1 Si de nombreux travaux ont décrit l’accompagnement par les proches, ils intègrent rarement la dimension diachronique, dimension essentielle dans le cas d’une maladie neurodégénérative comme la maladie d’Alzheimer (et les maladies apparentées). Rappelons (voir annexe méthodologique) que nous avons pu réaliser un suivi pour la majorité des familles.
2 Nous justifions d’un tel choix méthodologique en annexe.
3 Terme préféré à celui d’aide (cf. « Introduction »).
4 De manière ciblée, sans pour autant s’inscrire dans une recherche biographique.
5 La toilette a été définie de manière large incluant le fait de se laver et de s’habiller (cf. annexe méthodologique).
6 Ce même événement a été relaté dans d’autres familles.
7 Certaines familles en font l’apprentissage progressivement au fur et à mesure que les troubles apparaissent, une telle forme d’incapacité n’avait pas été anticipée, ce qui n’est pas le cas dans les familles qui avaient déjà fait l’expérience de cette maladie, ce qui n’est pas rare.
8 On se réfère alors au nom féminin renvoyant à un cycle de poèmes relatant l’histoire d’un héros et non un mouvement du corps pour faire ou exprimer quelque chose. Il s’agit alors d’« un ensemble d’activités inscrites dans la durée et inextricablement pétries d’émotions et de mots, bref parcourues par un travail symbolique à peine visible » (Drulhe, Clément, Mantovani et Membrado, 2008).
9 Sont évoqués les comportements agressifs des malades qui se manifestent surtout lors de la délivrance de soins à la personne et se cristallisent tout particulièrement sur le moment de la toilette. Le titre d’un des ouvrages est évocateur en soi : Bathing without a battle (Rader, Hoeffer, Sloane et Biddle, 2008).
10 Pour les auteurs, ce ne sont pas les actes réalisés en eux-mêmes qui posent problèmes mais l’expérience que le malade en a. Ils évoquent différentes causes pouvant expliquer des comportements d’agressivité, voire de violence, parfois simplement de résistance passive. Ceux-ci apparaissent comme des réactions de peur, de douleur, de détresse (notamment parce qu’ils ne comprennent pas la situation, ou ce qu’on leur fait, ne reconnaissent plus les visages, parce que les manipulations du corps peuvent provoquer des douleurs), comme une forme d’expression de besoins, ou encore comme une manière de se protéger contre un sentiment de violation de l’espace personnel, ce qu’ils ressentent comme une agression. Ce comportement devient un mode de communication quand les personnes n’arrivent plus à exprimer par le langage oral leurs ressentis, leurs sentiments et leurs besoins.
11 La pudeur est une norme intériorisée et donc vécue comme naturelle alors qu’il n’en a pas toujours été ainsi comme le montre Elias (1973). Un certain nombre de conduites était prescrit dans le cadre de règles de bienséance, des manières qui visaient à la distinction sociale. Cette pudeur est plus ou moins forte selon la personnalité et les habitudes familiales.
12 Les travaux de recherche sur la qualité des interventions à domicile font peu état de ces détails sur la toilette et sur les manières de faire alors qu’ils sont plus prolixes sur les interactions avec les personnes âgées dépendantes autour du registre des tâches ménagères, voir par exemple Gucher, Alvarez, Chauveaud, Laforgue et Warin (2011).
13 S’appuyant sur treize récits de personnes atteintes de troubles psychiques ou cognitifs, Hennion et al. montrent l’intérêt des notions de ruse et fiction pour appréhender les compétences et l’expérience au domicile des professionnels amenés à intervenir chez ces personnes (Hennion, Vidal-Naquet, Guichet et Hénaut, 2012).
14 Ces représentations découlent des discours ou des modes d’accompagnement sans pour autant avoir fait l’objet de questionnements spécifiques.
15 Voir également ici le chapitre ix.
16 Voir également les chapitres ix et x.
17 Le tact est décrit par Hennion et Vidal-Nacquet (in Hennion, Vidal-Naquet, Guichet et Hénaut, 2012) comme une posture de régulation consistant à « ne pas s’étonner des éventuels écarts à la norme, à faire preuve de discrétion et, le cas échéant, à faire semblant de ne pas avoir vu ce que l’on a vu ». Ils s’appuient sur la définition proposée par Goffman (1993), « comme l’aptitude à ne pas se mettre soi-même ou les autres dans l’embarras ».
18 Les usages du corps, les manières d’être et de faire sont modelés par les sentiments et les émotions, dans le cadre d’une économie affective. Ce naturel des conduites corporelles, cette dimension rattachée à une personnalité n’est que le signe d’un refoulement plus profond du social (Elias, 1973).
19 La douche (ou le bain) constitue un acte de la vie quotidienne qui revêt un aspect rituel. Dans la majorité des religions, le temps de la prière est précédé de rituels de purification. Ce sens s’est perdu dans la religion chrétienne (demeure l’origine religieuse du terme toilette) mais s’est maintenu dans nombre de religions (juive et musulmane, hindouisme) (Bonnet, 1990). La dimension médicale hygiéniste de la toilette en a fait évoluer la signification depuis le XIXe siècle. La toilette, dans sa dimension d’ablution, fait l’objet de normes qui pèsent fortement sur les conduites des familles à cet égard. Ces normes d’hygiène constituent un critère de qualité de l’accompagnement, qu’il soit familial ou professionnel, du point de vue des soignants, des acteurs médico-sociaux, etc.
20 À ce stade, elle n’est plus en mesure de lui donner les bains qu’elle affectionnait, Simone ne montant plus les étages. Rappelons qu’elle a fait une demande pour réaliser des travaux d’aménagement qui a été refusée.
21 D’autant que les proches peuvent eux-mêmes ne pas savoir interpréter les premiers signes de la maladie.
22 Ainsi, alors qu’Évelyne avait déjà décrit son emploi du temps et celui de son mari, en y revenant, on apprend qu’elle réveille son mari quand arrive l’infirmière qui doit lui faire une piqûre. C’est une manière de gérer l’impatience de son mari qu’elle n’arrive pas à contenir. Il veut prendre son petit-déjeuner dès qu’il se lève alors qu’il est nécessaire de réaliser un dosage de glycémie avant le repas pour adapter les doses d’insuline ce qu’il ne comprend pas.
23 Notons que seul un suivi dans le temps des familles permet de saisir ces dynamiques.
24 Il va effectivement faire entrer sa femme dans une unité Alzheimer dans les semaines qui suivent.