Chapitre XIII. Culture matérielle et identités sociales au xviie siècle
p. 311-332
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Index géographique : France
Texte intégral
1Longtemps cantonnée au descriptif ou à l’anecdotique, l’histoire de la culture matérielle a su pleinement profiter des apports de la sociologie, de l’ethnologie et de l’anthropologie au tournant des années 1960. La décennie 1970 est marquée par l’essor de l’histoire des mentalités, la (re)découverte des travaux du sociologue allemand Norbert Elias évoquant la codification et la diffusion en Occident de nouvelles règles de pudeur, de décence et de politesse et le développement d’une anthropologie historique attentive aux comportements, aux corps et aux représentations. Ces approches ont fortement souligné l’importance de la nourriture et des manières de table, des vêtements et de la manière de les porter, des goûts et des styles de vie dans la définition d’un groupe social et dans l’affirmation de la distinction. Ainsi l’histoire de la culture matérielle n’est pas une simple histoire technique et économique des objets, mais bien une histoire sociale s’intéressant aux interactions qu’un environnement matériel crée entre les hommes1.
L’apparence, une lecture du corps social
Le vêtement, un fort discriminant social
2La matière première – chanvre, laine, lin, coton, soie –, la nature et la qualité des tissus – serge, toile, velours, satin… –, la quantité de pièces de vêtement et leur forme, la longueur et l’ampleur des pièces de tissu, la couleur et la présence d’imprimés, l’état d’usure et d’ancienneté, la fabrication domestique ou l’achat extérieur, la nature des chaussures, du bois des sabots aux souliers de soie, les boucles, les boutons et les aiguillettes, la finesse et l’abondance des dentelles et des broderies, les fils d’or et d’argent, les perles et les pierres précieuses des costumes d’apparat… dressent une hiérarchie sociale de la naissance, de la fortune et du rang comprise par tous. Couvre-chef, gants et bas, mouchoir, éventail et rubans, poudrier et bijoux, fards et parfums viennent parachever le paraître social dans une société fortement hiérarchisée et viscéralement attachée aux apparences. Par son vêtement l’individu dit son état – courtisan, noble, ecclésiastique, bourgeois, artisan, paysan, mendiant… – sa richesse mais également ses aspirations sociales.
3Quelques chemises, collerettes, coiffes et mouchoirs, deux ou trois corsages, autant de jupes, de casaques et une mante constituent la garde-robe « moyenne » des paysannes de Pozuelo de Aravaca, en Nouvelle-Castille, au tournant du xvie siècle. Par contrainte d’économie, la chemise est essentiellement réalisée avec de l’étoupe, la toile la plus ordinaire, seules les parties visibles sont confectionnées avec une toile de meilleure qualité réalisée à partir du lin du pays ou surtout du chanvre. À la toile rustique du dessous répond la rusticité du drap de laine non ou mal teinté, le fameux drap pardo, des vêtements de dessus. Ces paysannes possèdent également des pièces colorées et des tissus plus fins ainsi que quelques colifichets révélant la coexistence de vêtements quotidiens, de deuil et de fêtes2. Nombre limité de vêtements et simplicité, uniformité et sobriété des formes et des matériaux utilisés caractérisent ce vestiaire ; on y retrouve la structure de base de l’habillement féminin occidental : la chemise, vêtement également utilisé pour dormir, un jupon et des bas de laine, une jupe, un tablier et un corps pour l’habit de dessus, et une coiffe ou un bonnet. L’habillement masculin paysan comporte également la chemise comme linge de corps, des braies ou des hauts-de-chausses flottants, éventuellement une paire de bas de grosse laine, une veste ou une blouse et un bonnet ou un chapeau. Bien évidemment, ne serait-ce que par l’utilisation des ressources textiles locales, les vêtements connaissent d’inévitables différences régionales. Néanmoins, qu’il soit anglais, espagnol ou français, le vêtement paysan répond avant tout à de fortes contraintes techniques et économiques et à la nécessité d’être fonctionnel notamment en laissant la liberté de mouvement nécessaire aux travaux des champs.
4Dans une économie marquée par la pénurie et le fréquent recours à de mauvaises teintures domestiques, la couleur des tissus et la quantité de pièces d’habillement signalent des niveaux de richesse. La couleur est associée à la puissance aussi bien dans le spectacle de la liturgie et de la hiérarchie des Églises catholique et anglicane que dans l’héraldique nobiliaire visible sur les livrées des domestiques et les blasons des carrosses. Dans une société pratiquant la toilette sèche et ne nettoyant à l’eau que les parties visibles du corps, le visage et les mains, la propreté corporelle et morale se lit dans la blancheur du linge de corps et des dentelles. Le vêtement n’ayant probablement jamais été autant le corps du corps qu’au xviie siècle, la blancheur doit être immaculée et fortement visible tant dans le costume masculin que féminin. Des fentes pratiquées sur le vêtement de dessus ou un élégant pourpoint à moitié déboutonné laissent ainsi entrevoir ostensiblement la blancheur de la chemise car seules les classes aisées ont les moyens financiers de changer quotidiennement de linge de corps.
5La marque extérieure du deuil est signalée par le port d’un vêtement noir. Si l’ampleur des manifestations matérielles du deuil est fonction de la qualité et de la richesse du défunt, l’obligation de le porter concerne toute la population et illustre parfaitement le rôle moral et social joué par le vêtement. Pour les nombreux manuels de civilité le vêtir devait refléter « l’accord du dedans avec le dehors de l’homme » pour reprendre la formule d’Antoine de Courtin dans son Nouveau Traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens (1671) et la moralité du bon prêtre tridentin passe par une tenue honnête, décente et modeste progressivement imposée au cours du xviie siècle.
6Fidèle à cette lecture du corps social, Charles Sorel attribue, dans son Histoire comique de Francion publiée entre 1623 et 1633, à chacun de ses personnages, selon leur sexe, leur âge, leurs activités professionnelles et leur nation, un costume et une manière de le porter. Si le noir est réservé aux « gens de justice, de finances, de traficq », au satin brillant des juges et au drap mat des bourgeois, le noble est empanaché et botté, et porte fièrement épée et pierres précieuses sur un habit de couleur. Surtout le noble et brave Francion, le héros éponyme, au cours de ses aventures recouvre progressivement le rang et la fortune perdus par son père, or Sorel scande son roman par une série de métamorphoses vestimentaires indiquant l’évolution sociale du héros jusqu’au port de vêtements neufs et somptueux révélant sa qualité intérieure d’honnête homme3. De même le costume gitan est suffisamment reconnaissable pour servir de référent à une discrimination juridico-sociale en Espagne. Reprenant des dispositions du xvie siècle, la monarchie espagnole tente d’assimiler les Gitans présents dans la péninsule depuis le xve siècle, et dernier groupe perçu comme étranger et non orthodoxe après l’expulsion des morisques (1609-1610), en leur interdisant l’usage de leur langue, l’exercice de leurs métiers traditionnels et le port de leur costume (lequel ne pourra même pas être utilisé en tant que déguisement pendant les fêtes et les défilés) ; malheureusement les lois de 1619 et de 1633 ne décrivent pas ce costume4. Nier l’identité gitane passe par le vêtement mais ces lois restent lettres mortes. À la fin du règne de Charles II, en 1692 et en 1695, les Gitans doivent se faire enregistrer devant les autorités et sont assignés à résidence, la population vieille chrétienne est invitée à dénoncer ceux qui ne se plieraient pas aux dispositifs de la loi, les Gitans étant de nouveau juridiquement définis par l’usage de leur langue et le port de leur habit5.
7L’habit est donc censé être conforme à l’état de celui qui le porte d’ailleurs, dans les langues française et espagnole du xviie siècle, costume/costumbre a également le sens de coutume, d’habitude.
Corps nu et infamie sociale
8Les vêtements de cour, du clergé, de la bourgeoisie et ceux de la paysannerie aisée partagent la caractéristique commune de couvrir la quasi-totalité du corps ne laissant libre que le visage6 et les mains, lesquelles sont parfois gantées, et, pour les vêtements féminins laïcs, la gorge et les avant-bras. Ainsi les expressions « nu en chemise » ou « à demi-nu », fréquentes à l’époque moderne, ne désignent-elles pas une nudité à proprement parler physique, mais une discordance sociale entre l’être et le paraître : l’absence de bas ou d’un col en dentelle fait qu’une apparence physique peut ne plus correspondre à une qualité sociale. L’évêque de Léon ne dit pas autre chose lorsqu’il avertit par lettre Philippe III de l’arrivée dans sa ville épiscopale d'« un grand nombre de pauvres bien nés, de sang pur et noble, venant des montagnes des Asturies et de Galice […]. Dans la plus grande misère, ils allaient à l’aventure, sans chaussures, à demis nus7 ». Et, par une inversion volontaire des valeurs sociales liées aux apparences, le pícaro livre sa condition d’anti-héros et sa philosophie dans la misère de sa mise8.
9La nudité au xviie siècle, c’est-à-dire la vue des parties du corps autres que le visage, les mains ou la gorge, est la marque du déclassement social, de la pauvreté et du monde du labeur physique avant d’être celle du vice. L’usure des vêtements, les contraintes économiques, la nécessité de ne pas entraver la liberté du corps et les efforts physiques révèlent des parties du corps normalement cachées dans le reste de la société : bras, jambes, pieds, torse… Les représentations figurées des mendiants insistent fortement sur les haillons déchiquetés laissant voir le corps mais ici la nudité tend à glisser de la pauvreté au vice. Quant à la nudité imposée, elle est une marque d’infamie sociale, comme les marques corporelles infligées par la justice, et les condamnés étaient conduits au bourreau en chemise.
10Dans une société qui met rarement le corps à nu, si ce n’est par le travestissement mythologique, la nudité volontaire reste néanmoins pratiquée lors des baignades estivales dans les rivières et les fleuves, mais ce loisir de jeunes paysans et d’ouvriers et apprentis urbains est considéré par les élites comme un usage grossier des hommes du peuple et condamné par les moralistes et les ecclésiastiques.
Mode, distinction et imitation sociales
11Sortir habillé d’un vêtement passé de mode est une autre forme de nudité sociale que la grandeur courtisane ne saurait manquer de railler. Au-delà des Pyrénées, le costume noir, la fraise blanche ou le col remontant, et la cape – la gente de capa negra – sont perçus comme le costume de l’homme espagnol (castillan)9. Avec des adaptations « nationales », la mode espagnole se maintient en Europe jusqu’au premier tiers du xviie siècle, elle est ensuite concurrencée puis remplacée par la mode française, plus colorée, plus ostensiblement exubérante et présentant des coupes nettement plus souples. Ce contraste entre les deux mo(n)des est flagrant sur « l’entrevue des deux rois dans l’Île des faisans » (6 juin 1660), une des pièces de la tapisserie l’histoire du roy réalisée à partir de cartons de Le Brun : les costumes des courtisans espagnols sont sombres ou du moins unis avec une prédilection pour le noir, la fraise est encore portée, au contraire la couleur, les dentelles, les rubans et les broderies d’or et d’argent caractérisent le costume français10. La mode sert les rivalités nationales et derrière une apparente futilité il faut apprécier l’affrontement entre deux modèles culturels, le déclinant modèle castillan et le vigoureux modèle françois, et la volonté politique de faire de la cour un foyer de civilisation. D’ailleurs les derniers Stuart, pour affirmer leur identité, tentèrent également de lancer des modes. L’enjeu est d’importance pour le prestige extérieur et intérieur de la monarchie anglaise car l’imitation d’un modèle de cour signifierait reconnaissance de son pouvoir social. Mais la veste de coupe orientale portée par Charles II et ses courtisans à partir de 1666 ne parvient pas à s’imposer11. Les deux derniers Stuart ne sont pas parvenus à faire de leur cour un foyer majeur de civilisation capable de capter ou d’éclipser la gentry et de concurrencer l’hégémonie du modèle françois. D’ailleurs, à l’inverse du cas français, il n’y a pas eu de création d’une cuisine de cour à proprement parler en Angleterre ce qui, en retour, a permis à la cuisine de la gentry et des paysans aisés de jouir d’un prestige propre ; ainsi la hiérarchie sociale semble s’être exprimée dans la cuisine de façon bien moins nette en Angleterre qu’en France12.
12Par un processus de socialisation anticipative, l’enrichi imite les habitudes, les goûts et les manières du groupe social dont il aspire à devenir membre. L’archétype du modèle nous est donné par Molière avec Monsieur Jourdain. Maître à danser, maître d’armes, maître tailleur, maître de musique et maître de philosophie viennent livrer leur savoir à un riche bourgeois désirant paraître gentilhomme puis, entouré de ses laquais, ce dernier laisse le noble Dorante ordonner sous son toit un repas digne des friands du Grand Siècle. Molière nous livre ainsi ce qui, au xviie siècle, exprime la distance sociale : diction, conversation, dressage du corps, vêtement à la dernière mode, cuisine de cour et domesticité portant la livrée du maître et, mais au dépens de Monsieur Jourdain, la naissance. Au-delà de la grasse farce du Mamamouchi, Le Bourgeois gentilhomme (1670) soulève l’ambiguïté fondamentale des traités de civilité européens conjuguant les héritages de La Civilité puérile et du Livre du courtisan, à savoir la place de l’inné et de l’acquis dans la distinction sociale.
13Suivre une mode, ou refuser de la suivre, permet également d’indiquer ses opinions politiques et religieuses à l’image des dévots et de ce sein que le Tartuffe (1664) ne saurait voir sous la monarchie cavalière du jeune Louis XIV ou de la célèbre opposition vestimentaire anglaise entre les Cavaliers et les Têtes rondes. Les Cavaliers, partisans du roi Charles Ier, imitent la mode française en arborant de larges bottes évasées, en décorant de rubans leurs hauts-de-chausses souples, en portant un pourpoint à manches tailladées pour montrer la blancheur de leur chemise, en ornant de fines dentelles leur rabat13 et leurs rebras14, et en laissant leurs cheveux longs ondulés sur leurs épaules. Les puritains, au contraire, adoptent le costume sombre, sobre et strict de style hollandais lui-même influencé par le vestido negro espagnol du xvie siècle ; leur propreté morale et corporelle est indiquée par le port d’un col de dentelle blanche, plus commode que la fraise, et par la sobriété du costume. Enfin, ils portent les cheveux courts ce qui leur vaudra le surnom de Roundhead. À la restauration de 1660, le retour de la cour s’accompagne de la mode française ; il est vrai que Charles II et Jacques II, et leurs partisans, ont passé une partie de leur exil en France et que le modèle culturel françois sert leur tentation absolutiste. L’influence de l’étiquette versaillaise sera indéniable à la cour de Whitehall et à Hampton Court15. Le Journal de Samuel Pepys (1660-1669), particulièrement riches en notations culturelles, évoque l’engouement d’une partie des élites anglaises pour le modèle françois. Dans un premier temps étonné, Pepys rapporte que lors d’un dîner lord Sandwich proclama « bien haut qu’il aurait un cuisinier français et un Maître Ecuyer et que son épouse et son enfant porteraient des mouches, ce qui, quant à moi, m’a paru étrange, mais le voici devenu un parfait courtisan » (20 octobre 1660).
14Les ambassades, les visites princières, les stratégies matrimoniales, mais également les échanges de portraits, les correspondances, les récits et les articles des gazettes, voire des poupées vêtues des dernières nouveautés permettent aux modes et aux usages de cour de se diffuser aux seins des élites européennes. L’imprimerie joue également un rôle considérable en multipliant les recueils de costume, les patrons, les gravures de mode sur feuilles volantes, notamment celles des Bonnart présentant un personnage célèbre dans un costume dessiné avec précision. Et des traités de cour comme La Guide des courtisans (1606) s’adressent moins aux courtisans qu’à ceux qui rêvent de le devenir. Plus largement, les nombreux traités techniques du xviie siècle codifiant de nouveaux comportements, des manuels de civilité aux livres de cuisine en passant par les livres de jardinage, s’adressent notamment à la noblesse provinciale, aux ecclésiastiques et à la bourgeoisie enrichie ; des éditions populaires, comme celles de la bibliothèque bleue, et les almanachs contribuent également à élargir la diffusion sociale de ces modèles. Paradoxalement les lois somptuaires ont aussi été un puissant vecteur de diffusion des modes en livrant à l’imitation sociale, sous le sceau prestigieux du souverain, des modèles de consommation liés au rang.
15Le processus de l’imitation sociale est également rendu possible par la forte mixité sociale des villes et surtout par le canal des domestiques qui récupèrent les habits (très) vites démodés de leurs maîtres, les portent puis les vendent. Le gaspillage aristocratique nourrit le commerce des fripiers et facilite la diffusion sociale des modes, des nouvelles coupes et des nouveaux ornements mais avec un inévitable décalage chronologique. La surabondance de la table des élites entretient également un système de redistribution des aliments profitant aux domestiques, aux familiers et à des pauvres par le biais des aumônes, et au lucratif commerce des regrattiers. Domestiques, fripiers et regrattiers ont contribué à diffuser auprès des citadins de nouvelles habitudes de consommation. Contraint à résider, le prêtre tridentin a également pu diffuser de nouveaux usages comportementaux.
Compétition et brouillage sociaux
16Le xviie siècle sait que « l’habit ne fait pas le moine ». Le célèbre adage, également présent en espagnol, « el ábito no haze al monge16 », pose la question de l’être et de l’apparence, du rang social et des signes matériels et corporels qui l’expriment. La multiplication des lois somptuaires depuis le xvie siècle témoigne d’une véritable peur sociale de la confusion des rangs et des états par le brouillage des visibilités des paraîtres porteur en germe d’un désordre moral voire, à terme, d’une désagrégation du corps social. Sous les tirs croisés des pesanteurs de la société d’ordres, des exigences morales des réformes et des besoins économiques de l’État moderne, le train de vie des particuliers – vêtement, table, domesticité – apparaît comme le coupable rêvé. Les lois somptuaires répondent à la fois à des préoccupations protectionnistes et mercantilistes en tentant d’éviter ou limiter les dépenses improductives et les flux numéraires qu’entraînent les achats à l’étranger – en Espagne, les chemises des dames de qualité sont en toile de lin très fine importée de Flandres ou de Hollande –, et à des objectifs sociaux, éviter la ruine et le déclassement social des familles, garantir les privilèges consubstantiels à la noblesse et maintenir la cohésion sociale et politique du royaume, en imposant à chacun de consommer selon son rang. La constante réitération de ces lois, preuve de leur inefficacité, ne dit que trop que l’habit ne fait pas le moine. Puget de la Serre, parmi d’autres, constate amèrement que « tout le monde se met en peine de paraître ce qu’il n’est pas, et pas un ne s’étudie à se faire voir tel qu’il est. L’un fera le prince avec ses habits seulement, […] sans en avoir le mérite, la qualité ni les rentes, et avec ces ornements empruntés il cherchera des miroirs partout pour faire l’amour à soi-même17 ». Le travestissement des conditions sociales par le vêtement se retrouve également dans le théâtre, dans les contes de fées et même dans les livres de raison. Dans les années de misère marquant la fin du xviie siècle, le curé de Rumegies, près de Valenciennes, condamne « les enfants de ces personnes qui ont des denrées à vendre, vêtus d’une façon tout autre qu’il n’appartient aux paysans : les jeunes hommes avec des chapeaux galonnés d’or ou d’argent, et ensuite du reste ; les filles avec des coiffures d’un pied de hauteur et les autres habits à proportion. […] toutes leurs richesses ne leur servent qu’à se vêtir au-delà de leur état18 ». De l’Espagne catholique à l’Angleterre puritaine enfin, moralistes et ecclésiastiques condamnent l’usage de la poudre et des fards comme leurre, duperie et séduction masquant la luxure, les maladies honteuses et la laideur (morale) : Thomas Tuke, auteur du Treatise against Painting and Tincturing of Men and Women (1616), se demande comment les femmes peuvent prier Dieu « avec un visage qu’il ne reconnaît pas. Comment peuvent-elles demander pardon alors que leurs péchés leur collent à la figure19 ? »
17Le désert peut certes être une solution mais, pour qui veut rester dans le commerce des hommes, la surenchère des modes offre une réponse civile à la compétition sociale et à l’inefficacité des lois somptuaires. Les dépenses assoient ou confortent une position sociale, elles matérialisent un désir de légitimité. Constamment distancée par la prodigalité aristocratique, l’imitation sociale est un puissant aiguillon pour la mode. L’accélération des nouveautés vestimentaires est telle sous le règne de Louis XIV que la cour a toujours une longueur ou une couleur de ruban d’avance sur son imitation bourgeoise et provinciale et conserve ainsi son rôle d’arbitre du bon goût. Mais la distinction suprême face à l’ignoble – qu’il soit paysan ou bourgeois – est de développer une nature différente. En effet, comme le souligne Furetière dans le Roman bourgeois, « sa mine, son geste, sa contenance et son entretien la faisoient assez connoistre, car il est bien difficile d’en changer que de vestement20 ».
Une nature autre
L’apparence de l’aristocrate, l’expression d’une surnature
18L’apparence physique de l’aristocrate doit le différencier des groupes sociaux inférieurs. L’utilisation de mouches de beauté, confettis de soie ou de velours noirs, souligne la blancheur laiteuse de la peau des hommes, des femmes et des enfants bien nés et les différencie du peuple laborieux des villes et des campagnes à la peau burinée par le soleil et le grand air et prématurément vieillie par une vie quotidienne rude. Précieuse, la mouche secrète son langage aux initiés en fonction de sa forme – ronde, demi-lune, étoile… – et de son emplacement sur le visage ; elle marque ainsi une reconnaissance d’une appartenance sociale par le commun et par le groupe lui-même. Hommes et femmes fortunés ne sauraient se montrer en public sans être dûment poudrés et parfumés par peur d’encourir un risque hygiénique – le parfum est alors paré de vertus thérapeutiques – et une sanction sociale21.
19Les élites de la naissance et/ou de la fortune subissent un véritable dressage du corps à l’âge classique. Dès l’enfance, les filles et les garçons portent un corset et ce façonnage est entretenu par l’apprentissage de l’escrime, de la danse et de l’équitation dans des académies et la pratique du théâtre dans les collèges. Ces loisirs ritualisés dispensent à l’aristocratie des exercices corporels enseignant une maîtrise de soi et de l’espace, un apprentissage du maintien et une manière de se mouvoir en public. Courses de bagues, ballets équestres et autres jeux de cour permettent aux courtisans de montrer leur adresse, leur maintien et leur appartenance symbolique aux antiques idéaux militaires de la noblesse. Le ballet, la révérence, même la « pieuse » génuflexion sont l’occasion de donner à voir sa rectitude et sa souplesse, son éducation et sa naissance, en un mot sa « bonne grâce » naturelle22. L’extrême valorisation du corps bien droit comme marqueur d’une distinction sociale répond au corps courbé des gens de peine, du paysan lors des travaux des champs, de la paysanne dans son quotidien ; coffre, banc, tabouret, pot suspendu à une crémaillère…, l’environnement matériel de la paysannerie induit une position corporelle courbée. Dans Les Fleurs des secretz moraux sur les passions du cœur humain (Paris, 1614), le père jésuite François Loryot justifie les privilèges de la noblesse par la nécessité de préserver leur corps des déformations inhérentes à un vil travail mécanique. Nombre de travailleurs sont en effet littéralement rompus par le poids des ans et par les déformations professionnelles liées aux astreintes physiques du travail de la terre.
20L’apparence du courtisan tend à exprimer la surnature du groupe en multipliant les excroissances corporelles et les artifices : talons hauts, perruques, coiffes à la Fontanges et coiffures en palissade permettent d’être plus grand et d’accentuer la verticalité du corps, les perruques à crinière créent une exagération du système capillaire, fards et poudre composent un visage hors d’âge, paniers des robes et multiplicité des jupons produisent une excroissance des hanches, même la langue de cour est différente du parler commun. Entièrement refaçonné, le corps de l’aristocrate est en quelque sorte « dénaturalisé » ; sur le devant de la scène publique, l’être biologique disparaît pour laisser la place à l’être social23. L’ornemental l’emporte sur le fonctionnel à l’exemple des vêtements de cour espagnols des imposants guardiafantes24 portés par les membres féminins de la famille royale sur les portraits officiels réalisés par Velázquez dans la décennie 165025 à l’hypertrophie des fraises – les lechuguillas seront interdites en 1623 – sous le règne de Philippe III niant, dans leur rigidité radicale, la fonction mécanique du cou. La magnificence des vêtements de cour est conçue pour des hommes et des femmes à mobilité physique limitée et s’avère être particulièrement bien adaptée aux gestes symboliques, à la lenteur calculée de la démarche processionnaire des cortèges et des réceptions, à la théâtralité d’une société qui se donne et se pense en spectacle ; à cet égard il n’est pas innocent que Madame de Motteville, pour décrire les guardiafantes des femmes de la cour de Philippe IV, évoque une machine26. L’allure de l’habit dicte celle du porteur, elle impose le hiératisme de l’attitude, l’économie de la gestuelle, le port de tête altier. Le corps entièrement discipliné participe à l’expression d’une supériorité sociale, le paraître est devenu une façon d’être.
L’estomac du riche, l’estomac du pauvre
21Dans le discours diététique du xviie siècle un aliment sain pour un consommateur peut être malsain pour un autre, il faut veiller à donner à manger et à boire à chacun selon son rang, son âge et son sexe. Olivier de Serres, le « bon ménager » du Théâtre d’agriculture (1600), distingue le pain blanc, mangé frais, du pain bis, « pain de ménage », consommé dur et destiné aux domestiques. De même il destine les confitures au miel aux « gens de moyenne estoffe […] réservant pour les plus honorables personnes, les confitures au sucre, qu’avec plus de despence et d’art l’on prépare ainsi » ; le sucre de canne est associé au plaisir galant, une des déclinaisons possibles de la civilité classique, au goût du dessert, le dernier service des tables distinguées, et des collations offertes lors des fêtes ou après une promenade… Prétendument promu gouverneur de l’île de Barataria, Sancho Panza se régale de plats par trop populaires – un plat de salpicón et deux pieds de veau d’une fraîcheur douteuse – bien davantage que si on lui eût servi des mets dignes de son supposé rang social comme « des francolins de Milan, des faisans de Rome, du veau de Sorrente, des perdrix de Moron ou des oisons de Lavajos » ; le comique de cette scène du Quichotte (1615) tient aux désaccords des hiérarchies alimentaire et sociale27, le même Sancho Panza, archétype du vilain, proclamait par ailleurs la supériorité du pain sec et de l’oignon mangés en toute indépendance sur les contraignants raffinements des manières de table aristocratiques. Et l’épisode de l’absorption du « bálsamo de Fierabrás » témoigne de la délicatesse de l’estomac de Don Quichotte et de la grossièreté de celui de son écuyer, si le remède imaginaire est miraculeux pour le maître il est en revanche catastrophique pour le pauvre Sancho : douleurs et malaises précèdent vomissements et coliques bientôt suivis de sueurs inquiétantes28.
22L’existence supposée de deux types d’estomac, celui des gens d’étude et de loisirs – bourgeoisie, clergé et noblesse – et celui des gens exerçant un métier physique, notamment les masses paysannes, permet de justifier par des critères physiologiques des codes alimentaires ségrégatifs29. À la délicatesse de l’estomac des premiers siéent des chairs subtiles comme le pain blanc et la volaille. Un mémoire de 1696 détaille les aliments qui devront être servis à la reine Marie Anne de Neubourg, épouse de Charles II, pour conserver sa santé : du pain frais de fine farine de froment, bien levé, bien cuit et modérément salé, de l’agneau, du veau, des volailles et de petits oiseaux comme des grives, des merles et des alouettes, des salades vertes, des œufs du jour à gober, des poires et des prunes fondantes, douces et mûres, et du vin blanc coupé d’eau, par contre sont exclus de la table royale les choux, les raves, les navets et autres « racines30 », l’ail, le lièvre et les lapereaux, les œufs durs et frits, les fruits acides et secs, les noisettes31… Au contraire, l’homme de peine peut consommer des viandes grossières car l’activité professionnelle générerait une plus grande chaleur vitale. Endurci par le travail, l’estomac brûlerait mieux des ingrédients difficiles à digérer. Ainsi pour le médecin Nicolas Abraham de La Framboisière (1669) le noir pain de seigle est plus propre au paysan qu’au délicat citadin et le Thrésor de santé (1607) déclare que le vin bien rouge « profite aux vignerons et laboureurs : car estant une fois digéré par la force de l’estomac et du travail, il donne plus ferme et plus copieux aliment et rend l’homme plus vigoureux à la besogne ». Cette classification des denrées répond à la troublante question de l’assimilation des aliments par le corps et Florentin Thierrat peut écrire, dans son Discours de la préférence de la noblesse (1606) que « nous [les nobles] mangeons plus de perdrix et de viandes délicates qu’eux [les roturiers] et cela nous donne une intelligence et une sensibilité plus souple qu’à ceux qui se nourrissent de bœuf et de porc » ; l’excessive consommation de viande, d’abats et de vin entraîne surtout une forte teneur d’acide urique dans le sang des élites responsable de ces deux maladies sociales que sont la goutte et la pierre (la lithiase rénale) !
23Le chocolat puis, au milieu du siècle, le café et le thé parviennent en Occident et ces nouvelles boissons chaudes jouent pour les élites un rôle comparable à celui des épices médiévales sur la table des puissants d’hier : exotisme, dépenses ostentatoires et vertus thérapeutiques supposées ; la création de pièces de vaisselle spécialisées (cafetière, chocolatière, sucrier, petite cuiller, tasse, soucoupe…) renforce encore un peu plus la distinction sociale de ces boissons exotiques. Essentiellement consommés par la noblesse, le clergé et les milieux négociants, le chocolat s’impose en Espagne et le café progresse en France et en Angleterre. Outre-Manche, le thé ne triomphera qu’au siècle suivant ; surtout, stimulantes, non enivrantes et consommées sucrées, ces boissons imposent rapidement leur vertu sociable à la cour et à la ville.
24En France, la table comme distinction sociale s’enrichit au xviie siècle d’une redéfinition de la gourmandise qui a rendu possible un détournement hédoniste de l’alimentation. Le palais du gentilhomme doit savoir apprécier la délicatesse d’une chair, estimer la saveur d’une asperge croquante, savourer l’eau d’une poire. Le nouveau goût affiché pour des nourritures végétales plus délicates et peu nourrissantes comme la laitue, les petits pois primeurs et le melon permet de se distinguer du vulgaire recherchant des aliments roboratifs calant l’estomac. La préférence affectée pour les légumes frais primeurs, les viandes fraîches et les fruits précoces ou tardifs à courte maturité de consommation au détriment des légumes secs ou conservés en saumure, des salaisons et des fruits de garde souligne également un régime alimentaire ostensiblement libéré des vulgaires contraintes techniques de l’approvisionnement populaire. Stephen Mennell développe l’idée que l’amélioration de l’approvisionnement alimentaire, plus sûr et plus régulier à partir du xviie siècle, aurait rendu possible un processus de domestication de l’appétit des élites (« la civilisation de l’appétit ») qui tend à proscrire le goinfre et à faire l’éloge du friand.
25À l’inverse sont grossiers les mets et les aliments consommés par la paysannerie et le peuple des villes : les bouillies (hasty-pudding, crowdie), les galettes et le pain noir, les céréales non nobles (seigle, orge, avoine, maïs en Espagne du Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest de la France) et leurs substituts – le blé noir, les châtaignes, les pommes de terre en Espagne et en Angleterre –, les légumineuses – les haricots, les pois, les fèves – et des légumes comme les raves et les choux. Naturellement, dans une économie cloisonnée, la proximité de la côte ou d’une rivière, une polyculture vivrière ou la royauté des blés, la présence du vignoble ou d’herbages jouent sur la diversité du régime alimentaire paysan et sur sa capacité de résistance ou d’adaptation à une mauvaise conjoncture. À proximité des rivières et du littoral, poissons, coquillages et mollusques finissent dans la soupe, formant une variante locale de la soupe paysanne à l’image des bourrides, mouclades, pochouses et autres bouillabaisses… mais il s’agit d’une soupe de pauvres et le ramassage des coquillages, comme la cueillette des baies dans la forêt, est la marque de la pauvreté. Déséquilibrée, l’alimentation paysanne ordinaire est marquée par le poids des céréales et des légumes secs et l’importance du bouilli32.
26Du pain noir au pain blanc, de la grossière matérialité à la subtile délicatesse, s’inscrivent des codes alimentaires ségrégatifs. Plus le niveau d’aisance est élevé et plus la part du froment est importante, plus le pain blanchit, plus la pâte est légère, bien levée et bien cuite alors que bouillies et galettes disparaissent. La couleur, la qualité et la quantité de vin ainsi que sa consommation régulière ou exceptionnelle reprennent cette hiérarchie sociale. En France, le vin est une consommation de citadins alors que les campagnes, même vigneronnes, se contentent de piquette voire d’une eau à peine teintée. En Angleterre, les new french clarets restent l’apanage des tables aristocratiques et de taverns londoniennes alors que la boisson du peuple demeure l’ale de fabrication domestique.
27Les habitudes alimentaires signent également une identité religieuse aux yeux de tous. Issues de la période médiévale et réaffirmées par le concile de Trente, les prescriptions alimentaires de l’Église catholique ont engendré des habitudes et un calendrier alimentaires identitaires pour les chrétiens face aux autres confessions et, au sein même du christianisme, pour les catholiques face aux protestants, pour les vieux chrétiens et anciens catholiques face aux nouveaux convertis par la contrainte. Les prescriptions et les interdits de l’Église catholique imposent des temps de privation totale de nourriture, le jeûne, ou d’aliments carnés, l’abstinence ou jour maigre. Par une inversion volontaire des valeurs civiles attachées aux aliments depuis le haut Moyen Âge, la privation de viande, aliment par excellence de la table des puissants, marque l’humilité des fidèles devant le sacrifice de la Croix. En réalité, le maigre est devenu gastronomique à la table des élites catholiques.
28Si la olla podrida apparaît au xviie siècle comme un plat typiquement castillan consommé par les vieux chrétiens, la présence de viande de porc et de lièvre, viandes impures pour les juifs et les musulmans, n’est sûrement pas étrangère à ce statut. Pour l’Inquisition, la nourriture et les manières de table étaient perçues comme partie intégrante de l’identité morisque : manger sur des tables basses et avec ses mains, refuser le lard et le gibier, substituer l’huile d’olive à toutes graisses animales, consommer des pains à base d’orge, de millet italien ou d’épeautre, pratiquer l’abattage rituel des animaux, refuser de jeûner le vendredi et pendant le carême33. En France, la huguenote, un petit réchaud muni d’un couvercle, permet aux protestants puis aux nouveaux convertis de cuisiner et consommer de la viande les jours maigres et le commerce illicite de viande pendant le carême témoigne d’un comportement plus libre à la religion et/ou d’une présence protestante34. En effet la conception traditionnelle du jeûne et de l’abstinence a été remise en cause au xvie siècle par la critique humaniste chrétienne et par la Réforme mettant en avant les aspects hypocrites, superficiels et mécaniques du jeûne et de l’abstinence calendaires d’obligation. Éloge d’une table sobre et sans excès, le vrai sens du jeûne protestant est une pratique constante de la sobriété qui n’exclut pas forcément la viande mais toute débauche, toute volupté et toute convoitise de la chair.
Gaspillage aristocratique et culture de la faim
29La grande noblesse se définit par sa prodigalité, pour exister face à l’imitation sociale et au renforcement de l’État moderne elle doit s’astreindre à une contraignante éthique du rang imposant d’importantes dépenses : table abondamment servie, forte domesticité, chevaux et attelages, garde-robe rapidement renouvelée, collection de curiosités, bâtiments… Ce système de dépenses était à la fois, pour reprendre l’analyse de Norbert Elias, un produit de la société de cour et une condition de survie de cette société. L’état louis-quatorzien conforte cette éthique du rang par des lois somptuaires réservant les dépenses ostentatoires au monarque et à sa cour35. En Espagne, la (non)-application des lois somptuaires permet d’affirmer la faveur du valido : si en 1622 le comte de Lemos fut condamné pour avoir accompagné la dépouille de son père au couvent de Las Descalzas de 200 flambeaux portés par des nobles et des religieux, trois ans plus tard la famille royale assistait au cortège de 700 flambeaux portés par des Grands, des titulos et des caballeros avec leurs valets accompagnant la dépouille de la marquise del Toral, belle-mère du comte-duc Olivares36.
30Le fastueux banquet du couronnement de Jacques II à Westminter Hall le 23 avril 1685, jour de la Saint-Georges, nous est connu grâce à une description de plusieurs pages dans le Mercure galant de mai 1685 et par un album in folio de gravures de Francis Sandford publié en 1687. Les tables sont littéralement surchargées de plats, cent quarante-quatre sur la seule table du roi ; notez que les gravures des fêtes de cour du xviie siècle présentent des tables nettement plus surchargées que celles des enluminures médiévales. La quantité et l’amoncellement plus que le raffinement marquent ce banquet et les mets sont davantage présents pour être contemplés que pour être consommés, d’ailleurs des tribunes permettent d’admirer le roi, ses tables abondamment garnies et ses hôtes37. L’amoncellement de nourriture doit signifier que le souverain ne connaît pas la contrainte économique, l’abondance et la diversité règnent car il est à l’origine de toutes les richesses et la prodigalité est une vertu princière.
31La raison sociale du gaspillage aristocratique ne s’apprécie réellement que confrontée à l’économie de pénurie et à la culture de la faim vécues par l’immense majorité de la population. Si la faim physiologique est fort heureusement ponctuelle, la culture de la faim, elle, est pérenne. La majorité de la population occidentale ayant vécu au moins une crise de subsistances au cours de son existence, elle connaît le prix humain et psychologique d’une cherté. La culture de la faim est une hantise de la disette liée à l’absence d’un approvisionnement alimentaire garanti pour le plus grand nombre ; l’obsession de la nourriture et les ogres dévoreurs d’enfants des contes de fées mis par écrit au xviie siècle sont le versant littéraire populaire de cette culture de la faim. Le fréquent passage des troupes dans ce siècle de fer et les non moins fréquents accidents climatiques – sécheresse estivale, été pluvieux et froid, violent orage – peuvent tragiquement compromettre une récolte. L’alimentation occidentale reposant essentiellement sur les céréales, une mauvaise récolte est suffisante pour voir réapparaître la perspective d’une disette. Dès la soudure, si la récolte s’annonce mauvaise, le prix des céréales augmente d’autant plus que les aisés font des provisions et que les vendeurs habituels (nobles, chapitres, couvents, gros fermiers) spéculent en retardant la vente de leurs grains afin de faire monter les prix et obtenir le plus gros profit possible. La situation devient catastrophique si deux mauvaises années récoltes se suivent.
32Les ripailles et les inversions carnavalesques s’inscrivent également dans le cadre mental de la culture de la faim. Lors des fêtes liées aux cycles agraire, religieux et familial parviennent sur les tables populaires et paysannes la potée au lard, le haricot, la olla podrida, les jambons, des saucisses, des volailles… des quesadillas (gâteaux au fromage), des brioches, des crêpes, des beignets, des merveilles, des pains d’épices et autres sucreries et les boissons alcoolisées – vin, cidre, bière – coulent à flot38. Ces ripailles entraînent obligatoirement des dérèglements physiologiques. Des individus habitués à une alimentation largement végétale et à des boissons peu ou pas alcoolisées, se gavent de viande, de desserts sucrés, de préparations riches et s’enivrent. Pour comprendre ce comportement, il faut noter que la nourriture des jours de fêtes ne répond pas seulement à un besoin physiologique mais aussi, et peut-être surtout, à une fonction symbolique, elle doit marquer l’abondance et la diversité par opposition au retour des malheurs du temps et au régime quotidien ; ces débordements alimentaires sont rares : peut-être une petite quinzaine de jours face à trois cent cinquante jours de bouillie ou de pain dur trempé par le bouillon « d’herbes39 » et de « racines ». Dans un régime alimentaire fragile fortement marqué par la pénurie et la peur de la faim, par des inquiétudes et obligatoirement des frustrations, les fêtes proposent un contre modèle alimentaire : celui de l’insouciance du lendemain, de l’abondance et du gaspillage aristocratique ; celui d’une alimentation fortement carnée, notamment de la viande fraîche et de la volaille, marquée par le rôti et le pain blanc frais, et par des aliments normalement réservés au marché urbain et aux redevances seigneuriales. Ces ripailles paysannes offrent un exutoire, un moment compensatoire, un défoulement humain en réponse aux privations des temps ordinaires, à la succession des jours maigres et à l’inquiétude de la soudure. Cette surabondance de viande, de graisse et de sucre ne dit que trop que les cuisines paysannes ordinaires sont maigres et l’approvisionnement à venir incertain. Mais ignorant la raison d’être de ces débordements alimentaires, la civilisation de l’appétit et les exigences morales des réformes les stigmatisent.
Le corps policé et l’animalité
Manières de table et identités sociales
33Le processus de civilisation des mœurs progresse lentement aux seins des élites occidentales. En 1617 un manuel de Bienséances de la conversation entre les hommes, traduit de l’italien et publié à Pont-à-Mousson, précise encore l’inconvenance, lors de repas, de jeter « sous la table ou par terre les os, écorces, vin ou autre chose de semblable… sauf si on est contraint de cracher quelque chose qui fut trop dure à mâcher ou qui fit soulever le cœur ; lors on peut le jeter à terre dextrement… Si c’était quelque chose qui fut liquide, auquel cas l’on peut plus librement le cracher à terre, se tournant, si possible, un peu de côté » et les fastes versaillais ne s’offusqueront pas, à la fin du siècle, de l’usage des mains pour manger. Néanmoins le progrès des usages de la civilité et l’abaissement des seuils de tolérance sont indéniables au cours du xviie siècle sur le continent comme en Angleterre à l’image de ce vieux courtisan qui, ayant connu la cour élisabéthaine, condamne l’évolution du comportement des gentlemen : « Hélas ! Palsambleu ! Aujourd’hui [sous les derniers Stuart] tout le monde, par ma foi, doit posséder un carrosse, par ma foi ! Dans le temps, les gentlemen avaient des chevaux pour un gens d’armes en plus de leurs chevaux de monte et de chasse. Cela faisait des gentlemen robustes, courageux et en bonne santé pour le service ; si l’occasion l’exigeait, ces gens-là étaient capables de trouver leur chemin tout seul en cas de déroute. Aujourd’hui, palsambleu ! Les gentlemen sont si efféminés qu’ils ne sont même plus capables de monter à cheval40 ! » De l’autre côté de la Manche, et à la même époque, Antoine de Courtin fait un constat identique, mais dénué de la critique sociale : « Autrefois, il estoit permis de cracher à terre devant des personnes de qualité, et il suffisoit de mettre le pied dessus : à présent, c’est une indécence. Autrefois, on pouvoit bâiller, et c’estoit assez, pourvu que l’on ne parloit pas en bâillant : à présent, une personne de qualité s’en choqueroit41. » « Une personne de qualité », car la coupure opérée par ce processus culturel est devenue fondamentalement sociale au xviie siècle alors qu’un siècle auparavant elle était encore spatiale.
34Au cœur d’une mécanique de socialisation et de transmission des normes, la « table » s’avère être un excellent poste d’observation pour saisir l’évolution du processus de civilisation des mœurs et le fossé social qu’il creuse entre les élites et les masses populaires rurales et urbaines. Les manières de table occupent une place de choix dans les manuels de civilité enseignant les bonnes manières, las buenas y cristianas costumbres pour une Espagne obnubilée par l’orthodoxie : respecter le corps des convives, contrôler ses gestes, modérer son appétit, éviter les bruits incongrus, ne pas se jeter sur la nourriture, ne pas lécher son assiette, mâcher et non avaler…, bien évidemment ces règles sont occidentales avant d’être anglaises, françaises ou espagnoles42.
35Le mobilier sommaire, une vaisselle non moins sommaire et (car) polyvalente où dominent les pots et la cuiller et le modèle dominant de la pièce à vivre génèrent des comportements « à table » dans les milieux populaires urbains et ruraux de plus en plus stigmatisés par les élites. Le banc induit obligatoirement un mode collectif de s’asseoir, notamment pour le repas. Il indique une façon de vivre familiale faite de promiscuité et non d’intimité. Autrement dit le repas, dans les milieux paysans et populaires, est un moment où les corps – les jambes, les bras – se touchent d’autant plus si la table sert aussi de coffre. Au même moment les élites codifient le bienséant écartement entre les convives tant il serait malhonnête que les corps puissent se frôler. À l’extrême, en isolant leur hôte, les accoudoirs de l’aristocratique fauteuil rendent possible l’expression d’une individualité. Dans les foyers populaires la proximité est toujours forte entre le lieu de consommation du repas et le lieu de sa préparation d’autant plus que les aliments passent directement du récipient dans lequel ils ont cuit – marmite, pot, poêle – dans l’écuelle, l’intermédiaire du plat de service est inconnu dans ces milieux sociaux. Les convives peuvent pousser la promiscuité jusqu’à plonger directement leur cuiller dans le pot commun sans passer par l’individualisation de l’écuelle ; il est vrai que les écuelles utilisées peuvent également être collectives comme le pot circulant à la ronde des convives pour les abreuver.
36Au contraire, dans les milieux nobiliaires et bourgeois la séparation spatiale et culturelle entre la cuisine et la « salle à manger » et la ritualisation des repas rendent obligatoire l’usage de plats de service ce qui permet de nourrir un raffinement des arts de la table en multipliant les pièces de vaisselle spécialisées. Ainsi la prise des repas est-elle séparée du lieu de transformation des aliments mais également des ustensiles de cuisson. De même l’assiette remplace l’écuelle et la fourchette concurrence la cuiller. À la proximité populaire pot-cuiller-bouche répond l’éloignement civil pot – plat de service – assiette – fourchette – bouche. À la vulgaire matérialité du bois (autochtone) et de la terre (cuite) répond la noblesse manufacturée du métal, de la faïence et de la porcelaine. Pour les élites de la naissance et/ou de la fortune ces choix sont nécessaires pour rendre l’aliment bon, c’est-à dire conforme à leur rang social, tant les ustensiles culinaires, leurs lieux d’utilisation et ceux qui les manipulent produisent une véritable contamination symbolique négative sur la qualité des comestibles.
37Ainsi si nous chaussons les lunettes d’un continuateur d’Érasme ou d’un Jean-Baptiste de la Salle et regardons les lieux de repas et les manières de table du monde paysan et des classes populaires urbaines nous sommes bien au cœur d’une « animalité » : promiscuité, corps courbé et proximité à la nourriture.
Le cabaret et la promiscuité populaire
38Tavernes, cabarets et guinguettes sont des débits de boissons alcoolisées – (petit) vin, eau-de-vie, bière, cidre – qui proposent également des plats simples et bons marchés, préparés sur place ou apportés depuis une auberge ou une boutique d’alimentation. Bien connu grâce aux archives judiciaires, le cabaret est un lieu bruyant, souvent marqué par le désordre et les rixes, tables et bancs de l’unique salle y sont le lieu d’une promiscuité populaire. La plupart des tenanciers ne disposent que d’un cru et la barrique débouchée doit rapidement être vidée avant que le vin ne se gâte ; le vin passe directement du tonneau au broc de terre ou d’étain et, à la table collective, les convives portent des santés à tour de rôle. Le verre haut levé invite au partage bien sûr, mais surtout à une communion momentanée manifestant bruyamment une appartenance à la même culture, le choix des mêmes valeurs, un instant fugace d’égalité dans une société fortement inégalitaire et, pour l’étranger, l’acceptation des règles régissant la communauté locale. Par contre l’homme qui refuse de porter une santé ou de boire un verre fait, publiquement, un affront et risque fort de provoquer une rixe ; en Espagne il éveillerait en sus un soupçon sur sa foi.
39Outre « boire chopine et faire collation », les convives jouent aux quilles, aux palets et au tir à la cible, aux cartes et font des paris, des « gajures ». Ils passent également des contrats, des marchés, d’ailleurs le tabellion ne dédaigne pas venir y tenir son étude. À la santé du roi ! Le sergent recruteur y officie également à la recherche de jeunes proies. Le cabaret peut même servir de salle de réunion voire de siège pour de petites juridictions seigneuriales… Le cabaret est donc un espace essentiel de la sociabilité paysanne et populaire urbaine, un lieu pour être ensemble et oublié, dans l’alcool, le jeu et l’échange, la dureté de la vie quotidienne. La constante réitération des mandements épiscopaux et des ordonnances des pouvoirs publics rappelant l’interdiction de donner à boire les dimanches et fêtes prouve l’impuissance des autorités à lutter contre le rite masculin de la chopine bue au cabaret ; au mieux le cabaret est-il fermé pendant la durée de la grand’messe dominicale. Le bodegón est l’équivalent espagnol du cabaret français. Dans la peinture du Siècle d’or les scènes de bodegón – dans sa jeunesse à Séville, Velázquez en a peint neuf entre 1617 et 1622 – présentent parfois des compositions regroupant des personnages du menu peuple, de la nourriture simple, de la boisson et de la vaisselle de table. La mixité sociale semble plus forte dans les taverns londoniennes. Certaines servaient à la carte des mets de choix, anglais et français, arrosés de french clarets aux hommes de la bourgeoisie voire aux lords siégeant au Parlement, on y rencontre également des hommes de lettres. Dès les années 1660 les Pontac, brillants propagandistes, avaient ouvert une taverne à Londres, sobrement intitulée « Chez Pontac », pour établir la réputation de leur cru Haut Brion, on y rencontrait Daniel De Foë, Jonathan Swift, John Locke ou Saint-Évremond43.
Café et coffee-house, une nouvelle sociabilité urbaine
40Dans les années 1670 un nouveau lieu de sociabilité apparaît à Paris, le café. Tenus par des limonadiers, les cafés proposent aux élites urbaines un cadre raffiné et agréable – sol carrelé, tapisseries et boiseries aux murs, miroirs et lustres, guéridons et chaises confortables – où elles peuvent boire du café, du thé, du chocolat et des liqueurs accompagnés de fines pâtisseries, de fruits confits et de sorbets, et de la lecture commentée des journaux, parfois elles y jouent également au billard, aux échecs ou aux dames. Lieu du loisir policé et de la civilité, les cafés s’installent préférentiellement dans les quartiers aisés des villes, à proximité des lieux de pouvoir et de loisirs (théâtre, promenade). Outre-Manche, les premières coffee houses londoniennes sont ouvertes dès les années 1650 à l’image du Rainbow à Chancery Lane. À partir du règne de Charles II les coffee-house deviennent un lieu incontournable de la sociabilité londonienne. Négociants, hommes de lettres, politiciens… y boivent du café, plus rarement du thé, mais aussi des alcools – eau-de-vie et rhum –, consomment du pain beurré et des confiseries, lisent les journaux anglais et continentaux, échangent des informations, discutent politique. Ouvert en 1687, le Lloyd’s Coffeehouse accueille négociants, armateurs et agents d’assurance venus discuter les frets, les investissements maritimes. Les informations qui y sont échangées et les échos qui y circulent sont alors régulièrement publiés dans un bulletin, le Lloyd’s News annonçant la future compagnie d’assurance du même nom. En 1710 Londres compte plus de 3 000 coffee-houses contre seulement 300 cafés à Paris44 ; ces chiffres témoignent surtout du remarquable élargissement social de la consommation des boissons chaudes exotiques en milieu urbain à l’aube du xviiie siècle.
41La culture des apparences, les dépenses ostentatoires et le gaspillage aristocratique naissent bien évidemment d’une sphère publique fortement théâtralisée et codifiée mais ils puisent leur raison sociale dans une économie préindustrielle de pénurie marquée, pour le plus grand nombre, par le cycle récupération-recyclage et par une lancinante culture de la faim. Relevant de l’économique et du social, la culture matérielle propose un code corporel d’autant plus prégnant au xviie siècle que la vision organiciste de la société subordonne le corps des individus à des corps collectifs.
42Prétendument immuable, ce corps social est en fait fortement tiraillé par la montée en puissance de l’État moderne, les exigences morales des réformes et surtout la compétition sociale. La progression de la civilité et la promotion du goût sur la nécessité brouillent davantage le jeu social à l’aube du xviiie siècle à l’instar des prémices de nouvelles pratiques urbaines de consommation perceptibles dès la seconde moitié du xviie siècle en Angleterre (surtout) et en France, plus qu’en Espagne il est vrai45.
Bibliographie
Bibliographie
Boucher François, Histoire du costume en occident de l’Antiquité à nos jours, Paris, Flammarion, 1965.
Defourneaux Marcellin, La Vie quotidienne en Espagne au Siècle d’or, Paris,
Hachette, 1964, rééd. 1992.
Deslandres Yvonne, Le Costume image de l’homme, Paris, Albin Michel, 1976.
Flandrin Jean-Louis et Montanari Massimo (dir.), Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996.
Mennel Stephen, Français et Anglais à table du Moyen Age à nos jours, Paris, Flammarion, 1987.
Redondo Augustin (dir.), Le Corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1990.
Roche Daniel, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.
Vigarello Georges (dir.), Histoire du corps. 1. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 2005.
Weatherill Lorna, Consumer Behavior and Material Culture in Britain, 1660-1760, Londres, Routledge, 1988.
Notes de bas de page
1 Lévi-Strauss Claude, Mythologiques, t. III, L’origine des manières de table, Paris, 1968 ; Elias Norbert, La Civilisation des mœurs, (1939), Paris, 1973, La Société de cour, Paris, 1974 ; Deslandres Yvonne, Le Costume image de l’homme, Paris, 1976 ; Bourdieu Pierre, La Distinction, critique social du jugement, Paris, 1979. Pour une mise au point historiographique sur l’histoire de l’alimentation voir Csergo Julia, « Introduction à l’histoire de l’alimentation », Histoire de l’alimentation. Quels enjeux pour la formation ?, Dijon, 2004, p. 11-28, et sur l’histoire des vêtements voir Roche Daniel, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècle, Paris, 1989, p. 11-66.
2 Barbazza Marie-Catherine, « Le corps vêtu : le vêtement de la paysanne en Nouvelle Castille au tournant du xvie siècle », Le Corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 73-82.
3 Pellegrin Nicole, « L’être et le paraître au xviie siècle : les apparences vestimentaires dans l’Histoire comique de Francion de Charles Sorel », La France d’Ancien Régime. Études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, 1984, p. 519-529.
4 La loi de 1619 se contente de « no puedan usar del traje, nombre y lengua de gitanos y gitanas ».
5 Araceli Guillaume-Alonso, « Images de la femme gitane au Siècle d’or », Images de la femme en Espagne au xvie et xviie siècles. Des traditions aux renouvellements et à l’émergence d’images nouvelles, Paris, p. 319-333.
6 La pratique de la topada, c’est-à-dire l’usage d’un voile pour cacher son visage, fera l’objet d’une vive controverse religieuse en Espagne.
7 Cité par Defourneaux Marcelin, La Vie quotidienne en Espagne au Siècle d’or, 1964, rééd. 1992, p. 44.
8 Grilli Giuseppe, « El niño y el tema del aseo del cuerpo a principios del siglo xvii », La formation de l’enfant en Espagne aux xvie et xviie siècle, Paris, 1996, p. 379-403.
9 Civil Pierre, « Corps, vêtement et société : le costume aristocratique espagnol dans la deuxième moitié du xvie siècle », Le corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 309-319.
10 Sabatier Gérard, « Le roi caché et le roi soleil : de la monarchie en Espagne et en France au milieu du xviie siècle », L’âge d’or de l’influence espagnole. La France et l’Espagne à l’époque d’Anne d’Autriche 1615-1666, Mont-de-Marsan, 1991, p. 113-124.
11 Journal de Samuel Pepys 15 octobre 1666 et 22 novembre 1666 ; voir photographie de l’habit de noces de Sir Thomas Isham (1681) dans James Laver, Histoire de la mode et du costume, Paris, Thames & Hudson, 1990 p. 111 et description de cette mode p. 113-114.
12 « En Angleterre, du moins après les guerres civiles, l’élite fut beaucoup moins soumise à des forces sociales qui l’incitaient à une consommation de prestige et l’étalage de goûts de plus en plus raffinés que ne le furent les courtisans français jusqu’à la fin de l’Ancien Régime » Mennel Stephen, Français et Anglais à table du Moyen Âge à nos jours, Paris, 1987, p. 159 voir également p. 138, 146, 150, 174, 177.
13 Rabat (ou collet vidé) : large col rabattu sur le pourpoint, il a remplacé la fraise.
14 Rebras : manchettes recouvrant le bas des manches du pourpoint.
15 Glanville Philippa, « Protocole et usages des tables à la cour d’Angleterre », Versailles et les tables royales en Europe, Paris, 1993, p. 156.
16 Proverbe cité par Sebastián de Covarrubias, Tesoro de la lengua española dont la première édition date de 1611.
17 Puget de la Serre, L’entretien des bons esprits sur les vanités du monde, Lyon, 1631, p. 157.
18 Cité par Pellegrin Nicole, « Corps du commun, usages communs du corps », Histoire du corps, t. 1. De la Renaissance aux Lumières, 2005, p. 159
19 Matthews Grieco Sara F., « Corps, apparence et sexualité », Histoire des femmes en Occident. III. xvie-xviiie siècle, Paris, 1991, rééd. 2002, p. 82 ; García Cárcel Ricardo, « Cuerpo y enfermedad en el antiguo régimen. Algunas reflexiones », Le corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 132-133.
20 Furetière, Le Roman bourgeois, Paris, Gallimard-La Pléiade, 1958, p. 908.
21 Vigarello Georges, Histoire des pratiques de santé. Le sain et le malsain depuis le Moyen Âge, Paris, 1993, rééd. 1999, p. 126 ; Matthews Grieco Sara F., art. cit., p. 70 et 79.
22 Vigarello Georges, « S’exercer, jouer », Histoire du corps, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, 2005, p. 235-258.
23 Apostolidès Jean-Marie, Le Roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, 1981, p. 50-55 ; Pierre Civil, art. cit., p. 307-308.
24 Guardiafantes (garde-infant) : un support de jupe très développé en largeur et posé sur les hanches.
25 López-Rey José, Veláquez, catalogue raisonné, volume II, Cologne, 1996 : cat. 119, Portrait de l’infante Marie-Thérèse, 1652-1653 (Vienne, Kunsthistorisches Museum) ; cat. 121, Portrait de la reine Marie-Anne, 1652-1653 (Madrid, Museo del Prado) ; cat. 123, L’Infante Marguerite, c. 1656. (Vienne, Kunsthistorisches Museum) ; cat. 124, Velázquez et la Famille royale (Les Ménines), 16561657 (Madrid, Museo del Prado) ; cat. 128, Portrait de l’infante Marguerite, 1659 (Vienne, Kunsthistorisches Museum).
26 « Leur garde-infant était une machine à demi-ronde et monstrueuse, car il semblait que c’était plusieurs cercles de tonneau cousus dedans leur jupe, hormis que les cercles sont ronds et que leur garde-infant était aplati un peu par-devant et par derrière et s’élargissait sur les côtés. Quand elles marchaient, cette machine se haussait et se baissait », cité par François Boucher, Histoire du costume en Occident de l’Antiquité à nos jours, Paris, 1965, p. 278.
27 Joly Monique, « L’idéologie de la poule au pot : les avatars de la « olla podrida » », Le corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 109-110.
28 Copello Fernando et Rada Inès, « Corps grossier/corps policé à travers le filtre du Don Quichotte », Le corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 327-328.
29 Ferrières Madeleine, Histoire des peurs alimentaires. Du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle, Paris, 2002, p. 83.
30 Racines : terme générique regroupant les carottes, les navets, les panais, les betteraves, les raves et les racines de persil et de céleri.
31 Simón Palmer María del Carmen, « El cuidado del cuerpo de las personas reales : de los médicos a los cocineros en el real alcázar », Le corps dans la société espagnole des xvie et xviie siècles, Paris, 1990, p. 117-118.
32 Goubert Pierre, La Vie quotidienne du paysan français, Paris, 1982, rééd. 1991, p. 116-134 ; Mennell Stephen, op. cit., 1987, p. 97 ; Saavedra Pegerto, La Vida cotidiana en la Galicia del Antiguo Régimen, Barcelona, 1994, p. 129-152.
33 Castro Martinez Teresa de, « L’émergence d’une identité alimentaire. Musulmans et chrétiens dans le royaume de Grenade », Histoire et identités alimentaires en Europe, 2002, p. 207-209 et 213.
34 Montenach Anne, « Esquisse d’une économie de l’illicite. Le marché parallèle de la viande à Lyon pendant le Carême (1658-1714) », Crime, Histoire et Société/Crime, History and Societies, 2001, vol. 5, n° 1, p. 7-25.
35 Fogel Michèle, « Modèle d’état et modèle social de dépense : les lois somptuaires en France de 1486 à 1660 », Genèse de l’État moderne. Prélèvement et redistribution, Paris, 1987, p. 227-235.
36 Del Río Barredo María José, « El ritual en la corte de las Austrias », La fiesta cortesana en la epoca de los Austrias, Valladolid, 2003, p. 26.
37 Glanville Philippa, art. cit., p. 158 et détail d’une gravure de Sandford (1687) p. 157.
38 Joly Monique, art. cit., p. 109 ; Caro Baroja Julio, Le Carnaval, 1965, traduction française 1979, p. 100-107.
39 Herbes : terme générique regroupant les plantes aromatiques autochtones et les légumes dont on consomme les feuilles.
40 Portrait de Thomas Tyndale dans Brief lives de John Aubrey cité par Stephen Mennel, op. cit., p. 173.
41 Cité par Revel Jacques, « Les usages de la civilité », Histoire de la vie privée. 3- De la Renaissance aux Lumières, Paris, 1985, rééd. 1999, p. 189.
42 Bonnet Jean-Claude, « La table dans les civilités », La Qualité de la vie au xviie siècle, Marseille, 1977, p. 99-104 ; Molinié-Bertrand Annie, « La formation d’enfants “ingénieux et sages” », La formation de l’enfant en Espagne aux xvie et xviie siècle, Paris, 1996, p. 362-363 ; « Sobre la mesa los codos/no los pongas ni las manos/que es postura de villanos, y parece mal a todos », Francisco Ledesma, Documentos de criança (1599) cité par Peyrebonne Nathalie, « La table, lieu de formation de l’enfant au xvie siècle », La formation de l’enfant en Espagne aux xvie et xviie siècle, Paris, 1996, p. 373.
43 Lachiver Marcel, Vins, vignes et vignerons. Histoire du vignoble français, Paris, 1988, p. 297.
44 Huetz de Lemps Alain, « Boissons coloniales et essor du sucre », Histoire de l’alimentation, Paris, 1996, p. 636 ; Vigarello Georges, op. cit., 1993, rééd. 1999, p. 137 ; Butel Paul, Histoire du thé, Paris, 2001, p. 53-54.
45 Mckendric Neil, Brewer John, Plumb John Harold, The Birth of a Consumer Society : the Commercializartion of Eighteenth Century England, Londres, 1982 ; Weatherill Lorna, Consumer Behavior and Material Culture in Britain, 1660-1760, Londres, 1988 ; Roche Daniel, Histoire des choses banales. Naissances de la consommation xviie-xixe siècle, Paris, 1997.
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