15. Figure du deuil professionnel
Du « vrai » journalisme au journalisme d’organisation
p. 255-272
Texte intégral
1Les journalistes des médias dominants aiment voir dans la communication et ses serviteurs –les communicants et autres chargés de presse ou « dircoms »– sinon des ennemis à combattre, du moins des dispositifs qui les empêcheraient de bien faire leur métier. Ils seraient obligés de les contourner pour accéder aux sources pertinentes, celles qui n’auraient pas d’abord pour mission de leur vendre de « belles » images ou autres « belles » histoires, celles qui ne les « endormiraient » pas, ou ne les « enfumeraient » pas, comme ils disent parfois, celles qui ne seraient pas d’abord ajustées à leurs formats pour mieux faire passer des messages partiels, tronqués, voire inutiles… Ils savent certes qu’ils doivent produire des compromis quotidiens1. Mais peu importe : la communication a aussi cet avantage de permettre au groupe des gens de presse de construire une frontière entre un « dedans » et un « dehors2 ». Au journalisme, la pureté ; à la communication, la souillure. Des journalistes franchissent cependant la frontière pour devenir communicants. On pourrait penser que leur nombre augmente avec la précarisation du journalisme et ses cohortes de précaires rendant moins fréquentes les trajectoires rectilignes. Les anciens journalistes sont aujourd’hui pourtant proportionnellement moins nombreux parmi les communicants. C’est que d’autres filières d’accès existent et que les frontières des métiers de la communication sont moins poreuses, les formations spécifiques montant aussi en puissance d’année en année.
2Ce passage d’un univers à l’autre contraint ces journalistes à mettre à distance l’idéologie professionnelle qui les a construits, certes différentiellement selon leurs passés sociaux accumulés, selon leur famille journalistique d’appartenance aussi (la communication n’est pas regardée tout à fait identiquement en presse professionnelle par exemple). Il faut aux gens de presse qui passent la frontière faire un travail du deuil. Il est plus ou moins douloureux mais ne va jamais de soi, en particulier lorsque ces journalistes d’une presse dite de qualité deviennent non pas des chargés de presse ou « dircoms », par exemple, mais des journalistes d’organisation, soit des rédacteurs ne pouvant a priori plus disposer de cet objet symbolique qu’est la carte de presse. Ils n’appartiennent plus à des entreprises de presse. Ils sont désormais au service d’organisations aussi différentes que des entreprises privées, des associations, des collectivités territoriales ou des institutions publiques. Ils écrivent encore mais ne sont plus considérés comme de « vrais » journalistes…
3Travail du deuil : retenir un concept psychanalytique3 peut paraitre présomptueux pour celui qui souhaite faire œuvre de sociologue, le deuil étant ici compris comme la réaction à la « mort » d’un objet investi affectivement et comme un passage difficile d’un état à un autre. La voie a déjà été (un peu) empruntée. Pour ne retenir ici que deux illustrations, Pierre Bourdieu a utilisé cette catégorie d’entendement pour penser d’autres processus que la perte d’un être cher, en particulier pour définir le « vieillissement social » défini comme « ce lent travail de deuil » qui « porte les agents à ajuster leurs aspirations à leurs chances objectives, les conduisant ainsi à épouser leur condition, à devenir ce qu’ils sont, à se contenter de ce qu’ils ont4 ». Autre exemple –et cette fois-ci en sociologie des médias–, un jeune sociologue analysant le « travail du deuil » auquel sont soumis les étudiants d’écoles de journalisme sommés de rabattre leurs prétentions et d’adapter leurs projections à l’état des débouchés, a montré de son côté que le travail du deuil est aussi un travail de réinvestissement quand il est souvent pensé, ce qu’il est aussi, comme un processus de séparation au cours duquel une personne se déprend de « quelque chose5 ».
4Le psychanalyste Jean-Bernard Pontalis n’a cependant pas tort d’indiquer que l’« expression […] a aujourd’hui perdu sa force énigmatique tant elle est utilisée à tout va6 ». De même, Martine Lussier dans sa thèse sur Le Travail de deuil s’étonne de son « usage inflationniste » quand cette expression d’abord technique n’apparait que deux fois dans les écrits de Freud7. Deux spécialistes, Marie-Frédérique Bacqué et Michel Hanus, vont jusqu’à croire que « l’usage extensif du mot deuil a déjà réussi, en bonne partie, à l’expurger de la mort ». Et de craindre que « bientôt il ne parlera même plus de la souffrance8 ». Autant dire que cette contribution pourra(ait) être un indicateur de plus, si l’on retient par analogie ce que disait Pierre Chaunu de la mort (la « mort bavarde »), d’un deuil devenu lui aussi « bavard »…
5L’expression « travail du deuil » reste malgré tout heuristique. Mais, pour éviter les usages surplombants sans matériel empirique, il peut être utile de se focaliser sur un passage incarné – ici celui de Julien, journaliste dans la PQN [Presse quotidienne nationale] devenu, jeune encore, journaliste d’une collectivité territoriale9. Mais deux conditions au moins s’imposent : ne pas oublier que le biographé ne dit pas tout et ne veut pas toujours « tout » dire ; ne pas croire non plus que le chercheur met forcément à jour ce que l’enquêté « cacherait » ou « se cacherait ». N’est pas psychanalyste qui veut… Julien présente cependant un avantage complémentaire et fort utile, tellement il est peu fréquent en sciences sociales de revoir le ou les mêmes enquêtés à plusieurs années de distance. Julien a été en effet questionné la première fois en juin 2007 ; la seconde en septembre 2011. Avec la même ambition : mieux comprendre le passage d’un univers à l’autre. Mais, la seconde fois, il s’agissait bien de lever quelques interrogations restées présentes10, de le faire réagir à mes propres interprétations, de saisir à quatre ans de distance ce qu’il restait d’une douleur passée et des analyses qu’il pouvait en faire.
6Julien travaille dans une très grande agglomération. Il occupe un poste qui se répand : il écrit aussi bien pour le magazine municipal que pour le site web de la Ville. En 2007, son poste le désignait comme un « journaliste bi-média ». En 2011, les nomenclatures l’appréhendent comme un « journaliste plurimédia », l’expression indiquant autant les évolutions technologiques que les contraintes qui pèsent sur les nouveaux entrants sommés d’en savoir toujours plus. Julien est un trentenaire. L’entretien se déroule à chaque fois dans un petit restaurant près de la mairie à l’heure du déjeuner. La première fois, je le retrouve après l’avoir seulement croisé à plusieurs cérémonies du diplôme qu’il a suivi il y a quelques années et dans lequel j’ai pu intervenir. Je n’ai jamais beaucoup échangé avec lui sur son parcours quand il était étudiant, sinon rapidement sur son passé : il suivait cette formation pour communicants après avoir été journaliste en PQN et il était diplômé (en 2000) d’une des plus grandes écoles de journalisme dite « reconnue par la profession ». Il se remettait d’une dépression survenue alors qu’il était pigiste permanent. C’est justement ce passage a priori douloureux de la PQN à la presse territoriale qui m’importait et me poussait à le solliciter.
7Une double conviction guide l’interprétation qui structure cette contribution. Sans nier la nécessité de « tuer le mort » pour reprendre l’expression d’un spécialiste du travail du deuil11 –le deuil impose un travail de séparation permettant d’étancher la perte consécutive à l’objet disparu–, tout donne à penser qu’un deuil professionnel peut aussi se vivre en revisitant autrement les lieux parcourus. La perte professionnelle, si elle peut être douloureuse, n’est évidemment pas du même ordre que la perte d’un être aimé. Dans ce dernier cas, « l’endeuillé doit reconnaître l’absence de l’objet, mais aussi que cette absence ne sera plus suivie de la présence de l’être désiré : Never more », souligne Jacqueline Lubtchansky12. Le deuil professionnel peut avoir ceci de spécifique que l’objet est à la fois absent sans l’être tout à fait ou, plutôt, que sa présence n’est pas forcément lointaine, en particulier lorsque l’acteur dispose d’une activité faite de savoir-faire proches ou connexes et lorsqu’il se déplace dans un univers limitrophe. Les lieux sont ici faits d’une frontière dont le spectre du passage –du journalisme à la communication– peut marquer une forme de « déchéance » vis-à-vis de soi et des autres. Mais après quelques années, Julien paraît avoir réussi à transformer la ligne que représentait la frontière irréductible séparant deux mondes et « l’interdit » professionnel du passage en une zone faites de contacts et relations lui permettant de revisiter plus positivement ses actuels investissements.
8La seconde conviction est qu’un deuil professionnel, toute chose égale par ailleurs, possède d’autres similitudes avec les processus à l’œuvre dans un deuil « ordinaire » et pas seulement ce sens de la séparation et du désinvestissement : la perte, comme l’a montré Mélanie Klein, peut s’analyser comme un « trauma second » ; elle remet chacun face à ses investissements précoces. Klein complétait ainsi utilement le questionnement d’un Freud insistant sur cette perte mais frappé par l’étendue de la douleur qui lui semblait si complexe à expliquer13.
Travailler ses frontières mentales
9Le travail du deuil est un processus. Daniel Lagache soulignait que « rien ne suggère l’idée d’une activité, d’un travail. Il se peut cependant que cette banalité soit banalisation, que cette résignation soit le fruit d’un travail souterrain, de défense et d’adaptation »14. Ce sont sans doute des « conduites de liquidation » qui ont permis progressivement à Julien d’imaginer un autre devenir et de penser son passé de journaliste précisément comme un passé. Comme le rappelle encore Lagache, « en général, tout attachement à autrui implique à la fois ambivalence et confusion avec autrui15 ». Et le survivant, pendant le deuil, « se clive progressivement du mort16 », il va « se trouver affranchi de son identification avec le mort17 ». Dans un autre article sur le « deuil pathologique », le même auteur explique que « le travail du deuil est un travail de dégagement18 ». Toute chose égale par ailleurs, ce « dégagement » professionnel ne se fait pas sans hésitations, retours en arrière et craintes de ne plus être regardé par les autres avec la même « valeur ».
Du journaliste au rédacteur
10Le deuil professionnel impose de pouvoir donner et se donner une autre définition de soi et de son activité. Julien ne se définit ainsi plus comme un journaliste. Il commence d’ailleurs par le préciser dès l’entame du premier entretien, alors que je retenais le vocable de « journaliste » pour voir comment il allait s’en saisir. Je voulais voir s’il allait, avec ces termes, provoquer ou non de la continuité avec ses investissements passés dans la PQN. Or, tout de suite, Julien note qu’il ne veut pas être pris pour ce qu’il n’est plus. Mais il ne s’y s’attarde pas :
« – Comment en êtes-vous venu à être journaliste ?
– Déjà, première précision, je ne suis plus journaliste. Je ne me considère plus comme un journaliste. Donc je me considère comme… [hésitations] mon titre colle assez bien à ce que je fais, je suis rédacteur. »
11Quelques minutes plus tard, après avoir expliqué en détail les étapes, après le diplôme en communication, qui l’ont mené dans cette grande agglomération, il s’y arrête à nouveau :
« On y reviendra peut-être […], mais ce n’est pas un boulot journalistique, c’est un boulot à la manière journalistique mais dans un cadre de collectivité donc avec plein de contraintes forcément. […] Quand je ne veux pas me fatiguer à dire, à expliquer tout ce que je fais, parce que c’est compliqué, je dis : “Je suis journaliste à la ville de X”. Mais j’essaie de ne pas trop le dire quand même, je ne trouve ça pas bien de le dire parce qu’on n’est pas journaliste. On n’est pas autonome donc on n’est pas journaliste. On n’est pas indépendant et on n’a pas de carte de presse. Et la carte, c’est important parce que c’est plus que symbolique, c’est aussi ce que vous faites réellement dans votre travail.
– Mais vous disiez tout à l’heure que certains réussissent à passer à travers les mailles [il m’avait dit que l’un de ses chefs avait réussi à avoir la carte de presse19].
– Oui, ils sont en paix avec leur conscience peut-être mais moi je ne le serais pas.
– C’est ce que j’allais dire, ça vous semble inimaginable…
–… Complètement…
–… de revendiquer la carte de presse…
– Complètement. Complètement. Moi, je n’irai jamais la demander. Jamais. Ce serait du foutage de gueule, enfin je veux dire c’est… non ! pas ici !… il faut l’assumer. Simplement on le fait de manière… on essaie de le faire de manière ludique, de ne pas s’emmerder, de faire des choses… de ne pas mentir aux gens voilà, ça c’est vrai, ça veut dire qu’on ne fait pas de la désinformation ou du… mais ça reste de la communication. C’est écrit dès la couverture, dès la couverture du journal “Magazine d’information de la ville de X” avec le logo mairie de X.
– Vous m’avez dit “on joue avec”…
– C’est-à-dire qu’il y a une autonomie quand même. Donc c’est pour ça que ça peut se rapprocher d’un point de vue journalistique.
– L’autonomie mais pas l’indépendance ?
– Voilà. Exactement. L’indépendance, ce n’est même pas le problème, enfin ça serait absurde. Tu es embauché par la Ville, tout le monde sait très bien que la com est liée au cabinet du maire, celui qui dirait le contraire serait un idiot ou un menteur. Mais par contre Oui, on a une autonomie. C’est pour ça que le magazine est correct parce qu’on a une autonomie, et ça se sent. Donc on peut au niveau de la maquette, au niveau des encarts, des articles, au niveau de la forme aussi, de la manière dont c’est écrit, la forme…
– Vous avez l’impression que c’est un travail journalistique ?
– Oui, oui, tout à fait. Je fais un travail journalistique mais je ne suis pas journaliste. C’est un peu schizophrène [il rit] mais c’est la vérité. »
12Le lien direct avec l’institution qu’il est chargé de servir l’empêche d’être un « vrai » journaliste. En particulier, il ne peut adopter l’un des tout premiers principes du métier, croiser ses sources et donc, ce faisant, visibiliser au moins a minima de la « dissonance » dans ses articles – un « vrai » journaliste qui mène l’enquête va donner la parole aussi bien au maire qu’à ses opposants, aussi bien au chef d’entreprise qu’aux syndicalistes, etc. Pour se faire comprendre, Julien s’appuie alors sur un long article qu’il vient d’écrire et dont il est fier. Il pense même que c’est l’un des meilleurs articles qu’il ait fait, y compris quand il était en PQN. Un article sur un chanteur décédé qui a marqué la ville.
« – Cet article, vous avez l’impression que vous auriez pu le faire identiquement dans un média avec la carte de presse donc ?
– Oui. Tout à fait. Celui-là, oui parce qu’on est dans la culture […]. J’aurais pu le faire peut-être dans un média du style un peu Match, des médias un peu sympas, pas trop contondants mais oui oui oui parce que je l’ai écrit vraiment avec mes tripes.
– Mais ce n’est pas le cas avec les autres papiers…
– [silence] Oui, ce n’est pas le cas des autres papiers parce qu’il manque des sources…
–… Il manque des sources…
– Bien sûr. Les sources, ce sont toujours les mêmes. Ce sont les administratifs de la Ville, les politiques de la Ville, les habitants lambda aussi mais il manque des sources, il manque l’opposition [il rit]. Oui, de fait. Un journaliste appellerait l’opposition. Il croiserait les sources.
– Là, vous ne pouvez pas croiser ?
– Je ne pense pas, non. On complète. On ne croise pas.
– C’est-à-dire ?
– Parce que… par exemple s’il me faut… je veux avoir un article vivant. Ce que j’aime, c’est le reportage donc j’ai fait un truc aussi sur les piscines. C’est marrant, je me suis bien marré avec les piscines. Forcément, je ne compte pas avoir que le mec des piscines qui me raconte… l’administratif qui me raconte tous les trucs. C’est sympa mais les gens s’emmerderont. Donc je vais voir le public, je vais poser des questions : “Comment ça se passe ? Racontez-moi des trucs, les gamins…”. Je vais le faire quasiment à la manière dont je le faisais au [cite le quotidien national où il travaillait], absolument pareil, absolument pareil. Sauf que, ce qui a manqué, c’est la voix dissonante si elle existe.
– Vous en discutez de ça ?
– Non […] on se marre juste avec ça, on rigole avec ça de temps en temps [il précise que tous les journalistes territoriaux qui sont avec lui sont d’anciens journalistes]. »
13Comment peut-il, lui qui se construisait dans un quotidien valorisé et valorisant, continuer à faire « un travail journalistique » sans « être un journaliste » et, surtout, ne pas se déprécier ? Il paraît y parvenir en repoussant les limites de ce qu’il peut faire. Ainsi, il multiplie les reportages, genre qu’il apprécie le plus. Il varie aussi les types de sujets. Il convient qu’il a finalement une « possibilité de travailler sur des objets plus variés » que dans le quotidien national où il était en poste. Il n’est pas limité par les logiques de services et de rubriques de la presse ordinaire qui interdisent d’imaginer écrire sur une autre question que celle qui est attribuée. Il dispose encore d’une marge de manœuvre plus large pour choisir ce qu’il entend traiter. Il était pigiste certes permanent mais n’était pas en position de refuser les demandes.
Tirer profit de valeurs journalistiques improbables
14Mais il serait difficile de comprendre ce qui permet à un ancien journaliste ayant investi dans la figure du « vrai » journaliste de « tenir » en collectivité territoriale s’il n’était pas ici expliqué que l’autonomie dont il dispose –autonomie qui fait partie des valeurs journalistiques– est le résultat paradoxal d’une rencontre. Tout donne à croire, en effet que, pour que Julien puisse se sentir un minimum heureux dans son rôle, il faut bien qu’il puisse y investir un minimum de son passé. Cette rencontre est celle d’un désir de journalistes –il est peu de journalistes, même territoriaux, qui n’aient pas envie de se sentir plus autonomes– et d’une stratégie de communication pensée par leurs « chefs » qui aboutit à leur octroyer de l’autonomie. Surtout quand, comme dans cette municipalité, le maire est un ancien communicant. Le paradoxe n’est qu’apparent : les communicants se proposent, en effet, de construire des médias qui sont le plus proches (ou le moins éloignés) des « vrais » médias grand public. Ils le font pour qu’une certaine crédibilité leur soit accordée, pour que les (des) lecteurs s’y laissent « prendre » aussi. Les communicants tablent justement sur la présomption de crédibilité qu’emportent encore avec eux les « vrais » journaux. En parlant de ce qui se fait dans la ville, et pas seulement de ce que font la Ville et ses édiles, l’enjeu est bien d’espérer qu’une imputation positive soit possible à terme, au moment de l’élection20. C’est pourquoi la communication territoriale est tant marquée par l’éviction de la politique ordinaire, de ses luttes et de ses petites phrases… En conséquence, cette logique de « dépolitisation » caractéristique des médias territoriaux depuis les années quatre-vingt (ou, d’une autre manière, de la communication d’entreprise) donne du « jeu » aux journalistes d’organisation. Ils peuvent un peu mieux s’y retrouver ; un peu moins se penser comme différents des « vrais » journalistes. Ici, par exemple, les journalistes territoriaux ont le soutien massif du cabinet du maire (où plusieurs communicants sont présents) qui leur sert de « bouclier » en empêchant les directeurs de service, les adjoints et leurs cabinets de réclamer plus – ils ne sont supposés, lorsqu’ils relisent les papiers, que vérifier les chiffres. Mais c’est un « rapport de force », précise Julien qui qualifie de « pragmatique » ses relations avec des adjoints ou administratifs avides d’imposer des « validations ». Tout se joue, selon lui, « au cas par cas ».
15Il y a plus. Les médias d’organisation continuent à se transformer à grande vitesse – hier le « papier », aujourd’hui le web et déjà les réseaux sociaux. Alors que les élus sont très attachés au « papier » et imposent des routines perçues comme pesantes aux rédacteurs – des validations et autres relectures qui prennent plusieurs semaines – ils peuvent laisser les journalistes « plurimédias » en quasi autonomie et auto-contrôle, ne pas exiger relecture, et permettre à chacun de se penser « libre ». Sans doute, chacun sait qu’il ne peut aller bien loin. Julien dit par exemple qu’il ne peut « allumer la mèche » (ce qui signifie contester les pouvoirs). « Allumer la mèche, c’est un des fondamentaux du journalisme », rappelle-t-il. « Ça manque un peu ici, on ne divulgue rien, on ne met pas en cause les pouvoirs, on est dans le pouvoir […]. Tu ne mets pas en danger les pouvoirs, tu ne peux pas titiller tes interlocuteurs. »
16Mais le numérique lui offre une ressource identitaire rassurante. Il n’a besoin de personne pour se rendre compte qu’il n’est plus un « vrai » journaliste ou plus tout à fait un « vrai » journaliste. En étant cependant là aussi « autonome », en abordant les rives de « la modernité » à laquelle est attaché le numérique, il peut avoir l’impression, pour une part au moins, de ne pas se renier et d’écrire presque comme un « vrai » journaliste. Il se pense ainsi désormais, beaucoup plus que lors du premier entretien, comme un rédacteur délaissant le papier : « J’ai basculé dans ma tête. » Il précise même qu’il ne fait plus parvenir à ses proches un exemplaire papier du journal territorial.
« – Je suis [aujourd’hui] plus intéressé par le numérique. Entièrement ! C’est moins validé. Le numérique c’est en flux direct, tu fais ton article, tu appuies sur le bouton, tu le publies, sans le faire relire par ton chef.
– Ah bon ! Aucune relecture ?
– Non. Tu ne fais pas relire. Il n’y a aucune validation. Le papier alors là c’est tradi. Relecture, relecture, relecture ; cabinet du maire, cabinet du maire ! Le numérique il n’y a des validations que pour la page d’accueil ! S’il y a un problème, ils te le disent mais moi je n’en ai jamais eu. Tu signales que tu as fait un papier, ils le mettent ou non sur la page d’accueil mais c’est tout, ils sont juste au courant. »
« Le web est devenu beaucoup plus sexy et le site aussi, il a radicalement changé, il est beaucoup plus beau, il est énormément consulté [il donne le chiffre], c’est beaucoup. C’est plus sexy que de dire : “Le vote du conseil municipal…” Et puis, l’approche culture-loisirs a été démultipliée. […] Le web est tellement réactif ! Tous les jours, tu as de la nouveauté, il est mis à jour le week-end aussi. Ça bouge tout le temps, tout le temps, tout le temps en cours de journée. C’est beaucoup plus sexy qu’un trimestriel papier qui arrive dans une boîte aux lettres. Et les gens sont connectés tout le temps, internet, […] téléphone. […] Tu as plein de retours. »
17Pour aller plus loin et comprendre les images mentales que proposent Julien, Marie-Lorraine Pradelles de Latour offre un texte qui, par analogie, constitue un précieux levier. Elle consacre en effet une étude suggestive –et éloignée de la sociologie des médias– aux récits généalogiques puisés dans le bassin houiller lorrain. Dans cette région dont les habitants ont changé en 150 ans 5 fois de nationalité et 7 fois de tracé, la question de la frontière travaille les imaginaires d’une manière non homogène. L’auteure repère deux types de perception : une « frontière-ligne » versus une « frontière-zone ». Pour la première « la frontière [est] comme une ligne de séparation, lieu et enjeu d’affrontements sanglants ». Dans la seconde, elle est comme une « zone de contact et facteur d’union21 ». Ici, la « ligne conventionnelle, léger trait sur une carte, se pren[d] tout à coup à avoir de l’épaisseur, de la profondeur. La zone-frontière devient un territoire qui s’ouvre largement22 ».
18Il serait trop simple de faire dire à Julien la même formule que certains Lorrains retiennent –« nous sommes de la frontière »–, formule qui permet des alliances et des bricolages identitaires. En même temps, tout semble se passer comme s’il avait réussi à redessiner son espace mental et les frontières qui le parcourent. D’une part, il ne regarde plus comme avant la communication avec mépris, sinon condescendance, comme il le faisait lors du premier entretien :
« L’idée générale [quand j’ai cherché du travail dans les médias], c’était : on ne s’est pas fait chier à faire ce concours [de l’école de journalisme] pour faire de la presse municipale. Et puis, il y avait quand même cette idée qu’on était l’élite […]. 50 % qui venait de Sciences Po. […] C’était tout de même une ambiance élitiste. Mais c’est aussi le milieu socio-culturel : il y avait très peu de fils d’ouvriers ! […] On faisait une grande école, on se voyait travailler dans un média de valeur. Pas la presse municipale ou même la PQR [Presse quotidienne régionale]. Très peu sont retournés en province. »
19D’autre part, il s’est « réconcilié avec le regard des autres », comme il le dit aujourd’hui. L’une de ses premières craintes quand il revoit ses anciens pairs de l’école de journalisme et alors qu’il vient de basculer dans la communication est bien de susciter de la moquerie, à tout le moins de paraître un étranger à ses anciens pairs. « Les gens qui étaient avec moi regardaient ça comme un truc un peu étrange [le fait de devenir communicant] », précise-t-il. Mais en s’appuyant sur la dépolitisation tendancielle des médias d’organisation, en jouant avec leur transformation numérique, en se pensant comme « autonome », il peut croire qu’il n’est pas éloigné radicalement de son ancien métier. Il peut ainsi observer que deux membres de son service ont rejoint deux des médias numériques les plus valorisés dans le domaine de l’information, dirigés par d’anciens directeurs de rédaction de médias dits « de qualité ». « L’émergence du numérique, ça m’a donné envie de postuler dans des sites de presse » précise-t-il aujourd’hui. « C’est nouveau. Avant tu arrivais, tu restais [dans la communication]. Maintenant tu as des allers-retours. » Pour Julien, tout donne à voir que le numérique est bien ce qui rapproche deux mondes hier séparés :
« C’est aussi la crise de la presse [qui permet de regarder autrement] : on sent qu’ils vont encore en faire des wagons dans le papier. […] Il va y avoir des licenciements. Ils vont les fourguer où ceux qui restent ? Ils vont les mettre dans le numérique. »
20Peu importe que ces cas constituent des exceptions plus qu’une nouvelle norme en devenir, Julien peut se penser comme n’étant pas si différent de ce qu’il était hier encore. Peu importe, aussi, que cet horizon devienne demain une réalité pour lui. Ce qui compte ici est qu’il construit des continuités plus que des ruptures définitives et, en conséquence, dispose d’une identité valorisante. C’est bien pourquoi il en vient à penser autrement la frontière entre le journalisme et la communication. La ligne qui sépare les deux univers et est facteur d’affrontements devient ainsi, dans sa tête, une zone ouverte, travaillée par des contacts – s’il est repris ici par analogie la distinction proposée par Marie-Lorraine Pradelles de La Tour.
21On comprend alors mieux qu’il offre aujourd’hui à l’enquêteur de nouvelles nominations lui permettant de se définir. Avant-hier « journaliste », hier « rédacteur », désormais « journaliste institutionnel », précise-t-il lors du second entretien. Le vocable de « journaliste » réapparait dans son langage, fût-il affublé d’un qualificatif. Il va même jusqu’à parler des « métiers journalistiques », jouant là encore de la continuité en retenant le pluriel.
22Le travail du deuil professionnel est ainsi l’occasion de produire, de s’approprier, de détourner des mots, catégories, images mentales qui sont autant de techniques de neutralisation dont le contenu peut aller au-delà de celui imaginé par Sykes et Matza23, repris par Becker [1986]. Ils envisageaient ces techniques comme des justifications proposées par des déviants pour rendre possible ce qu’ils étaient et faisaient. Les procédés de neutralisation peuvent être pensés, plus largement, comme des répertoires normatifs facilitant sinon une « conversion identitaire » ou autre « altération », du moins une « re-socialisation », pour reprendre les concepts des sociologues Peter Berger et Thomas Luckmann24.
Deuil et investissements infantiles
23Aujourd’hui, Julien peut avancer dans un sourire et avec distance : « Il a été long mon travail de deuil ! » Six années de cure psychanalytique lui ont été nécessaires, dit-il. Ce serait cependant trop simple de voir dans le travail du deuil un simple passage ou une séparation qui auraient à voir avec les seules représentations intériorisées du « bon » journalisme qu’il s’était construites au fil de ses projections et investissements proprement journalistiques et qu’il aurait réussies progressivement à mettre à distance en redessinant des frontières solidifiées. Il n’y a pas lieu ici de juger si le travail du deuil est « terminé », mis entre parenthèse ou toujours latent ou, autre possible, de dire que Julien avait, lorsqu’il a dû affronter son changement identitaire, une « aptitude au deuil » –pour retenir le concept d’un spécialiste25– peut-être moins grande que d’autres, tant son deuil semble avoir été douloureux. Le constat dépasserait les compétences d’un sociologue qui voit et sent cependant que Julien parle désormais beaucoup plus aisément de son passé, avec plus de distance, moins d’affects, moins d’émotions.
24Mais ce qui se jouait renvoyait aussi à de puissants investissements familiaux. Lorsque Julien est confronté, lors du second entretien, à cette hypothèse, il semble pourtant comme hésiter : « Peut-être… Je ne me suis pas posé la question en ces termes » avance-t-il. Il avait pourtant fourni à l’enquêteur tous les matériaux nécessaires lors de l’échange précédent sans que sa « conscience discursive26 » n’en systématise la portée. Il y a lieu d’en tester l’hypothèse.
Héritages
25En 2007, Julien paraissait déjà avoir retrouvé un équilibre. En particulier, il pouvait avoir le sentiment, en étant journaliste territorial, de ne pas être en rupture avec un univers familial sur lequel il s’attarde beaucoup en entretien – il parle à plusieurs reprises de ses parents, une fois de sa grand-mère, une autre de son frère. Sa famille a visiblement été à la fois sources de bonheur et d’autonomie –ses parents lui ont par exemple offert très jeune un appartement– mais aussi de contraintes et de souffrances. Le regard de son père pesait fortement sur lui. Pour obtenir sa reconnaissance, il se sentait sommé d’avoir des objectifs scolaires très difficiles à atteindre. Son père est agrégé dans un des grands lycées parisiens et n’imaginait pas ses enfants autrement que reçus dans les premiers dans ce qu’il imagine être des lieux d’excellence… Julien a suivi sa scolarité au lycée Henri IV, a poursuivi en hypokhâgne. Il a ensuite été admis dans une des plus grandes écoles de journalisme après une licence d’histoire.
26L’estime du père n’est en fait pas ruinée par ce nouvel horizon « territorial » fait d’un travail qui se situe dans une très grande ville de gauche. Surtout que Julien, sans être encarté au Parti socialiste, en est un sympathisant actif. Il participe ainsi à des campagnes électorales dans sa ville de résidence qui jouxte celle où il travaille. Le lien et la reconnaissance du père sont d’autant plus envisageable que celui-ci est un militant très actif du Parti socialiste. Jeune militant à l’extrême gauche, il avait par exemple aussi participé aux Comités Vietnam. Depuis les engagements politiques, mais aussi associatifs et syndicaux, se sont enchaînés. Son père est très attaché au service public. Julien dit par exemple que dans sa famille « il y a une culture très forte de service public » et il ajoute : « Même dans un métier de com [comme à la mairie], c’est aussi un service public, c’est aussi informer les gens et je pense que ça, c’est un peu un héritage familial. » Il utilise plusieurs fois dans l’entretien le terme d’« héritage ». C’est dire qu’il aurait été impensable d’intégrer une agence en communication après son troisième cycle…
« Ce n’était pas mon monde. Trop policé. Un peu trop “faux cul” [rire]. Et puis pas une autonomie sur des sujets intéressants. J’aurais été juste un pion sur l’échiquier et un pion… on est tous des pions quelque part mais un pion qui n’a pas à la fois une grande valeur et une grande autonomie. » (Entretien 1)
« [Les agences de communication] ont une relation clientèle qui ne m’intéresse pas du tout […]. Ils ont un rapport commercial, ils ont des clients. Nous, on est au service de la Ville, on n’a pas de client… […]. Finalement dès fois on se dit : “On n’est pas plus libre parce qu’on n’a pas l’autonomie totale, et la liberté, mais on n’est pas dépendant d’un annonceur, d’un pouvoir monétaire”. » (Entretien 2)
27L’enquêteur sent aussi que son père a révisé, inquiet, les exigences qu’il avait et s’était fixé pour sa progéniture. Le matériau manque mais deux précisions disent suffisamment que le « poids » du père n’est ici pas un vain mot. Alors que Julien est d’abord reçu à une école de journalisme ne se situant pas dans les trois ou quatre premières, il surprend une conversation, son père disant à sa mère qu’aller dans cette école serait « un échec ». Revenant sur cet épisode, lors du second entretien, Julien retient même le terme de « défaite ». Finalement, il suivra un des meilleurs cursus, la liste d’attente ayant joué en sa faveur pour qu’il puisse intégrer l’une des plus grandes écoles. Il dit aussi que son père était « inquiet » qu’il ne trouve pas plus vite de travail à la sortie du 3e cycle de communication suivi après avoir quitté la PQN. Et l’expression qu’il utilise –« sur ces questions-là »– permet encore mieux de saisir la difficulté du fils à se sentir « à la hauteur », chargé qu’il s’est cru aussi longtemps de « rassurer » son père sur le chemin qu’il tente de prendre. Il le présente comme « anxieux sur ces questions-là » et l’on perçoit que l’amour rassurant de sa mère a dû compenser cette difficulté du fils regardant son père le jugeant et l’évaluant – « mes parents étaient beaucoup inquiets, ils l’ont montré, mon père l’a plus montré parce qu’il est anxieux sur ces questions-là mais ma mère était confiante ».
28L’investissement de Julien dans le monde de la presse est ancien. Il le date du lycée. Il dit même qu’il « a toujours eu un goût pour la presse » et que « l’actualité » l’intéresse depuis la plus tendre enfance. Il précise aussitôt, marquant un nouvel « héritage » :
« Ça c’est familial aussi […]. Mon père a toujours lu, ma mère aussi. C’était deux quotidiens par jour Libé, Le Monde, toujours d’ailleurs maintenant, et un hebdo. Le Canard Enchaîné, voire un autre hebdo selon les époques, L’Evénement du jeudi, Marianne ou L’Obs. Et puis je me suis toujours intéressé à l’actualité. Je peux quasiment dire depuis que je suis en âge de parler. J’ai des souvenirs très précis. »
Une dépression
29À la sortie de l’école, après un stage de plusieurs mois dans deux médias de premier rang, dont un quotidien et un hebdomadaire, Julien accepte une opportunité qui le place encore plus dans une position de hauteur, risquant de rendre plus tard douloureux le quotidien d’un entrant. Il accepte de devenir professeur en journalisme dans un pays en voie de développement, lui qui n’a fait que des stages et n’a jamais été en poste. Il reste deux ans en coopération et se passionne pour l’islam. Lorsqu’il revient, il fait jouer son « réseau », dit-il. Il est aussitôt engagé comme pigiste dans ce quotidien national. Le rythme est effréné. Il craque au bout de deux années. Il en parle en deux temps au cours de ce premier entretien. D’abord quand je lui demande si après cette expérience en quotidien il n’avait pas eu envie de tenter d’intégrer un magazine. « Je n’ai pas souhaité, en fait », répond-il. Je lui repose aussitôt la question, après un silence :
« – Vous n’avez pas souhaité ?
– Non.
– A cause du statut de pigiste ?
– Oui et puis [il paraît hésiter à parler] je ne sais pas. Oui, il y a eu une forme de… on va dire un nouveau tournant ou une rupture, un des deux ou les deux ensembles mais… [le silence paraît pesant]
– Vous vous êtes dit : “Il faut que je passe à autre chose” ?
– Oui. »
30Il faut attendre plusieurs minutes pour imaginer y revenir – il n’est pas simple de parler de ses échecs à un inconnu alors que la posture d’entretien met souvent en position valorisante, l’enquêté donnant du sens à son récit biographique ; l’enquêteur peut aussi avoir l’impression d’être intrusif et de ne pas savoir étancher l’émotion qui pointe. Mais on aura une idée de la puissance des investissements passés et du « poids » du regard paternel en évoquant le moment de rupture. Julien ne choisit pas de quitter la PQN. Il explique certes qu’il a hésité, un temps, à démissionner de son poste de pigiste permanent qui le faisait travailler tous les jours et le maintenait dans l’espoir d’être intégré un jour prochain à la rédaction. Il évoque un sentiment de « honte » à la hauteur de l’identité qu’il s’est construit, qu’on lui a construit et dont il sent qu’elle n’est pas susceptible, alors, de trouver aisément des substituts. À un moment, il n’a plus le choix. Il n’arrive plus à écrire. C’est l’écriture de presse, qu’il a eue du mal à acquérir précise-t-il bientôt, qui le lâche. Il est obligé de quitter le quotidien. Il « tombe » en dépression. Les conditions de travail sont trop éprouvantes sans nul doute. Mais ce qui produit chez Julien des effets dévastateurs, c’est aussi probablement cette « peur d’être puni et dépouillé par ses parents », pour reprendre les propres mots de Mélanie Klein. Au moment du deuil, c’est bien cette « peur [qui] est ranimée dans les couches les plus profondes de la pensée » lorsque la perte de l’objet survient ou se profile. Il en est un peu comme dans un deuil normal : la perte d’une personne aimée produit en même temps la peur d’une autre perte, celle de ses « bons objets intériorisés (c’est-à-dire, en dernière analyse ses parents aimés) qui font partie de son monde intérieur depuis les stades les plus anciens de son développement27 »… En tout cas, c’est bien l’expérience primitive de la perte qui a des chances d’avoir été réactivée – ici la peur de la perte de l’estime du père28.
« – Au début j’avais beaucoup de honte de dire… De dire que j’avais l’impression que j’allais laisser tomber, que j’allais abandonner. J’avais cette impression là.
– “Honte”, dites-vous, le terme est fort…
– Oui, oui, il y a beaucoup de choses qui n’allaient pas, j’étais vraiment… j’avais raté beaucoup de choses, j’avais un échec. Un échec.
– Tout le monde a des échecs dans sa vie…
–…Tout à fait. Bien sûr. Mais là, j’avais toujours voulu être journaliste, je savais que je ne serai plus journaliste que je n’écrirai plus ; l’écriture aussi. C’est très très dur aussi, c’est le premier truc qui part.
– C’est-à-dire que vous n’arriviez plus à écrire ?
– Non [silence]. Et après, on m’a confirmé que c’était un classique [il rit], ça vient aussi chez les chercheurs, chez les écrivains, chez… voilà. J’étais dans un cas désespérant, vraiment. Donc, c’est le symptôme [il rit à nouveau].
– L’écriture avant ça fonctionnait bien…
– Alors avant l’école [de journalisme], c’était plutôt… avant l’école j’étais plutôt assez complexé par rapport à ça. Je n’ai jamais beaucoup écrit comme ça, à la volée. Après, on me demandait à l’école de faire de l’instantanéité, allez, le mot juste tout de suite. C’était dur, très très dur. Et puis après je me suis formé, puis après quand je suis parti [dans ce pays en voie de développement] j’écrivais mais ce n’était pas du journalisme, c’était plus un poste d’enseignant et sur ordinateur. J’écrivais des choses mais… quand je suis revenu je m’y suis remis, ça m’a un peu angoissé au début mais…
– Il fallait “pisser” de la copie…
– Oui oui et puis il fallait la faire bien, il ne fallait pas… c’est professionnel dans ce quotidien donc on ne peut pas faire un… pas juste faire un article, non non. C’était pour un canard qui est lu, qui est lu et où les gens savent écrire, tous. Donc voilà.
– Et l’ambiance était bonne ?
– Oui. Moyenne d’âge trente ans [il parle en fait de l’équipe de pigistes permanents], beaucoup de solidarité ; obligé parce que là sinon…
– Parce que c’était dur…
– Parce que ce sont des conditions… parce qu’il faut aller faire ses reportages, il faut aller partout…, les machins, les trucs, la pression. Chacun reste dans son coin mais en même temps est capable de… s’il manque quelque chose et qu’il le demande, on l’aide. »
31Ces extraits d’entretien n’ont pas été livrés pour se complaire dans l’ancienne douleur de ce journaliste territorial qui, à un moment de sa trajectoire, souffre des conditions de travail qui lui sont imposées en PQN, d’autant plus qu’il est en situation précaire. D’autres l’ont déjà dit, et plutôt bien, en s’appuyant sur les récits de journalistes auto-analysant leurs pratiques29. Ce qui compte ici est de voir que les investissements inséparablement professionnels et parentaux produisent des effets sur les pratiques et les façons d’envisager un rapport au monde et donc aux autres.
32Ce n’est que progressivement que ce sentiment de « honte » dont Julien parle va s’atténuer. Il se dit, par exemple, heureux quand un journaliste du quotidien national avec qui il travaillait maintient le lien en l’appelant encore pour lui demander des contacts ou son avis sur des questions touchant l’islam. Comme s’il craignait de ne plus être estimé par ses anciens confrères. Par exemple, encore, lorsqu’il se rend à une cérémonie d’anniversaire de son ancienne école de journalisme, et alors qu’il dit appréhender les réactions de ses condisciples de l’époque, il a le sentiment rassurant qu’il n’est pas rejeté, que les autres peuvent même s’intéresser à ce qu’il fait aujourd’hui. Mieux, il découvre qu’un autre ancien, qu’il apprécie, a lui aussi « craqué », trouvant les conditions de travail trop difficiles à vivre.
« J’ai été rassuré parce que c’était un mec fort, un mec bosseur. C’est dur le quotidien, tu es obligé de pisser de la copie, et puis allez il faut repartir en reportage, on fait la “Une” dans la foulée et on continue, c’est dur, très très dur. Et ça m’a rassuré parce que je me disais : “Est-ce que c’est moi qui ne tiens pas, est-ce que c’est moi qui n’en étais pas capable ?” »
33En expliquant ses difficultés par les conditions de production harassantes, en rencontrant d’autres anciens qui sont comme lui (il a appris aussi qu’une élève de sa promotion après la naissance d’un enfant et alors qu’elle était encore pigiste après plusieurs années a été engagée dans la rédaction d’un magazine municipal), Julien peut éviter de se fixer sur sa seule personne ou sur le « poids » inhibant de son père. Lors du second entretien, Julien met encore plus l’accent sur la précarité au principe de son malaise et de sa dépression. « C’était mon style de vie qui ne me correspondait pas, plus que la nature même du travail. » Et un peu plus loin : « C’est quand même beaucoup une histoire de précarité [ce que j’ai vécu] ». Ou encore : « Au-delà de la presse, c’était la précarité [qui m’était pénible]. Ne pas savoir ce que tu fais à un mois, c’est pesant […], c’est difficile de se projeter. » Ou encore :
« Au fond, tout cela était lié à un inconfort de vie. […] Je n’arrivais plus à le faire [i.e., écrire]… mais la nature du travail n’a pas changé au fond. Le fait de te retrouver un jour bloqué, de te dire : “Je n’ai plus envie de faire ce métier, je n’ai plus envie d’écrire, je n’ai plus envie d’aller voir les gens.” C’était mon style de vie [qui était la cause de mes maux]. »
34En s’appuyant désormais plus aisément sur des règles du jeu qui touchent l’ensemble des acteurs des médias et n’en restant pas à sa seule personne, il peut à la fois mettre à distance sa propre expérience et produire une généralité moins impliquante. Il n’a sociologiquement pas tort. Comme l’écrit Claude Dubar,
« les crises d’identité, les petites déprimes et les grandes dépressions, les nostalgies et les frustrations n’ont pas que des racines psychologiques dans la petite enfance ou l’histoire personnelle singulière. Elles ont aussi un cadre social, des raisons “objectives” dans l’histoire récente (comme elles en avaient dans l’histoire ancienne)30 ».
35Aujourd’hui la précarité touche plus d’un journaliste titulaire de la carte de presse sur cinq et des milliers de pigistes ne peuvent prétendre eux-mêmes en disposer, réduits qu’ils sont pour survivre à bricoler leurs identités de métier en faisant tantôt du journalisme, tantôt de la communication31. Surtout, en quittant sa propre personne pour saisir des règles du jeu qui le dépassent, Julien applique le meilleur des conseils sociologiques qu’il fait sien « naturellement » et que les tenants de l’analyse stratégique conseillent aussi bien aux acteurs qu’aux sociologues. « Des sentiments aux jeux, des jeux aux structures » proposent Michel Crozier et Erhard Friedberg32.
36Cette « montée en généralité » a un dernier avantage. Elle lui permet encore de réincorporer cet ancien « objet aimé », le journalisme, et de le reconstruire tendanciellement en « bon objet rassurant ». Et sa découverte de l’écriture numérique en a facilité le processus. Elle lui a donné « du plaisir », dit-il à plusieurs reprises. Et le mot n’est évidemment pas neutre. Il peut trouver là non pas « un nouvel objet d’amour » mais revisiter son ancien en le déplaçant.
« Je me suis réconcilié avec le travail d’écriture […]. Je ne pouvais plus écrire. […] C’est revenu naturellement. Tu retrouves tes gammes. Comme faire du vélo, tu repédales… En fait c’est la confiance qu’on t’accorde [qui est importante]… Pour ça, c’est bien le web pour la confiance, tu écris, tu publies. Un magazine [municipal], tu écris, tu es corrigé, tu es corrigé, tu es corrigé et un mois après tu publies et tu ne reconnais plus ta production ! […] Avec le numérique […], c’est ta production, pas celle de quelqu’un d’autre. » (Entretien 2)
37Ce que Julien peut appeler maintenant, et en fin du premier entretien, sa « dépression, une crise majeure [qui l’a] complètement usé » semble de son passé. Il a pu hésiter lorsque ce poste de « rédacteur territorial » lui a été proposé. « Est-ce que ce serait vraiment valorisant pour moi et pour ce que j’ai fait ? » se demandait-il. « J’avais peur de m’embêter un peu. J’avais peur de m’ennuyer, d’arriver dans un truc trop plan-plan avec les inaugurations en plus ». Aujourd’hui journaliste d’organisation, il est soulagé de voir qu’il peut, malgré tout, faire un « travail journalistique » sans être un « journaliste ». Le fait même qu’il reste travaillé par un passé de « vrai » journaliste qui n’en finit pas de produire des effets sur sa pratique n’invalide probablement pas son travail du deuil – l’une des limites de l’analyse du deuil par Freud est peut-être de laisser croire que le deuil est un « entre-deux » ne produisant guère de conséquences sur l’identité à venir. On le voit bien ici avec un deuil certes différent parce que professionnel : l’agent n’est plus dans son activité sociale ancienne mais il se pense dans une pratique d’autant plus proche qu’il revisite ses frontières et retravaille la ligne qui sépare le « dedans » du « dehors ». Ce processus ne l’empêche pas, en même temps, d’être lucide sur la place qu’il occupe dans l’espace des médias. Le deuil professionnel, plus qu’une séparation définitive de son investissement libidinal, peut-être pensé ainsi comme un réaménagement, comme un déplacement. Julien bricole une identité narrative qui n’est plus tout à fait celle d’un journaliste mais qui n’est pas non plus séparée par une frontière symboliquement infranchissable qu’il se construisait et qu’on lui avait construite quand il se pensait bien loin de la communication. Revisiter les classements dominants pour mieux occuper sa place : c’est aussi ce dont témoigne cette « anecdote » qu’il propose en fin du second entretien. Julien étonné de voir que les classements dominants ne sont pas forcément les plus effectifs dans la pratique en vient à conclure cependant qu’il fait « un autre métier ».
« C’est banal, il y a eu un fait divers, un incendie dans [un immeuble de la Ville pour étudiants]. Un collègue me dit : “Tiens, y’a un incendie.” Je me dis : “Je vais appeler”. J’appelle le service de presse et je me présente comme journaliste à [donne le nom du site web de la Ville]. Je leur dis : “On m’a dit qu’il y avait eu un incendie”. En soi, ils ne disent pas : “Mais qu’est ce qu’un service de communication de la Ville a besoin de savoir. Faut pas divulguer l’info”, non ! Ils m’ont répondu comme si j’étais… “Voilà, il n’y a pas eu de blessé, le bilan c’est ça, l’incendie a été éteint à telle heure… », j’ai fait mon papier, je l’ai citée comme source […] et puis basta ! La fille ne m’a pas demandé…
– Comme si tu avais été dans ton ancien quotidien…
– Exactement pareil. Ils ne te demandent pas ta légitimité. Ça c’est la grande différence [avec ce que je pensais en arrivant ici]. Ils ne cherchent pas à te délégitimer ; tes interlocuteurs ne te disent pas : “Mais enfin qui vous êtes, pourquoi vous cherchez de l’information ?”
– Tu veux dire par là que les classements des sources ordinaires ne sont pas les classements que les journalistes font quand ils sont de l’autre côté de la barrière [i.e., pas dans la communication] ?
– Tout à fait. Quelqu’un qui appelle d’un site connu comme ici, il n’a pas de refus de donner l’information. Ils ne te délégitiment pas. Ils ne te disent pas : “Tu n’as pas de crédibilité, je ne peux pas te répondre, tu n’es pas un interlocuteur.”
– Ça, tu le craignais quand tu as commencé ici ?
– Oui. Ce que je craignais c’était qu’ils te prennent trop pour un service de presse. Bon bien sûr ça arrive mais finalement très peu… Je craignais qu’on n’ait pas accès à beaucoup d’informations, qu’on nous donne la béquée… mais finalement non, ce n’est pas très compliqué…
– Mais ça te frustre parfois encore [disais-tu tout à l’heure] de ne pas pouvoir appeler l’opposition et d’allumer la mèche pour reprendre cette bonne formule ?
– Oui sur des trucs mais, en même temps, je suis content de le lire chez les autres. Non, ça va. Après c’est vrai que j’aime bien les affaires, j’aime bien le lire. Mais je me dis, c’est autre chose, c’est vraiment de l’enquête. […] C’est un autre métier. » (Entretien 2)
Notes de bas de page
1 Legavre J.-B., Je t’aime… moi non plus. Les relations d’« associés-rivaux » entre journalistes et communicants, mémoire d’habilitation à diriger les recherches en sciences de l’information et de la communication, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2007 et Legavre J.-B., « Entre conflit et coopération. Les journalistes et les communicants comme “associés-rivaux” », Communication et langages, no 169, 2011, p. 105-123.
2 Simeant J., « Déontologie et crédibilité. Le réglage des relations professionnelles au CFJ », Politix, no 19, 1992, p. 54 et Ruellan D., Les « pro » du journalisme. De l’état au statut, la construction d’un espace professionnel, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1997, p. 128.
3 Ce n’est évidemment pas un hasard si j’ai choisi, pour cette contribution dédiée aux Mélanges de mon ancien directeur de thèse et directeur de mon habilitation à diriger les recherches en science politique, de puiser explicitement dans un type de vocabulaire psychanalytique et sans doute pas non plus un hasard –bien que non perçu sur le coup…– de retenir ce concept de travail du deuil et pas un autre. Je dois à Philippe Braud d’avoir découvert la science politique en 1981 alors que, passionné par la politique sans être militant, je disposais d’une simple grille ordinaire de lecture de ses mécanismes. J’étais alors à la faculté de droit de Rennes où la préoccupation première des étudiants de deuxième année n’était pas d’abord de penser le monde, a fortiori de le transformer… Parlant sans quasiment une note, avec une clarté exigeante, marchant posément dans l’immense amphithéâtre, Philippe Braud maniait une grille de lecture qui faisait une place importante à la psychanalyse. Je découvrais son livre Le Suffrage universel contre la démocratie (Presses universitaires de France, 1981) et, à force de le relire, j’en connaissais presque par cœur des passages entiers… Après un détour par Sciences po, j’ai souhaité entamer une thèse sous sa direction puis le suivre à l’université Paris I qu’il avait rejoint. Le temps a passé. Nos chemins ont pris des directions divergentes. Nous ne nous sommes guère revus. Et ce serait mentir ou faire sourire les quelques initiés de faire croire que nous nous sommes toujours compris et peu heurtés… Qu’il reste aujourd’hui le meilleur !
4 Bourdieu P., La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979, p. 123.
5 Fintz M., « Les usages biographiques du journalisme. L’exemple d’étudiants en journalisme et de localiers », in Legavre J.-B. (dir.), La presse écrite : objets délaissés, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 181.
6 Pontalis J.-B., Traversée des ombres, Paris, Gallimard, 2003, p. 46.
7 Lussier M., Le Travail de deuil, Paris, Presses universitaires de France, 2007, p. 19.
8 Bacque M.-F., Hanus M., Le Deuil, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 8.
9 Le prénom a été inventé.
10 Julien est un des interviewés d’un autre travail sur les relations entre journalistes et communicants (Legavre J.-B., « Je t’aime moi non plus »…, op. cit.).
11 Lagache D., « Le travail du deuil. Ethnologie et psychanalyse » (1938), in Les Hallucinations verbales et travaux cliniques. Œuvres I (1932-1946), Paris, Presses universitaires de France, 1977, p. 245.
12 Lubtchansky J., « Travail du deuil, douloureuses souffrance », in Amar N., Couvreur C., Hanus M. (dir.), Le Deuil, Monographie de la Revue française de psychanalyse, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 131.
13 Klein M., Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1987 et Freud S., « Angoisse, douleur et deuil », Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, Presses universitaires de France, 1971 et Deuil et mélancolie, Paris, Payot, 2011.
14 Lagache D., op. cit., p. 243
15 Ibid., p. 247.
16 Ibid., p. 252.
17 Ibid., p. 257.
18 Lagache D., « Deuil pathologique » (1956), in Agressivité, structure de la personnalité. Œuvres IV (1956-1962), Paris, PUF, 1982, p. 28.
19 En fait, lors du second entretien, Julien me dira que ses deux supérieurs ne disposent pas de la carte de presse mais de la carte d’une association de communicants qui significativement et singeant la « vraie » offre à ses adhérents une carte cinglée du drapeau national. Il la possède désormais lui aussi.
20 Le Bart C., La Rhétorique du maire-entrepreneur. Critique de la communication municipale, Paris, Pédone, 1992.
21 Pradelles de Latour M.-L., « Il n’y a de frontières qu’humaines », in Mutations dans l’Europe contemporaine. Chantiers de recherche, actes du colloque des 6 et 7 mai 1992, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1993, p. 61.
22 Ibid., p. 63.
23 Sykes G., Matza D., « Techniques of Neutralization: a Theory of Delinquency », American Sociological Review, vol. 22, no 6, 1957, p. 664-670.
24 Berger P. L., Luckmann T., La Construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klinckcksieck, p. 214 et suiv.
25 Hanus M., La Pathologie du deuil, Paris, Masson, 1976.
26 Giddens A., 1987, La Constitution de la société, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 93.
27 Klein M., « Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs (I) », in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, p. 351.
28 On adopte ici vision extensive de la théorie kleinienne qui de fait analyse « le deuil comme l’expression d’un cas particulier du prototype de la perte initiale, à savoir le sevrage » (voir Lussier M., op. cit., p. 160). Reste qu’il arrive aussi à Mélanie Klein, comme en témoigne la citation plus haut, de ne pas s’en tenir à la mère…
29 Accardo A. (dir.), Journalistes précaires, Bordeaux, Le Mascaret, 1998.
30 Dubar C., La Crise des identités, Paris, Presses universitaires de France, 2007 p. 166.
31 Legavre J.-B., « Des travailleurs de l’ombre. Le “poids” des pigistes encartés dans l’univers de la communication », in Kaciaf N., Legavre J.-B. (dir.), Communication interne et changement, Paris, Ed. Pepper, 2011.
32 Crozier M., Friedberg E., L’acteur et le système, Paris, Le Seuil 1977, p. 472 et suiv.
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