6. Le programme a-t-il sa place ?
L’entre-deux-tours entre constitution des listes et élaboration du programme : le cas des élections régionales de 2010 en Nord/Pas-de-Calais
p. 113-126
Texte intégral
1Les recherches de science politique ayant pour objet les coalitions de gouvernement et les programmes partisans sont essentiellement anglophones. Elles ont plus ou moins suivi un même axe analytique, marqué par un tropisme normatif, une faible contextualisation, une perspective macro-sociologique, et par l’usage de méthodes quantitatives1. En France, ces objets ont été particulièrement délaissés par la discipline : seuls quelques travaux récents ont proposé une analyse sociologique des programmes et/ou des coalitions de gouvernement2.
2Cette enquête, qui porte sur les élections régionales de 2010 en Nord/Pas-de-Calais, se situe dans la droite lignée des travaux sur le « monde réel des coalitions3 » et l’élaboration des programmes. Nous y observons tant la partie publique des négociations (accords de gouvernement, programmes communs) que leurs coulisses et les usages pratiques des accords et programmes4.
3Notre étude de cas analyse la fabrique des programmes et la constitution des listes électorales aussi bien en amont de l’élection, au sein de chacun des partis, que durant l’entre-deux tours, au niveau de la négociation d’une coalition de gouvernement régionale. Cette élection se déroule dans un contexte particulier – la transformation du parti Vert en Europe Écologie-les Verts. Observatoire privilégié des relations entre programmes et listes, l’ouverture annoncée du parti à la « société civile5 » oblige celui-ci à réinterroger son cadre programmatique mais aussi à recruter un nouveau personnel politique, symbole de cette ouverture. Dans cette région, le Parti socialiste n’a jamais obtenu la majorité absolue des votes au premier tour d’une élection régionale, ce qui a favorisé des stratégies d’alliance6. Cette étude se focalise ainsi sur le montage des programmes et des listes par et entre les deux partis qui ont été amenés à former une alliance au second tour des élections régionales en 2010 : le Parti socialiste (PS) et Europe Écologie-les Verts (EE-LV). Elle s’appuie sur une enquête combinant entretiens7, archives et le dépouillement d’un corpus d’articles de presse8.
4Notre perspective est donc ici de croiser l’étude des coalitions et celle des programmes en prenant pour objet le cas d’une élection à scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire. Les différentes listes y ont la possibilité de fusionner entre les deux tours, ce qui donne lieu à négociations en vue d’une future coalition de gouvernement9. Ces négociations interviennent en amont du premier tour mais également durant l’entre-deux-tours, séquence qui constitue un analyseur d’autant plus heuristique qu’il se joue à un moment précis et circonscrit.
5Il s’agit alors de saisir l’économie générale d’une négociation électorale où se jouent tant la constitution des listes et la distribution des postes que la plateforme programmatique commune aux différents partis de la coalition électorale lors du second tour. Par « négociation électorale », on entend ici, à la suite de Nicolas Bué l’« activité de régulation » par laquelle les partis se fixent des règles – elles mêmes négociées – pour parvenir à un accord sur les programmes et sur les postes. L’usage de cette notion permet de restituer la complexité des jeux, la pluralité des enjeux au cœur de la négociation, la pluralité des scènes et des acteurs du jeu, ainsi que leurs reconfigurations en fonction des différentes séquences – des différents tours – de l’élection10.
6L’hypothèse principale est que l’objet de la négociation varie selon les séquences de l’élection – avant le premier tour ; entre-deux-tours ; après le second tour11 – entre tractations sur les listes et les postes, et marchandage autour des enjeux de politiques publiques. En suivant les différentes étapes de la négociation, il devient alors possible d’objectiver les règles formelles et informelles qui régissent ces échanges. Le constat est que plus la séquence électorale considérée est courte, plus l’enjeu de la négociation entre les partis se recentre sur la distribution des postes plutôt que sur la définition des politiques publiques. Cette hypothèse se vérifie notamment au niveau de l’entre-deux-tours où l’urgence conduit les parties prenantes à privilégier les questions relatives à la constitution de la liste commune et à la future répartition des postes au sein du conseil, plutôt que celle de la future politique régionale. De façon générale, notre enquête montre que derrière les négociations programmatiques se joue la plupart du temps des négociations autour des postes.
7L’analyse du premier tour – où chaque parti négocie en interne sa propre liste et son propre programme – montre que si ces deux objets possèdent une économie propre, liste et programme n’en demeurent pas moins encastrés (I). Durant l’entre-deux-tours, phase sur laquelle nous nous concentrons plus particulièrement, la négociation se recentre sur la distribution des postes. La négociation du « contrat de gouvernement » où se joue notamment les propositions politiques mises en avant passe au second plan face à l’urgence de composer la liste commune (II).
Règles formelles et informelles dans la préparation du programme et des listes
8Plusieurs mois en amont de l’élection les partis susceptibles de former une coalition de gouvernement se mettent en ordre de marche. PS et EE-LV ont leur propre mode d’organisation interne pour préparer cette échéance : mise en place de réunions internes, organisation de groupes thématiques, etc.
9L’objectif est d’obtenir un maximum de voix : dans l’espoir, pour le PS, d’obtenir une majorité absolue ; en vue, pour EE-LV, de peser dans les rapports de forces au moment de la négociation d’entre-deux-tours. Dans ce contexte où les deux partis se retrouvent dans une situation concurrentielle pour s’allier ensuite, chacun engage des stratégies et des ressources différentes. Dans le cadre d’une coalition sortante, le parti majoritaire doit prouver la qualité du bilan de son mandat lors de la campagne, alors que le parti minoritaire a pour tâche de mettre en évidence les faiblesses de ce bilan, en allant parfois jusqu’à s’en désolidariser.
10Le temps du premier tour est donc un temps long qui anticipe la courte séquence de l’entre-deux-tours. A priori, chacune de ces séquences fait l’objet de règles spécifiques12 concernant d’un côté l’élaboration programmatique et de l’autre la constitution des listes. Néanmoins ces deux aspects apparaissent à l’analyse particulièrement encastrés.
Division du travail d’élaboration programmatique
11Pour les deux partis en présence, le travail d’élaboration du programme se caractérise par une structuration en groupes de travail. Très concrètement, le programme EE-LV prend la forme d’un document de 36 pages disponible avant le premier tour sur le site internet du parti. Il s’articule autour de trois « priorités » : « transformer l’économie du Nord-Pas de Calais » ; « restaurer la nature pour protéger les humains » ; « prendre soin de nous ». Ces priorités sont exposées en grands axes au sein desquels sont déclinées des propositions d’action concrète. Le programme socialiste prend la forme d’un document de 16 pages articulé autour de 9 « priorités ». Chacune de ses priorités se divise en deux parties : « résister » qui se pose en critique de la présidence sarkozy et « rassembler » où sont définies les actions futures de la Région au regard de la priorité concernée. Pour chaque programme, la présentation des « priorités » est précédée d’une première page sous forme de lettre des têtes de listes aux électeurs (la tête de liste Pas-de-Calais pour EE-LV ; la tête de liste régionale et celle du Nord pour le PS).
12Les acteurs engagés dans ce processus d’élaboration du programme (membres des bureaux, conseillers fédéraux, militants, élus sortants) se mobilisent autour de thématiques qu’ils affectionnent, ou vers lesquelles ils sont orientés au regard de leurs compétences et de leur trajectoire personnelle (éducation, environnement, emploi…).
13Au PS, cette division du travail se double d’une distinction institutionnalisée entre deux groupes politiques. Le premier est composé « des grands élus, des vice-présidents » en poste au sein de l’exécutif régional13, et le second des « techniciens », pour la plupart des permanents salariés du parti. Chacun a une fonction bien spécifique, comme l’explique un des cadres du parti. Le premier groupe « fait des propositions », qui sont ensuite traitées par les techniciens qui les « épluchent », les « rationalisent et [les] recomposent ». Ces derniers exercent principalement une fonction de décodage des propositions faites par les élus. Plus précisément, ils donnent du contenu à des slogans plus ou moins vagues. Quelques mois avant la campagne, des réunions mixtes thématiques entre élus et permanents sont mises en place pour permettre à ces derniers de présenter leurs avancées et de discuter avec les élus qui retravaillent et valident les propositions. Ces cadres exercent par ailleurs une fonction de codage des propositions produites par les élus, dans le but de respecter les règles fixées en amont quant à la forme programmatique avant de les présenter aux électeurs (respect des règles typographiques et graphiques, nombre de signes et de pages). Chez EE-LV, la gestion concrète de la rédaction du programme est assurée via des groupes thématiques ouverts. La division du travail y est nettement moins mise en avant, d’autant plus que les rôles d’élu et de techniciens se confondent souvent.
14Par ailleurs, la centralité de l’organisation partisane dans le processus d’élaboration programmatique diverge d’un parti à l’autre. Au PS, en dépit de la mise en avant d’un « processus d’écoute permanente de la société civile14 », le mécanisme est davantage centralisé, puisque la validation finale revient aux élus sortants et autres membres des bureaux fédéraux. Chez EE-LV, des forums thématiques visent à « débattre de manière participative15 », autrement dit à élargir la construction du programme aux militants et aux sympathisants.
15Ces deux façons de constituer le programme traduisent le degré de professionnalisation et le type de ressources dont dispose chaque parti. Elles renvoient également à leurs stratégies de communication respectives. « Le professionnalisme16 » et l’efficacité d’un parti fin connaisseur des logiques électorales pour le PS, et la « culture de l’ouverture » signe d’un « parti pas comme les autres ouvert à la société civile17 » chez EE-LV, constituent ces marqueurs de l’identité partisane.
Un usage différencié du bilan dans le programme
16La stratégie de construction du programme politique s’intègre, pour les deux partis, dans une logique du bilan. Celle-ci amène chacun des partis à s’appuyer sur des mesures qui « ont bien fonctionné » pendant le mandat précédent. Poursuivre ou réadapter des mesures dont les élus jugent le résultat satisfaisant permet également de réduire l’incertitude inhérente à des propositions totalement neuves. La dépendance aux sentiers tracés par les mesures prises lors du mandat en cours est ici particulièrement prononcée. Le programme du PS en fournit un exemple emblématique. Le mandat 2004-2010 avait vu la vice-présidence socialiste aux lycées mettre en place un programme de financement de livres par un système de « chèques-livres » délivrés par l’institution à chaque lycéen et apprenti dans la région. Cette mesure donne lieu à une adaptation à « l’ère du numérique18 » où est envisagé d’« attribuer un ordinateur à chaque lycéen19 ». La construction programmatique entre ici dans un jeu de va et vient entre le temps du bilan et l’évaluation de ce qui fonctionne ou non. La « réussite » d’une politique renvoie à la possibilité de démontrer les effets de la politique publique. En l’occurrence la matérialité à laquelle renvoie ce chèque-livre et la possibilité d’en évaluer de manière chiffrée la distribution font de cette politique publique une « réussite ».
17Néanmoins, « faire le bilan » relève de stratégies différenciées selon le parti et sa place au sein de l’exécutif lors du mandat en cours. Si le PS entre dans une stratégie de réappropriation des politiques publiques menées par l’exécutif dans son ensemble, ce n’est pas le cas d’EE-LV.
18La stratégie du PS s’illustre tout particulièrement à travers le cas des « maisons de santé » promues par un vice-président vert lors du mandat 2004-2010. La présidence socialiste aurait retardé la validation de cette mesure d’action publique pendant plus d’un an20. Paradoxalement les maisons de santé apparaissent, au sein du bilan socialiste, comme un point positif, au point que le programme en propose la généralisation. Ce rappel gênera d’ailleurs l’un de nos interlocuteurs socialistes :
« – Vous ne pouvez pas vous le réapproprier, parce que sur le programme, il y a les maisons de santé qui étaient un des grands chevaux de bataille de Michel Autès (vice-président écologiste à la Santé)
–… On se l’est… on se l’est pas… on peut pas, la…
– Oui c’est peut être aussi le terme réapproprié…
– Oui le terme est pas bon parce que la politique, c’est la politique de la Région, c’est pas la politique de Michel Autès, en plus en matière de santé on a quand même la vice-présidente à la Culture qui est médecin, et le président qui est féru de la question, donc les idées sont venues plutôt de Catherine Genisson (vice-présidente à la Culture) et de Percheron (président de la Région). Que… pour le programme… après il y a un second tour, on en parlera sûrement plus tard, mais là effectivement il faut mixer les propositions des uns et des autres21… »
19Pour le parti dominant la coalition, le temps du bilan est également celui de la dépersonnalisation et de la démarque partisane des politiques publiques menées par l’exécutif.
20La stratégie écologiste amorce une critique en demi-teinte du bilan de fin de mandat22. Une des entrées du sommaire du programme écologiste prend clairement ses distances avec les logiques de « grands projets23 » – appelés « projets du Président » au sein de l’institution régionale – qui, selon l’équipe de campagne écologiste, prennent insuffisamment en compte les problématiques sociales et environnementales. Même si la solidarité de gestion n’est souvent qu’apparente et qu’elle n’empêche pas les conflits pendant le mandat, la période électorale ouvre la voie à la publicisation des désaccords qui peut, le cas échéant, constituer une ressource pour le parti minoritaire.
21Ces stratégies reflètent les positions respectives des deux partis dans le jeu triangulaire du premier tour qui les met aux prises avec leurs bases électorales, qui se recouvrent partiellement. Là où le PS a tout intérêt à jouer le consensus pour élargir sa base, les Verts sont quant à eux dans l’obligation de jouer un jeu plus subtil consistant à assumer le bilan tout en s’en démarquant pour réinventer une distinction lors du premier tour.
22Les programmes sont donc à la fois le produit de l’évaluation faite du mandat passé, des jeux concurrentiels interpartisans24, tous codifiés selon une certaine stratégie de communication héritée d’une capitalisation des expériences passées. La fabrique des programmes suit dans les deux cas une logique peu à peu rodée et technicisée.
Règles formelles, règles informelles dans l’élaboration des listes
23Les règles d’élaboration des listes, si elle peuvent apparaître éloignées de prime abord de la constitution des programmes se doivent d’être investiguées parce qu’elle constitue un enjeu central de la campagne directement encastré dans la fabrique des programme. De fait, l’élaboration des listes est elle aussi l’objet d’une série de règles formelles, c’est à dire écrites, connues et reconnues par tous. Parmi ces règles, la parité est la plus formalisée. Norme légale, c’est elle qui contraint le plus le travail d’élaboration des listes25, plus que les règles produites par les partis eux mêmes26.
24Mais d’autres règles sont également formalisées par les partis en dehors de tout cadre juridique27. La première est la répartition entre courants au sein du parti. Celle-ci prend un tournant particulier chez EE-LV dans le cadre de la refondation du parti28. La mise en scène de l’ouverture du parti écologiste amène à la mise en œuvre d’une règle formelle – décidée au niveau national – qui impose l’alternance sur les listes entre « anciens Verts » et représentants de la « société civile » non encartés chez les Verts. Cette règle n’est pas sans susciter certaines tensions, à propos de l’ordre des candidats sur la liste notamment.
« Par exemple sur la culture, on a eu le gars qui est directeur d’une scène nationale […] on arrive à le faire s’engager, on lui dit “tu vas être élu” […] et puis finalement on le vire […] en fin de liste, il y avait aussi nécessité de gagner des voix, et ça passe par des gens qui font voter… exemple le mouvement écologiste indépendant, qui en 2004 a fait sa liste autonome et nous avait quand même piqué deux ou trois pour cents… donc il fallait pas qu’il fasse une liste […] donc ça veut dire qu’il fallait en prendre deux et les mettre sur la liste et être sûr qu’ils allaient avoir deux élus […] au nom de “il faut afficher la grande famille” donc il fallait afficher des anciens de Génération écologie… […] on n’avait pas besoin d’eux mais on avait absolument besoin qu’ils soient pas contre nous… donc on paye29. »
25Si cette règle permet d’afficher une parfaite égalité entre « Verts historiques » et ouverture à la société civile, elle fait l’objet d’un jeu incessant qui montre les compromis entre intégration des anciens concurrents, mise en scène de l’ouverture à la société civile, et nécessité de réaliser un score électoral qui permette de peser dans les négociations à l’entre-deux-tours avec le PS30.
26La seconde d’entre elles est la règle de répartition territoriale particulièrement centrale dans le jeu des élections régionales caractérisées par un scrutin de liste, et donc dépourvues d’ancrage dans des circonscriptions électorales. Ce mode de scrutin donne une place prépondérante aux notables locaux dans la négociation des places, au delà des règles de répartition entre courants. Dans ce cadre, la liste socialiste est une synthèse des deux listes émanant de chacune des fédérations départementales. Chez les Verts, où il n’y a qu’une fédération régionale, cette condition a émergé lors des régionales de 2010. Des militants avaient dénoncé une « liste régionale trop lilloise31 » lors des régionales 2004. Ce conflit a donné lieu à un mode original de régulation des conflits territoriaux puisque la règle veut désormais que la liste soit le reflet d’un découpage de la circonscription en quatre territoires : la métropole lilloise, l’Avesnois, le littoral et le bassin minier. L’émergence de cette règle au sein d’EE-LV « correspond tout autant à la volonté des élus de voir leur “territoire” représenté sur la liste électorale (et par la suite au Conseil régional) qu’au souci d’assurer la meilleure représentativité territoriale possible pour attirer le vote des électeurs32 ».
La liste et le programme : enjeux croisés
27La plupart des travaux, focalisés sur l’appareil partisan et sur les logiques d’investiture, dissocient la constitution des listes des enjeux programmatiques. Or l’interdépendance de ces deux logiques apparaît pourtant clairement, se jouant essentiellement à deux niveaux.
28Premièrement, il s’agit pour les partis de recruter des candidats susceptibles d’incarner certains enjeux défendus dans le programme. Chez EE-LV les forums thématiques font office d’espaces de recrutement de nouveaux candidats qui seront porteurs de certaines propositions programmatiques. C’est en organisant des forums sur la transition économique avec des syndicalistes locaux ou des personnalités mobilisées autour des fermetures d’usines dans la région que certaines de ces personnes mobilisées se retrouvent sur les listes.
« – Boris M. il vient à ce moment là, c’est l’ancien avocat de l’usine F.P., l’avocat rouge, c’est un peu l’avocat des ouvriers, l’avocat des plans sociaux, voilà, celui qui dénonce les patrons voyous qui abandonnent les outils de travail et les ouvriers après avoir pollué.
– Donc lui c’est typiquement quelqu’un qui arrive à travers ces forums.
– Oui, lui, il faisait pas du tout de politique avant. Il avait des potes au PS c’est tout, il n’était pas écolo, il l’est devenu, parce qu’on est allé le chercher en disant “on a besoin de gens comme toi pour discuter de ça”.
– Comment il le prend au départ ?
– Bah, on était un peu malin quand même, on expliquait qu’on avait besoin de leur expertise, on n’a pas dit : “viens, ça va faire joli sur la photo”, mais on a expliqué qu’on avait besoin de ces expertises là33. »
29La présence lors de ce forum de « l’avocat rouge » est emblématique du lien qui existe entre organisation d’un forum autour d’un enjeu de campagne et recrutement d’un candidat à l’expertise mobilisable sur cet enjeu. L’acceptation de la seconde place sur la liste EE-LV par cet avocat « très ancré à gauche » s’explique également par la distance qu’il entretient avec le PS et le PC. Comme il l’explique dans un interview au principal quotidien régional, « il n’a jamais pu adhérer au PC – “J’ai vu les chars entrer à Prague” –, estime que le PS “accompagne trop le libéralisme ambiant” ». Il se tourne vers EE-LV admettant qu’« il faut inviter la Nature à la table des négociations34 ».
30D’une manière générale, ces forums thématiques sont l’incarnation du lien entre programme et liste comme le mentionne la secrétaire régionale d’EE-LV :
« En fait c’était super bien fait, on avait le cycle des forums et à chaque fois on sortait un document 4 pages qu’on pouvait distribuer avec des paroles d’acteurs et donc on donnait une visibilité à ces personnes là, et au final, la liste, on a essayé de mettre tous ceux qui avaient participé aux forums35. »
31Deuxièmement, l’ordre des candidats sur la liste est lié au degré de priorité des thématiques auxquelles ils sont associés. L’exemple de Majdouline Sbai, future vice-présidente, chargée de la coordination du projet chez les Verts, membre de l’université populaire de Roubaix, et très impliquée dans le milieu de l’éducation populaire, est significatif des liens entre thématiques politiques et constitution des listes. Tête de liste pour le Nord, elle se verra d’office assignée à la politique de citoyenneté. Elle obtiendra la vice-présidence au lendemain du second tour alors même qu’elle aurait préféré l’agriculture, selon ses propos en entretien36. Cette identification à une thématique donnée est donc davantage le fruit du processus d’investiture mis en place par le parti que du choix des candidats eux-mêmes. La thématique agricole donne quant à elle lieu à un autre jeu. Jean-Louis Robillard, membre de la confédération paysanne, proche des Verts et déjà présent en position non éligible sur la liste lors des élections régionales de 1992, se retrouve tête de liste EE-LV pour le Pas-de-Calais. Sa présence en tant que tête de liste, largement plébiscitée par les militants, amènera le parti à demander la vice-présidence Agriculture lors des négociations à l’entre-deux-tours.
32Finalement, si des enjeux de politiques publiques font l’objet d’un affichage fort sur le programme, c’est aussi parce qu’ils sont portés par des membres influents du parti. Le jeu des nouveaux entrants dans le parti amène celui-ci à sélectionner en son sein des candidats qui, au regard de leur trajectoire, sont à même d’être des porte-paroles crédibles d’une thématique. Il existe dès lors un jeu de transaction entre identification d’une thématique comme message politique et identification d’un candidat porte-parole. Cette transaction amène le parti à négocier la vice-présidence attenante pour séduire ces nouveaux candidats.
33Pour autant, si ces deux activités apparaissent encastrées avant le premier tour, la lutte des places semble à l’entre-deux-tours écrasante au regard des enjeux programmatiques.
L’entre-deux-tours : liste d’enjeux ou enjeux de listes ?
34« Sinon tout se fait, tout, entre le mercredi et le dimanche soir37… Mais tout. On parle de places… surtout de places », nous confie un des participants aux négociations pour le PS. Ce moment-clef de la négociation électorale voit le cercle des participants à la négociation se resserrer. Si ces derniers s’accordent sur l’enjeu de l’entre-deux-tours – les places – ils décrivent la plupart du temps ce moment de l’élection comme la mise en application d’une règle comptable, mathématique. Or à y regarder d’un peu plus près, l’analyse montre que cette règle reste très théorique et qu’elle s’imbrique avec d’autres38. Par ailleurs, c’est bien ici que se fait sentir avec force un des effets du mode de scrutin à deux tours où l’urgence de l’entre-deux-tours constitue le révélateur de ce qui fait enjeu pour les acteurs.
La proportionnelle au second tour : règle du jeu et jeu sur la règle
35À l’issue du premier tour, le rapport de force n’est évidemment pas égalitaire. Dans notre cas la liste socialiste a recueilli 29,16 % des voix contre 10,34 % pour EE-LV derrière – respectivement – le Front National, l’Union pour un Mouvement populaire et le Front de Gauche. La règle de la proportionnelle s’affiche alors comme point de départ de toute négociation. Si le nombre des postes obtenus par le parti minoritaire sur la liste commune respecte la règle proportionnelle au regard des résultats du premier tour, dans notre cas chaque parti reste ici souverain sur l’ordre de ses propres candidats dans les limites fixées par la loi sur la parité. Néanmoins, au-delà de la liste, se joue à ce moment-là la répartition des postes du futur exécutif. Si le PS a besoin des Verts pour composer une majorité, il garde la main sur les compétences « propres » de la Région. À titre d’exemple, les compétences liées au développement économique ou aux transports, deux compétences lourdes parce qu’à gros budgets, ne seront jamais négociables39.
36Le nombre de postes dans l’exécutif se fait par pondération : si un secteur d’action conséquent est confié au parti minoritaire, cela peut impliquer la diminution du nombre de ses postes stratégiques par ailleurs.
« Après (le contrat de mandat) ça se négocie à la proportionnelle. On a négocié par exemple la prime majoritaire. Est-ce qu’on la répartit entre nous ou est ce qu’elle est que pour le PS ? C’est un calcul comptable. Est-ce qu’on applique la proportionnelle ou est ce que si on a une délégation importante pour notre projet et pour la région en termes de compétence et de budget du coup on néglige autre chose ? Ou encore, je vous la fais un peu caricaturale, mais c’est un peu : “On fait 10 %, on a dix élus”, “on pèse autant, on réclame autant quoi”40. »
37La discussion entre les partis donne lieu à la construction de principes comptables sui generis ayant pour objet la répartition des postes. Si la proportionnalité constitue une règle, elle ouvre le jeu à d’autres négociations en vue de lui donner un contenu. Le calcul prend alors autant en compte la répartition du nombre de sièges au sein de l’assemblée régionale que le nombre de vice-présidences et le poids politique qui leur est associé. Par ailleurs, au niveau des régionales, la négociation peut également se traduire par un échange stratégique autour d’autres élections, comme l’explique Majdouline Sbai :
« Par exemple ça a été “On ne rentrera pas en négociations tant qu’on ne réglera pas le problème de Deuchin41.”
- C’est quoi le Problème de Deuchin ?
- Le problème de Deuchin c’était que le Maire refusait de laisser entrer les Verts au Conseil Municipal et tant que ça c’était pas réglé on a dit… voilà42. »
38Selon un des responsables du PS, ce sont les socialistes qui ont « habitué43 » les Verts à faire entrer d’autres négociations dans le cadre des négociations des postes aux régionales. Un avantage laissé aux Verts pour cette élection peut par exemple se traduire par une concession qui leur sera demandée pour une élection prochaine.
Les jeux comme enjeux et la relégation du programme
39La consécration de cette répartition réglée des postes se formalise à travers la rédaction d’un « contrat de gestion » ou « contrat de mandat ». Sorte de feuille de route commune, ce document de deux pages identifie les thématiques communes, et les acteurs pressentis pour porter chaque thématique. Il n’aborde pas réellement le contenu de ces thématiques et se compose de lignes très générales. Ce document marquant le consensus des deux listes est bien entendu basé sur les programmes des deux partis. Il n’en constitue pas moins une forme de relégation du programme puisqu’il découle en réalité de la négociation des places.
40De fait, le compromis donnant lieu au contrat de mandat et la négociation des places durant l’entre-deux-tours vont de paire. Ils se préparent en interne, et se concluent en réunion en présence des deux partis. Comme l’explique Majdouline Sbai :
« On est en réunion avec le PS, en gros avec ceux qui sont éligibles plus certains responsables qui ont l’expérience de ce genre de choses. On se réunit et on reste en conclave pendant trois ou quatre jours. Très sincèrement, le contrat de mandat a été rédigé comme ça, sur un coin de table sur mon ordinateur avec trois personnes qui se disent “qu’est ce qu’on fait ? T’as oublié ça…” et en même temps, on est tellement dedans qu’en deux minutes c’est fait. Et puis derrière, on a déjà toutes les réunions qu’on avait faites, les débats, les choses listées. On a eu des débats très vifs sur les contenus et les responsabilités avec “oui, untel il faut absolument qu’il ait des responsabilités, c’est important…” en fonction de tel équilibre géographique et idéologique. […] si on dit qu’on veut la santé ou l’aménagement du territoire, on sait qu’on pense à des gens derrière44. »
41Ce huis clos inclut les têtes de liste et/ou les responsables du parti. Il se fait sur un mode de va-et-vient entre ce qui se décide dans ce cadre fermé et l’approbation du premier cercle des militants (futurs élus et ceux qui bénéficient d’une expérience de ce genre de procédés qui sont souvent eux-mêmes des anciens élus). La présence des acteurs les plus professionnalisés des deux partis à ce stade confirme que les places constituent l’objet central de la négociation. De plus la rapidité avec laquelle les postes sont négociés montre que la physionomie de l’exécutif est bien plus anticipée que les acteurs ne le laissent entendre en entretien.
42Par ailleurs, cette préséance de la négociation des places sur les programmes est également la conséquence du mode de scrutin à deux tours. En effet une fois que ces négociations ont eu lieu, les techniciens des fédérations de chaque parti effectuent un travail de mise en conformité de la liste au regard des critères réglementaires, et ceci dans des délais très courts. La fin de l’élection ne signifie d’ailleurs pas le retour à une négociation sur le contenu programmatique. Au lendemain du second tour, après l’obtention des résultats finaux, les responsables des fédérations du Nord et du Pas-de-Calais se réunissent dans le bureau de la tête de liste, président sortant. Sortant avec une « feuille de route », ils savent qu’ils ont peu de temps pour négocier. L’importance de cette « négociation de marchands de tapis45 » est jugée au résultat pour les deux principales parties prenantes. C’est ce qu’un responsable fédéral socialiste nous confirmera une fois le dictaphone éteint :
« Enfin, c’est un peu comme au souk, quand on en sort, on aime pas avoir la sensation de s’être fait avoir […] et puis, en 2010, Martine Aubry (la secrétaire nationale du PS, ndlr), nous a reproché d’avoir donné trop de place aux Verts, de nous être fait avoir, alors que nous on n’était pas d’accord avec ça46… »
43Le programme ne constitue donc pas en soi un objet de négociations. Néanmoins cette négociation sur la répartition du pouvoir au sein de la coalition ne se fait pas totalement en dehors d’une négociation autour des secteurs d’action publique47 que chacune des formations partisanes veut pérenniser, voire développer. Pour autant, ces secteurs, s’ils sont nommés dans les professions de foi et évoqués dans les accords de gouvernement, ne sont définis que de manière extrêmement floue – l’imprécision des matières précises qu’ils recouvrent permet de jouer par la suite sur la labilité de certains intitulés – et sont peu dotés en ressources48. Finalement le « secteur49 » constitue en quelque sorte la seule monnaie d’échange pratique qui relève de l’action publique – une monnaie dont le montant serait néanmoins indéterminé. L’obtention de ressources financières et administratives donnant lieu à un jeu permanent qui constitue le principal objet de négociation une fois la coalition installée.
44La négociation de l’action publique est un processus permanent de compromis entre les différents partis d’une coalition dont l’enjeu varie en fonction de la séquence concernée. La rédaction du programme constitue un de ces enjeux.
45À l’issue de notre enquête, qui mériterait de larges approfondissements à portée comparative, notamment pour objectiver la part de spécificités de notre cas d’étude (institutionnalisation de la coalition, rapport spécifique du PS et d’EE-LV, territoire régional spécifique), nous pouvons dire que le mode de scrutin ne constitue pas une variable explicative pour elle-même. S’il façonne d’une certaine façon les espaces et les moments de négociations électorales, il permet surtout dans le cas d’une élection à deux tours de révéler d’autant plus nettement les enjeux de la négociation que la période où elle se joue est courte.
46L’urgence dans laquelle se fusionnent les listes et s’accordent les positions programmatiques à l’entre-deux-tours laissent entrevoir la manière dont les postes structurent la négociation. Les transactions autour des programmes laissent donc la place à la fabrique du futur exécutif. Celui-ci fait d’une certaine manière office de programme. Pour prolonger cette analyse, il faudrait néanmoins questionner davantage le choix des prétendants à l’exécutif et notamment le lien entre ce choix partisan et les propriétés sociales des acteurs désignés.
Notes de bas de page
1 Voir Riker W.-H., The Theory of Political Coalitions, New Haven, Yale UP, 1962 ; Axelrod R., Conflicts of Interests. A Theory of Divergent Goals with Applications to Politics, Chicago, Markham, 1970 ; De Swaan A., Coalition Theories and Cabinet Formation, Amsterdam, Elsevier, 1973 ; voir également le Comparative manifesto project de l’ECPR. Pour des approches critiques de ces travaux, voir les ouvrages récents suivants : Timmermans A., High Politics in the Low Countries : An Empirical Study of Coalition Agreements in Belgium and The Netherlands, Aldershot, Ashgate, 2003 ; Strøm K., Muller W. C. et Bergman T. (ed.), Cabinets and Coalition Bargaining, Oxford, Oxford UP, 2006. Pour une recherche française déjà ancienne voir Lacorne D., Les Notables rouges. La construction municipale de l’union de la Gauche. Paris, Presses de la FNSP, 1980.
2 Brouard S., Partis politiques et politiques publiques dans les gouvernements locaux. Thèse de science politique, IEP de Bordeaux, 1999 ; Fertikh K., Le Congrès de Bad Godesberg. Contribution à une socio-histoire des programmes politiques, thèse de science politique, EHESS, 2012.
3 Bué N., Desage F., « Le “monde réel” des coalitions. L’étude des alliances partisanes de gouvernement à la croisée des chemins », Politix, 88, 2009, p. 9-37.
4 Voir Bué N., Négociation des alliances et maintien d’une prééminence partisane : l’Union de la Gauche à Calais (1971-2005), thèse de science politique, Lille 2, 2006.
5 L’appellation « Europe Écologie » est utilisée dès 2009 dans le cadre d’une stratégie de rassemblement des différentes familles écologistes. Lors de l’assemblée générale des Verts en décembre 2008 est confirmée la possibilité d’ouvrir les listes écologistes à des candidats non membres des Verts. Le score élevé des listes « Europe Écologie » lors des européennes de 2009 amène alors à l’institutionnalisation de ce mouvement d’élargissement du parti. C’est ainsi qu’Europe Écologie-Les Verts est fondé officiellement lors des Assises constituantes de Lyon le 9 novembre 2010. Voir les travaux en cours de Vanessa Jérome.
6 La question d’une négociation à l’entre-deux-tours ne se pose qu’à partir de 2004 suite à la réforme du mode de scrutin qui instaure un scrutin de liste à deux tours. Les listes communes au deuxième tour sont dès lors d’usage entre ces deux partis.
7 Le recours à l’entretien s’impose ici par la quasi-absence de traces écrites et parce que nous concentrons l’analyse sur une des scènes particulièrement cachées de l’élection où seuls les élus et militants les plus centraux du jeu ont accès. Notre présence sur le terrain sur le temps long – les acteurs interrogés font partie de nos terrains de thèse – a permis d’établir une relation de confiance qui nous a permis de recueillir des données souvent sous le registre de la confidence. Il s’est agit d’une certaine manière de faire de nécessité vertu, non de faire de l’entretien une méthode mobilisée par « réflexe ». Voir Bongrand P. Laborier P., « L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ? », Revue française de science politique, vol. 55, 1, 2005, p. 73-111.
8 Plus précisément, une dizaine d’entretiens avec des élus sortants, des nouveaux entrants en politique et des cadres des différents partis (un responsable du programme socialiste, un responsable fédéral du même parti, la responsable régionale des élections d’EE-LV) et des documents ou archives recueillis auprès de nos enquêtés ou sur internet (programmes, accords de coalition, communiqués de presse, notes internes). Par ailleurs, nous avons respecté l’anonymat des personnes non élues interrogées pendant l’enquête, ces derniers nous l’ayant la plupart du temps demandé.
9 Par « coalition de gouvernement », nous entendons « l’instauration d’une alliance notoire – i. e. publique et publicisée par ses protagonistes – et durable entre des groupes partisans pour gouverner une institution, qui se traduit par une participation conjointe à un exécutif ». Bué N., Desage F., art. cité, p. 10.
10 Bué N., op. cit., p. 267-269.
11 Nous nous limitons ici aux négociations de premier tour et d’entre-deux-tours.
12 La notion de règle renvoie ici aux prescriptions que suivent les acteurs. Il s’agit tant de règles prescrites en dehors par les institutions étatiques (par exemple la parité) qu’en dedans par les partis eux-mêmes (il s’agit la plupart du temps de pratiques régulières qui tendent à devenir des prescriptions informelles que les acteurs s’imposent).
13 Entretien, permanent socialiste chargé des élections régionales, mars 2011. Il s’agit pour la plupart d’élus sortants ayant exercé des responsabilités dans l’exécutif lors du mandat précédent.
14 Ibid.
15 Entretien militant écologiste, élu municipal, juin 2010.
16 Entretien cité, permanent socialiste.
17 Entretien secrétaire régionale d’EE-LV, responsable des élections régionales, décembre 2012.
18 Entretien cité, permanent socialiste.
19 Programme du PS, p. 8.
20 Ce blocage est reporté dans une note relatant une réunion de l’exécutif autour des désaccords au sein de la coalition datant du 16 janvier 2006.
21 Entretien cité, permanent socialiste chargé des élections régionales.
22 Cela renvoie d’ailleurs à la pratique, propre aux Verts, de bilan de mi-mandat, qui alterne présentation des avancées « dues aux écologistes » et critique douce de l’allié socialiste.
23 À la page 25 du programme d’EE-LV, un encadré appelle à la « fin de la démesure » à propos de 3 grands projets en cours de réalisation : l’agrandissement d’une infrastructure portuaire, la construction d’un terminal méthanier et la construction d’un incinérateur. Ce dernier projet est caractéristique de la logique de distinction dans laquelle s’inscrivent les écologistes. Dans la Voix du Nord, l’enjeu de l’incinérateur devient un argument de campagne en faveur du parti écologiste : « Vient alors la question de l’accord pour le second tour des régionales entre Europe Écologie et le PS alors que Daniel Percheron a donné son feu vert à Flamoval. » Thierry Willaey qui répond : « C’est de la responsabilité des électeurs de donner le plus de poids possible à Europe Écologie pour que l’on puisse peser dans la balance pour que ni l’Europe, grâce à nos euro députés, ni la Région n’accordent de crédits à ce projet. » (sic). La Voix du Nord, édition de la métropole lilloise, 2 mars 2010.
24 Notre chapitre n’aborde que très peu la question des désaccords intra-partisans. Il ne faut pourtant pas y voir de notre part la volonté de concevoir les partis comme des entités monolithiques où les conflits n’existeraient pas mais plutôt un effet produit par notre méthode d’enquête s’appuyant essentiellement sur des entretiens et des archives.
25 Il faut cependant noter que la parité donne souvent lieu à la réactivation des stéréotypes genrés : voir Achin C. et alii (dir.), Sexes, genre et politique, Paris, Economica, 2007.
26 Mathiot P., « “Faire la liste” : entre règles du jeu et jeux avec les règles », Lagroye J., Lehingue P., Sawicki F. (dir.), Mobilisations électorales. Le cas des élections municipales de 2001, Paris, PUF, 2005.
27 Nay O., « Les règles du recrutement politique. Pour une approche institutionnaliste de la sélection politique », Politix, no 44, 1998. p. 161-190.
28 Cette règle a été édictée au niveau national.
29 Entretien secrétaire régionale d’EE-LV, responsable des élections régionales de 2010, décembre 2012
30 Par ailleurs, il faut également comprendre que la constitution des listes au niveau régional n’est pas totalement désencastrée d’enjeux politiques locaux. Comme nous l’explique un cadre écologiste, il arrive régulièrement que le placement de candidats issus de mouvances minoritaires du parti soit une monnaie d’échange pour sanctuariser des circonscriptions électorales pour des représentants d’autres courants dans le cadre d’autres élections.
31 Entretien cité, secrétaire régionale d’EE-LV.
32 Nay O., art. cité, p. 180.
33 Entretien cité, secrétaire régionale d’EE-LV.
34 « [Boris M.], 58 ans, numéro 2 d’Europe Écologie, “pessimiste actif”. » La voix du Nord, 10 février 2010. Édition de Marcq-en-Baroeul.
35 Entretien cité, secrétaire régionale d’EE-LV.
36 Cette identification entre candidats éligibles et postes de vice-présidents n’est d’ailleurs pas exempte de tensions au sein même d’EE-LV. Il s’agit en effet d’arbitrer entre élus sortants ayant porté une problématique lors du mandat précédent et nouveaux entrants identifiés comme porteurs d’un enjeu particulier dans le choix des « vice-présidences à négocier » (cf. Entretien cité avec Majdouline Sbai).
37 Ceux qui suivent le premier tour.
38 Sur tous ces aspects, les règles de la négociation régionales rejoignent celles des négociations municipales : Lacorne D., op. cit. ; Bué N., « Le nombre de places », Mots, no 100, 2012, p. 91-106.
39 Si le budget que représente une compétence est un indicateur pertinent pour comprendre ce que le PS – en position majoritaire – accepte de négocier ou non, les vice-présidences ayant pour objet la gestion concrète de l’institution (personnel, budget) relèvent également du domaine réservé du PS.
40 Entretien cité, Majdouline Sbai.
41 Le nom de la ville a été ici anonymisé. Il s’agit d’une ville de taille moyenne appartenant à une des grandes agglomérations de la région.
42 Entretien cité Majdouline Sbai.
43 Entretien, responsable fédéral socialiste, décembre 2012.
44 Entretien cité, Majdouline Sbai.
45 Entretien cité, responsable fédéral socialiste.
46 Ibid.
47 Comme le rappelle Pierre Muller, l’utilisation de la notion de « secteur » est problématique en science politique mais relève d’un « impensé indispensable ». Si cette critique peut être faite pour les scientifiques, elle n’est pas loin de l’usage qui en est fait par les acteurs observés, c’est-à-dire un usage nécessaire mais qui enferme en lui-même toute la complexité de la négociation postérieure. Voir la notice « secteur » dans Boussaguet L., Jacquot S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques. Paris, Presses de Sciences Po, 3e ed., 2010.
48 La négociation de la dotation et de la répartition des ressources attachées à un poste exécutif est un travail permanent qui se joue entre partis de la coalition mais également entre membres d’un même parti. À titre d’exemple un dispositif d’action publique nommé fond de participation des habitants et son budget historiquement rattaché à la vice-présidence à la citoyenneté a été « récupéré » par la vice-présidence à la démocratie participative en cours de mandat.
49 Si l’on a parlé ici essentiellement des vice-présidences, ces secteurs peuvent également être négociés à travers des commissions thématiques spécifiques. C’est ainsi que le président du groupe des Verts, refusant une vice-présidence, s’est vu attribuer la présidence d’une commission thématique sans vice-présidence sur la « transition économique, sociale et environnementale ».
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