Chapitre IX. « Le Roy et l’estat »
p. 357-405
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Texte intégral
1La conduite du roi et des grands seigneurs imprime son influence sur les membres de l’administration provinciale que sont les Bodreau, mais chacun la reçoit et surtout l’exprime différemment. La manière dont il a connaissance de l’événement, ce qu’il en comprend et comment il le vit se décèle dans sa rédaction. La lecture du manuscrit, rédigé au fur et à mesure du temps vécu, porte à considérer de manière chronologique la perception de chacun et révèle le choix qu’il fait dans la relation des événements politiques.
2Le tableau suivant, différenciant les folios relatant les événements du royaume proprement dit de ceux concernant plus particulièrement la province du Maine, permet une évaluation quantitative de cette perception.
Figure n° 8 : Tableau des folios traitant des événements politiques

3Sur quatre cent quatre-vingt dix-neuf folios, quatre-vingt seize abordent la vie politique du royaume et représentent le cinquième1 du Livre de famille. Seuls sept folios, écrits par Julien, sont consacrés à un événement se produisant hors du royaume : la mort du roi Charles 1er d’Angleterre. Hormis cette exécution, jamais les Bodreau ne semblent se préoccuper du monde à l’extérieur des frontières françaises. Les pages écrites à propos de la vie politique de leur province du Maine ne sont guère plus nombreuses que celles qui sont consacrées à la politique royale dans son ensemble (quarante-neuf folios contre quarante-sept).
4Le sergent royal Jehan, né probablement2 avant 1550 sous Henri II ou sous François Ier, traverse toute sa vie les années chaotiques des luttes religieuses du troisième quart du xvie siècle. Son fils, le notaire royal né quelques jours après la Saint-Barthélemy, parcourt le règne pacifique d’Henri IV, mais connaît les difficultés de la régence de Marie de Médicis et du gouvernement de Louis XIII. Le petit-fils de Jehan, Julien l’avocat du présidial manceau, du même âge que Louis XIII, accuse la cinquantaine au moment des événements de la Fronde et meurt à l’instant où Louis XIV inaugure son règne personnel. Enfin Charles, le fils de Julien, né en 1632, ne tient le livre de famille que pendant les années glorieuses du Roi Soleil.
« L’an mil Vcs soixante et sept »
5Ce n’est certainement pas par hasard que le méticuleux et compétent administrateur3 de l’hôpital du Mans, Marin Dominique Chesneau de La Drourie, choisit de « clore » [f° 257] le livre de ses ancêtres précisément en 1767, deux cents ans après la rédaction de la première ligne du manuscrit. C’est en effet en « l’an mil Vcs soixante et sept […] l’année que l’on commensa à compter l’an du premier jour de janvyer » [f° 2], que les premiers mots du Livre sont tracés par Jehan Bodreau sergent royal. Se rangeant aux décisions papales, Charles IX publie un édit en janvier 1564 fixant le début de l’année au 1er janvier, mais les parlements de province ne l’enregistrent pas tous avec la même célérité. Si Bordeaux et Toulouse adoptent tout de suite l’édit royal, le Parlement de Paris ne s’exécute que trois ans plus tard et le Maine lui emboîte le pas. En 1567, l’année, qui commençait le samedi saint, débute désormais le 1er janvier.
6Ce changement de date produit-il un bouleversement dans les habitudes mancelles ? Les registres4 de l’Hôtel de Ville n’en ont pas conservé le souvenir, ceux de 1567 commençant le 2 octobre5. En revanche, les registres du Chapitre du Mans6 en gardent la trace dans un article intitulé Mutatio computationis anni daté du 15 janvier 1567. L’article enregistré deux jours auparavant porte la date du 13 janvier 1566, l’année 1567 ne devant débuter qu’à Pâques. Par sa fonction de sergent royal, nul doute que Jehan Bodreau y ait été attentif puisqu’il en relève l’importance en le notant, avant tout autre événement, sur la première page de son manuscrit7. Cette nouveauté constitue pour lui l’entrée en matière de son Livre, livre dont il va faire un témoin du temps qui s’écoule et du temps qui change.
« Les guerres estoient » : 1567-1590
7Les guerres de religion de la fin du xvie siècle ont pour témoins les deux premiers rédacteurs du Livre. Jehan puis son fils Julian traversent des périodes d’affrontements religieux d’une intense violence, mais aucun des deux n’utilise l’expression « guerres de religion » ni ne laisse deviner que les troubles, vécus par chacun d’eux, aient pu avoir des causes idéologiques.
8Au moment où Jehan Bodreau ouvre pour la première fois les pages vierges de son Livre, le royaume de France, dirigé par le roi Charles IX âgé de dix-sept ans et sa mère la régente Catherine de Médicis, est en proie aux luttes religieuses. Cette année 1567 voit débuter la deuxième guerre de religion, mais aucun écho de ces grands troubles ne se perçoit alors sous la plume de Jehan. Adoptant la conduite de la ville du Mans qui, non seulement « ne bouge même pas en 15728 », mais qui, depuis le départ des calvinistes en 1562, reste prudente « et ne prend pas parti au cours des six guerres de religion9 » qui vont suivre, Jehan ne laisse rien savoir de ces temps troublés et, dans la mesure où le Maine n’est pas concerné, il semble ne pas se soucier des affaires du royaume. Cinq folios sur les vingt-cinq écrits par Jehan de 1567 à 1580 évoquent les troubles des guerres de religion. Cependant, des mots tels que : « religion », « ligue », « réformé », « protestant », « huguenot », « catholique » ou même « chrétien » n’apparaissent jamais sous la plume du sergent royal. Il ne souffle mot du massacre de la Saint-Barthélemy qui est pourtant connu au Mans par la déclaration officielle faite à Paris par Charles IX au cours d’un lit de justice. Le surlendemain du massacre, le mardi 26 août, « le souverain dit le texte dans lequel il admet avoir ordonné lui-même l’exécution de Coligny et de ses amis ; ces propos sont repris le 28 août dans une Déclaration officielle10 à l’usage de toutes les autorités du royaume11 ».
9Mais qu’importe à Jehan ce qui se passe en la capitale, lui qui, en ce début de septembre 1572, attend la naissance d’un enfant d’un jour à l’autre ? Ce fils nouveau-né n’est autre que Julian, le futur notaire. La question se pose de savoir comment un modeste sergent royal de province pouvait accéder à la connaissance et a fortiori à la compréhension des luttes idéologiques de cette époque ; néanmoins, Jehan montre dans ses écrits qu’il a conscience d’appartenir à un grand pays où le roi tient un rôle important. Il n’évoque les guerres civiles qu’en 1573 à l’occasion du siège de La Rochelle par le « frère du Roy » [f°8], le duc d’Anjou12. C’est la première fois qu’il parle du souverain, mais il ne donne jamais le nom du roi régnant : il l’appelle « le Roy » quel qu’il soit. Jehan est informé des nouvelles qui sont envoyées de la capitale à chaque ville du royaume et s’il ne nomme pas le roi, c’est parce qu’à ses yeux cela est inutile : chacun sait son nom. Il n’évoque pas le rôle important tenu par la reine Catherine de Médicis, régente et mère des trois rois qui règnent durant la vie adulte de Jehan. Il ne précise pas davantage le nom du « frère du roi », mais il montre qu’il le connaît. Cette année 1573, Jehan note la nouvelle que « La Rochelle estoit assiégée par le frère du Roy » [f° 8], mais ce siège « et la paix [qui] y fut faicte » [f° 8] ne sont pas les seuls événements qui lui importent, quoiqu’il tienne à noter cette trêve. Ce qui l’intéresse, c’est que le duc d’Anjou « de là alla en Pologne où il fut Roy » [f°8]. En réalité, le duc d’Anjou lève seulement le siège devant La Rochelle et rentre à Paris triomphalement13 avant de partir pour la Pologne. Dom Piolin écrit que « le duc d’Anjou, comte du Maine, échoua en assiégeant les huguenots dans La Rochelle et, honteux de sa défaite, il s’enfuit en Pologne où il venait d’être élu roi14 ». Or, en 1573 sous le règne de Charles IX, le Comte du Maine n’est pas le duc d’Anjou, mais le dernier frère du roi, François Hercule, duc d’Alençon qui ne deviendra duc d’Anjou que trois ans plus tard15 lorsque Henri III donnera « au duc d’Alençon pour augmenter son apanage l’Anjou, la Touraine et le Berry16 ». Jehan, sergent royal, n’aurait pas commis l’erreur d’attribuer au comte de sa province des titres qu’il n’avait pas. L’ambassade française en Pologne est commandée par Nicolas d’Angennes frère de l’évêque du Mans, Charles d’Angennes, et « les sieurs de Rambouillet frères de l’évêque [ont] suivi le roi de Pologne pour assister à son couronnement17 ». C’est sans doute ce qui explique l’intérêt de Jehan pour le siège de La Rochelle et le départ du frère du roi, mais il ne le laisse pas paraître dans ses écrits, ne donnant jamais la source de ses informations. Il ne parle ni du décès de Charles IX ni du retour du roi de Pologne devenant Henri III roi de France, deux nouvelles annoncées au Mans et qui figurent sur les registres de l’Hôtel de Ville18.
10Aucun trait de la politique royale ne retient l’attention de Jehan pendant les deux années suivantes, qui sont celles de la cinquième guerre de religion, du sacre du roi et de la prise de commandement du parti des Malcontents par le duc d’Alençon ; ce sont des événements trop éloignés de lui et de la vie mancelle. Il est bien difficile de discerner dans les écrits de Jehan une tentative d’explication aux troubles qui entravent son existence, et force est de croire qu’il n’attache aucun intérêt à ce qui se passe à Paris ; seul lui importe ce qui en découle pour sa vie quotidienne au Mans. Que le duc d’Anjou devienne roi de Pologne par l’intermédiaire d’un seigneur manceau le flatte peut-être, mais il n’en dit rien. En revanche, la désobéissance du roi de Navarre, qui sort de Paris « sans le vouloyr du Roy » [f° 12], lui semble inconcevable. De surcroît, cette atteinte à l’autorité royale constitue une menace bien réelle puisque Henri de Navarre « voulut passer par Le Mans et aller à La Flèche ce qui luy fut refusé19 » [f°12]. Jehan tente de saisir les raisons des troubles qui s’étendent jusqu’à sa ville, mais aurait-il relevé cette désobéissance princière si la tranquillité de sa cité n’en eut été mise en péril ? Le sergent royal se tient informé des décisions municipales et il note en son Livre le moindre signe d’apaisement, mais l’agitation de toute cette période dépasse son entendement. Rédigeant son Livre jusqu’en 1580, il n’évoquera plus jamais ces « guerres » et ces « émotions » tant redoutées qui ont compliqué sa vie de père de famille et sa fonction de sergent royal.
11À la mort de Jehan en 1582, le Livre se tait pour sept ans et, lorsque son fils Julian en reprend la rédaction, son premier soin, après une note sur la sépulture paternelle, est de raconter le jour mémorable de la « mise en obéissance du roy » [f° 15 v°]. Orphelins, Julian et son frère cadet voient leurs jeunes années s’écouler dans un royaume livré aux luttes politiques et religieuses qui suivent la disparition de l’héritier du trône et alimentent des conflits incessants. Au Mans, où les habitants « viv[ent] dans une aigreur et une animosité implacable20 », les partisans du roi doivent faire face aux ligueurs. En 1589, le collégien Julian Bodreau n’a pas encore entrepris la rédaction du Livre de son père, même si, depuis 1586, il l’ouvre de temps en temps pour y inscrire son nom et sans doute pour le lire. Les grands troubles politiques dans lesquels sa ville est plongée ne retiennent son attention que lors de l’incendie de sa demeure provoqué par les conflits militaires en 1589.
Le « plus grand et absolut roy en touttes ses actions » : 1590-1610
12Les premières années du règne d’Henri IV sont, pour Julian Bodreau, dix années de jeunesse qui s’écoulent dans une région au climat politique encore bien chaotique. Cette dernière décennie du xvie siècle est très active pour le tout nouvel élève de « monsieur Des Rues » [f° 16 v°] qui apprend au palais, de février 1590 à août 1596, son métier de « praticien et notaire royal » [f° 1 v°]. Mais, des événements du royaume survenus entre 1590 et 1598, le Livre ne porte aucune trace et Julian n’écrit rien sur les premières années d’exercice du pouvoir de celui qu’il nommera plus tard le « plus grand et absolut roy en touttes ses actions qui ayt régné en France long temps » [f° 48 v°]. En dehors de cet hommage posthume écrit en 1610, il ne confie aucune impression personnelle sur l’action d’Henri IV.
13L’abjuration du roi, à laquelle « une forte publicité fut accordée dans tout le royaume21 », ne paraît pas dans le Livre de Julian. Le notaire royal, à l’image du sergent royal son père, ne prononce aucun mot au sujet de la religion et se garde bien de formuler son opinion. Il n’évoque pas plus la ratification de l’Édit de Nantes en 1598 qu’il ne notera l’édification du temple manceau en 1610. Cet édit, primordial à nos yeux aujourd’hui, a-t-il eu l’importance que nous lui donnons et qu’il a prise depuis sa révocation ? La grande majorité des contemporains de Julian, tel Pierre de L’Étoile, l’a aussi passé sous silence22. Comme Julian, le chroniqueur parisien a préféré retenir, en cette même année, la signature du traité de Vervins et les réjouissances qui suivirent pour célébrer la gloire du roi. Ce n’est que le 25 février 1599 que le Parlement de Paris, dont Le Mans dépend, enregistre le texte de l’édit après y avoir apporté quelques modifications. Applicable dès lors dans les deux tiers du royaume, ce texte ne figure cependant pas sur les registres de l’Hôtel de Ville du Mans. Probablement n’entraîne-t-il pas de changement notable dans la vie d’un notaire royal catholique habitant la capitale d’un des dix plus grands diocèses de France, capitale où les huguenots sont peu nombreux.
14Si Julian apprécie sans doute quelques aspects de la politique intérieure menée par le roi, lui qui bénéficie des nouvelles lois établies23 au sujet des offices et qui désire tant que la paix demeure, il n’en écrit rien. Durant la dernière décennie du xvie siècle, le Maine est ravagé par les troupes anglaises qui portent secours au maréchal de Boisdauphin, gouverneur ligueur, et par les troupes espagnoles24 soutenant la Ligue et rançonnant la province. Boisdauphin ne se soumet à Henri IV qu’en mai 1597 et le gouverneur légal du Maine, Jean de Beaumanoir25, nommé par le roi dès 1590, peut alors assumer ses fonctions plus sereinement malgré ses fréquentes absences de la province (ami d’enfance26 d’Henri IV, il passe beaucoup de temps à la cour). Neuf ans de guerres civiles s’achèvent avec la soumission du maréchal de Boisdauphin et pourtant Julian ne dit rien de ces années troublées. Il ne laisse percer son soulagement et son espoir d’une vie possible à bâtir une fois la paix établie, qu’en souhaitant, à propos de la paix avec l’Espagne, que : « Dieu par sa saincte bonté la rende perdurable » [f° 19 v°].
15La paix de Vervins est le premier événement du royaume que Julian pense à noter dans son Livre27. C’est là pour lui l’occasion de se réjouir de la grandeur de son roi qui a su établir le calme dans la province du Maine. Julian ne donne aucune information sur les conditions du traité de paix qui est publié dans les rues de sa ville, « le vendredy 19e juin 1598 jour de Sts Gervais et Prothays » [f°19]. Il est allé écouter, au carrefour, la nouvelle de la paix signée entre les souverains – « le roy Henry 4e de France et de Navarre Philippes roy d’Espaigne et Charles Emanuel duc de Savoye » [f°19] – et la promesse des réjouissances qui vont suivre. Transcrire l’information telle qu’il la reçoit, nommer chaque personnage avec précision, sont des constantes dans les écrits de Julian. Que la guerre cesse et que la paix soit « perdurable » [f° 19 v°], voilà ce qui importe au notaire manceau qui ne semble pas se soucier des conséquences de cet accord sur la politique du royaume ; c’est là affaire de Grands. Seuls les événements locaux sont dignes d’intérêt pour lui ; le traité de Vervins – qu’il ne nomme jamais ainsi – a sa place dans son Livre parce qu’il est fêté officiellement au Mans et que Julian prend part aux réjouissances. Il relève la présence de « mr le mareschal de Lavardin gouverneur » [f° 19 v°] aux festivités organisées au Mans en citant son nom deux fois en huit lignes, montrant ainsi combien les Manceaux apprécient le zèle de leurs gouverneurs. Il remarque les visites dans la ville des grands seigneurs de la province. En effet, le lendemain de la fête, Julian n’oublie pas de noter l’arrivée de « messires lesdits princes de Conty et Soissons28 avec la princesse et sa fille » [f°20].
16Né l’année même des massacres de la Saint-Barthélemy, Julian a vécu un quart de siècle de troubles et l’an 1598 se charge de promesses pour lui ; en juin la paix est célébrée, en août il se fiance et en octobre il se marie. Il entre dans la vie adulte sous les meilleurs auspices. Il laisse à nouveau passer quelques années sans se préoccuper des affaires du royaume jusqu’au jour de la naissance de l’héritier du trône. Il lui apparaît alors indispensable de parler du couple royal.
17Ce n’est qu’en 1601 que Julian inscrit que « les nopces du Roy Henry 4e à présent régnant furent célébrées à… avec Madame Marie de Médicis de Florence » [f°27v°]. Il laisse en blanc le lieu et la date du mariage, espérant sans doute pouvoir combler ces lacunes plus tard, mais il ne le fera pas ; il laisse également un espace dans sa phrase pour mettre le nom de la nouvelle reine, mais cette place s’avérant trop courte, il écrira la dernière syllabe de « Médicis » sur le folio contigu, le folio 28. Il ne dit rien de la dissolution le 17 décembre 1599 du premier mariage du roi et ne laisse rien paraître de son opinion à ce sujet, mais, en donnant l’origine florentine de la reine, Julian indique qu’il n’ignore rien du remariage d’Henri IV. Quoiqu’il n’écrive pas le fond de sa pensée, on peut remarquer que, dix ans plus tard, il n’a pas oublié la première épouse du roi et la nomme toujours « reine ». En effet, en 1609, parlant du célèbre père Nicolas Coëffeteau, il le dit « prédicateur du Roy et de la Reyne margaritte » [f°45v°]. Julian met l’accent sur l’origine étrangère de la nouvelle souveraine, mais ne donne pas clairement son opinion. Il lui paraît cependant nécessaire de parler du mariage royal avant d’annoncer la naissance du dauphin. Ainsi peuvent s’expliquer les quelques lignes écrites à propos du mariage « du Roy et de ladite de Florence Royne » [f°27v°]. Il ne se résout pas à nommer la nouvelle reine par son prénom, comme il le fait pour la première épouse d’Henri IV et il continue à la désigner par son lieu d’origine, même s’il ajoute la précision « de Florence » plus tard dans l’espace laissé en blanc lors de sa première rédaction.
18Un peu moins précis que Pierre de L’Estoile – qui donne même la durée de l’union des souverains : « neuf mois quatorze jours après la consommation du mariage du Roy et de la Reine » et celle de l’accouchement de la reine : « après vingt deux heures et un quart de douleurs d’enfantement29 » –, Julian rapporte la publication de la naissance du futur Louis XIII sur la même page que celle relatant le mariage des souverains. « Né le jeudy 27e jour de septembre entre les X et onze heures du soyr [le] prince dauphin » [f°27v°] porte en lui l’espoir du renouvellement de la dynastie interrompu avec les Valois. Le célèbre chroniqueur parisien et le notaire manceau insistent sur le fait que « la Reine a donné un Dauphin à la France30 ». Clôturant son folio sur le souhait, à nouveau, de voir se prolonger la paix de ces années : « Dieu les conserve en leur estat pacifiquement » [f° 27 v°], Julian montre à quel point il est attaché à l’ordre que le roi fait régner dans le pays. Il n’a de cesse, lorsqu’il parle de son souverain (qu’il s’agisse d’Henri IV ou de Louis XIII), de laisser voir l’attachement qu’il lui porte. Lorsqu’en juin 1606, il rapporte l’accident survenu aux « roy, la reyne et autres des seigneurs » [f°36v°] qui faillirent « estre noyez et submergez en l’eau [...] passant la rivière en leur carosse » [f°36v°] entre Saint-Germainen-Laye et la capitale31, Julian se réjouit de l’heureux dénouement de ce drame fêté par un Te Deum, chanté en la cathédrale du Mans. Il faut « remercier Dieu de ce qu’il luy avoyt pleu conserver le roy… » [f°36v°]. Des années plus tard, l’historiographe du roi, Pierre Matthieu, verra, lui aussi, dans cet événement un signe de Dieu et il écrira que « jamais la France ne se souviendra du renversement du carosse en la rivière de Seine au port de Neüilly, et de ce qui estoit dedans, qu’elle ne se sente obligée de loüer Dieu qui conserva le Roy32 ».
19En ces dix premières années du xviie siècle, ce sont les seuls événements qui retiennent l’attention de Julian et ce ne sont que des événements heureux montrant le bonheur de vivre sous le règne d’un souverain fort auquel tout semble sourire. Moins de cinq folios ont suffi à les évoquer. Le drame du 14 mai 1610 bouleverse Julian et il s’empresse de noter sur son Livre les mesures prises par le Parlement pour éviter au pays de retomber dans le chaos.
« Déclaré et proclamé roy de France »
20En deux folios et demi, Julian insère dans son Livre le contenu de l’arrêt du parlement de Paris, déclarant Louis XIII roi de France et de Navarre et autorisant la régence de Marie de Médicis. Le jour de l’assassinat du roi, écrit Julian, « messieurs les princes du sang pairs et mareschaux de France chancellier et aultres officiers de la couronne avec aulcuns de messieurs premier et aultres présidens du parlement s’assembl[ent] au Louvre » [f°49] afin de prendre immédiatement les mesures qui s’imposent. Le lendemain, le nouveau roi « se sist en son lict de justice et là en la grand chambre […] fut déclaré et proclamé roy de France » [f°49v°]. Julian relève le fait, mais il ne dit pas ce qu’il en pense : a-t-il conscience qu’une nouveauté importante vient d’être introduite dans les institutions et que « l’inauguration du règne de Louis XIII frapp[e] d’obsolence le cérémonial traditionnel33 » ? Avant même les funérailles du roi défunt, son successeur est intronisé et la tradition est bouleversée.
21Julian consacre quarante lignes à la description de la séance du Conseil ; rapporte-il ici les conversations du palais manceau traitant de cette nouveauté ? Il associe le sacre de la reine et l’assassinat du roi dans sa relation, mais a-t-il perçu que Ravaillac avait pu attendre que la reine soit sacrée « pour frapper, afin de ne point plonger le pays, laissé sans autorité légitime, dans le désordre34 » ? Il ne le dit pas et il est trop consterné sans doute par l’événement pour accorder quelque semblable pensée au « misérable assassinateur » [f° 48 v°]. Cependant, il note aussitôt, en respectant la chronologie des faits, que le dauphin est « déclaré roy de France et de Navarre […] et la royne sa mere régente en France » [f° 49] le jour même de l’assassinat du roi son père.
22Soulignant que le « fils aisné du feu roy Henry 4e […] aagé environ de neuf ans » [f° 49] est encore mineur, Julian tient à montrer la reconnaissance immédiate de la légitimité du nouveau souverain par tous les Grands, mais aussi par le peuple et il écrit que : « incontinent fut cryé dans Paris et au Louvre Vive le Roy Louys Treziesme et ladite régente authorisée par arrest du parlement dudit jour » [f° 49 v°]. Dans ses Regrets funèbres, Hardouin Le Bourdais relève également que « en mesme temps que le Herault d’armes publia d’une voix lamentable, la mort du Roy Henry 4. Un autre plain d’alegresse fut entendu crier, VIVE LE ROY LOYS 13 », et il met l’accent sur l’importance de la descendance royale : « les armes, les forteresses et les finances ne conservent pas tant un estat que faict le nombre des enfants de la famille du souverain, qui rend un ordre perpétuel en la succession tant qu’ils vivent et estouffent les ambitieuses espérances de ceux qui la voudroyent pervertir ». Julian et Le Bourdais affirment que tous sont unanimes dans le royaume pour dire que la légitimité revient à « ce Dauphin sacré surgeon du Lis, recogneu par les Princes, les Officiers de la Couronne, et tout le peuple pour le Roy de France et de Navarre ».
« Sans l’authorité du Roy » : 1610-1617
23Tout à la joie de voir naître plusieurs enfants tant chez son frère que dans son propre ménage, Julian ne dit rien de la vie politique du royaume durant les années qui suivent la mort d’Henri IV. Le gouvernement de la régence entraîne de nouvelles révoltes seigneuriales et, avant d’asseoir véritablement son autorité dans tout le pays, Louis XIII doit combattre les nobles, sa mère et les villes rebelles. Mais il faut attendre la fin de l’année 1614 pour lire des nouvelles de la Cour dans le Livre. L’événement est alors d’importance puisqu’il s’agit de la visite au Mans du roi lui-même. Nous sommes au mois de septembre 1614 et il y a treize ans que Louis XIII est né : c’est l’âge de la majorité pour les rois de France.
24Julian, homme de loi, sait combien peut être précaire le pouvoir du jeune monarque mineur. Relatant la visite royale quelque temps après son déroulement, il prend soin d’écrire : « Louis XIIIe à présent régnant » [f°56] et de remarquer que « le vendredy cinquiesme septembre 1614 » [f° 56], lors de son entrée au Mans, le roi est « aagé de XIII ans ou environ » [f° 56]. Le notaire rédige ces folios après le 2 octobre 1614, date à laquelle la majorité de Louis XIII est proclamée au Parlement par le roi lui-même35 ; par ailleurs, il décrit les festivités organisées pour la visite royale et il mentionne le « petit livre qui a esté imprimé » [f° 56 v°] à ce sujet à la fin de l’année 1614 par l’avocat Hardouin Le Bourdais36, prouvant ainsi le retard de sa rédaction. Dans la manière de composer son récit, le notaire marque avec précision le moment où Louis XIII atteint sa majorité. Il écrit que le roi arrive au Mans « en compaignie de madame la royne sa mère régente en France » [f° 56] ; en insistant sur le titre de Marie de Médicis, Julian en reconnaît la primauté. Il a donc bien conscience que la majorité du roi est une date importante. Le 5 septembre, jour de son entrée au Mans, Louis XIII n’a pas encore les treize ans requis puisqu’il est né le 27 septembre 1601, naissance que Julian a inscrite sur son Livre [f° 27 v°]. Dans les registres du couvent des Jacobins demeure une petite note37 de cinq feuillets relatant cette entrée du roi Louis XIII. C’est avant tout la visite du roi au couvent qui y est décrite, mais elle porte en marge l’indication suivante : « entrée du Roy Loys 13 aagé de 13 ans », indication qui marque l’importance de cette notion de l’âge du roi pour tous. Marie de Médicis y est aussi nommée « regente du Roy et du Royaume ». Les préoccupations de Julian reflètent donc celles de tous les sujets du roi de France. À partir du mois d’octobre 1614, Julian ne nomme plus Marie de Médicis que par l’expression « la reine mère », mettant l’accent sur la prépondérance du rôle de Louis XIII. Pour lui, c’est désormais le roi qui agit et décide et le notaire s’en tient aux termes des lettres officielles que sont les mandements royaux pour rédiger son Livre.
25Après l’euphorique visite de Louis XIII, la réalité de la politique s’impose et les années suivantes ramènent les troubles dus aux princes agissant « sans l’authorité du roy » [f°57v°].
26De même que son père, Julian n’entre jamais dans le détail de l’action politique des Grands du royaume et, s’il en évoque parfois quelques faits notoires, ce n’est que dans la mesure où le Maine est concerné. Pendant les trente premières années d’écriture de son Livre, Julian s’est intéressé à la politique du royaume et a su faire passer dans ses mots toute l’affection filiale qu’il éprouve pour son roi. S’il n’a cessé de montrer l’admiration qu’il voue à Henri IV, il attend de son nouveau roi, Louis XIII, la même autorité paternelle que celle exercée par son père.
27Le pouvoir croissant de Concini38 et de sa femme, favoris de la régente Marie de Médicis, provoque une nouvelle ligue des grands seigneurs dès 1614. Le prince de Condé entraîne avec lui les ducs de Longueville39, de Vendôme40, de Bouillon41 et de Nevers42 qui prennent les armes dans leurs provinces où « des broüilleries commenc[ent] à se former43 ». Marie de Médicis leur promet l’organisation d’États Généraux préparés par des États de Province, mais « le duc de Vendôme gouverneur de Bretagne fai[t] des courses dans le Maine et me[t] à contribution ses frontières44 ». Désirant éviter une guerre civile, Louis XIII et sa mère se rendent à Nantes au moment où se déroulent les États de Bretagne ; plusieurs villes bretonnes se soumettent et le roi fait « donner l’ordre à beaucoup d’affaires du pays, specialement à la desmolition du Fort de Blavet qu’on commençoit à fortifier45 ». Le duc de Vendôme licencie ses troupes et se soumet au roi. Que connaît exactement Julian de cette politique royale ? Il n’explique pas la raison de la présence du jeune roi et de la cour dans la région. Ignore-t-il la révolte des Grands en 1614 et n’a-t-il vraiment pas eu connaissance de la préparation et de la tenue des États Généraux de cette année-là ? Difficile à croire car des « mandements sont envoyés aux paroisses pour députer à la convocation des trois états de la province46 » et Le Mans délègue des personnalités à Paris, mais Julian n’évoque absolument pas ces faits. Il choisit de raconter le séjour au Mans du roi « faisant le voiage de Bretaigne » [f° 56] et cette expression laisse entendre qu’il sait les agissements des grands seigneurs, mais qu’il ne veut, ou ne peut, prendre parti.
28Pour parler « des levées de gens de guerre » [f° 57 v°] servant au soulèvement des grands seigneurs et entraînant les troubles « commencés au premier juillet 1615 » [f°57v°], Julian se contente de constater les événements et leur incidence sur la vie de la cité sans chercher à connaître les motifs de ces rébellions47 ou, du moins, sans les relater dans son Livre. Comme tous les Manceaux – et c’est ce qui peut expliquer qu’il ne l’écrive pas puisque tous le savent – il prend connaissance des événements en écoutant la lecture, faite à l’Hôtel de Ville et à chaque carrefour, des lettres du roi demandant d’organiser des gardes destinées à éviter la prise de contrôle de la ville par l’un de ces grands seigneurs. Il ressent pourtant le besoin de donner l’origine de ces troubles, mais ne prend pas parti, les actes des princes effectués « sans l’authorité du roy » [f°57v°] ne pouvant être que répréhensibles à ses yeux. L’officier royal qu’est Julian montre bien là son adhésion à la volonté de son ordre, le Tiers, qui, aux États Généraux de 1614, a « réclamé que [soient] proclamées l’inviolabilité de la personne royale et sa supériorité dans le cadre de son royaume à toute instance humaine48 ».
29Au printemps 1616, le gouverneur du Maine, neveu par alliance49 du duc de Mayenne, reçoit son oncle accompagné du duc de Soissons à Bonnétable et à Malicorne où le corps de ville va les saluer50, compromettant ainsi sa fidélité au roi. Afin de s’assurer de la bonne foi du Mans, Louis XIII envoie une armée commandée par Charles de Valois comte d’Auvergne51.
« Rendus en l’obéissance du Roy » : 1617-1628
30« Pendant les susdicts mouvements derniers et le XIe febvrier 1617 ledit seigneur compte d’Auvergne lieutenant pour le roy est arivé avec son camp » [f° 62]. C’est ainsi que Julian, après avoir exposé les exactions des grands seigneurs et le début de leurs arrestations, décrit la progressive remise en ordre effectuée par le roi.
31Le comte d’Auvergne a été « eslargy par le roy » [f°61v°] juste avant l’arrestation de Condé, c’est-à-dire avant le 1er septembre 1616. Le comte se trouvait, depuis 1605, emprisonné à « la Bastille où il avoyt esté mins et retenu par le deffunct roy où il a esté par douze ou treze ans » [f° 61]. Cette hésitation sur la durée de la détention du comte montre que Julian n’a pas su dès 1605 la trahison52 du comte envers Henri IV, ou qu’il ne s’en souvient plus. N’en a-t-il eu connaissance que lors de la venue du comte d’Auvergne au Mans en 1617 ? Il écrit ces lignes quelque temps après les troubles, une fois l’ordre rétabli et ne laisse transparaître aucun avis personnel. Il informe simplement. C’est pourquoi il classe les événements, allant jusqu’au bout de la révolte des princes de 1614 à 1617, puis revenant chronologiquement en arrière pour expliquer l’action du comte d’Auvergne au Mans. Son récit est composé, structuré, réfléchi et ne présente pas la spontanéité du rapport immédiat. Ce n’est qu’une fois en possession de tous les éléments du fait à exposer qu’il commence sa rédaction. Ce recul lui est-il nécessaire pour bien comprendre lui-même les événements qu’il vient de vivre ou son Livre de famille comporte-t-il un brouillon ? Rien ne nous empêche de penser qu’il a jeté ses impressions premières sur un autre cahier53 et qu’il ne rédige son Livre qu’après avoir vérifié les faits, les dates, les noms et avoir mis en ordre ses idées. Il reprend sa rédaction vraisemblablement en mars 1617 pour y noter la naissance de son neveu54, et c’est alors qu’il retrace les troubles survenus depuis 1615.
32Malgré l’intercession du procureur général du Mans « député en Cour pour prier Sa Majesté de détourner son armée55 », « le XI febvrier 1617 ledit seigneur comte d’Auvergne lieutenant pour le roy est arivé avec son camp et deux pièces de canons » [f°62]. Il donne le gouvernement de la province à René du Bellay56 qui, au nom de la ville, prête serment de fidélité au roi : « et la plus grande partie des seigneurs et gentilz hommes de cette province ont réitéré le serment de fidélité au roi es mains dudict sieur comte » [f°62]. Mais Julian n’évoque pas le changement de gouverneur qui a lieu à ce moment-là. Par ordre du roi, reçu au Mans57 le 28 février 1617, deux jours après « le partement dudit sieur comte » [f°62], M. de Lavardin est suspendu de son gouvernement et remplacé par René du Bellay baron de la Flotte ; le marquis de Lavardin réintègre son poste dès le 6 juin 1617 sur réception d’une lettre du roi par le gouverneur58, M. du Bellay. Son éviction a duré trois mois et, en quinze jours – du 11 au 26 février –, le comte d’Auvergne a rétabli l’ordre, celui du roi, au Mans.
33Le comte d’Auvergne ne quitte la ville qu’après s’être totalement assuré de son obéissance au roi. Lorsqu’il part, le 26 février 1617, « il a commencé à faire abattre le chasteau et Tour Rubendelle suivant le mandement du roy » [f° 62 v°] ; cette démolition « affaibl[it] considérablement le front nord-ouest de l’enceinte59 », mais Le Mans obéit à Louis XIII.
34Les agissements des grands seigneurs semblent troubler l’officier royal Julian Bodreau qui tient à mettre en lumière la légitimité et le pouvoir du roi en insistant sur la légalité des actes royaux qui sont, à sa satisfaction professionnelle, entérinés par les institutions du royaume. Il note soigneusement que « en may 1616 le roy par son édict faict paix avec lesdicts prince de Condé et ses alliés vériffié et publié en parlement le XIIIe juin et au Mans publiée le 27e juillet » [f° 58 v°] ; Julian montre l’importance qu’il attache à prouver l’authenticité de son information. Il s’agit là du traité de Loudun, signé entre Marie de Médicis et le prince de Condé, mettant fin à la révolte des Grands qui obtiennent de l’argent et l’entrée de leur chef au Conseil. Cette paix est de courte durée puisque le prince de Condé, trop populaire aux yeux de la reine mère et de son conseiller Concini, est arrêté le 1er septembre suivant, sur ordre « du roy » [f° 59] selon Julian qui ne dit pas le rôle de la régente, mais le sait-il ? À la fin de l’année suivante, Julian inscrira quatre petites lignes sur son Livre pour signifier que « lequel sieur prince de Conty [est, à la Bastille] encores retenu avec sa femme60 » [f°61v°]. Cette dernière précision du notaire nous permet de dire qu’il a écrit ces lignes entre le 26 mai 1617, jour de l’entrée à la Bastille de la princesse, et le 20 octobre 1619, jour de la libération des époux61.
35Pour l’heure, en novembre 1616, Julian se préoccupe des « nouveaulx mouvemens renouvelez par le duc de Nevers et ses alliés à causes et prétextes de la détention dudit sieur prince de Conty » [f°59] et il précise ensuite les dates des actes royaux officiels déclarant tous ces grands seigneurs « crimineux de lèse majesté62 » [f°59v°]. Le 17 janvier 1617, c’est le tour du duc de Nevers et, le 13 février suivant, ce sont les « sieurs ducs de Vendosme de Mayenne mareschal de Bouillon marquis de Cœuvre et président Le Jay » [f° 59 v°] qui sont arrêtés.
36« Le mareschal d’Ancre a esté tué au Louvre » [f°60] : Julian sait, en sept lignes relatant le meurtre de Concini63, donner le contenu principal de la nouvelle et montrer qu’il a bien saisi l’importance de l’acte en notant l’ascension rapide de « Mr de Vitry lhors capitaine des gardes et à présent mareschal de France » [f° 60]. Conseillé par son ami Charles d’Albert de Luynes64, Louis XIII veut gouverner lui-même car il « souffr[e] d’être tenu à l’écart du pouvoir par sa mère et par un favori insolent65 », le marquis d’Ancre. Il lui faut donc écarter les importuns et il décide de faire arrêter Concini lorsque, le 24 avril 1617, au Louvre, le marquis de Vitry, capitaine des gardes du corps du roi, abat à coups de pistolet le favori de Marie de Médicis.
37Ce que retient avant tout Julian, c’est que la mort de Concini satisfait les Grands et entraîne leur soumission immédiate. « Les ducs de Vendosme, de Mayenne, Nevers, de Bouillon et leurs adhérants ont mins les armes bas » [f°60] et Julian tient à relever cette bonne nouvelle. L’autorité royale rétablie, la tension politique s’affaiblit et les conséquences sont immédiates sur la vie quotidienne : les gardes sont suspendues, la vie familiale et les affaires ne sont plus perturbées et Julian s’en réjouit. Puis il montre la grande mansuétude du roi qui « restabl[it] en leurs biens offices estats et charges » [f°61] tous les révoltés les considérant désormais comme « ses bons loyaulx et fidèles subjects » [f° 60 v°]. Annulant les arrêts pris contre eux et voulant qu’ils « soient osté[s] des registres des parlemens » [f° 61], Louis XIII affirme ainsi son autorité. Au début de son règne, Henri IV avait fait de même en déclarant nulles les sentences prises contre le maréchal de Boisdauphin et ses alliés et en demandant que ces édits soient « rayez et biffez des greffes de (ses) Cours de Parlemens66 ». Cette période agitée se termine par la condamnation de « la femme dudict mareschal d’Ancre [qui] a esté executtée de mort en Grève à Paris pour les causes de l’arrest de la cour de parlement » [f°61]. Julian se contente de cette phrase laconique écrite en neuf lignes, mais n’apportant aucune indication sur l’accusation de sorcellerie et la personnalité de Leonora Galigaï. Il ne désire pas détailler l’histoire des époux Concini au sujet de laquelle de nombreux libelles67 ont été publiés en 1617. Comme pour nombre de ses contemporains, seul le fait que le roi conserve sa suprématie importe à Julian et, par ailleurs, « ces textes rappelaient le crime essentiel de Concini : l’usurpation du pouvoir royal68 ».
38Après la disparition de ses favoris, Marie de Médicis, tenue à l’écart du gouvernement, réside à Blois. L’influence croissante du duc de Luynes auprès de Louis XIII mécontente à nouveau les grands seigneurs qui se rangent cette fois aux côtés de la reine mère contre le roi. Le duc d’Épernon69 quitte la Cour dès 1618 et apporte son aide à la reine mère qui, ne supportant pas son éloignement des affaires de l’État, s’enfuit de Blois et rejoint le duc à Angoulême en février 1619. Louis XIII organise la riposte et ordonne aux villes de faire des gardes. Le 28 mars, la ville du Mans reçoit la lettre du roi70. Des patrouilles sont alors établies jour et nuit et les veuves, dispensées du service, doivent payer bois et chandelle. Après quelques tractations, la mère et le fils se réconcilient et Marie de Médicis reçoit le gouvernement de l’Anjou, mais ne réintègre pas le Conseil du roi et demeure en province. Le 28 mai, le roi envoie une lettre au Mans annonçant le rétablissement de la paix intérieure et le lieutenant général accompagné du procureur du roi et de deux échevins se rendent au Lude pour saluer le souverain au nom de la ville. Leurs frais s’élèvent à 711 livres 11sols 4 deniers71. Louis XIII libère Condé en octobre 1619, le considérant innocent et désavouant la reine mère à travers l’attribution des torts de Condé à Concini. Quelques grands seigneurs72, voyant là un « subterfuge politique reven[ant] à incriminer la reine Marie73 », se rangent du côté des mécontents ; par ailleurs, le crédit croissant du maréchal de Luynes auprès du roi leur déplaît de plus en plus. Si l’on en croit Dom Piolin, dès le 20 mars 1620, Marie de Médicis rencontre Boisdauphin à Sablé au sujet du gouvernement de l’Anjou74.
39En juillet suivant, le roi se rend dans les provinces pour y rétablir son autorité. Victorieux du duc de Longueville qui a pris les armes en Normandie, Louis XIII « ayant réduict la ville et chasteau de Caen en son obéissance » [f° 70 v°] traverse le Maine en faisant une halte de quatre jours au Mans, puis il se dirige vers l’Anjou. La reine mère est à La Flèche lors-qu’elle apprend l’avancée du marquis de Créquy75 qui vient de prendre Alençon pour le roi et, craignant qu’il n’atteigne Le Mans avant elle, Marie de Médicis se retire à Angers. Cependant elle laisse à La Flèche son régiment de chevau-légers qui attaque « jusque sur le pont de Pont Lieue76 » [f° 70 v°] celui « de Mr de Créquy logé aux forsbourgs de La Coulture et Sct Nicolas » [f°70v°]. C’est alors que « le XXXe juillet 1620 le roy avec son armée [arrive] en cette ville » [f°70v°]. Il est aussi « acompainé de Mr frère77 de sa majesté et de mr le prince de Condé » [f° 70 v°]. Le roi loge à l’évêché, Monsieur chez le lieutenant criminel et le garde des sceaux de Vair78 à l’abbaye Saint-Vincent79. Afin de subvenir à la nourriture des troupes de M. de Créquy, les officiers, avocats et bourgeois du Mans sont taxés de 15 à 30 livres ; le clergé contribue aussi dans la limite des deux-neuvièmes80. Repoussés par Créquy, « lesdits chevaux de la Reine prinrent le chasteau de La Suze » [f°71], écrit Julian qui ajoute que : « party sur les sept heures du matin, le lundy IIIe aoust ensuivant le Roy avec son armée […] est allé coucher à La Suze » [f°71]. Ayant levé des troupes, le comte81 de ce château part pour aller s’enfermer dans Saint-Jean-d’Angely. Situé à cinq lieues du Mans, La Suze est le village où demeure la belle-famille de Julian et celui-ci s’enquiert sans doute de ce qui s’y passe. Louis XIII reprend le château de La Suze, passe les soldats en revue et leur octroie un mois de solde82, puis, après la soumission de La Flèche, il bat « le pont de Cé avec du canon » [f°71] le 7 août. Au départ du Mans, le roi a « mené cinq pièces de gros canon avec luy comprins celluy qu’il a prins en cette ville » [f° 71], remarque Julian. En effet83, un double canon de neuf pieds et demi de longueur est enlevé par Maximilien de Béthune84 sur ordre du roi le 1er août. Cependant, aux Ponts-de-Cé, « la troupe royale compt[e] moins de 4 000 hommes et ne dispos[e] que de deux canons », d’après Yves-Marie Bercé85. Sachant que l’« on compte ordinairement une pièce ou un peu plus pour mille hommes86 », cela semble peu en effet, mais les douze lieues séparant La Flèche des Ponts-de-Cé ont été couvertes en moins de trois jours, ce qui exige une allure bien difficile à soutenir avec des chariots transportant des canons. Les trois autres pièces, vues par Julian au Mans et absentes aux Ponts-de-Cé, suivent sans doute les troupes avec un peu de retard. « Puis, ce faict, il a traicté avec la Reine sa mère » [f° 71] conclut Julian. Il ne détaille pas les différents arrangements de la nouvelle réconciliation entre la mère et le fils, signés le 10 août à Angers ; ce sont là affaires de souverains et Julian ne consigne jamais par écrit le fond de ses réflexions personnelles. L’important reste que l’accord ait eu lieu.
40Avant la venue de Louis XIII au Mans, en quelques lignes brèves, Julian évoque la soumission du Béarn et la fin du siège de Montauban. Le siège de La Rochelle en 1628 constitue le dernier événement extra provincial qui figure dans ses écrits, les dix-huit ultimes folios de la main du notaire étant consacrés aux affaires locales et à la vie privée. Dirigée depuis l’Édit de Nantes par un conseil souverain de magistrats huguenots, la vicomté de Béarn refuse le rattachement à la couronne que lui impose le Conseil royal en 1620. Il ne faut qu’un peu plus de trois lignes à Julian pour signaler l’expédition du roi dans les provinces du Sud-Ouest. Satisfait de voir « réduict le pais de Béarn en [l’]obéissance » [f°71] du roi, il ne précise rien des événements, si ce n’est que le roi, après sa courte halte au Mans et sa victoire sur sa mère aux Ponts-de-Cé, a « poursuivi avec son armée près Bordeaulx » [f°71] avant d’atteindre le Béarn. Connaît-il les dispositions prises par Louis XIII qui « transform[e] le conseil souverain [de la vicomté] en parlement de Pau, où sièg[ent] seulement des conseillers catholiques87 » ? Il n’en dit rien. L’émotion éprouvée par la communauté protestante du royaume s’imagine aisément, mais jamais, au long des quatre-vingt folios qu’il rédige en quarante-six années, le notaire n’évoque les luttes religieuses ni n’écrit le mot « protestant » ou « huguenot » ou « religionnaire » ; à l’image de son père, craint-il de donner son opinion ? Doit-on voir là une prudence de l’officier royal conscient de l’importance de la chose écrite, même tapie au creux de l’intimité d’un livre de famille ? On peut néanmoins constater que, dès que les affaires de la politique royale ne concernent plus directement le Maine, le notaire manceau semble s’en désintéresser ; il tient alors simplement à montrer que l’ordre se rétablit peu à peu dans le pays.
41C’est, rapidement, au bas d’une page de son Livre, que Julian note : « Montauban assiégé environ le moys d’aoust 1621 par le Roy Louys le Juste » [f° 73 v°]. Il tait l’échec du roi qui lève le siège en novembre et revient à Paris, mais il montre son assentiment à la politique royale en donnant à Louis XIII son surnom de « Juste », qualificatif qu’il utilise deux fois seulement, précisément au sujet du siège de Montauban [f° 73 v°] et de La Rochelle [f° 86 v°]. Après le siège de Montauban, le notaire manceau n’écrit plus rien des événements nationaux pendant cinq ans ; il ne juge utile de reprendre la plume à ce propos que pour le séjour du roi au Mans le 3 septembre 1626. Il est vrai qu’entre temps, sa vie privée l’occupe beaucoup. Il connaît le bonheur d’être grand-père, a le chagrin de perdre son frère cadet pour les quatre enfants duquel il est « nommé curateur » [f°77] et surtout, il est « prévenu d’une grande malladye » [f°78] qui l’immobilise au logis toute une année et le tient à l’écart de la vie publique.
42De même que pour le siège de Montauban, Julian inscrit la nouvelle de la fin du siège de La Rochelle, résumant l’événement en sept lignes au bas d’une page, donnant l’essentiel à ses yeux, à savoir la victoire du roi, « au commencement du moys de novembre 1628 » [f° 86 v°], sur la ville qui est « rendue en son obéissance » et dont « les murailles ont esté razées par édict du roy » [f°86v°]. Nous ne savons pas à quel moment Julian a eu connaissance de ce fait ; sans doute le relate-t-il après avoir lu un des nombreux libelles imprimés à ce sujet. Il insère ces quelques lignes dans son Livre à un jour indéterminé et choisit un bas de feuillet libre sur lequel il avait noté un événement daté de décembre 1627, mais il a pu le faire plusieurs mois, voire plusieurs années après la reddition de La Rochelle. Les « libelles étaient réédités, chaque année, dans Le Mercure françois, sorte de revue annuelle, ou repris au bout de quelques mois, dans des recueils de pièces88 » dont nos bibliothèques actuelles ont conservé quelques exemplaires.
43Ces événements politiques sont les derniers relatés par le notaire qui mourra huit ans plus tard sans avoir confié davantage ses opinions personnelles à son Livre. Nous pouvons néanmoins constater qu’il a, tout au long de sa vie, exprimé les mêmes aspirations que son père. Tous deux agents du pouvoir royal, même modestes, ils n’ont jamais souhaité autre chose que de voir s’établir un pouvoir fort détenu par un souverain légitime et respecté qui garantirait la paix à son peuple uni, une paix tant extérieure qu’intérieure au royaume. Jehan et Julian désirent simplement vivre pacifiquement dans leur paroisse de province où ils peuvent raisonnablement espérer une existence prospère d’officiers royaux, une existence leur apportant une certaine notoriété. Jehan, mort avant la fin des grands troubles du xvie siècle, n’a pas eu le loisir d’atteindre cet objectif, mais son fils le notaire a su profiter de la pacification du règne d’Henri IV pour assurer à sa famille des bases solides tant morales que matérielles. Il ne restait plus à la troisième personnalité de la famille, Julien l’avocat, élevé dans un cocon familial empreint de tendresse, de culture intellectuelle et de piété, qu’à développer au mieux ces fondations afin de transmettre à ses propres enfants les valeurs léguées par ses pères. Et lorsque son tour sera venu de rédiger le Livre, c’est en détail qu’il contera les événements de la politique du royaume chaque fois qu’il en aura connaissance.
44La première information d’ordre national que Julien choisit de noter dans son Livre est l’annonce tant espérée de tous de la naissance de l’héritier royal.
« La naissance du prince dauphin »
45Aucun enfant royal ne vient au monde dans le temps de la rédaction de Jehan. En revanche, Louis XIV a cinq enfants89 pendant celle de Charles, mais celui-ci n’en dit rien sur le Livre. Seuls Julian et son fils font état des naissances royales, le premier ne consacrant que six lignes à la naissance de Louis XIII alors que Julien en écrit soixante-treize pour relater celle de Louis XIV, mais une seule ligne dira la naissance du dauphin en 1661. Une différence d’appréciation au sujet de l’importance de l’événement se lit ici. Le 2 octobre 1601, Julian, désirant noter les réjouissances organisées au Mans90 en l’honneur de « la naissance du prince dauphin filz du roy et de ladite de Florence Reyne » [f° 27 v°], annonce brièvement que le futur Louis XIII est « né le jeudy 27e jour de septembre » [f°27v°]. Pour Julian, en 1601, l’essentiel de l’information réside dans le fait que le roi ait un héritier ; il en est de même pour Julien en 1661. On assiste dans ces deux cas à la première naissance chez un jeune couple comptant un an de mariage et tout laisse espérer de nombreuses autres naissances. L’événement est tout autre en 1638. On sait à quel point le pays tout entier s’est alarmé de l’absence de descendance chez Louis XIII. Les prières et les processions organisées dans tout le royaume ont porté leurs fruits et on ne peut s’étonner du besoin de montrer la joie de tous à l’annonce de l’événement tant attendu. Julien témoigne alors des préoccupations de ses contemporains qui, pour le royaume comme pour eux-mêmes, se réjouissent de savoir « la lignée » assurée. Après avoir écouté le « courier […] venu exprès en ceste ville pour anoncer ceste heureuse nouvelle » [f°105], Julien décrit longuement la présentation du dauphin au roi et à son entourage. Dans la chambre de la reine, sont assemblés « Mr frère unique de sa Maiesté, Mesdames la princesse de Condé contesse de Soissons duchesses de Vendosme Connestable de Montmorency duchesse de Bouillon la Mark, et autres de grande condition » [f°104v°]. Il s’agit là d’une naissance royale, naissance publique accompagnée du grand cérémonial de la cour « puisque c’est la forme que l’on tient au premier accouchement d’une Reine »91. En relevant tous les noms des Grands du royaume, Julien insiste sur la valeur de leur témoignage qui, seul, officialise et légitime la naissance du dauphin, cet événement qui concerne chaque sujet du roi et prend une place comparable à celle d’une victoire donnant lieu à l’organisation des mêmes réjouissances92.
« L’orage » de la fronde : 1649-1652
46Depuis la mort du roi Louis XIII, la reine mère régente Anne d’Autriche gouverne le pays avec l’appui du cardinal de Mazarin. La guerre avec l’Espagne nécessite de « maintenir la pression fiscale, ce qui ne se pouvait plus du fait de l’exaspération paysanne [...] qui éclatait tous les jours sous les yeux des intendants de province93 ». Dans le Maine, et plus particulièrement au Mans – une des rares94 villes taillables du royaume – « le lieutenant général Le Vayer, dévoué à Mazarin, [écrit] au chancelier Séguier que depuis 1645 la révolte gronde95 ».
47Julien connaît les nouvelles reçues par l’Hôtel de Ville96 en 1649 : « le 17 janvier, les magistrats ont envoyé aux autres parlements ainsi qu’aux bonnes villes du royaume [...] une lettre circulaire contenant tous les arrêts rendus par eux depuis le jour des Rois97 ». Et il juge cette information suffisamment importante pour devoir être mise en mémoire dans son Livre. Il n’écrit rien entre le 23 juillet 1648 et le 22 février 1649, jour où les Manceaux ont « commencé à faire la garde en ville » [f°134] parce que des bruits couraient sur une éventuelle approche de compagnies militaires. Même s’il a eu connaissance des journées des barricades des 26, 27 et 28 août 1648, peut-être n’était-ce pour lui que des « journées révolutionnaires parisiennes98 » dont il ne pouvait mesurer l’importance sur la politique du pays. Comme pour son père en 1617, c’est l’organisation des gardes dans sa propre ville qui permet à Julien de prendre la mesure du danger. Il ne consacre pas moins de trente-trois folios de son Livre à la relation de ces événements. En voici le décompte :
Figure n° 9 : Détail des folios de Julien sur la Fronde

48La rumeur de l’arrivée des armées lui semblant importante, Julien prend sa plume et, avant de consigner l’événement dans son Livre, il note les quelques éléments d’information dont il dispose et qui expliquent la prise de ces mesures défensives. De février 1649 à février 1652, la Fronde provoque de nombreux troubles dans la ville du Mans, à travers la campagne mancelle et les provinces du Maine et de l’Anjou. Pour Julien, la raison de l’agitation politique de ces années réside dans le fait que « le sixiesme janvier 1649 sur les trois heures du matin la Reine régente s’est retirée de Paris et s’en est allée à Sainct Germain » [f° 132]. Accusant « Monsr le duc d’Orléans99 Monsr le prince d’Anguien100 et le Cardinal Mazarin » [f° 132] d’avoir « enlevé le roy et Monsieur le duc d’Anjou101 » [f° 132 v°], l’avocat manceau s’offusque de cet acte condamnable perpétré sur la personne royale irresponsable puisque encore dans l’enfance.
49Julien expose la suite des événements en reprenant les termes énoncés par le Parlement de Paris « déclarant ledit Cardinal criminel et perturbateur du repos publiq » [f° 132 v°] ; ce qui confirme qu’il a lu la lettre circulaire envoyée par le parlement de Paris. Ce dernier allait même plus loin puisqu’il « autorisait tout un chacun à poursuivre, à capturer et à tuer le cardinal102 ». De nombreux écrits vont être publiés à ce sujet dans la Gazette103, dans les milliers de pamphlets dénommés mazarinades104 et dans le Journal du Parlement105 dont l’un des principaux chroniqueurs n’est autre que le libraire Gervais Alliot106 qui publia en 1645 l’ouvrage107 de Julien Bodreau. La première partie de ce Journal relatant les événements à partir du 13 mai jusqu’à la fin d’octobre, paraît à l’automne 1648108. Accueillie favorablement, cette première édition109 comporte des « suites » jusqu’à la fin de l’année, puis des « suppléments » jusqu’aux derniers jours de la Fronde, mais après la Fronde, plus personne ne s’intéresse aux faits et gestes du Parlement et la parution du Journal cesse dès 1653. Le libraire Alliot et l’imprimeur Langlois « en ont livré trois éditions sans pouvoir empêcher d’autres imprimeurs d’en faire des contrefaçons […]. Il constitue la principale source à laquelle le cardinal de Retz a puisé pour rédiger ses Mémoires110 ». Julien a peut-être pu consulter cet ouvrage, ou lire le Courrier françoys111 dont les fascicules de huit pages sont reliés dans des recueils conservés encore aujourd’hui. Avec le recul du temps, il a pu noter chronologiquement les événements parisiens de janvier dont les échos commencent, en février 1649, à retentir dans le Maine.
50La nouvelle du blocus de Paris est relatée par Julien qui hésite entre les mots « blocquée » et « assiégée » avant de se décider enfin, après quelques ratures, à écrire que « la ville de Paris a este blocquée par Monsr le prince duc d’Anguien112 » [f°132v°]. Il montre la compétence du parlement qui a su éviter l’« émotion populaire qui estoit à craindre » [f° 133]. Faut-il voir dans ce dernier verbe une référence aux barricades d’août 1648 dont Julien ne parle pas mais qu’il n’ignore peut-être pas ? Il relève « la prudence113 du parlement » [f° 133] qui a su organiser rapidement le gouvernement de Paris en ce mois de janvier 1649, à l’aide d’« une grande police et ordre » [f° 133]114. Et Julien explique que Condé « aveq six mille hommes a beaucoup incommodé la ville de Paris » [f°132v°] où « les prix du pain triplèrent en un seul jour, et la viande était rare115 ».
51À Paris, le 9 janvier 1649, le Bureau de ville « a délivré à des hommes d’épée comme le marquis de La Boulaye, gendre du duc d’Elbœuf116, des commissions pour la levée des gens de guerre117 ». Lorsque le 9 mars 1649, le sénéchal du Maine118 entre au Mans « avec quelques cavaliers » [f° 138] et loge « en la maison de Madame Maulny Belocier » [f° 139], il obéit aux ordres de « Monsieur le marquis de La Boulaye l’un des généraulx d’armée pour le parlement de Paris » [f° 138]119. Ces généraux ont pour mission de recruter des hommes dans les provinces. Et c’est bien là l’intention du marquis qui arrive au Mans trois jours après le sénéchal afin de « s’asseurer de ceste ville pour le parlement » [f° 138]. Huit « grands seigneurs ont esté généraulx » [f° 133] écrit Julien, mais il ne retient que les noms de trois d’entre eux : « Monsieur le prince de Conty Monsieur le duc de Longueville et Monsr de Beaufort » [f°133]. L’avocat manceau connaît bien le rôle de chacun, mais il ne note que ce qui le touche de près : l’action du duc de Longueville gouverneur de Normandie province voisine de celle du Maine, et la présence du duc de Beaufort « qui fut déclaré duc et pair de France » [f° 133]120. Il détaille l’action du duc de Longueville qui « est allé en la ville de Rouen et par toute la province de Normandie d’où il a tiré du secours et fait armée de plus de dix mille hommes » [f° 133 v°] et note que « tous les parlements se sont joincts à celuy de Paris et déclaré l’Union » [f° 133 v°]121.
52La ville du Mans, divisée, a finalement ouvert la porte du château au sénéchal « après plusieurs conférences et différens » [f° 138] et Julien se fait l’écho de ces hésitations. M. l’abbé de Beaulieu évêque désigné, M. le baron de Lavardin lieutenant du roi, quelques magistrats et officiers prenant parti pour le roi ont tenté d’« exciter le peuple à opposer à ce que ledict sieur baron des Essarts entrast en la ville » [f° 139], « mais les autres secondés du commun peuple l’ont faict entrer » [f°138v°]. Dans ses Mémoires, le cardinal de Retz évoque cet épisode manceau en écrivant que « Le Mans chassa son évêque et toutte la maison de Lavardin, qui était attachée à la cour122 ». Le 13 mars 1649, le marquis de La Boulaye s’empare du grenier à sel et organise une vente au rabais123. Le produit de cette vente sauvage sert à recruter « plus de deux cens cavaliers bien montez et équipez aux depens des deniers du magasin à sel » [f° 142 v°]. Une fois de plus, Julien semble, comme son père, se ranger du côté de l’autorité légale, celle du roi. Il prend parti pour le roi contre les frondeurs et adopte ici une conduite analogue à celle de l’avocat général Omer Talon qui conseille à son fils « d’éviter toutes sortes de factions, de parti et d’engagement pour se tenir à la défense de l’autorité royale, laquelle ne peut être en deux endroits124 ». Cependant, à Paris le 14 mars, le Courrier du Mayne
« asseure que cette province s’est entièrement déclarée pour Paris, et que Monsieur le Marquis de La Boulaye ayant couru vers ces quartiers, les nouvelles de son approche ont donné telle espouvante au Marquis de Lavardin et quelques autres, qui faisoient des levées dans cette Province pour Saint-Germain, qu’il les a à mesme temps tous dissipez et empesché leurs desseins125 ».
53Au conseil de ville du 18 mars126, le premier échevin manceau, le sieur de La Quentinière, demande que la vente du sel cesse puisque un traité de paix vient d’être signé ; il s’agit de la paix de Rueil, signée le 13, mais qui « n’a pas ôté le principe de défiance, de haine, de vengeance et de faction qui travaillait les esprits127 ». Poursuivant son périple, le marquis de La Boulaye se rend à La Flèche la semaine suivante « où il fut bien receu » [f° 140]128, puis à Angers dont les habitants sont frondeurs alors que le château est tenu par le maréchal de Brézé, le beau-père de Condé, qui est du parti du roi en 1649. Après sommation et refus du château d’obtempérer129, le marquis de La Boulaye appuyé par le duc de La Trémoille130 décide « de miner ledict chasteau et y ont faict fourneaux131 » [f°141]. Tout était prêt pour la destruction du château « selon le bruit commun » [f° 141] écrit Julien Bodreau – qui n’est pas là témoin oculaire, mais qui dévoile ici l’intérêt qu’il porte au déroulement de ces événements même hors de sa ville – lorsque « la paix fut arestée entre la reine et le parlement » [f° 141]. Julien semble ignorer les mouvements populaires parisiens132 qui éclatent à la fin de février et accélèrent les pourparlers de paix entre la Cour et le Parlement. « Le dernier jour dudict mois de mars 1649 la paix fut arestée entre la reine et le parlement [et] fut publiée à Paris le lendemain premier Apvril » [f°141], écrit Julien, « et le sixiesme jour dudict mois d’Avril la paix fut publiée en ceste ville » [f°142]. Nous retrouvons ici le même soin et la même insistance à noter les dates officielles que chez son père le notaire.
54Le marquis de Jarzé, fidèle de Mazarin, « petit-fils de deffunct Monsieur le mareschal de Lavardin » [f° 141 v°], part de Saint-Germain (avant la signature du traité) vers Chartres puis le Maine avec la mission de démanteler les troupes frondeuses. Dès que le marquis de La Boulaye reçoit la nouvelle de la paix, il quitte Angers à la rencontre du marquis de Jarzé « pour savoir s’il avoit quelque ordre de venir au Mans » [f° 141 v°]. Atteignant Le Mans le dimanche 4 avril, il y tient le conseil de ville et continue sa route. Quatre jours plus tard, les deux hommes « se rencont[rent] en la ville de Montmiral » [f° 142] et, en application du quatrième article du traité de paix de Saint-Germain133, le marquis de La Boulaye rend les armes au seigneur de Jarzé qui « cass[e] toute la cavallerye » [f°142v°], cette cavalerie qui avait été équipée aux frais du grenier à sel manceau. Les fiers cavaliers refusent de s’enrôler dans l’infanterie et se « retir[ent] à pied » [f° 142 v°]. L’armée du Parlement n’offre donc aucune résistance et ses généraux se plient d’autant plus volontiers aux ordres de reddition que l’amnistie complète leur est assurée par les accords du traité de paix134. Le marquis de La Boulaye rejoint Paris et le marquis de Jarzé marche sur Le Mans où il parvient le 16 avril à la tête de « plus de deux mille hommes de pied » [f° 143] des régiments de la Reine, de Piémont, de Navarre et de Picardie qui, comme à leur habitude, causent beaucoup de dégâts dans les faubourgs où ils sont logés. Ils repartent dès le lendemain vers La Flèche et Angers, villes frondeuses, mais le 18 avril le roi oblige la ville du Mans à loger deux régiments et celui de Piémont revient sur ses pas ; le 19 avril, huit cents soldats d’infanterie entrent dans Le Mans précédant d’une journée « le régiment de cavalerye de Mr de Gesvres où il n’y avoit que quatre cornettes » [f° 145]. Cette fois, toute la ville est tenue d’assurer la prise en charge de ces militaires et le 20 avril, Julien héberge un « lieutenant du régiment de Piémont […] aveq trois serviteurs et cinq chevaux jusques au 17 may » [f° 145]. L’été 1649 s’écoule, un peu plus calme pour les Manceaux, excepté pour Julien qui éprouve le malheur de vivre le plus grand chagrin de sa vie puisque sa femme Magdeleine tombe gravement malade et meurt au mois de septembre. Après un répit de quelques mois, Le Mans voit revenir, au début de l’hiver suivant, « quatre compagnies de cavaliers en garnison […] faisant en tout près de deux cens » [f° 161 v°], qui investissent à nouveau la ville. Ce sont les régiments du gouverneur du Maine135 et ceux du marquis de Rouveray136.
55À la fin du mois de janvier, parvient au Mans l’annonce de l’arrestation, survenue « le mardy 18 janvier 1650 sur les six heures du soir » [f°163], au Palais Royal, de « Messieurs les princes de Condé et de Conty son frère aveq Monsieur de Longueville et le Marquis de la Moussaye ensemble le président à la chambre des comptes Perrault » [f° 163]. En effet, « des lettres royales furent adressées à tous les parlements et grands conseils municipaux du royaume pour expliquer les motifs de cette décision137 ». Envoyée de Paris dès le 19 janvier, cette missive « fut leue en la sénéchaussée de ceste ville en la salle du pallays le mardy 25 dudit Mois » [f°163v°]. Bien que cette « lettre par forme de déclaration cont[ienne] le subjet de leur prise » [f° 163], Julien ne note pas les causes des arrestations et emprisonnements à Vincennes. Il se contente de transmettre l’information sans émettre de point de vue. Cette action royale entraîne le départ du Mans du régiment de Mr de Rouveray qui va remplacer à Angers le régiment de Condé, et il ne reste au Mans « que deux compagnies du régiment de Msr de Gesvres notre gouverneur » [f°164]. Ces déplacements de troupes soulagent les habitants de la ville qui avaient dû les loger. Julien assiste au départ du « cavalier aveq son cheval » [f°162] qu’il hébergeait depuis un mois. Pendant toute cette année 1650, il se montre très préoccupé par l’extrême misère qui règne alors et dont tous ces faits militaires portent une grande part de responsabilité.
56Du transfert des princes loin de Paris138 ou des voyages de Louis XIV et de Mazarin à travers le pays, il n’est jamais question dans le Livre de famille. Pour Julien, l’année 1651, rythmée par des inondations catastrophiques de la Sarthe, est marquée par « l’assemblée des 3 estats » [f° 172] à laquelle il prend part.
« L’assemblée des 3 estats » : 1651
57La convocation des États généraux avait été réclamée139 en 1648 par l’élite du royaume et le gouvernement l’avait mise en place et fixée140 au 15 mars 1649. Cette réunion « se debvait faire à Orléans » [f°134] et « une ordonnance royale prescrit aux sénéchaux et baillis d’assembler les trois ordres afin de procéder à l’élection des députés141 », mais « cela a esté différé jusques à nouveau mandement » [f° 134]. La convocation a enfin lieu deux ans plus tard et Julien décrit en détail sur six folios l’élection des députés qui se déroule au Mans.
58La noblesse se réunit à Paris en février 1651 et envoie aux nobles de province des circulaires142 dans lesquelles elle demande la libération des princes, expose plusieurs doléances et réclame la convocation des États généraux143. Anne d’Autriche libère les princes et fixe la date du 1er octobre 1651 à Tours pour la tenue des États. La régence devant prendre fin aux treize ans du roi (5 septembre 1651), la noblesse demande que la date du 1er octobre soit avancée. Le Parlement, craignant une concurrence de cette assemblée, y est hostile et le 25 mars, les nobles sont dispersés. L’échec de l’Assemblée de la noblesse « mit fin aux espoirs de tous ceux qui rêvaient d’instituer une monarchie tempérée à l’anglaise où l’autorité du roi aurait été limitée par celle des États généraux144 ». Pourtant très impliqué dans la tenue de la réunion des « estats généraux indiquez au mois d’Octobre ensuivant en la ville de Tours » [f° 172] puisqu’il est député de sa paroisse, Julien ne souffle mot de toute cette agitation nobiliaire du printemps 1651, mais il ne cache pas le ressentiment exprimé par la noblesse du Maine au cours de « la convention des trois estats » [f°172] tenue au Mans en juin et juillet 1651. « Le vendredy 9 juin » [f° 172], on se réunit « affin de nommer des députez de chaque corps des trois estats » [f° 172]. Pour la circonstance, des tapisseries sont tendues dans la grande galerie du cloître des Jacobins « de la chère du prédicateur jusques à la porte pour entrer au couvent » [f°172v°], et à dix heures du matin, tous sont à leur place. Monsieur le lieutenant général présidant la réunion a les ecclésiastiques dirigés par l’évêque du Mans à sa droite, la noblesse commandée par le vicomte et le baron de Lavardin à sa gauche, et face à lui les conseillers du présidial, les gens du roi, les baillis du Maine et les députés des quatorze paroisses mancelles qui sont « assis sur des bancs » [f° 173 v°] : c’est là que siège notre avocat « comme député de la paroisse de St Benoist » [f° 173 v°]. Mais un contretemps survient ; par « lettres du petit cachet » [f° 173 v°] le roi interdit de prendre en compte les procurations pour les votes de la noblesse et « l’assemblée fut remise jusques au vendredy septiesme de juillet ensuivant » [f°173v°]. Les nobles furieux querellent les conseillers du présidial qui sont présents et assis « à l’opposite vers le préau » [f°173] par rapport à eux. Les nobles n’acceptent pas cette présence car le corps du présidial « ne faisoit que partye du tiers estat et qu’il n’y avoit que les députez qui deussent avoir séanse » [f° 174]. Julien fait remarquer que la même discorde s’était produite en 1614 au moment de la convocation des États généraux, mais son père n’en avait rien écrit alors. En 1614, on inscrivit à l’ordre du jour, sur les registres de l’Hôtel de Ville, un « mandement aux paroisses pour députer à la convocation des trois estats de la province145 » et Julien relève que « lesdicts Srs présidiaulx se trouvèrent » [f° 174 v°] à cette réunion. Près de quarante ans plus tard, il reste peut-être des témoins de cette ancienne querelle, mais Julien s’appuie plus probablement sur les registres pour l’évoquer.
59Si la régente et le roi ont intérêt à la tenue effective de cette réunion, ils ne veulent pas qu’elle ait lieu à Paris où les princes et le parlement conservent de forts moyens de pression sur les députés. Une nouvelle fois, le lieu change et la ville de Sens est arrêtée en novembre 1651, mais les États généraux ne se réunirent jamais. On peut penser que, Louis XIV et la reine mère pouvant raisonnablement en attendre certaines soumissions, les princes Gaston d’Orléans et Condé se soient montrés hostiles à la réunion des États qui fut prévue à Angers, à Tours et même à Sens146. « Ce fut en mai 1653 que le Conseil du roi mit définitivement un terme à l’espérance d’États147 » et Julien n’y a jamais fait allusion. Est-il déçu de ne pas avoir eu l’opportunité de prendre la parole et de ne pas avoir rempli le rôle de député de sa paroisse ? Toujours est-il qu’il ne parle plus de la politique intérieure royale après l’échec de la dernière convocation des États.
60En 1651, le combat du roi contre les princes n’est pas terminé, mais Julien attend que cette guerre civile menace sa ville pour en reparler.
61En n’assistant pas au lit de justice du 7 septembre 1651, Condé se rebelle ouvertement et « le 8 octobre une déclaration royale accuse les princes de Condé, Conti, La Rochefoucauld, Nemours et Madame de Longueville, de haute trahison et de crime de lèse majesté148 ». À l’automne 1651, la Cour se dirige vers la Guyenne pour combattre Condé maître de cette province. Le Maine se trouve sur le chemin et Julien, qui a peut-être suivi la progression des événements sans rien en écrire dans son Livre, ne reprend le fil de sa narration qu’au moment où les troupes frondeuses du duc de Beaufort pénètrent dans la province en février 1652.
62Au début de 1652, la Cour est à Saumur et surveille le maréchal d’Hocquincourt149 qui assiège Angers150 dont le gouverneur, le duc de Rohan-Chabot, défend le parti des princes. Le duc de Beaufort « est venu de Paris aveq trois mille hommes d’infanterie et quinze cens chevaux » [f°175v°] pour porter secours au duc de Rohan. Le 11 février il est à La Ferté-Bernard, à dix lieues du Mans, où les habitants montent la garde. La noblesse du Maine se mobilise et « se jette dans la Ferté151 [d’où] Beaufort, étonné de cette résistance, précipite sa course sur Angers152 », et le 27 février il est à Saint-Mars-la-Brière, à trois lieues du Mans. Le duc de Tresmes, gouverneur du Maine, a préparé la résistance mancelle : les ponts sur l’Huisne (Yvré, Champagné et Pont-de-Gennes) « sont rompus, les quais démolis, les chemins barrés par des abattis d’arbres153 » ; les murailles d’enceinte sont réparées et les religieux des abbayes reçoivent « l’ordre de pratiquer des canonnières dans leurs murs extérieurs154 » ; les gardes redoublent. À la fin de février, « Beaufort a reçu l’ordre de se mettre à couvert en attendant Mrs de Nemours et de Longueville155 ». Changeant dès lors sa stratégie, il décide d’aller attendre entre Les Ponts-de-Cé et Angers ; pour cela, il ne se dirige pas sur La Flèche, ville frondeuse, mais sur Sablé. « Ce chemin était plus long de deux jours mais indubitable et ne m’ôtait point la communication par Alençon avec Nemours156 » dira Beaufort ; mais ce chemin passe par Le Mans et il doit en faire le siège. Marie du Bois, alors à Couture, note que « la nuit du 28 février, [Mr. de Beaufort] fit refaire les ponts de Gennes et Montfort et passa vers Le Mans157 ». Parvenu le 1er mars aux abords du Mans, « le seigneur de Beaufort s’advance jusques à la croix des Cottines […] aveq quatre cens cavaliers en embuscade soustenus de six vingt158 piétons » [f°176], et l’on déplore deux morts (un habitant du Mans et un trompette de Beaufort)159dans les vignes de Gazonfier où le campement est établi. « Une grande alarme » [f° 176] sans cause réelle eut lieu dans l’après-midi et provoqua la panique parmi les Manceaux. Due ou non à la méprise auditive relatée par dom Piolin160, l’anecdote suffit cependant à montrer le climat de terreur que cette guerre civile entretenait. Le 3 mars 1652, Beaufort tente une action « vers le bourg d’Anguy mais la prudence de Monsieur le duc de Tresmes nous préserva de l’orage » [f°176v°]. Julien reconnaît-là la compétence du gouverneur du Maine. Pourtant le duc de Tresmes se sent isolé au Mans. Il n’a pas confiance dans les habitants : « des gens peu aguerris et la plus grande partie très mal intentionnée161 », écritil à Mazarin auquel il demande des renforts et qui, « pour toute réponse, lui ordonne de convoquer l’arrière-ban162 ». Le duc s’exécute et résiste seul aux assauts de Beaufort, effectuant « plusieurs sorties aveq de la noblesse qu’il avoit assemblé au nombre de près de deux cens » [f° 176 v°]. Ce même dimanche 3 mars la nouvelle de la reddition d’Angers, obtenue le 28 février, parvient à Beaufort qui « lasche le pied et remonte vers Nogent et Chartres avec intention de se joindre aveq Monsieur de Nemours » [f° 177], ce qu’il réussira à Châteaudun.
63Dès lors, pour l’avocat manceau, seuls les événements touchant directement la vie locale nécessitent une inscription dans son Livre. Peut-être continue-t-il de s’intéresser à la suite des combats entre le roi et les frondeurs, mais rien ne transparaît dans sa rédaction, même a posteriori après une éventuelle lecture de relation imprimée sur le sujet. Si l’on s’en réfère à ses écrits, de 1652 à 1659, Julien ne semble plus se préoccuper de la politique royale et ne note pas même le sacre de Louis XIV en 1654. Il retient cependant l’annonce de la paix avec l’Espagne et l’affirmation du pouvoir royal après le décès de Mazarin.
Le « Cardinal Mazarini »
64Quatre folios et soixante-treize lignes sont nécessaires à Julien pour écrire la mort du « Cardinal Mazarini premier ministre d’Estat » [f° 210]. La date, incomplète et laissée en blanc, ne sera jamais inscrite, mais l’identité du défunt, le nom et la durée de la maladie ainsi que le lieu du décès sont notés avec précision ; ce sont-là des formalités dont il s’acquitte pour chaque décès. Relatant que Mazarin et « le Roy eu[rent] une longue conférence deux jours avant son trépas » [f° 210], Julien s’empresse de rapporter la rumeur (« on tient ») qui laisse entendre que le premier ministre « donna un mémoire escript de sa main contenant les moiens de gouverner son estat » [f° 210] au roi et qu’il « lui donna advis de ne laisser augmenter puissance et richesses d’autres ministres » [f°210v°]. L’avocat manceau laisse voir ici d’une part combien la politique du royaume continue de l’intéresser et d’autre part à quel point il s’attache à rapporter les bruits qui courent. Il est aisé d’imaginer les conversations animées qui eurent lieu chez l’avocat et au palais sur ce sujet. C’est ainsi que, d’un seul trait de plume, il écrit ce qu’il a appris de la richesse du premier ministre. La fortune de Mazarin a intrigué beaucoup de monde et Julien a du mal à y croire ; « on a suputé » [f°210v°], écrit-il, « que sa succession revenoit à six vingts treze milions163 de livres » [f° 210 v°]. Cette somme, « si excessive qu’elle paroist presque incroiable » [f° 210 v°], semble en effet bien erronée puisqu’elle comporte cent millions de plus que ce que disent les historiens164. Julien et ses amis ont dû discuter aussi de la dot pharamineuse de la nièce du cardinal, « Hortensia qu’il avoit un peu avant sa mort mariée au Seigneur de la Meilleraye » [f°210v°]. Cette fois, il connaît le montant exact de la dot qui s’élève à « douse cens mil livres de rente en revenu » [f° 211]. Or, le mari de cette nièce de Mazarin est le fils unique du « plus riche seigneur de la France, mesme un des premiers gentilhommes de l’Europe pour les biens » [f° 211]. Recevant de son oncle le duché-pairie de Mayenne, Hortensia devient un personnage important du Maine ; Julien ne se préoccupe pas du reste de l’héritage, mais il doute de l’application de la volonté testamentaire du cardinal au sujet du changement de nom du duché de Mayenne. Écrivant que « ledict duché se nommeroit à l’advenir Mazarini » [f° 211 v°], il conclut dubitativement : « mais c’est à scavoir si cela aura lieu » [f° 211 v°]. Sagement, il s’en remet au bon sens des générations futures : « La postérité en jugera » [f°211v°].
« La paix générale entre les couronnes de France et d’Espagne »
65Ce n’est que le 2 mars 1660 que « la publication de la paix générale entre les couronnes de France et d’Espagne […] est faicte par Monsieur Jacques Le Divin Esquier conseiller du Roy Lieutenant particulier en présence des srs Esche-vins » [f° 200]. Elle avait eu lieu le 7 novembre précédent, précise Julien qui situe avec une grande exactitude « l’Isle dicte des faisans en la rivière de Bidassoa aux confins des pirénées » [f°200]. Il copie les noms des « plénipotentiaires de Leurs Majestez très chrestienne et catholique » [f° 200], le Cardinal Mazarin et dom Luis de Haro, et cela sans peine car le procureur du roi René Pahoyau « en fist la lecture à l’auditoire de la grande salle du palais » [f°200]. Pour Julien, comme pour tous165 alors, la « majesté chrestienne » est le roi de France et la « majesté catholique » est le souverain espagnol. L’avocat relève la liesse populaire que cette publication provoque et, en écrivant qu’il « fut cryé par le peuple Vive le Roy » [f°200v°], il adopte une attitude d’observateur. Le 15 juin 1668, est annoncée au Mans la paix d’Aix-la-Chapelle ayant mis fin le 2 mai dernier à la courte guerre de Dévolution166. Les extraits des registres de l’Hôtel de Ville n’en font pas état, mais, constatant que ces registres ne comportaient pas les dates de nombreux Te Deum, les auteurs de ces extraits ont choisi de les ignorer. En donnant brièvement les causes du conflit opposant « la France et l’Espagne pour lesdites prétentions du Roy de France au Pays Bas à cause du dauphin » [f° 245], Charles indique qu’il est très au fait de ces « prétentions » de Louis XIV, mais, s’il montre là un intérêt certain à la conduite royale des affaires du royaume, il n’entre pas dans les détails.
66Les Bodreau se réjouissent lorsque la paix est signée, montrent leur désarroi lorsqu’elle est menacée, et se placent volontiers « sous l’authorité du Roy » qui leur garantit cette paix. Mais lorsque l’on attente à l’institution royale, ils en sont horrifiés.
L’impensable régicide
67Julian ne signale qu’un seul des attentats manqués contre Henri IV et n’écrit qu’un demi folio sur la condamnation « de mr le mareschal de Biron » [f° 31 v°]. Pourquoi a t-il choisi le seul complot qui ne soit pas de nature religieuse ? Sans doute annoncée au Mans167 publiquement, Julian estime que la nouvelle de l’exécution du maréchal de Biron « pour les entreprises qu’il avoit faictes contre le roy et l’estat » [f° 31 v°] doit paraître dans son Livre. Les complots contre l’ordre établi ne peuvent rester impunis, mais le notaire ne donne aucun détail sur ces « entreprises » du maréchal. Ce mot laisse à penser que Julian connaît bien cependant la trahison de Biron qui s’est allié aux intérêts espagnols. Doit-on voir, dans ces lignes au respect non dissimulé, une sorte d’hommage au maréchal trop sévèrement puni, ainsi que l’exprimèrent168 de nombreux contemporains ? C’est « suivant l’arrest de mort contre luy donné » [f° 31 v°] que le traître est exécuté et « enterré en l’église St Paul le mesme jour à 9 heures du soyr » [f°31v°]. Julian est bien renseigné : il connaît la date (« le mercredy dernier jour de juillet 1602 sur les cinq heures après medy » [f°31v°]) et surtout le lieu du supplice (« le mareschal de Biron a esté décapité en la Bastille de Paris » [f° 31 v°]), lieu inhabituel pour une exécution de ce genre qui se fait d’ordinaire en place publique. Cette condamnation suscita une vive polémique dans les milieux nobiliaires169 et la nécessité qu’un notaire de province put ressentir de la noter dans son livre de famille révèle qu’il a été impressionné par cet acte d’autorité royale. C’est la seule conspiration contre le pouvoir royal du règne d’Henri IV dont Julian parle ; n’a-t-il pas eu connaissance des autres, notamment de celle du comte d’Auvergne qui reprenait certaines motivations du maréchal de Biron ? Emprisonné en 1605, après un geste de clémence du roi, le comte ne sortira de La Bastille qu’en 1617 pour venir au Mans s’assurer de la fidélité de la ville à Louis XIII, et Julian en parlera à ce moment-là.
68Plusieurs tentatives individuelles d’assassinat d’Henri IV ont été déjouées et punies du supplice des régicides – telle celle de Jean Chastel170 en 1594 – dont Julian recopiera tous les détails à propos de la condamnation de Ravaillac. Julian ne peut avoir ignoré toutes ces exécutions publiques et ne pas avoir eu sous les yeux un des nombreux imprimés édités171 depuis Henri III, qu’il s’agisse de pamphlets, de sermons, ou de traités théologiques. C’est donc par choix qu’il ne les notent pas dans son Livre. En revanche, il y développe le récit de la mort du roi le 14 mai 1610. À ses yeux, elle apporte la consternation et l’inquiétude pour l’avenir.
« Jour triste et fatal pour la France »
69Il ne lui faut pas moins de quatre folios denses de soixante et une lignes pour dire l’assassinat d’Henri IV et quatre folios pour recopier le supplice de Ravaillac. Il détaille les événements dramatiques dont il prend connaissance dans les relations imprimées qui suivent et qui sont diffusées rapidement dans le pays. Dès le 19 mai 1610, l’avocat manceau Hardouin Le Bourdais publie au Mans un opuscule172 de trente-huit pages, intitulé : Regrets sur la mort de Henry IV d’Heureuse mémoire, Roy de France et de Navarre. Les nouvelles et leur enchaînement sont notés sur le Livre par Julian au cours de l’été 1610 après le 3 juin, date173 du passage près du Mans du cortège funèbre menant le cœur du roi à La Flèche, et avant le 6 octobre, date à laquelle Julian inscrit la naissance de sa fille Catherine, mais il a pu laisser quelques feuillets en lacune entre ces deux dates et y revenir ultérieurement après avoir recueilli les informations. Julian s’appuie sur la lecture des relations écrites circulant au Mans et n’en retient que le côté spectaculaire. Il relève « la grande pompe et solennité » [f° 46 v°] du sacre puis les détails du parricide, mais il n’évoque pas les intentions belliqueuses du roi qui s’apprête à partir en guerre contre les Habsbourg. Il choisit d’ignorer dans son Livre les éléments de la politique extérieure royale même s’il en a pris connaissance dans ces libelles.
70Julian n’a pas rapporté le sacre d’Henri IV en 1594, mais il tient à noter celui de Marie de Médicis en 1610 afin de mettre l’accent sur sa légitimité attestée par la présence de tous les Grands du royaume : « Marie de Médicis fut […] sacrée royne de France à Sct Denys » [f° 46 v°]. Il relate les « grandes cérémonies » [f° 46 v°] qui se déroulent « en présence du roy son mary et des princes de sang et officiers de la couronne » [f° 46 v°], « le jeudy XIIIe may 1610 » [f°46v°] à Saint-Denis. Il note les préparatifs qui ont lieu dans Paris pour l’organisation de l’entrée officielle de la reine. Ces cérémonies ont nécessité le travail de « huict cens ouvriers pour l’appareil de cette pompe174 » et l’étalage du faste du « très superbe et magnifique appareil » [f°46v°], prévu « dans Paris pour la recepvoir quelques jours après ou elle debvoit faire son entrée » [f°46v], contraste, dans le récit de Julian, avec le fait que, le lendemain du sacre, le roi se rende à son arsenal « avec aulcuns175 desdicts seigneurs sans voulloir prendre aulcunes de ses gardes » [f°47v°]. S’il remarque que « tous les princes du sang officiers de la couronne et la plus part des grands seigneurs et noblesse de France [sont] assemblés » [f° 47] pour la cérémonie du couronnement, Julian n’en nomme aucun. De même, lorsqu’il évoque le départ d’Henri IV pour l’arsenal, il ne dit pas quels sont les hommes qui ont pris place dans le carrosse du roi. Ignore-t-il la présence du maréchal de Lavardin, gouverneur du Maine176, aux côtés du souverain ? Il semble pourtant que le notaire manceau ait lu les libelles et les ouvrages qui sont parus au sujet de ces journées mémorables, mais Hardouin Le Bourdais, lui non plus, ne nomme pas le maréchal. Pierre Matthieu, historiographe d’Henri IV, le dit assis « à la portière du mesme costé » que le duc d’Épernon qui se tient lui-même à la droite du roi dans le carrosse. Hardouin Le Bourdais, dans la dédicace de son ouvrage, précise qu’il s’adresse « à Monseigneur le Comte de Naigrepelisse gouverneur et lieutenant général pour sa Majesté […] ayant perdu vostre Roy, vostre parent, et vostre parain, qui honora vostre baptesme du glorieux nom de Henry ». Il dévoile là que cet ouvrage est destiné au fils du maréchal de Lavardin qu’il considère comme gouverneur du Mans. Notant la présence de « Messieurs les ducs de Mombazon et d’Espernon (ses fidelles serviteurs) », Hardouin Le Bourdais ne parle donc pas, ainsi que Julian, du maréchal de Lavardin père, qui se trouvait aux côtés du roi lors du drame.
71Décrivant le meurtre du Roi, Julian n’omet aucun détail sur le lieu, les circonstances et l’action. S’inspirant des libelles parus, son récit du « jour triste et fatal pour la France177 » retrace en tout point la tragédie dont Julian pressent la gravité pour l’avenir du royaume. Mais il opère un tri dans ses informations et ne recopie sur son Livre que les mots et expressions qu’il emploierait lui-même pour relater un tel fait s’il en était le témoin oculaire. Julian reprend plus volontiers les mots de l’historiographe Pierre Matthieu que ceux de l’avocat manceau Hardouin Le Bourdais. Le nom de la rue de la Ferronnerie n’indique rien pour lui qui n’est jamais allé à Paris ; il ne le retient pas dans son texte et préfère écrire que cette rue se situe près de Saint-Innocent, qu’elle est « assez estroitte » [f° 47 v°] et que « le carosse de sa majesté s’arresta à cause de l’embaras d’une charette » [f°47v°]. Il emploie l’adjectif « pernicieux » [f°47v] pour qualifier le « tres mechant » et le « miserable » assassin décrit respectivement par Hardouin Le Bourdais et par Pierre Matthieu. En revanche, il décrit l’acte de « François Ravillac », « practicien natif de la ville d’Angoullesme » [f° 47 v°], en empruntant les termes de l’avocat manceau. Il explique que le roi est frappé en premier « vers l’espaule » [f° 48] et en second « jusques à la veine cave près le cœur » [f°48], précisant que le coup « porta de haut en bas ». Julian rapporte ensuite que le roi « fut ainsy promptement meiné au Louvre » [f°48v°] alors que Hardouin Le Bourdais n’en dit rien et que Pierre Matthieu écrit le contraire en précisant que « le carosse demeura arresté et le chemin empesché ». Julian explique clairement que Henri IV perd la parole « à cause » [f° 48] du sang qui lui sort par la bouche.
72Ces quelques nuances signifient que le notaire n’a plus le libelle sous les yeux lorsqu’il écrit son Livre, qu’il fait un amalgame de plusieurs lectures pour rendre compte de l’événement et qu’il choisit les bribes de phrases qui lui conviennent apportant un surcroît de précisions par l’utilisation conjointe de ses différentes sources. Il termine sa rédaction par une phrase d’hommage à Henri IV révélant peut-être une autre de ses sources : « cà a esté le plus grand et absolut roy en touttes ses actions qui ayt régné en France long temps à ce qui se void es178 histoires de ses gestes héroïcques et de France » [f°48v°]. N’a-t-il écrit ces folios qu’après 1611, à la suite de la publication de l’ouvrage de Hierosme de Benevent qui retrace les étapes du règne d’Henri IV en lui donnant le « surnom de Grand179 », ou l’a-t-il fait dès l’été 1610 ? Il n’en dit rien, mais ce qui importe ici est bien l’intensité de l’hommage rendu par Julian à son roi.
« Le misérable assassinateur »
73À peine deux heures après avoir commis son horrible forfait, « le misérable assassinateur fut print prisonnier et conduict en la conciergerie du pallays » [f°48v°]. En recopiant l’exécution du « misérable paricide Ravaillac » [f°50] sur un des nombreux libelles, Julian ne donne pas son opinion personnelle sur le supplice, mais il la laisse paraître dans ses omissions.
74L’exécution est en tous points conforme au supplice des régicides180 : le coupable doit être déchiré avec des tenailles ardentes, tiré à quatre chevaux et écartelé. Julian reprend les expressions de la condamnation à mort que nous retrouvons mot pour mot dans l’ouvrage de l’historiographe Pierre Matthieu et la comparaison des textes entre eux dévoile la conformité de la copie de Julian. De « l’amende honorable davant la principalle porte de l’église de Paris » [f°50] à la « deffense [faite] à ses frères et sœurs et aultres de porter cy après ledit nom de Ravaillac » [f° 51], en passant par tous les détails morbides de l’exécution [f°50v°], Julian n’omet aucun moment du supplice de Ravaillac. En revanche, il ne recopie pas la déclaration de Ravaillac qui dit « que malheureusement et proditoirement il a commis et tué le Roy181 » ; Julian ne lui dénie-t-il pas ainsi jusqu’au droit de se justifier ou, au moins, de montrer son repentir ? De même, il ne précise pas que la Cour de Parlement a atténué les conséquences de l’acte de Ravaillac sur sa famille : le sel de la malédiction ne fut pas répandu sur les ruines de sa maison et il fut considéré « que tous les délicts quels qu’ils soient ne passent outre les personnes qui les commettent ». L’assassinat du roi constitue un acte si horrible aux yeux de Julian que ce dernier ne peut se résoudre à recopier ces atténuations ; omettre certains faits est peut-être sa façon de dire son opinion.
75Beaucoup plus loin sur le Livre de famille, au hasard des nombreuses pages encore vierges en 1610, on peut lire une « anagrame sur le malheureux Françoys Ravillac paricide du roy Henry le Grand :
Françoys Raveillac/
Il soucira la France182 » [f° 118 v°]
76Les dix-sept lettres de : « François Raveillac » se retrouvent bien dans celles de : « il soucira la France ».
77Vient ensuite un poème, insistant sur la fatalité du destin :
« Influencés du ciel astres portans
bon Heur
Vous voulliers empescher l’heure
de sa naissance
mais les filles d’enfer, engeance
de malheur
l’ont faict naistre disant,
Il soucira la France.
Pean causidico fecit
1610 » [f°118v°]
78Ces lignes, signées : « Péan causidico fecit » (Péan l’a fait pour l’avocat), sont-elles écrites pour montrer le fatal destin de Ravaillac et s’en faire l’avocat ? S’adressent-elles au détenteur du Livre qui, en 1610, est le notaire ou à son fils l’avocat qui a commencé sa propre rédaction depuis vingt folios déjà ? Cette date de 1610 correspond-elle à l’acte évoqué ou à l’écriture du folio 118 v° ? Leur auteur est-il le médecin Noël Péan du Chesnay « grand amy de [la] maison » [f° 167 v°] Bodreau ou un autre membre de cette famille mancelle ? Aucune réponse ne peut être ici apportée. Ces mots révèlent certes que l’événement a alimenté les discussions amicales au cours desquelles ces anagrammes étaient fort prisées183, mais ils révèlent surtout que le Livre était connu en dehors de la famille Bodreau et que, sans doute, on le laissait lire aux parents et amis puisque ces derniers184 pouvaient même y tracer quelques mots.
79Hardouin Le Bourdais a également inséré une anagramme dans son ouvrage ; la voici :
Anagramme de l’assassin François Revillat
Fol cruel tiranisa
Un fol cruel tiranisa,
En six cens dix le rot de France,
Et d’un cousteau luy traversa
Le Cœur plain de gloire et vaillance.
80Raveillac ou Revillat, peu importe, seul le jeu des lettres compte. L’anagramme de Hardouin Le Bourdais a le mérite de donner un résumé complet du drame en mettant l’accent sur le cœur royal, symbole du royaume lui-même.
« Le cœur du Roy »
81Le gouverneur d’Angers, La Varenne, rappelle à la reine la volonté d’Henri IV de donner son cœur aux Jésuites de La Flèche185 ; et Julian note, en bon notaire, que c’est « suivant son testament » [f° 51 v°] que le cœur du roi est « délivré aux pères jésuites » [f° 51 v°]. Ainsi que le veut la tradition186, « le cœur du roy [est] enfermé dans un cœur d’argent187 » avant que Marie de Médicis n’ordonne au duc de Montbason188 de le conduire à La Flèche. Pour Julian, le cœur est « enchassé en or » [f°51v°]. Pierre de Lestoile écrit également que le Prince de Conty « prit le cœur sur un coussin paré d’une gaze brochée d’or et le mit entre les mains du Père Jacquinot189 » au Louvre. Julian l’a-t-il vu lui-même ? Il n’est pas certain qu’il ait assisté au passage du cortège funèbre qui, parti de Paris, arrive près de l’abbaye de l’Épau quelques jours plus tard après plusieurs haltes. Julian fait-il partie des Manceaux, « personnes notables habitans et bourgeois » [f°52], qui accompagnent les représentants de la ville jusqu’au Grand chemin où « le cœur du roy […] leur fut présenté par le père Cotton jésuiste et fut monstré à tout le peuple » [f°52v°], mais où seulement « aulcuns d’eulx baisèrent le cœur du Roy » [f°52v°] ? Il ne le dit pas expressément et il n’emploie jamais la première personne dans son témoignage, mais il tient à rendre, à travers ses écrits, l’hommage que tout sujet doit à son souverain. Le gouverneur du Mans « monsieur le Compte de Nègrepelisse [...] fils de monseigneur le mareschal de Lavardin » [f° 52] assiste à la cérémonie et Julian, satisfait de la présence de ce grand seigneur, en profite pour décliner tous les titres du gouverneur. En 1610, Hardouin Le Bourdais et Julian s’accordent pour dire que le gouverneur du Maine est déjà Henri de Beau-manoir fils du maréchal de Lavardin et qu’il est au Mans. Cependant, dom Piolin affirme qu’Henri de Beaumanoir190 n’occupa cette charge qu’à la mort de son père en novembre 1614 et la liste191 des gouverneurs du Mans précise en effet que, en 1614, le gouverneur son père venant de mourir, c’est Henri de Beaumanoir qui lui succède et ce dernier est alors dit « comte de Beaufort ». L’hypothèse d’une rédaction décalée du Livre de famille peut être suggérée ici, mais rien ne peut l’étayer : ni le graphisme, ni les informations contenues dans les folios suivants. Si nous choisissons cette éventualité et admettons que Julian ait rédigé ces folios en novembre 1614, c’est-à-dire au moment où le fils du maréchal est devenu gouverneur du Maine, nous devons voir là une erreur de Julian qui aurait oublié qu’en 1610, le maréchal de Lavardin était toujours en place. Sa méprise pourrait s’expliquer par le fait que ces grands seigneurs sont rarement présents dans leur province et qu’ils vivent loin du peuple ; nommé gouverneur du Maine en 1590 par Henri IV, le maréchal de Lavardin192 commande l’armée du roi en Bourgogne en 1602, vit dans l’entourage du roi jusqu’en 1610, est le grand-maître du sacre de Louis XIII le 17 octobre 1610, remplit les fonctions d’ambassadeur en Angleterre en 1612 et meurt à Paris en 1614. Le fils occupait-il les fonctions de gouverneur du Maine en l’absence de son père ? Cela semble probable.
82Quelques années plus tard, un autre régicide soulève l’indignation chez les Bodreau et c’est Julien qui décide de retenir cet événement. De 1637 à 1649, pendant les dix premières années de sa rédaction du Livre, rien dans les événements du royaume ne retient suffisamment son attention pour qu’il le note dans son Livre – ni les décès de Richelieu et de Louis XIII, ni les premières années de la régence d’Anne d’Autriche –, rien jusqu’en 1649, année où l’action des Frondeurs vient troubler la relative quiétude de la capitale mancelle. Il s’apprête à enregistrer leurs agissements lorsqu’il a connaissance de l’abominable nouvelle d’un « prodige qui n’a point jusques à présent eu d’exemple » [f° 137 v°] et qui vient de se produire en Angleterre.
« L’inhumaine » mort du roi d’Angleterre : 9 février 1649
83Les événements extérieurs au royaume de France n’ont jusque là jamais été évoqués dans le Livre des Bodreau. Mais, en février 1649, « les nouvelles arriverent en ceste ville du plus horrible et detestable parricide qui ayt jamais esté commis par des Chrestiens193 » et l’avocat manceau ressent le besoin de recopier le récit de la mort tragique du souverain anglais, Charles Ier, mari de Henriette de France sœur du roi Louis XIII. Julien inscrit la nouvelle de l’exécution du roi d’Angleterre, survenue le 9 février 1649194, entre le 22 février et le 9 mars 1649 sur les feuillets de son Livre, mais il semble évident qu’il ne l’a pas notée tout de suite. Ainsi que son grand-père et son père, Julien ne transcrit pas obligatoirement les événements au moment où ils se produisent ni même au moment où ils sont connus. Cependant, s’il n’a pas relaté la mort de Charles Ier avant le 9 mars, il est certain qu’il ne l’a fait qu’après avoir lu les libelles195 écrits, imprimés et parus à partir du 19 février 1649, libelles dont les textes sont parfois tellement proches qu’ils se répètent avec les mêmes termes.
84Julien reprend les rédactions des auteurs en y apportant toutefois quelques nuances intéressantes quant à son interprétation de l’événement. Il reprend également le sens des phrases des libellistes, mais il emploie des expressions de juriste pour décrire le jugement. Pour lui, le roi est « atteint et convaincu » [f°137], « condemné [et] l’exécution différée » [f° 137], « on lui dénioit de parler au peuple qu’il vouloit haranguer » [f° 135 v°] et personne ne peut « intercéder aucune surséance du parlement pour en différer l’exécution » [f°135]. Les mots du vocabulaire juridique sonnent plus juste aux oreilles de Julien que ceux des auteurs des libelles. S’il ne se contente pas de recopier un texte lu, il emprunte malgré tout des phrases entières à ses lectures.
85Montrant que le roi est aussi un père de famille, Julien copie les mots du libelliste : « il demandoit à voir deux enfans196 qu’il avoit en Angleterre » [f°137]. Il ne reprend pas le déroulement du récit tout à fait dans le même ordre ; en décrivant l’exécution du roi avant d’en donner les raisons, il renforce l’horreur de l’acte raconté et en montre toute « l’inhumanité ».
86Au début de son récit, Julien donne encore à Charles Stuart le titre de roi d’Angleterre alors que le libelliste le nomme déjà « cy-devant roy » ; puis Julien s’indigne tout de suite de la condamnation du roi en écrivant qu’il « fut inhumainement et cruellement faict mourir » [f° 134 v°], l’auteur du libelle se contentant d’écrire que le roi fut « injustement condamné ». Dans la majeure partie de sa relation cependant, Julien adopte le récit des libelles en leur empruntant tous les détails matériels de l’exécution, se gardant bien néanmoins de reprendre les termes qui injurient le peuple anglais. Lorsque la tête du roi décapité est présentée à la foule, Julien se refuse à recopier les libelles, à traiter les gens d’« infames et barbares spectateurs » et à les qualifier de « lasche peuple de Londres », mais il ne met pas davantage l’accent sur leur éventuel repentir, ainsi que les libelles le laissent croire.
87L’avocat manceau, homme de loi et homme du tiers état, ne se résout pas à épouser l’opinion des auteurs au sujet de la responsabilité du peuple, mais il impute à « la faction et authorité de Fairfax » [f° 134 v°] la subversion « des peuples » [f° 134 v°]. Il accuse Fairfax, « auquel les parlementaires de Londres avoient donné la charge de général d’armes » [f° 134 v°]. Julien le tient pour responsable ainsi que « Cromwell son lieutenant et le millord Say » [f° 134 v°]. Lorsque Julien lit que « Fairfax, Cromwell et le Milord Say se travestirent et se masquèrent pour servir de bourreaux », il se contente de recopier que « trois boureaux masquez parurent » [f° 136] se gardant bien de les nommer et n’apportant pas de crédit à un fait qu’il n’a pas vérifié. Il donne les informations recueillies, mais il sait rester neutre. Dans le récit de l’avocat, ce « déplorable197 » [f° 135] roi est condamné « inhumainement » [f° 134 v°], on « lui dén[ie] de parler au peuple » [f° 135 v°] et il est humilié en étant « condemné par un juge subalterne » [f°137], mais il reste digne en refusant d’être attaché et en « hauss[ant] ses cheveux » [f°135v°] lui-même dans sa coiffe. Le roi trouve la force de parler à ses bourreaux et d’attirer sur eux les foudres du ciel en demandant qu’il les punisse « de tous [leurs] crimes par ce dernier » [f° 135 v°]. Habitué aux procédures des tribunaux, l’avocat n’omet pas de donner les motifs d’accusation et, contrairement aux libellistes, il n’exprime pas son point de vue. Il expose les faits et rend compte de la chose jugée, il n’a pas à prendre position, tout au plus conclut-il en remarquant que ce « prodige198 n’a point jusques à présent eu d’exemple » [f°137v°], mais il reprend ici le texte du libelle sur lequel nous lisons : « venons à la description de cette action barbare, dont nous n’avons point d’exemple dans l’antiquité, et que les siècles à venir auront peine de croire199 ». Que pense-t-il de l’avènement de la République anglaise et du fait que « Fairfax fist publier qu’il n’y avoit plus de royauté » [f° 136 v°] ? Julien n’en dit rien et ne parle pas de la décision anglaise de confier le gouvernement du pays à des corps représentatifs.
88À l’annonce de cette nouvelle en France, le 20 février 1649200, le parlement de Paris s’est empressé d’envoyer des députés « vers la Reyne201 de la Grande-Bretagne se condouloir202 avec elle et Mr le Duc d’York son fils203 ». Rappelant l’exécution de la reine d’Écosse Marie Stuart, aïeule de Charles Ier, l’auteur du Courrier François dénonce la
« cruauté inouïe […] detestee de tous les peuples, qui ont eu veneration et respect pour ces sacrees personnes, lesquelles ne reconnoissant autre superieur que Dieu, ont tousiours esté jugez en leurs faicts, et ne respondant à autre ressort qu’à celuy de la Justice divine204 ».
89Il montre ainsi à quel point la personne royale est intouchable pour la majorité des contemporains de Julien et apporte une explication à « la réprobation générale205 » que cette exécution a suscitée parmi les sujets du roi de France. Un moine capucin manceau contemporain de Julien écrivit quelques lignes restées manuscrites sur cette exécution. Si elles décrivent succinctement l’accusation et le supplice de Charles 1er, elles font davantage ressortir son comportement religieux [« ayant communié à sa façon […] il declara qu’il mouroit chretien de l’Église anglicane206 »]. Mais elles témoignent surtout de l’importance prise par l’événement dans le monde occidental. Le frère Balthazar de Bellême relève lui aussi que fut fait « defence sur peine de la vie de proclamer aucun Roy ». Un appel est lancé à tous les princes d’Europe pour aller à « main-armée207 » châtier les barbares et, en France, « la majorité du Parlement, assez conservatrice […] se désolidarise avec vigueur, voire avec horreur, de l’exécution du roi d’Angleterre Charles Ier208 ».
90Cette exécution advient, en effet, alors même que la France est plongée dans de profonds troubles provoqués par le soulèvement du Parlement de Paris et de quelques autres contre l’autorité souveraine. Les difficiles années de la Fronde commencent en France. Julien respecte l’autorité royale et n’adhère pas à l’action des grands seigneurs, mais peut-être a-t-il quelque sympathie pour les parlementaires.
91Un cinquième du Livre consacré aux événements publics nationaux : c’est peu et c’est beaucoup. C’est peu en regard d’un siècle entier de bouleversements politiques qui ont permis l’instauration de l’état solide espéré des Bodreau. C’est beaucoup de la part de provinciaux préoccupés d’assurer la vie quotidienne de leur famille d’une génération à l’autre et de vivre eux-mêmes pleinement une existence rarement facile. À l’abri des murs de leur cité, les Bodreau se sont mués en témoins de leur temps. Témoins directs des événements du royaume qui les atteignent dans leur vie quotidienne ou témoins indirects recopiant tout ou partie de leurs lectures, ils ont su exprimer leur avis par le choix et le tri opérés dans les informations recueillies et par le style personnel de leur rédaction. La centaine de pages du Livre, montrant l’intérêt de la famille Bodreau pour les affaires du pays, la hisse parfois au rang des meilleurs chroniqueurs de ce temps, mais elle permet surtout de dévoiler au lecteur la véritable place de ses auteurs : celle de citadins manceaux conscients de leur appartenance à un grand royaume.
92Seuls quelques conflits avec l’Empire espagnol sont évoqués au moment où ils cessent. Jamais les Bodreau ne parlent de guerre – personne dans leur entourage ne s’y rend – et ils notent très peu de traités de paix. Ces derniers font l’objet d’annonces officielles et des réjouissances sont organisées dans la ville à la gloire du roi. Ces fêtes tiennent lieu de prétextes aux Bodreau pour annoncer la conclusion d’une guerre. En 1598, Henri IV met fin à un conflit dont Julian ne s’est guère préoccupé, mais dont la fin est fêtée de manière « solennelle » [f°19v°]. En 1659, la paix est signée avec l’Espagne, mais le point important aux yeux de Julien est de témoigner des célébrations mancelles qui en sont faites et non d’expliquer le contenu de ce traité. En 1668, Charles sait ce que représente la guerre de Dévolution, mais il n’en parle qu’à l’occasion de la signature de la paix. Cent ans après les premières phrases du sergent royal d’un faubourg manceau s’alarmant du chaos de son temps, les dernières lignes du Livre tracées par un avocat du présidial appréciant le calme politique établi, reflètent un rapport différent de l’homme avec son temps. Cent ans d’efforts des Grands du royaume ont été nécessaires pour construire un État moderne. Cent ans d’efforts des Bodreau ont été nécessaires pour construire une dynastie d’officiers royaux, éléments de ce groupe social à la fois partie intégrante et maillon essentiel d’un État moderne. Voilà plus d’un siècle que le Livre des Bodreau témoigne des grands moments de l’histoire du pays et il va se taire à jamais après les dernières lignes écrites par Charles. Il est le reflet du regard qu’une famille provinciale d’hommes de loi a porté sur cette histoire. Progressant dans sa situation sociale, la famille Bodreau affine sa perception et sa conscience des faits au long du siècle. L’intérêt que chaque génération accorde aux événements politiques du royaume, qu’ils concernent la cité, la province ou le royaume tout entier, s’élargit au fur et à mesure du temps et croît en fonction de l’éducation reçue et de la place acquise par chacun dans la cité. Quelle différence d’optique et de possibilité de réflexion se remarque entre Jehan, sergent royal au temps des guerres de Religion, et son petit-fils Julien, l’avocat célèbre membre du présidial manceau député de sa paroisse sous la Fronde !
93Officiers du roi soumis à la loi édictée par le souverain, Jehan Bodreau et son fils Julian notaires royaux, respectent la volonté du roi et le Livre de famille révèle leur attitude face à l’autorité royale. En 1576 Jehan utilise l’expression « sans le vouloyr du Roy » au moment de la fuite de Paris du roi de Navarre, montrant sa désapprobation. Son fils reprend cette notion, il écrit une fois « sans l’authorité du Roy », une fois « suivant le mandement du Roy » et cinq fois « en son obéissance ». Les Bodreau sont des officiers royaux qui ont prêté serment de fidélité au roi en acquérant leur office. Le notaire est le premier à employer le mot « estat » et il l’associe au roi tant en parlant de paix que d’atteinte à l’autorité du « roy et [de] l’estat ». L’avocat, tenant le Livre à partir de la naissance de Louis XIV, conserve l’attitude de ses pères, mais il manifeste une certaine désillusion après les troubles de la Fronde. Ses silences, qui deviennent de plus en plus fréquents après la suppression de la réunion des États, révèlent le poids de son adhésion. Charles, qui n’était pas encore entré dans la vie active au moment des événements de la Fronde, n’a vraiment connu que l’expression d’un pouvoir fort et c’est peut-être ce qui explique le désintéressement qu’il laisse percer dans ses écrits à l’égard de la politique du roi. L’attitude de l’officier royal devant les événements politiques du pays a évolué au sein de la famille Bodreau pendant ce siècle. Chacun a sa vision personnelle des choses, sa propre capacité à en juger et la faculté plus ou moins aisée d’exprimer sa pensée ; le livre de famille reste certes un bien personnel et privé, mais ses auteurs ne se sont pas toujours accordés l’entière liberté d’y écrire le fond de leur pensée au sujet des événements publics. Est-ce par prudence ou crainte d’une possible censure devant l’éventuelle découverte de leurs écrits ? Les Bodreau n’ont pas codé leur Livre (ainsi que le fit le bourgeois londonien Samuel Pepys209 au milieu du xviie siècle) et son existence était connue de leur entourage.
94Tout au long de ce siècle d’écriture des Bodreau, nous pouvons déceler une certaine prise de conscience, de la part de l’officier royal, de l’importance croissante de sa place et de son rôle dans une administration de mieux en mieux structurée et de plus en plus présente. Si Jehan montre à quel point il est difficile de passer la majeure partie de sa vie dans une époque instable emplie de « guerres et d’émotions », Julian puis son fils Julien s’efforcent de décrire à la fois le désarroi provoqué par le désordre politique quelle que soit la période traversée, et la paix appréciée qu’apporte l’ordre rétabli après chaque tourmente par un souverain reconnu de tous. Charles parcourt une décennie pacifique sur le plan intérieur de la politique royale, mais il donne l’impression peu à peu de se désintéresser de la vie du royaume. Les Bodreau, agents des institutions royales locales collaborant au bon fonctionnement du pays, restent fidèles à leur souverain tout comme le notaire nîmois Étienne Borrelly210. En 1643, l’avocat manceau Pierre Trouillart, mettant la dernière main à son ouvrage, conclut en écrivant : « la paix est la fin et la couronne des Roys, et la félicité des peuples211 ». Ces hommes de loi, dont le métier consiste à régler les chicanes de leurs contemporains, montrent une grande constante dans leurs rédactions successives : le désir et l’aspiration à vivre en paix sous l’autorité d’un roi fort.
Notes de bas de page
1 Les 103 pages (y compris les 7 consacrées à la mort du roi d'Angleterre) concernant les faits politiques représentent 20,62 % du total du manuscrit.
2 Nous n'avons pas son acte de baptême, mais Jehan se marie en 1569.
3 Nommé administrateur de l'hôpital en 1754, il est échevin en 1761. Cf. R. P. Nepveu de la Manouillère, Mémoires, publiés et annotés par G. Esnault, Le Mans, Pellechat, 1877-1878, tome II, p. 134.
4 Détruits à la fin du xviiie siècle, il nous reste les extraits antérieurs et ces derniers sont muets sur ce sujet. De plus, de 1554 à 1567, ils comportent une lacune de treize années peut-être destinée à la protection de certaines familles compromises dans les troubles religieux du moment. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
5 Registre des délibérations de l'Hôtel de Ville. (1553-1690). Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
6 Archives du chapitre du Mans citées par le vicomte Samuel Menjot D'elbenne dans son article intitulé « Le commencement de l'année dans le Maine après l'édit de Charles IX », dans Province du Maine, Le Mans, Pellechat, 1898, p. 298.
7 Ironie de l'Histoire : Jehan mourra en juin 1582 six mois avant la mise en application du calendrier grégorien qui ravira dix jours au mois de décembre 1582. Il ne pourra, tel Montaigne en 1588, écrire qu'il ne s'en « pui[t] bonnement accoutrer » et que : « cette règle touche ceux qui ont à être » (Essais III, chapitre X, p. 288 de l'édition Gallimard [Folio] de 1965). Son fils Julian ne commençant à rédiger le livre qu'en 1589, à dix-sept ans, n'a sans doute jamais utilisé le style ancien et ne fait aucune remarque à ce sujet.
8 M. Ménard, « Nouveautés du xvie siècle », dans F. Dornic (dir.), Histoire du Mans et du pays manceau, Toulouse, Privat, 1988, p. 132.
9 Ibidem, p. 132.
10 L'intitulé en est : « Déclaration du roy de la cause et occasion de la mort de l'amiral et aultres ses adhérens et complices, dernièrement advenue en ceste ville de Paris, le XXIVe jour du présent moys d'aoust 1572 ». Cf. J. Cornette, Chronique de la France moderne, Paris, SEDES, 1995, tome I : le xvie siècle, p. 257.
11 J. Garrisson, La Saint-Barthélemy, Bruxelles, Complexe, 1987, p. 129.
12 Henri, duc d'Anjou, assiège La Rochelle au cours de la quatrième guerre de religion lorsque, le 19 juin 1573, les ambassadeurs polonais lui apprennent qu'il est élu roi de leur pays. « L'élection du duc d'Anjou au trône de Pologne le 9 mai 1573 sauve la ville après un blocus de huit mois. En effet il existe en Pologne une très importante minorité calviniste et toute une partie de la noblesse est déjà acquise aux idées de tolérance. Dans ces conditions, poursuivre la guerre civile relèverait de l'indécence. » Cf. M. Pernot, Les guerres de religion en France 1559-1598, Paris, SEDES, 1987, p. 82.
13 Le 14 septembre 1573, le roi de Pologne fait une entrée solennelle à Paris. Le sculpteur Germain Pilon, originaire du Maine, participe à l'élaboration des festivités. Cf. J. Cornette, Chronique de la France moderne, Paris, SEDES, 1995, tome I, p. 263.
14 P. Dom Piolin, Histoire de l'Église du Mans, Paris, H. Vrayet de Surcy, 1863, tome V, p. 507.
15 Le duc d'Alençon devient duc d'Anjou à la signature de l'Édit de Beaulieu ou « paix de Monsieur » le 6 mai 1576. Cf. J. Cornette, Chronique de la France moderne, Paris, SEDES, 1995, tome I, p. 274.
16 C. Morand, Histoire de la province du Maine, manuscrit recopié par Julien Chappée en 1925 sur le manuscrit du chanoine Morand alors conservé à la bibliothèque du château de la Groirie près Le Mans, p. 849.
17 Ibidem, p. 846.
18 Arrêt n° 119 du 4e registre daté 1574, au jour du 30 mai. Registre des délibérations de l'Hôtel de Ville (1553-1690). Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
19 Ayant fui la Cour le 3 février 1576, Henri de Navarre s'arrête dix jours plus tard à Beaumont-le-Vicomte d'où il fait demander vainement aux échevins du Mans l'autorisation de traverser Le Mans en direction de sa ville de La Flèche, puis de ses terres de Gascogne.
20 C. Morand, Histoire de la province du Maine, manuscrit cité par P. Cordonnier-Détrie dans son article : « La Ligue dans Le Maine », dans RHAM, Le Mans, 1958, p. 14.
21 J. Cornette, Chronique de la France moderne, tome II, Paris, CDU et SEDES, 1995, p. 33.
22 T. Wanegfflelen, L'Édit de Nantes, une histoire européenne de la tolérance (xvie-xxe siècle), Paris, Librairie Générale Française, 1998, p. 20.
23 Avec l'instauration du droit annuel de « la paulette » en 1604, Julian est assuré de transmettre son office de notaire royal à son fils.
24 Le duc de Mercœur entretient les troupes espagnoles jusqu'au début de 1598.
25 Fils de Philippe d'Angennes, sieur de Fargis, Jean de Beaumanoir devient maréchal de France en 1595 et est connu dès lors sous le nom de maréchal de Lavardin. F. Bluche, article « Lavardin », dans F. Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, p. 838.
26 Né en 1551, Jean de Beaumanoir a été élevé à la cour de Jeanne d'Albret ; il s'est converti au catholicisme après la mort de son père. Ibid.
27 Signé le 2 mai 1598 dans la petite ville de Vervins, le traité de paix met fin à la guerre avec l'Espagne déclarée par Henri IV le 17 janvier 1595.
28 L'abbaye de La Couture du Mans dépend du Comte de Soissons qui en a la commende. G. Tallemant Des Réaux, op. cit., tome I, p. 1114 (note 1 de la p. 479).
29 P. de L'étoile, Journal du règne de Henry IV roy de France et de Navarre, avec des remarques historiques et politiques du chevalier C. B. A. et plusieurs autres pièces historiques du mesme tems, La Haye, Frères Vaillant, 1741, tome II, p. 573.
Jamais Julian ni aucun des trois autres auteurs du Livre ne donnent ce genre de précision, même pour un personnage public.
30 Ibidem, p. 573.
31 Le lieu précis, Neuilly, étant inconnu du notaire, il choisit de situer l'événement entre deux villes royales dont les noms ont un sens pour lui.
32 P. Matthieu, Histoire de la mort déplorable de Henry IIII, roy de France et de Navarre : ensemble un poeme, un panegyrique et un discours funebre dressé à sa mémoire immortelle, Paris, Veuve M. Guillemot et S. Thiboust, 1611, p. 37.
33 S. Hanley, Le « Lit de justice » des rois de France. L'idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, Paris, Aubier, 1991, p. 51.
34 R. Mousnier, L'assassinat d'Henri IV, 14 mai 1610, Paris, Gallimard, 1964, p. 217.
35 V. L. Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, Paris, Flammarion, 1967, p. 80.
36 H. Le Bourdais, Discours sur l'ordre tenu à l'entrée de leurs majestez en la ville du Mans, Le Mans, Gervais et François les Oliviers imprimeurs et libraires, 1614.
37 Couvent des Jacobins. Notes et extraits du xviie siècle. 21 pièces papier. Arch. dép. Sarthe cote H 1154.
38 D'origine toscane, venu en France dans l'escorte de Marie de Médicis, Concini a épousé, dès 1601, l'amie d'enfance de la reine, Leonora Dori dite Galigaï.
39 Henri d'Orléans-Longueville, (1595-1663), IIe du nom, est aussi prince de Neuchâtel. Cf. F. BLUCHE, article « Longueville », dans F. Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, p. 890.
40 Fils de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, César de Vendôme (1594-1665), nommé duc en 1598, est alors gouverneur de Bretagne. Cf. F. Boltz, article « Vendôme », dans F. BLUCHE, op. cit., p. 1573.
41 Henri de la Tour d'Auvergne, duc de Bouillon (1555-1623), maréchal de France en 1592, est aussi prince souverain de Sedan. Cf. C. Bex-Millet, article « Bouillon », dans F. BLUCHE, op. cit., p. 221.
42 Charles de Gonzague-Nevers (décédé en 1637) est le fils de Louis de Gonzague et de Henriette de Clèves héritière du duc de Nevers et de Rethel. Il sera duc de Mantoue et de Montferrat en 1627. Cf. G. Antonetti, article « Gonzague », dans F. Bluche, op. cit., p. 665.
43 F. de Bassompierre, Mémoires du mareschal de Bassompierre contenant l'histoire de sa vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la Cour de France pendant quelques années, Paris, J. Sambix le jeune, 1703, tome I, p. 255.
44 C. Morand, Histoire de la province du Maine, manuscrit du début xviiie siècle, recopié en 1925 par Julien Chappée, p. 826 de cette copie. Le chanoine Claude Morand écrit que la prise de Blavet par le duc de Vendôme fut le motif de la venue du roi en Bretagne à la tête de son armée, ce que semble confirmer l'historiographe Charles Bernard (cf. note suivante).
45 C. Bernard, Histoire de Louis XIII, s. éd., s. d., livre II, p. 34.
46 Arrêt n° 661 du registre de l'Hôtel de Ville de 1613-1614. Registre des délibérations de l'Hôtel de Ville. (1553-1690). Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
47 Les projets de mariages royaux (celui de Louis XIII avec l'infante d'Espagne et celui de sa sœur Élisabeth avec le souverain espagnol) déplaisent aux huguenots dont le prince de Condé demeure le chef.
48 Y. M. Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme (1598-1661), Paris, Seuil, 1992, p. 64.
49 Henri de Beaumanoir, marquis de Lavardin, a épousé Marguerite de la Baume dont la mère, Madeleine des Prez-Montpezat, est la nièce du duc de Mayenne.
50 Registre de l'Hôtel de Ville de mai 1616. Op. cit. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
51 Charles de Valois, comte d'Auvergne, est le fils bâtard de Charles IX et de Marie Touchet.
52 Demi-frère d'Henriette d'Entragues maîtresse d'Henri IV, le comte d'Auvergne avait organisé une conjuration tendant à tuer le roi pour assurer la succession au trône à Henri de Verneuil fils naturel du roi Henri IV et d'Henriette. Cf. B. Barbiche, article « Entragues (Henriette d') », dans F. Bluche, op. cit., p. 538.
53 Le « petit livre a part » [f° 65] dont il parle lui-même quelques folios plus loin, par exemple.
54 Le futur médecin René Bodreau.
55 Registre de l'Hôtel de Ville de mai 1616. Op. cit. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
56 Registre de l'Hôtel de Ville du 23 février 1617. Op. cit. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
57 Registre de l'Hôtel de Ville du 28 février 1617. Op. cit. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
58 Registre de l'Hôtel de Ville du 6 juin 1617. Op. cit. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
59 R. Triger, Études historiques et topographiques sur la ville du Mans, Le Mans, Monnoyer, 1926, article II, p. 22.
60 Henri II de Condé a épousé, en 1609, Charlotte de Montmorency.
61 Cf. annotation de A. Adam, dans G. Tallemant des Réaux, Historiettes, Paris, Gallimard, tome I, p. 759.
62 L'expression de « lèse-majesté divine et humaine amalgame toutes les atteintes à l'ordre politique, religieux et moral considéré dans le cadre de la monarchie de droit divin comme formant un tout indissociable ». Cf. J M. Carbasse, article « Lèse-majesté », dans F. Bluche, op. cit., p. 862.
63 Concini est devenu marquis d'Ancre en Picardie en 1611 et maréchal de France en 1613.
64 Fauconnier du roi, de Luynes est devenu le favori de Louis XIII.
65 Y. M. Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme, (1598-1661), Paris, Seuil, 1992, p. 79.
66 Édict et articles accordez par le roy sur la reünion du sieur de Bois-Dauphin, au service de sa Majesté, fait à Lyon en Aoust 1595 et publié en Parlement le 12 septembre 1595. Claude de Monstr'œil, 1596.
67 La médiathèque Louis Aragon du Mans et la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe en conservent quelques exemplaires tels : « La divine vengeance sur la mort du marquis d'Ancre pour servir d'exemple à tous ceux qui entreprennent contre l'authorité des roys », à Paris, chez Thomas Menard, à la rue Dauphine, au coin des Augustins, 1617. Ou : « Le Romant de Conchine et de sa femme contenant leurs vies, faits et gestes depuis leur arrivée en France jusques à l'exécution de leurs personnes », à Paris, chez Joseph Bouillerot, rue de la Calandreau, Croissant, 1617.
68 Y.-M. Bercé, op. cit., p. 80.
69 Jean-Louis de Nogaret de la Valette (1554-1642), cadet de Gascogne, a été dévoué à Henri III qui l'a fait duc et pair en 1581. Cf. V. Larcade, article « Epernon », dans F. Bluche, op. cit., p. 540.
70 Registre de l'Hôtel de Ville du 28 mars 1619. « Extraits des registres de l'Hôtel de Ville », dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.
71 Ibidem.
72 « Epernon, Mayenne, le duc de Longueville, le comte de Soissons, les deux Vendôme, les ducs de Nemours, de Retz, de la Trémoille, de Roannes, de Rohan lui (à Marie de Médicis) offraient les ressources militaires et financières d'un grand parti. » Cf. V. L. Tapié, op. cit., p. 121.
73 Y.-M. Bercé, op. cit., p. 85.
74 P. Dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 139.
75 Le marquis de Créquy a reçu « la charge de maréchal de camp et le collier des ordres du Roi en 1619 [et il sera] créé maréchal de France le 18 septembre 1621 ». Cf. C. Bex-Millet, article « Créqui », dans F. Bluche, op. cit., p. 428.
76 Village situé à seulement une lieue du Mans, comme son nom l'indique.
77 Gaston, duc d'Anjou, frère cadet de Louis XIII, né en 1608, est alors âgé de douze ans.
78 Guillaume de Vair (1556-1621), ecclésiastique est devenu garde des sceaux en 1616. Cf. J.-M. Constant, article « De Vair », dans F. Bluche, op. cit., p. 513.
79 P. Dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 32.
80 Arrêt n° 61 du 15e registre de l'Hôtel de Ville de 1620. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC 242.
81 Benjamin de Rohan, baron de Soubise, chef protestant, abandonne Saint Jean d'Angély à Louis XIII le 25 juin 1621. Y.-M. Bercé, op. cit., p. 99.
82 P. Dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 32.
83 Arrêt n° 61 du 15e registre de l'Hôtel de Ville. Année 1620. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
84 Fils de Sully, Maximilien de Béthune a succédé à son père en qualité de grand-maître de l'artillerie dès 1610 ; il conservera cette charge jusqu'en 1621 où Henri de Schomberg le remplacera. Cf. H. Pinoteau, article « Artillerie (Grand-maître de l') », dans F. Bluche, op. cit., p. 114.
85 Y.-M. Bercé, op. cit., p. 86.
86 G. Bodinier, article « Artillerie » dans F. Bluche, op. cit., p. 113.
87 Y.-M. Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme, (1598-1661), Paris, Seuil, 1992, p. 98.
88 V. L. Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, Paris, Flammarion, 1967, p. 148.
89 Quelques Te Deum sont signalés à ces occasions (18 novembre 1662, 23 janvier 1667 et 19 août 1668) dans les 25e et 26e registres des extraits de l'Hôtel de Ville. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
90 Des feux de joie ont lieu le 2 octobre 1601. Extraits du 12e registre de l'Hôtel de Ville des années 1599-1601. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
91 Ce sont là les paroles du roi Henri IV à la naissance de Louis XIII. Cf. M. Foisil, La vie quotidienne au temps de Louis XIII, Paris, Hachette, 1992, p. 102.
92 Feux de joie et Te Deum ont lieu au Mans. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
93 Y.-M. Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme, 1598-1661, Paris, Seuil, 1992, p. 168.
94 A. Négrier De La Crochardière, Observations sur la ville du Mans, manuscrit, Médiathèque Louis Aragon, Le Mans, p. 63.
95 F. Dornic, Histoire du Mans et du pays manceau, Toulouse, Privat, 1988, p. 176.
96 Pour la naissance du dauphin, il note l'arrivée du courrier royal.
97 M. Pernot, La Fronde, Paris, De Fallois, 1994, p. 125.
98 R. Mousnier, « Quelques raisons de la Fronde. Les causes des journées révolutionnaires parisiennes de 1648 », dans xviie siècle, n° 2-3, 1949, p. 33-78. Derek A. Watts dit pourtant que c'est l'épisode le mieux documenté de la Fronde car il a frappé l'imagination des contemporains ; dans R. Duchêne et P. Ronzeaud, « La Fronde en question », Actes du dix-huitième colloque du centre méridional de rencontres sur le xviie siècle, Marseille, Université de Provence, 1989, p. 51. Sans doute ces contemporains-là étaient-ils des témoins oculaires de ces journées tels le cardinal de Retz, le marquis de Montglat, Omer Talon, Mathieu Molé, Mme de Motteville, Mlle de Monpensier, Marie Dubois, Nicolas Goulas, Nicolas Baudot, Guy Joly dont les écrits sont connus.
99 Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII.
100 Louis de Bourbon, prince de Condé.
101 Philippe d'Anjou, frère de Louis XIV.
102 O. Ranum, La Fronde, Paris, Seuil, 1995, p. 208.
103 Cf. M.-N. Grand-Mesnil, Mazarin, la Fronde, la presse, 1647-1649, Paris, A. Colin, 1967. Théophraste Renaudot entretient une bonne collaboration avec Mazarin.
104 « De début janvier à la fin du blocus en mars 1649, quelque 1 200 pamphlets paraîtront. » Cf. O. Ranum, ibid., p. 227.
105 L'intitulé complet est Journal contenant ce qui s'est fait et passé en la Cour du Parlement de Paris, toutes les Chambres Assemblées et autres lieux ; sur le sujet des affaires du temps présent es années 1648 et 1649. Publié en 1649 par le libraire Alliot et l'imprimeur Langlois.
106 Gervais Alliot est marchand libraire, proche la chapelle Saint-Michel, dans la Cour du Palais.
107 J. Bodreau, Les Coustumes du païs et comté du Maine, Paris, Gervais Alliot, 1645.
108 M.-N. Grand-Mesnil, op. cit., p. 70.
109 Les vingt-sept articles de la charte rédigée le 2 juillet 1648 par l'assemblée de la Chambre Saint-Louis y sont contenus.
110 M. Pernot, La Fronde, Paris, De Fallois, 1994, p. 221.
111 Il s'agit de : Le courrier françoys apportant toutes les nouvelles véritables de ce qui s'est passé depuis l'enlèvement du roy tant à Paris qu'à Saint-Germain en Laye, Paris, Rollin de La Haye, 1649, 8 p.
112 Le duc d'Enghien devient prince de Condé en 1646 à la mort de son père auquel il succède comme chef du conseil du Roi pendant la minorité de Louis XIV, jusqu'en 1651.
113 « La prudence est la première des vertus cardinales qui enseigne à bien conduire […] ses discours et ses actions suivant la droite raison. » A. Furetière, op. cit., article « Prudence ».
114 « Moins d'une semaine après le départ de la Cour pour Saint-Germain, c'est donc un véritable parti, politiquement et militairement organisé, soutenu par la majorité des Parisiens, qui se dresse devant Mazarin. » Cf. M. Pernot, La Fronde, Paris, De Fallois, 1994, p. 106.
115 O. Ranum, La Fronde, Paris, Seuil, 1995, p. 226.
116 À propos du duc d'Elbœuf, Michel Pernot précise que Charles II de Lorraine, duc d'Elbœuf, gouverneur de Picardie, est l'arrière-petit-fils du premier duc de Guise et qu'il a épousé une fille légitimée d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées. Exilé sous Richelieu après la Journée des Dupes, il s'implique à nouveau dans l'opposition à Mazarin. Ayant de grands besoins d'argent, il a la ferme intention « de jouer un rôle de premier plan dans les troubles qui commencent et d'en tirer le plus d'avantages possible pour lui et sa maison ». Bien lui en prend puisque la paix de Rueil lui apporte non seulement l'amnistie complète, mais aussi de 300 000 à 400 000 livres. Cf. M. Pernot, op. cit., p. 103.
117 M. Pernot, op. cit., p. 115.
118 Tanneguy de Lombelon, baron des Essarts.
119 Maximilien Echevard, marquis de La Boulaye, est le neveu du duc de La Tremoille seigneur de Laval et le gendre du duc d'Elbœuf sous les ordres duquel il parcourt le Maine pour recruter des gens de guerre pour l'armée du Parlement.
120 « Le parlement annula la condamnation pour trahison et complot qu'il avait infligée à Beaufort et lui donna un commandement dans son armée, en tant que “fils” de France. » Cf. O. Ranum, op. cit., p. 218.
121 Trois parlements de province se soulèvent : Rouen, Bordeaux et Aix-en-Provence.
122 Cardinal de Retz, Mémoires, présentés par Simone Bertière, Garnier, Paris, 1998, p. 414.
123 Cf. A. Lévy (dir.), La Sarthe des origines à nos jours, Saint-Jean d'Angely, Bordessoules, 1983, p. 189. Le minot est vendu à 20 livres « combien qu'il fut auparavant a trente et neuf livres dix huict sols » [f°139v°]. Le Maine est un pays de grande gabelle : les habitants sont tenus d'acheter au taux maximum un minimum de sel évalué à un minot (72 litres ou 100 litres) pour quatorze personnes au-dessus de huit ans.
124 Extrait de l'Instruction d'Omer Talon pour son fils, citée par J. Cornette dans La mélancolie du pouvoir, Paris, Fayard, 1998, p. 419.
125 Neuviesme arrivée du Courrier françoys, op. cit., p. 7.
126 Registre de l'Hôtel de Ville du 18 mars 1649. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
127 J. Cornette, Chronique de la France moderne, tome II, p. 384, citant Omer Talon.
128 La Flèche est une ville acquise à la Fronde.
129 Le trompette du marquis de La Boulaye reçut « un coup de mousquet qui fut tire du chasteau pour ne s'estre pas retire apres avoir sommé, mais pour s'estre arreste a considerer le plan de la forteresse » [f°140v°].
130 Henri de La Trémoille est un grand seigneur poitevin marquis de Noirmoutier et seigneur de Laval. Il fait partie de l'armée du Parlement de Paris depuis le 9 janvier 1649. Julien Bodreau orthographie son nom : « La Trimouille » suivant la prononciation de l'époque.
131 Un fourneau « en terme de guerre est la partie de la mine où on met la poudre et qu'on nomme autrement la chambre. C'est un trou enfoncé dans l'épaisseur des terres. […] La charge d'un fourneau est à peu près d'un millier de poudre enfermée dans des barils ou des sacs. » A. Furetière, op. cit., article « Fourneau ».
132 « Les magistrats […] doivent faire face, les 27 et 28 février à des émotions populaires qui leur font craindre une explosion révolutionnaire qu'ils ne souhaitent pas, cette agitation populaire pose un problème historique mal résolu. » Cf. M. Pernot, op. cit., p. 132.
133 « Article 4 : l'armée levée par le Parlement sera dispersée. » Cf. O. Ranum, La Fronde, Paris, Seuil, 1995, p. 237.
134 Cf. O. Ranum, La Fronde, Paris, Seuil, 1995, p. 237. Voir aussi M. Pernot, La Fronde, Paris, De Fallois, 1994 : Le marquis de Jarzé n'eut aucune peine à désarmer « les quelques troupes levées dans le Maine, par le marquis de La Boulaye, en Anjou, par le duc de La Trémoille », p. 140.
135 S. Menjot D'elbenne, « Essai sur la Fronde dans le Maine, Le siège du Mans en 1652 », dans RHAM, tome IX, 1881, p. 29. René Potier, comte de Tresme, duc de Gesvres depuis 1648, gouverneur du Maine en 1627, est capitaine des gardes du corps du roi. Chambellan du roi Henri IV en 1608, il mourra âgé de 91 ans en 1670. Son fils Léon duc de Tresmes deviendra marquis de Gesvres à la mort de son père : c'est lui qui commande les régiments de son père en 1652.
136 Les Rouveray sont peut être des membres de la maison de Beaumanoir Lavardin. Cf. Bastard D'ESTANG, Mariage de Florent de Bastard et de Christophlette de la Rouvraye, fragment pour servir à l'histoire des guerres de religion, Mamers, Fleury et Dangin, 1883, p. 12.
137 O. Ranum, op. cit., p. 274.
138 Afin de « désamorcer les efforts de leurs partisans, qui mobilisaient les Parisiens en leur faveur », les princes sont envoyés à Marcousis puis au Havre en novembre. Ibidem.
139 O. Ranum, op. cit., p. 334.
140 R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, Paris, PUF, 1980, tome II : « Les organes de l'État et la société », p. 604.
141 G. Esnault, « Copie de l'ordre de convocation transmis en 1651 par le bailli du siège royal de Fresnay aux paroisses de son ressort », dans RHAM, Le Mans, tome IX, 1881, p. 375-376.
142 L'assemblée de la noblesse réunie à Paris « se prolongea par des réunions et des associations dans les provinces jusqu'en juillet 1652. Les gentilhommes se sont exprimés par un Journal de l'Assemblée de la Noblesse et par différents cahiers pour les États généraux convoqués mais jamais réunis. » Cf. R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, Paris, PUF, 1980, tome II, p. 602.
143 Cf. M. Pernot, op. cit., p. 247.
144 J.-M. Constant, « L'Assemblée de noblesse de 1651 : une autre conception de la monarchie française », dans La Fronde en questions, actes du dix-huitième colloque du Centre Méridional de Rencontres sur le xviie siècle, réunis par R. Duchêne et P. Ronzeaud, Université de Provence, Marseille, 1989, p. 277.
145 Arrêt n° 661 du 13e registre de l'Hôtel de Ville daté de 1613-1614. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
146 Cf. O. Ranum, op. cit., p. 336.
147 Y.-M. Bercé, La Naissance dramatique de l'absolutisme, 1598-1661, Paris, Seuil, 1992, p. 181.
148 J. Cornette, Chronique de la France moderne, Paris, SEDES, 1995, tome II, p. 406.
149 Charles de Monchy, marquis d'Hocquincourt, gouverneur de Péronne. En 1652 il commande l'armée de Mazarin.
150 « Depuis trois années environ, la ville d'Angers était le théâtre d'un conflit social opposant un parti populaire, celui des Loricards, animé par les artisans, à l'oligarchie bourgeoise qui tenait la municipalité et où les officiers de justice du roi jouaient le premier rôle. En mai 1651, ce parti avait réussi à glisser quelques-uns de ses membres dans l'échevinage. A la fin de la même année, il suivit le duc de Rohan-Chabot dans la rébellion lorsque le gouverneur se prononça pour Mr Le Prince. » Cf. M. Pernot, La Fronde, Paris, De Fallois, 1995, p. 287.
151 Une tradition populaire attribue le salut de La Ferté-Bernard à la protection de la Vierge.
152 S. Menjot D'elbenne, « Essai sur la Fronde dans le Maine, Le siège du Mans en 1652 », dans RHAM, tome IX, 1881, p. 46.
153 S. Menjot D'elbenne, op. cit., p. 40.
154 P. Dom Piolin, op. cit., p. 258.
155 S. Menjot D'elbenne, op. cit., p. 49.
156 Cité par S. Menjot D'elbennE, ibidem, p. 50.
157 F. Lebrun, Moi, Marie du Bois, gentilhomme vendômois, valet de chambre de Louis XIV, Rennes, Apogée, 1994, p. 92.
158 Lire 120 piétons.
159 S. Menjot D'elbenne, « Essai sur la Fronde dans le Maine, Le siège du Mans en 1652 », dans RHAM, tome IX, 1881 p. 47.
160 P. Dom Piolin, op. cit., p. 250. Cette alarme « reposait sur les cris d'un bordager voisin de la ville qui comptait les petits qu'une truie venait de lui donner ».
161 Cité par S. Menjot D'elbenne, op. cit., p. 48. On se souvient qu'en effet, les Manceaux avaient hébergé le marquis de La Boulaye, frondeur, en 1649.
162 S. Menjot D'elbenne, « Essai sur la Fronde dans le Maine. Le siège du Mans en 1652 », dans RHAM, tome IX, 1881, p. 46.
163 C'est-à-dire cent trente-trois millions de livres.
164 Pierre Goubert estime que « l'or du Romain » s'élevait à trente cinq millions de livres tournois, comme l'ont établi Françoise Bayard, Joseph Bergin et Daniel Dessert. P. Goubert, Mazarin, Paris, Fayard, 1990, p. 385. Voir le détail donné par Claude Dulong dans Mazarin, Paris, Perrin, 1999, ch. XIII.
165 Le titre de « Roy Catholique » fut accordé, en 1494, par Alexandre VI à Ferdinand et Isabelle pour les féliciter de la prise de Grenade et les mettre sur un plan d'égalité avec le « Roy Très Chrétien ». F. Hildesheimer, Du Siècle d'or au Grand Siècle, Paris, Flammarion, 2000, p. 58.
166 À la mort du roi d'Espagne, Louis XIV, invoquant le « droit de dévolution » qui attribue l'héritage paternel aux enfants du premier lit, demande pour la reine Marie Thérèse plusieurs villes et territoires espagnols situés aux frontières Est et Nord de la France.
167 Les extraits de l'Hôtel de Ville sont muets à ce sujet.
168 Y.-M. Bercé, La naissance dramatique de l'absolutisme, 1598-1661, Paris, Seuil, 1992, p. 25.
169 J.-P. Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 895.
170 Élève du collège de Clermont, Jean Chastel entraîne par son acte l'expulsion des jésuites accusés de professer « le nécessaire tyrannicide ». Cf. G. Minois, Le couteau et le poison, Paris, Fayard, 1997, p. 184.
171 Cf. G. Minois, Le couteau et le poison, Paris, Fayard, 1997, p. 141.
172 H. Le Bourdais, Regrets sur la mort de Henry IIII d'heureuse mémoire, Roy de France et de Navarre, Le Mans, François Olivier, 1610, 38 p.
173 Si l'on en croit Dom Piolin (Histoire de l'Église du Mans, tome VI, p. 15), le cortège arrive à La Flèche le 4 juin 1610. Jean Nagle le dit atteignant cette ville le 18 mai 1610 (La civilisation du cœur, Histoire du sentiment politique en France du xiie au xixe siècle, Paris, Fayard, 1998, p. 28), mais cela nous semble trop proche de la mort du roi qui eut bien lieu le 14 mai.
174 P. Matthieu, Histoire de la mort deplorable de Henry IIII, roy de France et de Navarre : ensemble un poeme, un panegeryque et un discours funebre dressé à sa mémoire immortelle, Paris, Veuve M. Guillemot et S. Thiboust, 1611, p. 6.
175 C'est-à-dire « quelques-uns ».
176 Jean de Beaumanoir, marquis de Lavardin, comte de Nègrepelisse, gouverneur du Maine depuis 1590, maréchal de France depuis 1593. Son fils, Henri, est le filleul d'Henri IV et deviendra gouverneur du Maine à la mort de son père en 1614.
177 P. de Lestoile, Journal du regne de Henri IV roi de France et de Navarre, avec des remarques historiques et politiques du chevalier C. B. A., et plusieurs pièces historiques du même tems, La Haye, 1741, chez les frères Vaillant, tome IV, p. 30.
178 Il peut s'agir du Discours des faicts héroïques de Henry le Grand de Hierosme de Benevent, imprimé à Paris chez Jean de Henqueville en 1611, conservé à la Médiathèque Louis Aragon du Mans sous la cote Histoire / 8° 1891.
179 Ibid., p. 328 : « il estoit grand en tout ce qui peut se figurer de grand et relevé ».
180 J. A. de Thou, Histoire Universelle, Londres, 1734, tome IV, p. 525.
181 P. Matthieu, op. cit.
182 Ce folio se trouve au milieu de la rédaction de Julien l'avocat, mais il n'est pas de sa main. En paginant le manuscrit, Marin Dominique a indiqué au lecteur, au milieu du f°52v°, de se reporter au f°118v°.
183 H. Drevillon, Lire et écrire l'avenir, Astrologie, prophéties et prédictions dans la France du xviie siècle (1610-1715), thèse de doctorat, Paris, EHESS, 1994, p. 116.
184 En 1582, une main anonyme a inscrit la mort de Jehan ; en 1610, Péan a signé ce folio 118v° et vers 1675, Julian Bourgault a griffonné un hommage à son oncle Charles.
185 La Flèche fait partie de la province d'Anjou.
186 Cf. J. Nagle, La civilisation du cœur, Histoire du sentiment politique en France du xiie au xixe siècle, Paris, Fayard, 1998, pp. 28 30. Une erreur s'est glissée p. 27 dans la date de la mort d'Henri IV.
187 P. Matthieu, op. cit., p. 90.
188 Le duc de Montbason faisait également partie des sept seigneurs qui partageaient le carrosse d'Henri IV. Cf. P. Matthieu, op. cit., p. 74.
189 P. de Lestoile, op. cit., tome IV, note p. 100.
190 P. Dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 24.
191 Publiée dans l'Annuaire de la Sarthe, 1835, p. 197-205.
192 F. Bluche, article « Lavardin », dans F. Bluche, op. cit., Paris, Fayard, 1990, p. 838.
193 J. Vallier, Remarques journallieres et veritables de ce qui s'est passé dans Paris et en quelques aultres endroicts du Royaume et ailleurs, ms BnF n° 10273, tome I, 1648-49, p. 265. Par « ceste ville » Jean Vallier entend Paris, bien sûr ; Le Mans n'apprendra la nouvelle que quelques jours plus tard.
194 L'Angleterre n'ayant pas alors adopté le calendrier grégorien, cette date est le mardi 30 janvier 1648 en style d'Angleterre. Cf. Relation véritable de la mort cruelle et barbare de Charles Ier, roi d'Angleterre, avec la harangue faite par sa Majesté sur l'échafaud, traduite de l'Anglais en Français par J. Ango, sur l'imprimé à Londres chez F. Coles, réimprimée à Paris par Lepetit, commissaire en librairie, quai des Augustins, n° 32, 3e édition, 1792, p. 115.
195 Relation véritable… avec la harangue, Ibidem.
Relation veritable de la mort barbare et cruelle du Roy d'Angleterre arrivée à Londres le huictiesme fevrier mil six cens quarente neuf, Paris, François Preuveray, grande ruë de la Bretonnerie, proche la porte Saint Jacques, 1649, 8 p. Cote Médiathèque Le Mans Histoire 4° / 2134.
196 Charles Ier a six enfants : le Prince de Galles se trouve à La Haye avec sa sœur aînée, le duc d'York est à Paris avec sa sœur puisnée et leur mère, seuls restent donc le duc de Glocester et la princesse Élisabeth près du roi. Cf. 6e arrivée du Courrier françoys apportant toutes les nouvelles veritables de ce qui s'est passe depuis l'enlèvement du roy tant à Paris qu'à St Germain en Laye, Paris, Rollin de La Haye, 1649, p. 8.
197 « Déplorable » signifie digne de pitié au xviie siècle.
198 « Un prodige est un signe ou accident surprenant dont on ignore la cause : se dit en bonne ou mauvaise part. » A. Furetière, op. cit., article « Prodige ».
199 Relation veritable de la mort barbare et cruelle du Roy d'Angleterre arrivée à Londres le huictiesme fevrier mil six cens quarente neuf, Paris, François Preuveray, 1649, p. 4.
200 J. Vallier, Remarques journallieres et veritables de ce qui s'est passé dans Paris et en quelques autres endroicts du Royaume et ailleurs, ms BnF n° 10273, tome I, p. 270.
201 Henriette d'Angleterre est en France depuis 1644 et Anne d'Autriche a mis à sa disposition le château de Saint-Germain-en-Laye. L'arrivée de la Cour en septembre 1648 oblige la reine d'Angleterre à s'installer au Louvre. F. Lebrun, Moi, Marie Dubois, gentilhomme vendômois, valet de chambre de Louis XIV, Rennes, Apogée, 1994, p. 65.
202 Le samedi 13 février 1649, « le duc d'York fils puisné du roy d'Angleterre [est arrivé à Paris] pour demeurer aupres de la Reyne sa mère et se consoler ensemble des malheurs où ledit seigneur roy est journellement exposé ». 5e arrivée du Courrier françois apportant toutes les nouvelles veritables de ce qui s'est passé depuis l'enlèvement du roy tant à Paris qu'à St Germain en Laye, Paris, Rollin de La Haye, 1649, p. 8.
203 6e arrivée du Courrier françois apportant toutes les nouvelles veritables de ce qui s'est passé depuis l'enlèvement du roy tant à Paris qu'à St Germain en Laye, Paris, Rollin de La Haye, 1649, p. 8.
204 Ibidem.
205 M. Court, « Reflets de la Fronde dans “Pertharite” », dans R. Duchêne et P. Ronzeaud, « La Fronde en questions », Actes du dix-huitième colloque du centre méridional de rencontres sur le xviie siècle, Marseille, Université de Provence, 1989, p. 213.
206 F. Balthazar de Bellême, Don très humble et de très pure charité faict à la séraphicque province de Bretagne et aux R. R. Pères supérieurs d'icelle esleus au chapitre du Mans, le vendredy 8e de septembre 1662 par le plus petit et plus indigne prestre des enfants de cette province, ms de la Bibliothèque de Rennes n° 15484, p. 116.
207 6e arrivée du Courrier françois, op. cit., p. 8.
208 E. Le Roy-Ladurie, « Réflexions sur la Fronde », dans J.-P. Bardet et M. Foisil, Mélanges offerts à Pierre Chaunu, Paris, PUF, 1993, p. 731.
209 Samuel Pepys a rédigé son journal en utilisant le système de tachygraphie publié par Shelton en 1620. Cf. S. Pepys, Journal (1660-1669), traduction de l'anglais, Édition établie par André Dommergues, Paris, Laffont, tome I.
210 R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly (1633-1718) un Nîmois sous Louis XIV, Paris, Plon, 1998.
211 P. Trouillart, Mémoires des Comtes du Maine, au Mans, Hiérosme Olivier, 1643, p. 197.
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