Chapitre VI. Une famille soumise aux peurs du temps
p. 255-296
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Index géographique : France
Texte intégral
1Au printemps 1673, Charles évoque la présence de « bestes féroces » [f°254] à deux ou trois lieues à l’Est de la cité. Les Manceaux sont obligés de leur faire « la chasse vers Changé St Mars » [f°254] et « il y avoit bien cinq cens hommes en armes » [f°254], écrit-il donnant ainsi l’ampleur de l’alerte. Plusieurs victimes, enfants et adultes « dévorés et mordus » [f° 254] sont à déplorer. « L’on dit que sont loups serviers, léopards lions » [f° 254], indique Charles rapportant l’inquiétude collective : « dieu nous préserve de cet accident » [f° 254]. Est-ce la faim qui a poussé les bêtes jusque dans les faubourgs ? Antoine Furetière emploie la même expression pour parler de ce grand chat sauvage (ou lynx) que certains auteurs « croient être un animal fabuleux1 » et il suggère que cette bête méconnue peut être « un “rhaphin”, mot issu de l’hébreu “rhaham” qui signifie affamé ». Insolite pour un citadin, l’attaque de fauves n’est cependant pas le seul danger qui menace le Français du Grand Siècle. Son impuissance devant les ravages occasionnés par les guerres, sa terreur éprouvée devant les manifestations surdimensionnées de la nature, sa révolte et sa résignation opposées à la confrontation des conséquences de ces phénomènes incompris, tout concourt à faire de son existence terrestre un flot de misères qu’il se doit de traverser avant d’atteindre la rive d’une vie éternelle, promesse du repos du corps et de l’âme. Écrire ses angoisses est une manière de témoignage et ces peurs du temps filtrent entre les mots des Bodreau qui décrivent les méfaits des armées en campagne, les fatals accidents climatiques, les incontournables crises de subsistances et les inévitables épidémies.
2À la fin du xvie siècle, l’autorité royale est bafouée ; le désordre s’est installé dans la religion, la politique et les institutions du royaume de France. C’est le temps d’un « regne fort calamiteux2 ». Mouvements de révolte, répression exercée par le pouvoir et instauration d’un État fort constituent l’essentiel du contexte politique qui a retenu l’attention des Bodreau et qui les a amenés à prendre la plume pour exprimer leurs ressentiments et leurs espérances à l’égard des faits politiques marquant leur siècle. La lecture assidue d’une presse balbutiante, mais parfois virulente, l’écoute attentive des nouvelles officielles aussi bien que des rumeurs, la volonté certaine de rester informés des affaires de leur temps, tout cela concourt à faire des auteurs du Livre des témoins uniques de cette époque.
« Les gens de guerre »
3La présence continuelle de troupes armées dans les villes et les campagnes constitue l’une des multiples conséquences des nombreux troubles politiques des xvie et xviie siècles et, malgré l’instauration ancienne de cet état de fait, les populations locales ont beaucoup de mal à s’y accoutumer.
« Le plus lourd problème [est] l’entretien des troupes dans les provinces à l’intérieur pendant les quatre mois de quartier d’hiver, ensuite sur les routes d’étapes, puis aux frontières. [...]. Les frais de logement, d’approvisionnement, de fournitures, de fortifications [sont] le plus souvent imputés aux communautés d’habitants qui [ont] le malheur de se trouver au voisinage des itinéraires ou des lieux de cantonnements3. »
4Tour à tour, de 1576 à 1652, les Bodreau subissent cette pesante habitude et s’en plaignent. Troupes en campagne à la déclaration d’un conflit, ou troupes démobilisées après l’accord d’une trêve, ce sont des centaines d’hommes et de chevaux qui vivent aux dépens des populations. Le Livre conserve l’expression de la terreur de Jehan, du constat résigné de Julian et de l’indignation de Julien. Ainsi, du grand-père au petit-fils, de l’humble sergent royal à l’avocat célèbre, se discerne un changement de réaction et d’attitude vis-à-vis d’une tradition qui, peu à peu, laisse place à une organisation cohérente des troupes militaires. Charles, qui rédige les dernières pages du manuscrit entre 1663 et 1675, ne se plaint que par anticipation de possibles exactions des armées lorsque sa ville est menacée d’avoir à héberger un régiment.
« En avois de logez chez moy »
5En janvier 1576, Jehan note que « des compaignies françoises log[ent] es forbourg St Jehan » [f° 10], c’est-à-dire chez lui puisqu’il habite alors « la maison de madame la lieutenante Hardyau » [f°9v°] dans ce faubourg SaintJehan où s’élèvent de « très belles maisons4 ». « Monsieur de Beauvoys colonel d’un régiment » [f°10] du roi s’y installe pendant quatre jours et Jehan doit héberger « ung caporal appelé La Fosse [qui] fut blessé et aporté chez [lui] » [f°10] au cours d’ » une émotion en ville » [f° 10]. Ces troupes ne demeurent à Saint-Jehan que du « jeudy douziesme jour de janvier [au] dimanche après midy » [f°10], car une violence d’un autre ordre les déloge : « l’eau commens[e] à croistre » [f°10v°] ; la maison de Jehan et tout le faubourg5 sont vite inondés et les armées changent de rive. Les compagnies du sieur Émery ont en effet été « logées dans les faubourgs du Pré, de St Jehan et de St Gilles6 ». Jehan ne donne pas la raison de leur présence ; ce n’est que plus tard (mais il ne dit pas à quel moment il l’apprend) qu’il ajoutera au bas d’un folio que « en ladite année 1576 environ le mois de janvier ou febvrier le roi de Navarre sortit de Paris sans le vouloyr du Roy qui fut cause des guerres » [f°12]. Après son départ de la capitale, Henri de Navarre, lieutenant du parti du duc d’Alençon, s’avance « vers Le Mans mais le roi l’y prév[ient] en y envoyant huit compagnies7 ». Ce sont celles que Jehan qualifie de « françoises », celles du roi. Au printemps suivant, « le régiment du sieur Émery estoit au Mans et en avois de logez chez moy » [f° 11 v°], se plaint à nouveau Jehan. D’autres soldats sont cantonnés à Souligné-sous-Vallon où demeure le père de Jehan, à moins de cinq lieues du Mans, et ils « se disoient estre du régiment du sieur de l’Isle » [f°12]. Le sieur Émery obéit au roi Henri III et « le sieur de L’Isle filz de l’Épichelière » [f° 12] est fidèle au roi de Navarre. Jehan subit les désordres occasionnés par ces armées en campagne et sa vie quotidienne est bouleversée au point qu’il ne se résout à quitter sa maison que pour une raison grave, celle de visiter son « père au lit de la mort » [f°12]. Il a tellement peur, à la fois de laisser seule sa famille au Mans et de faire de mauvaises rencontres sur le chemin, qu’il décide de ne pas assister à l’enterrement. Écrivant qu’il y a « tellement [de] gens d’armes [...] que n’ozé aller aux funérailles de mondict père » [f°12], il montre la terreur engendrée par les troupes militaires.
6Lors du séjour des troupes du duc d’Alençon commandées par le capitaine Dangeau d’une part et des compagnies du roi sous les ordres du sieur Hémery d’autre part, le registre de l’Hôtel de Ville se fait l’écho « des excès, voleries et saccagemens8 » que font les troupes dans les lieux où elles passent9. Lorsque « des compaignies de Bucy pill[ent] le pays du Maine et [que] le cappitaine Danjau [prend] les forsbourgs St Nicolas » [f° 13], Jehan confie son désarroi aux pages du Livre, mais sans préciser davantage l’ampleur des préjudices occasionnés. Dans son Journal, Pierre de Lestoile relate qu’ « au commencement de ce moys de mai 1577, Bussy d’Amboise pilla les pays d’Anjou et du Maine, mesme les fauxbourgs du Mans et, avec quatre mil arquebuziers qui se firent tous riches de butin, saccagea plus de vingt-cinq lieues de pays10 », relevant la violence de ces pratiques et accréditant les plaintes de Jehan dont les lignes, empreintes de résignation, montrent la lassitude ressentie devant ces incessants « dégasts11 ».
7Seize ans plus tard, Julian évoque le souvenir de la soumission de la ville du Mans à Henri IV. En juillet 1588, les troupes du seigneur de Boisdauphin12, adhérant à la Ligue, ont subi un échec en voulant s’emparer du Mans, mais « cette tentative avait montré que les habitants du Mans étaient nombreux à être acquis à la Ligue13 ». Pourtant, le gouverneur du Mans, dans une lettre au roi datée du 25 juillet, écrit qu’il « ne feiz pas aussi grand compte de cela14 » et que Le Mans est fidèle au roi. En février 1589, Boisdauphin réussit à s’emparer du château et y emprisonne les royaux. Malgré l’action du gouverneur d’Angers qui, en juin, tente en vain de prendre Le Mans, la ville est dominée par la Ligue qui « triomphe sous le signe de la violence15 ». Henri III révoque alors tous les droits et privilèges de la ville. À sa mort, Henri de Navarre devient roi mais refuse de se convertir. Il n’est pas reconnu par tous et doit conquérir une grande partie de son royaume. Le 6 août 1589, il se retire vers l’Ouest et « s’établit à Tours où se sont réfugiées les cours souveraines16 ». Il reçoit l’appui de la reine Élisabeth d’Angleterre, désireuse de chasser les Espagnols alliés des ligueurs, sous forme de renforts armés qui débarquent à Dieppe17 en septembre 1589 et, lorsque Henri IV s’empare du Mans, des régiments anglais l’accompagnent. Julian, alors âgé de dix-sept ans, n’oubliera jamais ce « 29e de novembre 1589 [où] le forsbourg de St Jehan a esté incendié et bruslé » [f° 15 v°] et sa maison18 réduite en cendres. Parti de Tours le 25 novembre, Henri de Navarre somme Le Mans de se rendre deux jours plus tard, mais Boisdauphin refuse et incendie les faubourgs du Mans dont Henri de Navarre s’empare le lendemain, excepté celui de Saint-Jehan qui n’est pris que le 29 novembre. Le lendemain, « dernier jour dudit moys oudit an 1589 » [f°15v°], écrit Julian, la ville du Mans « fut mise en l’obéissance du roy […] et fut battue de XII pièces de doubles canons » [f° 15 v°]. Et c’est le 2 décembre, sous le feu de l’artillerie royale, que les habitants du Mans obligent Boisdauphin à capituler. Le roi leur en sait gré car « il exempt[e] la ville du pillage et pour mieux la préserver, en ôtant à qui que ce soit le prétexte d’y entrer, n’y entr[e] pas [lui]-même19 ». Dans son Histoire de la province du Maine, le chanoine Morand révèle le rôle de l’évêque écrivant que c’est « par l’entremise de Claude d’Angennes et par le crédit20 qu’il avait auprès du roi que la capitulation fut négociée21 » ; la ville n’eut pas à souffrir du pillage habituel22 moyennant une contribution de 27 000 écus qui furent délivrés aux Suisses de l’armée royale. Le 8 décembre, « le roy entra par la Vieille Porte et sortit par le Pont Perrin » [f°15v°] parcourant la rue de la Vieille Porte et la rue Dorée, au Sud-Ouest de la cité entre les deux enceintes. Pour prendre le chemin de Laval, il dut ensuite traverser le faubourg Saint-Jehan. Il est possible que Julian l’ait alors vu passer dans son faubourg détruit. Puis Henri IV « alla coucher à Vallon et passa par l’Épichelière » [f°15v°] ; Julian dévoile ainsi, non seulement l’intérêt qu’il porte au parcours du roi empruntant des chemins qui lui sont familiers, mais aussi le fait que le passage du roi lui a été rapporté par les membres de sa famille qui demeurent à Souligné-sous-Vallon tout près du château de l’Épichelière. La conclusion de Julian sur ce conflit est éloquente et l’on y ressent l’immense soulagement éprouvé par Julian et les Manceaux : « Et les Engloys n’entrèrent poinct en ville » [f° 16]. Que de misères évitées ainsi aux Manceaux ! Cette phrase succincte laisse deviner l’angoisse des habitants d’une ville qui a déjà beaucoup souffert de toute cette période troublée et a payé très cher23 sa soumission ; le prix élevé de la capitulation sera d’ailleurs contesté24 et Henri IV accordera un rabais. Quelques années plus tard, le roi pardonnera totalement au « sieur de Bois-Dauphin et tous autres qui l’ont suivy [et, les reconnaissant] pour [ses] bons et loyaux subjects et serviteurs25 », il annulera toutes les procédures attentées contre eux.
8En février 1616, les faubourgs du Mans subissent l’armée du duc de Vendôme ; les habitants terrorisés recherchent l’abri des murailles ; ils fuient leurs maisons et « se retir[ent] avec leurs meubles en ville » [f° 58]. Le Mans ne désire pas loger un rebelle et demande au duc de ne pas approcher26 ; il exige de recevoir douze mille livres pour nourrir son armée27. Les habitants les plus riches paient, préférant ne pas avoir à assumer les soldats. Le duc s’installe à Montfort à trois lieues et demi du Mans et ses troupes vivent sur la campagne. Sur une plainte des provinces d’Anjou et du Maine, le roi envoie des troupes décuplant ainsi les craintes des habitants. Selon la loi, « le logement des gens de guerre était à la charge des habitants [...]. Il y était joint une autre charge, l’ustensile : le soldat logé chez l’habitant devait disposer du feu, de la chandelle, des instruments de cuisine et du sel28 ». Le Mans ne peut donc se soustraire à son devoir lorsqu’il s’agit de loger les troupes royales ou celles du gouverneur de la province.
9Lorsqu’en 1649, Le Mans doit loger le marquis de Jarzé29 « aveq quatre régimens » [f° 143], Julien évalue aussitôt le nombre d’hommes que cela représente : « il y avoit plus de deux mille hommes de pied effectifs » [f°143]. Pour une ville d’environ dix mille habitants, c’est une bien lourde charge. Le 16 avril, seuls « les forsbourgs de Sct Nicolas, La Coulture et Sct Vincent » [f°143] accueillent des soldats. Ce jour-là, les troupes ne sont pas logées en ville et deux faubourgs sont exemptés de cette charge, ou, pour employer les termes appropriés et révélateurs de Julien : ils « ont esté conservez » [f°143v°]. Ces exemptions sont dues à des faveurs particulières : la fille du sieur de Jarzé étant à l’abbaye du Pré, l’abbesse demande que son faubourg ne soit pas réquisitionné, et Julien relève que la présence à Saint-Jehan de Maudet curé de Fay, cousin de M. de Langlée et frère de M. du Verger, suffit à épargner cet autre faubourg. « Ils n’ont logé que une nuict » [f°143 v°] remarque-t-il en dressant le bilan et cependant, « ils ont causé vingt mil livres de perte aiant rompu et vollé ce qu’ils trouvoient » [f°144]. Là encore, « les habitans ont rendu plainte et ont esté dressés procès verbaulx pour les envoyer au privé conseil » [f°144]. En effet, depuis le règne de Louis XIII et de Richelieu, « des secrétaires spécialisés dans les affaires militaires sont apparus au Conseil du Roi30 » et il est devenu possible aux habitants de déposer leurs plaintes auprès des délégués des intendants qui en informent eux-mêmes le ministère de la Guerre31. Deux jours après, le roi « a mandé à la ville [d’]avoir en garnison deux régimens » [f°144v°] et l’un d’eux, « le régiment d’infanterie de Piémont est arivé composé de huict cens hommes » [f°144v°]. À chaque logement de troupes, ce sont des centaines de soldats32 qui se répandent à travers la ville troublant la vie quotidienne, apportant sans doute des nouvelles de l’extérieur (lorsque les hommes parlent français), mais accroissant l’insécurité et véhiculant les épidémies. Vingt-cinq ans plus tard, c’est une « sédition » [f° 256 v°] qui entraîne la levée de la garde et Charles redoute, à juste titre, des mesures de répression royale : « Dieu face que nous n’en soyons puni davantage » [f°256v°]. L’hiver 1676, le régiment de Plessis Praslin établit ses quartiers dans la capitale du Maine qui doit supporter l’effort financier et les inconvénients liés à cette pratique.
10À deux reprises, au printemps 1649 puis à l’hiver suivant, Julien est obligé de loger des soldats chez lui un mois entier à chaque fois, mais sa réaction et son attitude devant ce devoir civique sont très différentes. La présence des quatre soldats « du régiment de Piémont » [f°145] a réellement constitué une lourde charge pour Julien qui les a « nouris comme à discrétion » [f°145] et qui constate amèrement « qu’il [lui] en a cousté bien quatre vingts escus en toute sorte de despence » [f°146v°]. À titre de comparaison, la compagnie de cavalerie du régiment du marquis de Gesvres prenant ses quartiers d’hiver au Mans en septembre 1648, le lieutenant tient quittes les habitants du logement des soldats à raison d’un versement de cinq cents livres par mois33. Une charge bien lourde, certes, mais on préfère ne pas avoir les soldats chez soi et chacun tente d’obtenir une exemption. Lors-qu’en décembre 1649, les cavaliers des marquis de Gesvres et de Rouveray arrivent « en garnison » [f° 161 v°] au Mans, Julien relève que « les Ecclésiastiques et officiers du siège présidial Élection provosté et grenier à sel prétendent s’estre faict exempter par arest qu’ils ont obtenu contre les eschevins de ceste ville au moys de septembre dernier » [f° 161 v°]. En janvier 1650, il ne conteste pas que « la maison de ville » [f° 162] lève cette exemption et lui impose le logement « d’un cavalier aveq son cheval » [f° 162]. Il semble même apprécier la présence de ce chirurgien « originaire de la paroisse de Tassillé près Crennes » [f° 162], village du Maine situé à cinq lieues du Mans, leurs relations étant facilitées par l’appartenance commune à un terroir. L’avocat manceau a-t-il tenté de la même façon de nouer quelque lien avec les soldats étrangers qu’il a logés au printemps ? Son Livre ne le dit pas. À l’inverse, ses écrits laissent entendre qu’il a dû partager d’agréables soirées hivernales conversant du pays natal avec celui qu’il nomme son « hoste » [f°164]. Le moment venu, Julien note avec quelque regret le départ de son « hoste qui [le] quitte et est allé à Angers » [f° 164], alors que pour le départ des autres soldats il écrit avec soulagement que « le régiment de Piedmont est sorty » [f° 146 v°]. Désapprouvant malgré tout la tradition de l’hébergement des militaires par l’habitant, il écrit cette supplique : « Dieu préserve la ville et la province de tels fléaux » [f° 146 v°] qui résume toute l’impopularité de cette pratique. Il convient de mettre l’accent sur le fait que l’avocat insiste beaucoup sur les diverses appartenances des soldats qu’il loge. Le premier est du régiment « de Piémont qui a tourné sa marche vers ceste ville » [f°144v°] et que Le Mans a logé sur ordre du roi. Le second appartient au régiment du marquis de Rouveray qui entre dans la ville en même temps que les régiments de « Monsieur de Gesvres nostre gouverneur » [f° 144 v°]. Julien accepte-il plus facilement de loger les soldats du gouverneur de sa province que ceux des autres ?
11Le traditionnel logement des soldats chez les habitants reste sans doute une contrainte impopulaire, mais un autre usage préoccupe les sujets du roi de France en ces temps de guerres incessantes : ce sont les levées de soldats.
« Des levées de gens de guerre »
12Au début du règne de Louis XIII, connaissant la loi qui donne exclusivement au roi le droit de lever des troupes34, le notaire note que « Mr le prince de Condé et ses alliés [font] des levées de gens de guerre » [f°57v°], précisant si elles sont faites ou pas « sans l’authorité du roi » [f°57v°]. Trente ans plus tard, l’avocat évoque les levées effectuées par le duc de Longue-ville en Normandie puis par le marquis de La Boulaye dans le Maine en 1649. Il écrit alors que le duc de Longueville « a tiré du secours et faict armée de plus de dix mille hommes » [f° 133 v°], semblant admettre l’action du parlement de Paris pour le compte duquel ces levées ont lieu ; en revanche il ne paraît pas apprécier les levées faites au même titre par le marquis de La Boulaye. Ces dernières ont lieu dans la ville : l’avocat en subit directement les conséquences, et la méthode du marquis, « mont[ant] et équip[ant] plus de deux cens cavaliers aux despens des deniers du magasin à sel » [f° 142 v°] lui déplaît.
13Dans les campagnes et les villes, la présence de ces troupes armées plus ou moins contrôlées entraîne une recrudescence de la violence. Les villes réagissent en organisant des gardes, mais elles ne peuvent éviter les pillages considérés comme une composante des armées. Dès le printemps 1615, la ville du Mans a connaissance du refus « du prince de Condé, des ducs de Longueville, de Mayenne et du comte de St-Pol35 » d’accompagner le roi en Guyenne où il se rend pour épouser l’infante Anne d’Autriche. Louis XIII demande à « la plus part des villes de France et particulièrement à ceste ville » [f° 58] d’organiser des gardes afin d’empêcher les seigneurs rebelles de s’en emparer. La tranquillité publique menacée, la ville du Mans décide « de murer toutes les poternes qui donn[ent] sur la rivière et d’y faire la garde36 ». Elle demande aussi aux hôteliers de la ville et des faubourgs « d’avertir chaque soir et matin les capitaines de quartier du nom, qualité et quantité de leurs hostes37 ». Lorsque, le 1er juillet 1615, le prince de Condé se rebelle, le roi ordonne d’effectuer des « gardes en la plupart des villes » [f°57v°] et Le Mans s’exécute. Des capitaines, des lieutenants et des enseignes sont nommés dans chaque quartier38. En 1616, c’est le duc de Vendôme qui, installé dans son château de Montfort près du Mans, contraint « les compaignies de ville [à sortir] pour faire garde aux forsbourgs » [f° 58 v°], car la menace demeure. Jusqu’en 1617, « pendant tous lesdits mouvemens l’on faisoit gardes comme devant » [f°59v°], constate Julian avec résignation. « Caporal de l’escouade de la rue Dorée » [f°56v°] en 1614, le notaire a peut-être conservé cette charge pendant les troubles, mais il est las de ces obligations. Il ne donne pas vraiment son opinion et masque sa pensée en changeant sa phrase. Il avait écrit : « et à cause de tous lesdits mouvemens l’on faisoit gardes » et il a rayé la locution « à cause » trop accusatrice pour la remplacer par un mot neutre : « et pendant tous lesdits… » [f°59v°]. Mais il montre son soulagement ensuite lorsque, après la mort du maréchal d’Ancre et la reddition des princes, le calme revient dans la province. Il conclut alors : « et à ce moyen tous gens de guerre se sont retirez et les gardes ont cessé » [f°60v°].
14En février 1649, c’est Julien qui dit la « crainte de surprise [qui oblige] de faire la garde aux forbourgs » [f°133v°] à la suite de la convocation de la noblesse du Maine dans la ville. Ce que l’on redoute alors, ce sont les seigneurs du Maine et surtout les troupes qui les accompagnent et que l’on sait dévastatrices. La peur est telle que, même « par une fausse alarme » [f° 134], la garde est décrétée dans la ville. Pendant toute la Fronde, des gardes sont effectuées par les habitants et renforcées à la moindre menace. En 1652, l’approche du duc de Beaufort « oblige audicts habitans à faire la garde » [f°175v°] et à redoubler de vigilance au fur et à mesure des mouvements des soldats.
15Tous ces nombreux « mouvemens et troubles en France » [f°57v°], provoqués par le logement des soldats et les levées de troupes, déstabilisent la vie de la cité et des campagnes environnantes. Ils sèment la désolation et viennent s’ajouter à la pénible condition humaine du xviie siècle au cours duquel les moyens de se protéger des agressions de la nature demeurent bien souvent élémentaires.
« Dieu veuille détourner son ire »
16Dans une organisation économique relevant encore beaucoup de l’autarcie, les fluctuations locales des températures et des précipitations déterminent chaque année ce que seront les moissons et les vendanges, c’est-à dire la subsistance de tous, ruraux et citadins, pauvres et riches. Les phénomènes naturels – crues, orages, grêles, tempêtes et grandes gelées – engendrent une angoisse latente quant au maintien de l’existence quotidienne. Les Bodreau ont décrit les accidents climatiques importants survenus dans leur environnement direct. Leur habitation de ville, proche de la rivière, se trouve menacée par les crues et leur Livre se fait l’écho de ce danger périodique. Bourgeois de la cité, ils disposent de plusieurs propriétés rurales dont ils tirent leurs provisions annuelles et les variations du climat les préoccupent ; par ailleurs, la promiscuité citadine d’une population à la vie précaire trouble parfois leur sécurité. Trente-sept folios du Livre décrivent des catastrophes météorologiques vécues ou rapportées par les Bodreau. Mais, de Jehan à Charles, les membres de la famille ne quittant pas les bords de la Sarthe, ce sont les crues de la rivière mancelle qui constituent, pour eux, la plus préoccupante de ces manifestations climatiques.
« La rivière se déborda et creut »
17Prenant en référence les écrits antérieurs du Livre, Les Bodreau tirent de la consultation des témoignages paternels une comparaison de l’importance des crues. En 1602, Julian lit ce que son père a noté avant lui au sujet des inondations et il le dit : « elle ne fust aussi grande que en l’an 1576 en janvier » [f° 33]. Julien fait de même en 1651 : « est à remarquer que mon deffunt père a remarqué au présent livre » [f°171] et il montre ici la lecture attentive qu’il fait de ce Livre : « le 16 décembre 1602 l’eau creut de la mesme hauteur que en la présente année et le 18 décembre 1607 elle creut d’un pied plus hault » [f° 171]. Julien compare également ses propres écrits : « elle creut aussy plus haulte qu’en l’année 1645 d’un pied et demy » [f° 171 v°]. L’inondation du 18 décembre 1607 relatée par Julian et prise en référence par son fils ne paraît plus dans le Livre : elle était au folio 41 qui fut déchiré ensuite. Ces comparaisons à travers le temps paraissent s’imposer et aller de soi, car chacun fait alors appel aux souvenirs des anciens.
18Bien que riverains de la Sarthe, les auteurs ne demeurent pas dans la même maison lors des inondations qu’ils racontent. Ces différents lieux sont cependant très proches et les crues les atteignent de manière identique. En 1576, Jehan loge au faubourg Saint-Jehan sur la rive droite de la rivière, face à la cité. En 1602, Julian habite de l’autre côté du Pont-Perrin, dans la ville même, au carrefour Saint-Benoît ; puis, en 1606, il demeure rue Dorée. Julien vit dans la maison de la rue Dorée en 1645 et 1651, ainsi que son fils Charles en 1665, mais seuls ces deux derniers sont alors installés dans la demeure familiale tout près du Pont-Perrin.
19Les Bodreau écrivent vingt et un folios à propos des huit crues de la Sarthe et une énorme différence quantitative se remarque entre les rédactions des quatre auteurs : Jehan décrit une seule inondation en dix-neuf lignes, Julian raconte trois crues en respectivement vingt, dix et sept lignes, Julien rapporte trois inondations en quatre-vingt-treize, cent six et dix lignes, Charles enfin retrace une seule crue en vingt-huit lignes. Dans ces huit récits, la date est toujours indiquée avec précision : jour, mois, année et souvent heure, mais la manière d’introduire le sujet varie d’un auteur à l’autre. Parlant de la rivière, Jehan écrit le mot « l’eau » [f°10v°], son fils dit « l’eau » [f°32v°] puis « la rivière » [f°36v°], son petit-fils précise « les rivières de Huisne et de Sarthe » [f° 119 v°, 168 v° et 175 v°] et son arrière petit-fils « la rivière de Sarthe » [f°234]. Dans ces quelques variantes, nous constatons que la préoccupation première de Jehan est l’élément « eau » : le danger est immense, incontournable ; c’est un fléau que l’on subit. Un quart de siècle plus tard, Julian situe cet élément et son origine : c’est « la rivière ». Cette précision ramène l’événement à une dimension plus réduite, à une échelle plus humaine et semble le dédramatiser. Ce n’est d’ailleurs que pour la deuxième inondation que Julian précise : « la rivière » ; or, c’est la seule inondation relatée qui survient en été, à un moment où la rivière n’a pas le même aspect qu’en hiver, à un moment où elle n’est pas habituellement menaçante. Julian veut expliquer cette anomalie, il en recherche la cause, et il précise qu’elle se produit « à cause des pluyes survenues » [f°36v°]. Enfin, Julien son fils nomme la rivière : « l’eau des rivières de Huisne et de Sarthe » [f° 119 v°], et Charles fera de même en signalant en 1663 que « la rivière de Sarthe a débordé » [f° 234]. Voilà qui achève de montrer l’emprise possible de l’homme sur l’élément, quoiqu’il le subisse toujours. La maison de Julien est menacée par la Sarthe, mais il sait l’incidence d’une crue de l’Huisne sur le niveau des eaux de cette dernière bien que cet affluent rejoigne la Sarthe juste en aval de la ville du Mans intra-muros (telle qu’elle se présentait au xviie siècle). Julien se tient donc au courant de l’évolution de la situation générale.
20Les quatre auteurs emploient le verbe « croître » en évoquant la rivière, mais Julien détaille en observant qu’elle « se déborda et creut » [f°119 v°]. Il a besoin de préciser l’information, il a une meilleure connaissance de la situation et il porte un intérêt plus grand au monde environnant : l’événement l’intéresse dans son ensemble, pas simplement à sa porte. Chacun est précis quant à la description de la crue, mais nous remarquons que Jehan ne note que ce qui le touche personnellement : « ma maison » [f°10v°], « le manteau de ma cheminée » [f°10v°] ; de même, son arrière petit-fils Charles décrit avec précision l’avancée de la crue chez lui : « mon logis » [f° 234], « ma cuisinne » [f°234], « mon jardin » [f° 234], mais ne donne pas de vue d’ensemble. Le notaire et l’avocat regardent plus loin et ont une meilleure appréciation du sinistre : ils parlent tous deux des faubourgs proches de Notre-Dame-du-Pré et de Saint-Jehan vis-à-vis d’eux, sur la rive opposée à leur paroisse de Saint-Benoît, puis ils évoquent leur rue et enfin leur maison. Une importante variante est à souligner cependant : si Julian décrit l’inondation du plus loin vers le plus près de lui, son fils Julien part de chez lui, de ce qui est sous ses yeux, de ce qu’il connaît le mieux, pour aller jusqu’à l’au-delà, ce qui est moins restrictif car cet au-delà n’a pas de limite. Par ailleurs, plus de précision se relève dans le récit de Julien que dans celui des trois autres auteurs. Jehan se contente de dire que « l’eau commensa à entrer en [sa] dicte maison » [f° 10 v°] ; Julian écrit seulement que l’eau atteint « le bout de la maison où [il] demeure de présent » [f° 33]. Charles donne davantage de détails, mais son intérêt se limite à son propre logis et il écrit que l’eau « est venue battre jusques à la cloison de [son] jardin et a couvert la troisiesme marche et plus de l’escallier de [son] logis… et a esté jusque à la troisiesme marche de l’escallier d’une pettite cour » [f°234], alors que Julien précise que « l’eau estoit au-dessus des arches du Pont Perrin et le pont-levis estoit demy pied proche de l’eau » [f° 120 v°]. Julien personnalise les lieux indiquant le nom de l’habitant et sa qualité. Il évoque la maison « appartenant à Bommer apothicaire » [f° 119 v°], celle « où demeure Forget coustelier » [f° 169] et le « moulin à Péan moulinier qui est de ceste paroisse de Sct Benoist » [f°169 v°]. Une seule fois, son père précise que l’eau arrive à « la maison d’ung nommé Pelouard chappelier » [f° 33], mais il s’agit de sa propre maison où il « demeure de présent ».
21Jehan ne décrit pas les dégâts provoqués par les inondations ; Julian et Charles ne font que les constater alors que Julien s’intéresse aux conséquences humaines et matérielles. Lors de la crue de janvier 1645, un drame se déroule à deux pas de chez lui et Julien relate ce fait divers en décrivant ce qu’il voit ; il construit son récit à la manière qu’adoptera le chroniqueur39 du xixe siècle. La rivière en crue est « si impétueuse qu’elle emport[e] un moulin à tan40 […] en sorte qu’il ne rest[e] que le fondement » [f°120v°], puis « une partye d’un autre moulin en sorte qu’il ne rest[e] qu’un petit bout du plancher de la chambre » [f°121]. Julien campe alors la scène : au centre de cette ruine « une femme avecq trois petits enfants [sont] exposés deux nuits entières » [f° 121]. Le récit de Julien dépeint le déroulement du drame avec tant de justesse que, aujourd’hui encore, nous imaginons sans peine les nombreux Manceaux qui, impuissants devant la détresse de cette mère « agitée de la peur et du froid » [f° 122], suivent le sauvetage entrepris par « un jeune homme tanneur apellé Josnas Esnault lequel assisté d’un appelé Regnard sieur de la Fontaine et un serviteur meusnier tirèrent du péril ceste misérable mère et ses trois enfants » [f°121v°]. Et Julien de rendre hommage aux trois acteurs de l’heureux dénouement : « par le courage d’un jeune homme » [f° 121 v°], « par leur industrie et au hasard de se perdre » [f° 121 v°], montrant le danger encouru par les sauveteurs, l’ingéniosité dont ils ont fait preuve et leur témérité. Il clôt son récit par l’information qui achève la tragédie : « ceste povre femme estant grosse de trois ou quatre mois [a fait] une fausse couche pendant ce péril éminent » [f°122].
22Pendant la crue de 1651, Julien circonscrit avec précision l’étendue de l’inondation qui « venoit jusques au droict d’une petite ruette où l’on va au presbytère de Sct Benoist en la rue Dorée » [f° 169]. Il ne se contente pas d’écrire que l’inondation « a faict de grands ravages » [f° 169 v°] et provoqué de « grandes pertes en faubourgs du Pré et de Sct Jean » [f° 170], mais il énumère les moulins emportés, les cimetières et les églises envahies par les flots et les maisons « sappé[es] jusques aux fondemens » [f°171]. Il montre la destruction des « cinquante toises de mur ou plus de l’enclos de Madame l’abesse du Pré du costé du sépulchre » et « du costé du pré du prieuré de Sct Victeur » [f° 170], retraçant ainsi le parcours de l’eau qui « fist deux brèches à l’opposite l’une de l’autre » [f°170v°]. Expliquant le phénomène par le fait que la rivière s’est « débordée du costé du Grenoillet vers Beaulieu » [f° 170], Julien dévoile la bonne connaissance qu’il a de son environnement. En effet, le ruisseau du Grenouillet, aujourd’hui comblé, était un ancien bras de la Sarthe41.
23Julien ne constate pas seulement les faits et son souci constant de précision lui permet d’avoir plus d’éléments de réflexion, d’échafauder une possible parade : « on eust peu empescher l’eau d’entrer [...] si la porte [...] eust esté bien bouschée aveq du fumier » [f°120 et f°120v°] et enfin d’en tirer une conclusion : « ce qui doibt servir d’advertissement » [f°120v°]. Il y a certes là une lutte et une volonté d’amélioration des conditions de vie de la part de Julien qui, au milieu du xviie siècle, ne réagit plus de la même façon que son grand-père au xvie siècle. Mais son propre fils donne pêle-mêle des informations succinctes : « l’eau a causé beaucoup de ravage » [f°234v°] et éparses : « elle a abatu une partye des escuries de la Fontaine et de M. Cornue procureur du Roy ; un hoste appelé Beaupommeau a perdu neuf pippes de vin » [f° 234 v°], confondant ici précision de l’information et point de détail. Julien a conscience de l’importance de l’information et du témoignage écrit qu’il en donne. Son intérêt pour les autres est manifeste : il subit les inondations dans sa propre demeure, mais cela ne l’empêche pas de s’inquiéter du reste de la ville. C’est d’ailleurs là que réside l’écart entre le nombre total de lignes consacrées par l’avocat à relater les inondations, et celui des autres auteurs. Il note les effets et les conséquences de ces catastrophes. Il s’inquiète de la « misère humaine » et des actes des hommes ; son métier l’y prédispose sans doute, mais il montre ici une grande humanité.
24Ces inondations affectent souvent une large région soumise à des conditions climatiques analogues. À Fresnay, dans le Nord du Maine, les eaux de la Sarthe montent si vite, le 15 décembre 1602, que des gens se noient dans leurs maisons42. À Neuilly, au mois de juin 1606, la Seine est également en crue et le carrosse royal sombre. « Le roy, la reyne et autres des
25seigneurs [ont failli] estre noyez et submergez en l’eau » [f° 36 v°]. Tous étant saufs, le pays entier entonne un Te Deum « pour remercier Dieu de ce qu’il luy avoyt pleu [les] conserver » [f°36v°].
26À propos d’autres catastrophes, se relèvent souvent les invocations suivantes : « Dieu nous préserve d’un tel fléau », « Dieu veuille détourner son ire » ; or, pour les inondations, rien de tel : on se résigne et on les estime normales, elles sont dans l’ordre des choses. Elles font partie du rythme de la vie, de l’enchaînement des saisons, saisons pourtant bien difficiles à traverser quelquefois pour les Français de l’époque moderne.
27Ainsi que l’a montré Emmanuel Le Roy Ladurie,
« les grandes famines de l’époque classique, celles de la décennie 1590, de 1630, de la Fronde, de 1661, de 1694 et de 1709 dérivent d’hivers horriblement froids ou très humides, ou d’étés pourris ; ou de ces deux ou trois phénomènes successivement43 ».
La « gelée généralle » et le « fascheux hiver »
28Jehan n’évoque pas le rude hiver 1568-1569 ni le gel d’avril 1573 qui détruit les vignes et même les noyers44, mais il détaille les prix élevés des blés et du vin dans les années qui suivent. Julian relève les périodes de grands froids de 1607-1608 et Julien celles de 1659-1660 que signalent les analyses climatiques du petit âge glaciaire résumées par Jean Georgelin45. Julian fait aussi état de deux gelées exceptionnelles survenues au début du siècle et Julien décrit celle d’avril 1659. Un seul folio46 suffit à chacun pour décrire « une grande gelée » [f°28], phénomène courant certes, mais toujours alarmant quand il se trouve décalé dans la saison. La préoccupation première des deux auteurs est le dommage occasionné par le gel sur « les bleds » [f°18] et sur « les vignes » [f°18, f°28, f°190v°]. Pour le notaire, les récoltes de ses propriétés rurales constituent non seulement ses provisions de l’année à venir, mais aussi une partie de ses revenus47 puisqu’il vend lui-même48 aux halles ses grains et son vin, tout comme faisait Jehan son père49. L’avocat et son fils Charles continuent d’approvisionner leur maison avec les récoltes de leurs bordages ainsi que Marin Dominique Chesneau, leur descendant, au xviiie siècle50, mais nous ne savons s’ils en font aussi le commerce.
29En 1594, c’est une gelée tardive survenue fin mai qui « gast[e] tous les bleds et vignes » [f°18] si bien qu’il en « fut peu recuilly » [f°18] et que les prix montèrent l’année suivante ; cette « gelée généralle » [f° 18] sévit sur une grande partie de la région puisque les prix du vin « du Vau du Loir » [f°18] s’envolent aussi. Nul doute qu’il y eut une pénurie de grains dans la province en 159551, mais Julian n’en parle pas et n’en a peut-être pas trop souffert lui-même. De même, la gelée, enregistrée par l’avocat en 1659, est tardive et a lieu fin avril ; elle s’abat sur une grande partie du pays52 et « les vignes et fruits gèl[ent, mais] les bleds ne [sont] point endommagés » [f° 190 v°], ce qui semble l’essentiel à ses yeux d’habitant d’une région où les céréales constituent la base incontournable de l’alimentation53, même pour les citadins. La gelée précoce d’octobre 1601 atteint « la plus part des rainsins qui sont es vignes » [f°28]. Elle n’a pas de répercussion notable sur les quantités de provision, mais le notaire la relève parce qu’elle « faict tomber presque toutes les feuilles » [f° 28] et que ce fait est nuisible à la bonne marche de ses propres vendanges. L’observation de la nature, habituelle et familière, ne retient l’attention que lorsqu’elle surprend et étonne. Une gelée à cette époque de l’année n’est pas une catastrophe, mais c’est la brutalité de l’événement qui est notée ici.
30Deux hivers rudes, à un demi siècle de distance, sont évoqués dans le Livre : ce sont deux événements importants à l’échelle nationale54 et les chroniqueurs consciencieux que sont les Bodreau ne pouvaient les passer sous silence. Décrites en plus55 de vingt-six lignes sur un seul folio par Julian et en trente-cinq lignes au long de trois folios par Julien, ces périodes de froid inhabituel ont réellement perturbé leur vie quotidienne. Qualifiés de « grand » [f°42] par Julian et de « très rude et fascheux » [f° 206] par son fils, ces deux hivers ont de nombreux points communs exprimés de façon similaire, à cinquante ans de distance, quant à leur intensité, leur durée et leurs conséquences catastrophiques, avec cependant quelques différences.
31L’hiver de 1607-1608 « a esté si violent que l’on ne pouvoit aller par païs avec chevaux ne chartes » [f°42] et celui de 1659-1660 « a esté si grand qu’on ne pouvoit cheminer sans péril de tomber » [f°206v°]. Une petite différence de préoccupation ici, due sans doute à l’âge de chacun, est à relever. Julian a trente-cinq ans en 1607, il a besoin de circuler « par païs » pour ses affaires alors qu’en 1659, Julien a soixante ans, est souffrant depuis deux ans et ne se déplace plus que dans les rues de la ville à cette époque de l’année. Le notaire montre aussi que l’immobilisation des charrois entraîne la « disette de boys en ceste ville » [f° 42] ; unique combustible employé alors dans la région, le bois est indispensable à la vie et l’envolée des prix ainsi provoquée a certainement profité aux « taincturiers et aultres qui en avoient grand amas » [f° 42 v°], comme le laisse entendre Julian. Rédigeant ces pages au printemps ou à l’été 1608, le notaire est assez évasif sur la longueur de cet hiver qui « commensa à l’issue des grandes eaux56 et a duré jusques sur la fin de febvrier » [f°42].
32Au même moment, non loin de là en province d’Anjou, le marguillier de Candé Jacques Valuche écrit : « en l’an 1608, les premiers jours de janvier et 8 jours devant, le froid commensa qui dura plus de 7 sepmaines sans desgeler57 ». L’avocat note scrupuleusement, aux jours précis, la durée de la gelée (trois mois), de la neige (plus de deux mois) et du verglas (un mois et demi) ; sans doute a-t-il enregistré ces informations jour après jour et en donne-t-il la synthèse dans son Livre de famille. Il relève – non sans marquer sa désillusion face au manque de « civisme » des Manceaux – que les conditions de circulation ont été brusquement améliorées « par ordonnance de police [demandant] aux habitans de faire casser la glace chacun devant soy » [f°207] afin de faciliter le passage de la « procession publique à cause de la paix58 » [f°207]. Cette manifestation se déroulant de la cathédrale à l’abbaye Saint-Vincent et le feu de joie ayant lieu sur la place des Halles, c’est toute la ville qui est dégagée ainsi de l’emprise du verglas qui « eust duré plus long temps sinon » [f° 206 v°], remarque Julien. L’organisation urbaine semble encore bien insuffisante au milieu du xviie siècle sur ce point. Des mesures sont pourtant prises par les autorités municipales dès le début du siècle, puisqu’en 1614, « inionction [est faite] aux habitans de ville et faubourgs d’ôter les glaces et neiges estant dans la rue vis à vis d’eux et les porter dans la rivière a peine de 3 livres d’amende59 ». Sans doute ces arrêts sont-ils réitérés chaque hiver puisqu’en 1660, l’ordonnance de police doit encore être prise.
33Julian et son fils reviennent quelque temps après sur les conséquences de ces hivers. Lorsque, la circulation rétablie, les nouvelles ont pu lui parvenir, Julian a appris que l’hiver 1608 avait été rude pour le reste du pays60 puisqu’on avait même compté « plus de quatre cens personnes mortes de froid » [f°42v°] à Paris. Il lui a semblé alors important de noter l’information, confirmant que cet hiver fut exceptionnel et général en France et qu’il était nécessaire d’en conserver la mémoire. Écrivant le nombre de morts en chiffres, il le raye pour le mettre en toutes lettres : la crédibilité en est-elle accrue ? Retiré des affaires, éloigné de la vie quotidienne de la cité par la maladie qui le retient à la maison, Julien n’évoque pas immédiatement les conséquences catastrophiques qu’eut l’hiver de 1660 sur les populations. Ce n’est qu’au mois de décembre 1661, presque deux ans plus tard, qu’il décrit la terrible misère61 qui règne sur la ville, relevant qu’aux portes des abbayes mancelles, « il se trouve à chaque donnée plus de dix mil pouvres ce qui tesmoigne la grande disette et famine » [f°215 v°].
34De même que les gelées, les orages exceptionnels impressionnent. La foudre, la grêle et la tempête, manifestations brutales de la force de la nature, sont toujours vécues comme des événements sortant de l’ordinaire.
« Le feu du ciel », « l’épouvantable gresle » et « le turbillon de vent »
35Pour qualifier l’orage de janvier 1645, Julien reprend l’adjectif « grand » [f° 122] employé pour les inondations ou les gelées, alors que Charles, vingt ans plus tard, emploie le terme « épouvantable » [f°232] qui semble plus approprié. Mais Charles transmet une information lue et le mot n’est peut-être pas de lui. Quant au notaire, il ne nomme pas le sinistre « orage » et ne le qualifie pas, mais il use d’une métaphore très juste puisque c’est sur l’église cathédrale que « le feu du ciel tomb[e] » [f°16].
36Dans le livre de raison de sa famille, Denis Le Gendre, Manceau écrivant de 1574 à 1588, a noté cet événement avec des mots analogues :
« Le jeudy 5 mai 1583, sur les six à sept heures du soyr, le tonnerre tomba en feu, en forme de lance ou chevron sur le clocher de Saint-Julian, lequel fut brûlé ensemble le chœur de l’église et partie de la nef62. »
37Julian a-t-il eu connaissance de la missive rapportant le désastre de 1583 ? Il reprend en effet les termes d’une lettre envoyée du Mans le 12 mai, sept jours après la catastrophe, et qui, intitulée : Feux tombés du Ciel, décrit l’incendie en détail et montre la terreur éprouvée par les Manceaux « qui croyoient la fin du monde estre arrivee63 ». Il n’a pas recopié cette lettre textuellement, mais les deux relations sont assez proches (Figure 6). Neuf ans se sont écoulés lorsqu’il relate l’événement parce qu’il en a « ce jourduy encore ouy fer mémoire » [f°16].
Figure n° 6 : Tableau comparatif des écrits sur l’incendie de la cathédrale en 1583

38Que la cathédrale soit en partie détruite à la suite d’un incendie provoqué par la foudre, ne laisse aucun doute dans l’esprit des gens sur l’origine divine de la catastrophe. Il est aisé d’imaginer les heures de cauchemar que les Manceaux ont dû vivre en assistant, terrifiés, à l’effondrement du « cœur, des deux ailles jusques à la nevf » [f° 16]. On déplora deux morts et un blessé dans ce sinistre. Dans son Journal, Pierre de l’Étoile écrivait que « le 5 de may, par un orage meslé de foudre et de tremblement de terre épouventable, le comble de la Grande Église de S. Julien du Mans fut consommé d’une conflagration merveilleuse64 ». En cette fin de xvie siècle, on a vu et subi de nombreuses destructions dues à l’action des hommes, mais les dégâts provoqués par la foudre, qui plus est sur la maison de Dieu, ne peuvent relever que de la volonté divine et ils marquent durablement les esprits.
39En 1664, Charles décrit longuement (en trois folios et cinquante-trois lignes) un événement qu’il titre lui-même : « gresle arrivée à Tours » [f°232]. Où Charles a-t-il eu connaissance de cette grêle catastrophique survenue sur la ville de Tours ? Peut-être a-t-il entendu le récit d’un voyageur ou d’un administrateur revenant de la capitale de la généralité dont Le Mans fait partie. Toujours est-il qu’à Tours même, on n’a pas conservé de témoignage particulier pour ce qui concerne cet événement dont Charles signale que « dans tout le monde il n’y a jamais eu d’exemple pareil dans tous les escripts des historiens touchant la gresle qui aye faict plus de ravage » [f°232]. Une averse de grêle s’est bien abattue sur Tours et sa proche région le 20 juin 1664, ainsi que le dit Charles, mais les registres de l’Hôtel de Ville65 comportent une lacune cette année-là. Cependant, en novembre et décembre 1664, les délibérations enregistrées font état de demandes d’aide pour la réparation des dommages subis66. Selon les dires de Charles, les grêlons pèsent « trois livres de plomb chacun » [f° 232 v°], l’emploi imagé du plomb tendant à insister sur la violence du choc qui « renversa la pluspart des maisons de la ville mesme quelques unes jusques au fondement » [f°232v°]. Charles a-t-il exagéré en écrivant qu’il « n’y a aucun habitant de Tours exempt de cette perte » [f°233] ? À la lecture des Archives de l’Indre et Loire67 du clergé séculier, on se rend compte que ce genre de fléau n’était pas rare à Tours et l’on se souvient qu’en 1998, une semblable catastrophe s’y est encore produite.
40Cette nuit du 28 janvier 1645, Julien n’est pas prêt de l’oublier. Une inondation catastrophique commence le samedi soir et, alors que tous les riverains assistent impuissants à la brusque montée des eaux, il se produit « en l’air sur le minuict un si grand orage accompagné de tonnerre et d’esclairs » [f°122] que ciel et terre semblent se liguer contre les Manceaux. Les regards se détournent des rives de la Sarthe et se portent alors sur « la paroisse de la Coulture » [f°122v°], où l’avocat, imposant sa conception de l’espace, situe le sinistre qu’il décrit avec une grande précision. Rétrécissant peu à peu le champ visuel, il focalise sur « la rue de Quatre Roues » [f°122v°] où « un turbillon de vent emport[e] et renvers[e] en un mesme instant deux tripots » [f°122]. Campant les deux jeux de paume68 en vis-à-vis, l’un « proche du jardin des Minimes » [f°122v°], l’autre « proche le tripot du Ver Galland » [f°122v°], Julien indique clairement la direction du vent. La rue de Quatre Roues, actuelle rue du Docteur Leroy, est orientée Nord-Ouest/Sud-Est, et la rafale a donc sévi du Nord au Sud abattant « les deux tripots des deux costés d’icelle rue » [f°122v°]. Il est ainsi facile, trois cent cinquante ans après, de retracer le parcours dévastateur de ce « turbillon69 de vent » [f°122] que nous baptiserions ouragan ou tornade aujourd’hui. Décrivant deux autres sinistres simultanés à celui-ci et connus les jours suivants sans doute, l’un à Saint-Jean d’Assé à quatre lieues au Nord du Mans sur la route d’Alençon et l’autre à Poitiers, Julien dénonce (sans cependant en relever le fait) un trajet destructeur reliant trois points rigoureusement alignés du Nord au Sud.
41Ce qui semble frapper le plus les esprits en ce siècle de pratique religieuse intense, ce sont les dommages occasionnés aux églises. Les Bodreau insistent sur les effets des intempéries causés à la cathédrale du Mans, à l’église de Saint-Jean d’Assé, à la cathédrale de Poitiers70, à l’église de Marmoutier. Ils les nomment également par souci de précision car chacun les connaît et peut aisément les situer. Que la maison de Dieu soit atteinte par ces orages est un avertissement du Père Éternel à ses enfants et le moindre signe d’apaisement est regardé « comme un miracle » [f° 123 v°]. Cette « grosse pierre » [f°123v°] de la voûte de la cathédrale de Poitiers qui tombe « sur une image de la Vierge [et] se cass[e] en deux sans offenser ledict image » [f° 123 v°] restera dans les mémoires d’autant plus aisément que depuis sept ans, le royaume de France a été placé par Louis XIII sous la protection spéciale de la Sainte Vierge71.
42La durée de l’événement intensifie l’ampleur du sinistre, la brièveté ayant la même force que la longueur. Pour Julien, tout a lieu « en un mesme instant » [f°122] pendant le « mesme orage » [f°123] ; pour Julian, « en deux heures » [f°16] tout est consumé et pour Charles la catastrophe s’éternise « six heures durant » [f° 232 v°]. Il ne reste plus qu’à évaluer les dégâts. Julian constate qu’il ne « demeurast ung seul morceau de boys » [f° 16] de la charpente de la cathédrale ; Julien estime que les « couvertures de ces deux tripots furent veues le lendemain tellement brisées qu’elles furent inutiles à bastir » [f°123] ; tous deux montrent ainsi à la fois l’ampleur du désastre et la préoccupation qui existe de récupérer le moindre matériau permettant un éventuel réemploi. Charles décrit la campagne « ravag[ée] de toutte grains » [f° 232 v°] à la veille de la moisson, la ville détruite, et donne en simple exemple l’évaluation du coût des seules réparations de l’église de Marmoutier qui s’élève à « cinq cens mil livres » [f°233].
43À ces dévastations climatiques dues aux éléments naturels, il faut ajouter le feu, même s’il est souvent dû à une erreur humaine. Accident fréquent aux suites souvent catastrophiques, l’incendie est très redouté en ces temps où le bois domine dans les matériaux de construction et où les sources principales de chaleur et de cuisson sont les foyers ouverts des cheminées.
« Le feu parût »
44Julian et Charles décrivent chacun un incendie sans dire s’ils en sont témoins alors que Julien relate trois sinistres qu’il a vus de ses yeux ; les rédactions diffèrent donc entre elles. Julien titre ses récits d’incendies et les rédige en soixante-douze, vingt-neuf et cinquante-sept lignes comme s’il s’agissait d’articles à éditer. Quant à son père, il donne à cet événement, en dix-huit lignes, la même place qu’aux autres informations de son Livre. Et Charles réserve seulement quatre petites lignes au bas d’un folio à l’incendie d’un moulin à tan.
45Julian et Julien indiquent avec précision le jour, le mois, l’année, le saint fêté et l’heure du sinistre ; le lieu d’origine du feu, sa durée et son ampleur sont soigneusement décrits et le déroulement de la catastrophe est détaillé. Charles n’est pas aussi rigoureux dans sa relation et il note négligemment la nouvelle, donnant l’impression qu’il écrit seulement pour le plaisir d’écrire et non en répondant au besoin impératif de témoigner d’un fait.
46Le moulin de Saint-Jehan brûle en septembre 1667 ; Charles, qui ne se souvient pas du jour exact, laisse un espace pour le noter plus tard et ne le fait pas. Il y a peut-être assisté en tant que voisin de ce faubourg, mais il remarque simplement que « l’on n’en a pas sceu la cause » [f° 239], laissant penser qu’il a cherché à la connaître ; il est vrai que l’incendie d’un moulin sur la rivière ne mettait pas en danger les autres maisons de la paroisse. En revanche, Julian s’est enquis de la cause du sinistre de 1617. Il montre l’imprudence des gens sans porter de jugement cependant. À Yvrél’Évêque, village situé à l’Est du Mans, c’est par « accident de femmes qui broyoient du chanvre » [f°66] que l’incendie se déclare au mois d’août. Les femmes allument le feu nécessaire à leur travail près d’une grange où s’entassent sans doute les tiges de chanvre, alors qu’il y a « du vent et grande challeur » [f°66]. Julian semble voir là une négligence coupable qui ruine le bourg entier et qu’un peu de bon sens et d’organisation auraient pu éviter. Or, on ne procède à la transformation de la plante en filasse qu’après la dessiccation des tiges de chanvre qui doivent être broyées brûlantes, et le foyer ne peut être très éloigné de la grange où les tiges ont été mises à sécher. Au xixe siècle72, la récolte faite à la Saint-Louis est suivie par le rouissage à la fin août et par le séchage en grange pendant les derniers mois de l’année. Le broyage ne s’effectue alors qu’en janvier et février suivants après avoir obtenu la dessiccation du chanvre dans des fours spéciaux, et c’est un travail d’homme. Les méthodes de traitement de la plante se codifient sans doute à partir du xviiie siècle, époque à laquelle son exploitation se développe réellement dans le Haut-Maine ; mais, « le lundy XXIe aoust 1617 » [f°66], au moment où l’incendie rapporté par Julian se produit, la transformation du chanvre est encore réservée à un usage domestique. Ce jour-là, ce sont les femmes qui s’en chargent et, aux yeux de Julian, elles portent seules la lourde responsabilité du désastre qui est provoqué.
47Les trois graves incendies racontés par Julien se produisirent à quelques années de distance. Sans doute y assiste-t-il comme la majorité des Manceaux puisque ces trois incendies ont lieu dans la paroisse de la Couture, près des Halles, non loin de la rue Dorée, et menacent la ville entière. Contrairement à son père qui avait, en 1617, explicité la cause de l’incendie de tout le village d’Yvré-l’Évêque, ou à son fils qui, en 1667, dira qu’il l’ignore, Julien ne semble pas chercher à connaître les causes des incendies qu’il relate. Il se contente de constater que « le feu parût » [f°179], qu’ » il est advenu un incendie » [f°184v] ou que « le feu prist » [f°193]. Mais, à chaque fois, grâce à la précision de son récit, nommant une à une les maisons touchées par les flammes, il est aisé de suivre le parcours du feu et de comprendre sa propagation.
48En 1653, le feu atteint les étables, les écuries et « un turbillon ou peloton de paille ou foin allumé… par[t] de l’escurie et s’attach[e] aux filets73 » [f° 179 v°] de deux tripots. En 1655, on suit la progression du feu tout au long « de la rue tendant des halles à l’église de la Coulture du costé droict » [f°184v°] et en 1659 ce sont les hôtelleries du Dauphin, de la Teste Noire et de Saint-Denys qui sont ruinées. Julien termine ses récits en tirant le bilan des catastrophes, évaluant et chiffrant les dégâts pour tous et chacun. Il ajoute sa note personnelle sur la catastrophe, montrant en 1655 que la demeure du président du présidial a échappé de justesse au feu, dénonçant les pillages éhontés des maisons menacées en 1659 et évoquant la pratique de l’exposition de la châsse de Sainte-Scolastique pour le premier désastre. À propos de l’incendie de l’hôtel du Dauphin en 1659, Julien laisse entendre que cet accident n’est peut-être pas totalement fortuit puisqu’il advient « la nuit mesme » [f° 195] de l’arrivée du sieur Morant intendant de la généralité venu mettre de l’ordre dans une querelle entre moines pour laquelle les Manceaux prennent violemment parti. L’intendant descend à l’hôtel des Quatre-Vents situé au carrefour des quatre rues de La Perle, de Saint-Jacques, de Paris et de Saint-Martin, non loin du lieu de l’incendie. Un auteur anonyme74, témoin oculaire de ce sinistre, note les événements chronologiquement : l’installation du sieur Morant à deux pas des halles, l’incendie le soir même et l’émeute du lendemain, mais il n’établit pas expressément de lien entre eux. Dans sa lettre au cardinal Mazarin, datée du 26 septembre 1659, l’évêque du Mans évoque ce sinistre en rapprochant les différents événements ; il écrit : « à toutte heure, [les habitants] menacent [les moines réformés] de mettre le foeu dans leurs maisons, et le foeu, qui a bruslé cinquante maisons d’un de nos faulxbourgs, est cause en partie de telles menaces75 ». Mais Me Fréart, alors secrétaire du chapitre de Saint Pierre la Cour, n’y fait aucune allusion au cours de la rédaction du procès-verbal76 dressé aux échevins du Mans pour la descente de la châsse de Sainte-Scolastique.
49À travers ces cinq récits, nous discernons aisément l’impuissance des habitants qui ne peuvent qu’assister au sinistre. À un seul moment il est question de lutte véritable contre le feu : « deux maisons ont été démolies pour trancher le cours du feu » [f° 185] en 1655 et Julien reconnaît alors « le prompt secours » [f° 185] ainsi apporté. Les gens tentent de sauver quelques biens et « ostent leurs meubles » [f°194] mais ils « en sont volés » [f° 194], le service d’ordre étant insuffisant en nombre77 et en organisation sans doute. Remarquons que l’emploi de l’eau n’est jamais mentionné dans ces descriptions d’incendies. « Pour les combattre, la ville ne possède aucun matériel, et l’on se contente de prendre des seaux dans les boutiques des boisseliers78 », rappelle Robert Triger. En 1676, par exemple, le boisselier Jean Loiseau est indemnisé pour les « trente-cinq seaux qu’il a fournis lors de l’incendie de l’hostellerie de La Fontaine à Saint-Jean79 ». L’eau reste rare dans plusieurs quartiers de la ville et les nombreux arrêts de l’Hôtel de Ville se rapportant à la réparation des fontaines publiques montrent que l’on se préoccupe de cette carence, mais que l’organisation tarde. Il faut attendre 1754 pour voir l’acquisition d’une pompe à incendie par la ville qui met en vente l’argenterie du Bureau de Ville pour la payer80. Lors de l’incendie de 1653, Julien avait cru en l’intervention divine : « ledit ravage eust continué plus avant sans que messieurs les chanoines de Saint-Pierre portèrent en l’église des Minimes la châsse de Sainte Scholastique » [f° 180]. Les registres de l’Hôtel de Ville81 mentionnent que « la châsse de Sainte Scholastique a este porte à la requeste du corps de ville devant le feu qui cessa d’abord ». Ce sont en effet « les trois échevins, le procureur de la ville et plusieurs habitants, au nom de tous82 » qui implorent le doyen de Saint-Pierre-la-Cour, église où reposent les reliques, de descendre la châsse. Depuis les guerres de religion, c’est l’usage pour le corps de ville de requérir l’exposition de la châsse de la sainte patronne mancelle afin qu’elle vienne en aide à la population. Lorsque les prêtres portant les reliques parviennent sur les lieux de l’incendie, ils exposent la châsse aux flammes et « par un miracle visible, le feu tempère son ardeur83 ». Puis, ainsi que l’écrit Julien, on porte la châsse « autour de la paroisse de la Coulture » [f°180v°] et le feu est circonscrit. Il note alors que l’on apporte également le Saint-Sacrement [f° 180 v°], ce que fera aussi en 1659 Pierre Ragot, curé du Crucifix, pour l’incendie de l’hôtel du Dauphin au cours duquel les Minimes sortent la châsse de Sainte-Constance84. On n’hésite pas à solliciter différentes intercessions pour obtenir l’aboutissement de ses prières. Pour les incendies de 1655 et de 1659, Julien ne parle plus de la présentation de la châsse et cependant, en 1655, « les échevins et les bourgeois courent chercher la châsse de Sainte-Scholastique85 » et le feu s’éteint ainsi qu’en témoignent les Délibérations capitulaires de Saint-Pierrela-Cour86. De même, en 1659, les chanoines de Saint-Pierre et les échevins exposent les saintes reliques à l’incendie et aussitôt « il se fait un miracle visible à tous les spectateurs. Le feu, si grand allumé qu’il soit, ne passe plus outre, bien que le vent porte les flammes du côté de la châsse87 ». En 1660, l’Hôtel de Ville enregistre le « procès-verbal du chantre de Saint-Pierre comme la relique de Sainte Scholastique arresta le feu qui prist à la place des halles88 ». Un procès-verbal analogue avait été dressé par les chanoines de Saint-Pierre pour l’incendie de 1653. Julien semble ne pas vouloir insister davantage sur le récit de ces pratiques. De même, il ne décrit pas la procession suivie par les habitants terrifiés, lui si prolixe en détails de ce genre à maintes autres occasions. Après l’incendie de 1659, les Manceaux placèrent sur une maison de la place des Halles une statue de Sainte Scholastique « debout, vêtue en abbesse bénédictine89 », et Ambroise Ledru remarquait au siècle dernier que « la crosse qu’elle tenait de la main droite [était] perdue90 ». Depuis 1949, une nouvelle statue, œuvre du sculpteur Hiron, orne la façade tout récemment rénovée (en 1998) de l’église de La Visitation sur la place de la République, ancienne place des Halles. La sainte patronne mancelle ayant contribué à éviter le pire, c’est-à-dire l’embrasement total de la ville, il reste à dresser le lourd bilan de la catastrophe.
50Julian, puis Julien dénombrent les immeubles touchés, mais si le notaire comptabilise simplement les cinquante maisons du bourg d’Yvré, l’avocat estime également la destruction « des meubles et provisions [et] des marchandises » [f° 193 v°], évaluant en écus et en livres le montant de « la perte » [f°193v°]. Il continue donc après les sinistres à se tenir informé des suites ainsi que des différents témoignages. Après l’incendie de 1659, Julien enregistre la destruction de « dix-sept maisons considérables et de grand prix » [f°193] ; un chroniqueur anonyme91 en énumère neuf et « plusieurs autres », ajoutant que « le feu a duré trois ou quatre jours dans les masures » ; les archives du Chapitre de Saint-Pierre-la-Cour conservent un procès-verbal indiquant que « le feu pour grand allumé qu’il fust en plus de dix-sept maisons presque reduictes en cendre il ne passa plus oultre92 » ; quant à l’évêque, il en compte cinquante. Les chiffres de Julien correspondent à ceux du chapitre de Saint-Pierre-la-Cour qui sont les plus officiels de ces différentes sources93. En 1659, la violence de l’incendie fut telle que « la lumière du feu […] parut jusque à sept lieues loing de la ville » [f°194] indique Julien sans dire dans quelle direction. Et l’homme cultivé qu’il est, trahit son passe-temps favori en remarquant que, bien que la nuit fut « fort obscure [...] on pouvoit voir lire jusques à Pontlieue » [f° 194], village situé à une lieue du sinistre. Élément de comparaison très explicite à ses yeux, mais combien de Manceaux avaient alors réellement la faculté et la possibilité de s’adonner le soir à la lecture ?
51Les catastrophes climatiques ont une grande influence sur la vie quotidienne, non seulement dans l’instant où elles se produisent, mais également à plus long terme. Elles ont une incidence non négligeable sur les récoltes et déterminent en partie l’avenir des populations dans les mois qui suivent.
Le « danger de famine »
52Les Bodreau vivent en ville, mais leur subsistance quotidienne est essentiellement assurée par les produits récoltés dans les bordages qu’ils baillent à rente. Aucune information ne se lit au sujet de leur alimentation et jamais ne sont notés achat de nourriture ni description de repas. Seuls les prix des grains et du vin apparaissent épisodiquement dans leurs écrits, mais ces rares indications ne permettent pas de se faire une idée des habitudes alimentaires de la famille. En revanche, l’importance que revêtent pour les Bodreau les variations des prix montre quel est le poids de ces denrées de base dans la subsistance des Manceaux du xviie siècle.
53Le Livre comporte peu d’indications de prix. Seul Jehan écrit plusieurs folios sur le thème du coût du blé et du vin, mais il ne tient sans doute pas d’autre livre de comptes. En revanche, Julian dit lui-même en 1617 qu’il tient « un mémoire des minses et despenses [...] estant en un petit livre à part » [f° 65] ; sans doute y note-t-il les variations de prix du blé et du vin qu’il récolte à Souligné. Jehan donne des indications de prix de vente et d’achat, mais Julian, de même que Julien, ne relèvent les prix des blés et du vin qu’à deux reprises et Charles n’évoque qu’une seule fois le prix, non du blé, mais du pain. Ces prix sont retenus au moment où ils sortent de l’ordinaire. Il ne suffit plus de les enregistrer dans le livre de comptes habituel : les Bodreau ressentent alors le besoin de témoigner de ce fait exceptionnel dans leur Livre.
« Le prix des grains »
54Dans le troisième quart du xvie siècle, Jehan Bodreau demeure au Mans et exploite des terres à blé à Souligné-sous-Vallon. Il est le seul des Bodreau à laisser entendre qu’il s’en occupe lui-même. En 1571, il se dit « revenant des champs » [f°6] et en 1573 il se « trouve aux halles du Mans où l’on vend le blé seigle » [f°8]. Dans les quelques pages écrites à ce sujet par Jehan et son fils, nous voyons le prix du blé fluctuer et son cours paraître déroutant. En 1573, le blé seigle, que Jehan avait vendu « trente et six sols le boesseau » [f°8] depuis la dernière moisson, augmente en avril de quatre sols, ce qui est logique au printemps où les réserves s’épuisent et où la demande croît. Jehan s’empresse donc d’en vendre « six boesseaulx » [f°8], réalisant un gain de vingt-quatre sols, mais « d’avant qu’il en fust cuilly, il hausa de prix et fut vendu soixante sols le boesseau » [f°8] écrit-il non sans amertume car il aurait pu multiplier son bénéfice par six s’il avait attendu. Il ne dit rien du climat météorologique de ces années-là, mais Emmanuel Le Roy-Ladurie a montré qu’elles correspondent au début « du petit âge glaciaire94 », que les récoltes en ont souffert et que les prix des grains ont augmenté. En revanche, en 1577, le blé vaut deux à trois fois95 moins cher à Pâques qu’ » entre Noël et la Toussaint » [f° 14] et Jehan attribue cette anomalie au prix des monnaies96. Vingt ans plus tard, Julian note également sa déconvenue en écrivant que « le bled seigle valloyt à l’aoust XXX sols le boesseau » [f°20] et que juste avant la récolte suivante « il ne valloit que XVIII sols et à la mesme raison des autres grains » [f°20], ce qui semble illogique et représente un déficit pour les vendeurs.
55Julien n’évoque le prix du blé que pour en montrer l’inflation qui entraîne une aggravation de la pauvreté. Prenant ses lectures97 en référence, il relie la misère aux mauvaises conditions climatiques des années 1649-1650 et 1660-1661-1662. La glaciale année 1650 voit le coût du blé s’élever de telle façon, de « novembre 1649 jusques au mois de juin suivant » [f°164v°], que le prix du pain noir devient prohibitif et provoque en ville un afflux sans précédent de pauvres « affamés et atténués » [f°165]. Dix ans plus tard, c’est une véritable crise frumentaire qui se produit. L’augmentation effrénée des prix du blé, la menace de pénurie et le fait qu’il soit lui-même amené à « en achepter pour la provision de [sa] maison attendu qu’[il] n’en [a] recueilly suffisament » [f° 214 v°] alertent Julien. Sur ses « lieux de l’Espine en la paroisse du petit Sainct Georges et celuy de La Chalerie en Souligné » [f° 214 v°] les récoltes ont dû être bien maigres puisque Julien doit acheter du blé avant même la fin de l’année. En décembre 1661, le blé vaut « vingt et huit Livres la charge98 » [f° 214 v°] et en janvier 1662, il coûte « soixante sols le boisseau et est encore enchéry en febvrier jusques à soixante et cinq sols le boisseau de segle » [f°215] ; ce qui représente une augmentation de cinq sols en un seul mois. La charge contient environ vingt boisseaux et le prix du blé a plus que doublé99 en trois mois, de décembre 1661 à février 1662. En mars suivant, « la cherte de bled a continué » [f°219v°] si bien que « la charge du blé segle a valu cinquante Livres et le froment soixante et six Livres » [f°219v°], c’est-à-dire deux livres et demi le boisseau pour le seigle et plus de trois livres et demi pour le froment, presque deux fois et demi le prix de décembre, quatre mois auparavant. En avril 1662, Julien doit acheter du seigle à raison de quatre livres cinq sols le boisseau soit une livre de plus qu’en février.
« Le prix du pain »
56Au printemps 1673, Charles note les nouveaux prix du pain en louant Dieu ; les prix ont donc baissé, mais il n’en dit pas plus. Tout comme son père en 1650 et en 1662, Charles parle du pain et non plus des grains, est-ce là un changement dans la vie domestique de la famille ? Julien a noté en 1650 le prix du pain noir de douze livres qui « a presque tousiours vallu seize sols en la ville du Mans » [f°165] et beaucoup plus à la campagne ; il a enregistré en 1662 le prix du « pain blanc d’une livre [valant] cinq sols » [f°219v°] et celui du « pain noir de douze livres [qui] se vendoit vingt et cinq sols » [f°219v°] en mars et qui « a este mins à vingt six sols » [f°219v] dès le 1er avril et « au mesme mois sur la fin il a este haussé jusques à vingt et huit sols » [f° 219 v°] ; cependant, comme il continue d’acheter du blé seigle, nous ne savons s’il achète du pain, blanc ou noir, ou s’il en note le prix seulement dans un souci d’information. En 1673, Charles semble vouloir imiter son père en donnant une information comparable et il ne dit pas s’il consomme du pain acheté. C’est en effet la publication des prix qu’il reproduit dans son Livre et non un achat domestique. Il se réjouit de ce que « le pain noir de douze livres a esté publié à 4 s. et le petit pain blanc six deniers » [f°253v°], annonçant un prix sept fois moindre de celui de 1662, onze ans auparavant. Les informations recueillies par Julien et Charles semblent provenir de l’affichage de ces prix qui se fait « en la chambre du Conseil du Siège Présidial, où la table pour les boulangers de la ville du Mans servant d’instruction pour savoir le prix du pain a raison de la valeur du bled est gravée sur une table d’airain100 ».
57La variation des prix des grains prend toute son importance dans les écrits des Bodreau par la liaison qu’ils en font avec la famine. C’est à la plume de Julien que nous devons la description des crises de 1650 et de 1662, qui furent épouvantables au Mans.
« La disette continue »
58En 1650, le prix élevé du pain noir ne permet pas aux pauvres gens de se nourrir et nombreux sont ceux qui accourent en ville à la recherche de quelque secours. Ils sont tous « affamés et tellement atténués que non seulement les hospitaux101 en [sont] remplis mais aussi il y en [a] un grand nombre soubs la halle au marché et jusques soubs l’entrée de la grande porte du pallais et soubs le porche de Sct Julian » [f°165 et 165v°]. Julien décrit ici son trajet quotidien entre sa demeure et le palais du présidial, énumérant les lieux importants de la cité : le marché et les sièges de l’autorité laïque et ecclésiastique. C’est dans les rues qu’il emprunte régulièrement que tous ces pauvres meurent « de misère qu’ils [ont] endurée » [f°165v°]. Une misère si grande que personne ne peut l’ignorer dans la ville et qu’on en parlera encore longtemps après.
59Vingt ans plus tard, Claude de la Ronchère102 rédige une Information de la vie de Mr. Ragot, vivant prestre de la ville du Mans, décédé en odeur de Sainteté le jeudy 13 may 1683 et il la publie103 en 1684, un an après la mort du célèbre curé de La Couture. En 1697, Péan du Chesnay fait un « mémoire de ce que plusieurs personnes [lui] ont dit dans la conversation touchant la vie de Mr. Ragot et desquels [il n’a] point pris de certificats104 ». Il y décrit l’action du saint curé en 1662 qui portait « a boire et a manger a des pauvres abandonnez qui estoient dans des loges joignant les murailles de l’enclos des Religieux de La Couture proche le grand cimetière ». La ville avait tenté de rassembler là les malheureux dans des baraques provisoires. L’année 1662 connaît une terrible montée des prix des grains et de ceux du pain. Julien prédit alors que « si la disette continue nous sommes en danger d’une grande famine » [f° 215]. Pourtant, quelque remède est tenté pour éviter cette extrémité et Julien en a connaissance : « il est arivé au mois de janvier audit an des navires chargées de bled de Dantzic de Poulogne qui ont abordé au Havre de Grace » [f°215v°], écrit-il dès février 1662. Il sait que ce blé est parvenu à Nantes et qu’il a atteint Angers et La Flèche en remontant la Loire puis le Loir. « Mais il n’en a point encor monté jusques à nous » [f° 216] déplore-t-il, remarquant toutefois « qu’on tient que les Religieux reformez de La Coulture en ont prist deux bateaux au port de Solesme où ils ont un prieuré » [f° 216]. Cette rumeur indique que les moines de La Couture ont pu, de cette façon, maintenir leurs aumônes ; mais, ainsi rapportée, en mettant l’accent sur le fait que les moines sont des « religieux réformés », elle montre aussi combien la violente querelle de l’an passé – qui opposa les anciens moines soutenus par les Manceaux aux moines réformés – demeure présente dans les esprits. Pour rejoindre Solesme, près de Sablé, les navires ont emprunté le cours de la Sarthe, mais la rivière mancelle n’est pas alors navigable jusqu’au Mans, malgré la récurrence105 de ce sujet dans les débats du conseil de l’Hôtel de Ville tout au long du siècle. Il faut attendre le 10 avril pour qu’à l’issue de l’assemblée générale du conseil106 le procureur de ville prenne le chemin d’Angers et de Nantes avec mission d’y acheter du blé. Le 25,
« le duc de La Melleraie pair, maréchal et grand maistre d’artillerie de France et lieutenant général pour le Roy en Bretagne [ordonne] de laisser librement et seurement passer le nombre de cent tonneaux de ble de Hollande que nous avons permis a monsieur l’Evesque du Mans de faire achepter a Nantes pour estre mener en la ville du Mans107 ».
60Cet ordre sera appuyé par l’envoi, le 2 mai suivant, d’une lettre royale adressée à tous les responsables, des gouverneurs généraux aux gardes des portes de ville, « a laisser seurement et librement passer la quantité de six cens muids de bled ou environ ensemble ceux qui en feront la conduite en voiture de ladite ville de Nantes en celle du Mans108 ». Julien cesse de rédiger son Livre le 11 mai, un mois avant de mourir, et il n’a probablement pas eu la joie de voir ce chargement arriver dans sa ville.
« Le vin nouveau et le vin vieil »
61Les Bodreau possèdent des vignes leur fournissant la boisson ordinaire et constituant, du moins jusqu’à la fin du règne d’Henri IV, un revenu supplémentaire. Seuls les deux premiers auteurs du Livre donnent les prix du vin ; au xviie siècle, ni Julien ni Charles n’en parlent. En 1572, sur le Tarif des denrées109, imprimé au Mans chez le libraire Olivier, le « meilleur vin » se différencie du « moindre vin », qu’il soit vieux ou nouveau, par une taxe supérieure. Jehan et Julian distinguent toujours « le vin nouveau à l’issue de l’anche » [f°8v°] du « vin vieil » [f°8v°] ainsi que « le vin du vau du Loir » [f°8v°] du « vin du creu de Soulligné » [f°8v°]. Plusieurs raisons semblent expliquer cette distinction : le prix de chaque catégorie bien sûr, mais également une disposition mancelle sur les taxes. En 1584, le Conseil de Ville110 signe un accord décrétant que les officiers de ville ne paieront pas la taxe111 de sept sols par pipe de vin recouvrée par le fermier des aides à condition que ce vin provienne de leur propre cru, et Julian tient donc à préciser que son vin est bien du « creu de Soulligné » où il possède des vignes. Quant aux prix, ils diffèrent ; le prix du vin vieil est plus élevé que celui du vin nouveau et, en 1595, Julian vend « troys pippes112 du creu de Souligné » [f° 18] à dix-sept livres la pipe, c’est-à-dire une livre de moins que « le vin de paiis » [f°18] et cinq livres au-dessous du prix du vin de Loir et on peut en déduire que le vin de Souligné n’est pas d’une très grande qualité. Il en vend presque mille cinq cents litres qui représentent le surplus de la récolte, surplus non consommé par sa maison, ce qui laisse penser qu’il possède une vigne assez étendue, d’autant plus que cette récolte fut mauvaise. À « la fin de l’année 1608 [...] le vin vieil a esté sy rare et requis » [f°42v°] que les prix s’envolent et que celui du bon « vin vieil blanc du creu du Vau du Loir » [f°43] atteint cinq fois son niveau de 1595. Julian associe les hausses de prix aux accidents météorologiques qui sont survenus l’année précédente. En 1594, c’est le 24 mai qu’une « gelée généralle gela et gastat tous les bleds et vignes » [f° 18] compromettant sérieusement les récoltes, et le « grand yver » [f° 42 v°] de 1607-1608 est suivi de l’envol inouï des prix du vin aux vendanges suivantes. Quant à Jehan, il note les prix du vin en 1573, année où le vin nouveau vaut plus cher que le bon cru du Loir au moment des vendanges ; le vin diminue en 1574 alors qu’il commence à vieillir et que d’habitude il vaut plus (ce qui n’implique pas qu’il soit meilleur, compte tenu des méthodes de vinification et de conservation d’alors, mais simplement qu’il est plus rare). Quoique Jehan n’y fasse pas allusion pour le coût du vin, l’instabilité monétaire peut être une des causes de ces variations de prix, comme il le laisse penser pour le coût des grains. Ces années correspondent à celles de la crise monétaire qui sévit depuis le milieu du xvie siècle et devant laquelle le sergent royal Jehan Bodreau demeure assez perplexe.
« Le prix des monnayes »
62En 1577, Jehan constate les fluctuations des prix et il rapproche la chute du prix du blé de celle des monnaies : « le bled ne valloit que dix sols d’autant que par édit le prix des monnayes diminua » [f° 14]. Estimant que cette année-là, « il y eut en France ung règne qui estoit tel que l’or ne l’argent n’avoyent pris certain » [f°13], Jehan affiche un désarroi dont Pierre de L’Estoile témoigne également. « Ce decry des monnoies apporta une grande incommodite au Peuple de France113 », écrit-il, par la disparition des petites pièces. Or, Jehan, en donnant le détail « du pris commun » [f°13v°] des monnaies en cours dans le Maine, nomme les douzains, carolus et blancs constituant cette menue monnaie que le chroniqueur parisien dit avoir « été transportée hors, pour l’échanger à l’or étant à haut prix en France114 ». La grande variation des valeurs monétaires, relevée par Jehan au sein même de sa province, est appuyée par les renseignements donnés par Pierre de L’Estoile. Jehan insiste sur le fait que, quoique « le teston [soit] à trente solz » [f° 13 v°], « en quelques endroits il valloit trente cinq et quarante sols » [f°13v°] et, à l’aide du tableau ci-dessous, nous constatons que les valeurs des monnaies n’ont vraiment aucune mesure comparable d’une province à l’autre. En effet,
« les variations de la monnaie d’argent, toujours plus abondante, par rapport à la monnaie d’or et celles de la monnaie de billon (cuivre et argent) par rapport à l’or, déconcertent le pouvoir royal qui s’obstine pendant longtemps à maintenir un rapport fixe entre les espèces et la livre115 ».
Figure n° 7 : Tableau comparatif du prix des monnaies entre Paris et le Maine (1577)

63Désirant mettre fin à cette anarchie monétaire, Henri III signe, le 15 juin 1577, l’édit de Poitiers prescrivant que les comptes seront désormais tenus en monnaie réelle et non plus en livres116. Décision qui sera annulée vingt-cinq ans plus tard par Henri IV avec l’édit de Montceaux117, mais l’instabilité monétaire de ces années, à laquelle « le Roy, ni la Cour, ne les Generaux des Monnoyes, ne les autres Officiers du Royaume ne donnoient aucuns ordre ni remède118 », a bien entravé les comptes de Jehan.
64Dégâts militaires, changements climatiques, récoltes incertaines et instabilité monétaire : autant de sources de précarité de la vie quotidienne. Dans les villes comme à la campagne, ce sont les catégories les plus humbles qui en pâtissent en premier, ce sont les pauvres.
« Les pauvres de la ville du Mans »
65Partie de la population plus ou moins prise en charge par les différentes autorités de la ville au xviie siècle, les pauvres ont leur place dans la société et des structures, encore balbutiantes, existent pour les assister. Mais il se fait une distinction entre les pauvres ; chaque ville, chaque paroisse même, a ses pauvres et ne se préoccupe pas des autres ; ainsi que le précise Charles, il y a les « vagabons [et] les aultres pauvres de la ville du Mans » [f°256v°]. Comme Étienne Borrelly119 à Nîmes, les Bodreau ne parlent pas souvent des pauvres dans leur Livre ; ils ne les évoquent que lorsqu’ils font pitié ou qu’ils représentent une menace.
66À l’issue des obsèques de personnalités ou de gens aisés, il est d’usage de distribuer quelque monnaie aux pauvres de la paroisse. Ainsi, à l’enterrement de René Le Vayer et « selon l’ordonnance dernière du deffunct » [f° 218], son fils le lieutenant général « a faict donner aux povres » [f° 217 v°], mais les malheureux sont si nombreux, en ce mois de mars 1662, qu’ils s’entassent « depuis l’Église du Grand Sct Pierre et toute la rue de St Flaceau jusques au bas et au droit de l’horloge de La Cigoigne » [f°217v°]. Ils sont plus de trois mille et on veut les faire entrer dans l’église de Saint-Pierre-l’Enterré ; alors, c’est le drame. « Entrans à la foule ils pass[ent] les uns sur les autres en sorte qu’il s’en est trouvé de morts et étouffez en la presse jusques au nombre de quinze et six ou sept de blessez et demi morts » [f°218]. Julien constate la tragédie et montre l’affliction des Manceaux qui en ont ressenti « beaucoup de compassion » [f° 218], mais il ne suggère pas qu’on aurait pu l’éviter.
67Lors du grand hiver de 1607-1608, Julian « raporte que dedans Paris plusieurs pauvres personnes sont mortes de froid » [f° 42 v°] et qu’il y en avait « jusques au nombre de plus de quatre cens » [f° 42 v°]. Cette hécatombe le touche, mais il ne dit rien des pauvres du Mans120 qui ont également souffert du froid. Il est vrai que la page précédant cette relation a été déchirée et que nous ne savons quel était le début de la phrase de Julian qui se termine ainsi : « … courant à présent de telle faczon qu’il s’est trouvé peu de personnes qu’ilz n’en ayent esté atteintz à cause du grand yver » [f° 42]. Peut-être le notaire y notait-il une nouvelle disette ou une maladie due à la rigueur du climat, et montrait-il ainsi l’ampleur du nombre des victimes. Au milieu du siècle, son fils l’avocat décrit la grande misère humaine de la ville du Mans que l’augmentation du prix du pain entraîne entre novembre 1649 et juin 1650, puis à nouveau en 1662. C’est en effet la raison qu’il donne à l’afflux inhabituel des pauvres en ville. « À la campagne », écrit-il en 1650, le pain noir est « si cher que tous les povres [viennent] en ceste ville » [f°165] et, en 1662, le nombre croissant des pauvres assistant aux aumônes des abbayes « tesmoigne la grande disette et famine » [f°215v°]. Habituellement, on les estime à un millier, mais ils sont parfois deux ou trois fois plus nombreux121. Il paraît bien difficile à Julien de dénombrer tous ces gens qui se précipitent aux portes des abbayes mancelles et l’avocat reste donc très évasif en écrivant qu’il « se trouve à chaque donnée plus de dix mil pouvres » [f°215v°], chiffre démesuré et sans doute plus symbolique que réel122, mais chiffre qui dévoile à la fois l’ampleur de la catastrophe de cette famine et l’incompétence des autorités à y faire face.
68Dès le début du xviie siècle, des mesures de plus en plus sévères à l’égard des errants sont prises ; les pauvres sont davantage tenus à l’écart, y compris sous la menace des armes. Un signe de reconnaissance est imposé aux pauvres de la ville, on les enferme dans des locaux réservés et on réglemente les aumônes que leur procurent les habitants123. Les deux grandes abbayes mancelles, Saint-Vincent et La Couture, organisent depuis très longtemps des aumônes régulières. Elles doivent faire « des aumosnes et données par sepmaine ainsi qu’ils y sont obligez par une antienne coustume » [f°215], rappelle Julien l’avocat. Les moines viennent en aide aux mendiants pendant l’hiver et font des aumônes en distribuant du pain « deux jours par sepmaine à La Couture et un jour à Sct Vincent » [f° 215 v°]. À La Couture, le lundi et le jeudi, excepté lors des processions, la grande porte de l’abbaye est fermée avec une herse et le guichet est tenu à demi ouvert ; de cette façon, les pauvres entrent un à un et ils ne ressortent que lorsqu’ils sont tous sont servis124. Cette pratique devait cesser avec l’installation de l’hôpital général qui tendait à interdire le vagabondage, mais elle s’est perpétuée encore quelques années puisqu’elle est à l’origine, en 1675, de l’affaire Blondeau, alors que l’hôpital est établi depuis quatre ans. Signant là le dernier feuillet de son Livre, Charles y relate une affaire qui fit beaucoup de bruit, dont les suites judiciaires durèrent plus de deux ans, et qui est assez révélatrice du sentiment d’insécurité ressenti par les citadins face à cette population misérable.
L’affaire Blondeau
69« Le 29 avril 1675, à l’issüe de la donnée de l’abbaye de la Coulture » [f° 256 v°], écrit Charles, une « chosse surprenante » [f° 256 v°] s’est produite : « les pauvres ont pillé et démoli la maison de me Blondeau » [f°256v°]. « Cette fâcheuse sédition125 » est provoquée par une rumeur. L’avocat manceau, Claude Blondeau, a rempli la charge d’échevin en 1672 et, à ce titre, il a tenté d’instituer le Tarif126 dans la ville. Depuis le début du siècle, des assemblées générales127 ont eu lieu pour l’établissement de cette taxe (en 1614, en 1666), mais les paroisses s’y sont toujours opposées. À nouveau, elles réitèrent leur refus le 28 avril 1675, et les moines des abbayes laissent même entendre qu’ils cesseront leurs aumônes le jour où cette institution se fera. Me Blondeau n’est plus échevin à ce moment-là, mais il revient d’un voyage à Paris et il « est acusé soubs prétexte de vouloir faire imposer le tarif » [f°256v°]. Des témoins du pillage, qui défendent Claude Blondeau, assurent que, le lundi 29, jour de l’aumône, ils ont entendu quelques religieux dire aux pauvres
« d’aller prendre des pierres pour assassiner la maison de ce Maltotier Blondeau, qui seroit cause, par le Tarif qu’il vouloit établir, qu’on ne pourroit plus leur faire l’aumône : qu’il falloit tout rompre et abîmer chez luy, emporter tout, piller ce voleur, et le crever si on pouvoit l’atraper, massacrer tout dans sa Maison, l’abattre et l’abîmer128 ».
70Ce qui est fait. Les gens de la maison de l’avocat se défendent avec des armes et on relève deux morts et plusieurs blessés dans la foule. « Tant [est] grande la sédition que on [lève] la garde » [f°256v°]. Les autorités de la ville accourent avec les archers et les sergents ; ils somment les assiégés de cesser le tir, mais ces derniers refusent et ne cèdent que lorsque la porte de la maison tombe sous les coups de hache des émeutiers. Le 10 mai suivant, Me Blondeau obtient un arrêt du Conseil de Ville l’autorisant à porter plainte « par devant M. l’intendant de Tours cependant que ledit Blondeau et ses parens demeureront en la sauve-garde du roi, des officiers de justice et du corps de ville129 ». L’affaire ne s’arrête pas là et Charles laisse supposer qu’il en craint les conséquences pour la ville ; il termine sa relation par une forme de vœu : « dieu face que nous n’en soyons puni davantage » [f° 256 v°]. Avocat comme Claude Blondeau, Charles pense que l’affaire est d’importance et, connaissant sans doute les relations130 de son confrère, il sait l’appui que ce dernier peut en attendre. Mais Charles arrête la rédaction de son Livre à ce moment sans donner les suites de cette affaire131, bien qu’il les ait subodorées. En effet, Me Blondeau poursuit en justice les moines de La Couture le 4 janvier 1677 leur réclamant des dommages et intérêts. Jusqu’au mois d’avril plusieurs sentences contradictoires sont publiées car les moines se défendent alléguant la mauvaise foi de l’avocat qui, la veille même du pillage, aurait mis ses meubles et ses papiers à l’abri chez les Ursulines ses voisines132 et qui aurait produit de faux témoignages au procès. Claude Blondeau perd donc dans un premier temps, mais une action civile, intentée plus tard à la ville, condamne celle-ci à indemniser l’avocat. De plus, tenu pour responsable par le roi, Le Mans doit accueillir des régiments royaux133 pendant plusieurs années. Outre le poids financier du logement des troupes, on redoute l’insécurité qu’il entraîne.
L’installation de l’hôpital général
71Le 13 août 1657 la ville demande l’établissement d’un hôpital134, mais ce n’est que deux ans plus tard, le 7 juillet 1659, que les lettres patentes l’autorisant sont lues et publiées135 à l’audience des baux de la sénéchaussée. Les ecclésiastiques et les laïcs participent à son administration et la toute première mesure qu’ils prennent est d’enfermer les « pauvres vallides et d’assister les pauvres malades136 ». Le samedi 14 août 1666, ces administrateurs informent le syndic Jean Mariette que « Mr reverendissime evesque du Mans devoit se trouver cejourdhuy 3 heures du soir au lieu destiné pour le grand hospital de cette ville affin de mettre et placer la première pierre fondamentale d’iceluy137 ». La construction des bâtiments prend du temps puisqu’il faut attendre plus de douze années après la réception des lettres patentes et cinq ans après la pose de la première pierre pour voir « l’establissement de l’hospital général, le 28 juin 1671 » [f°248v°]. C’est Charles qui le note et, concluant sa description de la procession par : « dieu soit loué » [f°249], il laisse paraître son approbation pour cette installation qui tend, en premier lieu, à assurer l’ordre dans la ville. Le conseiller du roi au siège présidial, M. de Gennes, est le premier grand administrateur de l’hôpital, et Charles prend soin de le consigner dans son Livre. Un siècle plus tard, cette charge sera remplie par son arrière petit-neveu, Marin Dominique Chesneau de la Drourie, celui-là même qui clôturera le Livre de famille.
72Les pauvres et les errants, que la disette des campagnes entraîne vers les villes, seront donc mieux contrôlés à l’avenir et l’on espère ainsi prévenir les terribles épidémies, si redoutées encore au xviie siècle, et dont Le Mans a tant souffert à plusieurs reprises et notamment en 1662, « année où il est bien mort la six ou septième partie du monde » ainsi que le relève Henri Chardon dans le second manuscrit. Si Julien éprouve de la pitié devant le spectacle de ces malheureux, il s’alarme aussi des conséquences qui peuvent en découler pour les autres habitants et dont il sera lui-même victime. Comme toujours, on cherche les coupables de ces « infestations » subites de la ville et on incrimine souvent la faute, non sans raison en partie, aux passages de troupes militaires et aux arrivées d’étrangers dans la cité. Poussés par la famine, les pauvres entrent en ville et tombent malades « par la corruption des mauvais alimens » [f°165v°] car ils sont amenés à se nourrir de « trons de choux et herbes cuites soubs les cendres » [f°165v°]. Les citadins redoutent fort la contagion qui risque d’atteindre tout le monde y compris les « personnes notables » [f°166]. Julien relativise cependant la responsabilité des pauvres en précisant que « on creut qu’ils ont infesté ladite ville » [f°165v°], mais que, de plus, une « mauvaise qualité de l’air causée par l’influence de quelque astre [a] engendré une certaine maladie » [f°166]. Et c’est là aussi une de ces grandes menaces qui mettent en péril la vie des hommes de ce temps : les fréquentes épidémies. Apportées par les miséreux ou par tout astre maléfique, les épidémies dévastatrices sont encore nombreuses au xviie siècle et, si quelques-uns les observent avec un œil scientifique tel le médecin manceau René Bodreau138, la grande majorité des Français répond par la panique à ces fléaux. Julian et son fils se trouvent confrontés ensemble au « mal contagieux » [f° 150].
« La contagion a prins »
73La peste qui, en 1584, emporte Macée Fardel la veuve de Jehan Bodreau, revient périodiquement dans la ville et le Livre la dépeint à travers les récits de Julian et de son fils. La première fois que Julian évoque sa présence, ce n’est nullement pour en décrire les effets, mais seulement pour expliquer que la croix des Capucins, que l’on vient de bénir à l’issue de l’installation de ces religieux, demeure en l’église de La Couture « à cause de la contagion » [f° 28 v°]. Ce « dimanche 21e apvril 1602 » [f°28v°], le terrible mal sévit, mais la procession générale prévue en l’honneur des Capucins n’est pas remise à plus tard ; on semble s’être habitué à ces fréquentes épidémies et, pour inscrire les décès innombrables de ces temps de peste, le prêtre utilise l’expression vague et laconique : « mort de contagion139 ». Julian ne parle même pas des épidémies de 1606 et de 1611 pour lesquelles les autorités municipales établissent cependant les premiers Bureaux de Santé140. Depuis la mort de Macée et de tant d’autres, la construction d’un « sanitas pour les pestiférés141 » permet de circonscrire un peu la contagion, mais, laissé à l’abandon ensuite, il sera muré142 en 1609. Une ordonnance de l’Hôtel de Ville prescrit, en 1605, que « les malades de contagion iront par les ruës en portant une baguette blanche pour être reconnus143 » et cette contrainte s’alourdit de nouvelles obligations à chaque recrudescence de la peste. Aucun des Bodreau n’évoque ces mesures et elles semblent bien peu efficaces puisque les épidémies demeurent aussi dévastatrices dans les années qui suivent.
74En 1626, le danger cerne de près la demeure de Julian dans la rue Dorée et celle de son fils située rue de la Tannerie. La contagion a « prins premièrement en la maison de Castan fourbisseur rue Dorée » [f° 85], si près que les Bodreau se « retir[ent] avec [leurs] familles en [leur] lieu de La Challerye audict Souligné ou [ils restent] troys moys durant ladicte contagion » [f° 85], écrit Julian. Dès leur retour en ville, son fils Julien144 se « reffugie en la metayrie de Royz, en Royzé, appartenant à Mr de la Masnière », propriété des beaux-parents de Julien qui, avec sa famille, ne rentre pas au Mans avant le 21 novembre. C’est la seule parade que les gens aisés peuvent opposer à ce fléau, mais c’est la première fois que le notaire agit ainsi. Sans doute son fils a-t-il été assez convaincant pour l’entraîner dans sa fuite. Cependant, à peine un an plus tard, Julian ne dit pas qu’ » en juillet 1627, le mal contagieux recommence, prend à l’abbaye de Beaulieu, monte par le port à l’abbesse et au Pré et se répand fort violent ». Si nous le savons, c’est grâce aux notes que son fils a prises le 27 septembre 1627 et qu’Henri Chardon a incluses dans sa transcription. À nouveau, l’année suivante, le mal réapparaît « particulièrement au carefour du Pont Perrin et environs et y en avoit des deux costez de ma maison » [f° 87], s’inquiète alors Julian, craignant pour la survie de sa famille. Le notaire n’évoque l’épidémie que lorsqu’elle est dans sa paroisse et menace « particulièrement » les siens. Là encore, la fuite s’impose et les Bodreau, père et fils, emmènent leurs familles à La Challerye, la propriété rurale familiale distante de trois lieues de leurs maisons de ville. L’avocat adopte l’attitude de la plupart des bourgeois de la ville. Un fils lui naît pendant cet été à la campagne et il le fait baptiser à Souligné ; sa marraine « dame Jeanne Le Bourdays femme du sr Robillard demeur[e] au Mans » [f°88], mais elle se trouve alors « à son lieu de La Couasnonniere » [f° 88], sans doute à cause, elle aussi, de la contagion. Dix ans de répit sont accordés aux Manceaux avant que « le mal contagieux » [f° 104] ne reprenne le « vendredy145 3 juin 1638 » [f° 104] obligeant la publication de « cessation de jurisdiction » [f° 104] à partir du « sabmedy 12 juin » [f° 104] et à laquelle « n’a point esté limité de temps » [f° 104]. Voilà deux ans que Julian est mort et c’est son fils qui tient le Livre de famille. Cette fois, « la contagion a commencé à prendre en la maison d’un careleur146 apellé Rouelle proche l’église de Sct Julian et en la maison de monsr Marest provost provincial deux des filles duquel sont décédées » [f°104], mais Julien ne semble pas s’être éloigné de la ville cette année-là. Son confrère et ami, Me Pierre Nicole, meurt à trente-deux ans le dimanche 6 juin, « au grand regret de tous ses amys et du publiq » [f°103v°] : est-ce de la peste ? Julien ne le dit pas, même si, à cause des dates, ces informations sont regroupées sur son Livre.
75Le mot de « contagion » désigne souvent la peste, mais il est employé aussi pour les autres épidémies que les Bodreau évoquent rarement. La variole décime les enfants pendant tout l’Ancien Régime et ceux de la famille n’y échappent pas, mais jamais leurs pères ne parlent d’épidémie à son propos et les autres maladies endémiques, telle la dysenterie qui est quelquefois nommée, ne sont pas reconnues comme telles non plus. Une seule fois Julien essaie de décrire une épidémie due à la famine et il mêle les mots de « fiebvre », « pourpre » et « peste » dans la même phrase comme pour exorciser le mal. Il s’agit de l’épidémie de 1650.
76La grande disette de l’hiver 1649-1650 et la corruption de l’air ont « engendré une certaine maladie » [f° 166], écrit l’avocat. Il décrit alors méthodiquement les symptômes qu’il a pu observer et dont il a parlé avec des médecins, tels l’un des membres de la famille amie des Péan du Chesnay147 ou son cousin René Bodreau. Ce dernier a écrit un ouvrage intitulé Observationes medicæ148 qui est malheureusement perdu, dans lequel il avait rassemblé des notes sur l’épidémie analogue qui sévit en 1661-1662. La maladie « commence par une fiebvre violente accompagnée de délire » [f°166] et les patients, selon leur âge et leur constitution sans doute, succombent en quelques jours. « Ceux qui en sont affligés durent six jours et quelques fois vont jusques au dix septieme jour » [f°166], précise Julien qui constate également que « à la pluspart il paroist des exentèmes de pourpre » [f° 166]. Le langage scientifique employé par l’avocat montre qu’il s’est entretenu de ce mal avec des spécialistes. On tente de comprendre la progression de la maladie et on en observe les symptômes, mais on n’y apporte aucun remède et la mort, plus ou moins rapide, est la seule issue pour les malades. Atterré par le tableau macabre que lui offrent les rues du Mans, Julien ne peut que s’en remettre à Dieu et le prier de préserver sa ville « de la peste dont il est mort grand nombre de personnes notables tant ecclésiastiques que laïques et en un an plus de quatorze chanoines de St Julian du Mans sont décédez » [f° 166 v°]. L’épidémie atteint tout le monde, mais Julien a la pudeur de ne pas en nommer les victimes ; c’est ainsi qu’il ne dit pas que le principal du collège de Saint-Benoît, « son inthime amy » [f°154] – dont il note cependant le décès – a été emporté en décembre 1649 par cette « maladie qui régnait alors et qui causait une si grande mortalité149 ». À la fin du mois de juin suivant, les chanoines de Saint-Julien organisent une procession générale « affin d’apaiser l’ire de Dieu et le prier de détourner ses fléaux dont il chastie la ville par une mortalite de fiebvres contagieuses » [f°167 et f°167v°]. Il s’avère que l’épidémie est encore perçue, ainsi qu’aux siècles passés, comme une punition divine. La ferveur mise par les habitants à suivre ces processions témoigne par ailleurs de la foi profondément catholique de la ville.
Notes de bas de page
1 A. Furetière, op. cit., article « Loup cervier ».
2 J. Louvet, « Journal ou Récit véritable de tout ce qui est advenu digne de mémoire tant en la ville d’Angers, pays d’Anjou et autres lieux (depuis l’an 1560 jusqu’à l’an 1634) », dans Revue de l’Anjou et de Maine-et-Loire, Angers, Cosnier et Lachèse, 1854, tome 2, p. 9.
3 J.-M. Bercé, La naissance dramatique de l’absolutisme, (1598-1661), Paris, Seuil, 1992, p. 149.
4 A. Ledru, « Urbain de Laval Bois-Dauphin marquis de Sablé, maréchal de France, (1557-1629) », dans R.H.A.M., 1877, p. 680. Ambroise Ledru cite ici la Chronologie novenaire de Palma-Cayet.
5 P. Cordonnier, « Les origines de le Réforme dans le Maine », dans RHAM, 1959, p. 28. Signalons que Paul Cordonnier relatant les guerres de religion au Mans relève cet épisode en le situant quatre mois plus tard en avril lors du cantonnement des troupes du sieur Hémery. Il écrit : « On les avait logées dans les faubourgs du Pré, de St Jehan et de St Gilles. Mais il survint une inondation de la rivière de Sarthe, si extraordinaire, que l’on fût contraint de changer leur logement, ces trois faubourgs ayant été presque ruinés ». Or Jehan, très précis sur les dates, ne signale aucune inondation lors du passage du sieur Hémery.
6 P. Cordonnier, « Les origines de la Réforme dans le Maine », dans RHAM, Le Mans, 1959, tome xxxix, n° 94, p. 28.
7 C. Morand, Histoire de la province du Maine par un chanoine de l’Église du Mans, manuscrit, tome ii, p. 848.
8 F. Legeay, Notes historiques sur St Gilles des Guérets, Le Mans, Leguicheux, 1890, note 4 de la page 4.
9 Une plainte sera déposée par la ville aux États Généraux de novembre 1576. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.
10 P. de Lestoile, Journal du regne de Henri IV roi de France et de Navarre, avec des remarques historiques et politiques du chevalier C.B.A., et plusieurs pièces historiques du même temps, La Haye, 1741, chez les frères Vaillant, tome i, p. 85.
11 A. Furetière, op. cit., Article « Dégâts » : « ruine de pays fait par des gens de guerre pour affamer une place ou l’obliger à payer contribution ».
12 Urbain de Laval, (1557-1629) marquis de Sablé, comte de Bresteau, seigneur de Précigné et de Boisdauphin. Cf. A. Ledru, « Urbain de Laval Bois-Dauphin marquis de Sablé, maréchal de France », dans RHAM, Le Mans, 1877, p. 650-683.
13 J.-M. Constant, La Ligue, Paris, Fayard, 1996, p. 300.
14 A. Bertrand, « L’histoire du Maine au xvie siècle, documents inédits de la Bibliothèque Nationale », dans S.A.S.A.S., Le Mans, Monnoyer, 1875, p. 151.
15 J.-M. Constant, La Ligue, Paris, Fayard, 1996, p. 302.
16 Ces cours y siègent depuis le 24 mars, date à laquelle elles ont été transférées par Henri III menacé par la Ligue parisienne. Cf. M. Pernot, Les guerres de religion en France 1559-1598, Paris, SEDES, 1987, p. 154.
17 M. Pernot, ibid., p. 154.
18 Orphelins, son frère Jacques et lui-même habitent alors chez Jehan Ledru et sa femme au faubourg Saint-Jehan.
19 M. Blanchard, curé de Vernie, rapporte dans son Histoire de Vernie, les notes prises par Jacques Lepelletier témoin de la Ligue dans le Maine. Paul Cordonnier a édité ce manuscrit en annexe de son article sur « La Ligue dans le Maine », dans RHAM, Le Mans, 1958, p. 23.
20 La famille d’Angennes compte de grands personnages du Maine tels le cardinal Charles de Rambouillet qui a obtenu la dispense papale pour le mariage de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, le gouverneur du Maine Philippe du Fargis mort en 1590, son frère Louis marquis de Maintenon qui le remplace en son absence, et l’évêque Claude d’Angennes qui ira à Rome demander l’absolution d’Henri IV.
21 C. Morand, Histoire de la province du Maine, manuscrit copié par Julien Chappée en 1925, p. 866.
Jacques Lepelletier (cf. note Blanchard M.) écrit : « Le roi se contenta de 27 000 écus de contribution pour la paye des Suisses qu’il avait à sa solde », ibid., p. 24. Dom Piolin indique lui aussi que le montant est de 27 000 écus. Cf. P. Dom Piolin, op. cit., tome v, p. 575.
22 Quelques années auparavant, lors de la prise de Saint-Maixent, Henri de Navarre avait inauguré « une manière humaine de faire la guerre, en prescrivant d’épargner les maisons et les habitants ». H. Carré, Sully, sa vie et son œuvre (1559-1641), Paris, Payot et Rivages, 1998, p. 34.
23 La dépense occasionnée par le logement des troupes et les travaux de fortification s’élève à plus de 50 000 écus et les incendies volontaires sont estimés à plus de 100 000 écus par Dom Piolin. Cf.P.Dom Piolin, op. cit., tome v, p. 567, mais cette même dépense est évaluée à plus de 400 000 francs par Jacques Lepelletier, prieur curé de Vernie, témoin des troubles. Cf. P. Cordonnier, « La Ligue dans le Maine », dans RHAM, 1958, p. 23.
24 En 1590, les habitants taillables demandent un rabais sur les 28 000 écus promis à Henri IV. Cf. Anjubault et H. Chardon, « Extrait des registres de l’Hôtel de Ville », dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.
25 Édict et articles accordez par le roy sur la reünion du sieur de Bois-Dauphin, au service de sa Majesté, fait à Lyon en Aoust 1595 et publié en Parlement le 12 septembre 1595, Claude de Monstr’œil, 1596, p. 10.
26 C’est l’évêque Charles de Beaumanoir en personne qui le rencontre.
27 P. dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 26.
28 A. Corvisier, Armées et sociétés en Europe de 1494 à 1789, Paris, PUF, p. 92.
29 Le marquis de Jarzé, fidèle de Mazarin, est le « petit-fils de deffunct Monsieur le mareschal de Lavardin » [f°141v° de Julien].
30 A. Corvisier, op. cit., p. 88.
31 Ibidem, p. 94.
32 D’après le Livre, il faut compter 2 000 hommes de pied le 16 avril 1649 qui restent une nuit, 800 hommes le 19 avril et 200 le 20 avril qui s’installent pour un mois, puis 300 hommes de décembre 1649 à février 1650.
33 Registre de l’Hôtel de Ville du 9 septembre 1648. Un écu vaut 60 sols tournois ou 3 livres. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
34 A. Corvisier, op. cit., p. 75. « En France une Pragmatique Sanction de 1439, reprise par l’ordonnance de Henri III de 1583 affirmait que seul le roi avait le droit de lever des troupes dans le royaume. […] Ces textes législatifs furent largement bafoués pendant les guerres civiles. »
35 Arrêt du Registre de l’Hôtel de Ville du 3 mai 1615. Registre des délibérations de L’Hôtel de Ville, (1553-1690). Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
36 P. dom Piolin, op. cit., tome VI, p. 15.
37 Registre de l’Hôtel de Ville, arrêts n° 121 et n° 122 du 14e registre, année 1615. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
38 Registre de l’Hôtel de Ville du 13 août 1615. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
39 Ce mot a subi une évolution sémantique à l’époque moderne où la chronique était « un ensemble de nouvelles vraies ou fausses qui se propageaient en général oralement ». Alors que le « chroniqueur » du xviie siècle rapporte des rumeurs et des ragots, le « chroniqueur » du xixe siècle écrit les nouvelles pour un journal. A. Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1995, article « Chronique ».
40 Voir en annexe le « Plan du Mans ». Les moulins à tan sur la Sarthe sont situés tout près du Pont-Perrin.
41 J.-R. Pesche, Dictionnaire topographique, historique et statistique du département de la Sarthe, Paris, Palais-Royal, 1974, tome iii, p. 250.
42 R. Triger, « Observations agricoles et météorologiques sur les années remarquables de 1544 à 1789 dans la province du Maine » dans S.A.S.A.S., Le Mans, Monnoyer, 1881, p. 97 à 153.
43 E. Le Roy Ladurie, Histoire du climat depuis l’An Mil, Paris, Flammarion, 1983, tome ii, p. 202.
44 M. Pernot, Les guerres de religion en France 1559-1598, Paris, SEDES, 1987, p. 356.
45 J. Georgelin, « Le xviie siècle à l’intérieur du petit âge glaciaire : amélioration ou détérioration du climat et des écosystèmes ? », dans La qualité de la vie au xviie siècle, 7e colloque de Marseille, 1977, p. 47-55.
46 Le folio 18 qui comprend 18 lignes et le folio 28 qui compte 7 lignes sont écrits par le notaire ; le folio 190v°, écrit par l’avocat, a 12 lignes.
47 En 1594 il n’est encore que clerc chez l’avocat Jehan Faissot ; il achète son office notarial en 1598.
48 « et en vendismes trois pippes du lieu de Souligne » [f°18].
49 « Je me trouve aux halles ou l’on vendoit le bled seigle […] et je en vendys » [f°9].
50 Archives privées inédites.
51 À Saint-Nicolas du Grez, près de Sillé-le-Guillaume, on enregistre en juillet 1595 une famine que l’on attribue à la gelée de mai 1594. R. Triger, « Observations agricoles et météorologiques sur les années remarquables de 1544 à 1789 dans la province du Maine », dans S.A.S.A.S., Le Mans, Monnoyer, 1881, p. 97-153.
52 Le registre municipal d’Écommoy indique que, le 23 avril 1659, toutes les vignes devinrent noires à cause du gel. R. Triger, op. cit.
53 B. Bonnin, « L’alimentation dans les milieux populaires en France au xviie siècle : essai de mise au point », dans Qualité de la vie au xviie siècle, Marseille, 1977, p. 75-81.
54 M. Foisil, La vie quotidienne au temps de Louis XIII, Paris, Hachette, 1992, p. 258. En 1608, au mois de janvier, Jean Héroard écrit (malgré son encre qui gèle) : « Je n’en ai jamais senty de pareil ni de si long, nous gelions près d’un grand feu. »
E. Le Roy-Ladurie montre combien « l’hiver extrêmement froid de 1660 (décembre 1659/janvier février 1660) [a] dépassé les limites permises » dans l’Histoire du climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, tome 2, p. 203.
55 La page précédente comportant les folios 41 et 41v° a été déchirée et il nous manque donc le début de la description de cet hiver.
56 Relatée sur le folio manquant, la date de cette inondation nous est connue par la référence qu’y fait Julien, au f°171, lors des crues de janvier 1651 : elle eut lieu le 18 décembre 1607.
57 C. Port, « Journal de Jacques Valuche », dans Revue Historique, Littéraire et Archéologique de l’Anjou, Angers, E. Barassé, mai 1870, p. 334.
58 Cette procession, fêtant la signature du Traité des Pyrénées de novembre 1659, eut lieu « le jeudy de la Micaresme 11 dudict mois de Mars » [f°200v°].
59 Arrêt n° 73 du 14e registre de l’Hôtel de ville, année 1614. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
60 C. Port, op. cit., p. 334. Jacques Valuche écrit : « l’on passoit avecq beufz, chevaulx et charettes par sur la rivière de Loyre. »
61 P. dom Piolin, op. cit., tome V, p. 269. Il donne un décompte des milliers de pauvres se présentant aux aumônes des abbayes. Le 7 février 1660, au cœur de la froidure, plus de quatre mille pauvres sont à Saint-Vincent.
62 P. Moulard, « La famille Le Gendre », dans : R.H.A.M., Le Mans, Pellechat, 1888, p. 140.
63 La médiathèque du Mans conserve un opuscule de dix pages imprimé à Laval en 1892 et reproduisant la Copie d’une lettre missive envoyée du Mans, sur les désastres qui sont advenus le cinquiesme iour du mois de May veille de Sainct Jehan l’Evangeliste 1583, avec la declaration des hommes qui y ont esté tuez et blessez en allant au secours dudict desastre, imprimée en 1583 à Lyon par Benoist Rigaud, p. 7.
64 P. de Lestoile, Journal de Henri III roy de France et de Pologne ou Mémoires pour servir à l’histoire de France, Paris, veuve de Pierre Gandouin, 1744, tome i, p. 398.
65 Le 53e registre des Délibérations, décisions et ordonnances du Conseil de Ville ne commence que le 16 novembre 1664 et le 52e s’arrête en décembre 1663. Archives Communales de Tours cotées BB 63.
66 Le « mercredy 26 dudit mois de novembre 1664, sur la requeste faite par Jacques Corvaysier, clerc de ville » ont été payés les frais des réparations qui ont suivi l’orage « de gresle arrivé au mois de juin dernier ». 53e registre des Délibérations, décisions et ordonnances du Conseil de Ville, p. 6.
67 Dans la série G 1-1121, une liasse de 13 pièces (cotée Arch. dép. Indre et Loire G 360) atteste d’une visite à faire à la Chapelle Saint-Jean du Huvet paroisse de Souvigny « ruinée par les pluyes vents et gresles extraordinaires survenus en 1661 et 1662 ».
68 Julien écrit : « les tripots ou jeux de paume » [f° 122v°].
69 A. Furetière, op. cit., article « Tourbillon » : c’est un « vent subit, impétueux et tournoyant. Les ouragans, les syphons sont de diverses sortes de tourbillons. Les Anciens les appelloient typhons ».
70 Notons ici une erreur relevée dans les « Observations agricoles et météorologiques sur les années remarquables de 1544 à 1789 dans la province du Maine » de Robert Triger, dans SASAS, Le Mans, Monnoyer, tome xxviii, 1881, p. 97-153. Se référant au Journal de Bodreau, l’auteur indique en 1644 un orage provoquant la chute d’une pierre de voûte de la cathédrale du Mans. Or, Julien Bodreau décrit ce fait à propos de l’orage de janvier 1645 sur la cathédrale de Poitiers.
71 La déclaration royale date du 10 février 1638 et une procession annuelle le jour de l’Assomption est instituée.
72 S. Bertin, « Histoire du chanvre en pays sarthois », dans Le Patrimoine des communes de la Sarthe, Paris, Flohic, 2000, pp. 3538
S. Bertin, « L’épopée du chanvre », dans : La vie mancelle et sarthoise, Le Mans, SMIR, sept. oct. 1993, p. 22-23. La culture du chanvre implantée dans le Haut-Maine depuis la fin du xve siècle se développera surtout au xviiie siècle, mais elle constitue déjà une ressource appréciable pour le paysan au xviie siècle.
73 A. Furetière, op. cit., article « Filet : en termes de couvreurs, c’est la partie de la couverture qui aboutit contre le mur, et est couverte de plastre ».
74 S. Menjot D’elbenne, Une émeute au Mans en 1659, Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 1893, p. 13.
75 Archives du département des Affaires Étrangères-Provinces de France, copie de la lettre de M. du Mans écrite à Touvoie le 26 septembre 1659. Citée par S. Menjot d’Elbenne, op. cit.
76 Livre du secrétariat dans lequel sont contenus les ordonnances conclusions et statuts de messieurs les venerables doyen, chanoines et chapitre de l’eglise royalle de Saint Pierre du Mans par la fondation exempte et libre et soubmize immediatement au Sainct Siege Apostolique, 1659-1668. Manuscrit, 2 pages non foliotées à la fin du volume. Arch. dép. Sarthe cote G 493.
77 F. Dornic (dir.), Histoire du Mans et du pays manceau, Toulouse, Privat, 1988, p. 174.
78 R. Triger, Sainte Scolastique, Montligeon (Orne), 1964, p. 148.
79 Extraits des registres de l’Hôtel de ville. Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835, p. 1-188.
80 Ibid.
81 Délibération n° 97 du 23e registre des années 1652-1653. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
82 R. Triger, op. cit., p. 147.
83 R. Triger, Sainte Scolastique, Montligeon (Orne), 1964, p. 147. Julien Bodreau est le seul à donner cette précision pour l’incendie de 1653.
84 R. Triger, op. cit., p. 151.
85 R. Triger, op. cit., p. 149.
86 Arch. dép. Sarthe cote G 492 : folio 368 pour 1653, folios 250 et 251 pour 1655, G 493 : folio 31 v° pour 1659.
87 S. Menjot D’elbenne, Journal anonyme de la collection de M. Lestang (tome xiii, folio 181), cité par R. Triger, op. cit., p. 150.
88 Délibération n° 167 du 25e registre de l’Hôtel de Ville, année 1660. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
89 A. Ledru, « L’hôtel du Dauphin, Ex-voto à sainte Scholastique », dans L’Union historique et littéraire du Maine, Le Mans, tome i, p. 116.
90 Ibidem.
91 S. Menjot D’elbenne, Journal anonyme de la collection de M. Lestang (tome xiii, folio 181), cité par R. Triger, op. cit., p. 150.
92 Archives du Chapitre de Saint-Pierre-la-Cour, procés-verbal du 22 septembre 1659. Arch. dép. Sarthe cote G 493.
93 Dans son manuscrit conservé à la Bibliothèque de Rennes, le père Balthazar de Bellême écrit : « Sur les 9 heures du soir print le feu au Dauphin du Mans qui brusla 30 maisons, le feu estant si grand qu’on voyoit fort clair au Dortoir des capucins. » Ms 15484, 1 Mi 41.
94 E. Le Roy Ladurie, L’histoire du climat depuis l’an Mil, Paris, Flammarion, 1983, tome i, p. 158.
95 « Le bled valloit entre Noël et la Toussaint XXs et XXX sols et a pasques le bled ne valloit que dix solz » [f° 14].
96 En l’ « année 1577 il y eut en France ung règne qui estoit tel que l’or ne l’argent n’avoyent pris certain » [f° 13].
97 Il compare l’année 1650 à « l’annee 1528 dont faict mention Paradin en son histoire de Francoys Premier » [f°164v°] pour évoquer le prix élevé du blé.
98 A. Furetière, op. cit., article « Charge de bled : c’est la charge d’un mulet, c’est de 400 livres ».
99 D’après Julien [f°214v°, f°215, f°219v°], en décembre 1661, le blé vaut 28 livres la charge soit 1 livre et demie ou 30 sols le boisseau de froment.
En janvier 1662, il double et vaut 3 livres ou 60 sols le boisseau.
En février 1662, il vaut 65 sols le boisseau.
En mars 1662, le blé seigle vaut 50 sols le boisseau et le froment 66 sols.
En avril 1662, le seigle vaut 85 sols le boisseau.
100 Feuillets manuscrits intitulés : « Prix du pain », de 1634, de 1638 et de 1641. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 473.
101 Il s’agit alors de l’Hôtel-Dieu de Coëffort, des hôpitaux du Sépulcre, de Saint-Lazare et de Coulaines, l’hospitalité ne se faisant plus à l’hôpital des Ardents depuis le début du siècle. Cf. J. R. Pesche, Histoire de la ville du Mans, Mayenne, Floch, 1975, tome iii, p. 543.
102 Barthélemy Hauréau dit que l’auteur de ce livre est, en 1685, curé de Saint-Vincent et fils de l’avocat Claude Blondeau. Cf. B. Hauréau, Histoire littéraire du Maine, Paris, Dumoulin, 1871, tome ii, p. 128. Or, dans les archives de Souligné-sous-Vallon, nous trouvons, en 1686, un prêtre de l’Oratoire curé de Saint-Vincent nommé Antoine Blondeau. Cf. Chronique de Souligné sous Vallon. Arch. dép. Sarthe, cote 1 J 469. Est-ce la même personne ou l’un de ses frères ?
103 Publié au Mans chez Hiérosme Olivier en 1684, puis avec additifs en 1697, ce livre fut édité par le chanoine René Baret sous le titre : Un émule de saint Vincent de Paul au Maine, Pierre Ragot (1609-1683), à Laval en 1943.
104 C. De La Ronchère, Vie du curé de La Couture mr Ragot. Arch. dép. Sarthe, cote 1 J 116.
105 Sur les registres de l’Hôtel de Ville des années 1627-1628, la navigation de la Sarthe est même déclarée contraire au bien de la ville. Julian notaire note alors que « le sieur de Chaston Amy et ses associés pour la navigation de la rivière de Sarthe jusques en cette ville y ont faict venir deux batteaux chargés de vin » [f°86v°].
En 1633, les « traittans pour la navigation de la riviere de Sarthe » font de nouvelles propositions. 18e Registre de l’Hôtel de Ville. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
En 1671, Les sieurs de Boisguiet et Leballeur sont députés à Malicorne pour dresser le devis pour rendre la rivière navigable et M. de Lavardin est prié de favoriser ce projet. Extrait des Registres de l’Hôtel de Ville de mai 1671, Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.
106 Arrêt n° 69 du 25e Registre de l’Hôtel de Ville de 1661-1662. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
107 Lettre du 25 avril 1662. Arch. dép. Sarthe 111 AC Le Mans 465.
108 Lettre du 2 mai 1662. Arch. dép. Sarthe 111 AC Le Mans 465.
109 A. Négrier De La Crochardière, Observations sur la ville du Mans et sur la province du Maine, manuscrit de 1799, p. 314.
110 Extrait du Registre de l’Hôtel de Ville de 1584. Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.
111 Cette taxe est de cinq sols par pipe à l’octroi en 1602.
112 Une pipe contient 404 pintes mesures royales du Mans, c’est-à-dire 498 litres 56 cl. A. Furetière, op. cit., article « Pipe : mesure de choses liquides qui contient un muid et demi ou à peu près ».
113 P. De L’estoile, Journal de Henri III roy de France et de Pologne ou Mémoires pour servir à l’histoire de France, Paris, veuve de Pierre Gandouin, 1744, tome i, p. 207.
114 P. De L’estoile, ibid.
115 M. Pernot, Les guerres de religion en France, 1559-1598, Paris, SEDES, 1987, p. 358.
116 G. Livet, Les guerres de religions, Paris, PUF, 1988, p. 74. « Tout compte, contrat, vente… au dessus de 60 sous doit être fait en “écus d’or sol”. »
117 En 1602, Henri IV rétablit le compte par livres (édit de Montceaux).
118 P. De L’estoile, Journal de Henri III roy de France et de Pologne, Paris, 1744, tome i, p. 207.
119 R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly (1633-1718) un Nîmois sous Louis XIV, Paris, Plon, 1998, p. 206.
120 Les relevés anonymes des sépultures de la paroisse de Saint-Benoît dénoncent un nombre anormalement élevé de décès pour les années 1607 et 1608. Nous avons compté 35 morts en 1607 et 23 en 1608 alors que le chiffre moyen des années environnantes est de 14 morts par an. Et ce sont les mois d’octobre à février, ceux de la vague de froid, qui sont les plus chargés.
121 Ils sont 3 000 à La Couture en 1675. Abrege exact de ce qui s’est passé dans l’affaire qui est à juger, entre Me Claude Blondeau avocat et les cosorts, demandeurs, et incidemment défendeurs. Et les religieux, prieur et convent de l’abbaye de la Coulture, de la Congrégation de Saint-Maur, défendeurs, et incidemment demandeurs en dommages et interests, p. 17.
122 La ville ne compte sans doute pas plus de douze mille habitants au milieu du xviie siècle. F. Dornic, Histoire du Mans et du pays manceau, Toulouse, Privat, 1988, p. 180-185.
123 P. Delaunay, Études sur l’Hygiène, l’Assistance et les Secours publics dans le Maine, Le Mans, Mon-noyer, 1920, 2e série, p. 102. Voir également les différentes ordonnances prises par l’Hôtel de Ville.
124 Ces précisions sont rappelées dans les actes du jugement de l’affaire Blondeau. Abrege exact de ce qui s’est passé dans l’affaire qui est à juger, entre Me Claude Blondeau avocat et les cosorts… op. cit., p. 17.
125 A. Négrier De La Crochardière, Observations sur la ville du Mans, manuscrit, tome ii, p. 71.
126 « Tableau qui confronte des objets et leur valeur ou la taxe correspondant à cette valeur comme dans un tarif d’octroi ». É. Gruter, article « Tarif », dans F. Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, p. 1502.
127 Registres de l’Hôtel de Ville. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
128 Abrege exact de ce qui s’est passé dans l’affaire qui est à juger, entre Me Claude Blondeau avocat et les cosorts… op. cit., p. 2.
129 Extraits des registres de l’Hôtel de Ville de 1675. Annuaire de la Sarthe, Le Mans, 1835.
130 Claude Blondeau est un proche de Louis Berryer. F. Dornic, Histoire du Mans et du pays manceau, Toulouse, Privat, 1975, p. 177.
131 La répression aboutit à une condamnation à mort exécutée en place publique le 17 août 1675. Ibidem.
132 Sa maison est située rue Bourgeoise (aujourd’hui rue Claude Blondeau !) dans la paroisse Saint-Nicolas, près du couvent des Ursulines dont un bâtiment abrite désormais l’Office de tourisme.
133 A. Négrier De La Crochardière, Observations sur la ville du Mans, manuscrit, tome ii, p. 72.
134 Extraits des registres de l’Hôtel de Ville de 1657. Annuaire de la Sarthe, Le Mans, 1835.
135 Lettres patentes du Roy pour l’establissement de l’Hospital General du Mans, Le Mans, Hiérosme Olivier, 1668, 12 p.
136 « Estat et memoire des hospitaux particuliers de la ville du Mans qui ont esté reuniz a l’hospital general par declaration du Roy », manuscrit de 6 p., dans Hospitaux generaux sous la protection de la Vierge, documents conservés à la bibliothèque SASAS sous la cote 4° 1005.
137 Livre du secrétariat dans lequel sont contenus les ordonnances conclusions et statuts de messieurs les venerables doyen, chanoines et chapitre de l’eglise royalle de Saint-Pierre du Mans par la fondation exempte et libre et soubmize immediatement au sainct Siege Apostolique, 1659-1668. Arch. dép. Sarthe cote G 493, folio 335.
138 Cousin germain de Julien avocat, « René Bodreau consigna les ravages de l’épidémie de 1662 dans ses Observationes medicæ aujourd’hui perdues ». P. Delaunay, Études sur l’Hygiène, l’Assistance et les Secours publics dans le Maine, Le Mans, Monnoyer, 1920, 2e série, p. 32.
139 Voir les registres paroissiaux de Saint-Benoît pour les sépultures de août et septembre 1611, par exemple. Médiathèque Louis Aragon, cote 88-14-38 vol. 13 b.
140 Paul Delaunay les a étudiés en détail dans ses ouvrages.
141 Registres de l’Hôtel de Ville du 25 janvier 1584 au 8 mai 1585. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
142 Arrêt n° 263 du 13e registre de l’Hôtel de Ville. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
143 Arrêt n° 653 du 12e registre de l’Hôtel de Ville. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242.
144 Il ne fait aucun doute que le notaire n’a pas accompagné son fils dans ce deuxième refuge.
145 Julien a dû faire une erreur ici : le 3 juin est un jeudi puisqu’il écrit : « le dimanche 6 juin » au f°103v° et « le sabmedy 12 juin » au f°104. Il a d’ailleurs hésité : il avait écrit « le samedy 5 » au f° 104, puis il a rayé le jour pour mettre « vendredy 3 », ce qui prouve ici une rédaction postérieure au fait.
146 Un careleur est un fabricant de semelles.
147 Cette famille mancelle compte plusieurs médecins attachés, à l’époque moderne, à quelques grands seigneurs du royaume. P. Delaunay, Ceux qui soignaient nos pères, Médecins manceaux d’autrefois, Laval, A. Goupil, 1921, pp. 49 et 50. Les Bodreau sont amis de Noël mort à 87 ans en 1650 et de son frère Charles ou de son fils Simon qui soigna l'avocat en 1658.
148 P. Delaunay, op. cit., p. 32.
149 C. Morand, op. cit., p. 868.
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