1. Codification et genèses d’un genre programmatique
Les professions de foi des députés français du Nord, de la Seine et de Vendée en 1881, 1906 et 1919
p. 29-48
Texte intégral
« Le bon public s’imagine volontiers que les professions de foi sont des monuments de tromperie et de mensonge. J’entends bien qu’elles n’ont pas la sincérité d’une intime confession. Mais elles renseignent parfaitement bien sur la nuance que le candidat a voulu prendre et par conséquent sur le genre d’électeurs qu’il recherche et satisfera. Je n’en demande, quant à moi, pas davantage. Quand on a lu, fait ou vu faire beaucoup de ces appels, on s’aperçoit d’abord que les plus intelligents n’arrivent pas à y mettre de personnalité. Finalement, on arrive à comprendre que les malins cherchent à y mettre le moins de personnalité possible. À quoi bon ? Ce genre de documents ressemble à ces lettres-formules que les écrivains à gages préparent toutes faites pour les illettrés : lettre d’un fils à sa mère, d’un fiancé à sa fiancée… Le plus sage est de les faire ainsi. […] Il y a donc, à chaque élection générale, un type de professions de foi pour avancés, pour modérés, pour conservateurs, pour catholiques etc., et les hommes politiques viennent se classer dans ces cadres avec autant de netteté que les contribuables dans les catégories du fisc. »
André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest,
Paris, A. Colin, 1913 (-Sauret, 1972), p. 11-12.
1Destiné à justifier son usage des professions de foi pour distinguer les « tendances » de l’« opinion », ce propos d’André Siegfried atteste du caractère fortement stabilisé, en 1913, de ce type d’écrit. À l’en croire, les professions de foi ont alors toutes les caractéristiques d’un fait social durkheimien. D’usage général – tous les candidats ou presque en produisent une – elles obéissent à des codes impersonnels qui s’imposent à ceux qui souhaiteraient mettre de la « personnalité » dans leurs déclarations. Les codes qui régissent cet exercice de style commandent également les variations qu’il autorise. « Professions de foi pour avancés, pour modérés, pour conservateurs, pour catholiques » s’ordonnent en fonction des classifications politiques nationales, autrement dit – et quoique Siegfried n’emploie pas ici le terme – selon ce qu’on appelle alors des différences de « programmes », compris comme l’expression de l’offre politique d’une organisation partisane ou d’une tendance politique nationales.
2S’il est possible de prendre Siegfried au mot en considérant que professions de foi et programmes constituent, à la veille de la Première Guerre mondiale, un « genre » à part entière, il s’agit toutefois d’un phénomène récent. Trois décennies plus tôt, lors des élections législatives de 1881, tous les candidats ne disposent pas d’une « profession de foi », et quand ils en ont une, celle-ci ne comporte pas toujours un « programme ». « Profession de foi », « programme » : il n’existe pas, à cette époque, de véritable accord sur ce qu’il faut ranger sous ces termes, qui peuvent par conséquent se référer aux documents les plus divers.
3Ce chapitre entend contribuer à l’étude de l’institutionnalisation des professions de foi et des programmes politiques au sein du champ politique français entre le début des années 1880 et la fin de la Première Guerre mondiale1. Il s’agit d’analyser comment s’est différencié, au sein du matériel électoral, cet instrument spécifique des luttes politiques ; de comprendre quels facteurs lui ont donné un caractère obligatoire (tout candidat se devant d’avoir une profession de foi et de décliner un programme) ; et d’analyser la manière dont ce processus s’articule avec la constitution d’organisations partisanes nationales.
4L’émergence du « programme » comme instrument nécessaire de la transaction électorale ne peut bien sûr être dissociée des reconfigurations qui affectent dans le même temps le champ politique français et les concurrences qui le traversent. Elle s’inscrit tout d’abord à l’intérieur du processus d’extension des marchés politiques et d’individualisation du vote que traduit l’universalisation progressive du suffrage au XIXe siècle2. En désencastrant pour partie la relation électorale des liens d’interconnaissance personnelle, et en limitant la possibilité d’un « vote d’échange », ce processus favorise une offre de biens politiques de plus en plus abstraite3. Les professions de foi et programmes viennent, à côté d’autres éléments du dispositif électoral comme l’urne4 ou l’isoloir5, objectiver l’idéal d’un vote d’opinion. L’émergence, l’institutionnalisation et la codification des programmes s’articulent ensuite avec le processus de professionnalisation politique6 qui caractérise les débuts de la Troisième République : l’accès à la carrière politique d’agents moins dotés que ne l’étaient les notables de la monarchie de Juillet ou du Second Empire suppose que les élections ne se jouent plus seulement sur les noms des candidats mais aussi sur des « marques7 » telles que l’affiliation partisane et l’adhésion à une idéologie programmatique. L’institutionnalisation des programmes est enfin inséparable du processus de nationalisation des enjeux électoraux et d’encadrement croissant de l’offre politique par des organisations partisanes nationales8, les professions de foi individuelles des candidats tendant de plus en plus à n’être que des déclinaisons locales ou personnelles des programmes nationaux élaborés par ces partis.
5L’étude s’appuie principalement sur les professions de foi des députés élus lors des élections législatives de 1881, 1906 et 1919 dans les départements de la Seine, du Nord et de la Vendée. Les versions des professions de foi que nous avons dépouillées sont celles reproduites dans ce qu’il est convenu d’appeler le « Barodet ». Il s’agit d’un recueil des professions de foi de députés que l’Assemblée nationale a réalisé à l’issue de chaque élection de 1882 à 2009 (voir encadré). Celui-ci se double, jusqu’en 1940, d’un rapport faisant la synthèse des programmes sur lesquels ces candidats ont été élus9. Si c’est la source qui a dicté le point de départ chronologique de cette enquête10, celui-ci n’apparaît pas arbitraire pour autant. S’il convient de replacer l’institution du Barodet dans l’histoire longue de la production institutionnelle et sociale du vote d’opinion en France11, sa création n’en marque pas moins le début d’une entreprise délibérée d’une majorité de la chambre visant à faire du vote l’expression d’une opinion politique (identifiée au programme auquel l’électeur est supposé adhérer), et d’instituer l’élection comme un transfert de volonté plutôt que comme la simple expression d’une relation de confiance personnelle12.
6Les élections de 1881 actent d’ailleurs à bien des égards ce que Daniel Halévy avait baptisé « la fin des notables13 ». Si la campagne reste dominée par la question du régime, la crise du 16 mai 1877, la conquête du Sénat par les républicains en 1879 et la démission du général Mac Mahon de la Présidence de la République la même année ont rendu improbable la perspective d’une restauration monarchiste. Les élites traditionnelles de la droite et du centre-droit se voient très largement supplantées par les élites républicaines, opportunistes ou radicales14 ou s’approprient les nouvelles règles du jeu politique15. Les élections de 1906 et de 1919 sont par contraste dominées par d’autres enjeux : la question sociale et la séparation de l’Église et de l’État pour les premières ; le problème des réparations pour les secondes. Mettant en regard des états distincts du champ politique français, elles permettent d’analyser comment l’institutionnalisation des programmes s’articule au processus de constitution des organisations partisanes. Il n’existe en effet pas, en 1881, de parti politique au sens actuel d’organisation nationale permanente, agrégeant des ressources matérielles et symboliques en vue de la conquête de mandats électifs par ses chefs16. Si le terme de parti est alors employé, il est surtout utilisé pour décrire des affinités idéologiques ou politiques, « tendances » qui peuvent s’objectiver dans la constitution d’un groupe parlementaire, d’un journal, ou d’un comité électoral au sein d’une circonscription17. Les élections de 1906 interviennent à l’inverse à un moment où la loi de 1901 sur les associations a permis la constitution de structures politiques plus durables, à l’image du Parti radical et de l’Alliance démocratique en 1901, de l’Action libérale populaire (ALP) en 1902, de la Fédération républicaine en 1903 ou de la SFIO issue du congrès de 1905. La victoire des radicaux en 1906 et les progrès des socialistes démontrent l’efficacité de ces entreprises politiques nouvelles18. Si ce processus de monopolisation de l’offre politique par les partis n’est pas totalement achevé au lendemain de la Première Guerre mondiale, la « chambre bleu horizon » de 1919 atteste de la réorganisation progressive de la droite à l’intérieur de structures similaires19.
7La comparaison des configurations observées dans ces trois départements en 1881, 1906 et 1919 permet de mettre en évidence une distinction de plus en plus nette entre professions de foi et programmes, et une standardisation de ces types d’écrits. Alors que les deux notions apparaissent largement interchangeables en 1881 et demeurent attachées à la personne d’un candidat, les professions de foi individuelles tendent ensuite à devenir progressivement la simple déclinaison personnalisée des programmes des organisations partisanes auxquelles adhèrent les candidats.
Produire une profession de foi, un acte politique faiblement routinisé en 1881
8En 1881, ni les termes de « programmes » ou de « profession de foi », ni les référents auxquels ces noms renvoient, ni les significations qui leurs sont attachées ne sont stabilisés.
9Les difficultés rencontrées pour recueillir les professions de foi des députés élus lors des élections législatives des 21 août et 4 septembre 1881 traduisent cette instabilité. Le lexique se caractérise en effet par la pluralité des signifiants et par les variations de leurs usages. L’article unique d’un projet de résolution visant à collecter les engagements des élus de la Chambre, déposé par des députés emmenés par Désiré Barodet, porte ainsi sur « les promesses, professions de foi et programmes20 » ; mais l’en-tête du projet ne mentionne, lui, que « les professions de foi et programmes électoraux ». Nouvellement élu député et siégeant à l’extrême-gauche de la chambre, Camille Pelletan, fils de l’opposant au Second Empire Eugène Pelletan, parle pour sa part de « document du mandat électoral21 » et des « engagements [de la Chambre] » dans son rapport sur le projet Barodet. La synthèse de 1882 porte quant à elle sur les « programmes et engagements électoraux des députés22 ».
Une mise en livre de la volonté générale
À bien des égards, la genèse et les conditions de production du Barodet participent directement du processus de construction historique des programmes. En invitant chaque député à transmettre la profession de foi sur laquelle il a été élu, et en se proposant de faire une synthèse des programmes exprimés par celles-ci, le « Barodet » a contribué à faire exister ce qu’il prétendait enregistrer. Portée par un groupe d’élus issus de l’extrême-gauche de la Chambre, la proposition de loi déposée en 1881 par le député radical Désiré Barodet23 et visant à instituer une commission en charge de ce travail de recueil et de synthèse prolonge en effet les débats relatifs aux institutions du régime institué en 1871 et à l’organisation de la représentation politique. Après le ralliement des républicains opportunistes aux lois constitutionnelles de 187524, et sans établir de véritable mandat impératif, il s’agit de disposer d’un instrument qui lie davantage les députés aux promesses sur lesquelles ils ont été élus, et, surtout, puisse guider le travail de la chambre. Destiné à établir « la pensée exacte de la France25 », à « enregistrer les volontés de la Nation26 » (comme le rappellent les rapports de synthèse), cette véritable « mise en livre27 » de la volonté générale acte bien l’idée que les votes des électeurs doivent porter sur des programmes afin de constituer une volonté collective, volonté que le Barodet entend bien faire exister.
10L’incertitude ne concerne toutefois pas que les mots mais ce qu’ils désignent et le sens qu’il convient d’attacher à ces référents. Les éditeurs du premier recueil se trouvent obligés de distinguer, parmi les différents documents produits au fil de la campagne, un item qui serait la profession de foi. Or, cet item varie selon que l’on assimile celle-ci à un ensemble de « promesses » adressées aux électeurs, à l’expression d’un « pacte » ou d’un « contrat », ou à une parcelle de la « volonté nationale ». Camille Pelletan, juge d’ailleurs nécessaire de préciser, dans l’introduction du premier rapport de synthèse, les documents retenus par la première commission en charge d’éditer le recueil. « Ces documents sont de trois sortes », explique-t-il. « La plupart sont les professions de foi des élus eux-mêmes, continue-t-il. Les autres sont des programmes émanés des comités ». Enfin, « pour un tout petit nombre d’élections », ont été retenues « des lettres où l’élu […] résumait le programme de son élection ». Alors que l’« autorité » des documents produits par les élus eux-mêmes semble aller de soi, pour les rédacteurs, celle des deuxièmes, ceux émanant des comités n’est établie que dès lors que les programmes des comités ont été publiquement endossés par les candidats et que cette approbation se matérialisait dans une contre-signature ou une référence directe du programme au candidat. Les lettres envoyées par les candidats à la commission diffèrent en revanche des deux cas précédents par leur statut. Rédigées après l’élection, elles ne peuvent avoir motivé le choix des électeurs, ce qui rend plus difficile d’en faire l’expression des vœux de ces derniers.
11Si les auteurs du rapport minimisent ce dernier cas de figure, il n’est pas dépourvu d’intérêt pour l’historien ou le politiste puisqu’il atteste que, pour un certain nombre de députés, il s’est révélé impossible de produire une quelconque forme de profession de foi écrite. Dans les lettres que ces députés adressent à la commission et qui figurent dans le recueil, certains s’insurgent même contre l’idée de devoir produire un tel document en amont de l’élection. Réélu en 1881 dans la deuxième circonscription de Hazebrouck, Charles-Ignace Plichon répond ainsi aux membres de la commission Pelletan :
« Vous m’avez fait l’honneur de me demander de vous adresser la profession de foi que j’aurais pu faire lors des dernières élections législatives et de vous faire connaître les déclarations et manifestes des comités qui ont pu soutenir mon élection.
J’ai l’honneur de vous informer que je n’ai fait aucune profession de foi et qu’il n’y a eu ni déclaration ni manifeste émanant d’un Comité qui se serait formé pour soutenir mon élection. »
12La suite de la lettre suffit à montrer que derrière l’existence ou l’absence d’une profession de foi se jouent le sens du mandat et les rapports sociaux à l’intérieur desquels il s’inscrit. Élu pour la première fois en 1846, Charles-Ignace Plichon siège à partir de 1857 au sein du Corps législatif de l’Empire (dont il est ministre des Travaux publics de mai à août 1870), et est élu député de la seconde circonscription d’Hazebrouck en 1876, mandat qu’il conserve en 1877 et 188128. Par ses ascendants et collatéraux familiaux, il est typique des grandes familles de notables de la région lilloise, qui cumulent pouvoir politique et économique29. Lié par son oncle Charles Plichon à l’industrie sucrière et par sa femme Ameline Boittelle à l’industrie minière, il compte au sein de sa parentèle plusieurs députés, maires, et un ancien préfet du Second Empire. Or, en insistant sur l’ancienneté de son implantation locale, et sur son renom, ce sont bien les ressources associées à cette notabilité qu’il met en avant pour justifier de s’être dispensé de toute profession de foi. Faisant valoir qu’il est député de cette circonscription depuis 1846 et que « [ses] électeurs [l’]ont réélu à une immense majorité sans [lui] demander aucune profession de foi », il oppose à la figure du mandataire élu sur un programme une légitimité de type traditionnel, fondée sur l’ancienneté, le nombre et l’existence de liens personnels entre l’élu et ses électeurs.
13La profession de foi ne constitue donc pas un instrument neutre de la compétition électorale mais objective au contraire une conception spécifique du rapport entre représentants et représentés qui suppose que les électeurs votent pour des engagements ou des idées, et non pour une personne. Les partisans du projet Barodet en avaient d’ailleurs pleinement conscience et il n’est guère étonnant qu’ils se soient d’abord recrutés au sein du pôle le plus à gauche30 de la Chambre. Dans son rapport en faveur du projet, Camille Pelletan considère même qu’une des vertus de cette initiative est, en rendant la profession de foi obligatoire, de désencastrer le vote des relations de personne à personne :
« On nous a objecté que dans beaucoup de collèges, l’élection s’était faite sans programme, et qu’elle avait été un acte pur et simple de confiance personnelle. C’est précisément l’argument le plus fort que nous puissions donner à l’appui du projet. Rien n’est moins démocratique que le mandat en blanc. Dans un régime où tout repose sur la volonté nationale, c’est un grand intérêt public que cette volonté s’exprime d’une façon précise. La proposition de Monsieur Barodet nous paraît le meilleur moyen que nous ayons de faire comprendre aux électeurs l’importance d’un mandat bien délimité31. »
14L’incapacité de ces députés à produire une profession de foi ne tient pas aux critères trop restrictifs qu’aurait adopté la commission Pelletan. Des documents variés peuvent en effet tenir lieu de profession de foi, depuis le tract ou l’affiche jusqu’au programme issu d’un comité. Sur le plan formel, le travail de présentation de soi des candidats se cale le plus souvent sur le modèle de la lettre. De longueurs variables (de deux paragraphes à trois pages), la plupart des professions de foi de ce type s’ouvrent ainsi par une adresse (« Chers concitoyens », « Messieurs et chers compatriotes » etc.) et se terminent par une formule conclusive, exprimant la confiance du candidat dans le choix des électeurs ou les enjoignant à aller voter : « Vous tous qui voulez la religion honorée, la France respectée, la paix maintenue, votez pour votre ancien député » (Paul Bourgeois, Vendée, La Roche sur Yon, 2e circonscription), « Pas d’hésitation, pas d’abstention, pas de discorde. En avant ! En avant ! En avant ! Vive la République ! » (Théoxène Roque de Fillol, Seine, Saint-Denis, 3e circonscription), « Je vous donne rendez-vous aux urnes vendredi, et je compte qu’aucun de vous ne voudra s’abstenir de voter » (Désiré Debuchy, Nord, Lille, 6e circonscription, 1881) etc. En dessous du nom du candidat, la signature mentionne parfois les mandats passés ou présents du candidat, ou sa profession. Plus rarement sont déclinés des titres scolaires, un titre de noblesse, ou une affiliation politique – le plus souvent des plus générales. Parfois apparaissent le lieu et à la date à laquelle le document a été écrit : « Tourcoing, le 12 août 1881 » (D. Debuchy, Nord, Lille, 6e circonscription, 1881).
15Toutes les professions de foi ne suivent toutefois pas ce modèle de la lettre. Dans certains cas est reproduit le texte d’un discours délivré durant la campagne, une affiche, ou le compte-rendu d’une réunion publique. Ainsi, le député d’extrême-gauche du 13e arrondissement de Paris, François Cantagrel (1810-1887), ne transmet tout d’abord à la commission Barodet qu’une affiche placardée pour publiciser le soutien du comité radical socialiste à sa candidature. Invité par la commission à « compléter son dossier », il choisit de joindre à cette affiche le programme produit l’année précédente par l’Alliance socialiste républicaine32, en expliquant avoir exprimé son adhésion à celui-ci lors de réunions publiques. Député depuis 1869, Léon Gambetta choisit pour sa part de reproduire, outre le programme du Comité électoral Républicain du 20e arrondissement, le texte d’un discours prononcé lors d’une réunion électorale et reproduit le 14 août dans son journal La République française. Ces derniers exemples renvoient toutefois à une configuration spécifique, celle des candidats soutenus par des comités électoraux, configuration qui favorise dès 1881 l’introduction d’une distinction entre profession de foi et programme.
De la « profession de foi » au « programme » : la production d’une parole collective dans les professions de foi de 1881
16Les professions de foi de 1881 n’ont pas toutes un caractère personnel. Lorsque les candidats sont soutenus par un comité électoral, situation prédominante dans le département de la Seine33, leur dimension collective est soulignée et le « programme », comme engagement contractuel, y prend alors une place centrale. Les professions de foi de ces candidats sont celles qui s’écartent le plus du modèle de la lettre précédemment décrit. Type bien identifiable, elles se distinguent par leur régularité formelle. Elles se composent en général des trois mêmes éléments : un manifeste du comité électoral qui soutient le candidat, une liste des membres du comité, et une déclaration personnelle du candidat endossant le programme du comité.
17Dans ces professions de foi issues des comités se dessine une différenciation des programmes et des professions de foi. Encore largement interchangeables en 1881, les deux termes acquièrent, dans ces configurations, des significations distinctes. Cette autonomisation est d’abord spatiale dans la mesure où le programme s’y démarque comme une partie séparée. Un titre – « programme », ou « programme politique » – indique l’objet de la section qui s’apparente le plus souvent à une énumération de mesures que le candidat s’engage à soutenir en cas d’élection. Souvent numérotées ou singularisées par des tirets, parfois précédées d’une déclaration de principes, ces mesures sont l’œuvre du comité. Elles se distinguent de la profession de foi, document plus personnel par lequel le candidat se présente aux électeurs. Parmi les documents transmis à la commission par le député du 15e arrondissement Eugène-Jérôme Farcy, profession de foi et programme apparaissent ainsi distinctement. Le premier document transmis est intitulé « Profession de foi du candidat E. Farcy, député sortant ». Le candidat y précise que son « programme actuel est celui du Comité républicain du 15e arrondissement34 ». Celui-ci est reproduit à la suite de la « profession de foi ». Rédigé collectivement, ce programme se présente comme une liste de réformes (révision de la Constitution, abolition du Concordat, instruction gratuite, laïque et obligatoire etc.). Le caractère personnel de la profession de foi – qui se marque dans l’usage répété de la première personne et l’évocation des traits de caractères du candidat – contraste avec la dimension collective du programme. Il n’est pas attaché à la personne du candidat, qui se présente comme un simple récepteur35, et apparaît dans le discours même des membres du comité républicain comme l’expression d’entités hypostasiées et supérieures comme « la République », « la Patrie » ou « la Démocratie ». À rebours d’une conception du mandat comme une simple relation personnelle de confiance, le député se fait la personnification d’idées abstraites. La séparation entre profession de foi et programme politique apparaît, en outre, inséparable du processus de nationalisation des enjeux politiques. Il est ainsi précisé que le programme du comité électoral du 15e arrondissement est « celui du parti républicain dans toute la France ». Cette distinction entre profession de foi et programme transparaît de même dans le rapport de synthèse de la commission Pelletan qui remarque :
« Il s’en faut en effet de beaucoup que toutes les professions de foi, et même la majorité d’entre elles soient des programmes politiques : beaucoup ne contiennent que les déclarations les plus générales ; parfois des critiques plus ou moins violentes contre le passé ou le présent. D’autres sont présentées sous forme de compte-rendu de la dernière législature. Comment reconnaître dans une telle confusion les opinions émises sur les questions soumises à la Chambre ? »
18Les comités, là où ils existent, sont donc décrits comme les producteurs de programmes, et la candidature du candidat est soumise à l’acceptation de ce programme présenté comme un contrat. Le républicain d’extrême gauche Jean Roque, ancien proscrit, parle ainsi, dans son adresse aux électeurs de Courbevoie, d’un programme « élaboré par vos comités et ratifié par vos assemblées et qui m’a été proposé. Je l’ai accepté et je fais le serment d’y être fidèle36 ». Dans ces cas, le programme s’établit comme une manière de définir le mandat dans des termes généraux et contrôlables par les mandants. Ce format « contractuel » explique que les candidats, notamment « radicaux » ou « radicaux-socialistes », se limitent à marquer au bas des programmes des comités directeurs « vu » ou « vu et approuvé », comme le fait Louis Blanc à Paris37.
19Ces documents issus des comités permettent d’ailleurs d’analyser les dispositifs d’action qui sont mis en œuvre autour de la catégorie « programme ». Les comités, faiblement objectivés et aux désignations floues et peu spécifiques (une même circonscription peut ainsi compter plusieurs comités « républicains38 »), sont considérés comme des pièces maîtresses de la démocratie naissante, et comme une manière de faire participer les citoyens à la définition du mandat du député39. En effet, dans un objectif pédagogique de diffusion de la « raison » clairement affirmé dans les débats autour du Barodet, les républicains « lient vérité du suffrage et assemblée des citoyens » ; dans cette optique, ces comités sont l’armature d’un « peuple en assemblée40 » éclairé par les délibérations que permettent les réunions politiques.
20Les professions de foi contenant un programme doivent encore permettre de manifester le poids social des « électeurs » qui légitiment la candidature et, le cas échéant, le programme du candidat. C’est cette nécessité de donner à voir la base sociale du député qui explique la présence du public dans le texte des professions de foi : le candidat est « acclamé » lorsqu’il accepte le programme, les réunions publiques peuvent, elles, être mentionnées. De nombreux programmes sont aussi suivis par plusieurs dizaines de signatures, portant mention des adresses et des professions des signataires. Ces signatures font partie du genre « profession de foi ». En un sens, ces signatures rendent « notable » en déléguant un capital, nominatif, à un candidat. La candidature de Pierre Tirard à Paris est ainsi soutenue par près de 150 personnes issues du comité, essentiellement des négociants ou des personnes exerçant des professions libérales (avocats, médecins, pharmaciens). Dans le même ordre d’idée, d’autres comités font mention de conseillers municipaux, maires ou députés. Les « noms » ne font pas seulement « nombre », mais aussi qualité : les mentions « père », « fils » ou « aîné » apparaissent et, plus que leur personne, les « négociants » engagent leur commerce (« Parisot et Cie, négociante », « Bidet et Maillet, négociants41 » etc.). Ces signatures objectivent la force des soutiens sociaux du candidat, tout comme le font les réunions politiques et leurs descriptions que l’on trouve dans certaines professions de foi. Toutes les signatures ne sont toutefois pas systématiquement reproduites dans le Barodet : les soutiens de certains candidats sont tronqués et la liste s’achève par un « etc. etc. etc. » ou en indiquant que « suivent un grand nombre de signatures42 ». Lorsque la liste est seulement celle des représentants du comité électoral, la profession de foi peut indiquer le nombre de membres43.
21Enfin, l’exécution des programmes est contrôlée. Les programmes émanant des comités électoraux ou des réunions publiques sont des contrats dont l’exécution est contrôlée de manière institutionnalisée : ou bien au moment de la réélection, conçu comme un moment de reddition des comptes, ou bien de manière périodique durant l’exécution du mandat. Dans le programme contenu dans leurs professions de foi, les radicaux, tels Désiré Barodet ou Camille Pelletan, demandent d’assimiler le mandat politique au mandat civil (donc au contrat) de manière à assurer la souveraineté populaire44. Les comités radicaux organisent des pratiques de compte-rendu de mandat périodique – après chaque session parlementaire ou tous les ans45 par exemple. Camille Pelletan ouvre sa profession de foi par une lettre introduisant le programme qu’il accepte. Il y explicite le lien entre le compte-rendu du mandat et le mandat impératif :
« Citoyens,
La précision des mandats fait les bonnes élections. La fidélité au mandat fait les bonnes Chambres. En attendant que la loi garantisse cette fidélité, voici le programme que j’ai accepté et que je tiens dès aujourd’hui pour impératif ; on l’a dit : tout mandat est impératif pour un honnête homme46. »
22L’existence de comités permet encore d’instituer ce contrôle, et éventuellement de le délier du seul moment électoral en instaurant une vérification permanente du mandat donné à l’élu. L’élu de Sceaux, Alfred Talandier, élu de l’extrême gauche et proscrit de l’Empire, met en évidence une pratique alternative de celle, connue, de la démission en blanc, la démission remise en cours de mandat :
« Je signe sans la moindre hésitation le programme que vous avez élaboré et je regrette en signant cette affiche que l’article 17, concernant la clause de la démission annuelle donnée au Comité n’y soit pas mentionnée47. »
23Les comités électoraux ne constituent pas partout au même titre un élément-clef de la transaction électorale. En Vendée, département le plus rural du corpus, c’est par contraste le nom – c’est-à-dire le faisceau de relations d’interdépendance interpersonnelles qui fait du « nom » la marque d’une position de domination sociale48 –, qui constitue le capital politique par excellence. Lorsque le candidat fait mention des électeurs qui soutiennent sa candidature, il ne fait référence à aucune institution existante. Pour ces notables ruraux, la campagne est souvent décrite comme la construction d’une interdépendance personnelle : « J’aurais voulu avoir le temps de mieux vous connaître, écrit le député Paul Le Roux. Mais j’ai la ferme espérance que le nom de mon père est encore vivant dans vos cœurs49. » De fait, Paul Le Roux succède à son père Alfred50 à la députation de Fontenay-le-Comte et reste député jusque 1891. La personnalisation sur un mode affectif du mandat ne se limite pas aux conservateurs. Le républicain vendéen Léon Bienvenu ne mentionne lui non plus aucun dispositif, et son ambition se formule également sous la forme d’une relation interpersonnelle avec ses électeurs : ce propriétaire foncier écrit à ses électeurs n’avoir « d’autre ambition que de conserver [leur] amitié et de mériter [leur] estime51 ».
Le programme des partis : un auteur en nom collectif (1906-1919)
24La construction d’organisations partisanes au cours de la période étudiée conduit à une transformation progressive des pratiques relatives aux professions de foi et aux programmes qu’elles contiennent.
25La centralisation organisationnelle, qui reprend dans les années 1880-1890 après une période où les comités avaient adopté un fonctionnement très local52, n’est pas la même en fonction des espaces politiques considérés, du fait de l’hétérogénéité des groupements d’une même tendance. En juin 1901, le congrès de fondation du Parti radical rassemble des députés, des comités électoraux, des loges maçonniques, des élus locaux, des associations ou encore des journaux53. À droite, deux partis se structurent au niveau national. L’ALP, avec ses 1500 comités, voit ses statuts déposés en mai 190254 et la Fédération républicaine en 1903. Au centre gauche, l’Action républicaine démocratique (ARD) reste un réseau lâche d’élus et de notables républicains ne disposant d’une organisation formelle55. L’ALP, initialement groupe parlementaire comptant une cinquantaine de députés sous la houlette de Jacques Piou, se développe en réaction à la politique anticléricale menée dans les années 1900, avant de décliner, dans les années 1910 au profit de la Fédération républicaine. Composite, elle se revendique du catholicisme, aussi bien social que conservateur, sans fédérer l’ensemble du catholicisme politique56. Dans le Nord, ainsi, les deux députés catholiques sont d’ailleurs opposés l’un à l’autre : le député Jean Plichon (ALP) intercède, en 1906, auprès du Vatican pour interdire à l’Abbé Lemire de se représenter dans l’une des circonscriptions du Nord57. Si « comme dans le cas du radical-socialisme, le “parti” socialiste, avant même d’exister à l’échelle d’une organisation nationale, était né à plusieurs centaines d’exemplaires au niveau local58 », les efforts d’organisation nationale du socialisme, notamment avec la création de la SFIO59, changent aussi la nature du programme qui, de lien local, devient un instrument d’homogénéisation nationale du parti et une technique organisationnelle de contrôle.
26La constitution des comités centraux ne s’est pas faite sans résistance, et l’altération de la nature du mandat a fait l’objet de critiques. Si les comités en 1881 se justifient parce qu’ils expriment la volonté de la France, parce qu’ils établissent un mandat et qu’ils placent les députés dans la situation de « commettants », la centralisation conduit à faire des programmes non plus l’expression d’une « demande » adressée par des électeurs mais d’une « offre » politique. C’est du moins la perception de certains agents qui contestent dès lors le dévoiement de la transaction électorale, et la dégradation du mandat en faire-valoir de l’élu :
« Ce ne sont plus les électeurs qui dictent les mandats, dressent les programmes, choisissent les candidats : c’est la nouvelle corporation des mandataires qui tend à former une espèce de patriciat en dehors duquel il n’y a qu’intransigeance ou réaction, folie ou bêtise60. »
27Quelle que soit l’ampleur de la réussite du processus de centralisation partisane, le programme devient un élément décisif de l’homogénéisation nationale de l’offre d’une organisation, et un instrument du contrôle des candidats. Le triptyque « parti-programme-investiture61 » émerge et définit les liens légitimes entre les candidats et leur organisation. C’est donc l’adhésion au programme qui formalise l’appartenance au parti, par exemple radical62. Alors que le programme adopté au congrès de Nancy en 1907 est d’abord distribué en petits livrets que les soutiens du parti peuvent signer individuellement, l’institutionnalisation du parti transforme le programme en texte généralement « contraignant ». L’article 4 des statuts stipule ainsi :
« Le programme minimum annexé aux présents statuts constitue la charte du parti. Il est d’obligation pour tous les adhérents63. »
28Cependant, dans les premiers temps de cette forme d’institutionnalisation, soumettre l’investiture à l’acceptation du programme ne va pas sans dire et s’accompagne d’une réglementation formelle explicite comme le montre la clause adoptée en 1914 par le Parti radical :
« Le Congrès décide en outre que l’investiture du parti ne pourra être accordée qu’aux candidats membres du parti ayant accepté dans son intégralité ce programme minimum64 ».
29On voit bien là la transformation générale de l’économie du programme, et les multiples programmes des comités radicaux sont désormais contraints par une « ligne » qui peut, suivant des situations, leur être rappelée.
30La professionnalisation du courtage des voix se reflète dans l’objectivation et la généralisation d’un véritable genre programmatique, avec ses « normes notoires65 », prérequis permettant de reconnaître un texte comme appartenant à un « genre » et formant l’horizon d’attente des lecteurs (pour les programmes, par exemple, ses découpages en articles et en grands domaines de politiques publiques). L’auteur du programme, le parti, est impersonnel. Cela entraîne la disparition progressive de ses auteurs concrets ou, du moins, le réagencement des logiques auctoriales66. À travers cette nouvelle signification des programmes (qui reste un temps concurrente de significations plus floues du programme comme courant d’idées), les professions de foi deviennent des espaces d’appropriation locale de programmes nationaux – d’abord à gauche où la marge de manœuvre laissée aux candidats semble plus restreinte.
31Le programme vient désigner une offre émanant d’un parti ou d’une fédération. Ce fait est d’abord rendu possible par la mise en place de fédérations départementales et nationales des partis, qui prennent en main la rédaction de « programmes » auxquels les candidats peuvent se référer. Dans le 5e arrondissement de Paris, Georges Desplas déclare se reconnaître dans « le programme adopté par la fédération des Comités radicaux et radicaux socialistes de la Seine », sans toutefois le joindre à sa profession de foi. « Ce programme, écrit-il, est le mien67. » Parti ayant une tradition programmatique (avec le Programme du Havre ou le Manifeste du Parti communiste) et doté d’une déclaration de principes à sa création en 1905, la SFIO produit, en 1906, un « manifeste » électoral, endossé par ses instances dirigeantes et utilisé nationalement. Dans sa déclaration de principes, la SFIO indique, d’ailleurs, sa volonté de contrôler ses élus : elle réaffirme le principe du mandat impératif (qui peut être associé, en pratique, aux lettres de démission en blanc). Ce type de technique de contrôle a aussi à voir avec la soumission de l’élu au groupe parlementaire68. La soumission au parti, et à ses cercles dirigeants, revendique donc la valeur contractuelle des programmes acceptés à l’instar de ce qui était le cas des candidats des comités électoraux des années 1880. Le contenu doctrinal de ces programmes est le fait d’une bureaucratie partisane plus ou moins autonomisée et qui assure le contrôle du candidat.
32Il faut encore noter que l’endossement du programme par des personnes, ou par des électeurs ou citoyens, ne disparaît pas immédiatement avec la création des entreprises électorales nationales : la pratique se perpétue sous la forme d’un endossement par des « fonctions ». Le sigle, grande innovation de ce tournant du XIXe siècle69, ou le nom du parti, ne remplacent pas brusquement les listes de signatures individuelles : le manifeste électoral socialiste de 1906 est ainsi endossé par les secrétaires du Conseil national de la SFIO et les secrétaires du groupe socialiste à la Chambre. Ces signatures sont suivies d’une mention « Vu, le candidat », qui marque ainsi son acceptation personnelle du manifeste. Parfois, la fédération du parti s’associe à ce manifeste, en l’endossant également à travers la signature de ses délégués.
33Dans ce cadre, les professions de foi se standardisent au tournant du siècle. Une part plus grande des professions de foi, en 1906, contient un « programme » au sens actuel du terme. Certaines s’y résument d’ailleurs entièrement sans que subsiste aucune adresse personnelle à l’électeur ; elles listent des points sur lesquels le candidat entend proposer des réformes70. Leur forme devient plus régulière. L’inventaire de propositions numérotées ne fait pas son apparition à cette date, mais le découpage des programmes en parties thématiques (économie et politique, domaine social, défense nationale etc.) se généralise, lui-même décliné en de multiples points ou « articles », qui constituent les promesses électorales du candidat.
Les appropriations locales d’un genre devenant national (1906-1919)
34Se fait jour une tension entre deux logiques : la soumission aux logiques de nationalisation des enjeux et des modes de fonctionnement politique, d’un côté, et, de l’autre, les nécessités de l’implantation locale. Cette tension produit une diversité des modalités d’appropriation des programmes nationaux dans les circonscriptions électorales. Encore en 1906, on ne voit pas l’ensemble des candidats d’un parti, même de la SFIO, adopter le même manifeste. Certes, de nombreux candidats socialistes renoncent à transmettre à la commission en charge du recueil des documents d’autres professions de foi que la déclaration suivant laquelle leur programme est celui de la SFIO. Leurs professions de foi sont alors uniquement collectives : elles s’ouvrent sur un « Manifeste du Parti socialiste », endossé collectivement par le groupe socialiste au Parlement, le Conseil national du parti, les délégués des fédérations et par les membres de la Commission administrative permanente. L’existence de ce manifeste et d’une organisation dotée d’un corpus doctrinal permet à certains candidats de renvoyer la commission de recueil des professions de foi vers le « programme unique de la SFIO » sans le transmettre.
35Cependant, la référence au programme du Parti socialiste, ou même l’usage du manifeste électoral de 1906, n’empêche pas des interprétations locales. Développant un programme personnel, adapté aux intérêts de sa circonscription cambrésienne, le socialiste Eugène Fiévet ne croit pas moins nécessaire de préciser sa soumission aux logiques partisanes centrales : « Mon programme ? C’est le programme intégral du Parti socialiste71. » Son programme est pourtant adapté aux réalités locales : restriction de la possibilité d’installation dans le Cambrésis des ouvriers belges, défense des intérêts des tisserands. Il met en avant un programme agricole, appelant à la suppression du privilège des bouilleurs de cru qui pèserait particulièrement sur les populations du Nord ou donne son soutien aux syndicats agricoles qui contrebalanceraient le poids des industriels sucriers dans une région betteravière72. Dans le cas de Jules Guesde en 1906, le manifeste socialiste est accompagné de textes qui l’enracinent dans une circonscription ouvrière (Roubaix). Le Manifeste est en effet suivi de déclarations de deux organes locaux du parti, portant les signatures individuelles de leurs membres, et soutenant sa candidature. Il s’agit, d’un côté, d’un comité des élus de la circonscription de Roubaix-Wattrelos et, de l’autre, de la commission électorale du parti. Ces adresses parlent aux ouvriers de la circonscription de l’œuvre sociale de Jules Guesde (journée de 8 heures, retraites ouvrières, congé maternité etc.) que son élection lui permettrait de poursuivre, de même qu’il pourrait poursuivre sa « croisade » pour l’ordre socialiste nouveau73.
36L’examen des professions de foi de 1919 confirme ces évolutions, renforcées peut-être par le scrutin de liste départemental adopté pour ces élections. L’existence d’un programme partisan permet de disséminer non pas seulement un texte en bloc, mais également le texte en bribes – c’est-à-dire d’extraire certains développements du programme national dans les professions de foi locales : de mettre un texte national en contexte local. C’est ce que l’on voit lorsque la SFIO se dote d’un programme très construit, voté par le congrès du parti en avril 1919 et préparé par une commission programmatique présidée par Léon Blum. Dans sa forme, signe de la consolidation du programme partisan comme genre textuel normé, ce programme est épuré de toute signature individuelle : le seul auteur du « Programme d’action du Parti socialiste », est le Parti socialiste – SFIO (cf. illustration)74, désigné par son nom et son sigle, ainsi que le congrès qui vote le texte.
37Ce programme de 24 pages, vendu 20 centimes, correspond aux standards programmatiques socialistes, en s’ouvrant sur une analyse de la société pour se poursuivre sur un ensemble de préconisations visant à révolutionner les différents domaines de la société. Il sert de référence au travail programmatique des diverses fédérations socialistes participant aux élections de 1919. La fédération vendéenne utilise ainsi un texte qui est issu de ce programme d’action et utilisé sans changement dans de multiples autres fédérations75.
38Dans la Seine et le Nord, le programme est ancré dans les réalités locales. Des appels aux électeurs ou aux « travailleurs du Nord » beaucoup plus succincts sont publiés et remis à la commission du Barodet. Le Nord effectue une reprise partielle du programme, en en tirant des éléments d’analyse et des propositions – ce que font par ailleurs de nombreuses autres fédérations comme les Landes. En particulier, toutes les revendications, qui constituent la conclusion des analyses du programme d’action, y sont incluses : la « conscription des fortunes », la socialisation des moyens de transport, le développement de l’assurance sociale76. D’ailleurs, les divisions thématiques du programme national scandent également le programme proposé par la fédération. Les rédacteurs du programme de la Seine, eux, reprennent des éléments d’analyse, mais insistent essentiellement sur la solidarité avec la cause bolchevique et l’opposition à l’appui donnée par la France à la contre-révolution, sous l’effet de la présence de Marcel Cachin, théoricien du parti de retour de sa mission en Russie77.
39Le « Barodet » lui-même porte la marque de ces transformations : alors que les rapports de synthèse contenus dans le texte produit par la commission parlementaire cherchaient à rendre compte, en 1881 ou en 1906, d’une diversité de formes de textes au contenu dispersé, et mettaient en œuvre diverses techniques pour en faire la synthèse (tableaux synoptiques, suites de noms associés à des propositions etc.), le rapport de 1919 s’ordonne par parti et par grand thème d’action publique. Cette transformation marque non seulement l’objectivation dans l’espace politique d’organisations politiques à vocation nationale, mais aussi le lien consubstantiel qui est établi entre ces organisations, leurs candidats et leurs programmes. Synthèse, à l’origine, d’une multitude de volontés individuelles, la « volonté générale » qu’est sensée exposer le Barodet est devenue la juxtaposition de programmes partisans nationaux.
Conclusion
40La construction de la démocratie représentative française durant les premières décennies de la Troisième République s’accompagne de la constitution et de la stabilisation d’un genre programmatique, doté de ses règles et codes spécifiques, et d’une forme de cumulativité78. Si, comme on l’a vu, il existe des programmes, notamment à gauche et plus encore à l’extrême-gauche, avant que ne se constituent les premiers partis, ces derniers infléchissent sensiblement le sens attaché à ces écrits et contribuent à leur donner leur caractère obligatoire. Avec la monopolisation de l’offre politique par les organisations partisanes, les programmes cessent d’être la marque d’un candidat ou d’un comité d’électeur d’une circonscription pour devenir celle d’entreprises politiques nationales et durables, les professions de foi individuelles tendant à n’être plus que la déclinaison locale et plus ou moins personnalisée de ces textes sans auteur.
41Ce mouvement, qui n’est pas encore totalement achevé en 1919, s’inscrit à l’intérieur de luttes plus larges relatives à la définition du mandat politique et à la définition légitime de la transaction électorale. Le programme adopté par le Parti républicain, radical et radical socialiste lors de son congrès de 1907 stipule ainsi :
« La réforme électorale intimement liée à la refonte de notre système administratif doit assurer la consultation du peuple dans des conditions telles que les électeurs se déterminent sur des programmes bien plus que des personnalités. […]
La législation qui règle le mode de votation garantira le secret et la sincérité du vote : toutes les pressions patronales, surtout celles du grand industriel ou du grand propriétaire sur le citoyen qu’il emploie, seront prévenues ou sévèrement réprimées ; les procédés de corruption seront recherchés et punis ; des mesures législatives seront édictées pour restreindre les dépenses électorales et égaliser la lutte entre le riche et le pauvre79. »
42Le Parti radical y affirme une stratégie de définition de la « bonne » transaction électorale, celle où les électeurs « se déterminent sur des programmes ». On voit bien que l’invention des programmes n’a rien d’un effet naturel de l’émergence de la compétition électorale moderne : elle est le produit de luttes, sociales et politiques. L’établissement des programmes politiques comme élément incontournable du répertoire d’action partisan s’inscrit dans un travail de transformation des modes de légitimation des élus, et dans le mouvement d’érosion des ressources notabiliaires. L’époque que nous observons, 1881-1919, voit une « programmatisation » de l’action électorale consciemment présentée comme une manière d’affaiblir les autorités traditionnelles80. Il ne faut pas s’étonner dès lors que ce soit à gauche que ces évolutions se dessinent en premier (en dépit de l’existence d’organisations partisanes à droite qui auraient pu jouer, à cette époque, un rôle similaire d’homogénéisation) : le personnel politique socialiste ou radical, plus modeste, a à l’origine tout intérêt à cette dépersonnalisation de la compétition électorale. Socialistes et radicaux sont les premiers partis visibles dans notre corpus à homogénéiser les présentations de soi programmatiques des candidats, les premiers pouvant de surcroît s’insérer au sein d’un mouvement international qui peut assurer une certaine circulation des formes partisanes et des biens programmatiques. Le caractère encore minoritaire de ces forces en 1881, les socialistes étant pour l’essentiel absents du parlement, pose la question du processus par lequel une innovation technique peut s’imposer au champ politique à partir de ses marges81.
Notes de bas de page
1 Matériau de l’histoire et de la science politique, les professions de foi et les programmes ont généralement été considérés comme un observatoire parmi d’autres d’objets ou de logiques politiques qui leur sont extérieurs. Voir Prost A., Vocabulaire des proclamations électorales de 1881, 1885 et 1889, Paris, Presses Universitaires de France, 1974 ; Prost A., « L’évolution politique des députés (1882-1884) », Revue Française de Science Politique, no 4, 1973, p. 701-728 ; Prost A., « La chambre des députés (1881-1885). Analyse factorielle des scrutins », Revue Française de Science Politique, no 1, 1971, p. 5-50 ; Offerlé M., « Illégitimité et légitimation du personnel politique ouvrier en France avant 1914 », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 39e année, no 4, 1984, p. 681-716 ; Deloye Y., « Se présenter pour représenter. Enquête sur les professions de foi électorales de 1848 », in Offerlé M. (dir.), La Profession politique, Paris, Belin, 1999, p. 231-253. Le présent chapitre entend au contraire étudier professions de foi et programmes pour eux-mêmes, en prenant pour objet la construction historique de cet instrument des luttes politiques.
2 Huard R., Le Suffrage universel en France 1848-1946, Paris, Aubier, 1991.
3 Ihl O., Le Vote, Paris, Montchrestien, 2000, p. 79-80.
4 Deloye Y., Ihl O., « L’urne électorale », L’Acte du vote, Paris, Presses de Sciences-Po, 2008, p. 107-172.
5 Garrigou A., « Le secret de l’isoloir », Actes de la recherche en sciences sociales, no 71, 1988, p. 22-45.
6 Offerlé M. (dir.), La Profession politique, Paris, Belin, 1999, p. 231-253 ; Phélippeau É., L’Invention de l’homme politique moderne : Mackau, l’Orne et la République, Paris, Belin, 2002.
7 On reprend l’expression à Gaxie D., La Démocratie représentative, Paris, Montchrestien, 2003, p. 99-101.
8 Huard R., La Naissance du parti politique en France, Paris, Presses de Sciences Po, 1996.
9 La source utilisée ici n’inclut pas les professions de foi des candidats battus (sauf en 1919), si bien que les professions de foi des partis ou tendances minoritaires sont peu représentées au sein du corpus. On ne trouve en particulier guère de députés socialistes en 1881, alors que les mouvements socialistes sont parmi les premiers à se doter de programmes formels. La présente étude se centre toutefois moins sur la genèse du genre programmatique que sur son institutionnalisation au sein de la compétition électorale, qui suppose son appropriation par les partis et groupes majoritaires.
10 La proposition de loi Barodet est adoptée en 1882 et porte alors uniquement sur la législature en cours. Les élections législatives de 1881 sont donc les premières pour lesquelles le recueil systématique des professions de foi des élus est réalisé par l’Assemblée.
11 Garrigou A., Le Vote et la vertu : comment les français sont devenus électeurs, Paris, Presses de la FNSP, 1992, p. 218-220.
12 Rosanvallon P., La Démocratie inachevée : histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard, 2000, p. 284 (2003).
13 Halévy D., La Fin des notables, Paris, Livre de poche, 1972 (1930).
14 Selon Jean-Marie Mayeur, ce sont ainsi 5 100 000 voix qui se portent sur les candidats républicains en 1881 contre seulement 1 800 000 voix pour les candidats conservateurs. Cf. Mayeur J.-M., La Vie politique sous la Troisième République (1870-1940), Paris, Le Seuil, 1984, p 72.
15 Phélippeau É., op. cit.
16 Sur les différentes manières de définir les partis politiques, et sur la définition wébérienne que l’on reprend ici librement, voire Offerlé M., Les Partis politiques, Paris, PUF, 1987.
17 Sur ces différents points, et sur le cadre juridique que confère aux partis la loi de 1901 sur les associations, voir Huard R., op. cit.
18 La SFIO remporte 54 sièges aux élections de 1906 (auxquels s’ajoutent 20 socialistes indépendants), et l’Assemblée compte 250 députés radicaux, ces derniers constituant le principal groupe. Cf. Agulhon M., La République, Paris, Hachette, 1990, p. 219 (-1995).
19 Voir notamment Mayeur J.-M., Des partis catholiques à la démocratie chrétienne (XIXe-XXe siècle), Paris, Armand Colin, 1980.
20 « Projet de résolution tendant à la nomination d’une Commission chargée d’opérer le dépouillement des professions de foi et programmes électoraux, et de présenter à la chambre un rapport sur les vœux et les volontés qui y sont exprimés », Chambre des députés, troisième législature, session extraordinaire de 1881, annexe au procès-verbal de la séance du 11 novembre 1881.
21 Pelletan C., « Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner la proposition de loi de M. Barodet », Chambre des députés, troisième législature, session de 1882, annexe au procès-verbal de la séance du 23 février 1882.
22 Pelletan C., « Rapport fait au nom de la commission chargée de réunir et de publier les textes authentiques des programmes et engagements électoraux des Députés », Chambre des députés, troisième législature, session de 1882, annexe au procès-verbal de la séance du 11 novembre 1882. Pierre Rosanvallon souligne encore que certains appellent ces professions de foi « cahiers de doléances », « cahiers des électeurs » en se référant à la tradition révolutionnaire : La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard, 2000, p. 266.
23 Instituteur désigné maire de Lyon en 1872, Désiré Barodet (1823-1906) devient un personnage important de la Troisième République lorsqu’il parvient à se faire élire député, contre Charles de Rémusat, candidat soutenu par Adolphe Thiers dans la Seine en 1873. Cet événement est, pour Daniel Halévy, l’un des symptômes de la « fin des notables » (op. cit.) Siégeant avec les républicains radicaux, à l’extrême gauche de la Chambre, c’est lui qui fait voter, à quatre reprises, par les députés l’établissement du recueil des professions de foi jusque 1893. En 1896, il quitte la Chambre des députés pour le Sénat.
24 Votées par des royalistes de centre-droit et des républicains de centre-gauche, les lois constitutionnelles de 1875 laissaient à l’origine ouverte la possibilité d’une restauration monarchiste. Par opposition aux républicains modérés qui, rejoints par Gambetta, prennent le parti de s’accommoder des institutions de cette « République conservatrice », les radicaux ou radicaux-socialistes français au début des années 1880 défendent une révision de la constitution et l’abolition du Sénat. Sur la mise en discours de cette opposition entre « opportunistes » et « radicaux » et sur les luttes à l’intérieur desquelles s’opère la qualification de l’extrême-gauche durant les années 1870, voir Aprile S., « “Qu’avons-nous fait, nous les purs ?” Figures singulières et recompositions plurielles de l’opportunisme », Politix, vol. 14, no 56, 2001, p. 109-122.
25 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1919, Paris, Impr. de la Chambre des députés, 1920, p. 6.
26 Ibid., p. 12.
27 Le concept est repris à Chartier R., « Du livre au lire », inChartier R. (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1985, p. 61-82, p. 79-80.
28 Robert A., Bourloton E. et Cougny G. (dir.), Dictionnaire des parlementaires français : depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, Paris, Edgar Bourloton, 1891.
29 Voir : Przybyla F., Le Blé, le sucre et le charbon : les parlementaires du Nord et leur action (1881-1889), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2007.
30 Les labels de « droite » et de « gauche », tout comme celles d’« opportunistes » et de « radicaux », sont considérées ici comme des catégories indigènes et donc employés comme les acteurs les utilisaient à la date considérée.
31 Pelletan C., « Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner la proposition de loi de M. Barodet », Chambre des députés, troisième législature, session de 1882, annexe au procès-verbal de la séance du 23 février 1882.
32 Le programme de l’Alliance socialiste républicaine n’a toutefois pas été rédigé pour Cantagrel et s’adresse à tous les candidats qui souhaiteraient l’endosser.
33 Pour les élections de 1881, parmi les professions de foi que nous avons retenues, les comités électoraux apparaissent comme un fait essentiellement parisien : 30 des 31 députés de département de la Seine se réfèrent à l’investissement d’un comité électoral, et 26 d’entre eux reproduisent un manifeste ou un document émanant de celui-ci. Ce n’est en revanche le cas d’aucun député du Nord ou de Vendée. Notons toutefois que nos sources ne nous permettent en toute rigueur que de dénombrer les références à des comités électoraux. Ce qui nous importe ici est toutefois moins l’existence d’un comité que le fait qu’un candidat s’en revendique.
34 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1881, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1882, p. 338.
35 À l’exception d’une occurrence, Farcy se réfère au programme qu’il défend à la deuxième personne du pluriel (« votre programme) plutôt qu’à la première du singulier (« mon programme »).
36 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1881, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1882, p. 400.
37 Ibid., p. 304.
38 Duroselle J.-B., La France de la Belle époque, Paris, Presses de la FNSP, 1992 (1972), p. 144.
39 Cossart P., Le Meeting politique. De la délibération à la démonstration de force (1868-1931), Rennes, PUR, 2010, p. 118 sq.
40 Ibid., p. 120.
41 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1881, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1882, p. 191-193.
42 Ibid., p. 398.
43 Ibid., p. 311.
44 Ibid., p. 301 et 319.
45 Ibid., p. 402.
46 Ibid., p. 317.
47 Ibid., p. 408.
48 Abélès M., Jours tranquilles en 89. Ethnographie d’un département français, Paris, Odile Jacob, 1989.
49 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1881, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1882, p. 539.
50 Alfred Le Roux, banquier et président de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest, exerce en effet le mandat de député de 1852 à 1879, et est ministre de l’Agriculture et du Commerce en 1869-1870.
51 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1881, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1882, p. 539.
52 Huard R., La Naissance du parti politique, op. cit., p. 159-160.
53 Duroselle J.-B., La France de la « Belle époque », Paris, Presses de la FNSP, 1992 [1972], p. 184.
54 Mayeur J.-M., La Vie politique, op. cit., 1984, p. 194 et Aliance libérale populaire, Almanach de l’Action libérale populaire, Paris, Bureaux de l’Action libérale populaire, 1903, p. 36.
55 Berstein S., Milza P., Histoire de la France au 20e siècle, Paris, Complexe, 1995, p. 39.
56 Janet-Vendroux É., « L’Action libérale populaire dans le Nord à la Belle Époque », Revue du Nord, no 370, 2007, p. 415-422.
57 Duroselle J.-B., op. cit., p. 162.
58 Nicolas Rousselier souligne en effet que, « comme dans le cas du radical-socialisme, le “parti” socialiste, avant même d’exister à l’échelle d’une organisation nationale, était né à plusieurs centaines d’exemplaires au niveau local » : Rousselier N., « Les caractères de la vie politique dans la France républicaine 1880-1914 », in Berstein S., Winock M., L’Invention de la démocratie moderne 1789-1914, Paris, Le Seuil, 2002, p. 456-498, p. 480.
59 Rousselier N., « Les caractères de la vie politique dans la France républicaine 1880-1914 », in Berstein S., Winock M., L’Invention de la démocratie moderne 1789-1914, Paris, Le Seuil, 2002, p. 456-498, p. 480.
60 « Appel aux comités républicains et radicaux du département de l’Isère » (1885), cité par Huard R., op. cit., p. 170.
61 Offerlé M., « Le nombre de voix. Électeurs, partis et électorat socialistes à la fin du XIXe siècle en France », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 71-72, 1988, p. 5-21.
62 Rébérioux M., La République radicale ? 1898-1914, Paris, Le Seuil, 1975, p. 52.
63 Cité in Offerlé M., « Le nombre de voix. Électeurs, partis et électorat socialistes à la fin du XIXe siècle en France », art. cité, p. 12.
64 Parti républicain, radical et radical socialiste, Déclaration du parti. Programme minimum, Paris, 9, Rue de Valois, 1914, p. 9.
65 Jauss H. R., Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p. 58.
66 Le même processus s’observe dans d’autres contextes. Pour le cas du SPD ouest-allemand, Voir Fertikh K., Le Congrès de Bad Godesberg. Contribution à une sociohistoire des programmes politiques, thèse de sciences sociales de l’EHESS, 2012.
67 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1906, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1907, p. 833.
68 Rosanvallon P., op. cit., p. 279.
69 Tournier M., « À la naissance des partis français. Quelques repères terminologiques », in Des mots en politiques, Paris, ENS Éditions, 2002, p. 219-240.
70 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1906, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1907, p. 828.
71 Ibid., p. 621.
72 Ibid., p. 622-623.
73 Ibid., p. 649-652.
74 Parti socialiste – SFIO, Programme d’action du Parti socialiste, Paris, Librairie du Parti socialiste et de l’Humanité, 1919.
75 Programmes, professions de foi et engagements électoraux de 1919, Paris, impr. de la Chambre des députés, 1920, p. 914.
76 Ibid., p. 605-607.
77 Ibid., p. 775-777.
78 Comme l’atteste la constitution d’une mémoire programmatique, faite d’un certain nombre de programmes de référence, auxquels on continue de se référer, comme le Programme de Belleville.
79 Parti républicain, radical et radical socialiste, Déclaration du parti. Programme minimum, Paris, 9, Rue de Valois, 1914, p. 14.
80 Garrigou A., op. cit., p. 299.
81 Merci à Nicolas Bué, Vanessa Codaccioni et Antoine Fersing pour leurs relectures de versions antérieures de ce chapitre.
Auteurs
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