5. Les glissements d’une offre programmatique sectorielle : les « privatisations » dans la campagne socialiste de 1997
p. 99-112
Texte intégral
1L’étude des programmes telle qu’elle s’est progressivement constituée au sein de la science politique est encore peu diversifiée : elle se réduit très largement aux analyses statistiques élaborées dans le sillage de l’approche développée au sein du Comparative Manifesto Project depuis 19791. Cette approche consiste, dans une perspective comparative, à localiser les positions des partis politiques de nombreux pays sur un axe gauche-droite. Les programmes sont appréhendés comme un indicateur des évolutions des partis dans l’espace de la compétition politique. Ce prisme d’analyse, outre qu’il pose de redoutables défis méthodologiques, a conduit à « refroidir » le texte programmatique : celui-ci est moins pris pour objet que comme support à l’analyse des positions des partis politiques. Ce sont moins les opérations complexes qui sont au principe de la confection comme des usages des programmes que la manière de transformer les textes en indicateurs sériels qui suscite l’intérêt des chercheurs. Ce faisant, l’approche dominante des programmes électoraux s’interdit de saisir deux dimensions essentielles. En premier lieu, elle décrit davantage qu’elle n’explique l’évolution dans le temps des prises de positions partisanes sur les différents enjeux de politiques publiques. Si elle retient une acception relationnelle des positions des différents partis, l’approche statistique s’interdit en effet de dégager les principes explicatifs de la stabilité et/ou des changements dont elle rend compte pour chacun de ces partis. En second lieu, elle ne restitue pas les appropriations différenciées des textes programmatiques de la part des agents qui les endossent. L’outillage méthodologique mobilisé ne permet pas d’appréhender finement la circulation du contenu d’un programme et les luttes visant à stabiliser une signification légitime de celui-ci. Dès lors qu’elles s’interdisent d’étudier les auteurs et les porteurs des textes programmatiques, les analyses regroupées derrière le Comparative Manifesto Project ne constituent donc pas une sociologie politique des programmes.
2À rebours de ces analyses hors-sol, notre position de recherche invite à appréhender l’offre programmatique au-delà du programme stricto sensu et à englober toute une série de textes secondaires (production des organes spécialisés du parti, presse interne, interventions médiatiques des responsables partisans) qui constituent la trame par laquelle se produit le sens de cette offre. L’analyse porte sur les logiques de fonctionnement internes à l’espace partisan, en même temps qu’elle prend en compte la configuration électorale et institutionnelle dans laquelle les programmes s’énoncent et s’interprètent. Cette contribution se propose également de rendre compte de l’interpénétration des différentes séquences temporelles (production, officialisation et mobilisation du programme) et de souligner que celles-ci ne s’éclairent qu’à la condition d’élargir l’analyse à une temporalité qui excède la seule campagne électorale2. Seule la combinaison de ces deux dimensions, synchronique et diachronique, permet de restituer dans toute leur profondeur les espaces de production au sein desquels s’inscrivent les programmes3. On souhaite déplacer l’angle d’analyse des programmes, depuis l’existence et le contenu des textes vers les conditions de production desdits textes. En réinsérant les programmes dans la trame des écrits et discours partisans, on entend ainsi rapporter la plasticité relative des idées défendues par les partis au champ de luttes dont elles procèdent.
3Dans cette perspective, nous assumons le choix de resserrer la focale autour d’un parti particulier, d’une seule campagne électorale et d’un unique enjeu de politique publique. En prenant pour cas d’étude la définition et la mobilisation du « secteur public » par le Parti socialiste à l’occasion des élections législatives de 1997, on cherche à recontextualiser la trajectoire d’un segment très circonscrit d’une offre programmatique partisane. Ce segment de l’offre paraît intéressant en ce qu’il semble enfermer une forme de paradoxe : alors que le secteur public constitue un attribut important de la marque « socialiste4 », il fait l’objet, en 1997, d’importantes luttes autour de sa redéfinition qui aboutissent à sa remise en cause. Thème unificateur pour les militants et les sympathisants se réclamant des principes défendus par le PS, le secteur public représente l’un des principaux marqueurs de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 19815. De ce point de vue, l’opposition aux « privatisations » affichée dans le programme présenté par le parti lors des élections législatives de 1997 ne devrait donc a priori pas surprendre. Le déroulé de la campagne amène pourtant un scénario que le texte programmatique ne permet pas d’anticiper. Alors que le secteur public est d’abord constitué en support de la controverse électorale que le PS cherche à nouer avec la droite, il fait par la suite l’objet d’une remise en cause de la part d’une importante fraction des élites socialistes, porteuse d’une vision « moderniste » des entreprises publiques. Cette remise en cause, empruntant des canaux médiatiques qui échappent pour partie aux règles du jeu partisan, constitue un indice probant de ce que les programmes figurent moins une vitrine transparente des préférences partisanes qu’ils ne matérialisent un compromis textuel aussi ambigu que temporaire6.
4Pris sous cet angle, le texte programmatique du Parti socialiste doit être appréhendé comme la trace d’une séquence particulière où se donnent à voir – sans toutefois qu’ils se donnent immédiatement à lire – les rapports de forces entre différentes fractions partisanes. Par-delà le texte lui-même, la campagne dessine une zone de tension où se confrontent trois principes de structuration de l’offre programmatique : la logique partisane incite les dirigeants socialistes à épouser momentanément les contours de la culture traditionnelle du parti sur les questions de secteur public. Ce premier principe interne est redoublé par les ressorts de la compétition électorale, qui conduisent à retraduire en enjeu de controverse le bilan gouvernemental de la droite en matière de privatisations. Néanmoins, ces deux logiques sont finalement contredites par les dispositions intellectuelles et cognitives de plusieurs membres importants de la direction du PS favorables à la poursuite des politiques de privatisation. À rebours des représentations communes, la campagne apparaît en définitive comme une ressource pour une coalition de dirigeants socialistes qui, à la faveur d’anticipations de victoire électorale, apparaît en mesure d’esquisser le programme réformateur qui sera tenu dans le cours du mandat.
Un contrat sous contrainte
5Le programme électoral socialiste pour les élections législatives est présenté le 2 mai 1997, sous la forme d’un texte de seize pages, organisé en quatre sections, imprimé à 10 millions d’exemplaires. Il résulte à la fois des textes produits à l’occasion des trois conventions thématiques organisées l’année précédente et du travail réalisé sous la coordination de Pierre Moscovici suite à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac, le 21 avril 1997. Un point de la deuxième partie intitulé « Rénover les services publics. Stopper les privatisations » énonce :
« Sécurité, éducation, transports, santé, poste, télécommunications : ces services publics doivent être garantis à tous les Français. Nous considérons que “le service public à la française” est un exemple. Nous refusons la privatisation des services publics et leur transformation en objet de profit7. »
6Cette hostilité a priori « classique » aux privatisations s’explique d’une part par un contexte social et politique propice à l’endossement d’un discours d’opposition. Il renvoie d’autre part à des règles institutionnelles et des normes militantes internes à l’organisation qui conduisent les dirigeants socialistes à mettre l’accent sur cette opposition aux privatisations.
La réactivation conjoncturelle d’un discours interventionniste
7Sous bien des aspects, la partie du programme dévolue au secteur public peut être lue comme le résultat d’une dynamique de contestation visible dès la campagne présidentielle de 19958. D’un point de vue contextuel, la campagne législative de 1997 conserve l’empreinte du mouvement de novembre-décembre 1995. À l’époque, les partis socialiste et communiste n’ont que marginalement bénéficié des effets du mouvement ; les élections de 1997 constituent dès lors un moyen de tirer profit du mécontentement populaire qui s’est alors exprimé.
8Surtout, et quoiqu’il ne faille pas surestimer la cohérence idéologique de la plate-forme adoptée à cette occasion, le choix stratégique d’un accord de « Gauche plurielle » conduit le PS à négocier avec des partis positionnés plus à gauche. De fait, la déclaration commune au Parti socialiste et au Parti communiste français réaffirme la « détermination » des deux partis « à défendre et à promouvoir en les rénovant et en les démocratisant les services publics, la fonction et les politiques publiques. La droite les brade. Elle privatise et dérèglemente. Nous nous engageons à faire prévaloir une autre orientation. Ainsi, par exemple, pour France-Télécom, Thomson, Air France, nous proposons l’arrêt des processus de privatisation9 ». En ce sens, le programme socialiste apparaît comme le produit nécessaire d’une transaction préalable entre associés/rivaux.
9Plus spécifiquement, une forme de pression médiatique est exprimée par les organisations syndicales de certaines entreprises en voie de privatisation10. À l’occasion d’un Conseil national, en mars 1996, Lionel Jospin explicite :
« Nous avons déjà marqué clairement notre opposition à la privatisation de Thomson, notre hostilité à un rapprochement Dassault-Aérospatiale, si celui-ci devait être le prétexte à la constitution d’un pôle privé de l’aéronautique française. Comme à mon sens, le principal problème dans les mois et les années qui viennent, dans l’opinion, cela sera celui de ces restructurations industrielles, il nous faudra être présent sur ce dossier11. »
10L’entrecroisement de ces différentes logiques concourt à réactiver le secteur public en tant qu’emblème partisan et support aux jeux de distinction typiques des campagnes électorales.
La confection d’une stratégie d’opposant
11Ce contexte extérieur apparaît d’autant plus prégnant qu’il entre en résonance avec les objectifs électoraux qui se définissent dans les interactions au sein du PS. D’abord, ces élections sont l’occasion pour Lionel Jospin d’éprouver le leadership qu’il a su asseoir sur la direction du Parti socialiste, et qui procède notamment d’une stratégie de réhabilitation symbolique de la capacité de l’État à réguler le secteur économique12. C’est notamment dans cette perspective qu’ont été pensées les principales propositions contenues dans le programme : 35 heures, 700 000 emplois jeunes, CMU etc.
12Ensuite, la confection du programme électoral consiste pour une large part dans la reprise des textes élaborés dans le cadre de trois Conventions thématiques tenues en 199613 et plus particulièrement, pour le secteur public, de la Convention sur l’emploi qui se tient les 14 et 15 décembre à Noisy-le-Grand. Ce texte, dans une phase de reconfiguration du leadership partisan qui conduit Lionel Jospin à mettre en scène son rapprochement avec « la base », présente la particularité d’être soumis au vote des militants14. Celui-ci fonctionne relativement comme une instance de contrôle des textes préparatoires au programme. Il renforce la nécessité pour les auteurs de se conformer aux attentes qu’ils jugent les plus classiques du point de vue de la culture de l’organisation15. En outre, le fonctionnement des conventions demeure conditionné dans une mesure non-négligeable par la logique des concurrences entre courants. On peut ainsi faire l’hypothèse que le choix de présenter les amendements au texte soumis au vote comme alternatifs – et donc non complémentaires – à celui-ci, en même temps qu’il permet d’évincer certaines orientations jugées indésirables par la direction, conduit en retour à trouver des points d’accord en amont de la présentation de ce texte. Ceci peut contribuer à expliquer que l’arbitrage rendu ait été favorable aux positions les plus « étatistes16 », alors représentées par une coalition regroupée au sein du courant « Gauche socialiste17 ».
« La réalité c’était, y’avait un accord général. La réalité c’était que Strauss-Kahn18, qui est un entre guillemets cynique, quand je lui disais “je suis pas d’accord, on va faire un amendement”, il disait “je vais pas vous laisser faire 60 % à la veille des élections législatives sur un sujet, ça vous survaloris[er]ait”. Quand je le menaçais sur un sujet où il savait que le Parti voterait comme un seul homme dans notre direction, eh bien à partir de là il cédait. C’est comme ça qu’il a accepté les 35 heures sans perte de salaires, c’est comme ça qu’il a accepté l’histoire de France Télécom, c’est comme ça qu’il a accepté les emplois jeunes […]. On n’avait pas tellement besoin de se battre, parce qu’il y avait une espèce de… Les conventions qu’on avait faites avant servaient de rapport de force, et il savait assez justement où est-ce qu’il se planterait la figure ou pas19. »
13Ces différents éléments se conjuguent pour former un cadre normatif à la fois structuré par les intérêts électoraux et contraint par la nécessité de se conformer à une forme d’héritage emblématique. En incitant les dirigeants du Parti socialiste à endosser une ligne « volontariste » censée se démarquer tant de l’héritage le plus récent du mitterrandisme que d’une droite convertie au néo-libéralisme, ce cadre a eu pour effet d’alimenter la logique de position qui configure le discours politique20. De fait, dans Vendredi puis dans L’Hebdo des socialistes, on trouve régulièrement un discours critique envers les « effets néfastes du marché21 », et la nécessité concomitante de laisser à l’État la possibilité de définir sa propre stratégie industrielle. La critique alors développée par les socialistes est généralement articulée autour de trois arguments principaux : les privatisations décidées par la droite ne correspondent pas à une stratégie industrielle explicite et réfléchie ; ces privatisations visent essentiellement à financer le déficit creusé par une gestion « catastrophique » des finances publiques ; les opérations de cessions d’actifs font peser de lourdes menaces sur l’avenir de l’emploi. Le dossier France Télécom22, et plus largement la question des privatisations, sont appropriés et portés de telle manière qu’ils constituent un enjeu politique23. Il reste que dès cette époque, certains signaux indiquent que le discours défendu publiquement ne fait pas l’unanimité au sein de la direction du Parti.
Les équivoques de l’offre discursive
14L’étude du programme ne peut s’aplatir sur le simple contenu d’un texte dont il serait possible d’extraire un sens unanimement partagé par les agents. Elle doit en effet appréhender le texte sur un mode dynamique, en l’articulant à un ensemble de productions secondaires qui d’une part le précèdent et le conditionnent, et qui peuvent d’autre part en modifier les interprétations. C’est là tout l’intérêt d’élargir le corpus d’analyse dans deux directions : d’abord, en amont de l’officialisation du texte, à la production routinière des positions partisanes sur le sujet24 ; ensuite, en aval du programme, aux interventions médiatiques d’exégètes que certaines propriétés spécifiques autorisent à délivrer les interprétations légitimes du texte.
Silences du discours et rhétorique gestionnaire
15Dès lors que l’on prête une attention particulière aux non-dits, aux silences des discours tenus en 1996-1997, l’affichage d’une opposition aux politiques de droite paraît affecté d’une série d’ambiguïtés. On relève ainsi que si l’opposition aux privatisations est aussi clairement que régulièrement affichée, elle ne s’accompagne jamais de l’engagement à revenir sur les opérations engagées par la droite. Hormis pour le cas de France Télécom, il n’a jamais été question de racheter les actifs que la droite avait choisi de mettre sur le marché. Cette prudence paraît d’autant plus manifeste qu’il est particulièrement difficile de trouver, sur cette période, un texte qui fige le détail de la doctrine du PS tant en matière de secteur que de services publics. Hormis le rappel rituel selon lequel le « service public est un facteur d’égalité entre les Français », on ne trouve pas de texte ou de déclaration qui permette de saisir les orientations ou le programme d’action publique défendus par le PS.
16L’analyse des styles rhétoriques déployés à l’époque révèle également la prévalence d’un dispositif argumentatif de type gestionnaire. Les privatisations conduites par la droite sont moins combattues dans leur principe que sur la base des opérations financières qu’elles recouvrent. Tantôt le déficit public est accusé d’être financé par des cessions d’actifs25 elles-mêmes jugées « précipitées », tantôt le prix de cession des entreprises est jugé trop inférieur à leur valeur réelle – en particulier pour Thomson Multimédia, que le gouvernement Juppé prévoyait de céder au franc symbolique26. La question de l’emploi n’est elle-même développée que dans des termes très généraux, d’un point de vue surplombant qui s’en tient à la comptabilisation du nombre de suppressions d’emplois en jeu. Entre 1995 et 1997, parmi les 51 textes repérés dans la presse interne et dans lesquels figure le terme « privatisations », seuls trois relient directement ces dernières à la figure du « salarié27 ».
Une dynamique de ravalement des engagements programmatiques
17La dynamique de campagne révèle de surcroît la construction progressive de ce que signifie « arrêter les privatisations ». Ainsi, alors que depuis deux ans les positions du Parti socialiste convergent pour annoncer « l’arrêt des privatisations » en cas de victoire, la fin de la campagne législative de 1997 voit surgir des discours publics émanant de leaders de l’organisation, qui viennent concurrencer les positions initialement arrêtées. Le 6 mai 1997, soit quatre jours à peine après l’officialisation du programme et moins de trois semaines avant le premier tour des élections, François Hollande, alors porte-parole du parti, annonce dans le journal La Tribune-Desfossés que s’il n’est pas question de toucher au capital de France Télécom, et si la privatisation d’Air France est « repoussée », il est tout aussi exclu de procéder à une quelconque renationalisation d’entreprise. Plus encore, dans le cas des « entreprises du secteur concurrentiel, qui ne concourent pas à une activité d’intérêt général, où la participation de l’État n’est plus nécessaire, c’est le pragmatisme qui doit nous guider28 ». L’« arrêt des privatisations » devient : « Nous voulons mettre un coup d’arrêt à certaines privatisations29. » Si dans un premier temps ces déclarations suscitent le désaveu de Lionel Jospin, qui refuse de s’écarter de la ligne qu’il a fixée30, on apprend le 21 mai – soit quatre jours avant le premier tour – que « de nombreux dirigeants du PS tendent, en effet, à considérer que les missions de service public de France Télécom ne seraient en rien remises en question si la participation de l’État, tout en restant majoritaire, n’était plus de 100 %31 ». Lionel Jospin lui-même « n’exclut pas que le personnel de France Télécom puisse être – maintenant d’accord avec le processus engagé de distribution de capital – et estime, pour la première fois, qu’il faudra le consulter32 ». Dès la fin de la campagne électorale, il est ainsi clair que l’entourage proche du Premier secrétaire du Parti socialiste a renoncé aux engagements tels qu’ils ont été fixés sur le programme et envisage de procéder à d’importantes opérations (privatisations partielles et ventes de participations minoritaires), avec deux objectifs : recentrer les dépenses de l’État sur les entreprises jugées les plus stratégiques, et adapter ces entreprises à la concurrence internationale en leur permettant de nouer des alliances avec des conglomérats européens.
18La restitution de cette dynamique de campagne conduit à un double enseignement. D’un point de vue méthodologique d’abord, il apparaît que pour être saisie, la lettre du programme doit nécessairement être référée aux autres textes et discours qui le complètent et/ou le concurrencent. Si le programme stricto sensu conserve l’empreinte d’un repère traditionnellement associé à l’organisation, la partie proprement discursive et médiatique de l’offre politique permet de tirer les fils des oppositions qui ont cours, à un moment donné, au sein du PS. D’un point de vue analytique ensuite, l’hétérogénéité du discours électoral ressort d’autant plus nettement que l’on s’éloigne du moment de l’officialisation d’un programme contraint par une série de dispositifs internes qui, comme les conventions, tendent à « préserver » les marqueurs classiques de l’organisation. La plasticité de l’offre programmatique (qui excède le programme stricto sensu, et dont la version la plus tardive renonce très largement aux positions arrêtées dans un premier temps) apparaît au fond à la mesure des luttes qui traversent le parti. L’offre programmatique des partis politiques n’apparaît donc pas comme la simple résultante de la confrontation plus ou moins frictionnelle entre la « culture idéologique » de ces partis d’une part, et les injonctions à maximiser les scores électoraux d’autre part. Cet angle d’analyse risquerait d’obérer les rapports de force internes, qui sont parfois plus vivaces et structurants que la tension opposant l’ordre doxique à la volonté stratégique de diluer les référents doctrinaux. À mesure que la dynamique de campagne éloigne les prises de position officielles du contrôle par les instances délibératives du parti, la coalition de dirigeants (figures notabiliaires du parti, entourage proche du candidat, responsable du programme et porte-parole) favorables aux ouvertures de capital s’autorise à moduler les engagements stabilisés durant la phase « partisane ».
19Pour rendre raison de cette trajectoire de l’offre discursive, il est nécessaire de remonter en amont de la campagne officielle. Au sommet du PS, plusieurs dirigeants (notamment Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Édith Cresson, François Hollande ou Pierre Moscovici), qui cumulent souvent un capital notabiliaire constitué à l’occasion de leur passage en ministère et la légitimité conférée par des ressources bureaucratiques, ont défendu dès le début de l’année 1997 l’ouverture du capital de France Télécom et d’autres entreprises publiques. Cette coalition « moderniste », partisane d’une adaptation jugée optimale de l’appareil industriel français à la concurrence internationale, s’est d’abord conformée à la stratégie électorale orientée à « gauche », avant de pousser Lionel Jospin à revenir sur les engagements momentanément fixés dans le programme. L’hypothèse que l’on peut formuler est ainsi que la probabilité d’une victoire au second tour des législatives se faisant de plus en plus crédible, les principaux dirigeants socialistes ont consenti à se démarquer du discours d’opposition développé tout au long de la campagne. Car si Lionel Jospin doit jongler avec ses précédentes déclarations, il doit également tenir compte de la croyance qu’il s’est employé à développer en un PS désormais « responsabilisé », attelé à combler le fossé ayant historiquement opposé les discours d’opposition et la pratique gouvernementale. Il se trouve donc pris par les contraintes du rôle qu’il anticipe : l’imminence d’une « prise de responsabilité » lui commande d’ajuster ses prises de position aux décisions futures.
La domination d’une doxa « moderniste » ?
20On aurait toutefois tort d’aplatir les ressorts des prises de position sur les logiques de court terme qui peuvent structurer les discours programmatiques développés durant les campagnes. Rendre compte de leur épaisseur suppose de revenir sur les ressorts internes du travail idéel partisan et, partant, sur les évolutions historiques qui marquent les conceptions portées par les dirigeants socialistes en matière de secteur public. Sans qu’il soit ici possible d’entrer dans le détail, il apparaît que ce sont les principes de division du travail qui permettent d’expliquer l’autonomisation des points de vue défendus par les élites partisanes.
Une division sociale et organisationnelle du travail d’élaboration idéelle
21La revendication d’un « pragmatisme » en matière économique émane de la coalition objective que forment la plupart des hauts dirigeants présentant un profil bureaucratique modulé par le parcours Sciences Po Paris/ENA, et dont l’inscription dans différents courants – quand elle existe – ressortit peu à la promotion de visions du monde. Ce constat semble croiser les analyses sociologiques de la distribution des propriétés sociales au sein de l’organisation socialiste. Plusieurs auteurs ont déjà noté que la mutation du PS en parti de gouvernement s’était accompagnée de l’arrivée relativement massive d’un personnel ayant transité par le champ bureaucratique. Carole Bachelot, à partir d’une enquête sur les dirigeants du PS entre 1993 et 2003, souligne que c’est « bien l’appareil politico-administratif qui a pour une bonne part formé le personnel de direction du parti » ; « cette homogénéisation s’est faite sans doute au détriment d’autres filières qu’on s’attendrait à voir représentées au sein du PS33 », en particulier la filière syndicale. Les filières de l’expertise bureaucratique et du passage par un cabinet ministériel constituent ainsi deux voies d’accès prépondérantes aux cercles décisionnels socialistes.
22Quoique cette analyse mériterait de plus amples développements, il n’est pas anodin que cette double caractérisation sociale et normative contraste avec celle des autres secteurs du parti ayant produit, à la même époque, des prises de positions sur les questions de secteur et de service publics. Ces secteurs de l’organisation ont, pour leur part, la double caractéristique d’être occupés par des agents sensiblement moins dotés en capitaux scolaire et partisan, et d’abriter des points de vue critiques à l’égard des thèses « modernistes ». Au niveau du secrétariat national aux Services publics, les notes d’analyse des années 1995 et 1996 auxquelles nous avons pu avoir accès34 contiennent une vive critique des politiques de privatisation. Les risques de prédation de « l’État actionnaire », les besoins de financement des entreprises, le développement de l’actionnariat salarié et les prises de participation à l’étranger sont autant de leitmotivs « modernistes » dénoncés dans les textes. Instance de coordination du travail des différents Groupes Socialistes d’Entreprises regroupant des salariés de différents secteurs professionnels (EDF, France Télécom, RATP, SNCF etc.), le secrétariat national aux Entreprises a également exprimé ce type de positions, néanmoins desservies par la marginalisation structurelle de ce secrétariat.
Le « pragmatisme moderniste » comme ethos bureaucratique
23L’analyse des prises de positions défendues dans un passé relativement proche par les tenants d’une politique de privatisation permet de mettre au jour cette relation entre les propriétés bureaucratiques des agents et la défense d’une vision « moderniste » du secteur public. Car le « pragmatisme » dirigeant ne se situe jamais à un niveau de pure apesanteur normative, et nécessite d’être lui-même appréhendé en tant qu’ethos. Il singularise les traits d’une culture organisationnelle qui ne se réduit pas à la simple quête systématique et rationalisée des postes de pouvoir35. Il désigne ici une confiance renouvelée, au moins de la part des élites partisanes, dans le secteur privé pour favoriser l’adaptation de la France à son environnement concurrentiel.
24Ainsi l’intervention de F. Hollande dans La Tribune-Desfossés gagne-t-elle à être lue à la lumière des positions antérieurement occupées par un agent qui, en tant que « porte-parole », est un des dépositaires légitimes de l’expression collective du parti. F. Hollande a, en partie, bâti son ascension partisane sur la revendication d’une compétence économique dérivée de son passage à l’ENA, de son diplôme d’HEC ainsi que des cours d’économie dispensés à Sciences Po entre 1989 et 1991. Secrétaire national à l’Économie en 1994, président à la même époque du club « Témoins » fondé par Jacques Delors, il défend depuis le début des années 1990 une conception « ouverte » du secteur public.
25Dans un ouvrage publié en 1991 avec Pierre Moscovici36 – lui-même chef du service de la modernisation du service public et du financement au Commissariat général du Plan entre 1990 et 1994, secrétaire national chargé des Études et du Projet en 1995, et responsable de la commission d’élaboration du programme de 1997 – il prend position pour cette vision jugée « dynamique » du secteur public. La conclusion du chapitre XVI, « À la recherche de l’économie mixte », qui traite spécifiquement de la question du secteur public, offre ainsi un condensé de la grammaire par laquelle s’exprime le référentiel néolibéral :
« Le statu quo, “ni nationalisation ni privatisation”, n’a pas résisté aux ambiguïtés de l’économie mixte. Le secteur public se justifie dans des cas limités ; mais il ne peut pas être statique. Il doit bouger, si les entreprises concernées veulent s’associer, conquérir des marchés à l’étranger, jouer au mieux leurs cartes européennes. La privatisation partielle voire totale, c’est-à-dire l’apport de capitaux extérieurs, s’impose37. »
26Les thèses de cet ouvrage38, qui marquent l’imprégnation durable des schèmes intellectuels dispensés dans les écoles du pouvoir39, comptent en ce sens parmi les premières manifestations publiques d’une doxa moderniste devenue, en 1997, dominante au sein de la direction du Parti socialiste40.
27L’économie des prises de position socialistes en matière de secteur public, telle qu’elle se donne à voir au cours de la campagne législative de 1997, résulte en définitive de la combinaison contradictoire de trois séquences. Une dynamique de long terme, consécutive de l’effet-cliquet qu’a pu constituer le « tournant de la rigueur », tend à remettre en cause les positions classiques du Parti socialiste sur l’opportunité des privatisations. Un mouvement conjoncturel de réhabilitation du rôle de l’État a ensuite eu pour effet de masquer, au moins provisoirement, ces déplacements idéels et normatifs. Ceux-ci ont néanmoins finit par resurgir, à la faveur d’une dynamique institutionnelle qui conduit les dirigeants socialistes à se conformer publiquement, dans les derniers moments de la campagne, à ce qu’ils pensent réaliser une fois parvenus au pouvoir. À contre-jour de la mémoire collective qui en isole le caractère « volontariste », la séquence particulière de la campagne de 1997 voit s’opposer, au moins en matière de secteur public, la doxa économique défendue par certains dirigeants socialistes fortement dotés en capital partisan à celle, diffuse mais contraignante, d’une organisation pourtant traditionnellement associée à l’interventionnisme économique. La zone de tension au sein de laquelle se confrontent la dynamique électorale d’une part, et les engagements programmatiques du PS d’autre part, ne s’éclaircit ainsi qu’à la condition d’intégrer le rôle et le poids de ces élites partisanes qui permettent d’expliquer – au-delà des contraintes qui rendent ces évolutions itératives – l’étiolement progressif de certains référents emblématiques du parti. À rebours d’une certaine vision commune, les renoncements programmatiques ne peuvent se résumer au faisceau de contraintes exogènes (coups joués par l’adversaire, pression médiatique, opinion sondagière etc.) qui contraindraient les partis à neutraliser leurs positionnements initiaux. À certaines conditions, les campagnes électorales peuvent aussi constituer une fenêtre d’opportunité pour l’expression des préférences de certains dirigeants dont le capital individuel et partisan permet de s’émanciper de la parole collective, y compris lorsque ces préférences contreviennent au patrimoine idéologique classique du parti.
28S’il convient de ne pas substantialiser les idées politiques telles qu’elles sont formalisées dans les programmes, c’est également que le sens (dans sa double acception de « signification » et d’« orientation ») de l’offre programmatique des partis paraît varier considérablement selon les espaces et les séquences dans lesquels cette offre est mobilisée. Dans le cas qui nous occupe, le secteur public a fait l’objet de cadrages distincts correspondant plus ou moins aux différentes séquences de la production de l’offre programmatique. Il a d’abord constitué un repère identitaire, impliquant nécessairement une prise de position de la part d’un parti historiquement attaché à la défense des prérogatives étatiques. Il a également été promu comme un enjeu de controverse dans le cadre de la compétition avec la droite. Il a enfin été, dans les derniers temps de la campagne, retraduit en objet de politique publique faisant l’objet d’un programme réformateur spécifique. Cette série de cadrages successifs permet de mettre au jour les différentes dimensions des « idées » telles qu’elles sont mises en forme et mobilisées par les partis. La sociologie des idées politiques gagnerait ainsi à intégrer le double caractère mouvant et concurrentiel des idées, en étant attentive aux investissements différenciés dont elles font l’objet de la part de ceux qui les mobilisent.
29En ce sens, cette contribution plaide pour une sociologie des programmes qui soit aussi celle de ses producteurs. Le texte programmatique correspond à un moment de cristallisation de luttes internes historiquement sédimentées – sorte de butte-témoin des affrontements passés –, en même temps qu’il peut être lu comme un lieu où l’expression de ces luttes affleure. Ni transparents, ni neutres, les programmes doivent être appréhendés de façon dynamique et contextualisée, c’est-à-dire comme des biens symboliques certes contraints par la place particulière qu’ils occupent au sein de l’offre idéologique des partis, mais également comme des produits partisans en concurrence avec d’autres attributs discursifs (en particulier les interventions médiatiques des exégètes autorisés). Plus largement, une analyse relationnelle des carrières programmatiques a vocation à faire travailler une série de couples analytiques : d’abord, le programme comme objet textuel et l’offre électorale comme offre discursive plus souple ; ensuite, les dimensions internes (articulation local/national, luttes intrapartisanes, identités sociales des élites etc.) et externes (effets de compétition, injonctions médiatiques, action collective etc.) de la mobilisation des programmes ; enfin, les aspects structurels (long terme) et conjoncturels (court terme) du travail partisan de confection idéologique. Un tel programme de recherche pourrait permettre de jeter une lumière nouvelle à la fois sur les formes d’expression des idéologies partisanes, et sur les mécanismes internes de production de ces biens idéels.
Notes de bas de page
1 Voir notamment Budge I., Robinson D., Hearl D. (dir.), Ideology, Strategy and Party Change: Spatial Analysis in 19 Democracies, Cambridge University Press, 1987, et Laver M. (dir.), Estimating the Policy Position of Political Actors, New York, Routlegde/ECPR, 2001. Pour une discussion plus développée de ces travaux, voir Fertikh K., Le Congrès de Bad Godesberg. Contribution à une socio-histoire des programmes politiques, thèse de sciences sociales, EHESS, 2012, p. 24-28. L’approche du CMP a également été discutée dans le cadre des perspectives récemment rassemblées derrière le label du Comparative Agendas Project, qui cherche à compléter l’analyse des programmes par celle de discours et déclarations connexes. Voir par exemple Baumgartner F. et alii, « Le Projet agendas comparés : objectifs et contenu », Revue internationale de politique comparée, 16/3, 2009.
2 Sawicki F., « Les questions de protection sociale dans la campagne présidentielle française de 1988 », Revue française de science politique, vol. 41, no 2, avril 1991.
3 Pour une analyse en termes de « contextualisation » des programmes politiques, lire Fertikh K., « Trois petits tours et puis s’en va… Marxisme et programme de Bad Godesberg du Parti social-démocrate allemand », Sociétés contemporaines, 81, 2011.
4 Pour Yves Poirmeur, le secteur public constitue un repère thématique renvoyant au « social », qui constitue lui-même l’emblème cardinal du Parti socialiste. Poirmeur Y., « Emblème, repère, enjeu : le social au Parti socialiste », in Gaxie D. (dir.), Le « social » transfiguré, Paris, PUF/CURAPP, 1990.
5 Pour une présentation plus étayée des enjeux pratiques et symboliques liés au secteur public, voir Fridenson P., « Les gauches et l’économie », inBecker J.-J., Candar G. (dir.), Histoire des gauches en France vol. II, Paris, La Découverte, 2004. Cohen E., « Représentation de l’adversaire et politique économique : nationalisation, politique industrielle et Acte unique européen », Revue française de science politique, vol. 43, no 5, 1993.
6 C’est tout l’intérêt de ne pas s’en tenir à une analyse des programmes « au ras du texte », et de les appréhender simultanément au prisme de l’ensemble de leurs dérivés discursifs et de leurs porteurs. Pour cette raison, l’enquête se fonde notamment sur le dépouillement systématique de la presse interne au Parti socialiste, du Monde et des Échos entre 1995 et 1997, l’étude des textes des congrès et des conventions organisés sur la période, l’analyse de plusieurs documents internes (notes d’orientations, textes doctrinaux), ainsi que sur dix entretiens semi-directifs avec certains des acteurs (responsables partisans, hauts-fonctionnaires, membres de cabinets et ministres) jugés les plus pertinents.
7 Programme électoral du Parti socialiste pour les élections législatives de 1997, « Changeons d’avenir. Nos engagements pour la France », reproduit dans L’Hebdo des socialistes, no 19, 9 mai 1997. En gras dans le texte.
8 L’argumentaire de campagne édité en février 1997 et fourni aux candidats socialistes à la députation reproduit le même régime argumentatif. Évoquant une « démolition méthodique » à propos des services publics industriels et commerciaux, le texte conclut : « les privatisations seront stoppées et le bilan de leurs conséquences sur l’emploi et sur le service rendu sera fait afin de prendre les mesures qui permettront de reconsolider, chaque fois que nécessaire, les services publics affaiblis ». Groupe socialiste, Parti socialiste, Élections législatives 98. Argumentaires politiques. Documents pratiques pour les candidats, février 1997, document dactylographié.
9 Le Monde, 2 mai 1997.
10 Les syndicats du groupe Thomson ont notamment écrit aux partis politiques pour connaître leur position vis-à-vis de l’avenir de l’entreprise et publiciser celle-ci. Le Monde, 7 mai 1997.
11 Conseil national du 2 mars 1996, extrait reproduit en ligne par le Centre d’Archives Socialistes sur le site Internet de la Fondation Jean-Jaurès, [http://www.jean-jaures.org/].
12 Bergounioux A., Grunberg G., L’Ambition et le remords. Les socialistes et le pouvoir (1905-2005), Paris, Fayard, 2005.
13 Ibid., p. 418.
14 Pour plus de détails, voir Barboni T., Les Changements d’une organisation. Le Parti socialiste, entre configuration partisane et cartellisation (1971-2007), thèse de science politique, Paris 1, 2010.
15 Sur les usages différenciés des procédures délibératives dans les organisations partisanes, cf. Lefebvre R., Roger A. (dir.), Les Partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, Rennes, PUR, 2009. Yves Poirmeur rappelle également que les leaders qui remettent en question la valeur des principes fondamentaux du parti s’exposent toujours à trois types de risques : « se voir opposé le stock d’arguments » que ces principes fournissent pour stigmatiser les discours hétérodoxes ; risquer « la démobilisation de certains membres de l’organisation » ; enfin et surtout, « prêter le flanc à la contestation externe », les partis rivaux pouvant ainsi « dénoncer la duplicité de l’organisation ». Poirmeur Y., « Emblème… », op. cit., p. 57.
16 Cinq amendements alternatifs sont finalement déposés. Mais le texte majoritaire indique que « les privatisations seront stoppées et le bilan de leurs conséquences sur l’emploi et sur le service rendu sera fait ».
17 La « Gauche socialiste », incarnée par Julien Dray, Jean-Luc Mélenchon et Marie-Noëlle Lienemann compte alors six membres parmi les soixante-neuf responsables qui siègent au sein de la commission nationale d’élaboration.
18 Dominique Strauss-Kahn est en 1996 le responsable du groupe de travail « Croissance et emploi » chargé de préparer la Convention portant sur les questions économiques.
19 Entretien avec Marie-Noëlle Lienemann, dirigeante de la Gauche socialiste et membre de l’un des trois groupes chargés de la rédaction des textes préparatoires aux Conventions de 1996, 9 juin 2010, Paris.
20 Le Bart C., Le Discours politique, Paris, PUF, 1998.
21 Vendredi, no 254, 16 juin 1995.
22 Le 31 mai 1996, le gouvernement Juppé a adopté en Conseil des ministres un projet de loi sur le changement de statut de l’opérateur public. Ce projet stipule que l’entreprise doit se doter du statut de Société anonyme. Dès mars 1996, le Parti socialiste, par l’intermédiaire d’un communiqué du Bureau National, s’était prononcé « contre la privatisation » de France Télécom. En juin 1996, les députés du PS et du groupe Communiste, Républicain et Citoyen se sont engagés dans une « bataille parlementaire » pour entraver le vote de la loi portant modification du statut de l’opérateur.
23 Au sens de problème « faisant l’objet de controverses publiques et mis à contribution ou exploité dans la compétition politique et électorale » dans le but d’« accroître [les bénéfices des acteurs] ou imputer des coûts au partenaire-rival » : Garraud P., « Politiques nationales : élaboration de l’agenda », L’année sociologique, no 40, PUF, 1990.
24 Faute d’accès aux archives (à notre connaissance non constituées comme telles) des secrétariats nationaux spécialisés ou des différentes instances de délibération du parti sur la période, on s’est concentré sur ce que la presse partisane relaie des débats portant sur les questions de secteur public.
25 Par exemple : Vendredi, no 254, 16 juin 1995 ; no 274, 23 février 1996 ; no 281, 19 avril 1996 ; no 296, 4 octobre 1996.
26 Vendredi, no 299, 25 octobre 1996.
27 Vendredi, no 253, 9 juin 1995 (intervention de Paul Quilès, député, ancien ministre) ; L’Hebdo des socialistes, no 20, 16 mai 1997 (tract) ; Vendredi, no 196, 4 octobre 1996 (texte de Michel Raffet, délégué national aux Entreprises publiques).
28 Le Monde, 7 mai 1997.
29 Ibid.
30 Le Monde, 10 mai 1997.
31 Le Monde, 21 mai 1997.
32 Ibid.
33 Bachelot C., « Groupons-nous, et demain… », Sociologie des dirigeants du Parti socialiste depuis 1993, thèse de science politique, IEP de Paris, 2008, p. 262.
34 Archives privées de Pierre Bauby, délégué national du Parti socialiste au service public en 1997. Ces « notes » prennent la forme de textes de synthèse revenant sur les principaux arguments favorables ou hostiles aux ouvertures de capital des opérateurs publics.
35 Sawicki F., « Les partis politiques comme entreprises culturelles », in Cefaï D. (dir.), Les Cultures politiques, Paris, PUF, 2001.
36 Hollande F., Moscovici P., L’Heure des choix, Paris, Odile Jacob, 1991. Les deux auteurs sont représentatifs de la « seconde génération » d’énarques ayant investi les cercles dirigeants du PS ou du gouvernement dès la sortie de l’École. Cf. Lefebvre R., Sawicki F., La Société des socialistes, Bellecombe-en-Bauges, Le Croquant, 2006.
37 L’Heure des choix…, op. cit., p. 311.
38 En janvier 1997, P. Moscovici fait paraître un autre ouvrage dans lequel il reproduit ces thèses à l’identique : Moscovici P., L’Urgence : plaidoyer pour une autre politique, Paris, Plon, 1997, p. 171.
39 Eymeri J.-M., La Fabrique des énarques, Paris, Économica, 2001, p. 76-78.
40 Les discours socialistes tenus en 1997 ne peuvent être appréhendés sans avoir en mémoire les bouleversements économiques et politiques intervenus dès le premier mandat mitterrandien. Sans proposer ici une sociologie des effets de la « rigueur » sur le champ politique, on peut faire l’hypothèse que ces prises de position s’encastrent dans une configuration idéologique dont deux propriétés peuvent être rappelées. D’abord, la centralité croissante qu’occupe la construction européenne dans les débats internes au PS a contribué au renforcement des normes concurrentielles édictées par l’UE ainsi qu’à la prégnance croissante de l’impératif de réduction des dépenses publiques. Ensuite, ce « tournant » a officialisé le rapprochement des élites socialistes avec un référentiel d’action publique désormais orienté vers les recettes de marché. Pour des développements plus complets, cf. Margairaz M., « Rapport introductif. L’ajustement périlleux entre relance, réforme et rigueur », et « Les nationalisations : la fin d’une culture politique ? », in Berstein S., Milza P., Bianco J.-L. (dir.), Les Années Mitterrand. Les années du changement (1981-1984), Paris, Perrin, 2001 ; Jobert B., Théret B., « France : La consécration républicaine du néolibéralisme », in Jobert B., Le Tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994 ; et Juhem P., SOS-Racisme, histoire d’une mobilisation « apolitique », thèse de science politique, Paris 10, 1998.
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