12. Vers l’identification empirique des dénis de reconnaissance dans les relations internationales
Le cas des attentats de Londres en 2005
p. 209-224
Texte intégral
1Les théories des relations internationales d’inspiration utilitariste considèrent que la violence des acteurs affiliés à Al Qaida représente avant tout « la continuation de la politique par d’autres moyens » (Carl von Clausewitz). Robert Pape a plus récemment mis en avant les gains politiques associés à la violence dite « terroriste » dans les relations internationales. Dans son étude sur les 315 attentats suicide de 1980 à 2003, il affirme que ces attaques partageaient un même objectif séculier et stratégique : contraindre les démocraties occidentales à évacuer leurs forces militaires d’un territoire que les combattants considèrent comme sacré. De la même manière, les théories de la balance of power estiment que les suicides sont un moyen de combat dans la guerre asymétrique contre la puissance américaine perçue comme arrogante. Ces études soulignent les motivations politiques du « terrorisme » international et le rôle central de la domination occidentale dans la plupart des actions terroristes. Nous nous attacherons ici à mettre plus fortement en avant les coûts émotionnels de cette domination. D’après les théories organisationnelles, les attentats suicide représentent un moyen d’obtenir davantage de publicité dans un contexte de rivalité organisationnelle. Toutefois, ce gain de visibilité par rapport aux autres organisations doit être mis en perspective avec les attentes normatives et émotionnelles des audiences plus au moins sensibles aux options violentes. Par ailleurs, même si les attaques suicide sont rationnelles pour une organisation combattante, elles n’expliquent pas pourquoi les acteurs acceptent le rôle de martyres1. En somme, ces théories ne nous disent rien sur le processus de radicalisation des individus. Le fait que les acteurs sacrifient leur propre survie à la réalisation des « objectifs suprêmes » contredit les prémisses sécuritaires des approches (néo)-réalistes.
2Les approches libérales, souvent fondées sur la prémisse de l’homo economicus, peinent à expliquer pourquoi les membres d’une élite transnationale militent en faveur de l’agression physique contre des États dont ils profitent matériellement – Ben Laden et ses cadres comptaient parmi les bénéficiaires de la globalisation2. De même, de nombreux volontaires des opérations martyres du Hamas sont originaires des « classes moyennes » exerçant des métiers socialement valorisés3.
3D’autres études d’inspiration « culturaliste » ou « psychologique » suggèrent souvent l’irrationalité des acteurs terroristes4. Toutefois, ces travaux n’ont pas clairement établi les facteurs culturels et psychologiques favorisant des carrières « terroristes ». Ainsi, les quatre étudiants d’Hambourg impliqués dans les attentats du 11 septembre avaient longtemps séjourné dans un pays occidental et n’étaient pas particulièrement pratiquants au moment où ils ont commencé leur processus de radicalisation5. D’autres enquêtes ont démontré que la plupart des islamistes terroristes n’ont pas réellement reçu d’éducation religieuse. Ils menaient souvent une existence sécularisée et occidentalisée durant leur adolescence6. En outre, il n’existe aucune corrélation systématique entre des variables psychologiques telles que la personnalité narcissique, paranoïaque, autoritaire et la propension à s’engager dans la violence dite « terroriste7 ».
4Notre propos est d’éclairer le processus de radicalisation « terroriste » en nous appuyant sur le « emotional turn » dans l’étude des relations internationales. Nous mettrons en avant des émotions « morales » comme les dénis de reconnaissance dans l’explication des violences internationales8. Ces approches ont souvent été critiquées pour leur inadéquation méthodologique et la difficulté d’identifier empiriquement les émotions. Notre contribution applique différentes méthodes pour capter les émotions politiques. Les émotions « partagées » n’exigent pas de scruter de manière spéculative des états d’âme individuels mais se traduisent dans les pratiques langagières et peuvent donc être détectées par une analyse des discours. Au lieu de localiser l’émotion de la non-reconnaissance dans les traits personnels comme des expériences traumatiques durant l’enfance ou des pathologies psychiques, nous allons nous intéresser à sa dimension sociologique. Les méthodes ethnographiques permettent également de capter les émotions par des témoignages des proches des acteurs concernés. Enfin, l’étude plus processuelle et séquentielle de l’engagement « violent » est susceptible d’établir des correspondances entre des événements émotionnellement investis et la radicalisation « violente ».
5Plus spécifiquement, nous défendons la thèse selon laquelle la motivation des partisans d’Al Qaida doit tenir compte de leur quête d’estime de soi9. Le désir de reconnaissance est omniprésent dans les relations sociales10 même si les modalités concrètes de cette quête varient dans l’espace et dans le temps. Nous définissons la reconnaissance comme la congruence entre l’image de soi que nous revendiquons pour nous ou notre communauté de référence et l’image que nous renvoient les autres11. Un sentiment de non-reconnaissance se produit au moment où l’image revendiquée est moins positive que celle qui est renvoyée. Dans cette perspective, nous considérons que le désir pour le respect, l’honneur et la revanche joue souvent un rôle plus crucial que des considérations stratégiques telles que la volonté de maximiser des ressources en termes économiques ou de pouvoir. Ainsi, les attentats du 11 septembre et la destruction des symboles économiques, militaires et politiques de la « grandeur américaine » ne pouvaient pas être envisagés comme une base de négociation avec l’administration Bush mais comportaient avant tout une finalité symbolique et émotionnelle : celle d’agrandir la réputation d’Al Qaida dans le monde et d’humilier la superpuissance « arrogante ».
6Le sentiment de mépris affiché chez les partisans d’Al-Qaida est selon nous né d’un décalage entre « l’image de soi virile » et des expériences personnelles discriminatoires ou des expériences similaires vécues par procuration, lorsque la communauté musulmane à laquelle les individus s’identifient est visée. Le sentiment de non-reconnaissance est souvent le produit d’un jugement cognitif et moral sur la disparité existant entre l’ampleur du respect que nous attendons et le traitement que nous recevons effectivement. De ce fait, il est erroné de nier aux acteurs de la violence tout raisonnement moral. Au contraire, nous allons voir que leur engagement s’inspire en grande partie d’un sentiment d’indignation par rapport à la discrimination de leur groupe de référence par la société. Plus particulièrement, nous allons examiner en détail les quatre individus impliqués dans les attentats de Londres en 2005 et leur inspirateur l’iman de Finsbury Abu Hamza12. La plupart d’origine pakistanaise (sauf un), ils se sont en effet identifiés à leurs « frères » faisant l’objet de discriminations sociales, économiques et politiques multiples dans la société britannique et internationale. Leur prise de conscience de ces discriminations s’est nourrie par des contacts directs avec des populations en détresse et des séjours en Palestine ou en Pakistan. Dans le cas des quatre auteurs de l’attentat de Londres, les effets de la discrimination sont de nature symbolique. En effet, ces derniers étaient socialement bien intégrés contrairement à leur communauté de référence : les Britanniques d’origine pakistanaise à Beeston près de Leeds. En somme, la dimension morale de leur engagement mérite toute notre attention.
7Toutefois, face aux discriminations subies, une réaction violente est loin d’être automatique. Les options sont multiples : apathie, mobilisation politique ou résistance non violente. Pour comprendre le choix armé des auteurs des attentats de Londres en 2005, nous mettons en avant la notion d’« identité virile ». L’expérience d’un déni de reconnaissance ne se transforme en violence que lorsque les acteurs tiennent à l’affirmation d’une identité virile et sont intégrés dans une organisation qui les encourage et les éduque dans le culte de la « force » attestant leur « courage combatif ». À l’exception des « kamikazes » du Proche et du Moyen-Orient, agissant dans un contexte de guerre, la plupart des attentats suicide sont commis par des hommes, généralement âgés de 18 à 30 ans, cultivant la force physique. Peu d’observateurs ont accordé suffisamment d’attention au fait qu’un nombre non négligeable d’auteurs d’attentats pratiquaient des sports de combat, parfois même à un haut niveau, à l’instar d’Omar Said Sheikh, connu pour son rôle dans l’assassinat du journaliste Daniel Pearl, qui avait participé au championnat du monde de bras de fer en 199213. Parmi les quatre pilotes du 11 septembre, trois pratiquaient des arts martiaux14 et toutes les personnes impliquées dans les attentats du Londres pratiquaient le Taekwondo. La plupart de ces individus sont aussi issus de pays où la différenciation des sexes demeure très forte comme au Pakistan et en Arabie Saoudite. Toujours est-il aussi que les auteurs du 11 septembre et ceux des attentats de Londres étaient le plus souvent engagés dans des études « techniques » où les femmes –même dans les pays occidentaux– restent peu représentées15. Enfin, certains ont reçu dans leur enfance une éducation particulièrement dure d’un père valorisant la force « physique16 ». Pour ces individus, le fait de séjourner dans un camp d’entraînement d’Al Qaida réputé extrêmement rude et sélectif représente une distinction sociale majeure au même titre que l’intégration d’une université d’élite pour un étudiant ambitieux. Cette valorisation de la virilité est en grande partie issue des interactions avec le monde occidental et non de la religion musulmane. L’éloge de ceux qui sont tués dans l’action est traditionnellement réservé à des croyants qui ont été tués par « l’ennemi ». Stephen Holmes souligne la prédominance des valeurs militaires et non religieuses dans les références doctrinales des dix-neuf personnes impliquées dans les attentats du 11 septembre17. Le culte de la virilité est une condition indispensable pour faire de l’option violente un choix rationnel face aux injustices perçues. C’est seulement au moment où la résistance pacifique est perçue comme efféminée et même immorale contre un Occident unifié et diabolisé que les actions violentes contre des populations civiles deviennent une option plausible. Cette masculinité hubristique (au sens d’un culte démesuré de la force physique et du sacrifice) est à notre avis primordiale pour comprendre la mise en scène de l’acte de sacrifice via des vidéos « martyres » enregistrées avant les attentats de Londres en 2005.
8Dans une première partie, nous examinerons par l’analyse de contenu et la méthode d’une cartographie cognitive (cognitive mapping18), la fréquence des arguments instrumentaux (par exemple la justification de la violence par l’objectif de libérer les territoires « occupés ») avec des arguments plus expressifs en termes d’honneur et de vengeance dans les discours des partisans d’Al Qaida. Le matériel empirique est constitué de différentes sources : les interviews menées par Fahrad Khosrokavar dans des prisons françaises auprès des détenus suspectés d’appartenir au réseau d’Al-Qaida19, quinze discours des cinq leaders de l’organisation et enfin dix entretiens conduits par nos soins avec trois responsables religieux de la mosquée Finsbury à Londres, quatre policiers et trois individus britanniques d’origine pakistanaise en contact avec des personnes fréquentant cet ancien lieu de propagande d’islamisme radical. Dans une seconde partie, nous retracerons les parcours biographiques des quatre auteurs des attentats de Londres en 2005 et de leur inspirateur Abu Hamza afin d’identifier leur « socialisation virile » et de mettre en lumière leur processus de radicalisation.
La primauté de la « rationalité symbolique » dans le discours d’Al Qaida
9Nous partons de la prémisse qu’il existe des marqueurs discursifs des « émotions » comme les « dénis de reconnaissance20 ». Afin de valider l’hypothèse selon laquelle le sentiment d’un déni de reconnaissance joue un rôle dans la radicalisation « violente » contre les puissances occidentales auprès des militants d’Al Qaida, nous avons comparé quinze discours de cinq leaders d’Al Qaida21 avec treize discours de penseurs critiques et pacifiques de la globalisation « américaine22 ». Cette comparaison est commandée par le principe de la comparaison « contrastée » : l’idée étant ici d’identifier ce qui différencie sur le plan émotionnel un discours critique et pacifique à l’égard de la puissance américaine d’un discours d’incitation à la violence. Les deux tableaux suivants indiquent les mots les plus fréquemment cités respectivement dans les discours d’Al Qaida et dans ceux des adversaires de la globalisation capitaliste.
Tableau 2 : les mots le plus cités dans les discours des critiques de la globalisation
Groupe 1, AL Qeda0 | Groupe 2 critiques de la globalisation | ||
WTO | 0 | 42 | +15 |
Social | 0 | 57 | +20 |
Trade | 0 | 39 | +14 |
Civil | 0 | 14 | +6 |
ICC | 0 | 12 | +5 |
EU | 0 | 12 | +5 |
Asian | 0 | 12 | +5 |
10Les chiffres donnent les effectifs, et les valeurs relatives. Le signe + indique une sur-représentation significative (avec une marge d’erreur de 5 %) Nous pouvons constater sans surprise que les termes à connotation religieuse sont nettement plus fréquents dans les discours d’Al Qaida que dans les discours des adversaires de la globalisation capitaliste. Chez ces derniers prime un vocabulaire économique renvoyant à l’organisation du commerce mondial. Peut-être plus révélateur encore est la différence dans le recours aux pronoms personnels. Les discours des leaders d’Al Qaida impliquent leur public de manière personnelle (« you », « your ») et désignent des ennemis « naturalisés » (« them »). En revanche, les critiques de la globalisation renvoient à un vocabulaire émotionnellement moins « impliquant » et désignent des entités clairement sociales (trade, WTO etc.) comme adversaire. Cette différence discursive nous fournit un premier indice quant à l’importance des émotions dans les discours d’Al Qaida car celles-ci sont toujours mobilisées par l’évocation d’une « communauté affective » mettant en situation d’interlocution fictive les émetteurs et les destinataires du discours. Parmi les différences discursives, nous pouvons aussi citer la fréquence des mots comme « Crusader » (17, + 6) ou « slaves » (14, + 5) dans les discours des leaders d’Al Qaida qui renvoient à une notion de domination « humiliante ». Enfin, on remarque les très nombreuses occurrences de termes à connotation « militaire » et « virile » (jihad, 26, + 8 ; mujahedeen, 23, + 7 ; Mujahideen, 22, + 7, Jihad, 23, + 7 ; men, 19, + 6, mujahideen, 19, + 6), ce qui conforte notre hypothèse sur le lien entre « virilité » et options violentes.
11Afin de valider plus systématiquement l’hypothèse selon laquelle le sentiment d’un déni de reconnaissance joue un rôle dans la radicalisation « violente » contre les puissances occidentales auprès des militants d’Al Qaida, nous avons distingué deux registres dans les dénis de reconnaissance. Un premier champ lexical s’articule autour d’une notion de « non-reconnaissance légère » ; il comprend les termes désignant autrui comme « subordonné » ou peu « significatif » sans exclure qu’on lui accorde un minimum de respect. Nous avons bien sûr aussi inclus dans cette analyse des termes qui suggèrent le statut peu significatif et subordonné de son propre groupe d’appartenance. Cette forme d’un déni de reconnaissance n’est pas nécessairement liée à la violence car l’existence de l’autre et de « soi » n’est pas perçue comme étant menacée. En revanche, une forme plus dure de déni de reconnaissance est perceptible dans des termes qui n’expriment pas seulement une dépréciation hiérarchique d’autrui mais sa dépréciation plus globalisante. C’est cette dernière forme de déni de reconnaissance qui devrait favoriser les options violentes. Nous avons mis dans la catégorie des dénis faibles de reconnaissance des mots comme « snober », « négliger » ou « déprécier »23. En revanche, nous avons mis dans la catégorie des dénis « forts » de reconnaissance des mots comme « humilier », « profaner » et « mépriser ».
12Le corpus contient 65 178 formes au total, dont 27 774 pour le corpus « Al Qaida » (42,6 %) et 37 404 (57,4 %) pour le corpus « anti-globalisation ». La différence de fréquence des formes « soft » de non-reconnaissance entre les deux groupes n’est pas significative. En revanche, dans le corpus « Al Qaida », nous dénombrons 131 occurrences de la catégorie de formes « hard », représentant une fréquence de 47,1/10 000 des formes de la partie Al Qaida, contre une fréquence théorique (attendue) de 26,2/10 000. Cette différence est significative à 5 % (test bilatéral24). Il y a entre 3 à 6 fois plus de chances d’observer une forme de type « hard » dans le groupe Al Qaida que dans le groupe anti-globalisation25.
13Enfin, nous avons mené une analyse de « cartographie cognitive » (cognitive mapping) pour comparer le recours aux arguments stratégiques et aux arguments symboliques dans les discours des partisans d’Al Qaida lorsqu’ils prônent le recours à la violence armée. Notre échantillon est constitué de quinze discours de leaders d’Al Qaida et de quatorze interviews menées par le sociologue Fahrad Khosrokavar dans les prisons françaises26. Nous avons constitué trois groupes : 1. Leaders d’Al Qaida 2. Sympathisants privilégiés d’Al Qaida 3. Sympathisants socialement marginalisés d’Al Qaida. Nous allons utiliser la méthode de la cartographie cognitive. Celle-ci vise à retracer le raisonnement « causal » des acteurs dans leurs discours. Ces relations causales sont ensuite « graphiquement » visualisées sous forme de signes (par exemple causalité positive = +, causalité négative =-) et connections entre phrases et mots. Conformément à cette méthode, nous allons d’abord identifier toutes les phrases où la violence est recommandée par les acteurs pour ensuite retracer les causes et les raisons attribuées à la violence. De manière très schématique, il est possible de distinguer deux modèles principaux dans la justification de la violence. Le premier modèle est celui de l’utilité stratégique. Il peut impliquer la perception d’une injustice par les acteurs mais pose la violence comme utile sur le plan politique ; les acteurs se représentent la violence comme une opportunité pour réaliser des gains matériels. En revanche, le second modèle suppose que la violence est susceptible de redresser un affront adressé à l’image de soi. Sa logique est fondée sur des dynamiques émotionnelles comme la revanche ou l’affirmation de l’estime de soi. Cette quête peut être associée à des coûts matériels élevés.
14L’exemple suivant illustre notre procédure de codage. Le premier est une affirmation de Ben Laden à propos de la présence militaire américaine en Irak :
« Je vous demande avec insistance, canards boiteux, de ne pas vous échapper rapidement comme le suggère votre ministre de la défense car nous n’avons pas encore étanché notre soif de votre sang. Espèce de lâches, restez fermement dans le champ de bataille. Les Romains n’avaient pas à être honteux de leur défaite27. »
Griefs | Émotion | Violence expressive |
La présence américaine en Irak | Haine, revanche : « notre soif », « lâche » | « soif de votre sang » – violence plus expressive car moyen de prendre sa revanche |
15Un exemple d’orientation plus stratégique de recours à la violence se trouve dans cette autre affirmation de Ben Laden :
« Et je m’adresse aux États-Unis, j’affirme à son peuple : je jure par Dieu le magnifique que l’Amérique ne va jamais rêver ou obtenir la sécurité et la protection jusqu’à ce que nous nous sentions en sécurité ou que nous estimions être protégés dans notre pays et en Palestine28. »
Griefs | Opportunité | Violence stratégique |
La présence américaine en Irak | Émotion : probablement « revanche » : « je jure » « jamais » mais surtout raisonnement stratégique en termes de dissuasion | La violence est codée comme stratégique car l’affirmation suggère une proportionnalité entre violence contre Américains et violence américaine contre Palestine = dissuasion |
16Nos résultats sont les suivants :
Leaders 5 leaders, 15 discours | Sympathisants privilégiés 5 interviews | Sympathisants marginalisés 9 interviews | |
Utilité stratégique | 35 | 8 | 2 |
Violence expressive | 64 | 32 | 48 |
Total | 99 | 40 | 50 |
17Comme on peut le voir, les arguments en faveur des options violentes sont très majoritairement d’inspiration expressive et non stratégique. Les leaders et les sympathisants privilégiés d’Al Qaida sont plus enclins à un raisonnement stratégique que les sympathisants socialement marginalisés mais avancent nettement plus d’arguments fondés sur l’expérience d’humiliation et la nécessité de laver l’affront que d’arguments inspirés d’une rationalité plus stratégique. Des observateurs sceptiques pourraient remarquer qu’une analyse des discours ne reflète pas les véritables ambitions stratégiques des leaders d’Al Qaida et affirmer que leurs expressions émotionnelles ne sont que des manipulations pour mobiliser leurs sympathisants. Même exacte, cette perspective admettrait que les arguments émotionnels fondés sur la reconnaissance sont plus efficaces auprès des sympathisants d’Al Qaida que ceux d’inspiration stratégique. En d’autres termes, nous devons nous demander pourquoi il existe auprès des populations musulmanes un « potentiel de rage » si répandu et susceptible d’être instrumentalisé.
Griefs et parcours biographique des acteurs des attentats de Londres en 2005
18Le parcours biographique des auteurs des attentats de Londres en 2005 nous fournit quelques indices sur la façon dont des discriminations multiples sont susceptibles de donner lieu à des actes violents. Conformément à une analyse séquentielle, nous allons identifier les événements précipitant leur radicalisation en établissant des « variations concomitantes » entre des expériences de mépris et une entrée dans une étape supérieure de radicalisation. Ces « chrono » – logiques nous fournissent des indices supplémentaires sur le lien entre émotions et engagement violent. Toutefois, nous allons d’abord exposer les motivations subjectives des acteurs.
19Deux griefs sont clairement identifiables. D’une part ils estiment tous que le monde musulman est agressé par des puissances « impérialistes » occidentales, comme le mettent en scène les vidéos martyres de Sidique Khan (1974-2005) –le leader du groupe– et de Shehzad Tanweer (1983-2005), diffusées un an après les attentats par la chaîne Al Jazeera. Dans sa confession filmée, le premier insiste sur le rôle de l’engagement britannique contre l’Irak en 2003 dans sa décision de commettre un attentat suicide :
« Vos gouvernements démocratiquement élus commettent continuellement des atrocités contre mon peuple et contre tout le monde. Jusqu’à ce que nous nous sentions en sécurité, vous allez être notre cible. Jusqu’à ce que vous arrêtiez de bombarder, gazer, emprisonner et torturer… nous poursuivrons ce combat29. »
20Le directeur du Leeds Muslim Forum, Arshad Chaudhry, se rappelle qu’il était impossible d’avoir « une conversation civilisée avec lui à propos de l’Irak30 ». La charge émotionnelle associée à la répression des Musulmans en Irak et en Palestine était indéniablement très forte chez Khan. Shehazd Tanweer, un autre auteur des attentats de Londres et le protégé de Sidique Khan, dénonça également l’intervention du gouvernement britannique en Irak et en Afghanistan dans sa vidéo. La sincérité de son indignation fait peu de doutes. Selon l’un de ses meilleurs amis, il devenait toujours « très émotif et sentimental » lorsqu’il « écoutait quelque chose sur les souffrances des Musulmans dans le monde… Il était un bon Musulman31 ». Germain Lindsay (1985-2005), lui aussi impliqué dans les attentats, était d’abord un militant d’Amnesty International. Selon sa veuve, Samantha Lewthwaite : « Il était toujours en colère lorsqu’il voyait des civils musulmans tués dans les rues en Irak, en Bosnie, en Palestine et en Israël32. »
21Dans les dix entretiens que nous avons menés dans l’entourage de la mosquée de Finsbury de Londres régulièrement fréquentée par au moins trois des acteurs des attentats de Londres, nous avons également constaté la prédominance du thème de la répression des Musulmans en Palestine, en Tchétchénie, en Irak et en Afghanistan. Un Musulman britannique d’origine pakistanaise nous avait signalé dans un entretien en juillet 2010 qu’il « existe une connaissance commune du caractère global de l’impérialisme américain tel qu’il se manifeste par exemple en Irak ou en Afghanistan ». Un des nouveaux administrateurs de la mosquée de Finsbury nous avait de la même manière signifié que la présence américaine en Irak, Afghanistan et son soutien à Israël constitua, à côté du « lavage de cerveau », probablement la plus grande motivation dans les attentats de Londres en 2005. Nous avons aussi eu accès à des « journaux » qui circulaient autour de cette mosquée et qui reprochaient aux Occidentaux un véritable génocide contre le peuple musulman en Bosnie et en Irak.
22Une deuxième grande motivation affichée dans les attentats –quoique plus discrètement– est le sentiment d’une discrimination sociale et économique des populations musulmanes dans les sociétés occidentales, ainsi que l’exprimait dans ses discours l’ex-iman de Finsbury, Abu Hazam, condamné pour incitation au meurtre et planification des attentats « terroristes ». En effet, trois auteurs des attentats sont issus de la minorité pakistanaise qui occupe dans la hiérarchie sociale de la société britannique la place la plus basse à côté des minorités noires des Caraïbes. Mêmes deux officiers de la police de proximité du même quartier nous ont confirmé qu’ils considéraient la minorité « pakistanaise » comme peu susceptible d’être intégrée à la différence des autres communautés issues de Commonwealth. De leur côté, deux interviewés d’origine pakistanaise fréquentant le lieu de culte nous ont affirmé qu’ils estimaient leur groupe particulièrement discriminé par des contrôles de police et des reportages dans les medias toujours enclins à les traiter comme des terroristes potentiels. La semaine précédant notre visite de la mosquée de Finsbury, des inconnus avaient planté une tête de cochon sur la grille de son portail. Il est peu douteux que le sentiment d’être exposé à des « humiliations » quotidiennes a aussi joué un rôle dans les actes du groupe du 7 juillet. Tous les quatre sont issus de Beeston près de Leeds, un endroit fortement peuplé d’immigrés pakistanais avec des problèmes sociaux considérables. Selon le frère de Sidique Khan, Gultasab, c’était l’indignation morale de son frère de voir des Musulmans se prostituer et prendre de l’héroïne qui a stimulé sa conscience politique. Le fait que personne parmi les terroristes n’ait réellement appartenu à ces populations en détresse n’enlève rien au fait qu’ils ont pu se sentir concernés, par identification à la misère des populations de leur quartier. Cela est d’autant plus le cas que Sidique Khan s’était distingué dans le travail social de son quartier et qu’il était unanimement apprécié comme assistant dans un établissement scolaire avec des élèves à « problèmes ».
23Toutefois, il est clair que l’indignation morale et le sentiment d’un déni de reconnaissance sont assez largement partagés parmi les Pakistanais britanniques et au sein d’autres populations musulmanes dans les pays occidentaux sans que ceux-ci ne versent dans la violence radicale. Quels sont donc les éléments biographiques qui éclairent au moins partiellement le choix de moyens violents par ces acteurs pour défendre leur cause ? Nous allons nous contenter ici de mettre en avant le rôle des facteurs émotionnels et symboliques dans leur radicalisation sans contester l’importance des autres facteurs comme leurs réseaux et la « fabrique du combattant » par l’organisation.
24Leur adolescence était peu marquée par la religion mais par des activités sportives et un certain culte du corps et de la masculinité. Tous les membres du groupe avaient grandi à Beeston au sud de Leeds, une région comportant une importante communauté pakistanaise et bangladeshi. La plupart des familles de cette région sont issues de la partie rurale du Kashmir pakistanais, le Mirpur. Le taux de meurtres par vengeance est particulièrement élevé au sein de cette communauté33. En outre, tous les membres du groupe du 7 juillet étaient des fans de sports de combat. Le cas le plus évident est celui de Shehzad Tanweer. Selon tous les témoignages, il adorait le cricket, les arts martiaux et conduire la Mercedes de son père, un dirigeant de restaurants fish and chips. Il étudia le sport à l’Université Metropolitan of Leeds et affichait fièrement dans sa chambre les trophées qu’il avait gagnés en athlétisme34. Quant à Germain Lindsay, ce jeune homme athlétique était un grand amateur d’arts martiaux et de kickboxing. Hasib Hussain était incontestablement le moins sportif des quatre et souffrait d’un excédent de poids. Toutefois lui aussi cultivait sa « virilité ». Il levait avec Sidique Khan des poids pour muscler son corps et était le plus grand de sa classe. Il avait aussi l’ambition de devenir un professionnel du cricket et pratiquait le football35. Le leader du groupe Sidique Khan fréquentait aussi des cours d’arts martiaux avec son protégé Shehzad Tanweer et était l’animateur de ses activités « sportives » et « viriles ».
25Le tournant religieux des quatre auteurs des attentats de Londres était incontestablement lié aux problèmes sociaux de la région. Ce processus « d’islamisation » ne doit pas encore être confondu avec l’islamisme radical mais regardé avant tout comme un moyen de réalisation de soi. Il est particulièrement clair chez l’imam Abu Hamza. D’origine égyptienne, il était d’abord venu à Londres par loisir et avait travaillé comme videur dans un bar et entretenu des relations avec une prostituée. Pour se racheter, il avait proposé à sa femme de pratiquer désormais plus sérieusement l’Islam36. Toutefois, la socialisation « virile » de ces personnes donna assez rapidement une connotation « militaire » à leur engagement en faveur de l’Islam. Même dans la lutte contre la drogue, les quatre de Beeston s’étaient engagés dans des pratiques « musclées » en kidnappant les personnes droguées et en les contraignant avec l’accord de leurs parents à entreprendre une cure de désintoxication forcée. Ils étaient appelés dans leur quartier les « Mollah boys ». Selon un témoignage que nous avons reçu d’une connaissance de Sidique Khan à Beeston, Khan, Shehzad Tanweer, Hasib Hussain et trois autres jeunes immigrés pakistanais utilisaient la rue de la grande mosquée de Leeds au grand mécontentement de l’imam pour s’exercer chaque semaine au Taekwondo. En outre, Sidique Khan entraîna régulièrement ses disciples dans les arts martiaux au Hamar Youth Center.
26Chez Sidique Khan, la radicalisation remonte probablement à l’année 2003 lorsqu’il fréquenta les territoires palestiniens après un pèlerinage à La Mecque. Alors qu’il n’était auparavant pas spécialement sensibilisé aux souffrances du peuple palestinien, il en revint profondément affecté. Après son séjour, il affirma à ses proches que les Occidentaux « nous tuent » et qu’il n’aurait pas d’autre choix que de répondre par la violence37. D’autres semblent avoir été radicalisés par des vidéos ou des récits des combattants afghans. L’ensemble des membres du groupe participaient à des séances de la mosquée de Finsbury, où Abu Hamza donna des exemples des attentats suicide du Hamas et du Hezbollah tout en diffusant des vidéos sur des atrocités commises par des soldats américains et britanniques contre des enfants irakiens38.
27Une dernière étape dans la radicalisation des auteurs des attentats de Londres était leur implication dans le camp d’entraînement d’Al-Qaida au Pakistan fin 2003 et 2004. Selon certains témoignages du procès des attentats de Londres39, Khan était déjà allé en juillet 2001 au Pakistan pour apprendre la fabrication des bombes dans le camp d’entraînement de Malakand. Le voyage de Tanweer et de Khan fin 2003 au Pakistan ne fait aucun doute. Il est probable qu’ils étaient fiers d’être sélectionnés par les futurs combattants d’élite d’Al-Qaida. Ainsi des parents de Tanweer ont révélé qu’il avait voulu mourir comme « guerrier saint » et qu’il était fasciné par la combativité de Ben Laden40. On comprend que l’idéologie militaire d’Al Qaida a pu exercer un attrait sur ce groupe cultivant la « virilité ». Un des axiomes de cette organisation est toujours l’idéologie « militaire » en proclamant que « l’entraînement militaire est une obligation dans l’Islam pour tout Musulman sain, masculin et mature41 ».
28Notre analyse suggère que les attentats de Londres ont été motivés par l’expérience des « violences symboliques ». Loin d’être des émotions enracinées dans la psychologie individuelle des acteurs, leurs causes sont, selon nous, liées à une indignation morale quant au mépris dont font l’objet les populations musulmanes dans les sociétés occidentales et sur la scène internationale. En d’autres termes, l’opposition weberienne entre rationalité et émotivité est loin d’être aussi tranchée. Les types d’action de rationalité par rapport à des valeurs et les types d’action affective sont souvent imbriqués. C’est parce que les individus estiment que certaines normes de respect sont violées qu’ils éprouvent des émotions puissantes comme celle de l’humiliation qui les conduisent à l’action.
29Les auteurs des attentats de Londres étaient indéniablement animés par un raisonnement moral dans leur quête de vengeance. La marginalisation sociale et économique des minorités musulmanes est une motivation puissante dans leur radicalisation. C’est moins leur situation personnelle qui les a conduits à l’action que l’empathie envers leurs « frères » marginalisés à Beeston. Par ailleurs, la stigmatisation sociale des populations musulmanes consécutive à la guerre contre le « terrorisme » après 2001 semble avoir produit une prophétie auto-réalisatrice : à force de traiter les populations musulmanes comme des terroristes potentiels, certaines populations musulmanes se sont radicalisées. Il existe maintenant un consensus autour de l’idée que la « guerre contre la terreur » a été une sorte de programme de stimulation pour produire des réseaux islamistes42. Dans une optique réaliste, le nombre d’attentats contre des puissances occidentales aurait du diminuer en intensité et en fréquence à la suite de la multiplication des mesures militaires et sécuritaires des puissances occidentales. Or, il s’est produit exactement le contraire. Le raisonnement des auteurs des attentats démontre à quel point ils étaient indignés du traitement des Palestiniens et des populations irakiennes. Au lieu de se résigner face à ces injustices, celles-ci sont devenues un catalyseur de leur action violente destinée en partie à laver l’affront. Sans aucun doute, des considérations symboliques ont primé sur l’espoir de refouler grâce à leur action les troupes britanniques et américaines du sol « musulman ».
30Toutefois, notre analyse suggère aussi que l’option violente devenait uniquement plausible et attirante pour des acteurs socialisés dans le culte de la virilité. C’est surtout au moment où ils disqualifient des actions non-violentes comme une attitude efféminée que la violence devient une option valable pour la construction d’une image valorisée de soi. Le culte du martyre et des militaires était pour les auteurs des attentats de Londres aussi bien un moyen pour retrouver leur dignité que pour se démarquer d’une société occidentale prospère et techniquement puissante qui avait exclu leur « frères ». Prosaïquement, la sélection et l’épreuve physique dans les camps d’entraînement d’Al-Qaida supposent des individus bien entraînés et compétitifs. De manière plus ontologique la virilité procure aussi d’immenses bénéfices en termes d’estime de soi pour les individus ayant surmonté des épreuves dures et pouvant se présenter comme une élite « militaire ».
31De manière superficielle, c’est d’abord l’engagement dans les sports de combat qui a renforcé cette disposition ainsi que l’aptitude physique à exceller dans ces disciplines. Une autre source de cette disposition mentale réside dans la tradition de vendetta dans certaines régions du Kashmir, région dont sont issus un grand nombre d’immigrants pakistanais de Beeston. Enfin et surtout, « l’idéologie de la virilité » doit être mise en relation avec des populations marginalisées auxquelles se sont identifiés les auteurs des attentats de Londres en 2005. La distinction par la « vitalité » en opposition à la mollesse « raffinée » caractérise souvent les classes populaires dans leur effort de maintenir une image valorisée d’elles-mêmes. De même pour les « djihadistes », le culte du martyre sert à transformer l’infériorité technologique du « monde musulman » par rapport aux puissances occidentales en une qualité selon la devise : « Vous avez la puissance technologique, mais nous nous avons notre courage et n’avons pas peur de la mort43. » Le mépris de la mort se manifeste donc dans l’inversion de la dialectique hégélienne de la lutte de la reconnaissance entre le maître et l’esclave. Désormais, le mépris de la mort devient un moyen pour « l’esclave » d’échapper à la domination et de prouver sa supériorité « spirituelle » face à une civilisation disqualifiée comme matérialiste. En somme, les acteurs choisissent des « identités viriles » souvent par défaut : il s’agit de « choix » de substitution de la part d’individus appartenant à des minorités discriminées qui ont initialement voulu faire partie du « western way of life ».
Notes de bas de page
1 Hafez M., « Dying To Be Martyrs. The symbolic dimension of suicide terrorism », in Pedahuzur A., Root Causes of Suicide Terrorism, New York, Routledge: p. 54-80, p. 55.
2 Lawrence B., Introduction, in ders. (éd.), Messages to the World. The Statements of Osama Bin Laden, London/New York, 2005.
3 Krueger A. B., Maleckova J., Education, poverty, political violence and terrorism: Is there a causal connection?, NBER Working Paper No. 9074, National Bureau of Economic Research, Cambridge Mass, 2002.
4 Bongar B. M., Psychology of terrorism, Oxford, Oxford University Press, 1997.
5 Sageman M, « Islam and al Queda », in Pedahzur A., op. cit, p. 122-131, p. 124.
6 Khosrokavar F., Quand Al-Qaïda parle, Paris, Grasset, 2006, p. 20 suiv.
7 Sageman M., Understanding Terror Networks, Philadelphia, University of Philadelphia Press, p. 94.
8 Voir aussi Crettiez X., « High Risk Activism. Essai sur le processus de radicalisation violente », Pôle sud no 34 et 35, décembre, 2011. Nous considérons que certaines emotions – tel que le sentiment d’un déni de reconnaissance – implique un jugement « évaluatif » – et de ce fait une référence à des valeurs considérées comme « justes » par opposition au « respect » reçu. L’opposition entre rationalité et « affectivité » est pour nous souvent erronée. Pour un point de vue similaire : Nussbaum M., Upheavals of Thought. The Intelligence of Emotion, Cambridge University Press, 2001, Fattah K. et Fierke K. M., « A Clash of Emotions: The Politics of Humiliation and Political Violence in the Middle East », European Journal of International Relations, vol. 15, no. 1, mars 2010, p. 67-93; Crawford N. C., Argument and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge Univerity Press, 2001, p. 118 suiv.
9 Braud Ph., Emotion en Politique, Presses de Sciences Po, 1996, p. 145-187 ; Crettiez X., La question corse, Paris, Éditions Complexe, 1999, p. 56 suiv. ; Braud Ph., Violences Politiques, Paris, Le Seuil, 2004, p. 161. Sommier I., « Les états affectifs ou la dimension affectuelle des mouvements sociaux », in Agrokoliansky E., Sommier I., Filleule O., Penser les mouvements sociaux, Paris, La Découverte, chapitre 9, 2010.
10 Honneth A., Kampf um Anerkennung, Francfort a. M., Suhrkamp, 1992.
11 Voir Lindemann T., Causes of War, ECPR Press, Colchester, 2010, p. 9 suiv. et Lindemann T., La guerre, Paris, Armand Colin, 2010.
12 Voir O’Neill S., Mecfrory D., The Suicide Factory. Abu Hamza and the Fisnbury Park Mosque, Harper Collins, Londres, 2006; Naffez Mosaddeq A., The London Bombings, Duckworth, 2006 ; Kollerstrom N., Behind the Veil of 7/7, Progressive Press, 2009.
13 Fouda Y. et Fielding N., Les cerveaux du terrorisme, Le Rocher, Paris, 2003, p. 76.
14 West Palm Beach News, « 9/11 Terrorist Trained, Plotted in South Florida », Sept 11, 2006, [www.Sun-sentinel.com/sfl-terrorists-florida-mp].
15 Faulkner W., « The Power and the Pleasure? », Science, Technology and Human Values, vol. 25, no 1, Winter 2000, p. 87-119.
16 Nelson D. N., « Relating to Terror, Gender, Anthropology »; Duke Journal of Gender, Law and Policy, p. 195-210, vol. 9, 195, 2002.
17 Holmes S., « Al-Quaeda, September 11, 2001 », in Gambetta D., Making sense of suicide missions, Oxford University Press, 2005, p. 131-172.
18 Walker S. G., « The Interface between Beliefs and Behaviour. Henri Kissinger’s Operational Code and the Vietnam War », Journal of Conflict Resolution, vol. 21, no 1, mars 1977, p. 129-168; Gerlexander L. G., Bennett A., Case Studies and Theory Development, MIT, Cambridge Massachusetts, 2005.
19 Khosrokhavar F., op. cit., pp. 25 suiv.
20 Cabasino F., « Les attentats du 11 septembre. Émotion et raison dans la presse en France et en Italie », Mots. Les langages du politique, 75, 2004, p. 21-33.
21 Discours I, Message from Usamen Bin Laden, 12. November 2003, in: The Wednesday Report, vol. 18, Number 17, 2004, [www.thewednesdayreport.com/articles/2004/1718/17187]; discours II, Bin Laden, 7 octobre 2001, The remarks, which refer to the Sept. 11 terror attacks on New York and Washington, appear to have been made before Sunday’s strikes. The text is translated from the Arabic USATODAY. com: [http://www.sptimes.com/News/100801/news_pf/Worldandnation/_Every_Muslim_has_to_.shtml]; Discours no 3, Bin Laden, Transcript of a translation from Arabic to English of Osama bin Laden’s response to the start of military action against the Taliban in Afghanistan. This statement by bin Laden, video-taped prior to the beginning of the military action, appeared on Al-Jazeera, the Arabic satellite station. ABCNEWS. com on Monday, October 8, 2001 01:13 AM EDT © ABC News; Discours no 4 Bin Laden, tape-December 2001, Al-Jazeera TV received the Osama bin Laden video in the mail and aired a 5-minute segment on December 26, 2001. The full 34-minute video was aired the following day on December 27, 2001. As Reported by the Washington Post on Thursday, December 27, 2001 © 2001 The Washington Post Company; Discours no 5, Excerpts from the Speech of Al-Qaeda leader in Iraq, 20th November 2006, [http://www.worldaffairsboard.com/international-defense-topics/26393-excerpts-speech-al-qaedaleader-iraq.html]; Discours no 6, Al-Qaeda’s Gadahn, Transcript of January 6 Message, 2007, [http://www.unitedstatesaction.com/blog/imm-articles/072.html]; Discours no 7, Dr Ayman al-Zawahiri: « Bush and the Crusader Wars », Publication time: 30 September 2006, 13:50, [http://www.kavkazcenter.com/eng/content/2006/09/30/5761.shtml]; Discours no 8, TRANSCRIPT: English Translation of Zawahiri Message, Wednesday, November 19, 2008, http://www.informationclearinghouse.info/article21267.htm; Discours no 9: Letter from al-Zawahiri to al-Zarqawi, Translated version of a letter between two senior al Qa’ida leaders, Ayman al-Zawahiri and Abu Musab al-Zarqawi, that was obtained during counter-terrorism operations in Iraq. The letter from al-Zawahiri to al-Zarqawi is dated July 9, 2005, [http://www.docstoc.com/docs/872354/Zawahiri-s-Letter-to-Zaraqawi]; Discours no 10, The preachings of Abu Hamza, Saturday, 02 Jumada al-Thani, 1426 09 July, 2005, Excerpts from speeches by the Muslim cleric Abu Hamza on which the prosecution relied to prove incitement to murder and race hate charges against him, [guardian.co.uk], Tuesday 7 February 2006 14.03 GMT; Discours No. 11: Hamza’s suicide bombings call, tapes 2000-2002. By Richard Edwards, Evening Standard, 26.04.04, [http://www.thisislondon.co.uk/news/article-10435134-hamzas-suicide-bombings-call.do]; Discours no 12 Abu Hamza: « Bring jihad to your own door », Evening Standard, 26.04.04. http://www.thisislondon.co.uk/news/article-10435138-bring-jihad-to-your-own-door.do; Discours no 13, Abu Hamzah Al-Muhaajir, The Rule is but for Allaah… », Friday October 24, 2008, [http://worldanalysis.net/postnuke/html/index.php?name=News&catid=40&topic –; Discours no 14, Abu Hamza Al-Muhajir: 9-5-2007 The script of Abu Hamza al-Muhajir Speech – (Say: « Perish in your rag 349 Reads Wednesday, May 09, 2007 – 05: 00 PM; Discours 15, Abu Hamza Al-Muhajir: « O’Come to a just word »-Al-Sheikh Al-Mujahid Abu Hamza Al-Muhajer, Ameer of Al-346 Reads Tuesday, December 05, 2006 – 01: 00 AM.
22 Text 1, George S., « A Short History of Neo-liberalism. Twenty Years of Elite Economics and Emerging Opportunities for Structural Change » Conference on Economic Sovereignty in a Globalising World Bangkok », 24-26 March 1999; Text 2. George S, « State sovereignty under threat: Globalising designs of the WTO », Le Monde Diplomatique, July 1999; Text 3, George S., « The end of neoliberalism », Eröffnungsrede auf der Konferenz Linke Auswege aus der Krise, INTERNATIONAL CONFERENCE SPONSORED BY DIE LINKE IM BUNDESTAG & THE ROSA LUXEMBURG STIFTUNG DEUTSCHER BUNDESTAG, BERLIN, 20-21 MARCH 2009; Text 4, Cassen B., « France’s foreign policy », [mondediplo.com/2007/04/05foreign]; Text 5, CASSEN B., « The dangers of the multilateral agreement of investment », march 1998, [http://mondediplo.com/1998/03/]; Text 6, Transcript of Naomi Klein Lecture in Ramallah, Posted by RORCoalition on Fri, 07/10/2009 – 07: 03, Below is a transcript of Naomi Klein’s speech at the BNC-organized event in Ramallah on 27 June 2009. The speech was transcribed and edited by Toufic Haddad for The Faster Times; Text 7, Declaration of the Assembly of Social Movements at the World Social Forum 2009, Belem, Brazil, IV Online magazine: IV409 - February 2009, World Social Forum, We won’t pay for the crisis. The rich have to pay for it!; Text 8, Bello W., « Global Capitalism: From triumph to crisis », International Socialist Review, Aug/Sep 2000; Text 9, Report A Better World, Is Possible!, Alternatives To, Economic Globalization, Release Date of Full Publication: Spring 2002, To obtain a copy of the final report, contact the IFG at: International Forum on Globalization1009 General Kennedy Avenue, #2, San Francisco, CA 94129, Telephone: 415-561-7650 Fax: 415-561-7651 Web site: [www.ifg.org]; Text 10, Texte fondamental: Charte des principes du Forum social mondial, WSF Charter of Principles Approved and adopted in São Paulo, on April 9, 2001, by the organizations that make up the World Social Forum Organizating Committee, approved with modifications by the World Social Forum International Council on June 10, 2001; Text 11, Platform of the international movement ATTAC, International movement for democratic control of financial markets and their institutions Adopted at the international meeting of December 11-12, 1998. [www.attac.org/en/whatisattac/international-platform]. Text 12, IFG POSITION STATEMENT (January 1995) Text 13, Porto Alegre Manifesto, By Group of Nineteen, February 20, 2005, X [http://www.zmag.org/sustainers/content/2005-02/20group_of_nineteen.cfm?].
23 Comme notre corpus des textes est en anglais, nous avons effectué cette « catégorisation » également en anglais. En nous appuyant sur un dictionnaire des synonymes (notamment le Merriam Webster, Theaurus), nous avons choisi comme : Moderate Verbs of Misrecognition (-1) : to look down, brush off, brush aside, cold-shoulder, discount, disregard, make light of, play down, to snob, scoff at, wave asight, sneer at, slight, chill, cool, cut, ignore, neglect, not give time of day, omit overlook, pooh-pooh, shrug off, sneeze at, snub, turn deaf ear to, upstage. Strong Verbs of Misrecognition (-2) : humiliate, profane, despise, contemn, scorn, disdain, abhor, abominate, hate, detest, execrate, loathe, offend, insult, rebuff, reject, repudiate, treat with contempt, affront, disparage, disregard, flout, reject, show disrespect, slur, treat with contempt. Nouns indicating moderate feelings of non-recognition of oneself or the other, (-1) : arrogance, haughtiness, assumption, bumptiousness, pretension. Nouns strong feelings of non-recognition (-2) : contempt, coward, aversion, dislike, aversion, valet, servant, master, imperiousness, oppressor. Adjectives indicating moderate feelings of non-recognition of oneself or the other (-1) : assertive, arrogant, presumptuous, haughty, bold, insolent. Adjectives indicating strong feelings of non-recognition of oneself or the other (-2) : negligible, distasteful, worthless, unworthy, distasteful, low vile, feeble, ignominious, low, imperious, hateful, detestable, odious, offensive, repellent, nauseous. Moderate adverbs of misrecognition (-1) : arrogantly, bumptiously, Strong adverbs of misrecognition (-2) : badly, abominably, awkwardly, cowardly.
24 En effet, selon la loi hypergéométrique, la probabilité d’observer un tel écart entre les deux groupes étant de 1,07e-19 dans le cas du registre hard. Pour cette catégorie de forme, le rapport de cote (odds ratio) est de 4,42 avec un intervalle de confiance établi selon le test exact de Fisher compris entre 3,08 et 6,47.
25 Selon les deux listes de formes fournies à titre indicatif, les formes suivantes ont étés recensées respectivement pour le groupe « hard » et le groupe « soft » avec, entre parenthèses, l’effectif total de la forme dans l’ensemble du corpus soumis à l’analyse. Liste « hard »: avers (1), aversion (1), badly (1), Coward (2), cowards (2), cowardice (1), cowardly (1), disparagement (1), disregards (1), Hate (6), haters (1), Humiliation (4), humiliated (2), humiliating (1), Idiot (2), idiots (1) à, ignominious (1), injustice (4), insults (1), Pride (7), prided (1), Honor 12), honorable (4), honored (4), honors (2), Liberating (4), liberation (4), liberate (1), liberators (1), loath (1), lower (3), Master (2), masters (2), Occupation (12), occupiers (5), occupied (3), occupy (4), occupying (1), offensive (3). Groupe « soft »: Arrogant (4), arrogance (3), assumption (2), Cut (6), cuts (3), cutting (1), disregards (1), ignore (1), ignored (1), ignorance (4), ignorant (1), neglect (1), neglected (1), overlook (1), overlooking (1), pretend (2), pretence (1), pretended (1), presumptive (1), scoffs (1), slightly (1).
26 Voir les 14 entretiens dans Khosrokhavar, op. cit. p. 25-290 et voir pour le 15 discours note 23.
27 Discours 1, Message from Usamen Bin Laden, 12. November 2003, in The Wednesday Report, vol. 18, number 17, 2004.
28 Idem.
29 [https://www.timesonline.co.uk/article/0,,22989-1761688,00.html].
30 O’neill S. et McGrory D., op. cit., p. 145.
31 EGerton F., Jihad in the West, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 10.
32 In The Times, 23 septembre 2005, « Bomber’s widow says extremists twisted his mind » (David Sanderson).
33 Ibid.
34 Ranstop M., Understanding violent radicalization, Routledge, Londres, p. 105 suiv.
35 Akbar A. et Herbert I., « Gentle Giant », The Independent, Thursday, 14 July 2005.
36 O’Neill S. et McGrory D., The Suicide Factory, op. cit., p. 11.
37 Pargeter A., The New Frontiers of Jihad, Pensylvannia, University of Pensylvannia Press, 2008, p. 140; Aslan R., Beyond Fundamentalism, 2010, Random House, Londres, 2010.
38 O’Neill S. et McGrory D., The suicide factory, op. cit, p. 277.
39 Coroner’s Inquests into the London Bombings of 7 July 2005-Hearing transcripts 11 October 2010, Morning session
40 McGrory D. and Hussain Z., « Cousin listened to boats about suicide mission », The Times, 22 July 2005.
41 5 Azzam. com, Al Qeeda webside.
42 Schneckener U., Internationaler Terrorismus, Francfort a. M., 2006, p. 245.
43 Voir Khosrokavar F., op. cit., p. 59.
Auteur
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