8. Fabriquer le consensus pour produire la démocratie ?
Le programme de gouvernement de la transition chilienne1
p. 145-158
Texte intégral
Introduction
1Le régime démocratique chilien, après seize ans d’une dictature dirigée par le général Pinochet (1973-1989), a été longtemps considéré comme un modèle d’ordre politique et économique2. En effet, le changement de régime en 1990 n’a pas été une « révolution démocratique » mais une passation ordonnée du pouvoir dans le cadre des institutions héritées de l’ancien régime3. Ni la mobilisation populaire des années quatre-vingt et ses pratiques de désobéissance civile, ni les stratégies révolutionnaires d’insurrection contre la dictature n’ont pu dessiner de voie chilienne vers la démocratie. Ce sont la négociation et les accords passés entre les élites4 d’opposition (de centre-gauche), et le régime (incluant la droite politique) qui ont concrétisé ce passage d’un régime autoritaire à un État de droit.
2La coalition de centre-gauche, la Concertation des partis pour la démocratie, a emporté les élections en 1990 et a gouverné le pays pendant vingt ans (1990-2010), faisant d’un « consensus », au départ considéré comme nécessaire, une vertu démocratique5. Nous ne proposons pas ici une généalogie de la catégorie de « consensus », ni une explication rétrospective de sa pérennisation comme antidote à tout conflit, mais une étude du programme politique du premier gouvernement élu après la dictature (1990-1994) comme une des composantes de l’accomplissement pratique d’un consensus entre les élites d’opposition.
3Nous faisons l’hypothèse que le consensus est une catégorie d’action qui participe de la gestion d’une tension, entre gouvernabilité et légitimité démocratique, à laquelle doivent faire face les élites politiques. Cette tension est particulièrement délicate en période de sortie des régimes autoritaires. D’un côté, les élites doivent compter avec le soutien et la croyance des opposants à la dictature (pour gagner les élections et parce qu’il y a eu une lutte antidictatoriale conjointe) et, dans cette mesure, produire des politiques répondant à la parole engagée comme obligation morale. D’un autre côté, les élites, en acceptant de négocier avec la droite et le régime afin de maintenir la stabilité et la gouvernabilité, cèdent sur des matières qui fondent la légitimité du régime démocratique naissant.
4Étudier ce programme comme un accomplissement pratique du consensus des élites et celui-ci comme une catégorie d’action politique n’implique pas pour autant de les considérer comme une « invention » susceptible d’être manipulée et maniée au gré des volontés. Cela veut dire que, bien que le programme et la transition politique soient bel et bien conçus, projetés, voire stratégiquement produits, ils ne peuvent être fabriqués que sur la base d’une série de catégories ancrées dans le sens commun des élites et des électeurs. En conséquence, notre usage du mot « fabrication » mettra l’accent sur les activités – presque artisanales – de formation d’un programme politique, et pas sur le programme comme création sui generis. Ainsi, nous entendons les catégories comme des activités sociales qui participent du façonnement de la réalité sociale et d’un ordre normatif6.
5Dans cette contribution nous nous centrons sur le programme de gouvernement considérant, d’une part, le processus d’émergence de la catégorie de « consensus » comme pratique politique des élites chiliennes d’opposition dans la conception et rédaction du programme, d’autre part, le texte du programme lui-même comme le résultat des consensus et en même temps comme un acte fondateur d’une pratique consensuelle de gouvernement. Nous nous focalisons sur deux politiques : la politique des droits de l’homme et la politique de décentralisation7. La première montre bien la tension entre gouvernabilité et légitimité gérée par un consensus compris comme le « chemin du milieu8 », qui consiste à établir la vérité sur les crimes de l’ancien régime sans en punir les responsables. La seconde politique illustre un autre volet des politiques de consensus, à savoir, la question de l’élitisation de l’organisation de l’État et de la participation politique.
6Notre analyse est basée sur deux types de sources : d’une part, des entretiens semi-directifs (45 au total) auprès des acteurs de cette période (hommes politiques, experts et acteurs associatifs) ; d’autre part, des archives de La Concertation des partis pour la démocratie relatives notamment au programme de 1989, les archives des thinks tanks impliqués dans le processus de fabrication du programme et, enfin, les archives du Vicariat de la Solidarité et de l’Association des Familles de détenus disparus (AFDD).
L’émergence du consensus comme pratique politique transitionnelle des élites d’opposition
7Les liens entre l’élite d’opposition et le régime politique en construction se manifestent au travers des configurations de cette élite dans un cadre imposé. En effet, trois échéances politiques, fixées par le régime autoritaire et acceptées par l’élite d’opposition, ont participé à la formation d’une coalition porteuse du programme de gouvernement qui deviendra celui de la transition chilienne : les plébiscites de 1980 et de 1988 et les élections de 1989.
8La première échéance est le plébiscite9 de 1980 autour de l’approbation ou non d’un nouveau texte constitutionnel. La nouvelle charte constitutionnelle stipulait que la Junte militaire désignerait un candidat unique (le général Pinochet) qui serait élu pour gouverner le pays pendant huit ans, et qu’ensuite un nouveau plébiscite, prévu en 1988, aurait lieu afin de reconduire (ou non) le gouvernement ; en cas de refus, il y aurait des élections l’année suivante. Avant cette deuxième échéance de 1988, et à partir du milieu des années 1980, l’opposition partisane au régime établit les grands traits qui caractérisent le processus de transition démocratique au Chili et que nous abordons à travers la catégorie de « consensus ». Jusqu’à ce moment, l’opposition de gauche10 au régime, structurée autour du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste (PC), est alignée autour de l’objectif de l’insurrection populaire. Pour le PS Chilien, il est question d’un soulèvement populaire que le parti dirigerait en alliance avec le PC. À partir des années 1980, le courant qui devient majoritaire au PS, les « rénovés », modifie sa doctrine politique. Il ne se définit plus en termes révolutionnaires et adopte des principes réformateurs de la social-démocratie européenne. Il s’ajuste également aux conditions possibles de négociation avec le régime. Après une rupture de l’alliance historique datant des années trente avec le PC, le PS en noue une autre avec le Parti démocrate-chrétien (PDC), parti du centre.
9L’échéance du plébiscite prévu en 1988 a contribué à la formation d’une coalition d’opposition à travers la signature de « l’Accord national pour la transition vers une pleine démocratie » d’août 198511. L’Église catholique joue un rôle important dans la signature de cet accord, en tant que médiatrice. L’archevêque de Santiago a œuvré afin de réunir à plusieurs reprises des représentants modérés du régime et des membres de l’opposition de centre-gauche, notamment de la Démocratie-chrétienne et du PS, jusqu’à l’obtention de l’Accord. Ce dernier consolide la marginalisation d’une aile de l’opposition réunie principalement autour du PC dans le Mouvement démocratique populaire, qui continue à se soustraire au processus de négociation, arguant de l’illégitimité du régime en place, ce qui justifiait, pour les membres du Mouvement, une sortie par la voie insurrectionnelle et donc, si nécessaire, par la violence.
10Le travail d’acceptation d’une transition vers la démocratie dans le sillage de la Constitution de 1980, et donc des institutions laissées par le régime, ainsi que celui de préparation du plébiscite de 1988, dont le triomphe était la condition pour la tenue des élections démocratiques, s’effectuent sous la forme de réunions et de débats au sein des think tanks.
11Ces centres d’étude et d’influence constituent le milieu principal de formation, d’apprentissage et de promotion du consensus comme catégorie d’action politique. En effet, la transition n’est pas seulement un objet d’étude12, elle est surtout une pratique politique des agents chiliens opérant au sein des thinks tanks. Ces agents sont, pour la plupart d’entre eux, des dirigeants politiques ayant eu une responsabilité et/ou un poste de représentativité politique pendant le dernier gouvernement démocratique avant la dictature, donc partageant un passé commun. Ils ont fait des études supérieures et ont occupé des postes d’enseignants-chercheurs, parallèlement à leur activité politique.
12Les thinks tanks constituent des espaces de rencontre qui contribuent à faire de ces agents des acteurs de la transition politique, là où les réunions publiques de plus des trois personnes sont interdites. Ainsi, les thinks tanks deviennent des lieux de production de ce qui sera le programme de l’opposition. Ils fonctionnent en semi-clandestinité dans des logements loués, des maisons de particuliers sans aucune enseigne extérieure pouvant les identifier comme des locaux à but politique. Ils fonctionnent grâce aux fonds récoltés dans les pays européens – que ce soit des gouvernements sociaux-démocrates et/ou des partis sociaux-démocrates et de gauche – dont la gestion à l’étranger était en général assurée par des exilés politiques chiliens en lien avec des partis politiques membres de l’opposition chilienne. Ils permettent également aux acteurs politiques chiliens d’exercer une activité intellectuelle que la plupart d’entre eux ne pouvait plus exercer au sein des universités ni au sein des structures étatiques.
13Ces think tanks ont été des vecteurs du consensus et de l’élitisation de la pratique politique sous au moins deux aspects : d’abord, ils ont été le milieu privilégié d’un apprentissage politique et de l’appropriation d’une expérience collective qui a pris la forme d’une socialisation secondaire13 pour les acteurs. Ensuite, ils ont participé pleinement, et parfois exclusivement, à la fabrication et à la diffusion du programme. Jusqu’aux élections présidentielles de décembre 1989, l’opposition n’a pas un accès ouvert aux médias. À l’époque les partis politiques sont illégaux, ce qui fait que le travail en commissions, ainsi que la diffusion du programme, s’opèrent par des réseaux militants au sein des thinks tanks.
14Le premier d’entre eux est le Groupe d’études constitutionnelles, plus connu sous le nom de Groupe de 24, fondé en 1978 par des juristes, 24 au début, dont Patricio Aylwin, homme politique et universitaire, qui deviendra le premier président élu du gouvernement de transition (1990-1994). Ceux qui forment le noyau du groupe sont tous démocrates-chrétiens, et la plupart auront un rôle primordial dans la fabrication du programme politique de la transition ainsi que pendant le premier gouvernement de transition démocratique. L’objectif de la commission permanente de ce groupe consiste à travailler sur la proposition d’un nouveau régime politique pour le pays. Pour cela, ils mettent en place douze commissions de travail dont une sur les droits de l’homme et une autre sur des thèmes relatifs à la décentralisation de l’État.
15La plupart des membres du Groupe des 24 participent également au Centre d’études du développement (CED), créé en 1980 par un des leaders de la démocratie chrétienne. L’objectif du centre au moment de sa fondation est de se constituer en passerelle entre l’humanisme chrétien et l’humanisme laïque ou le centre et la gauche. Cet organisme est ainsi un lieu important pour la discussion d’un projet d’union de l’opposition au régime autoritaire, autour de la défense d’un retour à un régime démocratique. Des réunions sont ainsi organisées entre des représentants du PDC et du PS, mais également avec des représentants du régime en vue de fixer les conditions institutionnelles de l’échéance de 1988, puis celles de sortie de l’autoritarisme. Le séminaire intitulé « Une sortie politico-constitutionnelle pour le Chili », organisé en juillet 1984, s’inscrit dans cette voie. L’objectif de cette manifestation est de donner une visibilité à l’opposition soulignant son caractère démocratique et pluraliste en vertu de l’incorporation des tendances politiques qui vont de la gauche socialiste au centre plus conservateur. En effet, cette manifestation, comme d’autres qui vont suivre, installe le « consensus » et l’apprentissage de celui-ci comme une pratique de négociation politique. Un premier accord politique transversal est pris lors de ce séminaire et assure que toute négociation future se fera dans le cadre des institutions héritées du régime. Quatre points d’accord émergent : 1) une disposition unanime à dialoguer avec d’autres courants de pensée, 2) un rejet aussi unanime du recours à la violence et à tous ceux qui l’emploient comme objectif et/ou pratique politique, 3) l’acceptation d’arriver à un accord avec le régime, et 4) la reconnaissance du rôle joué par la Démocratie chrétienne et sa place pivot dans la constitution d’une coalition d’opposition14.
16Ensuite, et afin de donner une perspective à « l’Accord national pour la transition vers une pleine démocratie » d’août 1985, un deuxième séminaire est organisé, cette fois dans les locaux du Centre d’études publiques (CEP)15. Dans cette période, où un processus vers la démocratisation du pays commence à être tracé, le CEP se constitue, pour les secteurs proches du régime, en un agent producteur de leur vision de la démocratie et de reconnaissance de l’héritage économique (réformes néolibérales) et institutionnel du régime. Son action consiste notamment en l’organisation des activités politico-académiques en vue de légitimer une voie de sortie du régime en conservant le cadre constitutionnel en vigueur. Lors du séminaire, quelques-uns des signataires de l’Accord exposent les conditions de celui-ci et le but recherché par l’opposition. L’un des intervenants est le président du CED, l’économiste E. Boeninger, qui est aussi un des porte-parole de la démocratie chrétienne. Dans sa communication, il dit comprendre l’Accord comme « la formulation d’un consensus », une manière contractuelle d’administrer les affaires publiques et de gouverner selon un modèle de représentation forgé sur la base de deux blocs majoritaires16.
17Un dernier événement important dans la constitution du consensus comme catégorie d’action politique est un séminaire organisé par la Corporation d’études pour l’Amérique latine (CIEPLAN)17. En mars 1986, CIEPLAN organise un séminaire intitulé « Bases pour une démocratie stable au Chili » dans lequel douze intellectuels et hommes politiques, représentants de l’élite d’opposition, présentent, sous la forme de conférences, leur conception de la démocratie en tant que régime politique. Cette initiative peut être analysée comme un effort entrepris par le PDC et le PS pour rendre compte de leur expérience et de leur apprentissage des événements relatifs au coup d’État du 11 septembre 1973 et à la rupture d’un régime démocratique au Chili, et sur la nécessité d’établir, à présent, des compromis et de proscrire la violence politique. En effet, les participants font référence à une « spirale de la haine » qui aurait précédé le putsch, à la capacité des dictatures à « se répéter » dans le sous-continent, et à la nécessité de « récupérer une tradition démocratique » rompue par une faute collective18. Le PS reconnaît ainsi sa part de responsabilité dans la crise politique qui a précédé le coup d’État de 1973, alors que jusque-là ce parti attribuait la responsabilité principalement à la droite politique chilienne ainsi qu’aux services secrets étasuniens. C’est dans ce contexte que la catégorie de consensus vient circonscrire le cadre de la discussion et du « possible » pour la démocratie à venir. Cette catégorie façonnera les marges d’action de la coalition d’opposition, ainsi que de son programme.
Les droits de l’homme dans le programme : quand dire (écrire) n’est pas faire
18Au moment où la Concertation des partis pour le « Non » au régime – devenue ensuite La Concertation des partis pour la démocratie – gagne le plébiscite de 198819, une forte mobilisation politique des élites se met en place. Celle-ci comporte deux formes d’action : l’une centrée sur les négociations politiques avec le régime autoritaire, concernant les réformes constitutionnelles nécessaires au déroulement démocratique des élections prévues pour l’année suivante, l’autre sur la constitution d’un programme de gouvernement. Ce dernier processus est mené, d’abord de manière autonome, à l’intérieur de chaque formation politique. Au sein de la commission interne au PDC, des experts qui ont une expérience de travail conjoint au sein du Groupe des 24, dirigent les travaux. Ensuite, ce processus programmatique, qui se déroule autant dans les maisons des think tanks que dans les lieux de travail de certains des producteurs20, devient un processus ouvert aux autres experts de La Concertation. Un travail de « confection programmatique » suivant les chapitres du programme se met en place, chacun équivalant à des expertises spécifiques.
19Les droits de l’homme sont présentés de manière transversale dans l’« Accord National pour la transition vers une pleine démocratie » (1985) et dans le Programme de gouvernement (1989) comme une « valeur » qui guiderait l’action dissidente en y installant les bases de la future démocratie. Déjà, dans l’Accord, la défense des droits de l’homme est mise en relation avec la réconciliation nationale comme une forme pacifique et ordonnée de passation du pouvoir. L’Accord se veut une manifestation de réconciliation car il montre la volonté politique des signataires d’arriver à des accords larges à partir d’un terrain d’entente présupposé commun : la démocratie, au moins dans ses aspects formels. Autrement dit, un consensus de base autour du refus de la violence comme méthode d’action politique. Comme le déclare l’Accord :
« La réconciliation, […] exige le plein respect du droit à la vie et à tous les autres droits inclus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Pactes complémentaires, ce qui signifie refuser la violence, d’où qu’elle provienne, comme méthode d’action politique et rend indispensable d’éclaircir les attentats et les crimes qui ont commotionné le pays et d’appliquer l’intégralité de la loi aux responsables. Il est prioritaire d’unir les Chiliens pour construire les bases essentielles du vivre ensemble21. »
20Ce qui se dégage de ce premier Accord est la condamnation « équitable » des crimes et des attentats, c’est-à-dire aussi bien des violences d’État, en l’occurrence du régime autoritaire et de son gouvernement, que des attentats des groupes armés de gauche qui cherchent le renversement du régime. Plus loin l’Accord stipule qu’« il est impératif de prêter attention aux exigences de justice d’une manière congruente avec l’esprit de la réconciliation ». Cette formulation représente la tension qui sera au cœur de la fabrication du programme de transition entre les impératifs de gouvernabilité des élites d’opposition et les exigences de justice, revendication inlassable des victimes et des différents publics22 concernés par ce problème.
21Un acteur de particulière importance dans la formulation de la revendication de justice et de défense des droits de l’homme est l’Église catholique. Celle-ci a soutenu, dès les premiers jours de la répression exercée par le régime, les persécutés de tout horizon. Mais l’action de l’Église ne se restreint pas à sa tâche humanitaire, elle devient aussi l’un des protagonistes de la constitution de l’arène publique du consensus politique dès le milieu des années 1980. Dans un contexte de protestations massives de la population23, en pleine crise économique avec des graves conséquences pour la population la plus pauvre, l’Église promeut une politique de réconciliation dès 198424 et la concertation entre l’opposition de centre-gauche et le régime. Dans ce sens, l’Église se constitue en médiateur, ce qui a pour résultat la constitution d’un terrain commun d’entente entre les élites d’opposition et la droite plus modérée, autour du consensus et de la réconciliation comme formes de gestion du changement politique.
22Dans son programme, La Concertation inclut la problématique des violations des droits de l’homme malgré les conflits que la question provoque avec le régime. De cette manière la coalition répond aux revendications du mouvement des droits de l’homme qui appuie sa candidature, sachant que la lutte contre les crimes est une cause qui rassemble toute l’opposition à la dictature.
23Le chapitre « Droits de l’homme » du programme se divise en six sous-parties : « Engagements fondamentaux », « Vérité et justice », « Prisonniers politiques », « Réparation des victimes », « Peuples originaires » et « Environnement ». C’est le deuxième titre « Vérité et justice » qui retient notre attention ici car c’est ce texte, considéré comme la parole engagée du gouvernement, qui sera mobilisé par la suite contre les gouvernements de La Concertation par leurs principaux contradicteurs en la matière : les associations des victimes des droits de l’homme et les partis de la gauche extraparlementaire, notamment le PC.
24En ce qui concerne la question de la vérité sur les crimes politiques dans le texte du programme, il est dit que « le gouvernement démocratique travaillera à l’établissement de la vérité dans les cas des violations des droits de l’homme ayant eu lieu à partir du 11 septembre 197325 ». Une fois le gouvernement élu, cette formule passe par la médiation d’une vérité (globale) sur les crimes du passé, susceptible d’être acceptée et partagée par tous. En accord avec cette assertion, une Commission de vérité et réconciliation est mise en place « […] avec l’objectif de promouvoir la réconciliation de tous les Chiliens26 ». La mise en partage d’une vérité, qui néanmoins divise encore la collectivité nationale, est réalisée, entre autres, au moyen des procédés de consensus. L’impératif consensuel s’observe au moins dans trois aspects : la Commission de vérité est constituée d’une moitié de soutiens de Pinochet et d’une autre moitié de membres de l’élite d’opposition ; les victimes reconnues par l’enquête officielle sont autant celles des crimes perpétrés par des agents de l’État que par des groupes armés de gauche ; enfin, le récit de vérité de la Commission explique la violence politique du passé comme le produit d’un égarement collectif des traditions démocratiques dont la responsabilité concernerait tous les groupes sociaux.
25Le deuxième versant de cet engagement programmatique, la justice, devient le plus conflictuel et en conséquence le moins consensuel. Le texte du programme de 1989 stipule que : « [Le gouvernement] cherchera le jugement, selon la loi pénale en vigueur, des violations aux droits de l’homme qui comportent des crimes atroces contre la vie, la liberté et l’intégrité personnelle » et, plus loin, ajoute que « le gouvernement démocratique promouvra la dérogation ou nullité du Décret-Loi sur l’amnistie27 ». Cette amnistie couvre les délits commis entre 1973 et 1978, soit la plupart des crimes contre les dissidents au régime. Si le premier gouvernement élu a cherché à honorer une partie de ses engagements en promouvant une politique de vérité, il n’a pas pour autant encouragé la voie pénale pour juger les responsables des crimes ni n’a abrogé (ou annulé) l’amnistie comme cela était indiqué dans son programme28. C’est pourquoi la mobilisation de familles de victimes dans un réseau d’autres acteurs (avocats, ONG, etc.) qui, durant la dictature, avait permis la constitution des crimes politiques en une cause29, se poursuit en démocratie. L’Association de familles de détenus disparus (AFDD) oppose à la vérité pour la réconciliation, prônée dans le programme et mise en place par les gouvernements élus, une vérité pour la justice. Cette association s’oppose dès les années 1990 aux « tentatives d’impunité30 », comme elle le déclare de manière rétrospective l’année 2003 : « Face à toutes les tentatives d’impunité, nous avons maintenu haut et fort nos demandes de Vérité et de Justice, même dans les moments de plus grande solitude31. »
26Ces protestations sont dirigées directement vers (et contre) cette pratique consensuelle de faire de la politique ainsi que vers les élites gardiennes du consensus à chaque fois « qu’ils ont essayé de tourner la page, de décréter le pardon et l’oubli ». Elles sont aussi adressées aux partis politiques que ces élites représentent « qui n’ont pas honoré leurs promesses32 ». Quand l’Association accuse les partis politiques et les gouvernements de ne pas honorer leurs « promesses », cela est décrit comme une faute grave. De cette manière, leur critique se veut une critique globale de la démocratie chilienne :
« Ils [les gouvernants] peuvent croire que le manquement à leurs promesses a seulement un coût infime. Mais ils se trompent complètement. Les engagements – la quête de la vérité et de la justice – ayant été contractés à propos d’un problème spécifique [les détenus disparus] ont des conséquences et des répercussions pour la société entière33. »
27Cette opération de dénonciation et de critique établit une relation entre les revendications de cette association et les bases mêmes des institutions démocratiques. Selon l’AFDD, les « raisons politiques » qui orientent les négociations des gouvernements démocratiques avec les Forces armées ont répondu à des « raisons de gouvernabilité », ce qui est allé à l’encontre des « raisons de justice »34. Ces pratiques politiques qui ont cherché le consensus, parfois au détriment des processus de démocratisation souhaités dans le programme, sont également visibles dans les travaux sur l’organisation de l’État.
La Décentralisation dans le programme, un consensus entre experts
28En ce qui concerne la décentralisation de l’État, les pratiques d’élitisation et le consensus comme catégorie d’action politique sont visibles dans le nombre réduit des participants à la commission de travail programmatique. La caractéristique principale de ces participants est d’être reconnus comme experts en matière de décentralisation au sein du travail en think tanks. C’est S. Galilea qui est nommé à la tête de la commission sur la « décentralisation et démocratisation » du pays. Ce travail lui est revenu du fait de son expertise sur cette thématique, reconnue au sein du CED, ainsi qu’en raison de son engagement militant au sein du PDC. La commission se réunit au Centre Interdisciplinaire de Développement Urbain (CIDU), à l’université Catholique de Santiago, où il enseigne.
29La commission doit faire face aux tensions autour de deux enjeux : la désignation des experts dans la commission et le contenu qu’ils vont donner à la politique de décentralisation dans la fabrication du programme. En ce qui concerne la désignation des membres de la commission, la nomination de S. Galilea provoque une première tension importante avec un autre membre de la commission, S. Boisier, qui attendait également cette nomination. Militant de longue date dans le PDC, Boisier a conduit la commission sur la régionalisation et la décentralisation du Groupe des 24 et passe ainsi pour l’un des spécialistes les plus reconnus en matière de développement régional. Il trouvera par la suite, au sein de cette commission, une manière de se distinguer en adoptant la défense d’une politique avant tout régionaliste.
30La commission sur la décentralisation est composée d’un petit groupe de participants, qui ont l’habitude de se fréquenter au sein des think tanks et de marier des aspects académiques et techniques avec des aspects politiques de leur travail. Comme le dit L. Lira, enseignant chercheur en géographie et militant du PDC ayant participé à la commission : « Il y avait des habitués35 dans les groupes et d’autres comme moi qui essayaient d’intervenir36. » Pour ceux qui n’avaient pas participé assidûment aux think tanks, il fallait tenter de « se faire remarquer » pour ensuite « gagner des points37 » et continuer à être invité, cette fois, pour faire des interventions plus formelles. La participation à ces commissions devient ainsi incontournable afin d’influencer le contenu du programme. Au sein de cette commission, S. Galilea, avec d’autres experts, veut substituer à la municipalisation promue par le régime la notion de décentralisation : « J’étais d’avis qu’on ne pouvait plus continuer à parler de régionalisation parce qu’il s’agissait d’un concept purement territorial et parce qu’on devait comprendre que la décentralisation était […] autant régionale que municipale38. » En effet, tandis que la décentralisation implique un transfert des responsabilités, des ressources et/ou de l’autorité depuis le niveau central39, la régionalisation et la municipalisation promues par le régime se limitent à un transfert de responsabilités avec très peu de ressources et avec une autorité désignée par le pouvoir central, ce qui dans les faits limitait le pouvoir réel des régions et communes.
31C’est au moment où la définition rigoureuse de la notion de décentralisation devient un enjeu politique, qu’une divergence importante apparaît entre les experts travaillant dans la commission du programme. En effet, la commission se divise en deux équipes de travail : l’une sur la régionalisation, l’autre sur la municipalisation. Cette division révèle non seulement deux composantes de la décentralisation en tant que politique publique mais aussi deux domaines de spécialisation des membres experts et deux visions politiques sur le processus, qui renvoient aux dissonances sur lesquelles il a fallu trouver des compromis. En ce qui concerne leur domaine de spécialisation, une partie des membres connaît davantage les thèmes régionaux. C’est le cas en particulier des membres qui avaient travaillé dans des institutions gouvernementales avant le putsch et qui avaient participé à la planification régionale du pays. Les autres experts, ceux qui n’avaient pas cette expérience préalable et donc cet attachement à l’échelle régionale, étaient plus ouverts au terrain municipal, portant ainsi leur regard sur un terrain investi par le régime (notamment avec la municipalisation de l’éducation primaire et de la santé) et délaissé par les régionalistes. Si la municipalité était associée au régime autoritaire cela s’explique par le fait que la commune a été le terrain local d’application du projet néolibéral. L’État s’est désengagé de l’éducation primaire et de la santé en laissant la charge financière aux municipalités, ce qui a aggravé de manière durable les inégalités territoriales déjà existantes. Cet héritage autoritaire est difficile à accepter pour les régionalistes d’autant plus qu’ils n’ont pas accès au terrain municipal. Par ailleurs, les mairies sont considérées comme les lieux de renseignement du régime sur les activités de l’opposition. Le témoignage de L. Lira, est révélateur à ce sujet : « Qu’est-ce qu’on faisait dans les municipalités ? Nous pensions qu’on y torturait des gens. Nous n’avions aucune idée de ce qu’on y avait fait40. »
32Par ailleurs, ces prises de position plus régionalistes ou plus municipalistes s’expliquent aussi par des visions de stratégie politique quelque peu différentes. Ceux qui défendent la pertinence et même l’urgence d’élaborer une politique municipale, et qui acceptent en partie l’héritage laissé par le régime autoritaire, affirment la nécessité de démocratiser cet espace et de se l’approprier, sans pour autant le remettre en cause ni ouvrir la participation à d’autres groupes sociaux. Il s’agit d’experts davantage en lien avec la sphère politique, donc conscients des enjeux stratégiques, notamment électoraux, et de la possibilité réelle que la droite reprenne le pouvoir après un éventuel premier gouvernement de transition de La Concertation. Ils se font ainsi l’écho d’une demande, émanant des hommes politiques, qui veulent retrouver leur place tant dans l’administration d‘État que dans l’administration territoriale.
33Pour leur part, les régionalistes veulent tirer profit de leur investissement précédent : non seulement de ce qu’ils avaient pu produire avant le régime autoritaire mais également de leurs recherches dans le champ de la science régionale, qui cherche le développement régional par la constitution des pôles de compétitivité économique. Ils sont aussi moins impliqués dans ce type de négociations politiques, soit par désaffection, soit parce qu’ils n’y ont pas accès car ils sont davantage considérés comme porteurs d’une vision à long terme mais peu « pragmatique » et difficile à mettre en place dans l’immédiat. Ceci fait également écho au rôle secondaire assigné aux régions sous le régime autoritaire. À la différence des municipalités, les régions ont été utilisées presque exclusivement à des fins de déconcentration administrative.
34Les résultats visibles de cette négociation se réduisent à un chapitre de moins d’une page dans le programme du gouvernement, qui intègre tout de même les deux volets, municipal et régional, dans une logique consensuelle. Ils sont par ailleurs incorporés pratiquement dans la même proportion, tant dans la manière de les présenter et d’exposer leur contenu qu’en ce qui concerne leurs places dans l’espace physique du texte. Le programme de La Concertation consacre ainsi son chapitre VII à la « Démocratisation et [à] la Décentralisation » du pays : « Le prochain gouvernement assume comme devoir fondamental la démocratisation du pays, ce qui suppose un effort permanent et systématique en faveur d’une décentralisation efficiente et d’une participation active de la population, avec un déploiement des ressources régionales et locales41. » Mais de quelle décentralisation s’agit-il ? Selon ce programme, la décentralisation à laquelle La Concertation aspire est celle qui consiste à « doter l’administration de l’État d’autorités régionales et communales issues de l’autonomie institutionnelle, financière et technique, nécessaires pour décider sur les programmes et projets et pour affronter les problèmes économiques, sociaux et culturels dans ses territoires respectifs et participer dans la gestion locale du développement national42 ». Nous voyons que, d’après cette définition, qui est aussi une déclaration d’intention, les composantes relatives à l’autorité politique, à l’autonomie financière et au transfert de responsabilité (autonomie administrative) sont évoquées. Néanmoins, pour ce faire, ce changement devra être graduel : « La décentralisation et la démocratisation de l’appareil d’État seront réalisées après l’installation du gouvernement démocratique et d’une façon graduelle43. » En effet, la majeure partie du dispositif institutionnel hérité du régime est préservée, à savoir, un gouvernement régional composé par l’Intendant (Préfet), désigné par le président de la République et par un Conseil régional élu au suffrage indirect, sans qu’il lui soit attribué un rôle dans le développement économique des territoires.
35Au niveau communal, il est prévu de renouer avec le dispositif institutionnel en vigueur avant le coup d’État, à savoir des municipalités avec des maires élus, gouvernant et administrant la commune avec un conseil municipal composé de conseillers élus au suffrage direct et à la proportionnelle. Cependant, et malgré les modifications opérées, la question des inégalités municipales n’est pas résolue. L’éducation primaire et la santé demeurent sous la responsabilité des municipalités sans augmenter l’intervention, ni politique ni financière, de l’État. Par ailleurs, même si le renforcement des organisations sociales autonomes est également souhaité dans le programme, leur absence dans la fabrication du programme, ainsi que la cooptation politique des dirigeants sociaux suite au triomphe de La Concertation, expliquent l’oubli du volet participatif.
Conclusion
36Dans cette contribution, nous avons questionné ce que certains transitologues prennent comme une évidence44, à savoir la forme négociée de la transition politique chilienne, et la perspective étroitement institutionnelle du politique généralement adoptée pour rendre compte de ce compromis entre opposants et membres du régime autoritaire. À travers une étude du programme politique du premier gouvernement élu après le régime autoritaire, nous avons mis l’accent sur les modalités d’accomplissement pratique du consensus dans la confection de ce programme, en nous concentrant sur deux politiques différentes : les droits de l’homme et la décentralisation de l’État.
37La commission travaillant sur la décentralisation et la démocratisation de l’État projette d’ouvrir la participation politique des Chiliens longuement proscrite ou contrôlée. Néanmoins, et aussi parce que la construction du programme est restreinte à un petit groupe d’experts qui articulent leurs propositions avec l’héritage du régime, la politique qui en a résulté est finalement celle d’une démocratie représentative classique et, concernant l’échelle territoriale, limitée à l’échelon municipal, au lieu d’ouvrir d’autres espaces pour une participation active de la population, ce qui avait pourtant été envisagé dans le programme en réponse à l’action des mouvements sociaux.
38La politique des droits de l’homme projetée dans le programme tente d’équilibrer des mesures de vérité avec des mesures de justice annonçant l’intention de terminer avec l’amnistie. Néanmoins, une fois que la coalition est au pouvoir, le réalisme politique impose la stabilité institutionnelle pour éviter les conflits et avancer dans les consensus avec les militaires et les civils de l’ancien régime. Ceci restreint le cadre d’action du gouvernement à des politiques de vérité tentant de forger un récit national pacificateur.
39Dans ce sens, le programme, fabriqué par les élites au sein des think tanks, ne fera qu’asseoir dans la durée le consensus comme un ordre politique et économique normalisé à l’abri des grands conflits et permettant d’éloigner le fantôme d’un retour à un régime autoritaire.
Notes de bas de page
1 Nous tenons à remercier ici Karim Fertikh et Mathieu Hauchecorne pour leur lecture amicale et leurs critiques et suggestions constructives sur cet article.
2 De Cea M., Diaz P. et Kerneur G. (coord.), Chile : ¿de país modelado a país modelo ?, Santiago, LOM, 2008.
3 Ces institutions ont été qualifiées d’« enclaves autoritaires ». On peut, entre autres, mentionner : la Constitution édictée par le régime en 1980, un système électoral binominal ou bipartisan qui surreprésente la droite, des sénateurs désignés (y compris des chefs militaires) et à vie (ex-présidents de la République dont Augusto Pinochet), une loi d’amnistie (1978) qui couvre la plupart des crimes politiques commis par le régime entre 1973 et 1978. Voir Garretón M. A., « La transición chilena. Una evaluación provisoria », Programa Chile, Serie Estudios Políticos, Santiago, Documentos FLACSO, 1991.
4 Ici nous mettrons plus l’accent sur les processus d’élitisation que sur le produit de ce processus. Nous adoptons une notion large d’élite telle qu’esquissée par Mills : « Par élite au pouvoir, nous entendons ces cercles politiques, économiques qui dans un ensemble complexe de coteries entrecroisées, partagent les décisions d’importance au moins nationale. Dans la mesure où les événements nationaux font l’objet de décisions, l’élite au pouvoir est l’ensemble des hommes qui les prennent. » Wright Mills C., L’Élite au pouvoir, Marseille, Agone, 2012.
5 Moulian T., Chile Actual. Anatomía de un mito, Santiago, LOM, 1997.
6 Sur les notions de catégorie et de catégorisation en sociologie, voir Bovet A., Gonzalez-Martínez E., Malbois F. (ed.), Langage, activité et ordre social. Faire de la sociologie avec Harvey Sacks, Berne, Peter Lang, 2014.
7 Ce programme, un document de 39 pages, est organisé en trois grands chapitres : « bases programmatiques politico-institutionnelles » ; « bases programmatiques économico-sociales » ; et « bases programmatiques de politique étrangère ».
8 Boeninger E., La democracia en Chile. Lecciones para la gobernabilidad, Santiago, Editorial Andrés Bello, 1997.
9 Les conditions du déroulement de ce plébiscite ont été très critiquées : absence de registres électoraux, difficultés pour l’opposition de faire une véritable campagne, dénonciation de fraudes, etc. Toutefois, dans les faits, il a assis le nouveau cadre constitutionnel au Chili.
10 Le système des partis chiliens est comparable au système français. Il s’organise également selon l’axe gauche-droite, mais à la différence du système français, le centre est représenté par le Parti démocrate-chrétien qui a fonctionné longtemps comme pivot du système. Lomnitz L., La cultura politica chilena y los partidos de centro : une explicación antropológica, Mexico, Chile, FCE, 1998.
11 Cavallo A., Salazar M., Sepúlveda O., La historia oculta del régimen militar : memoria de una época, 1973-1988, Santiago, Grijalbo, 1997. Les auteurs ont appelé ce processus préalable à un accord « la ronde des petits déjeuneurs ».
12 Pour un panorama de la recherche sur les transitions démocratiques, voir Guilhot N., Schmitter P., « De la transition à la consolidation, une lecture rétrospective des democratization studies », Revue française de science politique, vol. 50, no 4-5, 2000, p. 615-632.
13 Hadjisky M., « La culture “civique” en Pays tchèques. Généalogie d’une référence politique », Neveu C. (dir.), Cultures et pratiques participatives. Perspectives comparatives, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques politiques », 2007, p. 331-351.
14 Godoy O., « La transición chilena a la democracia : pactada », Estudios Públicos, no 74, 1999, p. 79-106.
15 Le CEP est une fondation privée fondée en 1980, par un ancien ministre des Finances du régime autoritaire. Ce centre d’études adhère de manière explicite « aux libertés fondamentales, au droit à la propriété privée comme garante de ces libertés, à la démocratie comme forme pacifique et stable de gouvernement ».
16 Le système électoral binominal est un système à scrutin majoritaire à un tour. Ce système favorise ainsi le bipartisme et les grandes coalitions en privant de fait de toute représentation les partis situés à la gauche du PS, notamment le PC.
17 Créée en 1976, elle a pour objectif de devenir un référent en matière de politiques publiques et de politiques de développement économique et démocratique au Chili et en Amérique latine. C’est dans cette perspective que la corporation, proche de la Démocratie chrétienne et du PS, organise des séminaires et des rencontres sur le processus démocratique chilien, notamment à partir du milieu des années 1980.
18 Walker I. et alii, Democracia en Chile : doce conferencias, Santiago, CIEPLAN, Alfabeta, 1986.
19 Le 5 octobre 1988, un plébiscite est organisé au Chili avec pour intitulé : « Plébiscite président de la République. Augusto Pinochet Ugarte. Oui-Non ». Le « Non » l’emporte avec 54,7 % des suffrages exprimés.
20 Entretien avec E. Boeninger, 14 novembre 2005, Santiago du Chili.
21 Avetikián T., « Seminario Acuerdo Nacional y Transición a la democracia, 26 y 27 de noviembre de 1985 », Estudios Públicos, no 21, 1986, p. 1-93, p. 57.
22 Nous utilisons la notion de public proposée par John Dewey, selon laquelle un public est susceptible de se former dès lors que les conséquences négatives d’une transaction humaine sont perçues comme telles et qu’on cherche à les gérer ou à les éviter. Ceci engage un processus collectif d’enquête sociale pour définir le problème et son éventuel traitement. Dewey J., Le Public et ses problèmes, Paris, Gallimard, 2010.
23 Durant toute l’année 1983 se sont produites des manifestations massives pour contester les mesures d’ajustement structurel appliquées par le régime. Espinoza V., « Historia social de la acción colectiva urbana : los pobladores de Santiago, 1957-1987 », EURE, 1998, vol. 24, no 72, p. 71-84.
24 Commission pastorale épiscopale, Église catholique du Chili, « Du pêché à la réconciliation », 14 décembre 1984.
25 Programa de Gobierno, Concertación de Partidos por la Democracia, Documentos La Época, 1989, p. 2.
26 Décret Suprême no 355, art. 1, 25 avril 1990.
27 Programa de gobierno, op. cit., p. 4.
28 Le décret-loi d’amnistie n’a pas été abrogé pendant les quatre gouvernements dirigés par La Concertation entre 1990 et 2010. Jusqu’à l’arrestation de Pinochet à Londres en 1998, la plupart des procès à l’encontre des militaires ont abouti à des non-lieux. À partir de 1998, la figure de la « séquestration permanente », dont le crime continue à exister tant que la victime n’est pas retrouvée, est de plus en plus appliquée par la juridiction nationale pour contourner le décret-loi d’amnistie.
29 Au sens (que lui donne Elisabeth Claverie) de forme sociale qui configure des places et des identités, dont celle de la victime, de l’accusé, des accusateurs et d’un tiers. Claverie E., « Procès, Affaire, Cause : Voltaire et l’innovation critique », Politix, vol. 7, no 26, 1994, p. 76-85.
30 L’accord-cadre de 1991, les lois Aylwin de 1993, l’Accord Figueroa- Otero en 1995 et en une certaine mesure les contenus du programme des droits de l’homme du gouvernement dirigé par Ricardo Lagos, « Pas de lendemain sans passé » de 2003, qui stipule la loi du secret et la réduction de peines aux responsables des crimes en échange d’information sur les détenus disparus. Aucun accord n’a abouti pleinement par la pression exercée par les associations et désaccord jusqu’à en 2003 de certains parlementaires socialistes.
31 Díaz V., Zúñiga G., « AFDD-Chile, Poder en movimiento : el movimiento transnacional y el caso Pinochet », in El caso Pinochet : Lecciones de 30 años de una lucha transnacional contra la impunidad, FLACSO, 14 de Noviembre 2003.
32 AFDD, Carta Abierta a los partidos Políticos, Santiago, Chile, 16 de julio de 1995 [http://www.nuncamas.org/investig/lamemolv/memolv12.htm].
33 Ibid.
34 Ibid.
35 C’est lui qui emploie le terme en français.
36 Entretien avec L. Lira, 31 octobre 2005, Santiago du Chili.
37 Ibid.
38 Entretien avec S Galilea, 22 novembre 2006, Santiago du Chili.
39 Falleti T. G., « A Sequential Theory of Decentralization : Latin America Cases in Comparative Perspective », American Political Science Review, vol. 99, no 3, 2005, p. 327-346.
40 Entretien avec L. Lira, 31 octobre 2005, Santiago du Chili.
41 Programa de Gobierno, op. cit., p. 8.
42 Ibid.
43 Ibid.
44 Joignant A., « La politique des “transitologues” : luttes politiques, enjeux théoriques et disputes intellectuelles au cours de la transition chilienne à la démocratie », Politique et Sociétés, vol. 24, no 2-3, 2005, p. 33-60.
Auteurs
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