10. La « rationalité » totalitaire
p. 177-190
Texte intégral
1L’idéal-type du totalitarisme offre le tableau d’un phénomène dominé par l’irrationalité. Visant une transformation radicale de l’homme et de la société, le totalitarisme ne se situe pas en effet dans le champ classique de la « politique », définie comme la poursuite rationnellement opportune d’objectifs limités, le plus souvent institutionnels, mais dans un au-delà de la politique.
« Ni le national-socialisme ni le bolchevisme ne proclamèrent jamais qu’ils avaient établi un nouveau régime, ni ne déclarèrent que leurs objectifs étaient atteints avec la prise du pouvoir et le contrôle de l’État, écrit Hannah Arendt. Leur idée de domination ne pouvait être réalisée ni par un État, ni par un simple appareil de violence, mais seulement par un mouvement constamment en mouvement : à savoir la domination permanente de tous les individus dans toutes les sphères de leur vie1. »
2Commandé par cet objectif de révolution anthropologique, le mouvement totalitaire met l’élaboration idéologique au centre de sa pratique. Par ses représentations clés –le Chef providentiel (qui soude le pouvoir traditionnel de l’État et le pouvoir révolutionnaire du Parti), l’Homme nouveau (qui unifie le Peuple confondu avec la race supérieure ou la classe élue), l’Ennemi total (dont l’élimination garantit l’identité et l’intégrité du Peuple)–, l’idéologie est une mise en cohérence fantasmatique de la volonté fondatrice. Et comme telle, cette logique ne connaît aucun terme en nourrissant le désir d’illusion et l’attente millénariste des « masses atomisées ». Enfin, à la différence des tyrannies classiques et des dictatures modernes qui songent à clore leurs épisodes terroristes après la neutralisation des opposants déclarés, le régime totalitaire inaugure une terreur infinie, sa seule fin étant la confirmation de l’idéologie, c’est-à-dire la suppression de la réalité réelle au nom de la réalité fictive de l’idéologie. Défiant toute logique pragmatique, incarnant la négation de la réalité, la violence totalitaire concrétise la certitude qu’une partie de l’humanité est radicalement superflue et s’épanouit dans le crime de masse. Dans ses trois dimensions, non politique, idéologique et terroriste, la logique totalitaire est donc une logique acosmique, exprimant l’envers de la condition humaine et répondant au slogan du « tout est possible2 ».
3C’est en raison de cette logique aisément repérable à ses commencements que les pionniers de la théorie du totalitarisme ont jugé ce type de régime en rupture avec l’idée classique de la raison qui, en s’affirmant par une visée d’autonomie (l’homme a vocation à être auto-législateur) et d’universalité (l’homme s’affranchit de ce qui prédétermine ses choix), s’identifie à la liberté et à la réduction de la violence.
« La nouveauté du totalitarisme », écrit Carlton Hayes, se résume à « une révolte… contre les Lumières, la raison et l’humanitarisme du XVIIIe siècle… Il répudie tous les éléments majeurs qui ont constitué notre civilisation historique et livre une guerre à outrance à tout groupe qui en conserve le souvenir affectueux3. »
4Expression de la « révolte des masses » (José Ortega y Gasset), initiateur d’une nouvelle guerre de croyances, le totalitarisme constitue une régression de l’histoire de l’Europe. « Nos contemporains sont, pour la plupart, observe Bernard Lavergne, mus par des sentiments-forces et ne donnent plus audience aux raisons raisonnables qui naguère nous faisaient agir. Ainsi, par une étrange reviviscence, le XVIe et le XVIIe siècles surgissent à nouveau du passé où nous les croyions enfouis à jamais et ont repris goût à la vie4. » Exit alors la théorie du contrat qui reposait sur « une décision raisonnable des individus » : Pour René Capitant, « la Cité de Hobbes nous transporte dans un monde purement rationnel qui contraste absolument avec la sphère mystique et fanatique des dictatures contemporaines5 ». Cette vision apocalyptique du totalitarisme dominante chez les chrétiens et les libéraux trouvait au même moment une autre expression chez les philosophes de l’école de Francfort qui voyaient dans le nazisme l’aboutissement du processus de rationalisation de la volonté de domination, l’illustration d’une raison soumise aux critères de l’utilité. Par ce renversement négatif du rationalisme occidental, une « dialectique des Lumières » selon la formule de Theodor Adorno et Max Horkheimer, la raison n’est plus réductrice de violence mais de liberté.
5Peu employée par ces derniers auteurs, la notion de totalitarisme était pour eux surtout synonyme de fascisme. Cela nous rappelle qu’une différenciation a en effet souvent été opérée entre les différents totalitarismes sur le plan, entre autres, de leur rapport à la raison. Selon un courant d’interprétation qui a nourri une certaine vulgate historiographique, le nazisme animé par l’irrationalisme de son racisme völkisch se séparerait du stalinisme qui, en dépit de la démesure de sa violence, s’inspire d’idéaux égalitaires et universalistes en vue d’objectifs modernisateurs marqués par une certaine rationalité. Si la thèse du rapport antinomique à la rationalité des deux totalitarismes s’enracine dans une substantialisation-idéalisation des Lumières courante mais quelque peu problématique, celle-ci ne doit-elle pas s’interpréter à l’aune du travail de construction de l’antifascisme intellectuel des années 1930 ? S’identifiant volontiers aux valeurs « franco-kantiennes », cette sensibilité militante aurait facilement lié irrationalisme et absence d’idéologie structurée. L’analyse comparative des totalitarismes nécessite peut-être d’aller au-delà du couple d’opposition irrationalité/rationalité, prioritairement investi par la définition de la raison par rapport à une valeur, en mobilisant le concept wébérien de « raison instrumentale » (Zweckrationalität). Définie par rapport à un objectif, cette rationalité repose sur le calcul des moyens appropriés pour l’atteindre avec succès. Fonctionnant selon des critères d’efficacité au service d’un but « bon » ou « mauvais », elle est adaptée à un appareil de domination totale qui peut solliciter pour ce faire des mécanismes d’identification à base d’émotions ou de mythes. Insistant sur le poids des processus interactifs dans la construction de la relation dirigeants/masses, Philippe Braud souligne ainsi que
« toute perception d’un intérêt […] n’est possible qu’à travers le prisme de croyances qui lui donnent sens ; réciproquement toute croyance, quelle qu’elle soit, repose sur une irréductible part d’indémontré ou d’indémontrable, à partir de quoi se construit une forme de rationalité6 ».
6Devenue « organe de la finalité », la raison totalitaire nazie ou stalinienne fait ainsi un usage rationnel de l’irrationnel.
Irrationalité nazie, rationalité stalinienne ?
7S’il y a un défi certain à prétendre expliquer une politique totalitaire à partir de catégories rationnelles, c’est encore plus marqué en ce qui concerne le fascisme. L’action de celui-ci exprimerait un antirationalisme foncier en tant que canal politique d’expression et d’aboutissement de la tradition antilibérale des « Contre-Lumières7 ». Le nazisme en serait la manifestation exacerbée en tant que résistance radicale aux voies de la « transcendance » théorique et pratique inaugurées au XVIIIe siècle8. La rationalité au sens des Lumières qui combine visée émancipatrice et moralité est en effet fondamentalement niée par un phénomène dont la dimension irrationnelle se déploie sur le terrain d’une idéologie raciste illustrant, par sa négation de l’universalité, la « destruction de la raison » analysée par Georg Lukàcs. Mais le mode de gouvernement et de prise de décision au sein du IIIe Reich peut aussi être jugé irrationnel dans la mesure où l’autorité « charismatique » et la fragmentation « polycratique » ruinent toute stabilisation institutionnelle et tout ancrage « légal-rationnel » de la bureaucratie9. Il en va de même des objectifs impérialistes de politique extérieure découlant du projet raciste qui débouchent inéluctablement sur l’affrontement suicidaire avec l’ensemble des grandes puissances en engageant le régime dans une course folle à l’anéantissement. Enfin, la terreur très rapidement ne vise plus seulement les ennemis « objectifs » mais des catégories entières de population exterminées pour ce qu’elles sont, sans considération aucune pour l’« utilité » de leur force de travail dans une économie de guerre. La dimension irrationnelle de l’extermination des Juifs européens motivée par le seul déterminisme idéologique est ainsi au cœur de tous les commentaires sur le caractère unique de la Shoah. On se rappelle à ce titre la polémique déclenchée à la fin des années 1980 par la thèse d’Ernst Nolte sur le « noyau rationnel » de l’idéologie antisémite d’Hitler, le mythe du « judéo-bolchevisme » se construisant selon l’historien conservateur allemand à partir du constat d’une importante présence juive dans les rangs du communisme, l’extermination entreprise par le nazisme devant se comprendre comme « une réaction ou une copie déformante10 ».
8À l’inverse, la politique de Staline serait marquée par d’évidentes formes de rationalité. Dans le Manuel de l’enseignant à destination de l’enseignement secondaire publié en Russie en 2007 qui précise les nouveaux standards de l’éducation historique du pays, il est ainsi notifié que Staline fut un dirigeant « tout à fait rationnel » et que la répression qu’il ordonna fut d’abord dirigée contre ceux qui entravèrent sa politique « modernisatrice ». Dans un autre style et pour un tout autre public, le livre du philosophe néo-communiste italien Domenico Losurdo, Staline, histoire et critique d’une légende noire, qui se présente comme une remise en cause des clichés de l’antistalinisme de droite comme de gauche à l’œuvre depuis 1956, donne une pleine rationalité à la terreur mise en œuvre par le dictateur soviétique11. Loin d’être un emballement délirant, celle-ci exprimerait la volonté de juguler par des moyens, sans doute extrêmes, l’action bien réelle d’ennemis du régime et ce dans un contexte qui à la fois l’explique et la banalise : « brutalisation » de la Première Guerre mondiale, affrontement fascisme-communisme, héritage culturel russe, situation mondiale d’oppression coloniale. On n’imagine bien sûr semblable démarche pour présenter la politique hitlérienne. Si la thèse du Staline « rationnel » ne choque pas ou peu et si cette présentation scandalise à l’endroit d’Hitler, c’est que nous avons affaire à une vision interprétative des deux politiques totalitaires profondément enracinée et nourrie en apparence de forts arguments factuels. Ainsi en est-il du déterminant idéologique du marxisme-léninisme qui, même revu et appauvri par le maître du Kremlin, est souvent considéré comme une forme abâtardie des Lumières, dans sa philosophie de l’histoire comme dans sa vision de l’économie et de la société. L’objectif du « socialisme dans un seul pays », énoncé dès décembre 1924, partirait de même d’un constat réaliste de l’échec de la révolution communiste en Europe et en Chine. La politique étrangère qui en découle traduirait tout au long des années 1930 et dans l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale une conception mesurée et défensive, plus marquée par des intérêts géopolitiques rationnels que par l’idéologie (entrée dans la SDN, « apaisement » face à Hitler, recherche de glacis défensifs12). Le plan démesuré de collectivisation agraire trouve même une certaine cohérence si on le rapporte aux problèmes réels du ravitaillement urbain à la fin des années 1920 et à la logique d’« accumulation primitive de capital » nécessaire à une industrialisation rapide. Last but not least, le Goulag, en dépit de ses horreurs, s’insère dans la planification économique du régime en mobilisant la force de travail de millions de détenus, aux antipodes des usines de mort nazies.
9C’est à l’occasion de la sortie tumultueuse du Livre noir du communisme à l’automne 1997 que l’argumentaire de la rationalité fut mobilisé avec force par tous ceux qui trouvaient contestable l’idée d’une mise en équation des politiques criminelles du nazisme et du communisme. La similitude des méthodes ne pouvait entraîner une assimilation des idéologies inspiratrices. Le directeur du Monde, Jean-Marie Colombani, exprima alors ce qui apparaît comme une forme de vulgate en la matière :
« Il y aura toujours une différence entre celui qui s’engage en croyant à un idéal relié par la réflexion à l’espérance démocratique et celui qui repose sur l’exclusion et fait appel aux pulsions les plus dangereuses de l’individu. »
10En bref, le crime de masse était la vérité d’un nazisme qui mobilisait les « pulsions » pour mettre en pratique une conception inhumaine de l’homme alors qu’il fallait voir dans le Goulag stalinien la perversion d’une doctrine « réfléchie » à visée émancipatrice. Le nazisme était par essence monstrueux, le communisme a abouti à des résultats monstrueux. La ligne de clivage était radicale. Nous trouvons là, exprimée souvent émotionnellement dans l’espace public, la thèse académique du « rapport antinomique aux Lumières » des deux régimes, l’un –le stalinisme– s’en voulant l’héritier, l’autre –le nazisme– en étant le fossoyeur. Si le régime de Staline mutile à l’évidence la dimension démocratique et humaniste du marxisme, il en garde la dimension progressiste et modernisatrice qui le relie au siècle de l’Encyclopédie. Nonobstant les méthodes inhumaines de son despotisme, il s’inscrit dans un processus « civilisateur » de transformation de l’homme. Inversement, le nazisme célèbre « le mariage des anti-Lumières avec la modernité technique13 ». Projet universaliste qui n’oppose pas la race à l’humanité d’un côté, irrationalisme vitaliste et antihumaniste de l’autre.
11On peut repérer les origines de la thèse du rapport antinomique aux idéaux des Lumières chez quelques uns des premiers analystes du phénomène totalitaire. En 1935, Hans Kohn différencie ainsi « les dictatures charismatiques (qui) exploitent les émotions fondamentales » des « dictatures rationnelles (qui) font appel à la raison afin de maîtriser, par l’étude et le raisonnement logique, les lois déterminant le processus historique14 ». Deux ans plus tard, Giuseppe A. Borgese, l’affirme avec force :
« Nulle comparaison n’est possible entre la signification du fascisme et celle du communisme, qu’on aime ou qu’on abhorre celui-ci. Le communisme progresse en effet dans la direction que donnèrent à l’esprit humain les idées du XIXe siècle et celle des siècles antérieurs […]. Le fascisme, lui, est une nouveauté15. »
12Et c’est en raison de cette différence d’inspiration fondatrice qu’en 1942 Sigmund Neumann oppose les « masses rationnelles » du communisme aux « masses amorphes » des mouvements fascistes sensibles aux seuls mythes16.
13Au temps de la guerre froide, des auteurs d’envergure contribuèrent à enraciner le stalinisme dans le champ historique de la rationalité en action, même si ceux-ci se situaient dans une claire perspective d’opposition de nature libérale ou marxiste. Soucieux de dresser le portrait du concurrent historique du libéralisme pluraliste, l’historien israélien Jacob L. Talmon pointe les origines de la « démocratie totalitaire » communiste dans la culture des Lumières, différent en cela du « totalitarisme de droite » fasciste fondé lui sur les mythes nationalistes et le culte irrationnel de la violence. Cela se traduisait par une notable différence d’objectif, celle que signalait Raymond Aron dans un passage de Démocratie et totalitarisme, toujours rappelé depuis par les tenants d’une différence de nature entre les deux totalitarismes. Conformément à la lointaine inspiration pédagogique émancipatrice de l’idéologie soviétique, l’aboutissement de la terreur était en URSS le camp de travail, non la chambre à gaz comme dans l’Allemagne nazie. Mais c’est sans doute Isaac Deutscher qui, bien que trotskiste, a donné une interprétation du rôle historique du dictateur soviétique faisant la part belle à la dimension « positive » de son œuvre. Constatant qu’« aucun Lessing ou Heine russe n’a été brûlé dans un autodafé », le journaliste-historien laisse en héritage un prêt-à-penser appelé à une grande efficacité en la matière. Ainsi dans la conclusion de sa biographie de Staline parue en 1949 :
« La nation, lorsque Staline prit le pouvoir, pouvait être considérée, à part une mince couche d’hommes éduqués et d’ouvriers avancés, comme une nation de sauvages. […] Staline entreprit, pour citer un mot fameux, de chasser le barbarisme de la Russie par des moyens barbares. […] Les écoles de toute sorte se multiplièrent et l’ensemble de la nation y fut envoyé. Son esprit fut tellement éveillé qu’il peut difficilement être endormi à nouveau. Son avidité de connaissance pour les sciences et les arts fut stimulée par le gouvernement de Staline à tel point qu’elle devient insatiable et même embarrassante. […] On ne peut non plus ignorer que la base idéale du stalinisme, à laquelle Staline a donné une expression grossièrement déformée, n’est pas la domination de l’homme par l’homme, d’une nation ou d’une race par une autre nation ou par une autre race, mais leur égalité fondamentale. Même la dictature du prolétariat est présentée comme une simple transition à la société sans classe, et la communauté d’hommes libres et égaux, non la dictature, en est restée l’inspiration principale. […] Pour toutes ces raisons, Staline ne peut pas être classé avec Hitler parmi les tyrans dont l’œuvre est d’une futilité et d’une inefficacité absolues. Hitler fut le chef d’une contre-révolution stérile, tandis que Staline fut à la fois le chef et le profiteur d’une révolution tragique, qui portait en elle-même sa contradiction, mais qui se révéla créatrice17. »
14Lumières/anti-Lumières, Révolution/Contre-révolution, Égalité/inégalité… L’opposition n’apparaît-elle pas trop tranchée en engageant à se réfugier derrière un classement paresseux ? L’axiome de l’enracinement du communisme stalinien dans la tradition des Lumières a-t-il toutes les évidences voulues ? Ne renvoie-t-il pas notamment à une conception substantialiste de ces mêmes Lumières ?
Une différenciation problématique et contingente
15L’exagération du rapport antinomique à la raison des Lumières du communisme et du fascisme-nazisme doit se comprendre à partir de trois éléments liés : la substantialisation idéalisée des Lumières, l’identification de l’intellectuel anti-fasciste aux valeurs du rationalisme, la sous-estimation consécutive de l’idéologie fasciste en tant que structure intellectuelle cohérente.
16Le communisme s’est certes réclamé du glorieux héritage des Lumières à la différence du fascisme. Mais on pourrait dire qu’il en a fait un usage décoratif contrastant avec ses propres pratiques. Car ce qui est souvent mis en avant pour faire du totalitarisme stalinien un héritier lointain des Lumières –soumission aux lois du Progrès historique, référence idéalisée à la Science, programmation de l’Égalité dans une perspective universaliste– n’est pas sans poser problème. Quelques observations peuvent être faites ici sur un mode d’interprétation empruntant certains raccourcis ou opérant carrément quelques confusions. La vision de l’histoire comme accomplissement d’un dessein qui nourrit la doctrine communiste par le truchement de Hegel et Marx relève-t-elle par exemple de l’esprit des Lumières ? La nuance s’impose ici, si l’on se penche sur des auteurs comme Hume et Mendelssohn rétifs à toute foi dans une marche mécanique vers la perfection sociale ou comme Rousseau, plus attentif à la seule perfectibilité de l’homme18. Cette vision a sans doute plus à voir avec la sécularisation de la croyance chrétienne en un paradis providentiel. Dans son célèbre ouvrage de 1931, The Heavenly City, Carl Becker avait ainsi avancé que les philosophes du XVIIIe siècle étaient d’abord marqués par l’esprit religieux et qu’en passant de la religion de l’humanité des Lumières à la religion sociale du marxisme on restait dans une affaire de croyances. De fait, avec son fantasme d’une lutte finale augurant d’un avenir radieux, le communisme du XXe siècle s’insère plus dans le mode de pensée eschatologique et apocalyptique issu de l’univers médiéval19. Le culte de la modernité qui semble s’incarner dans l’étape « positiviste » des chantiers du plan quinquennal comme la prédication scientiste des propagandistes soviétiques ne peuvent se déduire non plus du strict esprit des Lumières dont les pionniers n’ont jamais fait de la connaissance le socle d’un idéal utopique ; ici le scientisme résulterait donc plus d’un détournement. En ce cas, le marxisme-léninisme a d’abord les attributs d’une « mythologie scientifique20 ». Quant à l’égalitarisme dont il s’empare, il n’a guère été pensé par les porteurs élitistes des Lumières ni par leurs héritiers libéraux du XIXe siècle. On sait à cet égard, depuis Robert Darnton, combien est fausse la thèse assimilant la pensée des Lumières à une idéologie révolutionnaire21.
17Le travail inverse ne pourrait-il être fait alors à propos du nazisme ? Un regard critique sur l’anthropocentrisme des Lumières a pu mettre l’accent sur les origines troubles de la biopolitique moderne, charriant à l’occasion catégorisation naturaliste, culture de haine et pulsion exterminatrice. « L’envers du siècle des Lumières, rappelle Pierre-André Taguieff, c’est qu’il est aussi le siècle de la construction intellectuelle du sous-homme22. » La modernité issue des Lumières aurait aussi accouché d’un nouvel antisémitisme laïc et moderne, de la « science » raciologique et du syndrome hygiéniste23. Sous bien des aspects, le racisme hitlérien s’insère dans un scientisme naturaliste existant à l’état de vulgate dans la société européenne moderne. Pensons aux « prédicateurs scientifiques » (Hannah Arendt) de l’Anthropological Institute et de la Société d’Anthropologie des années 1870-1880, ou encore aux succès continentaux des ouvrages de Haeckel, Gumplowicz et Galton. Les références récurrentes du Führer à la « science », si manifestes dans ses Libres propos, seraient là pour en témoigner amplement. Il y a une rationalité scientiste du totalitarisme de droite24. Mais il ne s’agit nullement ici d’imposer l’idée d’un hypothétique rapprochement ou convergence des deux idéologies totalitaires. « Droite révolutionnaire » antimatérialiste et « gauche réactionnaire » à l’ancrage tout à la fois égalitariste et raciste ne se confondent pas25. Suggérons seulement que le critère de différenciation des Lumières peut vite avouer ses limites. Et s’il l’avoue, c’est qu’il s’agit d’une réalité largement construite.
18Ceux qui posent toujours l’irréductible altérité des idéologies stalinienne et nazie à partir du critère des Lumières développent en effet un vieil argumentaire datant de l’antifascisme militant des années 1930 au moment où l’interprétation marxiste orthodoxe du fascisme interdisait, même pour les critiques de gauche du stalinisme, de confondre un régime qui était « le dernier rempart de la bourgeoisie aux abois » avec la construction par un « État ouvrier » d’un « socialisme réellement existant ». Alors que l’activisme brutal et l’anti-intellectualisme du fascisme puis du nazisme sont perçus comme une aberration par rapport au mouvement dominant de la pensée européenne, le communisme est vu en miroir comme une continuation des causes « progressistes » qui avaient mobilisé les intellectuels depuis le XIXe siècle. C’est surtout à ce moment que s’est édifié en Europe occidentale, et plus spécifiquement en France, le mythe d’un « Staline humaniste ». Orchestré à Moscou, exécuté à Paris dans le cadre de la campagne de création du front antifasciste préludant à celle du Front populaire, ce mythe était nécessaire à l’intégration de l’URSS dans les relations internationales (entrée à la SDN en 1934) et à celle du PCF dans la vie politique nationale. Mobilisant les intellectuels « progressistes » qui la lisaient comme la continuation de deux siècles de combat contre l’intolérance et le fanatisme, la campagne stalinienne antifasciste confirmait la radicale différence entre nazisme et communisme. « Entre les bûchers de Berlin et les bibliothèques de Moscou tient l’opposition de deux mondes », écrivait ainsi Lucien Nizan dans L’Humanité du 9 novembre 193626. À l’heure où l’URSS connaissait justement, avec les procès de Moscou et les « opérations spéciales » responsables d’un million et demi d’arrestations et de 800 000 exécutions, un pic de terreur que l’on aurait pu légitimement juger… irrationnelle. En un temps aussi où la politique du « réalisme socialiste » achevait la destruction de toute expression intellectuelle libre avec la réduction au silence, la relégation, la déportation ou l’assassinat de près de 2000 écrivains et créateurs… rationalistes.
19L’identification en miroir du fascisme à un irrationalisme politique a conduit à faire de celui-ci une preuve de l’inexistence d’une vision du monde fasciste spécifique, structurée et cohérente. Ce qui a obscurci la compréhension du phénomène, c’est la tendance à voir le personnage de l’intellectuel intimement lié aux valeurs « franco-kantiennes » du rationalisme et de la liberté individuelle. Auteur en 1932 de La philosophie des Lumières, livre de combat destiné à soutenir la force de la raison en un moment critique, le philosophe judéo-allemand Ernst Cassirer incarne assez bien le lien fait alors entre défense des Lumières et anti-fascisme27. C’est à partir de cette idéalisation-substantialisation des Lumières que se construit le syllogisme réducteur : le fascisme est une réaction à la modernité démocratique, or celle-ci est fille des Lumières, donc le fascisme… On se condamnait ainsi à ne pas percevoir les racines de l’engagement intellectuel européen en faveur du fascisme qui avait peu à voir avec la répudiation des « Lumières ». Est-ce là la clé de compréhension ultime du ralliement de Giovanni Gentile, de Carl Schmitt et Martin Heidegger, de la « dérive » de Marcel Déat28 ou de Raymond de Becker pour prendre quelques exemples emblématiques et différents ? Il faut sortir de cette opposition largement construite en considérant que toute une tradition intellectuelle « fin de siècle » avait déjà mis l’accent sur l’irrationnel dans le cadre d’une dénonciation de la modernité doublée d’une apologie de la « régénération29 ». Or cet antirationalisme est une attitude largement partagée par les courants de droite comme de gauche au tournant de 1900. Il était la conséquence d’une dévaluation rationnelle de la raison classique comme principe directeur de l’histoire, à partir de la crise du scientisme et de la découverte des facteurs irrationnels dans le comportement de l’individu et des « foules »30. Soit tout ce que la vision du monde fasciste (au sens large) nourrie par les représentations de la Grande Guerre a voulu incarner et perpétuer. La technique politique fasciste est une utilisation rationnelle de l’irrationalisme dans la nouvelle société de masse31. Même si le fascisme prétendait être anti-intellectuel, les intellectuels qui le soutinrent pensaient qu’il n’y aurait de toute façon plus d’intellectuels à l’ancienne mode (comme gardiens de la pensée libre et de la vérité) dans le monde nouveau qui émergeait après l’« apocalypse de la modernité ». Les intellectuels qui s’engagèrent dans l’entre-deux-guerres se considéraient comme les gardiens ultimes des valeurs de la société et, en tant qu’« orphelins de Dieu », voyaient dans le communisme ou le fascisme une solution et un moyen de réaliser ces valeurs. Les compagnons de route du régime soviétique associèrent ainsi défense de la « civilisation », de la culture et de l’universalisme avec la promotion de la révolution prolétarienne, l’antifascisme semblant perpétuer le combat mené depuis deux siècles contre l’intolérance et le fanatisme. Inversement, les sympathisants du fascisme le percevaient comme un mouvement qui retrouvait les valeurs spirituelles antérieures à la décadence moderne et qui exprimait les besoins non rationnels des hommes par son souci esthétique et sa consommation mythologique.
La raison totalitaire en action
20Plutôt que de s’interroger sur une éventuelle différence de nature entre les deux totalitarismes en fonction d’un rapport inversé à l’héritage des Lumières (universalisme/racisme, pensée matérialiste/pensée mythique) et en s’arc-boutant sur une définition de la raison par rapport à une valeur, il est peut-être plus productif de poser la question des moyens efficacement mobilisés par ces régimes pour atteindre leurs objectifs, d’explorer donc un comportement politique en accord avec des circonstances et des attentes sociales dans la conquête et l’exercice du pouvoir. Ce qu’il s’agit d’expliquer, c’est le succès des dictateurs totalitaires en définissant leur action à l’aide de la notion de « rationalité instrumentale » au sens que lui avait donnée Max Weber et qu’a approfondie Herbert Marcuse. Car les actions de Hitler et Staline, marquées par le déterminisme idéologique (race, classe), la négation de la liberté (le camp) et l’usage maximal de la violence (des millions de victimes de part et d’autres) ne sont pas rationnelles au regard de la raison européenne courante qui s’identifie à l’autonomie de l’individu, à la liberté et à la réduction ou au contrôle de la violence. Ne se définissant pas par rapport à une valeur mais par rapport à un but, la raison instrumentale (ou technologique) mobilise toutes les ressources dans la recherche de l’efficacité, évacuant les valeurs dans le cadre d’un processus d’abstraction des relations humaines où l’homme n’est plus qu’une simple variable. Pour Herbert Marcuse, la raison instrumentale était un prisme pour conduire une critique de toute domination, celle du nazisme dont les camps d’extermination obéissaient à la rationalité d’une organisation managériale de la production, comme celle plus globale de la société industrielle moderne32.
« Cette rationalité, écrivait-il dans un texte de 1942, fonctionne selon des critères d’efficacité et de précision, mais en même temps elle est séparée de tout ce qui la lie aux besoins humains et aux désirs individuels, et elle est entièrement adaptée à un appareil de domination totale33. »
21La raison est devenue « l’organe de la finalité » (Max Horkheimer et Theodor W. Adorno). On comprend tout l’intérêt de cette vision pour rendre compte de politiques totalitaires qui sont « rationnelles » au regard d’une raison qui n’est que l’instrument de toutes les actions au service de n’importe quel but, « bon » (la transcendance issue des « Lumières », l’égalité universelle des prolétaires) ou « mauvais » (la résistance à la transcendance des « contre-Lumières », la domination de la race aryenne).
22On a pu ainsi isoler la partie de la politique hitlérienne qui peut être désignée comme action d’une rationalité instrumentale. Dans la phase de conquête du pouvoir, la décision d’opérer dans la légalité politique découle de la leçon tirée rationnellement de l’échec du putsch de 1923. Au moment où la crise s’amplifie, Hitler utilise habilement l’anticommunisme au détriment de l’antisémitisme afin de mobiliser les masses en donnant l’impression d’être une réaction rationnelle face à un danger réel. La pseudo-légalité de ses premiers actes, une fois installé à la Chancellerie, doit créer l’illusion d’une procédure ordonnée en faisant sous-estimer à des classes bourgeoises éprises d’ordre la dimension révolutionnaire et dictatoriale du régime. Quant à la structure « polycratique » de ce dernier, elle est peut-être moins la résultante d’un exercice irrationnel du pouvoir que celle d’un calcul visant à donner plein effet à l’arbitrage de la personnalité charismatique. La politique sociale du régime n’est nullement reliée par ailleurs au noyau dur de l’idéologie (Blut und Boden) mais à l’objectif calculé d’une « communauté du peuple » en phase avec les aspirations holistes de la jeune génération déçue par une modernité libérale morcellante34. L’historien du fascisme Roger Griffin s’est attaché à ce propos à repenser le problème du consensus dans les régimes totalitaires à partir de la notion de « communauté politique palingénétique », c’est-à-dire la communauté de croyances en un ordre radicalement nouveau émergeant, lors d’une période de crise de sens généralisée, à partir de l’intrication des aspirations spontanées d’en bas et d’une volonté de contrôle social d’en haut. La mise en place d’une politique de masse charismatique répondrait ainsi à la vision d’une régénération sociale totale dans un contexte d’anomie marqué par le chaos socio-économique et la peur de la division35. La conduite de la politique extérieure répond enfin, un moment durant, à une logique stratégique rationnelle attentive aux rapports de force (recherche d’un compromis impérial avec la Grande-Bretagne à partir de 1935, pacte germano-soviétique en 1939) et consciente des limites économiques de l’Allemagne (d’où l’idée de « grand espace » européen) face aux États-Unis que Hitler considère logiquement comme le défi majeur36. Deux décisions hitlériennes jugées irrationnelles et « auto-destructrices » peuvent à la limite être revues sous un angle différent : plus que l’obsession idéologique, c’est la solution du dilemme stratégique causé par l’obstination churchillienne qui est au principe de l’attaque de l’URSS ; la déclaration de guerre aux États-Unis vise quant à elle à pousser le Japon à aider concrètement le Reich au moment où la situation se dégrade devant Moscou. Ici, Hitler « s’affranchit rationnellement des limites de la raison37 ». Par contre le lancement et la mise en œuvre du programme génocidaire essentiellement fondé sur l’idéologie n’ont aucun fondement de rationalité. Mobilisant d’importants moyens militaires, matériels et technologiques au moment où le cours de la guerre s’inverse, la volonté d’anéantissement nazie illustre la perte du sens du réel et l’irrationalisme d’un régime qui poursuit sa fuite en avant vers sa propre destruction.
23En ce qui concerne Staline, on peut certes considérer que sa paranoïa a conduit à des décisions irrationnelles. Ainsi en est-il des gigantesques purges qui détruisent la bureaucratie étatique renaissante et les cadres du parti au moment où est lancée une politique générale de modernisation exigeante en personnel compétent. Ainsi en est-il de la décapitation de l’armée en 1937 alors que les menaces internationales s’accumulent. Ainsi en est-il de l’exploitation populiste des préjugés de la base sociale du régime (ressentiment contre les élites, messianisme, antisémitisme, culte de la personnalité), aux antipodes des axiomes « éclairés » du marxisme. La terreur de masse des années 1930 ne laisse donc pas d’interroger sur ses « raisons », même les historiens du social.
« Il semble impossible, écrit Sheila Fitzpatrick, du moins à des esprits formés selon les principes des Lumières, qu’une chose aussi extraordinaire, aussi monstrueusement étrangère à l’expérience normale, puisse se produire “par hasard”. Les gens pensent que de tels événements doivent avoir une explication, et pourtant ceux-ci apparaissent fondamentalement irrationnels, absurdes, sans rapport avec les intérêts de qui que ce soit38. »
24Pourtant, ce qui domine c’est, ici aussi, l’adéquation calculée et efficace des moyens aux deux objectifs majeurs définis dès les années 1920 par Staline : l’unité du parti-Etat et le « socialisme dans un seul pays ». C’est au regard de ceux-ci que la terreur est un moyen rationnel de gouverner au sein d’une société où le régime bénéficie d’un faible consensus et où il s’agit d’asseoir en permanence le pouvoir du leader sur le parti, du parti sur la société, de la Russie soviétique sur ses minorités et sa périphérie. Ainsi, la Grande Terreur qui concentre sur seize mois (d’août 1937 à novembre 1938) 70 % du total des condamnations à mort prononcées entre 1921 et 1953 (800 000), résulte de la convergence de deux logiques répressives au moment précis où Staline prend une conscience claire et « rationnelle » de l’inéluctabilité et de l’imminence d’une guerre européenne que l’URSS devra affronter : une logique politique de remplacement des cadres ; et une logique d’ingénierie sociale visant à purger la nouvelle société socialiste de ses « éléments socialement étrangers et nuisibles39 ».
25Une partie des politiques totalitaires, celle d’Hitler au moins jusqu’en 1941, celle de Staline jusqu’à la fin, peut donc être désignée comme relevant de ce type de rationalité. Rappelons, pour conclure, que la démesure politique des totalitarismes possède aussi une logique de rationalité propre, dans sa cohérence avec les présupposés idéologiques fondamentaux (fonder la société communiste nouvelle sur la destruction de l’ordre « bourgeois » ancien, épurer la société européenne pour assurer la mission raciale du peuple « germano-nordique »). Même dans le cas du nazisme (et plus globalement du fascisme), reconnaître l’irrationalisme de sa vision du monde et de ses mythes ne signifie pas nier une rationalité dans la mise en œuvre ou le dessein méthodique. George Mosse l’avait relevé de longue date : « L’irrationnel est rendu concret par des actes rationnels posés dans le cadre de sa propre structure idéologique40. » Les travaux récents d’Emilio Gentile sur la religion politique fasciste, ceux de Christian Ingrao sur la grille de lecture scientifiquement dogmatisé des cadres SS et ceux de Johann Chapoutot sur la réécriture nazie de l’histoire antique, montrent la cohérence logique de dispositifs idéologiques irrationnels (au sens éclairé) donnant un sens rationnel aux événements d’une époque dominée par « un monde d’ennemis41 ». La croyance est devenue crédible.
Notes de bas de page
1 Arendt H., Le système totalitaire, Paris, Le Seuil, 1972, p. 49.
2 Tassin E., « Un monde acosmique ? Mesure du monde, démesure de la politique », Epokhé, no 5, 1995.
3 Hayes C. J. H., « The Novelty of Totalitarianism in the History of Western Civilization » (1940), in Bruneteau B., Le Totalitarisme. Origines d’un concept, genèse d’un débat, 1930-1942, Paris, Cerf, 2010, p. 152-153.
4 Lavergne B., « Les États totalitaires ou le retour de l’Europe au XVIe ou XVIIe siècle » (1937), in Bruneteau B., op. cit., p. 322.
5 Capitant R., « Hobbes et l’État totalitaire » (1936), in Bruneteau B, op. cit., p. 316.
6 Braud Ph., L’émotion en politique, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 170.
7 « C’est alors que parvient à son terme le long processus d’accumulation dont les premiers jalons sont posés par la révolte herdérienne contre la culture des Lumières… », écrit Zeev Sternhell dans Les anti-Lumières. Du XVIIIe siècle à la guerre froide, Paris, Fayard, 2006, p. 493. Voir aussi Sternhell Z., « Counter-Enlightenment to the revolutions of the 20 th Century », in Avineri S. et Sternhell Z. (ed.), Europe’s Century of Discontent. The legacies of Fascism, Nazism and Communism, Jerusalem, Magnes Press, 2003, p. 3-22.
8 Nolte E., Le Fascisme dans son époque, t. 3, Le national-socialisme (1963), in Nolte E., Fascisme et totalitarisme, Paris, Robert Laffont, 2008, p. 667-706.
9 On se reportera aux analyses de Kershaw I., Qu’est-ce que le nazisme, Paris, Gallimard, 1997.
10 Interprétation présente dans le fameux article paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 6 juin 1986, reproduit in Nolte E., Fascisme et totalitarisme, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2008, p. 860-867.
11 Losurdo D., Staline, histoire et critique d’une légende noire, Paris, Aden, 2011.
12 Pour une analyse en termes de « realpolitik » rationnelle de la diplomatie stalinienne entre 1939 et 1941, voir Gorodetsky G., Le grand jeu de dupes. Staline et l’invasion allemande, Paris, Les Belles Lettres, 2000.
13 Traverso E., Le Totalitarisme. Le XXe siècle en débat, Paris, Le Seuil, 2001, p. 96.
14 Kohn H., « Communist and Fascist Dictatorship: a comparative study », in Ford G. S. (ed.), Dictatorship in the Modern World, Mineapolis, The University Press, 1935, in Bruneteau B, Le Totalitarisme. Origines d’un concept, genèse d’un débat, 1930-1942, op. cit., p. 439-440.
15 Borgese G. A., Goliath. La marche du fascisme (1937), Paris, Desjonquères, 1986, p. 10.
16 Neumann S., Permanent Revolution. The total State in a World at War (1942), in Bruneteau B., op. cit., p. 65.
17 Deutscher I., Staline. Biographie politique, Paris, Gallimard, 1953 (1re éd. Londres, 1949), p. 672-677.
18 Todorov T., L’esprit des Lumières, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 20.
19 Sur le communisme comme avatar moderne de la pensée millénariste, on verra Lubac H. de, La postérité spirituelle de Joachim de Flore, Paris, Le Sycomore, 1987.
20 Boïa L., La mythologie scientifique du communisme, Paris, Les Belles Lettres, 2000.
21 Darnton R., « In Search of the Enlightenment: recent Attempts to create a social History of Ideas », Journal of Modern History, 1971, p. 113-132.
22 Taguieff P.-A., Les fins de l’antiracisme, Paris, Michalon, 1995, p. 166.
23 Voir Hertzberg A., Les origines de l’antisémitisme moderne, Paris, Presses de la Renaissance, 2004 ; Kaye J. et Straith B. (ed.), Enlightenment and Genocide : Contradictions of Modernity, Bruxelles, Peter Lang, 2000.
24 Comme le proposait Gregor J. A., The ideology of Fascism: The Rationale of Totalitarianism, New York, The Free Press, 1972.
25 Pour reprendre les titres en miroir des ouvrages de Sternhell Z., La droite révolutionnaire. Les origines françaises du fascisme, 1885-1914, Paris, Le Seuil, 1978 ; et Crapez M., La gauche réactionnaire. Mythe de la plèbe et de la race, Paris, Berg International, 1997.
26 Steel J., « Staline humaniste ou l’édification d’un mythe », Revue française de science politique, no 5, vol. 36, 1986, p. 633-645.
27 Voir Traverso E., Le Totalitarisme, op. cit., p. 596-597.
28 Socialiste d’origine, philosophe de formation et disciple de Célestin Bouglé, Marcel Déat écrit sous l’Occupation un petit ouvrage sur Rousseau totalitaire et reçoit de ses proches collaborateurs, lors de son anniversaire de 1944, un exemplaire de L’Encyclopédie Diderot-D’Alembert…
29 Gentile E., L’apocalypse de la modernité. La Grande Guerre et l’homme nouveau, Paris, Aubier, 2010.
30 Voir Bosc O., La foule criminelle. Politique et criminalité dans l’Europe du tournant du XIXe siècle, Paris, Fayard, 2007.
31 Gentile E., « L’usage rationnel de l’irrationnel : le rôle du Duce et de l’organisation de masse dans l’expérience totalitaire fasciste », in Courtois S. (dir.), Les logiques totalitaires en Europe, Monaco, Le Rocher, 2006, p. 206-215.
32 Pinard R., « La managérialisation du monde (ou la tentation totalitaire contemporaine) », in Dagenais D. (dir.), Hannah Arendt, le totalitarisme et le monde contemporain, Les Presses de l’université Laval, 2003, p. 405-434.
33 Cité in Tebado E., « Raison instrumentale », Dictionnaire de la violence, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2011, p. 1093.
34 Möller H., « Les “rationalités” dans l’action de Hitler », in Courtois S. (dir.), Les logiques totalitaires en Europe, op. cit., p. 216-226.
35 Griffin R., « The palingenetic political community. Rethinking the legitimation of totalitarian regimes in inter-war Europe », Totalitarian Movements and political religions, no 3, hiver 2002, p. 30-31.
36 À ce sujet, voir Tooze A., The Wages of Destruction. The Making and the Breaking of the Nazi Economy, Londres, Allen Lane, 2006.
37 Delpla F., Hitler, Paris, Grasset, 1999, p. 515.
38 Fitzpatrick S., Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 1930, Paris, Flammarion, 2002, p. 289.
39 Werth N., « Les logiques de l’ingénierie sociale stalinienne : de l’utopie au crime de masse », in Courtois S. (dir.), Les logiques totalitaires en Europe, op. cit., p. 345-361.
40 Mosse G., La révolution fasciste, Paris, Le Seuil, 2003, p. 356.
41 Gentile E., La religion fasciste, Paris, Perrin, 2002 ; Ingrao C., Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SS, Paris, Fayard, 2010 ; Chapoutot J., Le national-socialisme et l’Antiquité, Paris, PUF, 2008.
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