11. Survivre, résister et créer dans les camps totalitaires : l’exemple de la poésie concentrationnaire
p. 191-208
Texte intégral
« L’enjeu de cette résistance peu banale fut de conserver les attributs de l’humanité […] Aussi marginales eussent-elles été, les pratiques artistiques dans les camps revêtent une signification considérable […] L’art fut une ressource vitale pour certains tandis que d’autres y sont devenus totalement insensibles. »
Jean Michel Chaumont, « L’univers concentrationnaire : une défaite pour l’Homme ? » Fédération Nationale des Déportés, Internés et Résistants Patriotes (FNDIRP), Créer pour survivre, Paris, FNDIRP, 1996, p. 31 et 33.
« Que les ghettos et camps de concentrations furent construits comme des stades intermédiaires vers les camps de la mort signifia que les actes de création survinrent dans de multiples domaines de l’art. »
Feinstein S, « Art from the Concentration Camp: Gallows Humour and Satirical Wit », Journal of Jewish Identities, 1 (2), juillet 2008, p. 53.
« Je regarde la nuit où s’assoupit le vent
La grande Ourse, Orion, Arcturus, la Polaire
Au ciel Brillent ici comme aussi dans le Cher
Or, je songe à celle dont je suis l’amant
Et ce ferme lien, d’une étoile à l’ autre allant,
Me tire seulement de ce destin amer
Où je ressens tout vif les tourments de l’enfer
Pour mener vers elle mon désir triomphant
Oh bienheureux repos, singulière évasion
Où je retrouve tels, ô réelle vision,
Et la voix qui me chaut et le nard qui m’enhance
Les images d’hier deviennent lendemain
Et le visage dans les étoiles j’étreins
Mon amour, cœur au cœur de la France »
Poème du XVIe siècle rédigé par un homme en captivité en Allemagne au cours des guerres de religion. Poème retrouvé dans les documents d’un déporté. A. Verdet/Association française Buchenwald-Dora, Anthologie des poèmes de Buchenwald, Paris, Éditions Tirésias, 1995, p. 133.
1Dans la préface à un ouvrage fondamental –et rare– sur la question de la création culturelle dans les camps de concentration, Yves Ménager remarquait que « les chercheurs qui mènent un travail sur les textes publiés après la guerre –et qui relèvent donc de la « post-déportation »– semblent beaucoup plus nombreux que ceux qui s’intéressent aux textes écrits dans les camps1 ». Sans vouloir ici interpréter une telle défection2, force est de constater que, mis à part les « classiques » de la littérature concentrationnaire –Robert Antelme, Charlotte Delbo, Imre Kertesz, Primo Lévi, Georges Semprun et tant d’autres– ni les écrits des camps, ni les récits des survivants ordinaires ne semblent avoir retenus l’attention des chercheurs en science sociale3. Cela signifie que l’immense majorité des œuvres a été réalisée après la Libération4. Néanmoins, bravant le risque de condamnation à mort, de nombreux internés ont aussi composé, construit, imaginé à l’intérieur de l’espace concentrationnaire. Une abondante production écrite et iconographique a été réalisée dans les camps. Quelles sont les propriétés spécifiques de ces œuvres en prise directe avec la souffrance ? Comment les déportés ont-ils pu les réaliser alors que l’acte de représenter était puni de mort ? Est-ce un trait singulier de quelques individus atypiques ou faut-il y voir une modalité spécifique d’une attitude plus générale orientée par une logique de résistance face à la mortification ambiante ? Par delà cette condition matérielle et cette disposition psychique, qui était ces créateurs ? Prolongent-ils les professions antérieures ou sont-ils l’émanation contextuelle d’un cri vital pour conjurer le sort affectant n’importe quel déporté ? Enfin, quelle est la texture de ces œuvres, à la fois du point de vue de la forme (support mémorisé puis couché sur papier à la Libération, support matériel dans le camp), du format (poèmes, pièces de théâtre, opéra, fabrication d’objet, compositions musicales…), de l’orientation sémantique (dénonciation, message philosophique ou politique, confidences, témoignage, art pour art) ?
2Il s’agit de montrer que les créations culturelles ont non seulement existé dans les camps mais aussi qu’elles ont répondu, pour de nombreux survivants, à un souci de riposte prenant place dans l’ensemble des actes de résistance. Si Annette Wieviorka considère que les témoignages sont « vite indigestes5 », cet article entend montrer que les écrits des déportés, notamment en forme poétique, constituent un matériau utile et même passionnant6 pour le chercheur en sciences sociales qui dispose de données pour penser de l’intérieur le monde totalitaire. Bien plus, à l’opposé de ce que l’on pourrait croire au premier abord, ces écrits transforment la logique mortifère des camps7 en hymnes à la vie8, même quand les poèmes exposent l’interminable liste des atteintes à l’humain reclus. C’est ce paradoxe du retournement de la souffrance inhumaine en quêtes de manifestations humaines, dans un univers de ce fait non totalement totalitaire, qu’il faudra expliquer. En fait, cette posture de résistance vise à troquer une émotion négative pour une émotion positive. Penser les camps, c’est conjuguer l’analyse de l’émotion dans les cadres politiques officiels9 avec celle de l’émotion infra-politique10, les formes codifiées des émotions officialisées avec les manifestations clandestines, plus spécifiquement en usage dans les groupes dominés, de la protestation informelle. Et l’on verra comment ces poèmes, qui s’inscrivent dans des contre cadres plus larges de résistance, constituent en fait des symbolisations disséminées de l’humanité civilisée dans une structure qui n’autorise aucune manifestation codifiée et publique d’opposition.
Les conditions infrastructurelles de la création culturelle dans un cadre létal
3Créer dans les camps soulève immédiatement la question de ses conditions de possibilité. Créer dans les camps, c’est créer contre le camp, contre son système mais aussi contre un fonctionnement qui interdit de créer. Créer implique la clandestinité, le secret, et par voie de conséquence les conditions pratiques de l’inventivité de marges dans un espace où règnent la surveillance et le système de la dénonciation.
4Ce sont avant tout les agents dotés de capitaux culturels ou originaires de milieux cultivés qui ont largement eu recours à ce support cultivé pour tenir. Sur 56 personnes réunies dans l’ouvrage Paroles de Déportés, préfacé par J. Semprun, plus de 80 % d’entre elles appartiennent aux classes instruites, intellectuels, artistes, enseignants, religieux, officiers ou militants aspirant justement à délivrer un message engagé. Le poème est l’arme culturelle des années 1940 dans la mesure où la plupart des producteurs connaissent le genre poétique, maîtrisent des textes entiers. Les témoignages font état de manière significative de récitations de poèmes appris par cœur, sur le grabat, le soir11. Ce capital culturel a-t-il favorisé une meilleure protection contre le camp ? Beaucoup d’auteurs signalent que ce ne sont pas les diplômes ou l’éducation qui jouent mécaniquement mais bien plus leur articulation à une « force morale » qui se trouve condensée dans un groupe de protection. Il peut s’agir de ressources antérieures, politiques, nationales ou confessionnelles, ou d’appuis internes, l’appartenance à un « bon » kommando ou un groupe d’affinité lié au partage d’un même grabat. Fania Fénelon peut dire : « Comme d’habitude, avec Ema, nous avons récité des poèmes12 » parce qu’elle appartient au kommando de musique, base stable qui autorise, dans un groupe d’affinité d’agents cultivés, une régularité de pratiques culturelles.
5Dans la plupart des cas, ce sont les déportés communistes ou des résistants plus largement qui les ont rédigés, dans des conditions de protection relative des personnes et, partant, des œuvres. Comme le résume Léon Poliakov dans son livre Auschwitz,
« dans les camps de Silésie et parmi les Français, ceux qui ont le mieux tenu sont les vrais résistants, les communistes, quelques jeunes ayant fait du scoutisme, quelques intellectuels à grande force morale, quelques travailleurs manuels. Indiscutablement, les individus possédant un idéal, ayant l’habitude de la lutte, sachant s’imposer une discipline sévère, acceptant une vie groupée, ne subissent pas une déchéance comparable à celle de la grande majorité des détenus13 ».
6Wyllie Berler lui répond :
« Seule ma volonté se bande encore. On dit généralement que ceux qui ont tenu bon sont ceux qui avaient une foi ou un idéal et j’ai pu le constater : c’est vrai pour les détenus politiques, en particulier les communistes mais ce n’est pas vrai pour la plupart des Juifs qui subissaient un sort incompréhensible14. »
7Wolfgang Sofsky défend cette conception : « Les détenus ayant des convictions politiques ou religieuses disposaient d’une réserve de sens15. » C’est la raison pour laquelle les Juifs intellectuels auraient mieux résisté. Des psychiatres comme Bruno Bettelheim ou Victor Frankl rejoignent le commandant d’Auschwitz Hoess pour qui « les juifs intellectuels disposaient d’une force morale et d’une volonté de vivre plus ferme16 ». Raoul Hilberg mentionne à sa manière ces qualités morales associées au niveau culturel. Selon lui, ce qui prime, c’est « un profil psychologique des survivants avec trois grands traits de caractères : le réalisme, la rapidité de décision, l’obstination avec laquelle ils s’accrochaient à la vie17 ». Quels que soient les ressorts de la survie, un même trait domine : la volonté de s’adapter, de « lutter sans capitulation… et sentir comme un ordre de vivre18 ». Or, ce que manquent la plupart de ces auteurs, c’est que cette disposition spirituelle –« morale », « foi » ou « idéal »– ne pouvait s’actualiser, le plus souvent, que dans des groupes de soutien.
« Comment luttions-nous contre la menace de ces divers troubles psychiques ? En nous groupant, en formant un noyau, une famille… Nous employions la thérapeutique par le travail de la pensée, les vers de Verlaine19. »
« Sauvegarder cette communauté amicale, c’était ériger une digue contre la peur. Et il est vrai que dans une société dont les règles nous échappent, où l’isolé est perdu d’avance, une compagnie solidaire constitue une force considérable20. »
8Ainsi, c’est moins la force psychique de tel déporté ou de tel militant communiste pris isolément qui joue que l’interdépendance affinitaire et les réseaux d’entraide21 du fait de la même appartenance et, mieux encore, du partage de ces affinités sociales, politiques et culturelles dans un même kommando ou un même block. Si la création culturelle a pu constituer, dans certains contextes « corporatistes », une ressource supplémentaire pour des déportés cultivés ou partageant des références culturelles communes pour les classes populaires communistes, elle s’oppose radicalement tant aux valeurs des SS –quoique la culture aryenne autorise des « rencontres22 »– qu’aux logiques du camp où prime le capital de résistance corporelle. Il faut donc relativiser le poids de cet art de la résistance par l’art et, à l’inverse, observer que les groupes plus dominés mobilisent leur « force de travail » dans le monde du « travail forcé » ; ce qui leur permettait d’affronter directement la réalité du camp23. Le capital culturel, isolé, dans des camps où il s’agit de lutter contre l’usure physique, semble être beaucoup moins efficace que le capital physique si l’on est astreint à travailler dans les conditions ordinaires du camp, c’est-à-dire dans les pires kommandos24. Dans son analyse globale d’un convoi, C. Cardon-Hamet a pu quantifier le taux de survie. Il y a une plus forte proportion de mineurs et d’ouvriers métallurgistes lorrains, des « travailleurs manuels habitués à l’effort physique25 ». Mais, même dans ce cas, un mauvais kommando, sans « organisation26 », signifiait une mort certaine au bout de quelques semaines.
9Il ne semble donc pas que le capital culturel ou le capital physique aient joué mécaniquement et isolément, loin s’en faut. Ainsi, la possibilité de l’affranchissement spirituelle est largement dépendante de la position dans le camp et, aussi, de l’intégration dans un groupe de soutien. Comme le reconnaît volontiers G. Semprun, ou avec une grande culpabilité Primo Lévi, les contraintes imposées aux détenus ne sont pas les mêmes et la place occupée détermine largement les possibilités de survie et, partant, l’énergie nécessaire pour s’orienter vers des compositions poétiques. Les positions sociales des détenus sont hiérarchisées, en fonction des camps, des kommandos et dans un même kommando. Les « personnels » des kommandos administratifs se voient épargnés de l’obligation d’effectuer les tâches les plus exténuantes. G. Semprun a été affecté à l’arbeitstatistik, un des kommandos les plus « protégés » à Buchenwald tandis que Robert Antelme, non protégé par un collectif, est devenu un « Musulman27 » et a « miraculeusement survécu28 ». L’affectation au revier (l’« infirmerie ») protège aussi grandement comme le kommando de musique29. Dans ces kommandos, en général, les détenus ont accès à des livres et peuvent parfois pratiquer un instrument de musique, comme Willy Berler, aide-infirmier et porteur de cadavres qui profite « dans notre local d’un petit havre de paix à l’intérieur d’Auschwitz pour nous réunir assez tranquillement30 » et écouter régulièrement un violoniste ; comme Louis Terrenoire qui, dans un block protégé, pouvant recevoir des colis, lit des livres, écoute des musiciens ou peint lui-même31. Il y aurait une quantification à faire des récits en montrant comment se déclinent les stratégies de survie en fonction des origines sociales, des statuts imposés par les SS et de la trajectoire du déporté en liaison avec les ressources du groupe de pairs.
10La littérature sur les créations en situation concentrationnaire occulte généralement les classes sociales, recouvertes sous l’appellation de détenus ou de victimes des camps. S’il n’est pas possible de dire que les origines sociales déterminent les places dans les camps selon un mécanisme d’homologie structurale, il existe en revanche des liens sociologiquement explicables entre les deux mondes rendant vaine une analyse purement institutionnelle. Les Nazis ont souvent utilisé des « droits communs » (les détenus des prisons transférés dans les camps) en les affectant aux postes de commandement intermédiaire (les kapos et chefs de blocks). Cette kaporalisation se rapporte à leur système de valeur et à la prééminence des manuels sur les intellectuels32. Les prominents, les Kapos, les privilégiés du camp, disposent d’un droit plus étendu dans la mise à distance de la réalité concentrationnaire. Ils disposent de chambres propres dans lesquelles ils invitent leurs pairs pour des soirées de beuveries, de cartes. Parfois, ils organisent un kabarett en vidant une baraque de ses occupants
« où viennent les détenus relativement favorisés… On chante quelques chansons, on récite quelques poèmes, on dit quelques histoires drôles, y compris celles d’esprit satirique qui touchent la vie du camp… et ça aide à oublier33 ».
11En fonction des périodes d’internement, des hiérarchies ont émergé plaçant les nationalités déportées dans un ordre inégalitaire, les plus anciennement déportées étant les mieux rétribuées en postes de pouvoir et les mieux placées pour décoder le nouveau cadre. Enfin, compte tenu du travail forcé, les plus jeunes ont eu davantage de chances de survie que les vieux.
12Les capacités de mettre à distance le camp, de le comprendre et de neutraliser en partie les effets de la déshumanisation par des voies culturelles légitimes sont davantage le fait d’acteurs cultivés ou mobilisant des ressources collectives compensant le handicap d’une position basse, lesquels ont aussi bénéficié de situations plus « privilégiées ». Soit qu’elles correspondent à des postes officiels (Kapo, chef de block, appartenance à un kommando administratif, etc.), soit à des places protégées (présence dans un Block où le kapo est « un Politique, ou bien encore où le Block en son entier est contrôlé par une même communauté, souvent des militants communistes). Si certains déportés de classe populaire témoignent d’une grande créativité dans le genre poétique, cela tient au fait que, appartenant au réseau communiste, le parti leur a transmis une éducation interne34 et qu’ils se retrouvent ensemble dans un même block. La densité des liens et des positions de pouvoir a libéré des possibilités d’écriture sur place dans une relative protection, notamment grâce à cette concentration dans un même block qui épargne des risques de délation. Il n’est donc pas étonnant de constater l’existence de recueils de poèmes en provenance de Dachau35 ou de Buchenwald36, camps de concentration relativement « contrôlés » par les Partis communistes européens37. Si l’on ne tient pas compte de ce capital institutionnel spécifique, les classes populaires sont davantage inscrites dans les créations orales38 tandis que les anciennes élites privilégient, outre le registre oral, les supports écrits de la création plus cultivée dont la forme la plus pratique est d’abord le poème puis, ensuite, la palette des arts traditionnels. Les SS leurs concèdent d’ailleurs parfois le privilège de jouer ou de créer à leur profit (musique classique au mess des officiers, peinture figurative39). Mais le plus souvent, les anciens dominants cultivés doivent composer clandestinement leur propre espace de réhumanisation. En résumé, les productions du contre cadre culturel n’émanent pas d’une place dominante dans la zone grise des prominents mais sont rendues possibles par l’existence de groupes clandestins de soutien ou par l’opportunité rare d’être affecté dans un « bon » kommando. Et ce n’est que dans quelques camps de concentration que les résistants (culturels) étaient simultanément des privilégiés occupant des places plus sécurisées dans la hiérarchie.
13La possibilité d’obtenir le support nécessaire conditionne le fond. Dans les camps, les conditions matérielles de la création imposent des formats spécifiques. On retrouvera plutôt des poèmes que de la sculpture pour des raisons évidentes de dissimulation et d’obtention du matériau40. Parfois, ces poèmes demeurent des créations orales, œuvres mémorisées qui ne seront rédigées qu’à la Libération, souvent après le rapatriement. Une minorité seulement de détenus ont pu formaliser sur place le produit de leur résistance culturelle. Guy Ducoloné, cadre communiste déporté à Buchenwald, écrit dans la post-face du livre Anthologie des poèmes de Buchenwald :
« Relire ou pour les plus jeunes lire ces poèmes se ressent comme une grande leçon. Leçon de courage car écrire dans les camps de concentration était puni de mort comme l’était le simple fait d’avoir un crayon. »
14Dans un univers où le papier est rare et interdit, les déportés consignent leurs œuvres sur des papiers de fortunes : papier WC, vieilles revues, chiffons, bouts de carton en provenance des usines aux alentours, qui sont dissimulés dans des abris : sur le corps ou dans l’anus, dans des doublures, sous les semelles. Avoir un stylo et du papier c’est faire œuvre de sabotage, laquelle est punie de coups de fouets ou même de peine de mort. Primo Lévi préfère abandonner ses notes à la Buna-Auschwitz 3 plutôt que d’encourir le risque de se faire prendre. Parfois, en l’absence de papier, la nécessité de laisser une trace pousse le créateur à improviser un support :
« Fabien Lacombe raconte la naissance de son poème lors du noël 1944 : “J’avais conçu mentalement la vie d’une semaine symbolique et l’avait gardé en mémoire. J’écrivais la nuit sur du papier ou sur le châlit à Kaufbeuren”41. »
15Le poème présente une double facilitation : il est plus court qu’un texte littéraire, il peut aussi se mémoriser. Michel Borwicz publie un recueil de poésies des prisons et des camps en 1946 et rédige une introduction dans laquelle il dit :
« J’aimerais définir ces poèmes comme des proses en vers. C’est dire que leur forme a été dictée par les circonstances : dans l’esprit, vu l’impossibilité de les noter sur un papier, il est plus facile de former un texte en vers qu’en prose. Il est aussi plus facile de le retenir dans la mémoire qu’une prose. Et en général, ils étaient récités la nuit, sur les grabats42. »
Des résistances sociales aux créations culturelles
16Le monde concentrationnaire suscite « la faculté qu’à l’homme de se creuser un trou, de sécréter une coquille, de dresser autour de soi une fragile barrière de défense, même dans des circonstances apparemment désespérées43 ». Dans cet espace des tactiques de résistance en situation extrême, un sous-espace retient ainsi l’attention : celui de la création sociale. Depuis les micro-bricolages pour assurer l’ordinaire de la survie jusqu’aux formes de solidarité collective en passant par les soulèvements armés, les créations culturelles (dessins, peintures, musique, poèmes…) ou les pratiques relationnelles de façades (apparences du corps obéissant, faux comportements « au travail »), c’est véritablement tout un monde parallèle complexe qui a été inventé isolément ou en petits groupes et qui s’est superposé « en texte caché » aux cadres officiels du camp. La création culturelle prend place dans cette logique globale de création sociale et concerne spécifiquement les pratiques de retournement de la peur en joie éphémère de se sentir revivre dans une épreuve permanente de survie. Cette inventivité acharnée autorise un dépassement de l’avilissement et un sentiment de commune humanité entre déportés44. Sans présupposer –loin de là– que tous les déportés ont créé, il est possible d’affirmer que c’est souvent le cas des survivants45. Survivre impose de calculer, « organiser » mais aussi de fabriquer de l’humain. Car « tout mise en forme de ce qui était en train de se passer se situait dans les camps du côté de la clandestinité et participait d’une forme élémentaire de résistance46 ». Fabriquer de l’émotion positive, des sensations valorisantes, participe de ce combat généralisé pour ne pas dépérir.
17En tant que texte caché, la création concentrationnaire n’est pas de même facture que l’art pour l’art, même si les apparences peuvent donner l’impression du contraire, derrière l’illusion des mêmes mots (poésie, opéra, peinture, composition musicale). Parce qu’il est question de vie et de mort, l’analyse de la vitalité esthétique ne saurait se confondre avec celle de l’art comme pure réalisation personnelle dans un monde pacifié et individué. Tout au contraire, la fonction nourricière de l’art concentrationnaire suppose de penser globalement les expressions créatrices, sans les « ethnocentriciser » et les réduire au seul format d’une œuvre personnelle. L’erreur serait de transposer du monde de l’autocontrainte éliasienne ce qui doit se lire de l’intérieur du monde concentrationnaire comme pratique de résistance qui implique le plus souvent un collectif, même s’il est possible d’identifier des pratiques isolées. Créer, dans ces espaces, c’est déjouer en micro-groupes les logiques mortifères retournées en émotions positives (rires, pleurs, auto-dérision) portées à leur point d’orgue par Germaine Tillion et son opérette tragi-comique Le Verfügbar aux Enfers. Autrement dit, la libération de l’affectif participe directement à la réhumanisation des déportés à travers une résilience sociale promouvant « la culture » et « l’art ». La résistance quotidienne croise ainsi le culturel et l’émotionnel. En montrant l’unité théorique de cette création de résistance, on voudrait ainsi mieux restituer les contre-cadres culturels dans un univers émotionnellement morbide. « Militer ici, dit Robert Antelme, c’est lutter raisonnablement contre la mort47. » À la différence du processus d’autonomisation du champ artistique, le camp impose aux déportés créateurs toute l’étendue de son réel destructeur : les souffrances d’abord (faim, froid, tortures subies ou vues, travail forcé, humiliations, etc.) que le reclus doit dépasser s’il envisage de produire une œuvre ; la peur ensuite puisque le temps dérobé pour la création est défini comme « sabotage » dans le langage SS. Le manque de disponibilité mentale enfin. La création se gagne contre la fatigue, contre le temps de sommeil, contre les mille urgences qui s’avèrent être autant de défis contre la mort. Comme l’atteste l’ensemble des témoignages, l’ordinaire n’est pas suffisant pour survivre ; il faut se débrouiller, faire jouer la « solidarité », négocier48 et aussi créer.
18Le poème, déjà mémorisé avant guerre, ressurgit dans la temporalité concentrationnaire. Comme le rêve, le poème est, nous dit Alain Parrau, « l’imagination, cette faculté de rendre présent ce qui est absent… Les SS ne peuvent empêcher que subsiste, en chacun, l’espace d’une liberté intérieure qui devient refuge de l’humain comme tel49 ». Cette subjectivation, que l’on retrouve en situation extrême de remise en cause identitaire, depuis le stigmatisé goffmanien jusqu’au reclus d’un camp en passant par les sous-prolétaires en « quête de respect » selon l’expression de Philippe Bourgois, est un mécanisme anthropologique visant à rejeter la souillure morale et physique. Les créations « culturelles » spécifiques au camp renvoient aux tactiques orales ou écrites de maintien imaginaire de la personne dans un cadre mortifère. Elles prennent place dans le cadre plus général de l’ensemble des productions cognitives ou émotionnelles intérieures, comme se parler mentalement50, imaginer que le réel est un cauchemar51, ou qu’il est irréel52, se « baratiner » qu’on va s’en sortir53, voir dans « tout événement un symbole ou un signe54 » que tout va s’arranger, prier ou voir le Christ55, fixer le ciel ou la nature aux alentours (pour la quasi-totalité de ceux qui ont rédigé des poèmes), penser à la Libération et se forcer à espérer56, s’évader en fixant son attention sur un objet insolite, etc. Penser les survivants des camps, c’est se dégager du misérabilisme absolu de la dépendance au cadre totalitaire pour voir que, nécessairement, le survivant est une personne qui résiste même si ces contre-cadres n’empêchent pas de dépérir ni de mourir. Dans L’expérience concentrationnaire, M. Pollack retrace les pratiques de mobilisation de quelques femmes (toutes protégées dans le revier) dont il entreprend le récit de vie. L’une d’elles, Margareta, invente toutes sortes de rôles pour plaire aux SS : liseuse de carte, cosméticienne, chimiste57. Les rôles aident à dissimuler aux yeux de tous un détournement quelconque d’une règle puni de mort, comme Helena Birenbaum qui cache dans sa gamelle des patates dérobées dans son « kommando de patates », en conservant une posture nonchalante et une marche anodine mimant celle qui porte une gamelle vide58. « L’art consiste à faire semblant » synthétise Bob Sheppard59. Dans cet espace de résistances, la création culturelle vise aussi bien à s’échapper du système qu’à le dénoncer dans le double mouvement de la défense individuelle (fonction nourricière de l’art au sens large) et de la fonction collective (hausser la « valeur culturelle » afin de pouvoir interpeller le genre humain). L’esthétique se trouve toujours inféodée au souci de se sauver soi-même ou de neutraliser l’ennemi en offrant le contre-cadre par excellence : celui qui, par la forme poétique, atteste la pleine humanité du communiquant disqualifié par le bourreau, par delà les logiques quotidiennes de conservation de soi.
Les créations littéraires : la puissance de l’évocation universaliste dans la résistance à l’inhumain
19Si autant de déportés ont risqué leur vie pour créer, ont usé d’autant de stratagèmes pour s’y impliquer, c’est que l’enjeu était vital, peut-être plus vital que tout le reste, tout au moins pour eux. Le genre poétique se prête ainsi particulièrement bien à la vocation du créateur culturel qui se vivifie. Le souci de l’abolition de soi ne vaut que si la texture du message offre la possibilité de parler du passé (au nom des morts) et du futur (en offrant une leçon aux générations suivantes). Dans cette dimension pédagogique, le poème ressemble à une sorte de sociologie émotionnelle où, à travers la dramatisation de la forme et du fond, émerge en fin de compte l’expérience commune de tout déporté. Cet aspect transclassiste du poème en situation concentrationnaire est relevé par Waclaw Dlugoborski à propos de la réception des poèmes de Tadeusz Borowski :
« Il semble que les poèmes les plus simples ont joui de la plus grande popularité. T. Borowski a écrit une dizaine de poèmes à Birkenau, mais deux d’entre eux seulement, et parmi les moins achevés, ont eu du succès parmi ses codétenus : “Birkenau” et “Chant d’amour et de nostalgie”, ce dernier ayant même été chanté en chœur sur un rythme de tango60. »
20L’impersonnalité de l’écriture, comme l’attestent les centaines de poèmes rédigés et conservés dans des recueils publiés par des Amicales d’anciens déportés, facilite la transmission d’un message. À l’opposé du témoignage personnel après le camp, où le survivant retrouve son identité personnelle et compose alors une narration à « la première personne », le poème concentrationnaire s’impose par l’absence du sujet, du « je ». Le poème se hausse au rang de témoignage universel. Le déporté s’incarne dans la figure de tous les déportés dans un spectre de présence/absence où chacun insiste plus ou moins sur ses souffrances personnelles. Le support culturel, à vocation universelle, facilite cette impersonnalité qui tranche radicalement avec la narration du survivant après 1945. Cependant, les œuvres les plus marquantes des écrivains de la littérature concentrationnaire sont celles qui justement semblent retrouver le fil mental de la création concentrationnaire. A posteriori, les textes de C. Delbo, R. Antelme, G. Semprun frappent par la volonté de noyer le sujet et de saisir le « tout déporté » dans une écriture littéraire. De même, les témoins plus scientifiques, comme Primo Lévi, Germaine Tillion, J. Améry ou Bruno Bettelheim, témoignent à leur manière d’un identique travail d’impersonnalisation derrière l’intention de livrer une vérité objective clinique au nom des défunts.
21Les déportés ont-ils pensé à cette destinée de leur œuvre ? Difficile de le dire. Mais autant la mémorisation des vers que la conservation des supports, pieusement reconvertis en ouvrages collectifs à la Libération, confirment une certaine stratégie en ce sens. Il ne s’agit donc pas, nous dit par exemple André Verdet, préfaçant son recueil de poèmes,
« de penser littérairement mais de penser humainement, hors de cet enfer (pour dire) que le monde conservait encore une part immense de beauté et de bonté. Ils continuaient à être des résistants de la première heure. L’action au service du bien et de la lumière est une des formes véritables de la poésie véritable61 ».
22Dans la postface du même ouvrage, Guy Ducoloné dit encore plus distinctement, en tant que chef résistant dans l’appareil communiste : « Leçon d’espoir car en côtoyant la mort, cette mort promise à eux comme aux autres, ils pensent à la beauté de demain. C’est enfin une leçon admirable de lutte. Ils étaient des résistants lors de leur arrestation. Ils le sont restés dans le camp. Leurs poèmes sont des actes de résistances. Et leur message demeure. »
23Dans la terreur du quotidien concentrationnaire, la fonction nourricière de l’œuvre partagée domine. L’humanité défendue ne se dissocie pas d’un contexte social d’énonciation :
« On sait déjà quel rôle crucial a joué la parole poétique dans la résistance morale des déportés, qu’elle fut individuelle ou collective. Bribes de poèmes partagées comme un morceau de pain, dans une communauté –une communion parfois–, d’espoir, de solidarité combative. Chacun de nous se souvient, dans la rigueur mortifère d’un appel interminable, sous la neige, de quelque voix anonyme chuchotant des vers, repris par d’autres voix fraternelles, jusqu’à créer une sorte de bruissement d’espérance et de fierté62. »
24À cette voix rétrospective sonnent en écho les voix du camp, comme celle d’Etty Hillesum qui ne reviendra pas : « Il faut bien qu’il y ait un poète dans un camp, pour vivre en poète cette vie-là, oui même cette vie-là et pouvoir la chanter63. »
25L’homogénéisation des conditions concentrationnaires affecte aussi le choix du genre poétique. Évoquer l’humanité souffrante valorise l’unité du tout qui est déjà là en filigrane. Dans une expérience largement alignée sur un régime de souffrances, elle est la seule à faire voir dans une forme esthétique une horreur à grande échelle qui dépasse la singularité des souffrances personnelles, aussi insondables soit-elles. Cette impersonnalisation ne s’observe jamais mieux que dans ce regard naturaliste qui traverse les camps. Les vers défrichent le thème de l’humain terrien présent au milieu de la nature non contrôlable par les SS. C’est la clé de compréhension de L’espèce humaine de R. Antelme. L’écrivain se répète inlassablement que les nazis ne contrôlent pas le mouvement des nuages au-dessus de sa tête. Par ailleurs, le lien poétique avec la nature permet de saisir une part de l’ancien monde dans les figures intactes de la terre et du système solaire. Ensuite, il favorise une sorte d’instantané avec les êtres chers de l’ancien monde : Suzanne Alizon, Julien Unger ou les centaines de reclus auteurs des anthologies se plantent le nez au ciel, savourent leur liberté visuelle et espèrent partager les mêmes admirations stellaires avec leur famille ou le reste du monde64. Enfin, la dimension spirituelle est aussi importante. Le format poétique entre en résonance avec l’appel à l’universalité du genre humain qui n’existe qu’au-delà de lui-même. Il ressemble alors à un abandon apaisant avec les étoiles, les arbres, le soleil afin de se transcender, de dépasser la condition humaine. Même si les poèmes font aussi état de la nature menaçante, du froid mortel, de la nuit glacée, du ciel gris, des bois lugubres ou du travail forcé dans un environnement hostile, ils accordent une place au moins équivalente à ses vertus libératoires : « Le ciel jaune, long d’une aune a repris sa lumière65 » ; « Dans un cortège de nuages de théâtre, le soleil nous libère enfin de l’angoisse et du froid66 » ; « Dans la tempête autour des collines, la neige danse67 » ; « Le soleil au splendide matin jette l’or sur les nuages et dissipe les orages dans un déroulement de satin. L’air est pur sur la toile des toits où brille l’eau de l’aurore et discret il garde encore l’odeur d’ombre du thym des bois68. » Au-delà de ce cheminement vers la force intacte de la nature vivifiante, on accède à une sorte de fusion cosmomorphique69 où les traits humains positifs s’accrochent aux mouvements de la biosphère et de l’espace céleste dans la vie comme dans la mort : « Le sapin, le sapin de mon enfance avec des rêves accrochés à chacune de ses aiguilles70. » « Nuages de Buchenwald, en avez-vous vu passés des âmes libérées de leurs corps calcinés71 » ; « De la vieille forêt ils ont porté la nuit et le vent a dansé dans tes cheveux. Tes doigts meurent au soir, dans ton ciel déjà les étoiles cheminent72 » ; « Souviens toi nos longues accoudées, par delà les étoiles, le front cerné de brumes glacées73. » « Entend le chant de flammes, le cri de l’étincelle qui du tronc embrasé telle une graine jaillit74 » ; « Je mange les arbres le lac les pierres, je bois je mange de tous les yeux la liberté l’oiseau le nuage le lierre, si tu n’es pas le bleu du ciel, j’attendrai demain pour boire75. » Dans l’évocation positive ou dans l’apitoiement, la nature berce les humains en souffrance. Entre tragédie et commisération, elle s’approche, se rend humaine : « Et quand la nuit de paix descendit, elle perçut un gémir de détresse. Elle tordit ses mains en muette peine, chaque étoile devint une larme76. » Inversion du monde où la nature bienfaisante ou accueillante supplante la culture violente. Symbiose allégorique avec la nature que l’on retrouve aussi au travers des travestissements propres aux carnavals purificateurs et identitaires dans les structures sociales post-esclavagistes77. Face à la violence subie, l’humain rejette le social avilissant pour renouer avec la terre-mère. T. Todorov nous parle de cette « élévation morale » qui passe à travers « la contemplation et l’admiration de la nature78 ». Cette communication entre la « souveraineté des choses et l’homme le plus démuni (est) une alliance qui ruine secrètement les prétentions du Puissant à s’arroger la maîtrise absolue du sens79 ».
La valeur anthropologique de la création dans les camps : une leçon d’humanité partagée
26La création ne permet pas uniquement de maintenir une identité « abimée », de conserver les propriétés du groupe, de persévérer dans la légitimité politique de la résistance ou de communier avec une nature tonifiante. Une ligne transversale traverse les œuvres. L’impersonnalisation sert paradoxalement le dessein partagé des êtres en résistance : se sentir vivant, le plus épargné possible physiquement et psychiquement, au sein de « l’espèce humaine ». « Les concentrationnaires se sont retrouvés à leurs corps défendant en situation d’être les curateurs de l’image de l’Homme avec un grand H80. » Alain Parrau, un des pionniers de l’analyse de la littérature concentrationnaire, précise :
« L’expérience concentrationnaire semble avoir détruit la possibilité même de se rapporter à la littérature. La réalité montre pourtant que ce rapport subsiste et que le camp, paradoxalement, peut devenir le lieu d’activités littéraires d’une ampleur insoupçonnée qui donnent force et figure à la volonté de survivre et de résister. Reconstruire, par la parole, un espace commun. Réciter un poème devient un acte politique et humain décisif, le moment d’une affirmation collective des valeurs que le camp devait détruire. Dans les conditions de la plus extrême précarité, le poème reste la trace vivante d’une expérience humaine irréductible81. »
27La création permet de conjuguer, dans l’épreuve d’une construction à haute valeur ajoutée, le marquage objectif d’un autre réel avec une subjectivation d’une conscience réhumanisée. Cette quête de matérialité de l’humanité réalisée en pratique, ne peut plus s’actualiser dans le camp. A minima, elle s’incarne alors dans le rire, les petits gestes de moquerie, le chant, la récitation ; au mieux dans l’écriture risquée de poèmes ou dans la fabrication de minuscules objets. Dans la vibration de ces micro-actes résonne une multitude d’états affectifs : la mentalisation de l’œuvre « occupant le temps » et obturant variablement les effets de terreur, la jouissance du tracé sur quelque support, la sonorisation dans une communication émotionnelle avec les pairs à qui la dignité est rendue dans cette occupation inversée du « bruit ». Ainsi, la personnalisation associée à la création ne se dissocie pas de sa divulgation dans un collectif choisi. Seuls quelques rares auteurs mentionnent un travail isolé.
« Le besoin de raconter était en nous si pressant que ce livre –Si c’est un homme– j’avais commencé à l’écrire là-bas, dans ce laboratoire allemand, au milieu du gel, de la guerre et des regards indiscrets et tout en sachant que je ne pourrais pas conserver ces notes car elles m’auraient coûté la vie82. »
28Varlam Chalamov, interné en Goulag, a lui aussi rédigé un brouillon, « quelque chose d’irrépressible, comme des vomissements mortels, a jailli de ma plume… J’ai tenu bon, j’ai résisté, je me suis remis de ce flot de balbutiements83 ». Le plus souvent, partager un rire, communier autour d’un poème, de retour au block et avant de s’enfoncer dans un sommeil toujours perturbé et trop court, c’est d’abord retrouver une prise sur le monde, créer un point de vue à partir duquel se recomposer et dialoguer avec soi et les autres.
29La création culturelle est, d’une autre manière, un concentré de soi offert aux autres, car c’est aussi « un témoignage pour la postérité84 ». Tout déporté sait qu’il peut mourir quand bien même il résiste de toutes ses forces. Bien plus, les témoignages insistent sur cette horreur de la mort absurde, sans sépulture, loin des siens, dans la nudité pornographique d’un corps offert à tous au milieu du camp. La création culturelle est un remembrement, une manifestation d’un état de conscience morale qui demeure une fois que le déporté aura dépéri dans la souillure. Demeurer humain par delà la mort, c’est pouvoir devenir un humain présentable bien après la mort. Alors qu’il perd toute sa famille, C. Perechodnik est convaincu qu’il va être tué à son tour et veut écrire « un enfant de papier… à la mémoire de sa fille de deux ans85 ».
« Si je croyais en Dieu, je n’écrirais point […] Puisque notre fille ne vit plus, il me faut soigner ce deuxième enfant, le protéger jusqu’au jour où aucune force ne pourra plus le tuer […] Je sens l’immortalité en moi car j’ai une œuvre immortelle86. »
30Si la création est un hymne à la vie humaine digne, elle atteindra l’espèce humaine civilisée et deviendra alors un morceau du patrimoine de l’humanité. C’est à ce point précis que le sociologique laisse la place à l’anthropologique, l’individuel socialisé au collectif dans ses fonctions symboliques communes. La vitalité esthétique s’offre comme le symbole du plus beau geste humain en situation improbable de créer et devient, à ce titre, la promesse de rester partie intégrante de la mémoire du genre humain.
31C’est là un des enseignements majeurs que l’analyse des camps propose : la création est un déploiement d’humanité à double détente : le déporté créateur est créateur de sa propre (sur) vie, l’œuvre étant une substance nourricière concrète d’auto-défense dans un cadre prédateur ; et le reclus constitue un acte de résistance, une preuve de sa présence à travers une mise en forme qu’il délivre à l’humanité, cette trace ayant valeur de commune humanité à conserver. Comme le dit Philippe Mesnard à propos du témoignage de Zalmen Gradowski, un déporté juif ayant à la fois caché des textes relatant l’extermination dans les chambres à gaz et aussi été un des leaders du soulèvement du sonderkommando à Birkenau en 1943, « il ne reste que l’écriture pour affirmer non seulement son existence mais également la vie des autres comme possibilité87 ». Le reclus parle au nom des morts du camp mais plus généralement il tisse le lien entre sa propre humanité et celle des autres qui, en lisant le déshumanisé en résistance, conforteront ainsi à travers ce message en forme « culturelle » l’espoir d’améliorer leur propre humanité.
32En ce sens, on peut prolonger l’analyse de P. Braud et des symboles par l’exemple des poèmes dans les camps de concentration. Ce sont au départ des symbolisations répétées et tactiques, des symboles cachés en micro groupe, valables pour celui, celle(s) ou ceux qui le déploient en situation et qui à la fois procurent des « gratifications psycho-affectives… exorcisent les dangers, apaisent les angoisses88 » et positionnent les « régulateurs du sens » au sein d’un « univers de valeurs89 » partagées. Ces « systèmes fondamentaux de classements symbo90 », en Occident, mettent justement l’individu et l’humain, l’individu humanisé, civilisé, au cœur de tous les enjeux politiques. C’est dans la série des liens symboliques entre poésie, humanisation, auto-contrainte poursuivie dans l’exemplaire création culturelle91, volonté de conservation des écrits, que les poésies deviennent, après coup, le symbole désormais public d’une résistance hors du commun. Si elle ne permet pas de les rendre représentatifs de l’expérience concentrationnaire, leur faiblesse numérique les hausse cependant au rang de symbole de la civilisation contre la barbarie nazie.
Notes de bas de page
1 FNDIRP, Créer pour survivre, op. cit., p. 23.
2 Par ailleurs, l’objet de cet article n’est pas d’analyser un corpus de poèmes mais d’expliquer leur existence dans les camps.
3 Une recension de la bibliographie des camps dans les bases de données Jstor, Muse et Cairn, ainsi que le dépouillement des revues Les cahiers de la Shoah, Studies in American Jewish Littérature, The Jewish Quarterly Review et Journal of Jewish Identities, permet de saisir les principaux thèmes développés par les chercheurs : le processus génocidaire ; la question de la transmission, de la commémoration, de la mémoire et de la réception dans l’opinion ; la comparaison entre violences et camps ou entre types d’extermination ; l’usage des supports iconographiques ; les relations entre bourreaux, victimes et collaborateurs ; les soulèvements et résistances des victimes ; les traumatismes et la gestion de la souffrance dans l’après camp. A priori, dans ces revues, un seul article aborde directement la question de l’art dans les camps, souvent articulée à l’humour satyrique (dérision verbale, jeux de cartes, bandes dessinées). Dutinger A. D., Art, Music and Éducation as Strategies for Survival: Theresienstadt 1941-1945, New York, Herodias, 2000; Feinstein S., « Art from the Concentration Camp: Gallows Humour and Satirical Wit », op. cit.
4 Dresden S., Extermination et littérature, Paris, (trad.) Nathan, 1997 ; Parrau A., Écrire les camps, Paris, Belin, 1995 ; Jürgensen L., L’expérience concentrationnaire est-elle indicible ? Paris, (trad.) Éditions du Rocher, 2003.
5 Wieviorka A., Déportation et génocide, Paris, Plon, 1992, p. 181.
6 Cet article repose essentiellement sur le dépouillement de plus de 200 récits de déportés. Leur liste figure dans mon ouvrage Devenir un Dieu. Le nazisme comme religion politique. Esquisse d’une théorie du dédoublement, Paris, Publibook, 2004. En tant que récits ex post, ils ne comprennent pas de textes poétiques proprement dits mais ils renseignent largement sur l’existence d’une création culturelle fréquente dans les camps (peinture, poésie, dessins, musique, opérette, sculpture, chants). Par ailleurs, il existe plusieurs recueils de poèmes issus des camps, dont trois ont été exploités ici. Enfin, un ouvrage collectif fondamental sur la question, dirigé par une Amicale de déportés, brasse les expériences de création de rescapés en provenance de dizaines de camps allemands, tout en révélant, par la présence de nombreux historiens, l’étendue des actes de création dans ces espaces mortifères. FNDIRP (dir.), Créer pour survivre, op. cit.
7 La création supposant un temps social, elle n’existe pas dans les quatre camps d’extermination allemands, mais se retrouve aussi bien dans les camps mixtes (Birkenau et Maïdanek), les camps de concentrations que les camps/ghettos précédant les « transports » vers les chambres à gaz.
8 Cette spécificité d’une analyse des frontières du social et de l’humain oriente autant vers une sociologie des manières concrètes de pratiquer la création et de la partager socialement que vers une anthropologie du maintien en humanité partagée. Articulation qui intègre sur le plan disciplinaire la distance conceptuelle entre l’art installé en civilisation et la création culturelle en situation totalitaire où l’humain, réduit extérieurement à ses besoins rudimentaires, se recompose une enveloppe culturelle dans une nouvelle contre-société qui se vit d’autant plus intensément que les moments de repossession de soi sont très courts.
9 Braud Ph., L’émotion en politique, Paris, Presses de Science-Po., 1996 ; Sommier I., « Les états affectifs ou la dimension affectuelle des mouvements sociaux », Fillieule O., Agrikoliansky E., Sommier I. (dir.), Penser les mouvements sociaux, La Découverte, 2010, p. 185-202.
10 Scott J., De la domination et des arts de la résistance, Paris, Amsterdam, 2010 ; Jeudy-Ballini M., « L’altérité de l’altérité où la question des sentiments en anthropologie », Journal de la société des Océanistes, no 130/131, 2010, p. 129-138.
11 Dufournier E., La maison des mortes. Ravensbrück, Paris, (rééd.) Julliard, p. 80.
12 Fénelon F., Sursis pour l’orchestre, Paris, Stock, 1976, p. 209.
13 Poliakov L., Auschwitz, Paris, Julliard, 1964, p. 84.
14 Berler W., Itinéraires dans les ténèbres, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 114 ; Maous F., Coma Auschwitz. no A5553, Paris, Le Comptoir Édition, 1996, p. 73 ; Wormser O. et Michel H., Tragédie de la déportation, Paris, Hachette, 1968, p. 269 ; Rousset D., L’univers concentrationnaire, Paris, (rééd.) Hachette, 1999, p. 66.
15 Sofsky W., Traité de la violence, Paris, (trad.) Gallimard, 1998, p. 114.
16 Hoess R., Le commandant d’Auschwitz parle, Paris, (trad.) La Découverte, 1995, p. 176.
17 Hilberg R., Exécuteurs, victimes, témoins. La catastrophe juive, 1933-1945, Paris, (trad.) Gallimard, 1994, p. 212-213.
18 Lewinska P., Vingt mois à Auschwitz, Paris, Nagel, 1945, p. 28 et 71.
19 Wormser O. & Michel H., Tragédie de la déportation, op. cit., p. 278.
20 Rovan J., Contes de Dachau, Paris, Le Seuil, 1993, p. 49-50.
21 Ces liens sociaux forment l’armature morphologique d’une résistance dans le camp de concentration. En revanche, dans les ghettos, la création culturelle est beaucoup plus prononcée du fait que la liberté formelle de créer est redoublée par la réunion, dans un même lieu, de communautés déjà constituées de diverses populations juives. Entre les camps mais plus encore entre les camps et les ghettos, de nombreuses comparaisons sont à opérer afin de faire ressortir ces variations dans les possibilités infrastructurelles de création.
22 Quand les nazis sollicitent des détenus musiciens, soit ils imposent un répertoire précis, soit ils apprécient globalement la musique classique et, parfois, des déportés juifs se vengent et se ressourcent en intégrant une partition « sémite ».
23 Quand le capital physique devient un capital de force de combat, celui-ci permet parfois de mettre à distance les Kapos. Moshè Garbarz, boxeur, connaît quelques anciens boxeurs qui « faisaient la loi. Ils pensaient que peut-être j’allais devenir un bandit comme eux. Ils m’ont laissé tranquille deux ou trois jours ». Garbarz M. & E., Un survivant, Paris, Plon, 1984, p. 48.
24 Lorsqu’ils sont assignés aux kommandos de terrassement, beaucoup d’intellectuels sont raillés par les prolétaires dans la mesure où ils ne savent pas tenir une pelle.
25 Cardon-Hamet C., Les 45 000 Mille otages pour Auschwitz, Paris, Éditions Graphein, 1997, p. 273.
26 Dans le langage du camp, « organiser » définit l’acte élémentaire de résistance, l’état d’esprit visant à toujours vouloir améliorer sa condition en combinant ou trafiquant. Primo Lévi a été subjugué par l’art de l’organisation des Juifs grecs.
27 Terme émique que tous les déportés connaissent. Il qualifie le dernier stade d’avilissement physique et psychique du reclus avant la mort, sorte de zombi hermétiquement fermé à la communication et incapable de parer le moindre coup qui l’attend. Personne ne sait exactement d’où ce terme vient mais, traduit dans toutes les langues des déportés, il a été largement utilisé, depuis Primo Lévi jusqu’à G. Agamben, pour invalider la possibilité de rendre compte de toute la réalité du camp puisque la masse la plus représentative du sort commun est morte dans des conditions de déshumanisation dont la compréhension demeure impossible.
28 Parrau A., Écrire les camps, op. cit., p. 100.
29 Fénelon F., Sursis pour l’orchestre, Paris, Stock, 1976 ; Laks S., Mélodies d’Auschwitz, Paris, Cerf, 1991 ; Stroumsa J., Tu choisiras la vie. Violoniste à Auschwitz, Paris, Cerf, 1998.
30 op. cit., p. 144. « Je comprends à travers mon émotion que l’espace virtuel que l’art nous ouvre est en fait le monde réel et que c’est Auschwitz qui est le cauchemar. » Ibid., p. 144.
31 Terrenoire L., Sursitaire de la mort lente, Paris, Seghers, 1976, p. 169-170.
32 Avec le prestige des boxeurs auprès des SS, que l’on retrouve dans presque tous les témoignages. Versus les insultes contre la « putain d’intelligenstia » (Ibid., p. 78-79), insultes que subit G. Semprun à qui « on jette à la figure » ses « origines sociales » (Quel beau dimanche, Paris, Gallimard, 1980, p. 185) ; ou les brimades ciblées contre des bourgeois connus. Sheppard B., Missions secrètes, Paris, (trad.) Éditions Heimdal, 1998, p. 335. Parmi quelques témoignages de bourgeois « moins préparés » à la résistance physique : Renouard J. P., Un uniforme rayé d’enfer, Paris, Les Éditions du Rocher, 1993, p. 18 ; Ruth citée dans Pollack M., L’expérience concentrationnaire, Paris, Métailié, 1991, p. 100 ; Berler W., Itinéraires dans les ténèbres, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 84-85 ; Varnoux J., Clartés dans la nuit. Journal d’un prêtre déporté, Neuvic-Entier, Éditions de la Veytizou, 1995, p. 84 ; Saladin-Grizivatz C., Azjen M., Il n’y a pas de saison pour la mort, Paris, Denoël, 1997, p. 150 ; Mialet J, Le déporté, Paris, Fayard, 1981, p. 94 ; enfin le témoignage très sociologique du psychiatre Améry J., Par delà le crime et le châtiment, Arles, Actes Sud, 1995, p. 24-26.
33 Frankl V., Un psychiatre déporté témoigne, Paris, (trad.) Éditions du Chalet, 1973, p. 78.
34 Pudal B., Prendre parti, pour une sociologie historique du PCF, Paris, Presses de Sciences-Po, 1989.
35 Pour le seul camp de Dachau, Dorothea Heiser a recensé plus de 400 poèmes composés pendant l’épreuve concentrationnaire.
36 Verdet A. & Association Française Buchenwald-Dora, Anthologie des Poèmes de Buchenwald, Paris, Éditions Tirésias, 1995.
37 L’historiographie française est unanime sur ce point : de David Rousset à Georges Semprun en passant par Germaine Tillion, Alain Parrau ou Michael Pollack, tous indiquent, analysant leur propre expérience ou l’ensemble de « l’univers concentrationnaire », que le régime répressif s’est atténué dans ces deux camps du fait que la quasi-totalité des places de « zone grise » a été accaparée par les membres des partis communistes européens. Et, du fait que la gestion quotidienne des camps – même supervisée par un SS – était déléguée aux détenus (secrétariat, administration statistique, logistique alimentaire), une sorte d’interdépendance s’est peu à peu institutionnalisée, renforcée par l’homogénéité de cette contre-structure communiste dans de nombreux postes de commande du camp.
38 Recettes de cuisines, chants. Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso, Paris, Éditions de Minuit/Plon, 1982, p. 139 ; Kenrick D., « Les chants tziganes dans les camps de concentration », FNDIRP, Créer pour survivre, op cit., p. 167-177 ; Lagrange M., Coupable d’être née, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 91 ; Picard J., Des ténèbres à la lumière. D’Auschwitz-Birkenau au lac majeur, Paris, Éditions Eska, 1995, p. 48 et 82 ; Touboul C., Le plus long des chemins, Paris, Les Éditions du Losange, 1997, p. 96 ; Filaire B., 1997, FNDIR-UNADIF, Jusqu’au bout de la résistance, Paris, Stock, p 216 ; Chaumont J. M., « L’univers concentrationnaire : une défaite pour l’homme ? », FNDIRP, Créer pour survivre, op. cit., p. 27-36.
39 Holt W., Femmes en deuil sur un camion, Paris, Nil Éditions, 1995, p. 67 et 115.
40 Heiser D., « La poésie concentrationnaire. Une rencontre avec le destin individuel », in FNDIRP, Créer pour survivre, op. cit., p. 121-134.
41 Heiser D., Ibid., p. 125.
42 Borwicz M., Écrits des condamnés à mort sous l’occupation nazie, Paris, Folio Gallimard, 1996, p. 306.
43 Lévi P., Si c’est un homme, Paris, Julliard, 1987, p 60.
44 C’est dire qu’on privilégiera davantage la compréhension du passage à l’acte des déportés plutôt que les œuvres culturelles en tant que telles.
45 Toute quantification du phénomène est impossible : parce que les œuvres des survivants ne suffisent pas à rendre compte de l’ensemble de la production des camps ; parce qu’une partie seulement des survivants a rédigé un témoignage ; parce que les créations des survivants n’ont pas été forcément mentionnées dans un témoignage (oubli ou refus d’en parler pour ne pas banaliser l’extrême) ou rapportées en forme directe dans des recueils. Enfin, certaines créations orales ont pu être reprises en forme écrite à la Libération dans une narration poétique, comme c’est le cas exemplaire dans l’oeuvre de Charlotte Delbo. Au vu des récits, des recueils, des estimations des historiens (« La poésie des déportés trouva un large écho dans les camps : c’est du moins ce que rapportent de nombreux témoignages ». Dlugoborski W., « La vie quotidienne des détenus dans la poésie créée dans les camps », FNDIRP, Survivre pour créer, op. cit., p. 50) et des responsables d’organisations, plusieurs milliers de poèmes ont été composés. À lui seul, Tadeuz Borowski a écrit une dizaine de poèmes à Birkenau. Une recension des auteurs de recueils français et des Européens mentionnés par quelques spécialistes invités par des Amicales (comme c’est le cas du colloque de la FNDIRP) permet de repérer plus de 300 noms.
46 Chardin P., « Analyse et narration de l’événement inouï. Les pouvoirs respectifs de l’essai, de l’autobiographie et de la nouvelle dans l’œuvre de Primo Lévi », FNDIRP (dir.), Créer pour survivre, op. cit., p. 67-76.
47 L’espèce humaine, Paris, Gallimard, 1994, p. 45.
48 Il existe même un marché économique des œuvres. Lévi P., Si c’est un homme, op. cit., p. 62 et 100.
49 Parrau A., Écrire les camps, op. cit., p. 227 et 226.
50 Maous F., Coma Auschwitz. no A5553, Paris, Le Comptoir Édition, 1996, p. 37.
51 Lewinska P., Vingt mois à Auschwitz, op. cit., p. 166.
52 Seidman H., Du fond de l’abîme. Journal du Ghetto de Varsovie, Paris, (trad.) Plon, 1998, p. 193.
53 Saladin-Grizivatz M., op. cit., p. 80.
54 Lévi P., op. cit., p. 83.
55 Mialet S., op. cit., p. 39, 86/87, 165.
56 Birger T., La rage de survivre, Paris, (trad.) Denoël, 1998, p. 31,70-71, 110-111.
57 Pollak M., op. cit., p. 45-52.
58 Birembaum H., Hope is the last to die, State Museum in Oswiecim, 1994, p. 182-183.
59 Op. cit, p 349 ; voir aussi Cardon-Hamet C., Les 45 000. Mille otages pour Auschwitz, op cit., p 404 qui fait semblant de scier dans son kommando ; lire aussi Müller P., Trois ans dans les chambres à gaz, Paris, (trad.) Pygmalion, 1980, p. 44 et 97.
60 Dlugoborski W., « La vie quotidienne des détenus dans la poésie créée dans les camps », FNDIRP, Survivre pour créer, op. cit., p. 49-54.
61 Verdet A., Association Française Buchenwald-Dora présente, Anthologie des Poèmes de Buchenwald, Paris, Éditions Tirésias, 1995, p. 9-10.
62 Georges Semprun, dans son introduction à Ménager Y., Paroles de déportés, op cit, p 10.
63 Todorov T., Face à l’extrême, Paris, Seuil, 1991, p 106.
64 « On se console en se disant qu’en France les mêmes étoiles brillent encore de tout leur éclat […] Qu’il est possible qu’au même moment des yeux aussi humectés de larmes que les nôtres regardent là-bas le même spectacle en pensant à l’absent dans l’inquiétude qui les tient éveillés. » Unger J, Le sang et l’or, souvenirs de camps allemands, Paris, Gallimard, 1946, p 68.
65 Verdet A., Association française Buchenwald-Dora, Anthologie des poèmes de Buchenwald, op cit., p 48.
66 Ibid., p. 67.
67 Ibid., p. 73.
68 Ibid., p. 104.
69 On entend par cosmomorphisme, au sens d’Edgar Morin, le travail symbolique de dissolution de l’homme dans la nature. Ce procédé est très fréquent dans le carnaval. Les acteurs deviennent l’incarnation d’un élément de la nature, par exemple un végétal (Marian la po lig à la Martinique, créé par le groupe Psyché en 1993, où le carnavalier est entièrement recouvert de feuilles de bananes ; travestissement assez fréquent en Afrique). Bruneteaux P. et Rochais V., « Identité et parodie dans le carnaval de Martinique », Falgayrettes-Leveau C. et Agier M. (dir.), Masques et mascarades, Musée DAPPER, 2010, p. 179-203.
70 Ibid., p. 33.
71 Ibid., p. 38.
72 Ibid., p. 53.
73 Ibid., p. 90.
74 Ibid., p. 113.
75 Ménager Y., Paroles de déportés, Paris, FNDIRP, 2001, p. 53.
76 Verdet A., Association française Buchenwald-Dora, Anthologie des poèmes de Buchenwald, op. cit., p. 116.
77 Bruneteaux P & Rochais V., « Couleurs sur corps noirs et carnaval à la Martinique », in Boëtsch G., Chevé D., Claudot-Hawad H., Décors des corps, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 231-241. Bruneteaux P. et Rochais V., « Identité et parodie dans le carnaval de Martinique », op. cit.
78 Op. cit, p. 102.
79 Op. cit, p. 207.
80 Chaumont J. M., op. cit, p. 31.
81 Écrire les camps, op. cit., p 45. Lire aussi Parrau A., « Puissance de l’image : réflexions sur l’article de Jean Cayrol “Les rêves concentrationnaires” », FNDIRP, Créer pour survivre, op. cit., p 85-92.
82 Lévi appendice à Si c’est un homme, op. cit.
83 Cité par Jürgensen L., L’expérience concentrationnaire est-elle indicible ? Paris, (trad.) Éditions du Rocher, 2003, p. 64.
84 Chaumont J. M., op cit, p. 33.
85 Wieviorka A & C. Mouchard, La shoah. Témoignages, savoirs, œuvres, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 1999, p. 83.
86 Perechodnik P., Suis-je un meurtrier ?, Paris, (trad.) Liana Lévi, 1995, p. 19.
87 Mesnard P., « Écrire au dedans de la mort », in Revue d’Histoire de la Shoah, no 171, 2001, p. 149-161.
88 L’émotion en politique, op. cit., p. 99.
89 Ibid., p. 106.
90 Ibid., p. 112.
91 Ibid., p. 220.
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