9. La part du symbolique dans les sorties de conflits armés
p. 163-173
Texte intégral
1Les sorties de conflits armés présentent aujourd’hui des défis particulièrement ardus. Une littérature désormais prolifique s’efforce de cerner ces enjeux, souvent dans l’objectif d’éclairer décideurs et opérateurs de paix, généralement onusiens. Parmi les principaux défis ainsi identifiés, on trouve notamment la difficulté de mettre un terme à ces conflits de basse intensité qui, bien souvent, reprennent après une courte période d’accalmie1. Ce constat a d’ailleurs amené le Secrétaire général des Nations-Unies, Boutros Boutros Ghali, à re-conceptualiser les missions de paix onusiennes, de sorte qu’elles s’attaquent aux racines du conflit et écartent les risques de reprise des hostilités2. Le rôle des ex-combattants dans l’échec des processus de paix et la nécessité de les « réintégrer » à la vie civile ont été souvent soulignés3, si bien que les Nations-Unies en sont venues de plus en plus souvent à déployer des programmes à leur destination, dans le cadre des missions de Peace-Building : en nette croissance pendant les années 1990, 18 programmes de DDR (désarmement, Démobilisation, Réintégration) ont été mis en place pour la seule année 2007 ; sur la période 2000-2005, plus d’un million d’anciens combattants ont bénéficié de ces programmes4. Les explications relatives aux gageures des sorties de conflits empruntent à différents paradigmes : économique, socio-culturel ou politique. Les analyses portant sur le rôle des ex-combattants ont souvent reposé sur le paradigme du choix rationnel, postulant qu’il fallait leur procurer des incitations attractives pour qu’ils renoncent au conflit armé. Mais rares sont les auteurs qui se montrent sensibles à la dimension symbolique des sorties de conflits, alors même que l’intégration de cet aspect permettrait d’affiner la compréhension de ces moments sensibles, où enjeux matériels, idéels et symboliques s’entremêlent. Les travaux de Philippe Braud sur le symbolique et les émotions en politique nous procurent des pistes de réflexion stimulantes susceptibles d’améliorer l’intelligibilité des sorties de conflits, en particulier en ce qui concerne le renoncement aux armes et le retour à la vie civile des ex-combattants. Après avoir montré, à partir d’un état de l’art sur le post-conflit, en particulier les enjeux du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des ex-combattants, le peu d’attention accordé au symbolique, nous nous efforcerons d’esquisser quelques pistes d’analyse prometteuses qui se montrent au contraire soucieuses d’intégrer cette dimension.
La faible place accordée au symbolique dans les analyses des sorties de conflits armés et de la réintégration des ex-combattants
2Les échecs récurrents des accords de paix sont souvent expliqués par la nature des conflits armés contemporains, ces derniers étant supposés être particulièrement complexes à résoudre. Certains auteurs défendent la thèse selon laquelle les guerres intra-étatiques ayant pris forme depuis les années 1990 seraient d’un genre nouveau. En raison de leur caractère ethnique, qui signerait la fin des idéologies de combat, de leurs modes de financement, s’appuyant sur une « globalisation de l’ombre5 », mais aussi de leurs modalités, elles toucheraient plus les civils que les combattants eux-mêmes ; parce qu’elles ne s’inscriraient pas dans la perspective d’emporter une « bataille décisive », elles se prolongeraient indéfiniment6. Pour nombre d’auteurs ayant l’oreille d’organismes intervenant dans les situations post-conflit comme la Banque mondiale, ces évolutions sont redevables à la place décisive prise par l’enjeu économique dans les conflits contemporains7 : leurs principaux acteurs sont considérés comme mus essentiellement par l’avidité8 et non plus par des doléances9 et comme s’appuyant sur l’économie grise générée par la guerre pour faire fructifier leur situation matérielle personnelle. Cet intérêt à la poursuite du chaos propre au conflit armé expliquerait que les conflits non seulement s’inscrivent dans la durée mais de plus, rencontrent des difficultés à se dénouer, puisque l’objectif ne serait pas un nouvel ordre politique et social permis éventuellement par un accord de paix mais, plus prosaïquement, les profits générés par la guerre, notamment via l’exploitation des ressources naturelles du pays10. En conséquence de quoi, les tentatives de paix seraient perturbées par ces acteurs dont les intérêts sont par là même mis en danger : les spoilers i.e ceux qui « croient que la paix émergeant de négociations menace leur pouvoir, leurs visions du monde et intérêts et qui utilisent la violence pour saboter les tentatives de paix11 ». Généralement, cette littérature verse dans la dénonciation de ces acteurs saboteurs des processus de paix, témoignant en cela d’un indéfectible soutien à la paix libérale mise en œuvre par les Nations-Unies, déniant ainsi tout intérêt aux motifs réels des spoilers, souvent plus complexes que ceux mis en avant par les analystes.
3Une partie de la littérature s’est spécialisée sur les enjeux de sécurité dans le cadre des sorties de conflits, en se penchant notamment sur le volet DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration) propre aux interventions onusiennes12 : les ex-combattants étant considérés comme les plus à même de faire échouer les processus de paix, des programmes spécifiques leur sont dédiés, afin qu’ils trouvent plus d’intérêts à s’impliquer dans la paix qu’à poursuivre les combats13. Ainsi la littérature s’inscrit-elle bien souvent dans une perspective rational choice, soulignant le caractère stratégique des bénéfices procurés aux ex-combattants dans leur renoncement aux combats. Certains auteurs insistent sur la nécessité de concevoir les programmes de DDR en adéquation avec l’environnement économique des pays. S’agissant de l’Afrique, Kingma souligne que la situation économique est un facteur clé de la réintégration14 : il convient en effet de penser conjointement la réintégration des combattants et le développement15, sans quoi leur renoncement au combat ne saurait être durable16. La transition de la guerre à la paix est par conséquent envisagée essentiellement en termes d’employabilité des ex-combattants, ce qui explique la mise en place d’un ensemble de programmes de formation professionnelle destinés à les doter de compétences supposées leur assurer une rapide insertion sur le marché du travail17. L’intégration des politiques de DDR dans un programme de réformes plus vaste (secteur de la sécurité, institutions politiques, justice) est souvent préconisée, dans une perspective de mise en œuvre d’une stratégie cohérente d’un modèle de paix libérale18. Les projets de réforme concomitante des institutions reposent ainsi sur le postulat kantien de la paix démocratique : seules des institutions démocratiques, supposées régler les conflits de façon pacifique, seraient à même d’en tarir les sources19. Les travaux les plus récents soulignent quant à eux que, dans la plupart des programmes de DDR, les actions de réintégration ont été négligées. La faiblesse de ce volet de l’action internationale tient pour beaucoup à des apories organisationnelles : tandis que les budgets « réintégration » relèvent de contributions volontaires et nationales incertaines, le budget « désarmement et démobilisation » est inscrit au compte de l’ONU ; à cela s’ajoutent les difficultés de la coopération entre organisations et acteurs sur le terrain, qui résultent notamment de l’existence d’une compétition entre donateurs, négociateurs, gouvernements concernés, agences internationales et anciens combattants20. Pour certains auteurs, la reconversion politique mériterait d’être envisagée de façon plus approfondie21, tant elle apparait comme une des clés de la sortie des conflits, soulignant par là-même la portée politique du processus par delà sa nature technique22. Le quasi-consensus autour du caractère ciblé de ces programmes en faveur des ex-combattants est remis en question depuis quelques années ; certains préconisant désormais d’agir plus globalement en faveur des communautés affectées par la guerre, c’est-à-dire de concevoir des programmes communautaires où les ex-combattants constitueraient une cible parmi d’autres. Porto et alii insistent en ce sens sur les similitudes d’expériences de ces derniers, après-guerre, avec les autres groupes vulnérables23. De même, la vision séquentielle (D puis D puis R) est-elle désormais considérée par l’ONU comme datée, même si elle reste appliquée dans la plupart des missions de terrain24.
4Ces différentes analyses, brièvement présentées, constituent les principaux schémas développés dans la littérature contemporaine sur les sorties de conflits armés : on y trouve très peu d’interrogations sur leur dimension symbolique, notamment en ce qui concerne le renoncement à la lutte armée de la part des ex-combattants. Y figurent toutefois quelques remarques sur l’importance symbolique de l’arme, sur le fait, pour un combattant, d’avoir été en sa possession et sur la difficulté d’y renoncer. Ainsi Béatrice Pouligny remarquait-elle que désarmer, ce n’est pas seulement « remettre les armes mais aussi changer les perceptions attachées à [leur] détention25 ». Dans le même sens, une auteure comme Joanna Spear a souligné, parmi les obstacles au désarmement, le rôle socio-culturel de l’arme, laquelle serait « symbole de supériorité, de prestige, de masculinité26 ». Mais il ne s’agit là que de remarques incidentes qui ne sauraient constituer le cœur de l’analyse et ne génèrent pas de programmes de recherche, les auteures évoquant cet aspect parmi un ensemble d’autres défis du désarmement. Avec Paul R. Higate, on trouve toutefois une réflexion à vocation plus générale sur la dimension genrée de la démilitarisation des ex-combattants et leur reconversion dans la vie civile. Citant une étude27 qui montre que 40 % des ex-conscrits anglais poursuivent une carrière en continuité avec leur service militaire (dans les secteurs « à uniforme » de la police, de la défense, des industries de la sécurité et des prisons), il en vient à proposer un modèle théorique s’efforçant de rendre compte de cette continuité, soulignant la « ténacité de l’idéologie de genre masculine propre à l’espace militaire28 ». Ainsi l’auteur se montre-t-il soucieux, dans son explication des trajectoires de retour à la vie civile, de souligner l’importance des aspects émotionnels et psychologiques et du rôle de l’identité dans ces processus29. Cet article programmatique est toutefois resté isolé dans le flot d’une littérature principalement traversée par le paradigme du choix rationnel.
L’apport des analyses du symbolique pour la compréhension des sorties de conflits des combattants
5Cette perspective analytique sur la dimension symbolique des sorties de conflits armés pour les ex-combattants gagnerait à être approfondie et systématisée. Philippe Braud nous livre quelques pistes heuristiques, via ses analyses des ressorts symboliques de la sortie de la violence. Ses réflexions sur les « politiques de considération », définies comme « repos(a) nt sur des gestes à haute valeur symbolique30 », nous semblent intéressantes pour l’appréhension de la réintégration des ex-combattants et de leur renoncement apaisé aux armes, bien qu’elles n’envisagent pas le cas des « perpétrateurs » de la violence mais plutôt celui de ses victimes et se situent donc dans une perspective, classique, de clôture d’un cycle de violences possiblement alimenté par la vengeance de ces dernières.
6Selon Philippe Braud, les politiques de considération sont susceptibles de mettre un terme à un cycle de violences du fait qu’elles « s’attaquent en priorité aux phénomènes de violence symbolique, pris au sérieux pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des violences authentiques ». Il ajoute : « ce qui est d’abord en jeu, c’est la sortie du statut de victime et la réhabilitation d’une dignité normale d’existence31. » S’agissant des conflits contemporains, cette analyse s’applique bien sûr plutôt au cas des victimes civiles, problématique qui a pris une importance majeure dans le cadre des guerres intra-étatiques où les civils sont de moins en moins à l’abri des exactions guerrières32 et à laquelle font écho des dispositifs de type CVR (Commission Vérité Réconciliation), des gestes de repentance et la justice pénale internationale33. Les ex-combattants n’apparaissent pas spontanément comme concernés au premier chef par ces considérations34, surtout à la lecture de la littérature sur les guerres civiles et le DDR, qui les envisage presqu’exclusivement sous la figure du prédateur35 ! Mais il nous semble justement indispensable de revenir sur cette acception largement dépréciative des combattants, qui s’inscrit dans le prolongement de la thèse économique de la guerre et repose excessivement sur des préjugés, et de nous interroger sur la pertinence de cette réflexion de Philippe Braud à leur propos. Il n’est pas recevable, en effet, d’envisager les ex-combattants exclusivement comme fauteurs de trouble. On remarquera d’ailleurs que ce cadrage négatif est propre aux guerres intra-étatiques contemporaines et qu’il ne se retrouve pas sous la plume d’historiens travaillant sur des sorties de conflits plus anciens36. Ce constat doit mener à une prise de distance salutaire avec ces préjugés et ouvrir à une plus grande attention aux subjectivités des vétérans37. Si l’on adopte cette démarche, on est alors en mesure de saisir en quoi les ex-combattants peuvent être concernés par les phénomènes de violence symbolique. Avant de devenir combattants, ils étaient généralement des civils et, en tant que tels, en raison de leur localisation, de leur appartenance religieuse, ou ethnique ou politique, ils peuvent avoir été l’objet de brimades, de politiques d’exclusion et d’actions dépréciatives, bref, ils peuvent avoir été l’objet de violences symboliques (souvent, mais pas toujours, accompagnées de violences physiques). Nous postulons d’ailleurs que ce phénomène est bien souvent à l’origine de leur engagement dans la lutte armée, rejoignant en cela les analyses de Ph. Braud selon lesquelles le fait de subir des violences symboliques constitue un facteur majeur de passage à la violence physique. Au sortir de la guerre, ces stigmates dépréciatifs subsistent souvent, même si de façon variable selon que le groupe est vainqueur ou vaincu, et ils semblent devoir être gommés symboliquement, dans une action réparatrice de l’estime de soi. C’est du moins l’analyse qu’on peut faire des mobilisations d’ex-combattants, impulsées le plus souvent dans le cadre d’associations de vétérans afin de faire pression sur les décisions gouvernementales, et dont les revendications ne sont pas seulement matérielles : au-delà des demandes de pensions ou d’aides sociales, il s’agit souvent en effet de demandes de décisions symboliques, comme la définition d’une journée nationale en référence à la « lutte de libération » qu’ils estiment avoir menée, l’érection d’une statue célébrant un « héros de la lutte de libération », etc., tous éléments qui doivent brouiller le cadrage stigmatisant dont ils ont fait auparavant l’objet et imposer dans les représentations une image valorisante de leur combat. Ainsi, les politiques de considération concernent bien les ex-combattants en tant qu’ex-civils/ex-victimes membres d’un groupe qui a fait l’objet d’une violence symbolique38.
7A ce titre, les ex-combattants sont concernés par le premier volet des politiques de considération, envisagé par Philippe Braud, à savoir les politiques mémorielles : « rappeler le passé tel qu’il fut doit avoir une finalité précise : conduire à la reconnaissance officielle des souffrances infligées, c’est-à-dire à leur inscription dans la mémoire collective nationale ou internationale ; permettre également l’aveu de culpabilité des personnes ou des institutions directement impliquées39 ». La conduite de ces politiques mémorielles doit produire une « anamnèse des souvenirs douloureux », processus par lequel ces derniers se voient « conférer une place qui en désamorce le potentiel destructeur : violence physique de la vengeance ou violence symbolique de la perpétuelle mise en accusation40 ». Ces politiques de considération peuvent donc être envisagées comme autant d’opérations produisant un rapport relativement apaisé au passé, lequel cesse d’envahir et de déterminer le présent.
8Mais il est une autre dimension symbolique de la sortie des conflits armés, spécifique aux ex-combattants cette fois, qui mérite une réflexion approfondie, et qui pourrait être considérée comme un autre volet des politiques de considération : il s’agit des politiques de reconnaissance, envisagées comme l’énoncé officiel d’une forme de dette collective envers les vétérans, pour leur participation au conflit armé. Cet enjeu est rarement envisagé à propos des conflits contemporains alors qu’il est pourtant abordé avec lucidité par les historiens à propos de guerres interétatiques. Certains historiens travaillant sur les sorties de guerre ont su, en effet, se montrer attentifs à l’inscription symbolique durable de l’action combattante dans le récit national. Ainsi Guillaume Piketty, dans son analyse de l’ordre de la Libération, souligne-t-il que « la guerre pose la question de la reconnaissance du sacrifice consenti par les combattants41 ». S’appuyant sur les travaux d’un psychiatre des armées, il note que cette reconnaissance parait être un moyen de désamorcer la culpabilité d’avoir enfreint l’interdit « Tu ne tueras point » et il insiste, citant Claude Barrois42, sur la dimension essentiellement symbolique de cet enjeu : « Le plus souvent, les vétérans recherchent davantage une reconnaissance, estimant qu’un dédommagement matériel à la mesure de leur sacrifice est inconcevable. » Parmi les différentes manifestations symboliques de reconnaissance conçues à propos de conflits interétatiques : les médailles, les discours et écrits en l’honneur des décorés, les fêtes, les prises d’armes et défilés, les cérémonies commémoratives, tous éléments constitutifs d’une « économie morale de la reconnaissance ». À travers ces distinctions individuelles ou ces adresses collectives, c’est l’hommage de la nation toute entière qui s’exprime à l’endroit des vétérans, ainsi consacrés comme ayant apporté une contribution essentielle à la sauvegarde de la patrie en danger.
9S’agissant des conflits armés contemporains, rares sont toutefois les exemples où ces politiques de considération prennent place et c’est surtout à propos de l’absence de politiques symboliques de ce type que des réflexions se sont développées. Dans les cas de la Russie ou de la Turquie, s’agissant de deux conflits armés majeurs, les ex-combattants sont en butte au déni de la réalité de la guerre par les autorités politiques : en Tchétchénie, le conflit armé a été qualifié de simple « opération de restauration de l’ordre constitutionnel » entre 1994 et 1996, puis de « lutte contre le terrorisme » à partir de 1999 ; concernant le Kurdistan, c’est également le terme de « lutte contre le terrorisme » qui est employé43. En conséquence de quoi, aucune politique symbolique n’a été conçue à destination de ces vétérans, qui se sont vus dénier leur identité de combattant, ce qui a contribué à banaliser leur expérience passée, à la rendre indicible et à dissocier leur expérience subjective de l’« histoire officielle ». L’importance des politiques de ce type apparait en creux, en ce que la position euphémisante des autorités y a rendu plus problématique leur retour à la vie civile : les discours officiels ont posé une chape de plomb sur leur expérience, allant à l’encontre de leurs attentes de reconnaissance. Tout comme à la suite des conflits interétatiques, en effet, les ex-combattants de conflits armés contemporains expriment le désir d’un geste de consécration officielle de leur engagement pour changer un ordre des choses jugé injuste, avec cette particularité qu’il leur semble avoir fait sacrifice de leur personne pour une cause générale qui profite à tous. Ainsi mettent-ils souvent en avant le fait qu’ils ont « fait don » de leur vie et de leurs années de jeunesse pour une cause supérieure. Sur la base de son expérience de thérapeute auprès de vétérans russes, Françoise Sironi considère ainsi que « lorsque […] le passage du monde de la guerre à celui de la société civile n’est pas correctement organisé, il peut en résulter une psychopathologie spécifique […] » ; elle poursuit : « Nous avons constaté un lien de causalité entre le développement de problèmes psychopathologiques de nature traumatique ou dépressive et le manque de reconnaissance en tant qu’ancien combattant44. » L’attente de reconnaissance des ex-combattants, exprimée individuellement tout autant que collectivement, est fréquemment rapportée, dans des cas variés de conflits armés, et son déni apparait effectivement comme un facteur perturbateur du retour, ainsi que le montrent certains travaux portant sur les vétérans d’Algérie45, du Vietnam46, d’Afghanistan47, ou encore d’Irak48, confrontés également à cet enjeu. C’est notamment la rupture entre le discours tenu en temps de guerre, discours de glorification des combats et des combattants, et celui de l’après-guerre, qui subitement ne leur accorde plus de place, qui provoque un effet déstabilisant. Le plus souvent, les associations d’anciens combattants deviennent des lieux de prise en charge et de relais de ces déconvenues du retour à la vie civile.
10Ce déni de reconnaissance recèle évidemment des enjeux socio-politiques relatifs au processus de réintégration des ex-combattants. Selon nous, l’aspect symbolique de l’accompagnement officiel des ex-combattants interfère de façon décisive sur les modalités du retour à la vie civile, contribuant à imposer, de l’extérieur, un sens à l’expérience intime des combattants, lequel sera plus ou moins en adéquation avec la subjectivité de l’ex-combattant. Ainsi va-t-il interférer sur le processus de quête de sens dans lequel les ex-combattants s’engagent généralement lorsque prend fin le conflit. Les politiques symboliques à destination des vétérans sont d’une importance décisive, en ce qu’elles leur accordent un statut au sein de la nation et témoignent d’une reconnaissance officielle de leur contribution à une page décisive de l’histoire nationale, participant par là de la construction d’une identité valorisante. Nous avons montré déjà l’importance du processus de transaction identitaire qui se joue lors du retour, ce dernier devant être envisagé dans ses dynamiques relationnelles avec les non combattants49. Lorsqu’elles existent, ces politiques contribuent à consolider la nouvelle identité de l’ex-combattant qui se forge dans les interactions avec le reste de la société au sortir de la guerre, et elles en densifient les effets sur les relations qui se (re) construisent alors. Le discours officiel tenu à propos du conflit armé constitue la pièce maîtresse des politiques symboliques d’après-guerre, en tant que discours de célébration de l’« héroïsme » des combattants et de glorification de leur contribution à la défense d’une nation unie qui mythifie la guerre et en sanctifie les victimes. Ces politiques symboliques témoignent d’une dette de la nation tout entière vis-à-vis de l’action du groupe.
11S’agissant des conflits armés contemporains, rares sont les réflexions portant sur les politiques publiques mémorielles à destination des vétérans. Sans doute cela tient-il au fait que les travaux sur le DDR se concentrent sur l’immédiat après-guerre, c’est-à-dire la remise des armes et la démobilisation. Le dernier volet de la « réintégration » est envisagé de façon somme toute assez pauvre, il est généralement plus postulé, dès lors que les combattants se sont démobilisés, que véritablement constaté : il n’y a par exemple presque jamais d’indicateurs de réintégration tandis que les données quantitatives sur le désarmement (nombre d’armes, calendrier de remise des armes) et la démobilisation (nombre d’ex-combattants démobilisés) sont nombreuses. On touche ici du doigt une aporie majeure des approches DDR, fondées presque exclusivement sur une méthodologie quantitative, qui a conduit à négliger le plus long terme de la « réintégration », lequel nécessite le recours à des indicateurs qualitatifs.
12Ces quelques éléments de réflexion nous auront fait entrevoir tout l’intérêt de développer des protocoles de recherche attentifs aux aspects symboliques des sorties de conflits armés contemporains pour les ex-combattants. Plusieurs pistes nous semblent particulièrement prometteuses. Celle qui se montre sensible à la dimension genrée de l’engagement et du désengagement militaire tout d’abord, ainsi que de la reconversion après-guerre des ex-combattants. Il faudrait explorer, sans doute pour l’essentiel à partir d’observations ethnographiques, le rapport entretenu par les combattants (qui sont rarement des combattantes !) avec leurs principaux attributs identitaires : armes et uniforme notamment. Cela nécessite d’entreprendre une analyse fine de leur posture, de leur hexis corporel, voire de la rhétorique militaire, pour mieux saisir les enjeux de genre qui se jouent dans le désarmement, la démobilisation et la reconversion. Ces attributs nous semblent être des symboles de masculinité participant d’une construction identitaire gratifiante, qui a fait elle-même écho aux blessures à l’estime de soi provoquées par des violences tout autant symboliques que physiques. L’analyse des politiques symboliques à destination des ex-combattants nous semble également mériter toute l’attention des chercheur(se) s travaillant sur les programmes de DDR, en particulier son « troisième » volet. Qu’il s’agisse de politiques destinées à entretenir la mémoire d’événements traumatiques ou de politiques de reconnaissance de l’action des ex-combattants dans le cadre du conflit armé passé, elles sont susceptibles de produire un renoncement apaisé aux armes et s’inscrivant dans la durée, notamment en ce qu’elles contribuent à un déplacement de l’identité de combattant vers celle d’ex-combattant. Ces politiques symboliques s’incarnent dans des discours, des remises de décorations, des événements commémoratifs et dans l’ensemble des mesures prises à destination des ex-combattants, y compris des dispositifs matériels comme les pensions ou les aides sociales et économiques. En la matière, le diable peut nicher dans les détails et une révolte d’ex-combattants peut naître du moindre faux-pas officiel qui serait perçu comme un affront par les intéressés.
Notes de bas de page
1 Collier P., Hoeffler, Sôderbom M., « On the Duration of Civil War », in Journal of Peace Research, 41(3), May 2004, p. 253-273, in Special Issue on Duration and Termination of Civil War. Selon l’Initiative de Stockholm sur le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (ISDDR), « près de la moitié des pays en sortie d’un conflit risquent malheureusement de retomber dans la violence », Rapport de l’ISDDR, 2005, p. 2.
2 Boutros Ghali B., Agenda pour la paix, New-York, 1992 ; Supplément à l’Agenda pour la paix : rapport de situation présenté à l’occasion du cinquantenaire de l’ONU, New-York, 1995. Pour une discussion critique de la notion, voir David C-P, « Les limites du concept de consolidation de la paix », Revue internationale et stratégique, no 31, automne 1998, p 57-75.
3 Berdal M. R., Disarmament and Demobilization after Civil Wars. Arms, Soldiers and the Termination of armed Conflicts, Oxford, Oxford University Press, 1996.
4 Muggah R., (dir.), Security and Post-Conflict Reconstruction. Dealing with fighters in the aftermath of war, London, New-York, Routledge, 2009, p. 6-7.
5 Münkler H., Les guerres nouvelles, Paris, (trad.) Alvik, 2003, p. 21.
6 Le porte-drapeau de cette thèse est sans conteste Kaldor M., New and old Wars : Organized Violence in a Global Era, Stanford, Stanford University Press, 1999 (rééd. 2006). Pour une salutaire critique, voir Kalyvas S., « “New” and “old” civil wars : a valid distinction ? », World Politics, 54(1), octobre 2001, p. 99-118 et « Les guerres civiles après la guerre froide », in Hassner P. et Marchal R. (dir.), Guerres et sociétés : État et violence après la guerre froide, Paris, Karthala, 2003 ; Marchal R., Messiant C., « Les guerres civiles à l’heure de la globalisation : nouvelles réalités et nouveaux paradigmes », Critique internationale, no 18, janvier 2003, p. 91-112.
7 Collier P., Economic Causes of Civil Conflicts and their Implications for Policy, Banque mondiale, 15 juin 2000; Collier P. et alii, Breaking the Conflict Trap: civil war and development policy, Washington DC, the World Bank, Oxford University Press, 2003. Pour une critique, voir Marchal R., Messiant C, « De l’avidité des rebelles : l’analyse économique de la guerre civile selon Paul Collier », Critique internationale, no 16, juillet 2002, p. 58-69.
8 Définie comme « l’extorsion des rentes économiques à une grande échelle par des groupes rebelles quasi-criminels », par Collier P. et Sambanis N., « Understanding Civil War. A New Agenda », in Journal of conflict Resolution, 46(1), février 2002, p. 4.
9 Berdal M. et Malone D., Greed and Grievance, Economic Agendas of Civil Wars, Boulder, Lynne Rienner, 2000.
10 Ainsi la rébellion est-elle présentée comme un « business », par Collier P. et alii, « On the Duration of Civil War », in Journal of Peace Research, 41(3), May 2004, p. 255 et suiv. Voir aussi Ballentine K., Nitzschke H. (dir.), Profiting from Peace. Managing the Resources Dimensions of Civil War, IPA, London, Lynne Rienner, 2005.
11 Stedman S. J., « Spoiler problems in peace processes », International Security, 22 (2), 1997; pour une approche plus nuancée et parfois critique, voir Newman E., Richmond O. (dir.), Challenges to Peace-Building. Managing Spoilers during Conflict Resolution, UN University Press, 2006, ou encore Zahar M. -J., « Reframing the Spoiler Debate in Peace Processes », in Darby J. et Mc Ginty R. (dir.), Contemporary Peacemaking: Conflict, Violence and Peace Processes. New York, NY, Palgrave Macmillan, 2003, p. 114-124.
12 En général, ces programmes sont mis en œuvre par l’ONU, plus rarement par les Etats ayant connu un conflit armé. En 2006, sur 22 programmes de DDR en cours, seuls 7 étaient menés exclusivement par un Etat, selon öZerdem A., Post-war recovery : disarmament, Demobilization and Reintegration, London, New-York, I. B Tauris, 2009, p. 14.
13 Berdal M., Disarmament and Demobilization after Civil Wars…, op. cit, p. 54.
14 Kingma K. (dir.), Demobilisation in sub-Saharan Africa. The development and security impacts, BICC, Bonn, 2000, p. 222.
15 Ibid, p. 4
16 Kingma K., 2002, p. 182
17 Jennings K. M. souligne que c’est surtout le FMI qui pousse à la mise en place de programmes de formation professionnelle alors même que ces formations ne sont adaptées ni au marché du travail d’après-guerre, ni au public des ex-combattants. En définitive, ces programmes visent surtout à « occuper » les vétérans, de sorte qu’ils ne soient plus facteurs de troubles. Seeing DDR from below. Challenges and dilemmas raised by the experiences of ex-combatants in Liberia, Fafo-report, 2008: 03, p. 25-26 et 31.
18 International Peace Academy, A Framework for Lasting Disarmament, Demobilization and Reintegration of Former Combatants in Crisis Situations, 2002, p. 1.
19 Pour une analyse critique de l’excessif libéralisme de ces interventions et de leurs effets contre-productifs, voir Paris R. At War’s End : Building-Peace after Civil Conflict, Cambridge, Cambrigde university Press, 2004.
20 Muggah R., Berdal M., Torjesen S., « Conclusion », in Muggah R (dir.), Security and Post-Conflict Reconstruction. op. cit., p. 270.
21 Gomes Porto J., Alden C., Parsons I., From soldiers to citizens: demilitarization of conflict and society, Ashgate, 2007; De Zeeuw J. (dir.), From soldiers to politicians. Transforming rebel movements after civil war, Lynne Rienner, Boulder, London, 2008; Berdal M., Ucko D. H. (dir.), Reintegrating armed groups after conflict: politics, violence and transition, London, New-York, Routledge, 2009.
22 Marchal R., Messiant C., Les chemins de la guerre et de la paix : fins de conflit en Afrique orientale et australe, Paris, Karthala, 1997, p. 7 et suiv.
23 Gomes Porto J., Alden C., Parsons I., From soldiers to citizens…, op. cit, p. 145-146.
24 Jennings K. M., Seeing DDR from below…, op. cit, p. 11.
25 Pouligny B., Les anciens combattants d’aujourd’hui : désarmement, démobilisation et réintégration, CERI, SGDN, PESI, 2004, p. 34.
26 Spear J., « Disarmament and Demobilization », in Stedman S. J., Rothchild D., Cousens E. M., Ending Civil Wars. The Implementation of Peace Agreements, USA, GB, Lynne Rienner Publishers, IPA, 2002, p. 143.
27 Jolly R., Changing Step: From Military to Civilian Life: People in Transition, London, Brassey’s, 1996, cité par Higate P. R., « Theorising Continuity: From Military to Civilian Life », Armed Forces and Society, 27(3), Spring 2001, p. 451.
28 Ibid, p. 453. « tenacity of military-masculine gender ideology ».
29 Ibid, p. 447.
30 Braud Ph., Violences politiques, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 2004, p. 249.
31 Ibid., p. 249.
32 Selon le Human Security report, 90 % des tués dans les guerres contemporaines sont des civils, Human security centre, Vancouver, N-Y, Oxford University Press, 2005.
33 Selon Claverie E., « le TPIY s’efforcerait surtout de répondre aux attentes des victimes », in « Les victimes saisies par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie », in Lefranc S. (dir.), Après le conflit, la réconciliation ?, Paris, Michel Houdiard, 2006, p. 152 et suiv.
34 Rares sont en effet les auteurs insistant sur cette dimension. Voir toutefois Bucaille L., « Activistes palestiniens et sud africains : l’estime de soi », Politique africaine, no 101, mars-avril 2006, p. 149 et suiv. qui montre l’importance de leur perception en tant que victime.
35 Ainsi P. Collier établit-il une distinction étanche entre combattants prédateurs et civils victimes. « Ceux qui prennent la décision d’engager une guerre ou de l’alimenter sont souvent relativement à l’abri de leurs effets négatifs. […] “les combattants” […] causent des souffrances considérables […] », in Breaking the Conflict Trap: civil war and development policy, Washington DC, the World Bank, Oxford University Press, 2003, p. ix et 3.
36 Par exemple, Prost A., Les anciens combattants (1914-1939), Paris, Gallimard, 1977 ; Cabanes B., La victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Le Seuil, 2004 ; Horne J., Démobilisations culturelles après la Grande Guerre, dossier 14-18 : « Aujourd’hui, Today, Heute », no 5, Éditions Noésis, 2002 ; Cabanes B. et Piketty G. (dir.), Retour à l’intime : au sortir de la guerre, Paris, Tallandier, 2009.
37 Cette remarque s’inscrit pleinement dans le prolongement de la critique formulée par Stathis Kalyvas à l’endroit des théories des guerres nouvelles, lesquelles ne s’appuient en aucune façon sur des recherches empiriques et ne font jamais que relayer des points de vue très extérieurs aux combattants. Cf. « New And Old Civil Wars: A Valid Distinction? », World Politics 54(1), 2001, p. 99-118.
38 Ce déplacement de perspective ne saurait signifier un renversement de perspective qui conduirait à nier toute implication des combattants dans des crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou des violations massives des droits de l’homme. La victime peut bien sûr se transformer en bourreau… Mais il s’agit d’attirer l’attention sur un aspect aujourd’hui largement négligé s’agissant des combattants de conflits intra-étatiques, du fait de l’hégémonie de la littérature sur les guerres nouvelles.
39 Braud Ph., Violences politiques, op. cit, p. 254.
40 Ibid, p. 255.
41 « Économie morale de la reconnaissance. L’ordre de la Libération au péril de la sortie de la Seconde Guerre mondiale », in Cabanes B. et Piketty G. (dir.), « Sorties de guerre au XXe siècle », op. cit.
42 Barrois C., Psychanalyse du guerrier, Paris, Hachette, 1993.
43 Le Huerou A., Sieca-Kozlowski E., « Un « syndrome tchétchène » ? Les vétérans russes de la guerre de Tchétchénie, acteurs et vecteurs d’une transposition de la violence de guerre » et Kaya S., « Le retour des conscrits, vecteur de construction d’un régime de sécurité nationale ? », in Duclos N. (dir.), L’adieu aux armes ? Parcours d’anciens combattants, Paris, Karthala, Recherches internationales, 2010, p. 41-82 et 83-110.
44 Sironi F., Psychopathologie des violences collectives…, op. cit, p. 110 et 126.
45 Branche R., « La dernière génération du feu ? Jalons pour une étude des anciens combattants français de la guerre d’Algérie », in Cabanes B. et Piketty G. (dir.), « Sorties de guerre au XXe siècle », Histoire@politique, no 3, novembre-décembre 2007. Dans ce cas, les vétérans souffrent de la comparaison défavorable avec les ex-combattants de la 2e guerre mondiale qui sont quant à eux revenus auréolés de leur participation à une guerre considérée comme juste et victorieuse.
46 Goldman P. L., Fuller T., Charlie Company: what Vietnam did to us, New-York, Morrow, 1983; Bonior D. E., Champlin S. M., Kolly T. S., The Vietnam Veterans: a History of Neglect, New-York, Praeger, 1984.
47 Sironi F., Psychopathologie des violences collectives. Essai de psychologie géopolitique clinique, Paris, Odile Jacob, 2007. Ce livre prend appui sur une expérience thérapeutique auprès de vétérans russes des guerres d’Afghanistan mais aussi de Tchétchénie.
48 Glantz A., The war comes home. Washington’s Battle Against America’s Veterans, Berkeley, Los Angelès, London, University of California Press, 2009. Il s’agit ici des vétérans américains de la guerre engagée en 2003.
49 Sur ce point, voir notre conclusion dans Duclos N. (ed.), War Veterans in Postwar Situations : Chechnya, Serbia, Turkey, Peru, and Côte d’Ivoire, New-York, London, Palgrave, Mc Millan, 2012, p. 268.
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