui y croient. Je n’ai pas de pacte avec qui que ce soit, si ce n’est avec les Français. Les primaires, ce n’est pas se réunir dans un conclave en attendant une espèce de fumée rose58 ! »

30Les candidats plus avantagés dans les sondages – mais non encore déclarés comme Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry – ont quant à eux pleinement investi le cadre et les normes partisanes définis par les primaires. Les primaires avaient fixé une temporalité politique précise. Ils n’en ont pas dérogé. Ils ont épousé le calendrier électoral en respectant le mieux possible le « vide logique » qui a isolé la procédure de désignation du temps politique. François Lamy, directeur de campagne de Martine Aubry, résumait ainsi le choix de sa candidate : « notre calendrier n’a pas été choisi en fonction de celui de Sarkozy ou des mouvements d’humeur de membres de la majorité mais en fonction de la date de la présidentielle. Jusqu’à preuve du contraire, cette date n’a pas été changée59 ».

31Le moment de la déclaration de candidature a été une illustration forte des stratégies utilisées par les différents candidats pour « enjamber » la proposition des primaires de s’exprimer devant les seuls sympathisants socialistes et souligner la « centralité de l’élection présidentielle60 ». Pour une raison simple : candidat à représenter leur parti, la majorité des postulants à la magistrature suprême a opté pour des présentations de soi non strictement partisanes et des mises en scène de proximité privilégiant leurs terres d’élection61. Ségolène Royal déclara ainsi : « j’ai proposé ma candidature aux primaires, c’est le peuple français qui viendra voter qui en décidera62 ». Elle fut encore plus claire devant les cadres de Désir d’avenir réunis à Paris : « nous ne sommes pas au service de la gauche. Nous sommes au service de la France. Ne faites pas cette erreur63 ». De même, Arnaud Montebourg se déclara « candidat à la présidence de la République » à Frangy-en-Bresse, « par-delà les appareils politiques64 ». Dans son discours de Tulle, François Hollande opta pour une formulation très proche : « j’ai décidé de présenter ma candidature à la présidentielle à travers la primaire du Parti Socialiste ». « L’issue de cette primaire qui prépare l’élection présidentielle doit être la meilleure non pas simplement pour le PS et la gauche mais pour la France. Ce qui nous attend, ce n’est pas une compétition entre nous, c’est d’être capable de donner à la France la fierté qu’elle mérite et aux Français la confiance qu’ils attendent65. » Martine Aubry, notamment pour échapper à son statut de Première secrétaire, a suivi un mode de présentation similaire, comme le résumait ce scénario de présentation : « une annonce parmi les siens, dans sa ville qui bénéficie des doubles victoires du Losc, de son bilan de maire et de la chaleur des Lillois66 ».

32En s’exprimant majoritairement depuis leur fief – à Lille, à Tulle, à Frangy-en-Bresse rebaptisée pour l’occasion Frangy-en-France ou à travers la presse quotidienne régionale et non dans la presse nationale, Martine Aubry, François Hollande, Arnaud Montebourg ou encore Ségolène Royal ont ainsi souhaité exprimer la mise en avant de leur popularité électorale et non de leur popularité partisane, rappelant, selon l’analyse d’Yves Pourcher que « la campagne est avant tout un parcours, marque de la maîtrise d’un territoire67 ». En agissant ainsi, ils rompaient aussi avec la prédominance d’un modèle de désignation où le candidat socialiste annonçait d’abord et uniquement ses intentions devant ses camarades68.

33Ce faisant, ces candidats se sont distingués de méthodes de mobilisation trop reliées à la « société des socialistes69 ». Candidater aux primaires socialistes, cela voulait paradoxalement dire ne pas prendre parti, c’est-à-dire refuser de s’inscrire dans un registre d’expression strictement militant70 et échapper ainsi à une culture d’organisation et à ses rituels. Prenant acte de l’élargissement du corps électoral et surtout de l’inscription du scrutin des primaires dans le cadre plus large de l’élection présidentielle, les postulants ont délibérément dû désapprendre ce qu’ils savaient de leur parti71 pour délivrer le langage plus classique d’un candidat en campagne une fois désigné par son mouvement politique, soulignant alors une acceptation forte de la « personnalisation72 » des primaires. François Hollande a pu ainsi déclarer « qu’on avait besoin de gendarmes sur nos territoires » devant un stand de la gendarmerie nationale à Châlons-en-Champagne, visiter l’usine PSA de Sochaux pour vanter sa « stratégie industrielle » et Martine Aubry rencontrer un « éleveur de porcs qui souffre » à Montceau-les-Mines.

34On le voit : pour les candidats favoris, l’alliance des normes électorales et partisanes a façonné un modèle hybride de campagne73. La nouvelle spécificité démocratique d’un vote d’investiture ouvert à tous a rendu d’une certaine manière caduque les mécanismes de décision propres aux congrès de désignation74 et donc les modes de communication spécifiques afférant. Les candidats à la candidature ont délibérément fait le choix de se placer dans une relation de proximité75 et un rapport direct avec le peuple français, s’inscrivant ainsi pleinement dans le jeu des institutions de la Ve République76. Les primaires ne furent donc pas un but en soi, surtout si les primaires procédurales étaient opposées aux « vraies primaires77 » selon la formule de Pierre Bergé. Elles furent aussi des instruments partisans au service de démarches plus personnelles – notamment pour les candidats outsiders – dépassant le seul exercice de la consultation électorale.

Un exercice cathodique

Vu à la télé ou l’externalisation du cadre délibératif des primaires

35Le débat interne entre les candidats socialistes fut singulier dans l’histoire des modes de désignation du PS : il ne s’est pas déployé dans la seule arène partisane. Il s’est inscrit comme un événement avant tout télévisuel. Mieux : il a marqué la suprématie du théâtre cathodique sur le monde clos de l’organisation partisane78. Surexposé, le PS a même été l’acteur politique quasi unique vu à la télévision des mois de septembre et d’octobre 2011.

36De facto, une hiérarchie implicite a ainsi été établie entre l’espace médiatique et l’espace partisan. D’un côté, le PS a concentré sa communication sur la pédagogie des primaires en prenant trois initiatives : d’abord, l’achat d’encarts publicitaires dans la presse nationale et régionale ainsi que sur des sites internet (pour 1 million d’euros) ; ensuite le lancement d’une application sur smartphone79 pour permettre aux futurs électeurs de géolocaliser les bureaux de vote ; enfin la diffusion plus classique de documents de campagne, le premier présentant les professions de foi des candidats, le second le mode d’emploi de la consultation. En agissant ainsi, le PS a pleinement épousé le rôle joué par l’État – et sa représentation territorialisée, les préfectures – dans l’organisation pratique de l’élection jusqu’à en calquer les règles et les instruments qui « scénographient le devoir électoral80 ».

37De l’autre, alors qu’en 2006 les trois confrontations télévisées81 furent organisées par les chaînes parlementaires, les débats des primaires version 2011 ont été télé et radio diffusés par France 2 pour le 1er débat, par I-télé et LCP et Europe 1 pour le 2e débat, par BFMTV, RMC et le Nouvel observateur pour le 3e débat et enfin par France 2 pour le débat de l’entre-deux tours, auxquels il faut aussi ajouter le suivi par toutes les chaînes info et les JT des grandes chaînes de ces mêmes confrontations mais également des déplacements des candidats et leurs meetings.

38Cette diffusion télévisée forte a constitué une rupture importante dans la fabrication du fait partisan. Premièrement : contrairement à 200682, aucun débat public non télévisé ne fut organisé en amont du vote. Pour justifier cet abandon, l’argument du timing fut alors avancé. Comme le souligna ce cadre du PS, « le délai est trop court pour organiser sereinement les débats. Chacun des candidats aura l’impression de jouer son va-tout, ce qui poussera chacun à toutes les surenchères83 ». Martine Aubry a ainsi cherché à exclure ce cadre délibératif qu’ont soutenu non seulement les outsiders Ségolène Royal84, Arnaud Montebourg ou encore Manuel Valls mais également François Hollande. En déplacement à Nîmes, la Première secrétaire déclara alors : « il faut que nous restions chacun dans notre couloir pendant cette primaire, sans taper sur les autres ». Jean-Pierre Mignard, le président de la Haute autorité des primaires, compléta l’argumentaire en rappelant les exemples des précédentes primaires – notamment le meeting du Zénith de Paris où Ségolène Royal fut huée par des partisans de Dominique Strauss-Kahn – mais également l’affrontement très vif qui venait de se produire entre Eva Joly et Nicolas Hulot dans le cadre des primaires écologistes : « siffler un candidat est une vulgarité […] inacceptable. Chaque candidat répondra de ses équipes. Ces primaires ne sont pas une séance de ball-trap85 ». La Fondation Terra Nova, à l’initiative de l’exercice des primaires, regretta vivement à l’issue du scrutin cette absence de débats préparatoires et proposa en réponse de multiplier les débats locaux86, voire même d’importer le principe anglo-saxon des « causus » où les militants peuvent jouer le rôle des débatteurs87.

39Deuxièmement : alors que les manifestations prévues dans les fédérations ont été à la charge exclusive du PS, les débats télé et radiodiffusés ont été produits et financés par des chaînes de télévision, des radios et des magazines. Le PS ne s’est borné quant à lui qu’à en définir le cahier des charges. À l’image des autres télévisions institutionnelles étrangères88 et dans le prolongement des retransmissions des meetings et des congrès militants, les télévisions et radios partenaires ont ainsi montré leur adaptation à un format long de diffusion. En acceptant le principe d’une diffusion commune des débats, France 2 a également souligné que les chaînes d’information en continu n’appartenaient plus au « second marché politique médiatique89 ». En consacrant une place centrale à France 2 – contrairement à 2006 où les débats ne furent diffusés que par LCP –, les primaires ont enfin rappelé l’intérêt nouveau des grands chaînes pour les événements politiques, soulignant ainsi que ce type de programmation – classique pourtant dans la forme – pouvait capter l’attention d’un nombre important de téléspectateurs en prime time et mobiliser les audiences sans nécessairement recourir au modèle des émissions forums90.

40On le voit donc : ce mécanisme de médiatisation d’un enjeu interne fut ainsi inédit, à la fois pour un parti politique et pour les chaînes de télévision. Comme en 2006, le PS a apporté l’idée originelle, les médias partenaires des solutions de mise en images et surtout des moyens techniques et financiers de diffusion. Ce transfert des scènes d’exposition de l’affrontement des primaires a constitué une expérimentation d’un type nouveau de co-production d’un événement politique par un parti politique et des chaînes de télévision. Il ne s’est pas seulement agi de chercher à contrôler a posteriori la diffusion d’images mais en l’espèce de fabriquer conjointement un programme de télévision à destination d’un très grand public.

41En cela, le PS a pu contribuer à faire émerger ce qui peut s’apparenter à un « nouveau genre de discours politique : le débat télévisé de primaires91 ». Pour preuve : le travail de négociation mené par Les Républicains auprès des chaines de télévisions en 2016. Le précédent des primaires socialistes est ainsi clairement érigé en modèle. Par mimétisme, LR a volontairement souhaité se caler sur les formes d’encadrement et le nombre de débats qui avaient été privilégiés en 2011. Comme le précise Thierry Solère, le président du Comité d’organisation de la primaire de la droite et du centre, « on a fixé le nombre de débats. Il y en aura trois. Les grands candidats en voulaient moins, les petits candidats beaucoup plus. J’ai tranché. J’ai dit : on fait comme les socialistes, pas moins, on nous le reprocherait, mais pas plus92 ».

42Cette externalisation du cadre des débats de 2011 ne fut cependant que formelle et financière. Le déplacement du centre de gravité des primaires sur la scène du théâtre cathodique n’a en fait pas dépossédé le PS de ses capacités d’intervention. Tout juste pouvons-nous dire que le « cercle politique93 » s’est élargi d’une autre manière. Si les débats ne pouvaient plus à proprement parler être qualifiés d’internes, leur organisation n’en est pas moins demeurée un enjeu strictement partisan, réservé en priorité aux compétiteurs et à leurs équipes de campagne.

43D’une certaine manière, on peut dire que la transaction collusive94 qui existe entre le monde politique et le monde de la presse a été dans le cas présent pleinement assumée entre les délégués des candidats et les responsables des chaînes. Car, à défaut de financer l’organisation des débats télévisés, le PS a cherché à en définir avec le plus de précisions possibles les règles : choix des thèmes abordés, ordres de passage, formes des pupitres, tailles des tables, couleurs du décor, mises en scène des débats…, tout avait ainsi été négocié jusqu’aux moindres détails, au risque même – comme l’avait déjà souligné Jean-Pierre Elkabbach en 2006 – de revenir « à la télévision de Brejnev ». Mais, à l’image des cahiers des charges rédigés par les candidats aux primaires américaines, si les exigences ont effectivement été très nombreuses, elles ont surtout souligné la spécificité d’un exercice destiné au grand public et en même temps, qui ne devait pas constituer le risque pour le PS et chacun des candidats de voir leur image écornée par des éléments discordants.

44De fait, le déplacement des scènes de la confrontation n’avait pas changé la philosophie de l’exercice des primaires : les débats devaient rester « fraternels ». Comme le rappelait Harlem Désir, Premier secrétaire par intérim du PS, « les seuls adversaires sont la droite et l’extrême droite. Rien ne doit être fait dans ces débats qui puisse diviser, opposer les socialistes entre eux95 ».

45Le premier débat organisé par France 2 le 15 septembre 2011 concentra cette tension : comment « se départager sans s’opposer96 ». À quelques semaines du scrutin, les primaires sortaient en effet de la phase des observations à distance pour entrer dans celle de l’incarnation comparative. La négociation sur l’organisation pratique du débat a cependant facilité une entrée douce dans la dernière phase de la campagne : l’émission débuta ainsi par la profession de foi de chacun des candidats puis par une série d’interviews thématiques et s’acheva sur un débat collectif.

46Cette première confrontation a répondu aux objectifs des candidats : il n’y eut pas d’expression d’oppositions de fond, tout juste quelques différences dans les formules utilisées et de menues divergences dans les annonces comme par exemple sur la sortie du nucléaire ou encore le non-cumul des mandats. Jusqu’à la toute fin de l’émission, les candidats sont restés dans leur rôle sans empiéter sur ceux de leurs concurrents, au risque même de rendre le débat « très, très sage97 ». Ce ne fut qu’à 22 h 50 que ces « discours sans adversaires98 » s’animèrent, grâce aux interventions de Manuel Valls, pour aussitôt s’éteindre. Ce premier débat n’avait pas cette fonction : il devait permettre aux candidats d’imprimer leur marque et non de faire éclater les rivalités99. Les « comme le dit Arnaud », « Manuel a raison », « Martine a parfaitement raison » ou encore « je pense avec Ségolène » ont donc, comme prévu dans le schéma initial des primaires, émaillé la discussion100. Le plus important fut ainsi de rappeler la nécessité du rassemblement d’après primaires. Comme le rappela en conclusion Manuel Valls, « le meilleur candidat, ce sera celui qui sortira de la primaire101 ».

47Les débats organisés les 28 septembre et 6 octobre 2011 furent un peu plus animés, grâce notamment aux interventions des outsiders dont tout particulièrement Jean-Michel Baylet, le président du Parti radical de gauche. Ces changements de style, renforcés par la possibilité désormais offerte de s’interpeller, n’ont cependant pas fait bouger la ligne des confrontations : des différences ont ainsi pu s’exprimer sans pour autant remettre en cause la nécessité du rassemblement du parti à l’issue du vote. Les deux favoris furent pour beaucoup dans la stabilité du jeu. Martine Aubry et surtout François Hollande ont volontairement joué le sous-régime en esquivant le débat et en gommant le plus possible les aspérités. Cette position commune – une « prise de risque minimale face à une opposition un peu amorphe102 » selon Le Parisien – n’avait qu’un but : le rassemblement en vue du second tour et de l’après désignation103. Comme le résuma Olivier Faure, proche de François Hollande, « l’esprit des primaires, c’est de parler aux Français et pas d’ouvrir la boîte à gifles104 ». Les mots utilisés par le futur candidat étaient sans ambiguïté. François Hollande répéta plusieurs fois la phrase « si je suis président… » Après avoir enjambé pendant des mois la procédure des primaires, il fit ainsi de même, au-delà de l’issue du vote, lors du dernier débat en se positionnant d’emblée sur un autre combat : l’élection présidentielle et son face-à-face avec Nicolas Sarkozy105.

48En se positionnant sur ce terrain, le candidat officiel du PS retrouvait là l’objectif premier de l’exercice des primaires : préparer avant l’heure l’échéance de 2012. Il soulignait également que l’outil de sélection était aussi un outil de mobilisation. Le PS ne devait donc pas seulement réussir la désignation de son candidat, il devait également réussir la présidentielle en rassemblant sans attendre l’ouverture officielle du scrutin le nombre le plus important possible de militants et de sympathisants. En déplaçant 2 860 000 électeurs, le PS réussit ainsi, selon les mots mêmes de François Hollande, son pari de lui « conférer la force et la légitimité pour préparer le grand rendez-vous de l’élection présidentielle ».

La séquence du spectateur ou la fabrication localisée de nouvelles proximités partisanes

49En portant majoritairement hors de ses murs la conduite de ses primaires, le PS a paradoxalement inventé une procédure d’agrégation politique fondée à la fois sur une mise à distance de ses adhérents mais également sur la fabrication localisée de nouvelles proximités partisanes.

50En effet, le choix du PS d’organiser des débats entre candidats sous l’œil des caméras aurait pu produire de l’éloignement. Ce ne fut pas le cas. L’appropriation de l’outil télévisuel par les sympathisants socialistes a écarté pour une grande part ce risque. Loin de les déposséder de leur parti, elle a permis au contraire de créer de « nouvelles sociabilités militantes106 » moins hiérarchisées. Elle a également souligné l’existence au sein du PS d’une multitude d’expressions partisanes, fortement décentralisées dans ses formes d’organisation. L’affrontement des candidats à la candidature socialiste, pendant les campagnes officielles et surtout officieuses, a non seulement déplacé les lieux de la scène partisane, du PS vers le théâtre cathodique, il a aussi reporté sur ses propres adhérents une partie de l’organisation de ses primaires en transformant les formes de l’engagement politique.

51À l’exemple des fédérations socialistes, de nombreuses sections mais également des regroupements militants non nécessairement encartés ont ainsi fait le choix de visionner collectivement les débats. Des écrans géants installés pour l’occasion ont alors permis aux adhérents socialistes comme aux sympathisants de commenter ensemble ces moments et de participer à moindre coût à l’intimité de leur formation politique – de carte ou de vote – même si ces débats ont été diffusés à l’ensemble de la population107.

52Cet acte de regarder en commun une émission de télévision a bousculé les manières de faire des manifestations militantes. Car contrairement à l’organisation classique d’une réunion interne du PS formalisée autour de prises de parole autorisées, ce type de soirée a rendu moins intimidantes les interventions de chacun des participants. Le militant ou le sympathisant n’était plus obligé, comme c’est habituellement le cas, d’adopter la posture de « l’animal politique débattant et discutant »108. À rebours de ce modèle militant légitimiste, il a pu commenter tout haut la phrase de l’un ou s’en prendre au mot de l’autre sans nécessairement argumenter chacun de ses propos. Il a également pu soutenir avec force démonstration – sonore notamment – un candidat sans pour autant devoir justifier de manière formalisée sa prise de position. Loin de la faible intensité supposée, la diffusion cathodique des primaires a ainsi pu montrer que la télévision ne contribuait pas toujours à une « érosion du militantisme109 » et pouvait au contraire produire des moments d’interactions entre adhérents ou sympathisants, même s’ils ne ressortaient pas toujours dans leurs formes aux moments plus classiques d’engagement, comme le sont les réunions de sections ou préparatoires à un congrès110.

53Ces spectateurs très particuliers ont également pu prouver leur professionnalisme, surtout s’ils étaient scrutés par des journalistes. Les démonstrations se faisaient alors plus a minima. Contrairement à 2006, il s’agissait alors, à l’image des objectifs fixés par leur parti, de souligner la bonne tenue des débats et la discipline des militants. Comme le reconnaissait alors Jean-Philippe Daviaud, le secrétaire de la section du 18e arrondissement de Paris, « il y a moins de passion que pour la primaire de 2006. Tout le monde se maîtrise pour préserver l’unité111 ».

54On le voit : en investissant l’espace télévisuel, le PS n’a pas seulement forgé une forme médiatique inédite. Il a également permis de susciter en direct des fabriques locales de l’opinion socialiste112 bousculant le partage entre « public » et « privé », « engagement total » et « engagement distancié113 », montrant ainsi que ce qui distingue le militant du non militant n’est pas seulement un lien financier avec un parti politique mais surtout la définition qu’il souhaite donner à son engagement en tant que « pratiquant » réel du PS.

55Cette redéfinition du militantisme a été intégrée dans les stratégies des différentes équipes de campagne. Chaque candidat en lice a en effet organisé ses propres soirées – distinctes de celles proposées par le PS – afin de « mettre en scène » les coulisses des débats et « donner à voir » la réception télévisée des primaires114. La presse – tout particulièrement les chaines d’information en continu – pouvait alors trouver en ces lieux des supports à la fois à images et à sons, sortant du strict registre argumentatif développé par les débats. Des proches des candidats pouvaient être interviewés à chaud avant, pendant et après les débats et livrer ainsi leur commentaire sur la prestation de leur champion. Les « hourras » des supporters pouvaient également être enregistrés, permettant alors de saisir – sous le contrôle néanmoins des équipes de campagne115 – des propositions de « hors-cadre » de la confrontation entre les six adversaires116. Le débat terminé, les journalistes pouvaient enfin suivre l’arrivée des candidats et leur accueil par des militants assemblés devant des écrans. Par effet miroir, la télévision pouvait alors filmer la télévision créant ainsi un espace médiatique intermédiaire, situé entre la « politique » et une certaine forme de « divertissement117 ».

Conclusion

56En inventant le néologisme de « coopétition », contraction de coopération et de compétition, Arnaud Montebourg, l’un des principaux concepteurs des primaires socialistes, avait bien résumé l’ambiguïté de l’exercice de démocratie partisane et les limites de la greffe du modèle américain118. Les primaires ont permis au PS de trancher à ciel ouvert la détermination de leur leadership à l’élection présidentielle de 2012. Elles ont aussi concouru à la diffusion de l’image d’une « machine à unir et à rassembler », évitant ainsi de reproduire les divisions qui avaient marqué en 2006 les premières primaires organisées entre Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.

57Les actes de communication de l’investiture ont souligné avec force cette oscillation constante – à la fois voulue et subie – entre un scrutin de ratification d’un candidat unique et une consultation électorale de confrontations entre plusieurs postulants. Ainsi, financées a minima par leur parti, les campagnes de chacun des candidats n’ont jamais pu dépasser le stade de l’artisanat politique, le PS accordant sa priorité – en particulier budgétaire et logistique – à l’organisation matérielle des votes et à la pédagogie de sa réforme. De même, le déplacement du centre de gravité des primaires sur la scène du théâtre cathodique n’a pas dépossédé le PS de ses capacités d’intervention. L’auto-contrôle des candidats a ainsi prévalu jusqu’au dernier jour. À part quelques contre-exemples119, les débats sont demeurés contenus. Les postulants n’ont à aucun moment souhaité se différencier sur le fond, n’exprimant que des différences de style et des divergences de positionnement. Pour une raison simple : personne, ni même les outsiders, n’a souhaité porter sur écran la responsabilité de la désunion.

58Le poids du « régime d’opinion120 » sur la tenue de la consultation explique en grande partie cette recherche constante de maîtrise du processus électoral, de la phase préparatoire à l’organisation du vote en passant par la diffusion des débats télévisés. Le PS a retenu en cela les leçons de 2006. Il a bâti en réponse un mode de désignation qui ne devait en aucun cas « abîmer » le candidat choisi.

59À quelques mois du rendez-vous de l’élection suprême, François Hollande a en effet pu se prévaloir du choix de plus de 5 millions de Français. À l’image de Barack Obama, il a pu également enrôler à ses côtés un « parti de masse » – selon l’expression d’Olivier Ferrand, le président de la Fondation Terra Nova – qui dépassait le seul contour du PS121, même s’il lui ressemblait beaucoup. Sur le plan médiatique, le PS a pu, grâce à la surexposition télévisée de ses candidats, complètement déséquilibrer en sa faveur le temps d’antenne consacré aux partis politiques. Ainsi, rien que pour la période allant de juillet à septembre 2011, les trois chaînes d’information en continu ont accordé aux socialistes un temps de parole supérieur à 150 % à celui de la majorité présidentielle que la période couvrant octobre à décembre, pendant laquelle furent organisés les débats contradictoires, n’a pu par définition compenser, malgré les réprimandes exprimées par le CSA122.

60L’apport principal de la culture des primaires n’est donc pas nécessairement là où on le croit. Si l’entreprise démocratique vantée par ses initiateurs a su renouveler l’exercice des investitures, elle a aussi constitué pour le candidat désigné un « avantage communicationnel123 » certain et a ainsi contribué à changer en profondeur la façon avec laquelle sont produits les candidats à l’élection présidentielle, un scrutin qui depuis 2011 s’apparente plus que jamais à un « suffrage partisan124 ».

Notes de bas de page

1 En creusant nettement l’écart vis-à-vis de son concurrent du secteur privé, France 2 avait su capitaliser son avance et se placer ainsi au centre la campagne médiatique des élections présidentielles de 2012. Cinq ans après les primaires de la gauche, TF1 a souhaité réviser sa position en se mettant sur les rangs pour obtenir la diffusion des débats des primaires organisées par la droite et le centre, tout particulièrement le premier débat qui devrait suivre les annonces de candidatures et celui de l’entre-deux tours entre les deux candidats arrivés en tête de la consultation. Cette offre de diffusion a été acceptée par les organisateurs des primaires. TF1 retransmettra ainsi – avec Le Figaro et RTL – le premier échange le 13 octobre 2016 et – avec France 2 et France Inter – le débat final programmé le 24 novembre 2016. Sur la concurrence que se sont livrées les différentes chaînes de télévision pour accueillir les débats des primaires de la droite et du centre, voir notamment « Les plateaux télévisés, l’autre front de la guerre des droites », Le Monde, 10 février 2016.

2 Sur les pratiques citoyennes d’information et plus particulièrement sur le rôle joué par la télévision sur les comportements et attitudes politiques, voir Mercier A., « Médias et recherche d’information politique », dans Perrineau P., Rouban L., La Politique en France et en Europe, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2007.

3 Sur la « mixité des savoir-faire communicationnels », voir Riutort P., Sociologie de la communication politique, Paris, La Découverte, 2007, p. 76-77.

4 Sur l’impact de la télévision et des médias sur le vote, voir « Les effets des campagnes électorales », dans Nadeau R., Belanger E, Lewis-Beck M. S., Cautres B., Foucault M., Le Vote des Français de Mitterrand à Sarkozy 1988-1995-2002-2007, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2011.

5 Cinq candidats pour le PS – Martine Aubry, Ségolène Royal, François Hollande, Arnaud Montebourg et Manuel Valls – et le président du Parti radical de gauche (PRG) – Jean-Michel Baylet.

6 Libération, 6 octobre 2011.

7 Le Monde, 2 septembre 2011.

8 Sur le difficile exercice de la conquête des suffrages militants partagé entre concurrence et évidence, voir notre contribution, « Des affinités électives. Délibérations partisanes et désignation des candidats socialistes aux élections législatives », dans Lefebvre R. et Roger A. (dir.) Les Partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, Presses universitaires de Rennes, 2009.

9 Selon la formule de Pourria Amirshahi, soutien de Martine Aubry, Libération, 6 octobre 2011.

10 Sur l’inscription de la question du financement de la politique sur l’agenda des pouvoirs publics, voir Phelippeau E., « Genèse d’une codification. L’apprentissage parlementaire de la réforme du financement de la vie politique française, 1970-1987 », Revue française de science politique, vol. 60, 2010.

11 Sur la transformation des modes de financement des partis politiques, voir notre contribution, « De nouvelles règles du jeu partisan. Les lois sur le financement de la vie publique et les mobilisations électorales », dans Phelippeau E. et François A. (dir.), Le financement de la vie politique française. Des règles aux pratiques, Paris, Weka, 2010.

12 Sur l’impact juridique de l’application de primaires ouvertes en France, voir notamment Camby J.-P., « Élections primaires et financement des campagnes électorales », Les Petites Affiches, 13 février 2014 et Rambaud R., « Les dépenses de campagnes résultant de primaires ouvertes. À propos de l’avis du Conseil d’État du 31 octobre 2013 », AJDA, no 6, 2014.

13 Sur la codification de cette nouvelle règle du jeu électoral, voir le chapitre 1 de l’ouvrage.

14 Sur l’imputation des dépenses des primaires ouvertes, voir Rambaud R., « Le paquet de modernisation électoral. De la réforme de l’élection présidentielle au droit électoral de la démocratie continue », AJDA, no 23/2016, p. 1286.

15 Si la loi no 2016-508 du 25 avril 2016 sur la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle a surtout suscité des débats en raison de ses dispositions modifiant les règles concernant les 500 parrainages d’élus et le temps de parole des candidats, elle a également souhaité actualiser, notamment dans sa version initiale, le cadre calendaire de l’élection. Suite à une recommandation de la CNCCFP, les députés socialistes Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas ont en effet déposé une proposition de loi le 5 novembre 2015 visant à réduire d’un an à six mois la période de comptabilisation des dépenses électorales pour l’ensemble des élections. Voté, ce texte aurait pu ainsi constituer un changement important dans l’organisation pratique des primaires par les partis politiques et le choix des calendriers fixant la tenue des consultations d’investiture. Le délai d’un an a finalement été conservé pour la seule élection présidentielle. Le texte définitif spécifie ainsi que « le mandataire recueille, pendant l’année précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses engagées en vue de l’élection ». Un nouvel article plus spécifique a également été rajouté sur le rôle des partis politiques dans le financement de la campagne : « chaque compte comporte en annexe une présentation détaillée des dépenses exposées par chacun des partis et groupements politiques qui ont été créés en vue d’apporter un soutien au candidat ou qui lui apportent leur soutien, ainsi que des avantages directs ou indirects, prestations de services et dons en nature fournis par ces partis et groupements ».

16 L’Express, 21 septembre 2006.

17 Ibid.

18 Le Monde, 2 mars 2011.

19 Le seul véritable point de blocage fut le refus par l’INSEE de permettre au PS d’accéder à son fichier électoral national.

20 Selon Denis Broliquier, président du groupe Lyon divers droite, « au lieu d’organiser cet exercice de démocratie par vos propres moyens, dans les locaux du parti ou dans des locaux loués et avec votre matériel, vous demandez à bénéficier gratuitement de locaux et de matériel communaux ». En réponse, Gérard Collomb, Maire de Lyon a évalué le coût total de l’opération à environ 25 564 euros, soit 381 euros par bureau. Libération, 20 septembre 2011.

21 Dans son nouveau guide du candidat et du mandataire pour l’élection présidentielle de 2017 mis en ligne le 4 mai 2016, la CNCCFP a changé son mode de contrôle des dépenses électorales considérant que « les dépenses exposées par le candidat désigné à l’issue d’une primaire, ouverte ou non, visant à sa promotion personnelle et à celle de ses idées auprès de personnes autres que les seuls adhérents du ou des partis organisateurs de cette primaire seront considérées comme des dépenses électorales devant être intégrées, ainsi que leur contrepartie en recettes, dans son compte de campagne de candidat à l’élection présidentielle ».

22 Voir Rousseau D., « De la démocratie continue », dans Rousseau D. (dir.), La démocratie continue, Paris, LGDJ, 1995. Voir également Rambaud R., « Le paquet de modernisation électoral », op. cit.

23 Jean-Pierre Mignard a été président de la Haute autorité des primaires puis président de la Haute autorité éthique du PS entre janvier 2014 et mars 2016.

24 Mignard J. P., intervention dans le cadre de la table ronde « Les instances de contrôle et de déontologie des partis politiques », dans Le droit interne des partis politiques. Journée d’études en hommage au Professeur Jean-Claude Colliard, Benetti J. (org.), Paris, La Sorbonne, 30 septembre 2015.

25 Le Monde, 2 mars 2011.

26 « Les militants ont été dévorés par l’organisation du scrutin, particulièrement complexe et chronophage », Les Primaires : une voie de modernisation pour la démocratie française, op. cit., p. 32.

27 Le Parisien, 30 juin 2011.

28 Comme le soulignait alors Michel Sapin, son « rôle de trésorier est de faire en sorte que notre trésor de guerre électoral soit intact au moment de l’ouverture de la campagne officielle. Quand Ségolène Royal lance son site Désirsdavenir.org, c’est son affaire : quand Dominique Strauss-Kahn organise un buffet, c’est son affaire », Le Point, 21 septembre 2006.

29 À la fin du mois de septembre 2011, la facture de l’organisation matérielle du scrutin donnait le décompte suivant : 250 000 euros en frais de campagne des candidats, 1 200 000 euros en matériel de vote, 500 000 euros pour la constitution des listes électorales, 500 000 euros en dispositifs antifraude, 800 000 euros pour la publicité dans les journaux. À titre d’exemples, le PS a dû employer une trentaine de CDD pour effectuer de la relance téléphonique auprès des mairies, faire appel à des huissiers (un par département) pour contrôler et mettre sous scellés les listes de votants (coût de cette recommandation de la CNIL : 120 000 euros), détruire les listes électorales (pour un coût de 100 000 euros) ou encore louer des salles dans les mairies qui refusaient de prêter des bureaux de vote.

30 Cette somme attribuée aux candidats doit être mise en regard du financement de l’utilisation pour 300 000 euros de stylos numériques destinés à récolter les adresses et coordonnées mails des votants le jour des primaires.

31 « Visiblement, on a fait avec les moyens du bord pour l’organisation du meeting. Des draps bleus, blancs, rouges tendus sur les murs, une banderole écrite à la main au marqueur bleu sur papier blanc pour annoncer sa venue », « Royal toujours debout », Les Inrockuptibles, 25 mai 2001.

32 Sur le financement des campagnes électorales, voir Phelippeau E., Ragouet P., « Argent et politique. Une relecture sociologique des comptes financiers des législatives de mars 1993 », Revue française de sociologie, vol. 48, 2007/3.

33 Sur le rôle de l’argent dans les campagnes électorales américaines, voir Ihl O., « Deep pockets. Sur le recrutement ploutocratique du personnel politique aux États-Unis », dans Offerle M. (dir.), La Profession politique. XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999, p. 334.

34 Par exemple l’appel lancé par Benoît Hamon, soutien de Martine Aubry, sur le site gratuit Mediapart ou le soutien apporté par le site Marianne 2 à Arnaud Montebourg.

35 Bacot P., « Les partis cartellisés selon Katz et Mair. Partitocratie monopoliste d’État ou service public de démocratie ? », dans Aucante Y., Deze A., Sauger N. (dir.), Les Systèmes de partis dans les démocraties occidentales. Le modèle du parti cartel en question, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2008.

36 Gaxie D., « La liberté d’organisation des partis politiques », dans Le Droit interne des partis politiques. Journée d’études en hommage au Professeur Jean-Claude Colliard, Benetti J. (org.), Paris, La Sorbonne, 30 septembre 2015.

37 Zelizer V. A., La Signification sociale de l’argent, Paris, Le Seuil, 2005.

38 Aujourd’hui en France, 17 juillet 2011. Sur l’enjeu du droit disciplinaire des partis politiques, voir Poirmeur Y., Rosenberg D., Droit des partis politiques, Paris, Ellipses, 2008.

39 Gueyniffey P., Le Nombre et la raison. La Révolution et les élections, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1993, chapitre VII : « Les procédures électorales : un « étrange amalgame ».

40 Libération, 14 décembre 2010.

41 Ihl O., Le Vote, Paris, Montchrestien, 1996, p. 71.

42 Libération, 6 octobre 2011.

43 Le Figaro, 21 septembre 2011.

44 La Charte éthique du PS a ainsi interdit « toute action ou déclaration dénigrant les autres candidats ».

45 Le Monde, 30 septembre 2011.

46 Le Parisien, 30 juin 2011.

47 Lefebvre R., « Les primaires : triomphe de la démocratie d’opinion ? », Pouvoirs, no154, 2015, p. 120.

48 Sur les effets indirects des lois de financement de la vie politique sur la communication des partis en campagne, voir Neveu E., « La communication politique : un chantier fort de la recherche française », Polis, 5 (1), 1998.

49 L’épisode fortement médiatisé de la Porsche Panaméra de l’ancien conseiller en communication de Dominique Strauss-Kahn, Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, conduisant le directeur du FMI, a ainsi concentré les débats sur les stratégies de communication des différents candidats et plus largement entre le PS et l’UMP. Un blog pro Ségolène Royal titra même sur « DSK et la gauche Porsche ». Voir, « Cette Porsche dont les anti-DSK voudraient voir un symbole », Le Monde, 4 mai 2011.

50 Le Figaro, 22 mars 2011.

51 Putz C., « La présidentialisation des partis français », dans Haegel F. (dir.), Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses de Sciences po, col. Références, 2007.

52 Grand jury RTL – Le Figaro – LCI, 10 avril 2011.

53 Sur la notion de démocratie de délégation, voir Olivier L., « Ambiguïtés de la démocratisation partisane en France (PS, RPR, UMP) », Revue française de science politique, vol. 53, no 5, octobre 2003, p. 766.

54 Libération, 13 janvier 2011.

55 Le Parisien, 8 juin 2010.

56 Entretien accordé à La Nouvel république du Centre Ouest et Centre presse rappelé dans Le Monde, 1er janvier 2010.

57 Le Monde, 2 septembre 2011.

58 Libération, 12 janvier 2011.

59 Libération, 21 novembre 2010.

60 Haegel F., Sawicki F., « Résistible et chaotique, la présidentialisation de l’UMP et du PS », dans Deloye Y., Deze A., Maurer S., (dir.), Institutions, élections, opinion. Mélanges en l’honneur de Jean-Luc Parodi, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.

61 Sur la notion de proximité en politique, voir Le Bart C., Lefebvre R., « La proximité : une nouvelle grandeur politique ? », dans Le Bart C., Lefebvre R. (dir.), La Proximité en politique. Rhétoriques, usages, pratiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.

62 Le Monde, 9 janvier 2011.

63 Le Figaro, 20 décembre 2010.

64 Le Figaro, 22 novembre 2010.

65 Le Figaro, 1er avril 2011.

66 Les Inrockuptibles, 1er juin 2011.

67 Pourcher Y., « Tournée électorale », L’Homme, no119, juillet-septembre 1991, XXXI (3), p. 65.

68 Le 4 janvier 1995, Lionel Jospin a ainsi annoncé au bureau national du PS qu’il était « prêt à être candidat à l’élection présidentielle » si « notre parti le décide ».

69 Lefebvre R., Sawicki F., La Société des socialistes. Le PS aujourd’hui, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2006.

70 Sur la culture partisane socialiste, voir Bachelot C., « La culture d’organisation au Parti Socialiste. De l’explicitation à l’appropriation des normes », dans Haegel F. (dir.), Partis politiques et système partisan en France, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2007.

71 Voir Lazar M., « Cultures politiques et partis politiques », dans Cefai D. (dir.), Cultures politiques, Paris, PUF, 2001.

72 Grunberg G., « Les primaires présidentielles ouvertes : mort ou renaissance des partis ? », Pouvoirs, no154, 2015.

73 Bachelot C., « La culture d’organisation au Parti Socialiste. De l’explicitation à l’appropriation des normes », op. cit., p. 147.

74 Voir « L’objet congrès socialiste en débat », interventions d’Alain Bergougnioux, Frédéric Cépède, Pierre Serne et Frédéric Sawicki, Recherche socialiste, 12, septembre 2000. Voir également notre contribution, avec Faucher-King F., « Managing Intra-party Democraty: comparing the French Socialists and the British Labour Party Conferences », French Politics, p. 61-82, mars 2003.

75 Sur la stratégie des « candidatures d’en bas », voir Le Bart C., « Les présidentiables de 2007 entre proximité et surplomb. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal vus par Libération », Mots, 89, 2007.

76 Sur l’impact des institutions de la Ve République sur les partis politiques, voir Grunberg G., Haegel F., La France vers le bipartisme ? La présidentialisation du PS et de l’UMP, Paris, Presses de Sciences Po, 2007.

77 Le Figaro, 14 avril 2011.

78 Sur la prédominance de l’outil télévisé dans les campagnes présidentielles, voir Gerstle J., Piar C., « Les campagnes dans l’information télévisée », dans Perrineau P. (dir.), Le Vote de rupture. Les élections présidentielles et législatives d’avril-juin 2007, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.

79 Un décalage important dans le déploiement des technologies de mobilisation est à noter entre la campagne du parti et celle des candidats. Le PS a ainsi privilégié l’usage de nombreux outils numériques pour accompagner la mise en place du scrutin, comme le lancement d’une application sur smartphone ou encore l’achat de stylos électroniques afin de numériser les adresses et coordonnées mails des votants, alors que les candidats ont de leurs côtés volontairement valorisé les instruments classiques de la conquête des suffrages, comme la constitution de comités de soutien, le recours aux patronages des anciens proches de Dominique Strauss-Kahn, les tournées électorales ou encore la visite des foires et des marchés. Sur le développement du numérique partisan, voir notre contribution, avec Barboni T., « L’engagement 2.0. Les nouveaux liens militants au sein de l’e-Parti Socialiste », Revue française de science politique, vol. 60, no 6, 2010.

80 Deloye Y., Ihl O., L’Acte de vote, Paris, Les Presses de SciencesPo, 2008, chapitre « Une mise en scène politique », p. 42.

81 Sur la spécificité de l’organisation des débats télévisés, voir Trognon A., Larrue J., « Les débats politiques télévisés », dans Trognon A., Larrue J., (dir.), Pragmatique du discours politique, Paris, Armand Colin, 1994.

82 En 2006, six débats furent organisés dont trois télévisés en direct sur les chaînes parlementaires.

83 Le Figaro, 20 juillet 2011.

84 « Les gens se révèlent dans les débats, il ne faut pas avoir peur de son ombre […]. C’est un défi démocratique. Les gens ne comprennent pas que les débats soient étouffés. Zéro débat, ne pas nous voir ensemble, ce n’est pas tenable », Libération, 19 juillet 2011.

85 Aujourd’hui en France, 17 juillet 2011.

86 Seules les fédérations du Finistère, du Gard, du Maine-et-Loire, de la Seine-et-Marne et du Morbihan ont organisé des débats avec des représentants des différents candidats.

87 « Les primaires : une voie de modernisation pour la démocratie française. De l’expérience socialiste au renouveau citoyen », rapport présenté par la Fondation Terra Nova, 21 novembre 2011.

88 Le Torrec V., « Aux frontières de la publicité parlementaire : les assemblées et leur visibilité médiatisée », Réseaux, no 129/130, 2005.

89 Leroux P., Teillet P., « Second marché médiatique et carrière politique. L’exemple de Roselyne Bachelot », dans Cohen A., Lacroix B., Riutort P., (dir.), Les Formes de l’activité politique, Paris, Presses universitaires de France, 2006.

90 Sur la médiatisation des espaces privés des hommes politiques, voir Darras E., « La coproduction des grands hommes. Remarques sur les métamorphoses du regard politique », Le temps des médias, no 10, 2008/1/.

91 Richard A., Sandre M., « Le débat télévisé de primaires : un nouveau genre médiatique de discours politique en France », Nottingham French Studies, 52.2, 2013.

92 Entretien de Rémi Lefebvre avec Thierry Solère, président du Comité d’organisation de la primaire de la droite et du centre, 26 mai 2016.

93 Champagne P., « Le cercle politique », Actes de la recherche en sciences sociales, no 71/72, 1988.

94 Darras E., « Des liaisons dangereuses ? Les trois âges de la relation entre professionnels de l’information et professionnels de la politique », dans Geay B., Willemez L., (dir.), Pour une gauche de gauche, Bellecombes-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008, p. 165.

95 Le Monde, 30 juillet 2011.

96 Le Monde, 15 septembre 2011.

97 Le Parisien, 16 septembre 2011.

98 Juhem P., « La légitimation de la cause humanitaire : un discours sans adversaire », Mots, no 65, 2001.

99 Comme le souligne Érik Neveu, « la crainte du faux pas qui heurterait l’opinion et produirait une brusque chute dans les sondages double cet activisme médiatique d’une forme d’immobilisme politique qui rend improbable la formulation de propositions novatrices », Neveu E., « La communication politique : un chantier fort de la recherche française », op. cit.

100 Sur la recherche du consensus entre les candidats, voir Richard A., Sandre M., « Le débat télévisé de primaires : un nouveau genre médiatique de discours politique en France », op. cit.

101 Le Figaro, 16 septembre 2011.

102 Le Parisien, 6 octobre 2011.

103 Sur la place des primaires dans les stratégies des différents candidats socialistes à l’élection présidentielle, voir Baider F. H., « Évaluation de la présidentialité à l’interface de la sémantique lexicale et de la linguistique de corpus », Mots, no 108, 2015/2.

104 Le Parisien, 12 octobre 2012.

105 Sur la modélisation télévisée des volontés présidentielles, voir Barbet D., Mayaffre D., « 2007. Débats pour l’Élysée » et Cabasino F., « La construction de l’éthos présidentiel dans les débats télévisés français », Mots, no 89, 2007.

106 Neveu E., « Médias, mouvements sociaux, espaces sociaux », Réseaux, no 98, 1999.

107 « Ce soir, la moitié des personnes n’étaient pas des adhérents socialistes, cela prouve que nos primaires intéressent », interview d’un adhérent socialiste de la section socialiste de Paris XVIIIe, Le Parisien, 16 septembre 2011.

108 Lefebvre R., Sawicki F., La société des socialistes. Le PS aujourd’hui, op. cit, p. 180.

109 Neveu E., « La communication politique : un chantier fort de la recherche française », op. cit.

110 Sur le déplacement des bornages de l’univers politique, voir Arnaud L., Guionnet C. (dir.), Les Frontières du politique. Enquêtes sur les processus de politisation et de dépolitisation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.

111 Le Parisien, 16 septembre 2011.

112 Boullier D., « La fabrique de l’opinion publique dans les conversations télé », Réseaux, no126, 2004.

113 Sur la mutation des formes de l’action collective, voir Collovald A. (dir.), L’Humanitaire ou le management des dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 177.

114 Une stratégie similaire a été utilisée lors de la campagne présidentielle de 2012. Afin de promouvoir l’équipe web de François Hollande, les journalistes ont été invités à filmer l’activisme en ligne des « Ripostes parties », soulignant ainsi que « les stratèges du numérique (de l’équipe de campagne de François Hollande) ne cherchent pas à s’autonomiser des mass médias mais plutôt à orienter leur cadrage ». Sur l’encadrement médiatique de ces « tops activistes numériques » et sur l’affichage de pratiques politiques innovantes, voir Theviot A., « Mettre en scène l’innovation politique en ligne. Analyse comparée de l’usage des réseaux sociaux au PS et à l’UMP pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2012 », séminaire « Campagnes électorales et communication politique. Enjeux de comparaison, débats sociologiques, techniques », Lefebure P., Greffet F. (org.), Compol, IRISSO, université Paris Dauphine, 5 février 2016.

115 Sur l’encadrement du travail des journalistes, voir Mercier A., « Pour la communication politique », Hermès, 2004/1, no 38, 74.

116 Sur le développement du « hors cadre » dans la fabrication des émissions où participent des femmes et des hommes politiques, voir notamment le numéro « La politique saisie par le divertissement », Réseaux, no 118, 2003.

117 Sur l’hybridation des émissions politiques, voir Leroux P., Riutort P., La Politique sur un plateau. Comment la représentation politique à la télévision est devenue divertissement, Paris, Presses universitaires de France, 2013.

118 Meny Y., « Primaires : vertus (apparentes) et vices (cachés) d’une greffe américaine », Pouvoirs, 154, 2015.

119 Le contre-exemple le plus fort fut sans aucun doute la formule utilisée par Martine Aubry lors du dernier débat et reprise dans ses meetings : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ».

120 Garrigou A., L’Ivresse des sondages, Paris, La Découverte, 2006.

121 Voir Ferrand O., « Vers la modernisation démocratique », Libération, 5 octobre 2015.

122 Franck Riester, Secrétaire national en charge de la communication de l’UMP, s’est ainsi adressé au président du CSA pour demander le respect du pluralisme. Pour rattraper son retard, l’UMP a souhaité que les chaînes organisent des débats avec des panels de téléspectateurs sur son « projet pour 2012 ». Elle n’obtiendra pas satisfaction.

123 Maarek P. J., « 2012 : élection singulière, communication politique singulière », dans Maarek P. J. (dir.), Présidentielle 2012. Une communication politique bien singulière, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 12.

124 Putz C., « La présidentialisation des partis français », op. cit., p. 334.

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