Avant-propos
p. 9-11
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1La définition puis la publication d’un nouveau programme de concours (CAPES et Agrégation d’histoire) est toujours, pour les enseignants des universités, l’occasion de faire le point sur une question et, à ce titre, ces programmes jouent un rôle certain dans l’élaboration de synthèses susceptibles de faire repartir de nouvelles recherches.
2La question d’histoire moderne définie en 2006 – les sociétés en France, Angleterre et Espagne au xviie siècle – est fort classique, mais elle arrive à un moment où l’histoire sociale est en plein renouvellement. L’histoire sociale, ou plutôt l’histoire des sociétés, est peut-être un des domaines de la recherche qui a témoigné de la plus grande vitalité au cours des cinquante dernières années. Si les années soixante ont permis le développement de travaux qui nous ont donné une bonne connaissance des stratigraphies sociales, de la démographie, des relations entre les groupes, les travaux plus récents ont exploré les questions de la mobilité sociale et des rapports entre les individus. Des recherches sur les individus plus que sur les groupes ont permis de mettre en lumière la question des réseaux dans la formation du tissu social. L’histoire sociale s’est aussi étroitement rapprochée de l’histoire culturelle, qu’il s’agisse d’étudier les systèmes de valeurs auxquels se réfèrent les groupes et les individus, les modes de représentation ou, plus classiquement, les formes d’éducation. Une des ambitions de cet ouvrage est de faire la synthèse de ces différentes traditions sans privilégier telle ou telle approche, fut-elle la plus récente, au détriment des autres.
3La France, l’Angleterre et l’Espagne : trois contextes différents, trois évolutions divergentes au cours du xviie siècle. Démographiquement, à une époque où l’on a coutume de penser que « les peuples » sont la force d’un état, les trois pays sont loin d’avoir le même poids : autour de 4 millions d’habitants en Angleterre, moins de 8 millions en Espagne, mais 19 millions en France au début du siècle. Politiquement, les trois pays sont des monarchies. Mais ils présentent des évolutions qui ne sont pas sans signification du point de vue social. Alors que l’État royal et la centralisation administrative se renforcent en France, tout particulièrement à la fin du siècle, l’Angleterre connaît deux révolutions qui l’acheminent vers une monarchie plus tempérée. L’Espagne est évidemment le moins unifié de ces trois pays. La Castille en constitue le cœur avec 80 % de la population, mais au cours du siècle, les périphéries se développent et se font de plus en plus remuantes. Ces évolutions politiques ont effectivement des traductions sociales, en premier lieu au niveau des rapports entre l’État et les élites.
4Dans les trois pays, le xviie siècle est marqué par des guerres. On en connaît l’impact fiscal et les conséquences sociales. C’est aussi l’époque des grandes crises démographiques. Si l’Angleterre semble partiellement épargnée, « le petit âge glaciaire » cher à l’historiographie rurale française ne s’arrête pourtant pas aux frontières du Royaume ; l’Espagne est également fortement touchée par des pestes.
5Mais ce siècle de difficultés est aussi une période d’intense évolution économique, qu’il s’agisse du commerce ou des activités productives. Les ports deviennent les têtes de pont d’un commerce international, les villes voient le monde de la marchandise et du commerce se multiplier et se diversifier. L’agriculture n’est pas à l’abri de ce mouvement, au moins en Angleterre et dans certaines parties de la France et de l’Espagne. On ne statuera pas ici sur la date de la révolution agricole anglaise, mais on verra cependant que le mouvement des enclosures est déjà largement amorcé au xviie siècle et qu’il a d’importantes conséquences sociales.
6Dans ces trois pays, les sociétés présentent des caractères communs : d’une part le poids du monde rural soumis à la fois aux « crises » du xviie siècle mais aussi à la pénétration de l’économie de marché, d’autre part l’existence de villes dominées par le clergé et la noblesse, envahies par les « pauvres » qui viennent y chercher l’assistance, et dans lesquelles des marchands, profitant de l’essor du grand commerce maritime, donnent à leurs affaires des horizons qui dépassent les limites du continent. Dans les trois pays, le cadre juridique de la société est celui des ordres, opposant les privilégiés à la masse du troisième ordre. Il faut aussi évoquer les recompositions qui s’effectuent à l’intérieur des ordres privilégiés (noblesse de robe et noblesse d’épée, noblesse commerçante aussi), de l’émergence de groupes de lettrés qui prennent une place de plus en plus grande dans les cercles du pouvoir. Mais au-delà de ces caractères généraux, les sociétés des trois pays présentent des spécificités qu’une étude comparative mettra en lumière.
7Le présent ouvrage s’ouvre par les problématiques les plus classiques de l’histoire sociale, celles qui ont assuré une connaissance approfondie des structurations sociales dans les trois pays. Les sociétés y ont été divisées en leurs différentes composantes : d’abord les ordres privilégiés, noblesse et clergé, ensuite tous les autres, les plus nombreux. Dans ce troisième ordre des villes et champs, une attention particulière a été accordée à tous les exclus, ceux que le xviie siècle appelle les « pauvres », groupe composite et fluctuant, objet de politiques d’assistance et de répression, mais aussi à ceux qui constituent des minorités plus ou moins persécutées tels les morisques et même les esclaves en Espagne. Dans les trois pays, les études démographiques ont apporté énormément à la connaissance des sociétés à la fois en ce qui concerne leur nombre et leurs comportements face à la naissance, au mariage, à la mort. Une seconde partie s’ouvrira sur ces questions et sera consacrée à ce qu’il est coutume d’appeler les « cadres » de la société : cadre familial, religieux, seigneurial. Cette étude envisagera ensuite les sociétés dans leur rapport à l’art, à la culture et à l’éducation. Une place particulière sera faite dans cette troisième partie à la culture matérielle et à sa place dans la formation des identités sociales car, en ce domaine, les liens et surtout les échanges entre les trois pays sont considérables. Enfin une quatrième partie abordera la question des rapports entre l’État et la société : participation ou opposition des élites, violences rurales et urbaines, impact des guerres et des conflits sur les sociétés.
8Ce livre répond à une commande – fournir un ouvrage de référence aux étudiants et aux collègues engagés dans la préparation des concours d’enseignement – et à un impératif : être réalisé dans un délai court. Une grande partie des imperfections qu’il comprend sont évidemment imputables à cette contrainte. Vingt universitaires des trois pays concernés y ont collaboré ; qu’il soit permis ici aux deux coordinateurs de cet ouvrage de les remercier très chaleureusement. Ils ont rendus, dans des délais impossibles, les textes qui leur avaient été commandés. En effet, plutôt qu’un recueil d’articles plus ou moins disparates, les directeurs de l’ouvrage ont souhaité construire un plan global pour l’étude de cette question et demander à chacun des contributeurs d’y apporter ce dont il était spécialiste. En conséquence, la grande majorité des chapitres a été écrite à plusieurs mains et souvent en plusieurs langues. Que soient également remerciés ici les trois collègues qui ont joué les traducteurs et qui, en un temps record, ont transformé de l’espagnol en français.
9Ce livre fait le point sur l’histoire sociale des trois pays au programme. Nous espérons qu’il remplira pleinement son rôle dans la préparation des concours, mais nous osons également espérer constituer un ouvrage de référence effectuant le point sur les recherches menées actuellement en histoire sociale dans ces trois pays.
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