14. Le mauvais genre des émotions télévisuelles
p. 241-254
Texte intégral
1Au début des années 2000, la sociologue Dominique Pasquier remarquait combien, après un demi-siècle de télévision, celle-ci continuait de susciter commentaires et polémiques, constitutifs d’un véritable « climat de panique morale1 », notamment illustré par les polémiques suscitées par la diffusion en 2001 du reality-show, Loft Story. Il est vrai, qu’à la faveur, dans les années 1980, des transformations de l’industrie télévisuelle (télévision commerciale, multiplication des chaînes), et surtout de l’offre de programmes (émissions de téléréalité, talk-shows), la critique de La télévision s’est développée au point de devenir une activité durable et intense, dont rend compte un florilège des termes qui lui sont couramment associés, dans la presse mais aussi dans la littérature savante (et aux comptoirs des cafés !) : « tire-larmes », racolage, abrutissement, voyeurisme, bas instincts, penchants sadiques, tabloïdization, infotainment, dégradation, manipulation, etc. Il est vrai aussi que cette critique partage plusieurs traits avec la panique morale2 : elle fonctionne largement à la réprobation (elle constitue même le courant dominant des études sur la télévision3), voire à la dénonciation d’un groupe (les producteurs mais aussi souvent les téléspectateurs, les « autres ») ; elle est « institutionnalisée » par le travail de la presse, des associations, de divers entrepreneurs de cause. De même, elle se fonde moins sur des vérifications empiriques que sur des croyances ou des dégoûts. Ainsi sont rarement évoqués les travaux d’historiens4, qui pointent la virulence et surtout la récurrence de la critique de la culture de masse, la « mauvaise culture », et de ses vecteurs : le roman-feuilleton sous la Monarchie de Juillet, puis le cinéma, la radio, la télévision (et au XXIe siècle, Internet dont l’histoire des appropriations reste à faire).
2Cette critique est doublement empreinte d’émotions : par l’intensité de l’expression et par l’une de ses thématiques centrales. L’expression est souvent véhémente, excessive, comme si l’objet télévision, pourtant toujours décrit comme « trivial », excluait la distance et la mesure, et suscitait à l’inverse la colère ou la peur. Dans l’espace académique français, cet objet peu légitime donne rarement lieu à des enquêtes scientifiques et empiriques : il suscite plutôt des prises de position engagées, d’hommes, intellectuels de renom ou de moindre notoriété, non spécialistes des médias, souvent philosophes5, qui interviennent au nom d’une cause noble (la jeunesse, la morale, la démocratie), dont la défense semble exiger un mode passionné, alarmiste et fréquemment excessif. La télévision est un « danger pour la démocratie » pour Karl Popper6, organise un « lavage de cerveaux en liberté » pour Noam Chomsky7, est le vecteur d’un dangereux « télépopulisme » caractérisé par le « recours au spectacle télévisuel au détriment des médiations traditionnelles » pour Pierre-André Taguieff8, ou encore pour le conférencier Bernard Stiegler, elle engendre, avec la « destruction de l’attention » et ses « psychopouvoirs révolutionnaires », un « véritable état d’urgence sociale9 ». Dans la presse, si l’on fait exception des journalistes spécialisés, engagés dans une activité professionnelle routinière et contrôlée, un ton véhément et peu nuancé est aussi de mise. Le supplément « Télévision » d’un quotidien de référence peut ainsi feindre de s’interroger : « Le Petit écran peut-il amener les gens à torturer10 ? »
3Un argument récurrent de ces discours critiques est, dans un vocabulaire quelque peu flottant, la mise en scène « envahissante » du pathos, de l’intime, du privé, du psychologique, et donc une emprise supposée des émotions, des « pulsions », des « instincts », sur les téléspectateurs, au détriment de la raison, de la pensée, du « fond ». Certes, l’objet de la dénonciation varie avec le genre télévisuel11, mais les discours convergent vers une mise en cause généralisée de la télévision dont tous les genres (et notamment le genre politique) seraient envahis, contaminés, par le format des reality shows, supposés conçus pour exhiber, banaliser, légitimer les comportements les plus régressifs. Ce « succès » est d’ailleurs revendiqué par la PDG d’Endemol France, producteur de quelques-unes des plus célèbres émissions du genre, qui remarque que, en une décennie : « l’écriture de la téléréalité s’est installée dans tous les genres de programmes12 ». De plus, la réprobation englobe, sous la même rubrique de déclin de la pensée, des phénomènes aussi divers que les programmes reposant sur les confidences et le dévoilement d’histoires intimes, souvent douloureuses, le recours aux témoignages vécus ou aux reconstitutions filmées de séquences de vies dans les débats, la mise en scène de la vie privée ou de la personnalité (dans les talk-shows politiques), les émissions de jeux, de « télé-crochet », de « coaching » ou conseils domestiques. Expressions des peurs et dégoûts de leurs auteurs, les propos indiquent combien les résistances et les obstacles à l’importation des dimensions émotionnelles dans les sciences sociales sont loin d’être surmontés.
4Le Jeu de la mort, faux jeu télévisé reproduisant la fameuse expérience de Stanley Milgram, diffusé en 2010 sur une chaîne publique, est emblématique de cette dénonciation de la télévision13. Il s’agit, pour les producteurs (un journaliste appuyé sur une équipe d’universitaires, pour l’essentiel psychologues sociaux), en suscitant un débat critique sur les phénomènes de soumission à l’autorité, d’alerter sur les pouvoirs considérables et alarmants de la télévision. Le ton est donné dans le générique de l’émission (« ce que nous allons voir est extrêmement dur »), et en introduction d’un numéro de Philosophie Magazine, partenaire de l’émission, titré « La télévision nous rend-elle mauvais ? » : « À encourager depuis 20 ans le déchaînement des pulsions, la télévision a le pouvoir de nous transformer en bourreaux14. » Il s’agit de produire la « démonstration » scientifique du pouvoir quasi démiurgique acquis par la télévision au seuil du XXIe siècle, et de combattre le « totalitarisme tranquille15 » de la télévision, « devenue une autorité totalement légitime à nous faire faire ce qu’elle veut16 ».
5Les usages qui sont faits de la psychologie sociale, presque exclusivement mobilisée, au détriment d’autres approches disciplinaires, par les chercheurs sur le plateau et par les commentateurs, sont significatifs d’un rapport ambivalent aux émotions télévisuelles. Les travaux et concepts présentés permettent certes de rendre compte des mécanismes de production (notamment les « situations » susceptibles d’inhiber les capacités de résistance des personnes aux institutions lestées d’une autorité symbolique) et de gestion des émotions, notamment celles des « joueurs » qui infligent des décharges électriques à une (fausse) victime qui exprime sa souffrance par des cris et supplications. Mais l’analyse bute sur la croyance des protagonistes en un pouvoir irrésistible et magique de la télévision. D’une part, les trajectoires et expériences des candidats, les déterminants sociaux qui les disposeraient à (dés) obéir, sont ignorés, comme si l’entrée dans le studio les affranchissait de leur histoire et propriétés pour en faire des candidats « purs », à l’instar d’un citoyen abstrait. D’autre part, la certitude des effets est si ancrée qu’elle semble dispenser de véritables argumentations : la transposition des réactions des « joueurs » présents dans le studio à celles, imaginées, des téléspectateurs, est postulée et, lorsqu’elle est « expliquée », elle se fonde sur les notions, pour le moins rudimentaires, de « conduites grégaires » et de mécanismes de « contagion » dans les phénomènes de foule, empruntés à Gustave Le Bon.
6Certes toutes les critiques ne sont pas de la même teneur et varient avec leurs auteurs et publics « imaginés ». Dans la littérature scientifique et la presse culturelle fonctionne une forme d’ethnocentrisme lettré, qui nourrit les préventions à l’encontre de la culture de masse et se conjugue ici avec les « préventions du rationalisme savant17 » à l’encontre de l’approche émotionnelle en sciences sociales. Dans la presse écrite se donne davantage à lire une réaffirmation de la division du travail et des hiérarchies culturelles qui associe durablement émotion et télévision. Les prises de position militantes contre la manipulation s’enracinent quant à elles dans les modèles-repoussoirs, combinés de la propagande et de la publicité. Les critiques citoyennes pointent, avec l’affaiblissement des autorités parentale et scolaire, le danger moral du « mauvais exemple » puissamment promu par la télévision. Cependant toutes ces critiques partagent cette indéfectible certitude de la nocivité du déferlement émotionnel provoqué par la télévision. Et la plupart échouent dans leur prétention à restituer les mécanismes de la télévision, faute d’une étude empirique de « dispositifs émotionnels », et plus encore à en mesurer l’efficacité, faute d’une attention aux réceptions et aux dispositions à être émus.
Les dispositifs émotionnels télévisuels
7La notion, empruntée à Christophe Traïni18, de « dispositif de sensibilisation » délibérément déployé par les entrepreneurs de cause afin de toucher et mobiliser des soutiens, se prête bien à une transposition aux mises en scène télévisuelles. Toutefois, la mise en garde de l’auteur contre les risques d’une vision exclusivement stratégique de ce travail émotionnel19 vaut a fortiori en ce qui concerne la télévision, toujours soupçonnée de simulation et manipulation. Sa réflexion méthodologique nous invite, pour comprendre l’engagement (en l’occurrence contre les corridas) et l’efficace des dispositifs, à être attentifs aux ressorts de l’émotion qui s’enracinent à l’extérieur et en amont de la situation, dans d’autres espaces sociaux ; à être attentifs aux « expériences affectives », construites sur l’imbrication des histoires individuelles et sociales et encadrées par le pensable et dicible. Ces précautions méthodologiques nous suggèrent d’inscrire les dispositifs de sensibilisation télévisuels dans une histoire sociale plus large que l’univers médiatique, plus longue qu’une saison télévisuelle ; d’en rechercher les logiques ailleurs que dans l’intention de producteurs cyniques qui mesurent l’audience (et la rentabilité d’une émission) aux poids des larmes. Il ne s’agit pas de nier l’ambition de la téléréalité, de Loft Story à Secret Story, de conquérir un public juvénile, en lui offrant des histoires de séduction, de dragues, de ruptures, de relations sexuelles ou/et amoureuses, entre jeunes. Mais l’on s’expose à passer à côté de ces dispositifs (et de leur efficacité) si l’on s’enferme dans l’univers télévisuel et les analyses internes.
8Les travaux sur les professionnels de la télévision, et partant l’accès à l’intention des producteurs, sont d’ailleurs trop rares pour qu’on ne se méfie pas de ce genre d’explication et de sa fausse évidence. La sociologue américaine Laura Grindstaff qui propose l’une des rares approches ethnographiques de ce genre d’émissions20, dresse certes le tableau éprouvant d’une instrumentalisation de la détresse des plus démunis21, mais elle donne aussi à voir un phénomène plus complexe, plus nuancé que prévu. On peut alors (à l’instar des « mondes de l’art » étudiés par Howard Becker) regarder la production de l’émotion sous l’angle d’une activité professionnelle, qui exige investissement continu de toute une équipe, spécialisations et division du travail : les assistant(e) s qui en amont sélectionnent par téléphone les candidat(e) s selon leur histoire plus ou moins violente, et garantissent la « diversité » en choisissant des minorités visibles et des hommes ; les collaborateurs qui préparent et entraînent les candidats, en réitérant des consignes (« tout se passera bien », « parlez du fond du cœur », « c’est l’occasion pour vous de raconter votre histoire ») et en les faisant répéter (« la première fois que votre mari vous a battue ») ; les « chauffeurs » de salle qui lui demande parfois du silence et du calme ; les « conseillers » qui réconfortent les « invités » après le spectacle et organisent leur retour chez eux. On apprend aussi que le genre télévisuel n’est pas perçu comme homogène par les professionnels, qui se défendent de tout cynisme en distinguant les émissions « classy » des « trashy », et on comprend par là même combien la catégorie « télé poubelle » est commode et réductrice pour porter une indignation. Enfin, cette activité professionnelle, organisée et réitérée, relève de la routine : chacun fait le travail qui lui est imparti en appliquant les procédures habituelles, sans avoir à se mobiliser ou à mobiliser une conviction : jusqu’à l’auteure, elle-même, qui se surprend, « dans le feu de l’action », en tentant de recruter des membres du public, à appliquer les règles du talk-show, et à éviter les businessmen en costume pour leur préférer des employées de commerces et des adolescents désoeuvrés.
9Sans restituer une ethnographie des « coulisses » de l’émotion télévisuelle, d’autres travaux déplacent l’attention des émissions vers l’industrie télévisuelle (histoire de la télévision, morphologie et trajectoires des groupes professionnels) et de celle-ci vers les conditions de production (concurrence des journalistes politiques et animateurs) et d’expression (transformations de l’espace public et des régimes de parole) des émotions sur une scène publique. Deux approches illustrent cette salutaire sortie hors d’une vision strictement stratégique des dispositifs émotionnels et partant, ce qu’une étude non indignée des émotions à la télévision peut nous donner à voir.
10Un premier type d’enquêtes inscrit le phénomène de « montée de l’émotion » dans une histoire, celle d’un programme (les débats) et d’un genre télévisuel (« la télévision de l’intimité22 »). Ce détour historique permet d’abord de relativiser les phénomènes d’irruption, de « basculement » (de la raison à l’émotion) et de mettre à distance une rhétorique décliniste et normative. Ainsi, Dominique Mehl23 pointe-t-elle le passage, dans les années 1980, d’une « télévision messagère » (pédagogique) à une « télévision relationnelle » (moins assujettie aux contraintes de l’argumentation en public), mais souligne à la fois la coexistence des deux modèles et la continuité d’un processus, qui peut aussi prendre la forme d’une télévision « compassionnelle ». Des approches plus sémiologiques repèrent, dans la transformation des « débats » en « talk-shows », un assouplissement des caractéristiques formelles de l’échange, et notamment de l’attribution des « rôles » (questionneur et répondant), de la distribution de la parole et des thématiques24.
11Le détour par l’histoire permet aussi de résister à la tentation inverse, celle de l’évidence et de la naturalité, et d’accorder leur place aux processus d’apprentissage. À la télévision britannique, l’histoire de la quête de la sincérité, ou plus exactement de l’interprétation des « émotions sincèrement ressenties25 », remet en mémoire une époque, les années 1950, où l’expression des émotions en public ne va pas de soi (elle est même perçue comme embarrassante), où la présentation de soi adéquate, sur un plateau de télévision, est retenue, presque dissimulée : une époque où étaient ressenties les « tyrannies de l’intimité26 ». C’est par un long processus d’apprentissage (via d’abord les séries télévisées puis les soap operas et continué par les reality-shows, qui proposent un lexique d’émotions de plus en plus sophistiquées et universellement reconnaissables) que s’acquiert une « culture de la sincérité » : c’est-à-dire la quête par les spectateurs d’indices de sincérité, et l’évaluation permanente et paradoxale de la véracité du « jeu », de la performance. Le sémiologue François Jost27 cherche lui aussi les ressorts du phénomène, dans les mises en scène qui « construisent l’émotion » et tendent à se généraliser, à s’imposer à tous les programmes, afin non plus seulement de « restituer un spectacle émouvant » mais de « rendre émouvant n’importe quel spectacle ». Il renouvelle cependant les explications du phénomène, en imputant cette focalisation sur l’individu et son for intérieur, non seulement à un univers télévisuel en quête d’audience, mais aussi à une banalisation de certains acquis des sciences humaines : une vision d’un individu complexe, clivé, secret, et une « rhétorique d’exposition » qui requiert confidences, « confessions », récits de vie, diffusées et légitimées notamment par la popularisation de la psychanalyse à la radio, par les voix de Ménie Grégoire ou Françoise Dolto.
12Pour rendre compte des dispositifs émotionnels télévisés, un deuxième type d’enquêtes recourt, moins à l’histoire d’un genre ou de l’industrie télévisuelle qu’à une sociologie des mécanismes, des producteurs, des acteurs, des publics… soit des explications moins « médiacentrées », qui empruntent leurs logiques à des univers non médiatiques. La chercheuse britannique Charlotte Brunsdon, spécialiste de Television Studies, saisit l’exemple de l’explosion des programmes de « vie quotidienne » (lifestyle), très décriés, dans la tranche horaire de 20h à 21h sur les chaînes de télévision britanniques, dans les années 1990, pour proposer quelques règles de méthodes quant à l’étude de la télévision28. Les programmes étudiés (cuisine, jardinage, décoration intérieure, couture…) ont suscité un flot de critiques, généralisées à la télévision (« the dumbing down debate »), dont la tonalité et l’argument évoquent le discours qui accompagne aujourd’hui, en France, les émissions de téléréalité. Ces programmes lifestyle sont perçus et dénoncés comme construits sur le (faux) suspense, la surprise et l’émotion des participants et donc comme des divertissements futiles, sans valeur culturelle et moins encore intellectuelle, symptômes et vecteurs d’une dégradation. Trois remarques peuvent être mobilisées pour nourrir et complexifier le débat sur cette invasion des émotions (au détriment cette fois du sens pratique) et en relativiser les effets. D’abord, le basculement, des années 1970 aux années 1990, d’une télévision informative, didactique, à une télévision du divertissement n’est pas aussi marqué que des visions nostalgiques ne l’affirment. Certes, la comparaison des programmes (lifestyle) des deux périodes fait voir en vingt ans des changements importants dans les mises en scène, puisqu’on passe selon l’auteur d’une télévision « réaliste » à une télévision « mélodramatique », plus axée sur les affects : quand la première insistait sur un processus, la diffusion d’un savoir technique, en temps réel (la fabrication d’une boutonnière en 20 minutes), et limitait les gros plans aux gestes techniques, la seconde met l’accent sur les résultats (le jardin après intervention d’une équipe de « relookers »), réserve les gros plans aux visages, aux réactions, surprises, touchées, enthousiasmées, des propriétaires, et mobilise une trame narrative essentiellement constituée par l’opposition duelle (et commerciale) entre un « avant » et un « après ». Cependant, ce mouvement est une tendance dont on trouve des traces dans les émissions anciennes et n’empêche pas la coexistence de deux styles, plus ou moins « mélodramatiques » selon l’intensité et le type de sollicitation des émotions29.
13Ensuite, la programmation et l’audience de ces programmes ne sont pas explicables par la seule analyse du « texte » ou de la mise en scène, mais doivent être ramenées à des facteurs « macro » qui affectent la société britannique dans son ensemble et l’industrie télévisuelle en particulier. Brunsdon convoque alors des phénomènes aussi divers que l’augmentation du nombre de propriétaires, l’entrée des femmes sur le marché du travail et leurs revenus propres, la privatisation des loisirs (dont le jardinage fournit un exemple) ; elle évoque aussi, du côté des conditions de la télévision, le multi-équipement, le développement des chaînes spécialisées et la consommation individualisée, tout comme la féminisation des équipes de production désormais indépendantes. La programmation de ce genre peut dès lors être interprétée, moins comme le déclin d’une télévision « tirée par le bas », que comme une forme de « professionnalisation » de compétences domestiques et leur promotion au rang de loisir, dans un univers jusqu’alors très masculin, par des femmes éduquées de la « middle-class ». Ce qui autorise, pour rendre compte du succès de ces programmes, une hypothèse plus convaincante qu’un abêtissement généralisé : le public serait moins le produit du genre et de son dispositif émotionnel que celui des transformations de pratiques de loisir. Davantage de personnes consacrent d’avantage d’argent, de temps et d’attention à ces activités de la sphère domestique et constituent autant de téléspectateurs potentiels. L’auteur souligne enfin l’importance, en lien avec la banalisation de la télévision, des publics et des pratiques télévisuelles. Elle suggère ainsi les effets d’une programmation plus tardive (de la journée au créneau de début de soirée) sur une diversification du public, et notamment la présence de femmes actives et diplômées ; ou encore, une forme d’« ordinarité » de la télévision, à la fin du XXe siècle, qui engendrerait en même temps qu’une présence accrue un rapport plus détaché, notamment des jeunes générations. Faute d’une enquête de réception, la question des « effets » de ce genre d’émissions sur leurs publics reste entière, mais quelques pistes sont ouvertes permettant de penser, à la suite de Richard Hoggart, une consommation « nonchalante » et peut-être des usages imprévus.
14En France, les analyses d’émissions politiques proposées par Éric Darras et Erik Neveu s’inscrivent dans ce cadre méthodologique, par la place faite aux logiques extra-médiatiques, et contribuent, à partir d’un « petit » objet, à « penser l’émotionnel en politique30 ».
15L’analyse, par E. Darras, au début des années 1990, du phénomène croissant de « psychologisation de la scène politique31 », à la fois « récidive originale de la politique spectacle » et produit d’« usages politiques intéressés », déplace l’attention vers le monde politique et ses acteurs et pointe les intérêts croisés des professionnels des médias et de la télévision. Les usages du « profane émotif à la télévision » reposent sur l’inégale maîtrise des répertoires émotionnels et des usages stratégiques des « signaux corporels » : « le sentiment semble être la marque du profane, comme l’émancipation du sentiment, la raison, est la marque du professionnel de la politique32 ». Ces usages relèvent moins d’une intemporelle « exigence démocratique de transparence », moins encore d’une volonté délibérée des animateurs d’humilier, que des techniques de simplification, de stylisation, d’« hyper-ritualisation33 », propres aux publicitaires et professionnels de la communication34 ; lesquelles se conjuguent avec une vision d’un ordre politique séparé, spécialisé, sacralisé, qui exige la représentation stylisée du contraste entre l’expression non contrôlée des émotions des profanes et le flegme, la responsabilité et la rationalité du professionnel de la politique.
16Ce sont les nouveaux talk-shows des années 1990, « formes récréatives » de mise en scène de la parole publique qui, sous le terme d’infotainment, ont donné lieu aux critiques les plus vives dans l’espace académique et journalistique occidental, tant ils apparaissent emblématiques d’une « crise de la communication politique35 ». Ici encore sont dénoncés des phénomènes divers (le divertissement, la vulgarité, l’obscénité, la pipolisation), parmi lesquels l’« intrusion » de l’émotion jouerait un rôle majeur. La contribution d’E. Neveu à l’étude de ce « nouveau » genre politique télévisé36 permet de se dégager de la logique « médiacentrique » qui préside à nombre d’études sur la télévision. Il ne s’agit pas de nier les spécificités des mises en scène caractérisées par le « parti pris de décontraction », le relâchement des codes vestimentaires, gestuels et langagiers ; relâchement de l’expression qui se traduit non seulement dans le vocabulaire et la syntaxe, mais aussi dans la sollicitation des registres de l’émotion, du témoignage sur l’espace privé et le vécu, qui passent pour des langages de traduction « modernes » de la politique. Mais il faut aussi y voir le produit et le symptôme de « dynamiques sociales » complexes, qui relèvent de plusieurs espaces sociaux : le métier politique (qui exige l’apprentissage des mises en scène de soi et du « jeu » de l’émotion, qui produit des dispositions expertes dans ce « jeu », et partant les inégales dispositions et capacités sociales à produire et à interpréter la sincérité), les conditions de recrutement du personnel politique (qui rétrécit la diversité sociale et tend à homogénéiser les codes), les transformations sociales qui contribuent à une « invisibilité » des catégories populaires, à une vision floue des clivages sociaux et à un privilège conféré aux solutions techniques et/ou portées par des individus davantage que par des collectifs ; ou encore la division du travail, dans l’univers télévisuel, entre animateurs et journalistes politiques. On comprend alors, à travers la restitution des conditions d’émergence du genre, combien l’imputation à la télévision (et à ses dispositifs émotionnels) d’effets –positifs en termes de gain d’authenticité ou négatifs en termes de tromperie, manipulation- est réductrice et combien le phénomène est ambivalent. De cette ambivalence rend compte la référence de l’auteur au processus d’« informalisation » analysé par Cas Wouters37 : ce « relâchement contrôlé » des marques de statut et de distance sociale mais aussi des contrôles émotionnels et affectifs peut être lu, non comme un délaissement des codes, mais comme une nouvelle étape du processus de civilisation et l’expression d’une « démocratisation fonctionnelle », caractérisée par l’euphémisation symbolique des écarts sociaux. Une telle approche autorise à mettre en doute aussi bien les justifications des promoteurs des programmes (les nouveaux talk-shows élargiraient l’audience de la parole politique, capteraient de nouveaux publics, en particulier de jeunes, réhabiliteraient, avec le parler-vrai, les et le politique), que les clichés de leurs détracteurs (le rôle central de la télévision dans la montée de l’indifférence ou de l’hostilité à la politique).
Les « usages faibles » des émotions télévisuelles
17Pour désigner les contrats imprévus, inattendus, passés entre une œuvre (picturale) et ses spectateurs les moins armés, Jean-Claude Passeron parle d’usages « faibles » des images38, qui prennent place dans des expériences « extra-ou infra-lettrées », et désignent des usages non conformes aux prescriptions des producteurs. Il fait l’hypothèse du caractère généralisé de ce type de lectures artistiques et entend rétablir « les “faux-sens” ou les “contre-sens” et surtout les “moindre-sens”, dans leur droit » à constituer une véritable expérience esthétique39. Il ne s’agit pas, en empruntant cette formule, de faire de toute pratique télévisuelle une expérience artistique, mais de se donner les moyens d’appréhender les écarts entre les interprétations prescrites et les usages réels. À propos des dispositifs émotionnels, les prescripteurs sont à la fois les producteurs des émissions qui, on l’a vu, mettent en scène, par une série d’indications, la « bonne » conduite et l’émotion appropriée, et les commentateurs (journalistes, critiques de tous ordres) qui infèrent de l’injonction à être ému une pratique généralisée (voire une conviction) des téléspectateurs. Les usages « faibles » de l’émotion télévisuelle désigneraient alors (à condition, à l’instar de son auteur, de n’y mettre aucune connotation péjorative) des usages autres, de la mise à distance au détournement, en passant par l’usage ludique, voire subversif.
18L’obéissance supposée du public de télévision est fondée sur un double raccourci, qui consiste à inférer des comportements des profanes montrés, « hyper-ritualisés », les réactions des publics ; et des intentions des producteurs les sentiments et convictions des téléspectateurs. La méconnaissance des téléspectateurs et de leurs pratiques, quotidiennement mesurés mais peu étudiés, autorise toutes les caricatures, dont n’est pas absente une forme de tropisme intellectuel. Le public est d’abord vu comme une masse, c’est-à-dire à la fois monolithique et passive, souvent incarnée par ses éléments supposés les plus vulnérables, les enfants et les femmes. Or les quelques enquêtes empiriques sur les réceptions des programmes permettent de douter de l’efficacité des mécanismes mimétiques, et suggèrent trois pistes de réflexions, qui convergent avec les recommandations de C. Traïni, de prêter attention aux traces et indices des sensibilités façonnées en amont de la performance par les expériences sociales, et aux dispositions, inégalement partagées, à emprunter ce « langage reposant sur des conventions collectives40 » que sont les émotions.
19D’abord, les travaux de réception font voir les logiques sociales (de classes, de genre) qui structurent ce public dit de « masse ». D. Pasquier41 rappelle opportunément qu’il existe des « manières de télévision » qui, comme les manières de table, sont « classantes » et renvoient à des appartenances sociales et genrées. S’agissant de programmes particulièrement décriés, les séries collèges (en particulier Hélène et les garçons) qui mettent la relation et l’émotion amoureuses adolescentes au coeur de leur intrigue, la sociologue montre combien les postures critiques sont socialement fondées : ce sont surtout les mères des classes moyennes et supérieures qui s’opposent à la série, par un discours critique, des moqueries et des interdictions ; à l’inverse, les mères des milieux populaires peuvent regarder la série avec leur fille, ne sont pas heurtées par la division sexuelle des rôles ou par l’image « idiote » de la femme, trouvent les personnages féminins sympathiques (« elles sont jolies et gentilles »). De même la série, perçue comme sentimentale et donc « pour les filles », est-elle unanimement décriée, au mieux ignorée, par les hommes tandis que sa dimension émotionnelle et affective est revendiquée par les petites filles, en quête selon l’auteur d’une « éducation sentimentale » rassurante, apprentissage des rôles sexués, sous forme d’un durable rituel d’initiation en douceur. Cette répartition des préférences affichées selon le sexe se retrouve dans nombre d’enquêtes quantitatives : 44 % des hommes de 15 à 30 ans citent Stade 2 parmi les émissions regardées en entier plusieurs fois, contre 12 % des femmes42 ; ou qualitatives : Michel Souchon43 note chez les adolescents des années 1960 des goûts télévisuels très tranchés selon le sexe (les filles apprécient les émissions de « paroles », les garçons, les émissions d’action). Les sociologues de la lecture font aussi voir la solidité de la frontière qui sépare « monde des choses humaines » (la culture littéraire) et « monde des choses matérielles » (la culture scientifique et technique44), clivage qui se traduit par une prédilection féminine pour le romanesque, un goût masculin pour la science-fiction, pour les lectures professionnelles ou un dégoût viril pour les romans à « l’eau de rose ».
20Ensuite, on voudrait indiquer quelques pistes de réflexion qui amènent à mettre en doute, non pas la réalité du clivage, mais sa solidité et la valeur qui lui est conférée. À l’instar du politique, qui repose sur une image idéalisée du citoyen rationnel et de l’électeur « vertueux » parce que débarrassé de la violence de ses passions, les critiques de la télévision reposent largement sur cette opposition normative et non questionnée entre la raison sacrée et l’émotion profane, redoublée par l’opposition de genres sérieux (politique, information) et des genres frivoles (séries, divertissements). Le débat, évoqué par C. Brunsdon45 à propos des réticences face aux émissions « lifestyle », assimilées à l’irruption de la frivolité qui, comme la mauvaise monnaie, chasserait les émissions sérieuses, a traversé le monde des media studies, notamment britanniques, à la fin des années 199046. La deuxième génération des Audience Studies, celle des années 1990, largement représentée par des femmes, se voit ainsi reprocher le déplacement de son attention de l’information vers la fiction, de la question du savoir vers celle du plaisir, des classes sociales vers des « sous-cultures » définies par des critères ethniques ou sexuées, bref sa « futilité » et sa contribution à une forme de « dépolitisation47 ». Nombre de réflexions sont portées par des approches féministes qui ouvrent la voie à des définitions moins légitimistes du politique, qui autorisent par exemple, la prise en compte de nouveaux acteurs, profanes, de registres argumentatifs moins exclusivement fondés en raison, mais empruntant à l’anecdotique, à l’expérience vécue, au non verbal : on songe par exemple aux critiques féministes de l’espace public habermasien48, ou encore aux recherches menées sur des genres télévisuels, diffusés en journée, et adressés aux femmes49.
21Enfin, une exploration plus systématique et plus résolument empirique des « mauvais genres » à la télévision (séries sentimentales, soap operas, et surtout reality-shows) permettrait de valider (à nouveau) les hypothèses d’usages non conformes aux attendus des producteurs et intermédiaires culturels. Ien Ang50, à propos de la réception de la série Dallas, ouvrait la voie en 1985, avec la catégorie de « réalisme émotionnel », à une réflexion non manichéenne sur des interprétations qui empruntent à la fois au réalisme (les téléspectatrices prennent des distances par rapport à la « vérité » des situations) et au registre émotionnel (les téléspectatrices transposent les sentiments et leur expression à leurs expériences vécues).
22On rencontre une réflexion similaire dans le travail que John Ellis51 consacre à la mise en scène de l’« interprétation » (performance) de l’émotion sur la scène télévisuelle. Il remarque la dimension paradoxale des reality-shows, entre le « jeu » scénarisé des acteurs ordinaires, la situation artificielle connue de tous, et la recherche par les spectateurs des signes de sincérité. Les reality-shows constitueraient alors, en dépit (ou du fait) des artifices mis en œuvre, une invitation à la discussion et aux jugements (proches en cela des « commérages » analysés par N. Elias52), non seulement sur la « sincérité » des acteurs, l’adéquation entre ce qui est ressenti et exprimé, mais aussi sur l’adéquation des comportements aux règles sociales, et plus précisément aux règles morales et éthiques, sur ce qui est permis ou non, ce qui est vulgaire ou convenable. Un tel usage suggère alors des motivations des spectateurs, moins fondées sur la recherche de signes ou de prétextes à émotion (larmes, cris de colère, troubles), que sur des occasions (comme les commérages) de parler de morale, de valeurs, des conduites et des goûts des autres, de « ça ».
23Ce même refus d’une approche normative et manichéenne, qui postulerait une frontière infranchissable entre émissions de divertissement et émissions politiques, conduit Lisbeth Van Zoonen53 à développer l’idée d’un parallèle entre la participation à un groupe privé axé sur les loisirs (une communauté de fans) et la participation à un groupe politique. Elle opère un triple rapprochement : en termes de « performance » productrice de chaque groupe, en termes d’activités (réunions, discussions, participations, propositions d’alternatives, actions) et surtout en termes d’« investissement émotionnel », indissociable de la rationalité, qui conduit à une « intelligence affective », « vitale pour maintenir l’investissement et l’activité politique54 ».
24L’exemple le plus éclairant d’usages inattendus d’un genre décrié est fourni par l’enquête de Janice Radway55 consacrée aux lectrices de romans « à l’eau de rose ». Son insistance sur les lectrices et l’acte de lecture (davantage que sur la structure narrative, « simple résumé des règles, prescriptions, pratiques sociales et idéologie du patriarcat56 ») déplace l’attention vers les pratiques et leurs justifications. On comprend alors, à travers les entretiens, combien les lectrices ont une claire conscience du caractère peu légitime de ce genre littéraire et de cette lecture (souvent dénigrée ou raillée par les époux et les fils) ; comment, face à la stigmatisation, elles mettent en œuvre des stratégies de légitimation telles que l’affirmation des vertus thérapeutiques de la lecture (qualifiée de « drogue inoffensive ») ou de ses qualités didactiques ; combien surtout, à travers la revendication par les enquêtées de la lecture comme un moment et un espace à elles, délibérément soustraits à la routine quotidienne et aux contraintes de leurs rôles d’épouse et de mère de famille, la lecture de romans « roses » peut être perçue comme une activité « modérément protestataire », comme « l’exploration d’une possible adaptation des nouvelles attitudes féministes, dans le cadre d’institutions traditionnelles57 ».
25Ces usages « faibles » des émotions télévisées ne doivent rien, on l’aura compris, à une quelconque déficience ou apathie des publics, mais doivent plutôt être considérés, en suivant Passeron, comme l’accès à une réception détournée, une résistance ni générale ni délibérée, par des « pratiques distraites » ou par le quiproquo, à cette « admirable progéniture d’effets nécessaires58 » de la télévision, et à des assignations à résidence dans l’émotion ou dans la raison. Premiers signes de résistance de la « ménagère de moins de 50 ans » ?
Notes de bas de page
1 Pasquier D., « La télévision : mauvais objet de la sociologie de la culture », 2004. [http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/06/22/48/HTML/].
2 Voir Mathieu L., « Paniques morales », Fillieule O., Mathieu L., Péchu C. (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po, 2009, p. 409-414.
3 Schroder K., Phillips L., « Complexifying media power: a study of the interplay between media and audience discourses on politics », Media, Culture & Society, vol. 29 (6), 2007, p. 890-915.
4 Kalifa D., La culture de masse en France. 1860-1930, La Découverte, coll. « Repères », 2001 ; Thiesse A-M., Le roman du quotidien. Lecteurs et lectures populaires à la Belle époque, Le Chemin vert, 1984.
5 Les Éditions Mordicus publient par exemple en 2010, sous le titre « Les intellectuels jugent les médias », un ouvrage en deux tomes, dans lesquels onze intellectuels, « parmi les plus prestigieux », tous masculins, d’âge mûr, la plupart philosophes, dont trois ont publié des travaux sur les médias ou la communication, disent leur « agacement », leur « méfiance », leurs « craintes ». [http://www.histoiredesmedias.com/Les-intellectuels-jugent-les.html].
6 Popper K., Condry J., La télévision, un danger pour la démocratie, Anatolia Éditions, 1995.
7 Chomsky N., « Le lavage de cerveaux en liberté », Le Monde diplomatique, août 2007.
8 Taguieff P-A., L’illusion populiste. Essais sur les démagogies de l’âge démocratique, Flammarion, 2007, p. 103.
9 Stiegler B., « Formation et destruction de l’attention. L’avenir de nos établissements d’enseignement à l’époque des nouvelles industries de programmes », Débat organisé par Ars Industrialis, Paris, 12 mai 2007. [http://arsindustrialis.org/formation-et-destruction-de-lattention-2].
10 Le Monde TV, 14-15 mars 2010.
11 Les JT et les émissions politiques sont davantage commentés sous l’angle de leur partialité supposée ou de leur mise en scène « communicationnelle » ou manipulatoire ; les jeux sous l’angle de leur « bêtise » ; les divertissements sous l’angle de leur « vulgarité » ; la téléréalité sous l’angle du « voyeurisme », de l’« obscénité », des « penchants sadiques » qu’elle favoriserait.
12 Virginie Calmels, Le Monde, 18 mars 2011.
13 Voir Le Grignou B., Neveu E., « Beaucoup de bruit pour (presque) rien ? À propos de la diffusion et de la réception du « Jeu de la Mort » », Questions de communication, no 20, 2011, p. 215-238.
14 Philosophie Magazine, no 37, mars 2010. http://www.philomag.com/fiche-dossiers.php?id=76
15 L’expression est de Jean-Léon Beauvois, Professeur de psychosociologie, concepteur scientifique et acteur de l’émission. Ses interventions (et celles de ses collègues) sont disponibles sur [http://liberalisme-democratiesdebat-public.com/] (article 119, saisi le 19/07/10).
16 Beauvois J.-L., Bande son de l’émission « Le jeu de la mort », diffusée le 17 mars 2010, France 2.
17 Braud Ph., L’émotion en politique, Presses de Sciences Po, 1996, p. 37.
18 Traïni C. (dir.), Émotions… mobilisation !, Presses de Science Po, 2009.
19 Traïni C., « Dramaturgie des émotions, traces des sensibilités. Observer et comprendre des manifestations anti-corrida », ethnographiques. org, numéro 21, novembre 2010 [en ligne]. [http://www.ethnographiques.org/2010/Traini].
20 Grindstaff L., The Money Shot: Trash, Class, and the Making of TV Talk Shows, Chicago, The University of Chicago Press, 2002.
21 Elle cite ainsi les exemples d’une jeune femme violée de façon répétée par son oncle, d’un pédophile condamné, d’un homosexuel de 17 ans violenté et en fugue… et relève que la grande majorité des « invités » qui téléphonent pour exposer leur histoire douloureuse, sont des femmes, issues des catégories populaires.
22 Mehl D., La télévision de l’intimité, Le Seuil, 1996.
23 Mehl D., La fenêtre et le miroir. La télévision et ses programmes, Payot, 1992.
24 Lochard G., Soulages J.-C., « Les imaginaires de la parole télévisuelle », Réseaux, no 63,1994, p. 13-38.
25 Ellis J., « The Performance on Television of Sincerely Felt Emotion », The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, no 625, september 2009, p. 102-115.
26 Sennett R. Les tyrannies de l’intimité, (1977), Le Seuil 1979.
27 Jost F., « Pragmatique des émotions télévisuelles », Grotius International, posté par F. Jost le 2 janvier 2011. [http://www.grotius.fr/pragmatique-des-emotions-televisuelles/].
28 Brunsdon C., « Lifestyling Britain. The 8-9 slot on British television », International Journal of Cultural Studies, volume VI (1), 2003, p. 5-23.
29 C. Brunsdon fait d’ailleurs remarquer les proximités entre les mises en scène des émissions lifestyle contemporaines et celles de la désormais célèbre émission d’actualité, Nationwide, étudiée à la fin des années 1970 par D. Morley et elle-même (The Nationwide Audience, London, BFI, 1980) : on y retrouve la même adresse à des consommateurs et non à des citoyens et la même focalisation sur le domestique et le privé.
30 Braud Ph., L’émotion en politique, Presses de Sciences Po, 1996, p. 7.
31 Darras E., « Espaces privés à usages politiques. La « psychologisation » de la scène politique », CURAPP, Le for intérieur, PUF, 1995, p. 378-397.
32 Darras E., « Un paysan à la télé », Réseaux, no 63, 1994, p. 98.
33 Goffman E. « La ritualisation de la féminité », Les moments et leurs hommes, articles rassemblés par Y. Winkin, Le Seuil/Éditions de Minuit, 1976-1988, p. 150-185.
34 Darras E., « Un paysan à la télé », art. cit., p. 86.
35 Blumler J. G., Gurevitch M., The Crisis of Public Communication, London, Routledge, 1995.
36 Neveu E., « De l’art (et du coût) d’éviter la politique. La démocratie du talk-show version française (Ardisson, Drucker, Fogiel) », Réseaux, no 118, 2003, p. 95-134.
37 Wouters C., « Formalization and Informalisation : Changing tension balances in civilizing processes », Theory, Culture and Society, vol. 3 (2), 1986 ; cité in Neveu E., « De l’art (et du coût) d’éviter la politique », art. cit., p. 101. Voir sa contribution sur Cas Wouters dans le présent volume.
38 Passeron J.-C., Le raisonnement sociologique, Nathan, 1991, p. 265 et suiv.
39 Ibid., p. 266
40 Traïni C., « Dramaturgie des émotions, traces des sensibilités », art. cit.
41 Pasquier D., la culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Éditions de la MSH, 1999, p. 159 et suiv.
42 Donnat O., Les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, Enquête 2008, Paris, La Documentation française, 2009, p. 200.
43 Souchon M., La télévision des adolescents, Éditions Ouvrières, 1969.
44 Mauger G., Poliak C., Pudal B., Histoires de lecteurs, Éditions du Croquant, 2010.
45 Brunsdon C., « Lifestyling Britain », art. cit., p. 15 et s.
46 Voir Gray A., « Audience and Reception Research in Retrospect: The Trouble with Audience », Alasuutari P. (ed.), Rethinking The Media Audience, London, Sage, 1999. P. 22-37.
47 En écho à la remarque d’Isabelle Sommier (« Émotions », in Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po, 2009, p. 200) sur le caractère « doublement genré » de l’approche des émotions, on peut noter l’investissement important des chercheuses dans les études sur la télévision (et plus particulièrement sur les genres les moins « nobles » et sur les réceptions).
48 Fraser N., « Rethinking The Public Sphere », Calhoun C. (ed.), Habermas and the Public Sphere, Cambridge, MIT Press, 1997.
49 Brown M. H., (ed.), Television and Women’s Culture: The Politics of Popular, London, Sage, 1990; Brunsdon C., d’Acci J., Spigel L., (ed.), Feminist Television Criticism, Oxford, Clarendon Press, 1997.
50 Ang I., Watching « Dallas », London, Methuen, 1985.
51 Ellis J., « The Performance on Television of Sincerely Felt Emotion », art. cit., p. 110-112.
52 Elias N., « Remarques sur le commérage », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 60, 1985, p. 23-29.
53 Van Zoonen L., « Imagining the Fan Democracy », European Journal of Communication, v. 19 (1), 2004, p. 39-52.
54 Ibid., p. 49.
55 Radway J., Reading The Romance, (1984), Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1991. Conclusion traduite par B. Le Grignou, Politix, no 51, 2000, p. 163-177.
56 Ibid., p. 209.
57 Ibid., p. 75.
58 Passeron J.-C. « Le raisonnement sociologique », op. cit. p. 177.
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