Chapitre III. La censure entre normes et pratiques de gouvernement
p. 99-138
Texte intégral
1Dans les deux premières parties de ce travail nous avons essayé de définir la notion d'opinion collective à l'époque moderne et le nouveau domaine politique déterminé par son émergence. La démarche suivie nous a amené a traiter l'opinion collective comme un objet politique, dont l'épiphanie se situe dans le discours politique italien et en particulier florentin de la première moitié du xvie siècle. L'exégèse de certains textes de Machiavel et de Guichardin a conduit à situer l'émergence de cette nouvelle catégorie du discours dans le débat intellectuel contemporain et à comprendre ses enjeux et ses conséquences sur le plan de la théorie politique. La lecture d'une série d'ouvrages de la période du principat de Côme Ier, a ensuite permis de préciser le type de rationalité mise en œuvre afin d'appréhender et de gouverner l'opinion du grand nombre.
2L'émergence de cette catégorie, nous l'avons vu, est rendue possible aussi bien par la crise des formes traditionnelles de consensus que par un changement profond de perspective qui affecte l'action politique et qui a permis d'inscrire, au cœur de l'analyse empirique du pouvoir, certaines notions — tel que « erreur », « imagination », « apparence » — étrangères à la dimension institutionnelle du politique. En d'autres termes, penser l'opinion comme un objet politique équivaut à penser que toute institution est soumise à la menace constante de l'incertitude et de l'effondrement et que le seul gage de stabilité se situe, paradoxalement, dans le terrain mouvant de la doxa. C'est pour cette même raison que la « découverte » théorique de l'opinion est aussitôt accompagnée de la naissance d'un savoir spécifique et pratique — que l'on qualifie du nom ancien et illustre de censure — qui pose les bases de sa connaissance, de sa maîtrise et de sa réforme. Le bon gouvernement des opinions est un projet complexe qui participe directement au processus génétique de l'État moderne et à la définition de la sphère du pouvoir ordinaire et extra-ordinaire du prince. Cependant, il ne faut pas oublier que dans la Toscane et dans l'Italie moderne, l'exercice de la censure implique une contamination réciproque entre la morale et la politique : d'où l'existence d'une souveraineté géminée, civile et ecclésiastique, dans un certain nombre de domaines. Dans les pages qui suivent, notamment à l'aide de textes juridiques, nous allons étudier la structuration du domaine de la censure dans l'État toscan entre xvie et xviie siècles.
Le système de renseignement de Côme Ier de Toscane
3Un certain nombre de dispositions relatives à la phase d'établissement et de consolidation de l'État médicéen, posent les bases d'un véritable gouvernement des opinions. Prince nouveau, Côme est sans doute aussi un prince censeur qui aspire à une connaissance détaillée des qualités et des humeurs de son peuple.
4Parmi les images de Côme Ier mises en circulation par ses contemporains, celle qui nous est transmise par Vincenzo Fedeli, ambassadeur vénitien à la cour de Florence en 1561, se présente comme un portrait grandeur nature du fondateur de l'État toscan1. Ce portrait est en réalité le résultat combiné d'une série de données réelles, concernant aussi le côté occulte du caractère du souverain, et du modèle du prince idéal établi par les théoriciens du principat. Parfois le mythe se nourrit de la réalité et vice-versa comme, par exemple, dans la description de l'extraordinaire virtus memorandi de Côme :
Il connaît tout le monde et il appelle tout le monde par son nom et s'il lui arrive de voir quelqu'un de nouveau qu'il n'a jamais vu, il veut aussitôt savoir de qui il s'agit et quelle est son occupation et ensuite il ne l'oubliera jamais ; il fait à tel point profession de la mémoire que si quelqu'un se présente pour lui demander quelques suffrages et qu'il s'est déjà présenté autrefois à lui, [Côme] le lui rappelle, en lui répétant ce qu'il avait demandé vingt ans auparavant : ce qui est une grande vertu chez n'importe quel individu et davantage chez un prince2.
5Fedeli n'est pas un spectateur neutre de la vie politique toscane : de son point de vue de républicain il s'attarde des fois sur certains aspects de la perception du pouvoir ducal susceptibles d'illustrer la transformation violente du vivere civile et l'instauration d'une autorité caractérisée par l'usage de méthodes de gouvernement extra-légales ou ouvertement despotiques. Dans la description lucide du système de renseignement cosimien, l'observation directe et les témoignages rapportés se mêlent aux réminiscences classiques, surtout de Tacite3 :
Ce prince possède aussi des prisons que l'on appelle les secrètes, qui inspirent à tel point la terreur que l'on entend souvent dire : « Dieu nous garde des secrètes du Duc ! ». De ces prisons ne sortent jamais de nouvelles de ceux qui y sont enfermés et souvent il arrive qu'on y enferme des hommes sans que ceux-ci en connaissent le pourquoi. La raison de cela est que le prince, à chaque moindre mot proféré et entendu contre lui, susceptible d'engendrer des indices ou des soupçons, ordonne ce type d'actions soudaines. Et, afin de connaître et d'écouter toutes les humeurs de la ville et de l'État, il a constitué un nombre infini d'hommes de cette espèce que tout le monde fuit comme la peste, puisqu'ils sont tout de suite démasqués et appelés les espions du Duc4.
6Quoique exceptionnel, ce témoignage — sur lequel nous reviendrons par la suite — n'est pas isolé et il participe, de façon plus ou moins volontaire, à la formation d'une représentation « noire » du régime médicéen, colportée par la littérature contemporaine sur les secrets des cours5. Près d'un siècle plus tard, le libertin Gregorio Leti, un témoin sans doute moins digne de foi mais tout aussi informé sur les cours italiennes, confirme ce qui paraît être un trait distinctif du gouvernement des grand-ducs :
Il est un secret d'État propre à ces princes qui consiste à maintenir leurs sujets dans une basse condition, parce que ceux-ci, étant dotés d'un génie vif et brillant, s'ils étaient favorisés par le hasard ou par quelques libertés, pourraient réveiller l'esprit qui dort opprimé par la nécessité et par l'impuissance [...]. Il est bien vrai que toute cette ville [de Florence] est remplie d'espions, à tel point qu'il est risqué de parler même entre quatre yeux et qu'ils sont nombreux ceux qui sont mis en danger pour un seul mot douteux6.
7L'héritage républicain aurait ainsi imposé au prince nouveau et à ses successeurs une œuvre intense de dépolitisation amenant à la disparition de toute parole non autorisée sur les matières d'État. Derrière ces représentations se cache une réalité complexe. L'instauration d'un système capillaire de renseignement dans la capitale et dans les autres villes de l'État toscan n'a jamais fait l'objet d'une étude approfondie. À quelques exception près, on se contente de citer son existence sans préciser les conditions de sa réalisation ni les modalités de son fonctionnement.
8De façon préliminaire, il est nécessaire de souligner que l'instauration d'un réseau d'informateurs sous Côme Ier, source d'étonnement pour un observateur extérieur comme Fedeli, suscite aussi des prises de positions partagées chez les écrivains proches de l'entourage du prince. Encourager et organiser la pratique de la délation équivaut à légitimer une parole par définition dépourvue de preuve et proche de la calomnie : Machiavel dans les Discours (I, VIII) étudie sa formation dans les lieux publics et met en garde les gouvernants contre ses effets délétères sur la cohésion du corps politique. Par ailleurs, la perception sociale de l'informateur est très négativement connotée : « espion » (spia) est durablement l'une des insultes les plus communes répertoriées dans les dossiers de la justice criminelle du grand-duché7. Dans un écrit de propagande à la mémoire du duc Alexandre, victime d'un assassinat politique (Des actions et sentences de M. Alexandre des Médicis premier duc de Florence, 1564)8, commandité par Côme Ier à la mémoire de son prédécesseur, si l'on reconnaît d'un côté la nécessité de rémunérer des personnes qui « faisant semblant d'être du côte du peuple, renseignent [le prince] de tout ce qui se passe dans la ville », l'on justifie de l'autre l'infamie dont ces personnages font unanimement l'objet9.
9Les théoriciens du principat ont à ce sujet un avis qui se partage entre le respect des simulacres de la liberté républicaine et la nécessité d'adopter des méthodes de connaissance du corps politique adaptées aux nouvelles exigences de rapidité et de confidentialité de l'information dictées par la conservation de l'État. Lottini met en garde le prince contre le danger représenté par les espions :
Une telle espèce d'hommes à la manière de mauvais artisans, non seulement a tendance à maintenir et amplifier le mal là où elle trouve une toute petite altération, mais aussi à rendre malades les corps sains, puisqu'elle a beaucoup de malice et si le prince est, par sa nature, enclin au soupçon et de surcroît, si il néglige de rechercher ailleurs le vrai, il restera le plus souvent persuadé du faux10.
10Plus nuancé, Ammirato opère une distinction entre les espions, qui agissent pour des raisons personnelles et occultes et les délateurs (accusatori) qui dénoncent pour le bien commun. Fondée sur la source machiavélienne des Discours (« quelqu'un a écrit qu'autant les accusations sont utiles aux républiques, autant les calomnies leur sont pernicieuses »), cette discrimination subtile et contestable laisse entrevoir la possibilité d'une légitimation des accusations secrètes justifiées par un danger imminent qui menacerait sa sécurité ou celle du prince :
Si la folie d'autrui t'oblige à ne pas garder le secret dont tu as connaissance, dangereux pour ta personne ou pour celle du Prince, tu dois le communiquer promptement et courageusement aux magistrats, sans te faire des scrupules tel un homme pusillanime sur ce que tu dois faire, de manière que l'on ne puisse dire de nous ce que disent les Psaumes : « Ils eurent peur alors qu'ils n'avaient pas de raison de craindre11. »
11La distinction républicaine entre accusations publiques et calomnies occultes cède la place à une casuistique plus complexe et encline au compromis moral dans l'état d'urgence permanent dans lequel se trouve l'État d'un prince nouveau. Loin d'être une spécificité italienne et catholique cette évolution est également attestée, à la même époque, dans la doctrine pénale d'autres pays européen. Par exemple, dans un traité sur la sédition daté de 1550, le juriste allemand Conrad Braun justifie l'usage de délateurs qui « caute inquirant authores et principes sedi-tionum et clandestinos seditiosorum conventus, tractatus et consultationes12 ».
12La source principale sur la mise en œuvre du système de renseignement de Côme Ier est de nature législative : il s'agit de la loi de 13 février 1551 qui institue les dénonciateurs des délits (sindachi de'malefizi) de la ville de Florence13. Quelques études ont inscrit cette mesure législative dans le cadre de la vigoureuse action menée par Côme Ier — « prince terrible et épouvantable » selon le témoignage de Fedeli — dans le domaine de l'administration de la justice14. Cependant, cette loi vise au-delà de la simple dimension judiciaire puisqu'elle concerne, tout d'abord, la réforme de l'espace public de la ville et la connaissance de sa population. Le texte de 1551 prévoit en effet la répartition de l'espace urbain de Florence en 50 nouvelles circonscriptions (sindicherie), partiellement adaptées à la division traditionnelle de la ville (quartiers, gonfalons, « popoli »)15, dans lesquelles, pour la première fois dans l'usage administratif, les rues et les places sont mentionnées et délimitées avec précision.
13Une initiative menée presque parallèlement permet de mieux reconstituer le contexte de la loi de 1551 et de mettre en évidence, dans le projet cosimien de réforme politique et sociale, un lien profond et opérationnel entre la censure moderne et le « cens » au sens classique du terme. En février 1552 s'achève un recensement complet de toutes les communautés de l'État commandé par le prince16. Une attention spécifique est consacrée à la capitale, où tout chef de famille est localisé à partir de son lieu de résidence, ce dernier étant principalement déterminé à partir de la rue ou de la place. À la base des deux initiatives on retrouve donc la même logique de répartition de l'espace urbain et le même travail de repérage des habitants, sans doute rendu possible, comme le suggère la seule étude entièrement consacrée à cette question, grâce à la collaboration des prêtres des paroisses17. Le recensement cosimien, le premier de la ville à avoir été accompli selon un critère topographique, n'a pas un but essentiellement fiscal : à cet effet un recensement sur la base des foyers, comme il en existait depuis le xive siècle, aurait largement suffi. Dans le recensement de 1552, tout chef de famille est « déterminé » sur la base d'une double coordonnée spatiale et sociale : cette dernière est, à son tour, le résultat d'une série d'informations concernant sa profession, la présence de domestiques dans le foyer, ses origines, dans le cas d'immigrés récemment installés dans la ville. De toute évidence, dénombrer la population de la capitale n'est pas le seul but du censeur : établir les critères permettant de la classer et de mieux la connaître paraît presque plus important.
14À cette fin, le dispositif mis en place par la loi sur les sindachi de' malefizi de 1551 dote le pouvoir ducal d'un outil juridiquement souple et efficace. Ce texte se fonde sur une tradition de gouvernement du territoire de la cité et de son l'État qui remonte à l'époque communale. Le sindaco est une figure traditionnelle de la vie de chaque communauté de l'État florentin : élus par suffrage par les membres de la communauté, le sindaco a littéralement la fonction de sindacare, c'est-à-dire de négocier sur les conflits d'intérêts qui surgissent en son sein, de contrôler l'action des officiers de justice envoyés par Florence et, finalement, de rendre compte de toute sorte d'infraction commise dans sa juridiction (malefizi)18. Une loi de 1545 précise cette dernière obligation en prévoyant des sanctions contre les sindachi récalcitrants19. Concernant la ville, les compétences du sindaco rappellent celles attribuées, depuis le moyen âge, aux prêtres des paroisses et aux aumôniers laïques, élus directement par le conseil des paroissiens et ratifiés par le conseil de la Commune, dont la tâche était de rapporter au Tribunal du Potestà « omnia maleficia » qui avaient lieu dans leur quartier de résidence20.
15Il est donc possible de remarquer que la réforme de février 1551 trouve ses références politiques et culturels aussi bien dans l'autonomie administrative relative caractéristique de l'État territorial que dans la tradition municipale de représentation et de tutelle du peuple à l'intérieur de chaque universitas dont se compose l'organisme urbain. Cependant, elle se situe dans un cadre normatif et politique de plus en plus rigide, caractérisé notamment par l'extension des compétences des Huit de garde (Otto di guardia e balia), la principale magistrature pénale de l'État, ordonnée par Côme en 155021.
16Dans un point de vue formel, la nomination des sindachi est conforme au système d'élection des officiers en vigueur à Florence et dans d'autres autres villes toscanes avant l'instauration du principat : une longue liste de citoyens éligibles, choisis en fonction de leur « capacité à pouvoir exercer cet office », est repartie en 50 bourses, correspondant aux 50 sindicherie dont se compose le territoire de la capitale. Une fois par an, au mois d'octobre, un nombre non précisé de candidats est tiré au sort, affecté à chaque circonscription et régulièrement rémunéré22. Le texte de 1551 prévoit un corps de 1159 individus éligibles aux fonctions de sindaco : en d'autres termes, 2 % environ de la population globale de la ville sont directement concernés par ce vaste dispositif d'information et de repérage des délits. Formellement respectueux des dispositifs institutionnels et des pratiques républicaines, ce système a néanmoins son principal élément de nouveauté et de force dans le rapport de subordination que les sindicherie entretiennent avec le Tribunal des Huit et, tout particulièrement, avec son secrétaire, homme de confiance du prince : il s'agit du fonctionnaire que — toujours selon le témoignage de Fedeli — Côme écoute en premier tout les jours, de grand matin23. En effet, c'est sous le regard du secrétaire des Huit que l'élection des sindachi a lieu et, surtout, c'est à lui que chaque sindaco doit rapporter, « avec le maximum de détails et de clarté d'information l'endroit où les délits ont eu lieu, le moment, les personnes impliquées et toute autre circonstance utile ».
17En d'autres termes, la tradition républicaine a été altérée de l'intérieur et pliée aux exigences de rapidité et de discrétion de l'information propres au nouvel État princier. En effet, dans le profil social du sindaco, présent dans le texte de 1551, rien ne reste de l'ancienne fierté républicaine que caractérisait ces personnages élus par le peuple en raison de leur prestige et de leur caractère représentatif du « peuple » au sens fort du terme. Le type idéal de sindaco est maintenant un homme du petit peuple, très probablement pauvre ou exposés à la précarité, à tel point que la loi prévoit la suspension de toute procédure pour dette à son encontre pendant la durée de son mandat24 : une disposition significative, compte tenu du caractère extrêmement courant de la dette non frauduleuse comme cause d'incarcération. Le peu de traces laissées par le fonctionnement de ce vaste dispositif confirment le cadre social très modeste dans lequel devait s'effectuer le recrutement des dénonciateurs25. Il s'agit d'artisans ou de petits commerçants, vraisemblablement choisis parce qu'ils étaient bien insérés dans la vie de leur quartier. L'institutionnalisation de la délation, prévue par la loi de 1551, introduit ainsi délibérément — c'est son côté idéologique le moins évident mais plus riche en conséquences sur le long terme — une rupture dans la trame de relations sociales alimentées par la conversation et la réputation, fondamentales dans la pratique quotidienne de la citoyenneté, non seulement républicaine26.
18D'où, par ailleurs, la nécessité de considérer tout processus de disciplinarisation non seulement dans la perspective de la production et de l'imposition de normes, mais à la lumière des dynamiques de construction et de recomposition du lien politique et social propres à chaque contexte politique. Ce cadre normatif nous permet maintenant de mieux comprendre les réflexions de Vincenzo Fedeli concernant le climat de suspicion et de peur généralisée du voisin observable dans la capitale de l'État de Côme :
Ceux-ci [les espions] rapportent au Duc tout ce que l'on dit à son sujet dans les foyers, dans les églises, dans les couvents, dans les rues et sur les places et les effets de ces rapports sont immédiatement visibles, car tout le monde a peur que, pour obtenir la grâce du prince, chacun ne devienne l'espion de son propre voisin, et il n'y a personne qui ne craigne jusqu'à ses parents les plus proches et ses amis les plus intimes, à tel point que l'on parle de toute autre chose à l'exception du prince et de son État, même pour en dire du bien27.
19La loi de 1551 constitue donc la première, et sans doute la plus importante tentative réalisée dans l'État toscan de remodeler le lien politique à travers une déstructuration des relations « horizontales », caractéristiques de la sociabilité républicaine, et l'introduction d'un nouveau modèle de subordination, fondé sur la séparation de l'individu de son milieu proche, sur une fidélité « verticale », motivée par des raisons tacites et parfois inavouables. De cet individu, véritable menace permanente portée au cœur de solidarités plus anciennes et parfois ances-trales, le texte de loi souligne même quelques qualités psychologiques essentielles : « un homme éveillé (spedito), qui puisse, à toute heure et en tout temps, sortir sans danger ».
20Parallèlement, le texte de 1551 contribue à redéfinir les limites de l'espace politique. La loi sur les dénonciateurs publics permet de préciser une pluralité d'endroits qui intéressent le regard du prince en raison des discours et des actions qui peuvent y avoir lieu et qui sont susceptibles de porter atteinte « à la paix universelle et au bien-être des particuliers ». Les sindachi doivent en effet « prêter diligemment attention à toutes les injures, les violences, les vols, les cambriolages, les querelles, les meurtres et à tous les autres délits, aussi bien le jour que la nuit ». « Rues, places, églises, monastères, couvents, hôpitaux, maisons, boutiques, tavernes, hôtels, jardins, les terrains, les fossés, les rivières », entrent dans le domaine de compétence de ces officiers mineurs, dont la seule faculté est d'observer et de rapporter, jamais de contraindre28. Le législateur réalise ainsi une extension considérable de l'espace politique, tout aussi insouciant du partage public/privé que de la distinction entre la juridiction du prince et celle de l'Église, pourtant garantie par le droit d'asile. Cette extension se fait au détriment de l'espace public républicain, caractérisé par une pluralité de lieux de formation du discours public, institutionnels et non, car dorénavant aucun lieu n'est plus vraiment neutre et partout la seule parole autorisée est celle du prince. Cette déperdition de la parole politique implique, par ailleurs, un usage exemplaire du silence et du secret aussi bien dans les pratiques de gouvernement que dans les stratégies de la communication :
Il m'a dit a plusieurs reprises — écrit Vincenzo Fedeli à propos de Côme — que le secret engendre, dans les actions, une réussite heureuse et que ce n'est que sur le silence que repose la considération des États : ainsi la connaissance des secrets des autres princes autant elle apporte préjudice à ces derniers, autant elle est très profitable pour celui qui la détient [...]. C'est la raison pour laquelle à la cour du duc on ne peut rien savoir ni rien entendre si ce n'est directement par le duc lui-même et personne n'a le courage de parler de choses de l'État [...]. Et, en vérité, c'est uniquement cette démarche qui a permis [à Côme] de se conserver et de s'agrandir, puisqu'il est prince nouveau et prince de peuples libres et téméraires, inaptes au joug de la servitude et c'est une merveille que de voir comment il arrive si facilement à les gouverner, ce qui procède surtout des secrets multiples dont il est le détenteur29.
21Ce dernier témoignage est particulièrement digne d'attention puisque il nous montre que le secret est non seulement un élément de l'exercice ordinaire du pouvoir mais aussi sa composante idéologique essentielle, volontairement inscrite dans l'auto-représentation du prince. Le texte de 1551 traduit cette idéologie du secret dans le langage juridique, tout en faisant du secret l'élément clé des rapports entre certaines institutions, depuis longtemps vouées à la conservation du bien commun, comme les Huit de Garde, et les acteurs politiques et sociaux. La loi crée de nouveaux intermédiaires entre ces deux réalités, elle contribue en outre à faire de l'appropriation du secret l'un des buts prioritaires du gouvernement de la cité et du silence la vertu par excellence dans les relations entre les individus.
22Tout cela permet quelques remarques de caractère plus général. En premier lieu s'il paraît pertinent de considérer le secret en tant qu'idéologie du pouvoir et d'en étudier les stratégies qu'il implique dans son exercice au quotidien30, il est également nécessaire de réfléchir aux usages idéologiques de la notion de transparence. Avec une intention tacitement polémique, celle-ci apparaît — nous le verrons — dans la seconde moitié du xviiiie siècle, aussi bien dans les textes juridiques que dans les discours d'un autre prince « nouveau » — François-Étienne de Habsbourg-Lorraine — et des ses ministres. Comment ce changement radical de la représentation du pouvoir a-t-il été rendu possible ? Quel genre de pratiques et de stratégies cette nouvelle idéologie comporte-t-elle dans le gouvernement de l'espace public ? À longue échéance, nous pouvons considérer la loi de 1551 comme le début d'un processus de formation et de contrôle de l'espace public qui s'achève tardivement, presque deux siècles plus tard, avec la loi sur la « liberté de la presse » de 1743, qui affiche parmi les buts du prince la volonté de permettre une publicité progressive et réglée des connaissances utiles31. Il s'agira donc, dorénavant, de suivre ce processus dans son cours tortueux et dans ses résultats souvent contradictoires.
23Une seconde remarque concerne le rapport entre la juridiction du prince et celle de l'Église dans le processus de disciplinarisation de la société toscane. De toute évidence, la loi de 1551 est une loi « inquisitoriale » qui dote le prince d'un outil nouveau et efficace permettant de s'approprier des informations nécessaires à assurer la conservation de l'État là où elles se trouvent, même dans l'intimité des foyers. Pour autant, la loi de 1551 est une loi entièrement civile et la seule référence explicite au domaine religieux est l'allusion aux monastères et aux couvents qui se trouvent inclus — s'agit-il d'une provocation ? — dans la liste des lieux sujets à la juridiction informelle des sindachi. Il paraît donc difficile de dissocier cette loi du contexte religieux des années 40 et 50, un contexte caractérisé par la recrudescence généralisée de la persécution contre les hérétiques mais aussi, comme une série d'études récentes l'ont montré, par une volonté très ferme d'autonomie du jeune prince à l'égard de Rome32.
24Bien que sensible aux arguments des hétérodoxes, Côme reconnaît néanmoins dans la dissidence religieuse le visage caché de la sédition et il aborde la question de son élimination en termes strictement politiques. Témoigne de cette double exigence de rigueur et d'autonomie d'action, l'intention d'établir, selon le modèle en vigueur à Venise, une influence directe sur le Saint-Office, soit à travers la nomination d'experts (commissari) censés intervenir dans le déroulement des procès, soit à travers un rapport « confidentiel » avec le Tribunal romain qui permettrait au prince de connaître secrètement des questions concernant la sécurité de son État33. La magistrature des Huit de garde est partie prenante de cette stratégie comme le démontre entre autre une série de procès instruits à Florence entre 1551 et 1552 à l'encontre de trente-cinq citoyens soupçonnés « de se réunir secrètement et d'enseigner la fausse doctrine [luthérienne]34 ». Il est difficile de ne pas voir dans cet épisode, qui fut l'objet d'une large publicité dans les autres capitales italiennes, une première démonstration de l'efficacité du dispositif mis en place par la loi de 1551.
25Dans les années suivantes, le fonctionnement de ce dispositif reste toutefois difficile à saisir et, plus encore, à analyser. Il est sans doute encore en vigueur dans les années 1570, comme l'atteste un document, cité plus haut, concernant la nomination d'un sindaco dans une circonscription de la capitale35. Dans son Histoire du grand-duché de Toscane (1781), un ouvrage qui souligne fortement les tendances despotiques de Côme Ier, Riguccio Galluzzi, affirme que la « méthode » des dénonciateurs fut progressivement étendue aux autres villes de l'État et à la campagne36. En effet, parmi une série de mesures adoptées peu après la conquête de Sienne, le gouverneur de la ville, représentant du pouvoir médicéen, obligea le Capitaine de Justice (Capitano di Giustizia) — une magistrature analogue à celle des Huit de Garde — d'instituer des « sindachi », afin de rapporter « les délits (malefizi) de toute sorte » qui auraient lieu dans la ville et dans son contado37. Mais, encore une fois, on est vite confronté à la rareté des traces disponibles dans les archives38. Toute une série de questions restent donc en suspens : notamment la façon dont le système des délateurs du prince a pu coexister avec le circuit parallèle et occulte, mis progressivement en place dans l'État toscan dans la seconde moitié du xvie siècle, par l'Inquisition romaine. Malheureusement, la documentation relative à cette première phase d'instauration et de superposition de réseaux différents de renseignement — en dépit de l'ouverture des archives centrales du Saint-Office — est très largement insuffisante39.
26Quoi qu'il en soit, la loi de 1551 témoigne de l'antériorité et de l'autonomie de l'initiative civile dans le domaine, hautement conflictuel, de l'identification et de la dénonciation de paroles et de comportements considérés dangereux pour la survie de la communauté. Il paraît donc douteux de considérer « le système des dénonciations secrètes » qui « encourageait tout le monde à craindre l'autre et à se dénoncer réciproquement » comme le produit d'une dérive inquisitoriale des systèmes judiciaires italiens40. Face à une lecture « juridictionnaliste » qui a longtemps privilégié la thèse d'un effondrement de la souveraineté des princes italiens à l'égard des Congrégations romaines, il paraît maintenant légitime de prendre au sérieux ce que Machiavel et les théoriciens du principat ont répété à maintes reprises, à savoir que le prince nouveau se veut, avant tout, garant et promoteur de la religio, du lien politique et social. Dans cette même perspective s'inscrivent les logiques du compromis et de l'échange qui ont guidé, deux siècles durant, selon des buts souvent coïncidents, pouvoir politique et pouvoir spirituel dans le gouvernement de la cité.
Discipline de la parole et délit d'opinion
27La loi de 1551 fait de la prévention des délits la priorité de l'action de réforme du corps politique entreprise par le prince-censeur dans la période initiale de son gouvernement. Cette politique trouve sa justification dans la pensée juridique : la praeventio pericolorum, la prévention des dangers qui pèsent sur la communauté, est une formule évoquée par les juristes du droit commun tardif et employée dans le langage administratif. Souvent, elle se trouve associée à la notion de oecomica : l'oecomica coercitio (coercition économique) est le pouvoir, propre au prince, en tant que « reipublicae caput et parens », chef et père de l'État, de disposer des droits des gouvernés de façon arbitraire, à travers des actes extra-judiciaires, rendus nécessaires pour la sauvegarde du bien commun41. À juste titre, on a vu dans ce paternalisme ambigu l'un des traits caractéristiques du « bon gouvernement » des peuples inauguré par Côme Ier42.
28Avec son cortège de soupçons et de préjugés institutionnalisés, la priorité accordée à la prévention des délits comporte une conséquence majeure : l'attention du législateur est décidément en train de se déplacer de l'infraction commise à l'intention de la commettre, de l'acte effectif à l'acte mental. Toute une série de comportements, de gestes et de paroles peuvent ainsi rentrer dans le cas de figure de la désobéissance car « intentionnellement » dirigés à porter atteinte au bon ordre de la communauté, dont le prince et père de ses sujets est le premier garant. Par tâtonnements et ajustements, le délit politique prend ainsi une ampleur inédite tout en incluant dans sa sphère un large inventaire d'actes linguistiques et d'opinions criminogènes. En vérité, pendant toute l'époque moderne reste en vigueur, dans les États italiens, la distinction fondamentale entre intentio-factum et conscientia-actus, symétrique au rapport entre le juge ordinaire laïque et l'inquisiteur : c'est à ce dernier, à travers l'extorsion des paroles, qu'appartient de juger les opinions, alors qu'à son homologue laïque, suite à une collecte d'indices, revient de juger les actions et les faits43. Mais les superpositions et les interférences entre les deux juridictions restent fréquentes.
29Pour s'en rendre compte, il suffit de jeter un regard dans le domaine des procédures criminelles (praticae criminales), ces recueils à l'usage des juges qui ont principalement la fonction d'entériner la pratique quotidienne de la justice pénale et d'indiquer au lecteur la voie à suivre dans une casuistique presque illimitée. D'où l'importance de distinguer et de classer les différents types de délits, en indiquant les hypothèses, les circonstances, les variantes, les différents arguments que l'on peut soutenir, la circonspection qu'il est nécessaire d'adopter et, surtout, les limites de compétence qu'il ne faut surtout pas dépasser.
30Parmi les procédures utilisés dans l'État toscan, le Giudice criminalista d'Antonio Maria Cospi, bien que médiocre d'un point de vue doctrinal, présente un intérêt incontestable comme objet culturel, en tant que répertoire hétéroclite d'usages juridiques et de croyances, largement partagés par les professionnels du droit et par leur public dans la seconde moitié du xvie siècle44. Cet ancien secrétaire des Huit de garde consacre une section entière de son ouvrage au classement des opinions : « une matière ardue », explique-t-il, « étrangère à la profession juridique, ce qui accroît les difficultés et les dangers » de ceux qui ont la prétention de la traiter en s'écartant de la doctrine courante des légistes et des canonistes45. L'originalité de son approche se manifeste en effet dans le choix des matières.
31Après avoir abordé la question de la définition des opinions formellement hérétiques, un domaine dans lequel le juge laïque ne doit en aucune manière s'ingérer, Cospi dirige son attention vers une catégorie médiane d'opinions et de propositions qui, n'étant pas hérétiques au sens strict du terme, sont qualifiées, faute de mieux, de « propositions qui ne sonnent pas bien à l'oreille de tout le monde ». Ancien secrétaire des Huit de Garde, homme de terrain et non de doctrine, Cospi inscrit, dans cette zone résiduelle du discours public interdit, aussi bien les délits de parole intentionnellement dirigés contre l'autorité religieuse ou politique, qu'une série d'actes linguistiques dont la véritable intention reste obscure ou ambiguë et donc susceptible de provoquer une réception erronée : « Les propositions non hérétiques mais qui n'ont pas un aspect rassurant (che hanno faccia non buona) ne sauraient être comprises correctement par tout le monde sans une expression meilleure et plus claire. » Cospi déplace ainsi l'attention du juge laïque du terrain théorique de la définition et de l'énonciation du vrai et du faux — terrain partagé avec le juge ecclésiastique — à celui, pratique, de la réception des opinions et à ses conséquences sur le maintien de l'ordre public : en d'autres termes, ce qui l'intéresse c'est le pouvoir performatif des mots46.
32Qu'est-ce donc une opinion dangereuse quand elle ne se présente pas sous l'aspect incontestable de l'hérésie ? Cospi distingue neuf différents types de propositions considérées comme suspectes ou absolument condamnables : celles en apparence hérétiques (« quae sapit heresim »), les propositions erronées, les opinions susceptibles « de choquer des oreilles pieuses », les propositions téméraires, scandaleuses, séditieuses, injurieuses, douteuses, le blasphème47. Cette distinction ne se fonde pas sur une séparation de compétences entre les juridictions laïque et ecclésiastique mais sur le contenu des propositions et notamment sur leur force intentionnelle. Que cache une proposition ambiguë, quelle est l'intention réelle de l'individu qui profère une proposition téméraire ? Dans le groupe des propositions suspectes, Cospi classe ainsi les affirmations qui ont en commun l'intention du locuteur de semer le doute et le trouble parmi ses interlocuteurs. Leur force repose essentiellement sur le malentendu : « La proposition qui sent l'hérésie (sapit heresim) — explique-t-il — a apparemment l'aspect de l'hérésie mais lorsqu'on l'entend correctement, selon la piété chrétienne et selon les déclarations des Pères de la Sainte Église et des théologiens, elle contient la vérité. » Au contraire, la proposition erronée, bien que fondée sur une source d'autorité établie, s'en écarte et parvient à une conclusion fausse ; c'est le domaine propre au sophisme, une figure commune au discours religieux ainsi qu'au discours politique : « Il est vrai — observe Cospi — que l'on peut imaginer des propositions erronées dans les matières du gouvernement civil et politique ; par exemple, il se peut que quelqu'un affirme que la république ou le prince n'ont pas le droit de faire de lois nouvelles dans leurs États. Dans ce cas, puisque la proposition intéresse la majesté royale, c'est au juge laïque de la réprimer48. » Les opinions téméraires, celles qui suscitent le scandale ou qui peuvent choquer « des oreilles pieuses », se fondent sur des vérités incontestables mais difficiles, que l'on ne peut « proférer avec trop de liberté sans que le peuple ingénu, dans son intelligence limitée, les perçoive comme mauvaises ». Il s'agirait d'affirmer, par exemple, que « l'Église n'a pas de véritable autorité sur les âmes du Purgatoire », ou alors « que pendant la passion du Christ les apôtres perdirent leur foi ». Le discours juridique semble ainsi avoir intégré la notion de décalage culturel comme facteur indispensable à la conservation du lien politique et il s'est doté également des moyens nécessaires à décourager les fauteurs de doute et de scandale et à circonscrire les occasions de discussion libre sur des sujets non autorisés.
33À un registre différent appartiennent les propositions séditieuses, injurieuses ou les blasphèmes : la justice est ici confrontée à des paroles qui constituent des actes explicites de révolte qui touchent les fondements mêmes de la subordination politique49. « Il est séditieux d'affirmer que personne n'est tenu à obéir à un prélat mauvais ou à un prince méchant : puisqu'on soulève les âmes à la sédition et au schisme [...]. Il est injurieux de critiquer ou de blâmer un prélat ou un religieux en tant que tel et pas comme un homme soumis à l'erreur. » Le cas du blasphème est plus complexe. Cospi n'aborde pas la question du blasphème dit « hérétique » au centre d'un débat doctrinal depuis le Moyen-âge et qui constitue, à la fin du xvie siècle, l'un des domaines principalement intéressés par l'extension de l'activité du Saint-Office50. Son attention se concentre sur le blasphème comme acte d'insubordination contre l'autorité divine, qui se manifeste, d'ordinaire, sous la forme de propos obscènes (turpiloquia) : le juge laïque revendique sous sa propre juridiction ce genre de discours injurieux appartenant à la vaste catégorie du crime de lèse majesté51. Le délit de parole participe ici à plein titre à la définition du délit politique tel que la pratique judiciaire le conçoit et le traite au quotidien.
34Deux lois contribuent notamment à structurer de façon durable, au-delà même de la période médicéenne52, le domaine du délit politique dans l'État toscan. La première, datée de 1542, est dirigée contre le blasphème que l'on qualifie non seulement de violence contre Dieu mais aussi d'attentat contre le prince et la société : un délit primordial, en quelque sorte, à partir duquel « procèdent dans le monde un nombre infini de troubles et des fléaux inopinés53 ». La seconde loi, relative au crime de lèse majesté, punit avec la plus grande sévérité les coupables de « conspiration ou de machination contre la personne du prince ainsi que de ses fils et descendants54 ». Rédigé en 1549 par l'auditeur Jacopo Polverini, ce texte, qui fait largement appel à la délation comme moyen ordinaire pour saisir les intentions occultes des conspirateurs, illustre la nature mentale du délit politique :
Son Excellence [le duc de Florence] est persuadé que ses citoyens bien aimés, ainsi que tous les autres de son vaste et heureux état, sont tout à fait étrangers à cette impiété puisqu'ils ils ont l'esprit droit, qu'ils ont été et sont vertueux et désireux du bien commun : néanmoins, Il considère qu'il se pourrait que quelqu'un, par une inspiration diabolique, pût s'égarer et changer radicalement d'opinion si, une plus grande rigueur et des lois terribles et exemplaires n'empêchaient cette perversion d'esprit55.
35Dans les cas du blasphème et du crime de lèse majesté, la question de la parole criminogène est abordée d'un point de vue différent mais convergent : dans les deux cas, le délit politique est à son origine un délit d'opinion qui se traduit nécessairement dans un acte d'impiété, soit sous la forme d'une parole injurieuse qui se manifeste envers Dieu et, par conséquent, envers le prince, son représentant légitime, soit sous des formes ouvertes ou occultes de révolte, telles que la sédition ou la conjuration56.
36À côté de cette législation majeure, d'autres dispositions visent à dépolitiser et à moraliser l'espace public de l'État toscan, en réduisant drastiquement les occasions où toute parole susceptible d'entraîner un attentat contre le bon ordre de la communauté pourrait se produire. La législation mineure (édits, notifications, ordonnances) devient encombrante et pléthorique : elle constitue à elle seule une espèce de « droit pénal quotidien des pauvres57 », presque un second niveau de légalité, soustrait à la justice ordinaire des juges et confié pour l'essentiel aux méthodes informelles et arbitraires des forces de police, le cas échéant, des « sbires » des Huit de Garde. En 1553 un édit interdit de prendre part aux altercations, prétexte fréquent de « soulèvement et de rassemblement de peuples58 ». En 1566 le législateur bannit le jeu « des rues et des places », cause fréquente « d'énormes blasphèmes » et de « paroles obscènes59 ». En 1570, une ordonnance réprime durement les auteurs de provocations écrites en duel (cartelli) et interdit tout regroupement d'hommes qui intervient aux côtés d'un des protagonistes d'une querelle (quadriglia)60.
37La question du sens et de l'efficacité de cette intense politique de « discipli-nement » de la parole, soulevée par l'historiographie récente, n'est pourtant pas nouvelle. Au terme de sa dissertation sur les discours dangereux, Antonio Maria Cospi s'interroge sur le rôle de la ruse des individus comme facteur imprévisible, qui échappe au regard abstrait du législateur et qui est pourtant susceptible de donner à l'application de la norme une très grand nombre de variantes. L'histoire des deux blasphémateurs impénitents — qui témoigne, par ailleurs, d'une indiscipline du discours latente dans la société toscane — illustre ce point de vue :
Lorsque le Sérénissime grand Côme premier publia la très sainte loi contre les blasphémateurs, un blasphémateur immense, pour ne pas perdre le plaisir qu'il avait d'injurier Dieu et pour éviter les peines prévues par la dite loi, attribua à chacun des boutons de sa veste le nom d'un saint, le premier correspondant à celui de Dieu. Or, à chaque fois qu'il entendait blasphémer contre un saint, il blasphémait et maudissait le bouton qui portait le nom de ce même saint. On entendait un autre blasphémateur, non moins scélérat, qui à chaque fois qu'il était en colère murmurait : « que ces poissons soient maudits ». Et puisque l'un de ses amis le pressait de lui dire ce que signifiaient ces mots, il avoua que lorsqu'il était en colère et qu'il proférait ces mots, il entendait maudire les poissons qui ne dévorèrent pas les jambes de Saint Christophe lorsqu'il transportait le Christ sur ses épaules.
38Entre la norme et son application se situe donc un écart impondérable que le juge doit à chaque fois prendre en compte et essayer de maîtriser en ayant recours notamment à la pratique confidentielle de la délation : « Dans tous ces cas — remarque Cospi —, si le juge peut obtenir une confession extrajudiciaire sur la véritable intention de cet ennemi de Dieu, je suis de l'avis qu'il puisse procéder [contre lui] avec une confession judiciaire assortie de torture, afin de pouvoir lui infliger une peine très sévère61. » L'œuvre de moralisation et de dépolitisation de l'espace public entamée par Côme et poursuivie, avec une intensité sans doute mineure, par ses successeurs doit, bien entendu, se mesurer à chaque instant avec la grande capacité manipulatrice des individus mais, en se situant dans la longue durée, elle compte bien introduire un changement profond des comportements collectifs, en s'appuyant principalement sur la détérioration presque institutionnalisée des solidarités sociales élémentaires.
La discipline de l'écriture
39À la même époque, la formation d'une parole légitime impose au pouvoir politique une attention croissante envers le monde du livre et de la lecture. L'instauration de la censure des livres dans l'État toscan a fait l'objet d'un certain nombre d'études partielles, qui participent, pour l'essentiel, à un discours historique plus vaste, consacré au rôle hégémonique exercé par l'Église catholique dans les États italiens à l'époque moderne. Les enjeux idéologiques outre qu'historiographiques de ce débat ont été largement mis en évidence par des synthèses récentes62. Au-delà de cet horizon historiographique typiquement national et des questions qu'il suscite, il paraît néanmoins de plus en plus légitime de s'interroger sur la pertinence même de la censure des livres en tant qu'objet historique autonome. Au risque de généraliser, les études sur la censure semblent difficilement éviter quelques écueils majeurs. Le premier consiste en une dramatisation presque inévitable de l'objet de recherche : « Il est évident — a-t-on observé récemment — que l'historien ne peut pas vider le mot censure de toute sa charge morale, il ne peut guère se conduire qu'en procureur ou en avocat63. » En deuxième lieu, le terme de censure est souvent utilisé dans un sens trop étroit, « as a negative exercice of power centered in the court64 », un exercice du pouvoir centré principalement, en ce qui concerne le cas italien, autour de l'activité de repérage et de répression de l'illicite en matière d'écriture et d'imprimerie exercée par les congrégations romaines du Saint-Office et de l'Index. D'où une troisième remarque, concernant le caractère implicitement téléologique de cette historiographie : les historiens de la censure des livres traitent un objet pour l'essentiel négatif, ils font l'histoire d'une négation, raison pour laquelle l'histoire de la censure ressemble souvent à une histoire à rebours de la naissance de la liberté de la presse et de l'opinion publique65.
40Par ailleurs, il est possible de remarquer les signes d'un changement significatif de perspective. Cela tient en partie à l'abandon progressif du paradigme dominant de la modernité depuis le xviiie siècle, suivant lequel la lutte contre la censure constitue une étape du progrès victorieux des lumières contre l'obscurantisme religieux et politique66. D'autres raisons rendent envisageable ce renouveau, en particulier une plus grande attention aux caractéristiques des textes censurés, au travail exégétique accompli par les censeurs 67 ainsi qu'aux différents contextes dans lesquels leurs actes s'inscrivent et deviennent significatifs. En dépit de l'approche traditionnelle qui privilégie une histoire des institutions censoriales, les études actuelles se montrent attentives aux interactions plus vastes des pratiques de la censure. Il est ainsi envisageable d'étudier la censure des livres comme une histoire « de la construction des régimes de vérité68 », inséparable des formes moins visibles de sanction ou d'autocensure propres au débat intellectuel, voire comme l'un des mécanismes de légitimation et de dé-légitimation de l'accès au discours public69.
41L'établissement d'un régime de censure des livres dans l'État toscan au cours du xvie siècle est un phénomène complexe qui concerne, plus généralement, la tentative d'imposer une parole légitime dans l'espace public, tout en limitant les lieux et les circonstances où une parole non conforme pourrait s'exprimer. L'effort normatif produit dans le domaine de l'oralité populaire est considérable, nous l'avons vu, et il se poursuit parallèlement dans le domaine de la sociabilité savante, milieu où les réminiscences républicaines sont toujours vivantes et qui se traduisent, entre autre, dans une pratique libre de la prise de parole70. Les lignes de la politique centralisatrice mise en œuvre par Côme sont connues : en 1540 le prince accorde son soutien à l'Académie des Humidi, un groupe assez informel composé de jeunes marchands et d'artisans passionnés de poésie. La protection ducale comporte une institutionnalisation rapide de cette congrégation : en 1541 l'académie change de nom en Accademia Fiorentina, se dote de nouveaux statuts et s'ouvre au monde de l'érudition et des sciences71. Une réforme de 1547, inspirée par la volonté de « remédier à tout inconvénient qui pourrait se manifester » dans la vie académique, poursuit dans cette même direction en modifiant sensiblement les conditions d'accès à l'institution ainsi que les règles de participation aux séances ouvertes au grand public72. Alors que le groupe des fondateurs — parmi lesquels figurent Antonio Grazzini dit Il Lasca et Anton Francesco Doni — trop enclin au discours libre et à la satire, est progressivement marginalisé ou expulsé, les statuts attribuent aux censeurs, nommés par le duc, un pouvoir décisif dans le choix du langage et du contenu des leçons académiques73. À juste titre on a observé, que ce pouvoir d'imposition du silence et de contrôle de la parole orale est tout à fait comparable au pouvoir exercé par les censeurs civils ou ecclésiastiques dans le domaine de la communication écrite74. Une recherche consacrée au milieu des confréries florentines à la même époque a mis en évidence des tendances analogues : restriction drastique de la mixité sociale, réduction des espaces et des opportunités de la prise de parole de la part des membres laïques de ces associations pieuses75.
42On pourrait ainsi multiplier les enquêtes dans des domaines contigus : la mise en place d'un dispositif de plus en plus systématique de censure des livres ne serait finalement qu'un simple aspect d'un changement généralisé d'attitude suivant lequel un nombre considérable de propositions et de représentations, qui étaient auparavant dicibles et acceptables, deviennent progressivement insoutenables, avant même d'être formellement interdites. C'est autour des années trente et quarante du xvie siècle que se situerait ainsi l'apparition d'un nouveau seuil du tolérable, permettant de séparer et de distinguer les niveaux culturels, « d'exclure le monde naturel, les langages quotidiens, la violence et l'indignité de certaines images du regard de la cour et du champ des productions formelles du pouvoir76 ». Si, depuis les observations de Guichardin, l'oralité devient l'un des caractères constitutifs d'une culture authentiquement « populaire », une distinction tout aussi profonde est en train de se produire, à l'intérieur de la communication écrite, entre le livre manuscrit et l'imprimé. Dans l'un des dialogues imaginaires rassemblés dans les Marmi, Anton Francesco Doni fait dire à l'un des protagonistes qu'« imprimer des livres est plébéien, alors que rédiger des manuscrits est noble et honorable77 ». Derrière ce qui s'annonce comme un nouveau partage fonctionnel entre deux catégories du goût et de la pratique savante, Doni laisse entrevoir toute la complexité d'une discipline de l'écriture. Celle-ci s'avère en effet indispensable — nous connaissons ses positions — pour contenir l'accès au livre de la part d'un lectorat issu des milieux populaires.
43L'écriture manuscrite semble par contre circonscrire par défaut, mais aussi par distinction, un espace soustrait ou réfractaire à la norme puisqu'il est solidement lié à la sphère de l'individu, à sa liberté, à sa capacité éventuelle de dissimulation et d'autocensure78.
44En dépit de la variété des formes orales et écrites de « publication » des opinions, destinées longtemps à coexister, il est certain que, dans la période comprise entre la moitié du xvie et la fin du xviiie, l'imprimé « est partout reconnu comme moyen matériel et symbolique de fixer le sens79 ». Cette condition culturellement dominante n'explique pas à elle seule mais elle est sans doute nécessaire à comprendre pourquoi la censure du livre constitue, avant toute autre chose, le lieu hautement symbolique où les autorités qui exercent un gouvernement sur les opinions collectives et individuelles se rencontrent et établissent leurs positions réciproques.
45Les débuts de la censure des livres dans l'État toscan, nous l'avons dit, n'ont jamais fait l'objet d'une étude exhaustive. Cependant, depuis le xviiie siècle, cette phase initiale de la censure a été considérée comme fondamentale pour comprendre les enjeux de ce phénomène. La principale étude sur les origines de la censure toscane est aussi la plus ancienne : elle se trouve dans deux rapports manuscrits, rédigés en 1739 et en 1763, par Giulio Rucellai, l'un des principaux ministres du grand-duc François-Étienne de Habsbourg-Lorraine80. Nous reviendrons sur les circonstances de leur « publication » qui dût rester relativement confidentielle, probablement circonscrite au cercle des collaborateurs proches du souverain, quoique susceptible d'être connue et commentée par un public plus large. Nous nous intéressons ici à ces textes principalement en raison de leur contenu his-toriographique et idéologique, à cause des thèses dont ils deviennent le porte-parole. Rucellai est à l'époque secrétaire de la Juridiction (Regio Diritto), un ministère qui le rend responsable du très gros dossier des relations entre l'autorité du prince et celle de l'Église et qui lui donne accès, entre autre, à de très riches archives qui remontent à l'époque républicaine. Professeur de Droit public à l'Université de Pise depuis 1727, Rucellai est aussi un juriste, un intellectuel formé à l'école de l'érudition toscane, attentif à fonder toute affirmation sur une approche historique et philologique des sources81.
46Le premier document, un rapport exposé lors d'une séance du Conseil de Régence de 1739, se présente dans sa première partie comme un historique de la question de la censure des livres depuis la parution a Florence des premiers livres imprimés jusqu'aux mesures de contrôle des imprimeries adoptées par les grand-ducs au xviie siècle82. Le début de cette histoire joue en effet un rôle fondamental dans la dissertation de Rucellai : sur la base d'une analyse des exemplaires des premières éditions florentines, le ministre affirme l'absence originaire du contrôle préventif sur l'imprimerie : « Il n'est pas de doute — écrit-il — qu'à ses débuts cette industrie fût totalement libre aussi bien du côté du pouvoir séculier que du côté ecclésiastique83. » Rucellai ne se limite pas à soutenir l'idée d'une liberté primordiale et presque inséparable de l'activité (arte) typographique, mais il avance aussi la thèse de la priorité de la censure ecclésiastique :
L'autorité ecclésiastique, qui mieux que tout le monde connaît la force des opinions et leurs effets, a été la première à se rendre compte des conséquences de l'imprimerie84.
47D'où les premières mesures de censure préventive adoptées, selon Rucellai, par Léon X en 1515. Loin d'être occasionnelle, cette affirmation s'inscrit dans le texte comme une sorte de rappel à une source implicite pour ses interlocuteurs : il s'agit, d'une part, du vénitien Paolo Sarpi, figure emblématique des revendications juridictionnalistes contre la toute puissance de l'Église85 ; d'autre part, n'est pas absent des considérations de Rucellai un écho de l'analyse machiavélienne des opinions collectives et leur redoutable force politique. Troisième point évoqué par Rucellai dans son discours au Conseil de Régence, est le caractère tardif et effacé de la censure civile, une condition que l'État toscan partage avec tous les autres États de la péninsule :
Puisque les troubles qui s'étaient produits en Allemagne pour cause de religion avaient fait craindre ailleurs les mêmes conséquences, les souverains convinrent de régler la liberté de la presse et adoptèrent ainsi plusieurs dispositions mais, ce-faisant, ils y mêlèrent aussi les ecclésiastiques lesquels, avec le temps, se sont trouvés dans la condition d'en être presque les arbitres suprêmes86.
48Dans le cas toscan, le moment décisif de cet effacement de la souveraineté du prince coïncide selon Rucellai avec l'acceptation solennelle de la part du Sénat florentin, en 1564, de l'Index du Concile de Trente : en effet, écrit-il « selon un document conservé dans les archives des Riformagioni, il semble que l'on doive fixer à cette époque le principe de l'obligation imposée à tout imprimeur d'obtenir la permission [d'imprimer] de l'évêque ou de l'inquisiteur ».
49Avec sa reconstitution historique Rucellai réalise un double objectif polémique : en premier lieu, il replace la question de la censure des livres dans une perspective de longue durée, capable d'expliquer et de relativiser l'état contemporain des rapports de force entre les différentes juridictions susceptibles d'exercer ce pouvoir (le prince, l'évêque, le représentant local du Saint-Office) ; il inscrit ensuite la question de la censure à l'intérieur d'une querelle politique de caractère plus général : dans son optique l'hégémonie que l'Église exerce dans le domaine de la censure n'est qu'un aspect — hautement significatif — d'une éclipse durable et généralisée de l'autorité civile, incapable de s'imposer dans des domaines tout aussi fondamentaux pour l'autonomie de l'État que la production des biens utiles (les livres) et l'expression des opinions des sujets.
50Dans le document daté de 1763, cette tendance à une lecture instrumentalisée du passé est plus évidente encore. Ce long rapport (rappresentanza) est rédigé par Rucellai à la demande du chef du gouvernement toscan Antonio Botta Adorno dans l'intention de répondre à un bref du pape Clément XIII dénonçant « les injures multiples que l'on fait subir en Toscane à la pureté de la religion en raison de la liberté de penser, d'écrire et d'imprimer87 ». Écrit vingt ans après la publication d'une loi qui modifie en profondeur — nous le verrons — la procédure de la révision des livres en vigueur dans le grand-duché, ce texte constitue aussi une première véritable lecture téléologique de l'histoire de la censure. Celle-ci est conçue comme l'expression d'un vaste projet répressif, cohérent et centralisé dont le principal et unique responsable serait l'Inquisition romaine :
L'Inquisition elle-même, incapable de modifier ses maximes, avec le même intérêt et la même volonté d'être invariable, a dû adapter son zèle aux différentes circonstances politiques de notre époque et se contenter de voir ses nombreux procès, fabriqués par ses tribunaux dans le but qu'ils restent à jamais engloutis dans le silence, rendus librement publics grâce à l'imprimerie, qu'elle n'a jamais pu obliger au secret [...]. L'imprimerie est apparue en même temps que les nouvelles sectes religieuses aux siècles xive et xve [sic]. Elle fut le premier outil capable de divulguer les opinions qui ont si profondément contribué à changer le système politique et ecclésiastique de l'Europe. La cour de Rome, à l'instar des Pères de l'Église qui anéantirent le paganisme en détruisant ses instruments, a cru pouvoir faire la même chose avec les livres puisque ceux-ci étaient la cause immédiate du mal [.]. Dans son immense sagesse, Dieu a permis que tous ces efforts restent sans effets [.]. Les livres ont été interdits mais ils n'ont pas disparu. Ils ont déchiré le voile du Temple : rien n'est occulte, les oracles se sont tus et les laïques peuvent maintenant distinguer entre les prérogatives de l'Église et celles propres à l'Empire88.
51Émanation de l'idéologie de la publicité et de la transparence du pouvoir qui anime le groupe des réformateurs toscans au xviiie siècle, ce texte de Rucellai est également fondateur du canon historiographique qui conçoit l'histoire de la censure comme une lutte pluriséculaire des lumières contre l'obscurantisme religieux89. Il faudra attendre les dernières années pour assister à la mise en place d'une série de recherches qui contribuent résolument à sa révision. Celles-ci répondent généralement à une double exigence : elles visent d'une part à prendre au sérieux l'action du prince dans le domaine de la censure, sans considérer comme acquise la thèse de sa partielle ou totale subordination à l'égard du pouvoir de l'Église. D'autre part, ces études considèrent les Congrégations romaines et en particulier le Saint-Office non pas comme une entité séparée et opposée à l'État mais comme une institution enracinée dans la société civile, qui participe activement aux mécanismes de sélection sociale ainsi qu'à l'exercice formel et informel du pouvoir.
52Sans modifier le paradigme interprétatif mis en place par les réformateurs du xviiie siècle, des recherches érudites menées au début du siècle dernier ont invalidé la thèse, soutenue par Rucellai, de la priorité de l'action de l'Église dans le contrôle des imprimeurs : les premières mesures dans ce domaine ont été civiles et participent à plein titre à la politique d'autonomie juridictionnelle à l'égard de Rome menée par la République florentine au début du xvie siècle90. Cependant, ce qui a contribué à changer la perception historiographique de la censure civile c'est surtout une connaissance renouvelée de la politique culturelle et religieuse de Côme Ier. La volonté précoce du duc de Florence d'affirmer son regard sur la production et la circulation du livre en Toscane, s'inscrit ainsi dans la tradition juridictionnelle républicaine, mais cette politique ne se manifeste pas à travers la production de normes. En effet, pendant toute l'époque médicéenne la censure du prince se caractérise presque par l'absence d'une législation « forte », puisque celle-ci reste longtemps l'une des prérogatives des institutions ecclésiastiques91. Ce n'est sûrement pas un hasard si la seule loi civile sur la censure qui marque de façon retentissante l'espace normatif de l'État toscan est celle de 1743 sur la « liberté de la presse » : elle constitue en effet l'expression d'une inversion significative de tendance par rapport à toute la période antérieure et, pour cette raison, elle méritait d'être solennellement affichée. Cette lacune évidente n'invite pas pour autant à conclure à une faiblesse ou même à une absence de censure civile. Cette dernière vise plutôt à rendre visible la souveraineté du prince dans le domaine du livre à travers une série d'actes qui appartiennent au double registre de l'incitation et de la répression92.
53La condition première pour la réalisation d'une telle politique c'est l'établissement d'un rapport de protection et de confiance avec les imprimeurs, un rapport qui prévoit l'existence de privilèges et parfois de monopoles. Parallèlement à la définition d'un espace académique, où est censée s'exprimer une parole autorisée dans les domaines de la langue, de la littérature et de l'érudition, Côme poursuit la mise en place d'une imprimerie ducale. La question requiert une solution urgente car, depuis 1537, la seule imprimerie d'une quelque importance active à Florence est celle des Giunti, une ancienne famille de marchands liée à la tradition républicaine et savonarolienne. Dans un premier temps, Côme semble pouvoir réussir dans ses intentions en vertu du soutien informel accordé à l'activité typographique d'Anton Francesco Doni. L'expérience est de courte durée et elle se termine avec l'éloignement de Doni de Florence ; toutefois, entre le printemps 1546 et l'automne 1547 de cet atelier sortent tout de même quelques dizaines de titres, dont la plupart témoignent des orientations proches de l'hétérodoxie du prince, de la cour et du milieu de l'Académie florentine93. En avril 1547 Côme favorise l'installation à Florence d'un imprimeur d'origine hollandaise, Laurens Leenaertsz (Lorenzo Torrentino), en le dotant du privilège d'« imprimeur ducal » et du monopole de l'introduction de tous les livres (à l'exception des livres de droit) en provenance de France et d'Allemagne94. Torrentino commence ainsi une activité éditoriale alternant des hauts et des bas jusqu'au début des années 1560.
54La concession du privilège n'est pas sans relation avec l'affirmation de la censure préventive. Une clause du contrat de Torrentino prévoit que rien ne pourra être publié « sans l'autorisation préalable de Son Excellence [le duc de Florence] ou de son représentant, afin que l'on puisse toujours veiller à ce que ces choses soient bonnes et approuvées et pas contraires à la foi ou à Son Altesse95 ». Témoin du caractère fluctuant, voire discrétionnaire de la censure du prince, le magistrat délégué à la révision préventive des manuscrits, ne sera pas toujours le même : dans la seconde moitié du xvie siècle la tâche revient au premier secrétaire du prince ou bien au Magistrat suprême (Magistrato supremo), le principal tribunal de l'État96 ; tout au long du xviie et jusqu'au règne de Jean-Gaston sur le frontispice des manuscrits soumis à la révision paraît la signature de l'Auditeur des Riformagioni, le principal responsable des droits de la couronne. À partir de la moitié des années 1560, la politique de concession du privilège d'imprimeur ducal est abandonnée. Les héritiers de Torrentino se heurtent au refus du prince ; un privilège limité à la publication des lois et des ordres du grand-duc et des magistrats de la ville de Florence est accordé à Giorgio Marescotti en 158597. La seule exception dans ce cadre c'est l'installation à Sienne de Luca Bonetti, un imprimeur qui avait travaillé dans l'atelier de Lorenzo Torrentino, et qui obtient, en 1568, le privilège d'entreprendre son activité sous les auspices du Collegio de Balla, la principale des magistratures républicaines ayant survécu dans le nouvel ordre étatique98. De toute évidence, à cette époque le privilège ne paraît plus un dispositif juridique et politique nécessaire à encourager la production du discours officiel ni un outil efficace à exercer la censure préventive de la part du souverain. Pendant tout le xviie siècle l'auditeur des Riformagioni continue d'accorder des privilèges à des particuliers dans le but de protéger la propriété littéraire des ouvrages sans pour autant que cet acte soit considéré et perçu par les différents acteurs comme une manifestation de la potestas censoria du prince99.
55La question de savoir en quoi consiste le pouvoir de censure du prince et sous quelle forme il se manifeste pendant l'époque médicéenne, soulevée dans un but polémique par Giulio Rucellai au xviiie siècle, garde donc, encore aujourd'hui, sa pertinence historiographique. En première analyse, on peut affirmer que ce pouvoir se définit en fonction de la vaste production normative ecclésiastique en matière de livre et de lecture. À cet égard les études récentes ont souligné des oscillations importantes dans la politique ecclésiastique de Côme, liées principalement aussi bien à un changement d'attitude diplomatique à l'égard de Rome, qu'à sa stratégie dans la lutte contre les hérésies. Les mesures adoptées par Côme contre les livres et les lecteurs hérétiques qui se succèdent notamment dans les années 1550 répondent à une double exigence de rigueur et d'autonomie d'action. Cette ligne politique, illustrée dans une série de rapports adressés au prince par deux de ses principaux conseillers, Belisario Vinta et Lelio Torelli, consiste à affirmer que la répression des « livres hérétiques et d'art magique » constitue l'une des prérogatives essentielles d'un « grand prince catholique », sans que cela implique « l'ordre de Rome ou de l'Inquisition100 ». Les initiatives entreprises en ce sens sont retentissantes et visent aussi probablement, en vertu de leur caractère spectaculaire, à pallier le déficit d'orthodoxie du prince. En 1552 Lodovico Domenichi, un homme de lettres originaire de Plaisance, est condamné par le tribunal des Huit de Garde à dix ans de prison pour avoir traduit et publié « contra leges super impressiones » l'Excuse à messieurs les Nicodémistes de Calvin101. En mars 1559, juste quelques jours après la publication de l'Index « inquisitorial » de Paul IV, Côme ordonne un bûcher public de livres hérétiques sur les places S. Giovanni et Santa Croce102. La publication de cet Index, qui attribue au vicaire du Saint-Office la responsabilité de la séquestration des livres interdits et le pouvoir de remettre aux imprimeurs le permis de publier (imprimatur), restera concrètement sans effet en Toscane103.
56L'élection au pontificat de Pie IV (1559-65) coïncide avec un changement d'orientation de la politique romaine de Côme, désormais convaincu que seul le soutien du pape permettrait l'ascension ultérieure de sa maison. La construction de l'image de prince idéal de la Contre-réforme, oblige ainsi le prince à freiner toute réticence à l'égard de l'établissement d'une juridiction pleine du Saint-Office en Toscane, sans que cela implique, pour autant, l'instauration d'une autorité absolue de l'Inquisition dans la censure préventive. Dans ce domaine il est nécessaire de se méfier de toute généralisation hâtive. En effet, parmi les autorités ecclésiastiques en mesure d'autoriser la publication d'un livre, l'autorité épiscopale garde entièrement sa prérogative pendant plus de deux siècles et demi et les évêques, faut-il le rappeler, sont toujours des Toscans, dont la nomination dépend largement du bon vouloir du prince104.
57La question de savoir qui, entre l'autorité ordinaire diocésaine et l'autorité extra-ordinaire du Saint-Office, après révision de l'ouvrage, est susceptible d'accorder l'imprimatur est donc loin d'être purement formelle : les disputes à ce sujet sont fréquentes et le pouvoir politique y trouve son compte. Ce n'est pas un hasard si les réformateurs du xviiie siècle verront dans ce conflit, souvent latent, l'une des clés pour modifier en profondeur les rapports de force devenus progressivement propices à l'inquisiteur, suite à une série d'actes juridiques formels et, encore plus, d'arrangements tacites. Dans cette même perspective, la décision de Côme de publier, en novembre 1564, les décrets du Concile de Trente, qui deviennent ainsi, de facto, lois de l'État toscan — décision considérée par Rucellai comme le début de l'effacement durable de la souveraineté du prince — n'apporte pas, en ce qui concerne la procédure de révision des livres, de réponses définitives. En effet, l'Index publié en marge du Concile de Trente et qui attribue aux évêques une responsabilité prioritaire dans l'exercice de la censure préventive et répressive, peut être lu, à juste raison, comme une tentative de corriger l'index « inquisitorial » Paul IV, trop sévère pour les imprimeurs et surtout trop favorable aux réviseurs du Saint-Office105.
58La prolifération des normes et leur caractère parfois contradictoire finit par favoriser, chez les libraires et les imprimeurs, l'émergence d'un certain nombre de comportements déviants. C'est dans le but de trouver un remède à cette situation favorable à la transgression et à l'impunité que l'inquisiteur général de Florence, en octobre 1570, demande à l'autorité grand-ducale de veiller à un respect strict des dispositions de l'Index de 1559 en matière de censure préventive et répressive. L'avis exprimé sur cette affaire par Lelio Torelli, Auditeur de la Juridiction et l'un des plus proches collaborateurs du prince, est représentatif des position officielles du gouvernement toscan en matière de censure préventive. Dans ce rapport détaillé adressé à François Ier, Torelli se montre inflexible sur la nécessité d'éviter d'entériner les règles de l'Index de Paul IV, puisque cette décision aurait comporté la fin pure et simple d'un bon nombre de libraires et d'imprimeurs. En revanche, le secrétaire du prince ne voit pas d'inconvénients majeurs à l'instauration d'un contrôle inquisitorial direct et occulte sur les professionnels du livre :
Son Excellence [l'Inquisiteur] devrait à ce propos consacrer toute son attention et son zèle à création d'informateurs et d'espions secrets et publics de façon à faire obstacle à tout inconvénient sans pour autant troubler le confort de ceux qui ont besoin de livres, de sorte à éviter également la faillite de ces malheureux libraires106.
59Même si cela peut sembler paradoxal, l'autorité politique est donc disposé à des concessions, même substantielles, lorsqu'il s'agit du contrôle rapproché des sujets du prince, mais la censure préventive reste un domaine fortement conflictuel, où la priorité du Saint-Office n'est pas acceptée facilement. On peut considérer le synode florentin de 1573, présidé par l'archevêque Antonio Altoviti, comme une démonstration ultérieure de la tendance « épiscopaliste », favorisée plus ou moins ouvertement par l'autorité politique en matière de censure. En effet, le synode rappelle l'interdiction d'imprimer tout exemplaire manuscrit « quod Episcopi aut inquisitores accuratam discussionem, et probationem, quae gratis dentur, non habuerit107 ». Le texte prévoit donc une seule révision, soit de la part de l'inquisiteur, soit de la part de l'évêque, tout en attribuant à ce dernier la responsabilité ultime d'authentifier l'imprimé avant qu'il soit mis en vente et de conserver un exemplaire de l'ouvrage dans ses archives. La formule « con licenzia de' superiori » (avec la permission des supérieurs), de plus en plus courante sur les frontispices des éditions toscanes à partir de la fin des années 1570, témoigne de la marge d'appréciation laissée aux imprimeurs face aux obligations de la censure préventive108. De son côté, le pouvoir politique semble entretenir cette ambiguïté fondamentale : le grand-duc François emploie en effet la même formule en 1580 lorsqu'il charge Lionardo Salviati de publier une version lourdement expurgée du Décaméron autorisée par les superiori ecclesiastici109.
60Les quelques interventions épisodiques du prince dans ce domaine, loin de vouloir affirmer un principe abstrait de liberté ou de laïcité, contribuent plutôt à accentuer le caractère flou de la législation en vigueur, une condition dans laquelle chaque acteur de ce système semble finalement trouver son compte. À juste titre, dans son manuscrit de 1739, Rucellai relève que, en matière de censure préventive, confronté aux autres États de la péninsule, le pouvoir séculier n'avait cherché à produire en Toscane, « aucun acte [juridique] solennel110 ». En effet, le cadre normatif de l'État toscan ne permet pas de comparaisons significatives notamment avec Venise, où la législation en vigueur, la plus développée dans ce domaine, prévoit la double révision (inquisiteur et réviseur laïque) de tout ouvrage tout en réservant au réviseur nommé par l'autorité civile le privilège décisif d'accorder la permission d'imprimer111. Malgré son importance, Venise n'est pas un cas significatif du contexte censorial italien : toutefois son exemple, en raison de son caractère extrême et inapplicable ailleurs, constitue une sorte d'épouvantail polémique toujours à la disposition des princes italiens.
61Aussi, lorsqu'en 1591 le grand-duc Ferdinand Ier, agacé par les prétentions de l'inquisiteur, demande expressément à l'un de ses ministres d'adopter la procédure de révision des ouvrages en vigueur à Venise (intendasi quello s'usa in Venezia et il medesimo facci), son intention, plus modestement, vise à remettre en question l'usage, devenu courant dans la pratique des imprimeurs, de demander la permission ultime au représentant du Saint-Office112. Communiquée directement aux cinq principaux imprimeurs de la capitale, la notification de novembre 1591 rappelle — sous peine de confiscation de l'ouvrage — le caractère obligatoire de la révision et de la permission de l'auditeur des Riformagioni. Se situant en dernier, cette révision constitue une espèce de ratification de la révision effectuée par l'inquisiteur ou par l'évêque, voire par les deux séparément. Indice probable de sa faible réception, la notification est à nouveau adressée aux professionnels du livre en 1606 : dans cette circonstance, le texte émane de l'auditeur fiscal Pietro Cavallo, le ministre responsable de l'ordre public et il prévoit notamment une aggravation des sanctions à l'égard des transgresseurs113.
62Quoiqu'il en soit, il paraît difficile de voir dans ces dispositions le geste fondateur d'une censure civile qui affirmerait son indépendance à l'égard de la censure ecclésiastique114. Par leur caractère non public et presque confidentiel, ces textes semblent plutôt appartenir à la catégorie de la normative mineure à caractère préventif, dont l'application est ensuite confiée aux méthodes extra-juridiciaires et informelles des forces de police. La menace de la sanction agit comme un avertissement dans un milieu professionnel caractérisé par une certaine éthique du secret, fortement structuré sur la base de relations personnelles avec les représentants du pouvoir politique et spirituel, dont les commandes étaient — il n'est pas superflu de le rappeler — la principale et parfois unique source de revenu des imprimeries. Les mesures de censure préventive adoptées sous Ferdinand Ier s'inscrivent en outre dans un contexte de solidarités de métier qui paraît déjà à cette époque structuré de façon presque « organique » sur la base d'un rapport de dépendance à l'égard de l'Inquisition : il suffit de rappeler, par exemple, que les imprimeurs florentins appartiennent, par leur statut professionnel, à la congrégation de la Nativité de Notre Seigneur, laquelle est soumise « au contrôle paternel mais stricte du vicaire du S. Office115 ». Il n'est donc pas surprenant de constater que, dans ce monde d'artisans et de croyants, les normes intériorisées de la censure ecclésiastique constituent un appel probablement plus efficace que les dispositions tardives et éphémères du pouvoir politique116.
63Au risque de simplifier, il est possible d'affirmer qu'au cours de la première moitié du xviie siècle s'impose dans l'État toscan un dispositif de censure préventive fondé sur la priorité tacite mais effective, reconnue par les autres acteurs institutionnels, de l'inquisiteur et cela en dépit des règles synodales et même des dispositions de l'Index de Clément VII (1596), qui attribue au réviseur du Saint-Office et à celui du diocèse des compétences égales117.
64Sur le frontispice d'un ouvrage de 1623 Rucellai constate la formule suivante, utilisée par le vicaire de l'archevêque de Florence : « imprimatur si placet admodum R.P. Inquisitori », et après cette date, observe-t-il, « il y a toujours la permission de l'un et de l'autre118 ». Intervenant en dernier dans la révision de l'ouvrage, l'Inquisiteur s'est donc progressivement approprié la prérogative de remettre la permission d'imprimer. Un examen du fonds des manuscrits « revus en vue de publication », conservés à partir de 1595 jusqu'à la première moitié du xviiie siècle dans les archives du S. Office de Florence, confirme cet usage119. L'auditeur des Riformagioni, selon la règle établie en 1606, intervient effectivement dans la procédure de révision, toutefois son agrément se manifeste presque toujours par un vidit, formule considérée, avec raison, au xviiie siècle comme peu conforme à exprimer l'autonomie et la dignité de la censure du prince.
65Sans subir de modifications substantielles, cet équilibre restera en vigueur pendant plus d'un siècle, jusqu'aux années 1740. Derrière ce statu quo et ces questions à première vue d'étiquette, on aperçoit facilement d'autres phénomènes majeurs qui concernent la société et la culture toscanes au xviie siècle. En premier lieu, l'enracinement capillaire « jusqu'aux périphéries institutionnelles les plus reculées de l'État toscan » de la police inquisitoriale120. Le Saint-Office bénéficie dans la société toscane d'un prestige durable infiniment supérieur à celui de toute autre institution civile et ecclésiastique, dont le système de censure préventive est, en quelque sorte, un révélateur important. En second lieu, cet état de fait est le résultat du conformisme des intellectuels. Notamment après le « scandaleuse affaire Galilée », toute possibilité d'opposition ouverte à l'autorité de l'Église s'amenuise et devient, en tous cas, peu significative par rapport à des formes plus ordinaires, quoique moins facilement détectables, de dissimulation et d'autocensure121. Dans la pratique quotidienne de la censure, le vicaire du S. Office fait régulièrement appel à des « consulteurs » laïques pour revoir les ouvrages à caractère littéraire ou scientifique. La logique du compromis, de la complicité et de l'échange des compétences entre les différents réviseurs l'emporte largement sur les oppositions frontales au nom de principes juridictionnels abstraits. On peut certes considérer le texte publié comme « le fruit de négociations intenses, le produit pour ainsi dire collectif d'un art diplomatique raffiné et pointilleux122 ». Cela n'empêche pas, pour autant, de considérer la censure toscane au cours du xviie siècle comme une censure essentiellement « mixte », fondée sur un ensemble de valeurs et de pratiques largement partagées. L'orthodoxie, l'opinion droite, que le geste du censeur accomplit, est indissociable de l'appartenance à une culture commune à laquelle participent clercs et laïques et que nombre de conflits ou de micro-conflits n'ébranlent pas, une culture « fière de sa tradition littéraire et de l'outil linguistique qui en était le produit et le symbole le plus illustre123 ». Une culture, finalement, que l'on peut difficilement concevoir séparément de la censure, cette « censure innocente et mesurée, si profitable aux sciences » dont le jésuite Antonio Possevino fait l'apologie dans sa Bibliotheca selecta124.
66Conçue initialement comme une extension inédite de la souveraineté du prince, la censure réalise maintenant ses potentialités grâce à l'apport déterminant de l'autorité spirituelle. L'utopie absolutiste d'aller sonder « le secret des mœurs et de la nature des hommes » (Ammirato) de s'emparer des « sentiments et [des] pensées » des sujets (Botero), trouve notamment dans le domaine de la lecture son aboutissement le plus spectaculaire.
La discipline de la lecture
67Le domaine de la lecture reste pourtant étranger à la sphère normative du pouvoir civil. Rucellai le rappelle dans son mémoire de 1763 conçu comme une réponse à l'accusation concernant la liberté « de penser, d'écrire et d'imprimer », jugée excessive en Toscane par le Pape Clément XIII. Rappelant un lieu commun du droit romain, Rucellai soutient l'inaptitude des lois du prince à l'égard du premier chef d'accusation :
Lorsque le Saint Père parle de la liberté de penser, j'estime qu'il faut entendre par là la liberté de parler car, tandis que dans le système de la religion chrétienne, dans le for intérieur de la conscience est au même titre digne de récompense et de peine aussi bien les pensées que les œuvres, dans le for extérieur et en relation aux peines temporelles, comme l'observe savamment Grotius dans le De jure bello et pacis [...], on doit s'en tenir à la décision des jurisconsultes romains citée par Ulpien [...], selon laquelle « cogitationis poenam nemo patitur125 ».
68Les pensées, donc, ne sont pas susceptibles de sanction. Deux siècles auparavant, nous l'avons vu, Giovan Francesco Lottini, utilise le même type d'argument pour indiquer les limites infranchissables de l'efficacité de la loi civile126. Quelles sont les conséquences de cette limitation ? Doit-on voir dans cette condition un gage de liberté pour le lecteur ou bien, tout au contraire, un prétexte permettant l'acceptation partielle ou intégrale de la norme religieuse de la part de l'autorité politique ?
69Difficile de savoir, par exemple, si le point de vue exprimé à ce propos par l'Auditeur de la Juridiction Lelio Torelli est représentatif des positions du gouvernement toscan. Dans une lettre de 1562 à l'archevêque de Raguse Ludovico Beccadelli, un adversaire tenace de l'Index de Paul IV, Torelli explique qu'il faudrait
révoquer cet Index car insensé, mauvais et scandaleux et faire par la suite un décret pieux et mesuré suivant la tradition ancienne de l'Église laquelle a permis la lecture des livres qui n'ont pas été écrits par des hérétiques ex professo, c'est-à-dire les livres où l'on peut apprendre les langues, les sciences et d'autres disciplines. En ce qui concerne ensuite l'immoralité et l'obscénité, il faut laisser les lecteurs face à leur conscience, ainsi qu'ils l'ont été par le passé, puisque l'Église s'était contentée de confier cette tâche aux évêques, aux prédicateurs et aux confesseurs127.
70Éminemment morale, la question de la liberté du lecteur est néanmoins intrinsèquement politique puisque sa solution implique, indirectement, une définition des limites de souveraineté du prince. La réponse qu'on apporte à cette question récurrente au xviiie siècle, nous le verrons, est de nature à contredire profondément la solution progressivement envisagée et mise en place dans l'État toscan au xvie siècle. En principe, en ce qui concerne l'État, les pensées ne sont pas susceptibles de peine si elles ne comportent pas d'effets nuisibles. Cependant, il ne faut pas oublier que la loi du prince — notamment la loi de 1549 sur les conjurations — fait référence à la sphère de la conscience en tant que lieu privilégié où toute pensée peut se transformer, « par inspiration diabolique », en opinion criminogène128. Rien n'empêche de croire que cette inspiration puisse se produire principalement à partir de mauvaises lectures. Le binôme hérésie-sédition, si évident et opératoire dans la législation criminelle de Côme Ier, ne favorise pas la sauvegarde de la neutralité de la conscience ni, par conséquent, la liberté intime du lecteur. C'est probablement pour cette raison que l'Index de Paul IV, qui suscite de fortes résistances de la part des autorités politiques en ce qui concerne la procédure de révision des ouvrages, peut s'affirmer sans trop de difficultés comme règle fondamentale dans les domaines de la lecture et de la circulation du livre. Le changement qui se produit dans le régime de la lecture entre la première et la seconde moitié du xvie siècle est profond. En 1587, le médecin et philosophe florentin Paolo Mini considère la liberté de lire comme une condition désormais entièrement révolue :
Rares sont les auteurs profanes dont les œuvres ne sont pas sans épines et maintenant que [ces auteurs] sont interdits par ceux qui en ont le pouvoir, [les lecteurs] n'y touchent pas, donnant ainsi plus de crédit à la censure d'autrui qu'à leur propre jugement129.
71Le dispositif normatif mis en place par le Saint-Office est assez complexe. Parallèlement à l'Index, en janvier 1559, une bulle de Paul IV impose à tous les confesseurs d'interroger les fidèles à propos de leurs lectures et les oblige, en même temps, à dénoncer les éventuelles lectures interdites dont ils ont connaissance. En outre, le vicaire de l'Inquisition est le seul habilité à accorder l'absolution pour les péchés relatifs à cette matière130. En février 1559, le cardinal Michele Ghislieri publie, l'Instructio circa Indicem librorum prohibitorum, une annexe à l'Index qui attribue aux inquisiteurs ou à leurs vicaires la responsabilité de vérifier la présence et la circulation des livres interdits. Cette nouvelle obligation comporte l'inspection périodique des libraires, la vérification des inventaires post-mortem préalable à la mise en vente des livres du défunt, le contrôle des marchandises aux frontières de l'État131.
72L'application de ces dispositions a été sans aucun doute progressive. Les protestations vigoureuses des libraires ont bénéficié, dans un premier temps, du soutien de l'Auditeur de la Juridiction. C'est pour cette raison qu'en 1570, l'inquisiteur de Florence rappelle le grand-duc au respect stricte des dispositions de l'Index de 1559132. En 1589, l'assemblée du diocèse de Florence renouvelle l'obligation de perquisitionner périodiquement les libraires et les imprimeurs ; à cet effet, deux « examinateurs » sont mandatés par le « vicaire », sans préciser s'il s'agit de celui du S. Office ou de celui de l'archevêque : ce qui constitue probablement un signe de la faible application cette norme133.
73Dans la période suivante, le mécanisme de contrôle de la circulation du livre semble suivre son fonctionnement sans rencontrer de difficultés majeures. La correspondance entre l'inquisiteur de Florence et ses supérieurs de la Congrégation du S. Office et de l'Index met en évidence la publication régulière, dans le territoire des différents diocèses, des Index et des mises à jours des listes des livres nouvellement interdits134. De l'autre côté de la structure hiérarchique, les vicaires nommés dans des localités périphériques de l'État envoient régulièrement à Florence les livres confisqués et vérifient que le clergé des paroisses assure la publication des édits des congrégations romaines. Le repérage du livre interdit est une activité que les représentants du S. Office exercent avec la maîtrise d'un pouvoir qui semble définir au fur et à mesure ses limites. Dans une lettre de juin 1617, le vicaire d'Arezzo demande à son supérieur florentin de lui suggérer « quelques expédients » pour pouvoir vérifier et parafer tous les livres qui sortent de la ville — une mesure de toute évidence ignorée par les douaniers — et, par là même, il s'interroge sur la possibilité d'inclure dans sa sphère de compétence non seulement les livres mais aussi les « images et les tableaux obscènes » possédés par les particuliers135. L'incertitude qui entoure la norme participe, en somme, de façon concrète à son application, c'est-à-dire à sa perception et probablement aussi, à son efficacité.
74Le dispositif normatif concernant le livre et la lecture mis en place en 1559 n'a jamais été remis en cause : en d'autres termes, on est ici confrontés à un cas de longévité législative tout à fait extraordinaire dans les systèmes juridiques d'ancien régime. Cette longévité se fonde, entre autre, sur un discours juridique qui demeure largement inchangé. Par exemple, dans un édit publié en décembre 1717, l'Inquisiteur général du S. Office de Florence Vincenzo Conti utilise toujours les mêmes arguments et les mêmes dispositifs rhétoriques qui caractérisent la phase initiale de la lutte contre l'hétérodoxie. Cette mesure est motivée par l'urgence d'empêcher que « s'enracine et se diffuse la peste de l'hérésie » et à cette fin on ordonne, sous un délai de douze jours, de remettre au S. Office tous les livres interdits. La disposition vise tant les particuliers que les professionnels directement concernés par « l'introduction, l'exportation, la possession » du livre : imprimeurs, libraires, petits revendeurs ambulants jamais complètement encadrés dans l'organisation corporative du métier du livre. La loi religieuse exerce son pouvoir de contrainte faisant principalement appel — selon un module discursif qui a fait ses preuves — au devoir de délation du bon chrétien, qui ne fait qu'un avec les devoirs du bon sujet :
Car, de même que celui qui renseigne le prince des indices de peste dans la cité mérite le titre de bon sujet et de citoyen défenseur du bien public, de même celui qui renseigne l'Église mérite le titre de bon chrétien et de défenseur de la Sainte Foi catholique136.
75Au cours de la première moitié du xviiie siècle, aucune mesure du pouvoir civil ne remet ouvertement en cause l'autorité spéciale de l'Église sur la circulation du livre et sur la lecture. Véritable tournant dans l'histoire de la censure préventive, la loi de 1743 de François-Étienne de Habsbourg Lorraine sur la « liberté de la presse » ne consacre pas un seul paragraphe à cette question pourtant fondamentale : un silence significatif, sur lequel il conviendra plus tard de s'interroger.
76En revanche, les conditions de publication et de réception de la norme religieuse changent progressivement. La correspondance des vicaires avec l'Inquisiteur général de Florence fait état de difficultés croissantes, qui résultent, entre autres, de la résurgence des mésententes traditionnelles et jamais apaisées entre le clergé séculier et les émissaires du Saint-Office. En 1750 le vicaire de Sestino, une localité reculée de l'Apennin central, sillonne le territoire des paroisses de sa circonscription dans le but de vérifier la publication des édits du S. Office : « La plupart [des prêtres] m'ont bien accueilli — écrit-il —, mais quelques-uns semblent s'en moquer et ils m'ont rappelé que le S. Office n'a pas sa place dans cet endroit, auxquels j'ai répondu que nous sommes catholiques et que nous n'avons pas à croire à de telles choses puisque la Sainte Foi aura toujours lieu d'être137. » L'épisode rapporté en 1757 par le vicaire du S. Office de Pistoia est encore plus symptomatique de ces difficultés croissantes. Lorsque ce dernier demande à l'évêque de pouvoir afficher dans la cathédrale le décret de condamnation de la Pucelle d'Orléans de Voltaire, selon les dispositions reçues par son supérieur florentin, la réponse qu'il reçoit est un brusque rappel à la réalité : « Il a voulu lire votre lettre et il a aussitôt ajouté qu'il fallait bien que l'on comprenne que l'Inquisition n'était plus celle d'avant et que maintenant, nous autres ne comptons plus rien138. » Parfois, la publication des édits était même suivie par leur dégradation symbolique : en 1755, l'Auditeur général de Sienne Giulio Franchini Taviani remarque dans un rapport adressé aux membres du gouvernement, que « les édits du S. Office ont été affichés et aussitôt déchirés et arrachés au milieu d'injures139 ».
77Cette perte progressive de prestige et de légitimité publique des ordonnances du S. Office en matière de livres et de lectures interdits, ne constitue pour autant que la partie visible d'un processus d'enracinement de la norme dont le théâtre désigné est la sphère privée et intime du lecteur. Par rapport à la loi du prince, la norme religieuse, on le sait, vise à comprendre les opinions et à contraindre les consciences. À l'origine des procédures judiciaires mises en place par les représentants du Tribunal romain à l'encontre d'un grand nombre de lecteurs anonymes, on trouve en effet, pour l'essentiel, le double cas de figure de la délation et de l'auto-dénonciation, deux comportements considérés comme le signe d'une appropriation profonde et d'une intériorisation massive de la norme. Cette spécificité est sans doute aussi la raison principale de sa vitalité dans la longue durée, au delà même de l'épuisement de la dynamique politique et institutionnelle qui avait contribué à sa mise en place, en pleine Contre-Réforme.
78On peut considérer les autorisations de lecture de livres interdits, délivrées aux particuliers pour des durées limitées et pour un nombre restreint d'auteurs et d'ouvrages, comme un terrain privilégié pour évaluer l'efficacité de la norme religieuse. À partir de 1559 les autorisations concédées par les autorités religieuses locales sont supprimées et la procédure est centralisée à Rome140. La mesure de restriction est ensuite confirmée en 1595. Au représentant local du S. Office est donc réservée une tâche purement administrative — constamment mise à jour tout au long du xviie siècle par les missives des secrétaires des congrégations romaines — consistant à canaliser les demandes d'autorisation et à tenir un registre de tous les bénéficiaires141. Faute d'une analyse systématique des autorisations, réalisée à partir des fonds récemment ouverts des archives romaines de l'Index et du S. Office, la compréhension de ce phénomène reste largement fragmentaire et concentrée, pour l'essentiel, sur l'étude d'un certain nombre de cas significatifs142. Concernant le cas toscan, Il est possible tout de même d'affirmer qu'au cours du xviie siècle le fonctionnement de ce dispositif n'enregistre pas de problèmes majeurs. Bien entendu, les autorisations ne nous disent rien sur la présence d'ouvrages interdits et sur leurs éventuels destinataires, cependant elles témoignent du consensus qui entoure la norme. Sans exceptions, les savants se soumettent à une procédure qui s'avère longue et qui parfois se termine par un échec partiel ou total143. Les originaux des autorisations conservés dans les archives du S. Office de Florence concernent des personnages en vue, issus de l'aristocratie, de la cour144, et même certains hauts fonctionnaires qui entourent le prince : c'est le cas de Ferrante Capponi, secrétaire de la Juridiction sous Côme III qui obtient en août 1660 une autorisation de lecture très étendue145. Ainsi, au-delà de sa fonction immédiate — qui consiste à rendre disponibles des connaissances soustraites au circuit intellectuel ordinaire — l'autorisation de lecture constitue principalement un acte qui marque l'appartenance à une communauté d'individus et de valeurs.
79Au cours du xviiie siècle, les autorisations se raréfient sans pour autant disparaître complètement. Les cas résiduels méritent donc une attention particulière. Un cas permet, en particulier, d'illustrer comment un lecteur laïque cultivé a pu s'approprier concrètement, au siècle des Lumières, l'interdit religieux en matière de lecture. Pietro Maria Tempesti est un noble de la petite ville d'Empoli, chevalier du prestigieux ordre militaire de S. Étienne qui a exercé, entre autres, la fonction de représentant du prince (commissaire) à Poppi et à Terra del Sole, deux localités périphériques de l'État toscan146. En avril 1750 Tempesti adresse une longue lettre à l'Inquisiteur de Florence dans le but d'obtenir des éclaircissements sur sa conduite de lecteur147. À cette époque Tempesti possède déjà une autorisation de lecture limitée aux livres de littérature et de poésie (retinendi et legendi libros poeticos, rhetoricos), mais il la trouve inadaptée à ses exigences :
Je supplie Votre très bonne et révérende Paternité de bien vouloir m'accorder votre attention, car cette nouvelle incommodité que je vous procure est occasionnée par le désir très vif que j'ai de parcourir une voie sûre et de ne pas m'éloigner du droit chemin, que je souhaite ne devoir jamais abandonner. Je vous prie donc, avec le plus grand respect, de bien vouloir m'avertir si je peux, en toute bonne conscience, à chaque fois que cela me plaît, me prévaloir de l'autorisation de lire des livres interdits et de les lire même sans aucun besoin et par curiosité, sachant que dans l'explication qui accompagne l'autorisation je trouve ces mots : « Le chevalier Pietro Tempesti ayant besoin de se procurer différentes informations... » Ainsi, pour ma tranquillité, je souhaite savoir si, sans aucune nécessité et seulement a titre d'amusement permis, je peux lire des livres interdits148.
80Dans sa demande d'explications, Tempesti exprime la curiosité de lire le Décameron dans la version non expurgée et de consulter certaines exemplaires des Vitae patrum non comprises dans l'Index mais qui contiennent des auteurs enclins à l'arianisme. D'où ses scrupules, qui laissent entrevoir un lecteur non seulement désireux de se conformer aux prescriptions de la norme religieuse mais de l'interpréter dans un sens encore plus restrictif :
Pour conclure j'aimerais bien savoir s'il y a obligation de faire à chaque fois une recherche dans l'Index ou bien s'il faut demander au vicaire du S. Office si tel ou tel autre ouvrage est interdit ou pas, et encore si l'on tombe dans le pêché lorsque l'on entend dire qu'un ouvrage est interdit et que malgré cela on le lit quand même.
81On dirait une lettre rédigée un siècle auparavant. Rien ne semble apparemment perturber les certitudes en matière de censure de ce lecteur laïque et, de surcroît, serviteur du prince : ni les positions en faveur d'une autonomie légitime du savoir non religieux de la censure ecclésiastique — exprimées dans certains milieux de la culture catholique au début du siècle (notamment par Ludovico Antonio Muratori dans le De ingeniorum moderatione) 149— ni la parole du prince, qui, selon la loi de 1743 sur la censure préventive, affirme la nécessité et la légitimité d'une circulation libre des connaissances.
82Un document postérieur de vingt-trois ans rend le cas Tempesti particulièrement digne d'intérêt. Il s'agit d'une dénonciation signée par Biagio del Vivo, un chanoine de la cathédrale d'Empoli, docteur en théologie et confesseur personnel du noble toscan150. En février 1773, l'ecclésiastique se présente au vicaire du S. Office d'Empoli suivant la procédure, très courante surtout avant la période de Pâques, de l'accusation expiatoire (« petens audiri in Sto Officio pro exonera-tione propriae conscientiae »). La longue déposition constitue principalement une tentative de trouver une explication à la conduite anormale, à une sorte d'ambivalence dans les pensées et dans les actes de Tempesti, exacerbée par des crises violentes d'apoplexie. Pathologie du corps et maladie de l'esprit s'entremêlent et contribuent à faire de cet individu singulier un cas qui interroge l'autorité religieuse. La dénonciation est motivée par un « soupçon d'hérésie » et elle retrace, tout d'abord, sur une période de quelques années, les lectures de l'accusé. Del Vivo se rappelle que, lors d'une « conversation amicale », qui a eu lieu sept ou huit ans auparavant, Tempesti a affirmé avoir lu
la Pucelle d'Orléans, le Coran [...] et dans la même occasion il me dît avoir lu le Lucrèce de Marchetti et l'Adone du chevalier Marino 151 et il y a environ trois mois il me cita par cœur quelques passages, par ailleurs très honnêtes, de l'Adone ; concernant Lucrèce il donnait l'impression d'en parler comme s'il s'agissait d'un livre lu par lui même [.]. À l'occasion d'une de mes visites, il me dit que lorsqu'il était à Florence, il avait demandé au libraire Monsieur Buchard [= Bouchard] s'il avait le Dictionnaire de Voltaire, un livre, selon son avis, parmi les plus impies, et qu'on lui avait répondu que seulement huit jours auparavant on aurait pu le satisfaire mais que maintenant le livre n'était plus disponible car il l'avait donné à Son Excellence Neri152. Par la même occasion, il me montra aussi sur son chevet les Colloques d'Erasme de Rotterdam me laissant entendre, par ailleurs, qu'il avait l'autorisation pour les lire153.
83Le cadre des lectures du noble toscan tracé par le confesseur donne une image plutôt cohérente des goûts intellectuels de Tempesti : Lucrèce, Mahomet, Voltaire, le Chevalier Marino, Erasme, constituent des références qui peuvent justifier une critique radicale de l'Église, voire du fait religieux, considéré dans l'optique de l'imposture ou du mensonge utile. Tempesti se situerait ainsi, vraisemblablement, dans le sillage d'une tradition de libertinage érudit qui s'impose soudainement à l'attention des autorités religieuses toscanes dans les années 1740, lors d'une affaire liée à la sociabilité de type maçonnique154. Certaines affirmations recueillies lors d'une crise de sa maladie semblent confirmer cette hypothèse.
À plusieurs reprises, peut-être sept ou huit ou dix fois, je l'ai entendu maudire le temps [présent], le mal, le jour de sa naissance et [je l'ai entendu dire] trois fois au moins qu'il eût été mieux pour lui de naître Turc et un jour il a nié l'immortalité de l'âme et la religion toute entière ; parfois il m'a dit qu'il eût été mieux pour lui de naître cheval et il m'a donné plusieurs signes de ne pas craindre les peines de l'Enfer [...]. Une fois il m'a dit que ce n'est pas une bonne chose de mériter le Ciel à travers des souffrances et puisque je l'ai réprimandé, il ajouta qu'il disait ce que lui dictait la raison ou bien ce que la raison semblait lui dicter155.
84Esprit fort et lecteur soucieux des interdictions romaines, voici l'entre-deux dans lequel se situe Pietro Tempesti. Cette désagrégation violente des actes et des curiosités intellectuelles est ainsi résumée par son confesseur : « Il m'a donné plusieurs signes d'une grâce puissante qui le poursuit et l'on voit clairement dans cette maladie le combat entre la tentation et la grâce, et alors que celle-ci le gagne, l'autre l'empêche et essaye de le gagner à son tour [...]. »
85Malgré son caractère singulier, ce témoignage permet d'illustrer le coté opératoire de la norme religieuse en matière de lecture, bien au-delà du clivage histo-riographique représenté par l'avènement des Lumières. Il serait bien sûr insensé d'affirmer que la loi ecclésiastique garde entièrement son efficacité au xviiie siècle. Sa disparition progressive, aussi bien dans l'espace public que dans l'espace de la conscience, est corroborée par toute une série de lecteurs laïques qui manifestent leurs mépris envers ces règles ressenties comme vexantes et anachroniques. Rien n'exprime mieux ces positions largement partagées dans le monde savant que Giuseppe Pelli dans son journal intime. Pour ce lecteur avide de nouveauté, quoique ouvertement respectueux des croyances communes, le cycle historique inauguré emblématiquement par le bûcher de livres hérétiques, voulu en 1559 par Côme Ier, paraît désormais entièrement achevé :
Oh combien on pense maintenant différemment sur ce sujet ! Nous ne saurions être aujourd'hui si dociles aux commandements du pape, puisque nous ne saurions pas nous persuader qu'il ait autant d'autorité qu'il s'arroge. Je suis incapable de me rendre juge dans une si grande dispute, de telle façon que dans mon particulier je me règle selon mes sentiments particuliers et je laisse que les autres pensent à leur guise. Je crois que certains livres sont interdits au grand nombre en raison de sa nature, mais j'estime que tous ceux qui ont l'esprit de discernement et qui étudient par profession puissent tout lire selon leur besoin156.
86Formulée par Lelio Torelli en 1562, la question fondamentale de la liberté intime du lecteur est donc à nouveau d'actualité dans la seconde moitié du xviiie siècle. La décomposition de l'appareil coercitif du Saint-Office laisse théoriquement chaque lecteur seul face à ses doutes et à ses croyances. Si l'on peut raisonnablement croire que, pour un certain nombre de lecteurs, cette liberté retrouvée se traduit dans la volonté de lire et de discuter librement, pour d'autres, la sphère intime, fortement confessionnalisée, continue d'être le lieu par excellence du jugement de l'(auto) critique. Parfois, comme le montre le cas de Pietro Tempesti, les deux options peuvent subsister dans un seul et même individu. En outre, pour toute une vaste catégorie de lecteurs issus de milieux modestes ce choix ne se pose même pas et le confesseur continue de représenter, tout au long du xviiie siècle, l'interlocuteur privilégié en matière de lecture157.
87L'effacement inéluctable de la norme religieuse en matière de lecture a sans doute permis l'émergence d'un nouveau type d'espace public, fondé sur la mise à distance de l'interdit inquisitorial. Mais quels sont les limites et les enjeux qui le rendent possible ? Comme le fait remarquer Giuseppe Pelli, le déclin de l'interdit religieux n'est pas valable universellement : une distinction fondamentale doit continuer d'exister entre le « grand nombre » qui, « par sa nature même » mérite l'interdit et le petit nombre doté, selon une formule digne de Guichardin, de « l'esprit de discernement » et capable de lire librement. Dire que la disparition progressive de la censure ecclésiastique a permis la naissance de l'espace public selon le modèle théorisé par J. Habermas est donc un truisme qui soulève, au moins, deux interrogations majeures : une première concerne la nature et les fonctions de la censure civile. Que devient l'interdit dans un monde où « liberté » et « publicité » deviennent les nouveaux mots-clés du discours politique des classes dirigeantes ? Une seconde interrogation concerne la nature du nouvel espace public. Ce dernier est plus facile à définir en négatif et par opposition, souvent polémique, à la culture des arcana imperii et au secret inquisitorial ; en revanche, une définition positive de cet espace implique de s'interroger sur la culture politique de ces élites qui, « discrètement », ont accès à tout type de lecture : quel est le statut que cette classe dirigeante attribue au jugement collectif dans un contexte public ? Quel est le rôle du libre débat d'opinions dans la formation du nouvel espace public ? Autant d'interrogations qui nous mènent, en dernière analyse, à affronter la question du statut de l'opinion publique dans le discours public italien du xviiie siècle.
Notes de bas de page
1 Le relazioni degli ambasciatori veneti alsenato durante il secolo xvi, éd. E. Alberi, Florence, 1839-1863, série II, i, p. 376 (Relation de Vincenzo Fedeli, 1561). Sur cette relation voir E. Fasano Guarini, « Considera-zioni su giustizia Stato », op. cit., p. 135 ; « Cosimo I De' Medici », in Dizionario Biografico degli Italiani, XXX, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1984, p. 30-48 ; « The Prince, the Judges and the Law : Cosimo I and Sexual Violence », in T. Dean, K.J.P. Lowe (dir.), Crime, Society and the law in Renaissance italy, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 121-140.
2 Le relazioni degli ambasciatori veneti, op. cit., p. 349-350 : « Conosce poi tutti e tutti chiama per nome e se vede un uomo nuovo che non l'abbia mai veduto, vuol sapere chi egli è e quello che fa, né più se ne scorda, e fa tanto professione della memoria che se uno gli va innanzi per qualche suffragio e che altre volte gli sia stato per altra causa, glielo ricorda e gli dice quello che gli domando già vent'anni ; e questa è grandissima parte in ogni uomo, ma molto maggiore in un principe. »
3 Sur la représentation du délateur dans littérature politique et juridique de l'empire, cf. Y. Rivière, Les délateurs sous l'empire romain, Rome, École Française de Rome, 2002.
4 Ibidem, p. 344-345 : « Ha poi questo principe alcune prigioni che si chiamano le secrete ; le quali sono di tanto terrore che si dice — Iddio mi guardi dalle secrete del Duca ! — dalle quali poi non esce mai nuova di quelli che v'entrano dentro e molte volte occorre che sono ritenuti gli uomini senza che sappiano il perché ; e questo è perché ad ogni minima parola detta ed udita in pregiudizio del principe, che dia indizio d'ogni minima suspizione, egli fa fare simili repentine esecuzioni. E per sapere ed intendere minutamente tutti gli umori della sua città e del suo stato, ha costituito un numero infinito d'una certa sorte d'huomini che sono da tutti fuggiti come la peste, perché sono già scoperti e chiamati le spie del duca... »
5 En général, sur cette littérature, cf. Infelise, Prima dei giornali, op. cit., p. 154-182.
6 Gli arcani svelati di tutti i prencipi d'Italia. Nelli quali si scuoprono li loro interessi, aderenze e fini che regnano in esse, s.l., 1668, p. 89 : « Ed è arcano di stato a punto di questi principi, il tener questi sudditi bassi o poveri, perché essendo dotati d'ingegno spiritoso e vivace, quando godessero qualche fortuna e libertà potrebbero agevolmente risvegliar lo spirito che dormono oppressi dalla necessità e dall'impotenza [...]. Ben è vero che tutta quella città è piena di spie. Onde non è pur sicuro il parlare a quatro ochi e molti sono pericolati per una sola parola non ben intesa. »
7 Cf. J K. Brackett, Criminal Justice and Crime in Late Renaissance Florence 1537-1609, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
8 A. Ceccherelli, Delle attioni et sentenze del S. Alessandro de Mediciprimo duca di Firenze, Venise, Giolito, 1564.
9 Ibidem, p. 55 : « Havendo il duca preso lo stato di poco, haveva grossamente rimunerato uno che mostrando di tenere dal popolo lo raguagliava di cio che si faceva nella città ; e mostroli e insegnatoli quali cittadini erano quelli che con più ostinato animo havevano tenuto la parte contro lui per la libertà, onde per que-sto costui ne era quasi che additato da ciascuno per la qual cagione egli era da molti non solo odiato ma palesemente fuggito. »
10 G.F. Lottini, Avvedimenti civili, op. cit., p. 208 : « Grande avvedimento bisogna che habbia il principe nelle spie, le quali non sarebbon nulla sempre che non facessero cosi vile essercitio. Perciocché [.] sempre sogliono cosi fatti huomini a guisa di mali artifici non solo mantenere et accrescere il male ove trovino una ben picciola alterazione, ma i corpi sani far diventare infermi, perciocché sono per lo più malitiosi et usano tanta arte nel referire che se per natura il principe inclina tanto al sospetto e si rende negligente di cercare in altre parti il vero, il più delle volte rimarrà persuaso del falso. »
11 S. Ammirato, Discorsi sopra Cornelio tacito, I, op. cit., livre IV, discours ix (Delle spie e degli accusatori), p. 226-232, en part. à la p. 231 : « Ma se l'altrui pazzia a tal ti sospinge che senza pericolo tuo o della persona del Principe non s'abbia a tener cheto il segreto communicato, devi communicarlo sicuramente e arditamente co'magistrati e non a guisa d'uom dappoco farsi scrupolo di quel che non dee farsi ; acciocché non si dica di noi quel che disse il Salmo : ebber paura dove non ebber cagione di temere. »
12 Cit. in M. Sbriccoli, Crimen lesae maiestatis. Ilproblema del reatopolitico aile soglie della scienzapenalistica moderna, Milan, Giuffrè, 1974, p. 329.
13 Deliberatione dello Illustrissimo et eccell. mo s. il s. Duca di Firenze sopra li sindachi et denuntiatori delli malefitii della città di Firenzepubblicata il dî 13 di febbraio 1550 ab inc., in Legislazione toscana, éd. L. Cantini, II, Florence, Albizziana, 1800, p. 198-217 ; mais pour le texte complet de la loi, cf. ASF, Magistrato supremo, 4308.
14 Cf. E. Fasano-Guarini, « Cosimo I », art. cit., p. 38 ; « Gli ordini dipolizia nell'Italia del '500 », op. cit., p. 91 ; J K. Brackett, CriminalJustice, op. cit., p. 36-37.
15 Sur cette répartition dans le cadastre de 1427, cf. D. Herlilhy-C. Klapisch-Zuber, Les Toscans et leurs familles. Une étude du catasto florentin de 1427, Paris, Éditions de l'EHESS, 1978, p. 123.
16 Le texte du récensement est conservé in BNCF, II, I, 120, Libro della dischrezione delli fuochi et delle anime dello Eccmo Dominio dello Illmo et Eccmo Sor Duca Cosimo de Medici Duca secondo della Repubrica fiorentina fatto fare in anno della Nra salvatione MDLI et a di XXV di febbraio ; un second exemplaire, moins bien conservé est en ASF, Miscellanea medicea, 314 ; sur ce recensement P Battara, Lapopolazione di Firenze alla metà del '500, Florence, Rinascimento del libro, 1935 ; G. Fanelli, Firenze, Rome-Bari, Laterza, 1980, p. 99-107. ; P. Burke, The Historical Anthropology of Early Modern Italy, Cambridge, 1987, p. 27-29.
17 P. Battara, La popolazione di Firenze, op. cit., p. 5.
18 Cf. E. Fasano Guarini, « Considerazioni su giustizia e Stato », op. cit., p. 156.
19 Cf. Legge sopra i sindachi del di 29 luglio 1545, in Legislazione toscana, op. cit., I, p. 264-265.
20 H. Manikowska, « Accorr'uomo. Il popolo nell'amministrazione della giustizia a Firenze durante il xiv secolo », Ricerche storiche, 18-1988, p. 523-549, à la p. 542.
21 Cf. E. Fasano Guarini, « Cosimo I », op. cit., p. 38.
22 Deliberatione dello Illustrissimo et eccell. mo S. il S. Duca di Firenze sopra li sindachi et denuntiatori delli malefitii, cit., p. 215 : « Che si faccino et cosi hanno fatto cinquanta borse distinte l'una dall'altra et sopra di ciascheduna hanno notato a quale sindicheria respettivamente essi habbino a servire, et hanno in ciascheduna borsa imborsati quelle persone che sono loro parute atte a poter exercitare tale uffitio et hanno di più diliberato che le dette borse debbino di continuo star nella cancelleria de' detti Sigri Otto, sotto la custodia del secretario loro, et ogn'anno nel mese d'ottobre incominciando di presente se ne debba trarre in presentia di detto magistrato quel numero di sindachi et denuntiatori de'malefiti di quella sindicheria per la quale e' saranno stati tratti et per un anno per volta da incominciarsi in KL di genn. et come segue da finir con gli stipendi et emolumenti che altra volta ne furono fissati. »
23 Le relazioni degli ambasciatori veneti, op. cit., p. 355-356.
24 Deliberatione, op. cit., p. 217 : « Et considerato che el più delle volte le persone che l'haranno ad esercitare saranno povere et conseguentemente haranno de' debiti assai et non havendo molto il modo a pagarsi sarebbono forzati guardarsi dalle famiglie delle corti civili et cosi e' loro offitii verrebbono a patire et desiderando tal disordine obviare egl'hanno pero proveduto che tutti quelli sindici che in denuntiatori predetti saranno tratti o altrimenti deputati s'intendino durante e' tempi dell'offitii loro essere et sieno sicuri in persona solamente per ogni debito civile che gl'havessino contratto o contraessino. »
25 ASF, Otto di Guardia, 130, Partiti e deliberazioni, 4 ma 1575, c. 176v, Substitutione de sindaco : ce document concerne la nomination de Giovanni di Piero, boutiquier, en tant que sindaco du Fondaccio à la place de Giuliano di Domenico cordonnier au Canto del Pagoni.
26 Sur cette trame, dans le contexte florentin, cf. C. Klapisch Zuber, « Parents, amis et voisins », in La maison et le nom, op. cit., p. 59-80 ; sur le rapport entre conversation, réputation et lien social, cf. dernièrement S. Cerutti, Giustizia sommaria. Pratiche e ideali di giustizia in una società di Ancien Régime (Torino xviii secolo), Milan, Feltrinelli, 2003, p. 62-63.
27 Le relazioni degli ambasciatori veneti, op. cit., p. 345 : «...li quali riportano al duca tutto quello che si parla di lui e che di lui si dice nelle case, nelle chiese, nelli monasteri, nelle strade e nelle piazze e di simili relazioni si vedono subito gli effetti ; e questo terrore delle spie è ridotto a questo termine che tutti hanno paura che uno non sia la spia dell'altro per acquistarsi la grazia del duca, di modo che non v'è persona che non tema de' suoi più propinqui parenti e de' suoi più intimi amici, talché ora d'ogni altra cosa si parla che del duca e dello stato suo, né anche in dirne bene. »
28 Deliberatione, op. cit., p. 215 : « E quali sindachi et denuntiatori soprascritti sieno obbligati tenere dili-gentemente cura di tutti li insulti, violentie, rapine, furti, questioni, percussioni, occisioni et d'ogni et qualunque altro delitto che si commetterà cosi di giorno che di notte per qualsivoglia persona nelle vie, piazze, chiese, monasteri, conventi, spedali, case botteghe, hosterie, alberghi, orti, campi, fossi, fiumi et ogni altro luogo di lor sindicherie et ne confini di quelle. »
29 Le relazioni degli ambasciatori veneti, op. cit., p. 375-376 : « E mi ha detto più volte che la secretezza par-torisce nelle azioni ogni felice successo e che nel solo tacere sta fondata la considerazione degli stati e che il sapere i secreti degli altri principi cosi come torna a coloro di malefizio, cosi è di grandissimo servizio a chi lo sa [.]. E pero alla corte del duca non si puo sapere né intendere mai cosa alcuna se non s'intende dal principe istesso, che non vi è persona che ardisca parlare delle cose di stato [.]. E per la verità questo sol modo di procedere l'ha conservato e ingrandito, perché essendo nuovo principe e principe di popoli liberi e arditi e non amici al giogo della servitù, è meraviglia grandissima come egli possa reggere e cosl facilmente e sicuramente governare ; il che non procede altro che dai molti secreti che egli detiene. »
30 Sur ces questions, voir J.-P. Cavaille, Dis/simulations. Religion, morale et politique au xviie siècle. Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto. Paris, Champion, 2002.
31 Cf. infra, p. 139-151.
32 Cf. notamment M. Firpo, Gli affreschi di Pontormo a San Lorenzo, op. cit., p. 352-379.
33 Cf. A. Prosperi, Tribunali della coscienza. Inquisitori, confessori, missionari, Turin, Einaudi, 1996, p. 75 et E. Brambilla, Alle origini del Sant'Uffizio. Penitenza, confessione e giustizia spirituale dal medioevo al xvi secolo, Bologne, Il Mulino, 2000, p. 431, 449.
34 A. d'Addario, Aspetti della Controriforma a Firenze, Rome, Ministero dell'Interno, 1972, p. 420-421.
35 Cf. supra, note 25.
36 R. Galluzzi, istoria del Granducato di Toscana sotto ilgoverno della casa Medici, I, Livourne, Masi, 1781, p. 196.
37 Ass, Balîa, 830, il s'agit d'un recueil d'une série de mesures adoptées par Côme après la conquête de Sienne : l'institution des sindachi est décidée le 29 juillet 1557 (c. 59 r-v).
38 Une série de témoignages d'infractions et de délits mineurs, rapportés vraisemblablement par des dénonciateurs, est conservée dans Ass, Balîa, 1101, Denunzie di malefici aigonfalonieri della città, 1560-1561.
39 À ce propos, restent toujours actuelles les considérations de A. Prosperi, « Vicari dell'Inquisizione fiorentina alla metà del Seicento » [1982], in LInquisizione romana. Letture e ricerche, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2003, p. 153-173, à la p. 154.
40 E. Brambilla, Alle origini del Sant'Ûffizio, op. cit., p. 542.
41 Cf. L. Mannori, « Per una preistoria della funzione amministrativa. Cultura giuridica e attività dei pubblici apparati nell'età del tardo diritto comune », Quaderni fiorentiniper la storia del pensiero giuridico moderno, 19-1990, p. 323-504, à la p. 428.
42 Cf. L. Mannori, Ilsovrano tutore, op. cit., p. 208, 433.
43 Cf. M. Sbriccoli, « Giustizia criminale », in Lo Stato moderno in Europa, op. cit., p. 163-205, à la p. 185.
44 A. M. Cospi, Ilgiudice criminalista, distinto in tre volumi dove con dottrina teologica canonica civilefilosofica medica storica e poetica si discorre di tutte quelle cose che al giudice delle cause criminali possono avvenire, Florence, Pignoni, 1633 ; l attention sur cet ouvrage, publié posthume, a été attirée par E. Fasano Guarini, « I giuristi e lo Stato nella Toscana medicea » dans Firenze e la Toscana dei Medici nellEuropa del '500, I, Florence, Olschki, 1983, p. 229-247, en part. p. 244-245 ; sur l'attention spécifique que Cospi consacre au problème de la sorcellerie, cf. A. Prosperi, « Inquisitori e streghe nel Seicento fiorentino », in F. Cardini (dir.), Gostanza la strega di San Miniato, Rome-Bari, Laterza, 1989, p. 217-250.
45 A. M. Cospi, Ilgiudice criminalista, op. cit., p. 159 : « Ardua materia si debbe trattare in questa seconda parte : e tanto più quanto è fuori della professione legale, accresce la difficoltà ed il pericolo, trovandosi ad ogni passo intoppi dove lo sdrucciolare è facile e la caduta letale : perché si bene di detta materia si trovano le cataste di libri di legisti e canonisti, nondimeno è stata da loro in questi termini trattata. »
46 Sur cette catégorie d'actes linguistiques, cf. B. Cassin, S. Laugier, I. Rosier-Catach, « Acte de langage », in Vocabulaire européen, op. cit., p. 11-21.
47 Ibidem, p. 176.
48 Ibidem, p. 178 : « È ben vero, che si possono dare opinioni erronee in materia di governo civile e politico : come se alcuno dicesse, che la repubblica o principe non potessero far nuove leggi nel suo Stato, toccando cosl la Maestà Regia, potrà il giudice laico raffrenarlo. »
49 Sur ces actes linguistiques, J. Butler, Excitable Speech. A Politics of thePerformative, New York et Londres, Routledge, 1997, traduction française Le pouvoir des mots. Politique du performatif, Paris, Éditions Amsterdam, 2004.
50 Cf. A. Prosperi, Tribunali della coscienza, op. cit., p. 350-367.
51 Sur le blasphème comme « crime de lèse majesté divine » et sur ses rapports avec la sédition dans la doctrine du droit commun, cf. M. Sbriccoli, Crimen lesae maiestatis, op. cit., p. 346-347.
52 Pour une vision d'ensemble des matières ici abordées à la fin de la période médicéenne il est utile de consulter le recueil de M. Savelli, Pratica universale, Firenze, 1696.
53 « Conoscendo che la bestemmia è peccato che più offende sua Maiestà che li altri, dal quale procedono nel mondo turbolentie et inopinati flagelli » : Bando sopra la bestemmia e la sodomia, 8 juillet 1542, in Legislazione toscana, I, op. cit., p. 210-214 ; sur cette loi, cf. E. Fasano Guarini, « Produzione di leggi e disciplinamento nella Toscana granducale tra Cinque e Seicento. Spunti di ricerca », in P. Prodi (dir.), Disciplina dell'anima, disciplina del corpo e disciplina della società tra medioevo ed età moderna, Bologne, Il Mulino, 1994, p. 659-690, p. 670-671.
54 Ibidem, p. 669 ; cf. Legislazione toscana, II, op. cit., p. 54-62, Legge contra a quelli che machinassero avverso la persona o stato di S.E. o de' sua illustrrissimi figliuoli o descendenti.
55 Ibid., p. 55 : « Benché Sua Eccellenza si persuada et abbia ferma openione che li suoi dilettissimi cittadini et quelli ancora del resto del suo amplissimo et felice stato sieno al tutto alieni da tanta sceleratezza, per essere di perfetta mente et essere dati et darsi alla virtù et desiderare il bene universale : Ella considera nondimeno che e potrebbe accadere che qualcuno per diabolica instigatione si disviasse et divenisse d'altra openione, se con maggior rigore et con più formidabili et esemplarie pene e non si obviassi a si perversa mente. »
56 Pour une analyse du phénomène des conjurations dans la période du principat médicéen, cf. J. Boutier, « Trois conjurations italiennes ; Florence (1575), Parme (1611), Gênes (1628) », Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée, 108-1996, p. 319-375.
57 L'expression est de M. Sbriccoli, « Giustizia criminale », art. cit., p. 182.
58 Bando che non si faccino ragunate né si corra alle questioni del di 13 novembre 1553, in Legislazione toscana, op. cit., II, p. 328.
59 Bando che non si giuochiper le strade etpiazze del di 23 agosto 1566, in ibid., VI, p. 310 ; sur la question de la discipline du jeu en Toscane voir maintenant A. Addobbati, La festa e ilgioco nella Toscana del Settecento, Edizioni Plus Università di Pisa, Pisa, 2002, sur la loi de 1566 voir à la p. 92.
60 Bando che non sipossa intromettere nelle quistioni d'altrui né far cartelli né portar lettere o imbasciate né far quadriglie del di 7 gennaio 1569 ab inc. [1570], in ibid., VII, p. 172-173 ; sur la question des cartelli et des manifesti dans le contexte spécifique du grand-duché de Toscane (Pistoia), cf. D. Weinstein, « Fighting or flyting ? Verbal duelling in mid-sixteenth century Italy », in T. Dean, K.J.P. Lowe (dir.), Crime, Society andLaw in Renaissance Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 205-220.
61 A. M. Cospi, Ilgiudice criminalista, op. cit., p. 182 : « Quando dal Serenissimo Gran Cosimo Primo fu pubblicato il santissimo bando contro i bestemmiatori, un enormissimo bestemmiatore, per non perdere il gusto che aveva nell'offendere Dio, per fuggire le pene imposte in detto bando, attribul a ciascun de'bottoni che aveva nel giubbone il nome d'un santo : e per primo intendeva Dio e ogni volta che voleva bestemmiare quel santo, malediva e bestemmiava quel bottone, a chi aveva imposto il nome di quel santo. Et un altro non meno di quello scellerato, ogni volta che aveva collera diceva, siano maledetti quei pesci : e ricercato strettamente da un amico suo che cosa volesse inferire con quelle parole, gli confesso che quando aveva collera, e che diceva quelle parole, voleva maledire i pesci che non rosero le gambe a S. Cristofano quando aveva Cristo su la spalla. Et in questi casi quando il giudice avesse una confessione estraiudiciale dell'intenzione di questo nemico d'Iddio, crederei potesse procedere averne la confessione iudiciale con tormenti per dargliene severissima pena. »
62 Cf. notamment R. Bizzocchi, « Chiesa, religione, Stato agli inizi dell'età moderna », in G. Chittolini, A. Molho, P. Schiera (dir.), Origini dello Stato. processi di formazione statale in Italia fra medioevo ed età moderna, Bologne, Il Mulino, 1994, p. 493-513.
63 A. Boureau, « La censure dans les universités médiévales » (note critique), dans Annales HSS, 55-2000, p. 313-323, p. 321.
64 R. Burt, Licensedby Authority. Ben Jonson and the Discourses of Censorship, Ithaca, Cornell Un. Press, 1993, p. 1.
65 La thèse du rapport antinomique censure/opinion publique est notamment développée par J. Habermas, L'espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1978 [1962], chapitre iii.
66 Cf. A. Prosperi, « La Chiesa e la circolazione della cultura nell'Italia della Controriforma. Effetti imprevisti della censura », in U. Rozzo (dir.), La censura libraria del secolo xvi, Udine, Forum, 1997, p. 147-161, à la p. 149.
67 Cf. B. Neveu, L'erreur et son juge. Remarques sur les censures doctrinales à l'époque moderne, Naples, Biblio-polis, 1993, p. 239-381.
68 A. Boureau, « Dialogue avec Luca Bianchi », Annales HSS, 57-2002, p. 745-749, à la p. 748.
69 Cf. R. Burt, Licensed by Authority, op. cit., p. 12 qui renvoie pour cette démarche aux positions de P. Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 343-377.
70 Cf. A. Quondam, « L'Accademia », in Letteratura italiana, I, Il letterato e le istituzioni, Turin, Einaudi, 1982, p. 822-896 ; sur le statut de la parole orale dans les académies, notamment italiennes, cf. F. Waquet, Parler comme un livre. L'oralité et le savoir (xvie-xxe), Paris, Albin Michel, 2003, p. 260-263.
71 Cf. M. Plaisance, « Le Prince et lettrés : les Académies florentines au xvie siècle », in Florence et la Toscane, op. cit., p. 365-380, avec une bibliographie exhaustive sur l'argument.
72 Le texte de cette réforme, dont les chapitres 10 et 11 concernent respectivement « Della creazione de' cen-sori » et « Dell'ufficio de' censori » a été publié par C. Di Filippo Bareggi, « In nota alla politica culturale di Cosimo I : l'Accademia fiorentina », Quaderni Storici, 23-1973, p. 527-574, p. 571.
73 Cf. M. Plaisance, « Culture et politique à Florence de 1542 à 1551 : Lasca et les Humidi aux prises avec l'Académie Florentine », in Les écrivains et le pouvoir en Italie à l'époque de la Renaissance, II, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1974, p. 149-242.
74 J. Bryce, « The Oral World », op. cit., p. 102.
75 Cf. R. Weissman, Ritual brotherhood in Renaissance Florence, New York, Academic Press, 1982, p. 163.
76 G. Mazzacurati, « Decoro e indecenza : linguaggi naturali e teoria delle forme nel Cinquecento », in Le pouvoir et la plume. Incitation, contrôle et répression dans l'Italie du xvl siècle, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1982, p. 215-232, à la p. 229.
77 A. F. Doni, I marmi, op. cit., II, p. 8 : « Alberto Lollio : Voi inferite che lo imprimere libri è plebeo et lo scrivere carte nobile et honorato ? Francesco Coccio : Questo apunto voglio dire. »
78 Pour une réflexion sur les enjeux de la publication manuscrite, voir C. Jouhaud, A. Viala (dir.), De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, p. 12 ; pour le contexte italien, voir en particulier A. Petrucci, « Il libro manoscritto », in Letteratura italiana, II, Turin, Einaudi, 1983, p. 173-223.
79 De la publication, op. cit., p. 12.
80 Pour une bibliographie sur ce personnage, cf. infa, p. 142.
81 Sur ce milieu intellectuel, cf. M. Verga, « Note sugli anni pisani di Bernardo Tanucci e sulla controversia pandettaria con Guido Grandi », Ricerche storiche, 14-1984, p. 429-469.
82 ASF, Auditore dei Benefici ecclesiasticipoi Segreteria de Regio Diritto, 295, Informazionepel Consiglio di Reggenza riguardante l'uso introdotto di dare due esemplari di qualunque opera che si stampa a Firenze a Mons. Arcivescovo, alpadre inquisitore edal deputato della revisione de libri di S.A.R., daté de 21 aoû 1739. Rucellai présenta à nouveau ce rapport (Informazione) au Conseil de Régence le premier janvier 1743. Ce document a été publié par N. Rodolico, Stato e Chiesa in Toscana durante la Reggenza lorenese (1737-1765), Florence, Le Monnier, 1972, p. 331-345.
83 Ibidem, p. 334 : « Non vi ha dubbio che sul suo principio quest'arte non godesse di una piena libertà tanto per la parte della potestà secolare che ecclesiastica. »
84 Ibid. : « La potestà ecclesiastica che meglio di tutti conosce la forza delle opinioni ed i loro effetti, fu la prima ad avvedersi delle conseguenze della stampa. »
85 « La materia de' libri par cosa di poco momento perché tutta di parole ; ma da quelle parole vengono le opinioni del mondo che causano le parzialità, le sedizioni e finalmente le guerre. Sono parole si, ma che in conseguenza tirano eserciti armati » : P. Sarpi, Sopra l'officio dell'Inquisizione (1613), in P. Sarpi, Scritti giurisdizionalistici, Bari, Laterza, 1958, p. 119-212, citation à la p. 190.
86 Ibidem, p. 335 : « Ma perché le turbe di Germania insorte per causa di religione fecero temere le medesime conseguenze anche altrove, i sovrani, convenendo della necessità di regolare la libertà di stampa, fecero diverse provvisioni, nelle quali senza avvedersene vi frammischiarono anche gli ecclesiastici, che poi nel corso del tempo, si sono messi nel possesso di esserne quasi per tutto, poco meno, che supremi regola-tori. »
87 ASF, Consiglio di Reggenza, 194, Lettera di Clemente XIII a S.M. l'Imperatore.
88 ASF, Consiglio di Reggenza, 194, Ecclesiastico-giurisdizionale, c. 368v-369v, G. Rucellai, Rappresentanza ad Antonio Botta Adorno, 19 octobr 1763 : « L'Inquisizione medesima incapace di variar massime, con l'istesso interesse ed egual voglia d'esser sempre invariabile ha dovuto accomodare il suo zelo alle variate circostanze politiche de' tempi e contentarsi che i molti processi de' suoi Tribunali fabbricati fin d'allora tali quali sono, con l'idea che sempre dovessero starsi sepolti nel silenzio, fatti pubblici liberamente dalla stampa, che mai non ha potuto obbligare al segreto [.]. Ella comparve con le nuove sette di religione nel secolo xiv e xv. Fu il primo istrumento per spargere le opinioni, che pur troppo hanno fatto mutare il sistema dell'Europa si politico che ecclesiastico. La Corte di Roma sull'esempio de' primi Padri che abolirono la Religione Pagana distruggendone gl'istrumenti, credé di dover far l'istesso rispetto a' libri ch'erano la prossima cagione del male [.].Iddio per i suoi giusti giudizi ha permesso che restino inutili tante fatiche [...]. I libri sono rimasti proibiti ma non estinti. Questi hanno squarciato il velo del tempio ; nulla non v'é d'occulto, gli oracoli sono cessati ed i laici oramai hanno appreso a distinguere tra le prerogative che riseggono nella Chiesa, quelle del sacerdozio da quelle dell'Impero. »
89 Cf. A. Prosperi, « La Chiesa e la circolazione della cultura », op. cit.
90 Cf. A. Panella, « La censura sulla stampa e una questione giurisdizionale fra Stato e Chiesa in Firenze alla fine del secolo xvi », Archivio Storico Italiano, 67-1909, p. 140-151.
91 Cf. les observations de C. Callard, Storiapatria. Histoire, pouvoir et société à Florence au xvif siècle, thèse, Université de Paris IV, 2001, dactyl., p. 57.
92 Ibidem, p. 47.
93 Cf. la bibliographie de C. Ricottini Marsili-Libelli, Anton Francesco Doniscrittore estampatore, Florence, Sansoni, 1960, p. 342-356 et M. Firpo, Gli affreschi, op. cit., p. 197-203.
94 B. Maracchi Biagiarelli, « Il privilegio di stampatore granducale nella Firenze medicea », Archivio storico italiano, 123-1965, p. 304-370.
95 « Non si possi stampare cosa alcuna senza avere prima licenza di S. Eccellenza o suo mandato accio si vegga sempre che quelle tali cose sieno buone et approvate et non in danno della fede né di S.A. », ASF, Miscellanea Medicea, 314, ins. 13, document cité par C. Callard, Storiapatria, op. cit., p. 47.
96 F. Diaz, Il Granducato di Toscana, IMedici, Turin, Utet, 1987, p. 202.
97 Cf. C. Tidoli, « Stampa e corte nella Firenze del tardo Cinquecento », op. cit., p. 613-615.
98 Cf. M. De Gregorio, La balia al torchio. Stampatori e aziende tipografiche a Siena dopo la Repubblica, Sienne, La Nuova immagine, 1990, p. 92-103.
99 Une documentation relative à la concession de ces privilèges est conservé dans ASF, Auditore poi segretario delle Riformagioni et ASF, Magnificapratica, Registro de privilegi, 191-195, toujours à ce propos voir les observations de C. Callard, Storia patria, op. cit. p. 100.
100 B. Maracchi Biagiarelli, « Il privilegio di stampatore granducale », op. cit., p. 312 : « Abrusiare soltanto i libri di heresie et d'arti prohibite [i quali] a un principe grande e catholico [si reputa] convenirsi scacciarli e sbarbarli dal suo stato senza aspettare ordine da Roma e da inquisizione. »
101 Cf. A. Prosperi, Tribunali della coscienza, op. cit., p. 75-76 ; M. Firpo, Gli afjreschi, op. cit., p. 364-365.
102 Ibidem, p. 393.
103 Cf. A. Panella, « L'introduzione a Firenze dell'Indice di Paolo IV », Rivista Storica degli Archivi Toscani, 1-1929, p. 390-391 ; M. Firpo, Gli affreschi, op. cit., p. 392 ; sur cet Index, cf. G. Fragnito, La bibbia al rogo. La censura ecclesiastica e i volgarizzamenti della Scrittura (1471-1605), Bologne, Il Mulino, 1997, p. 93.
104 Cf. M.P. Paoli, « Nuovi vescovi per l'antica città : per una storia della Chiesa fiorentina tra Cinque e Seicento », in C. Lamioni (dir.), Istituzioni e società in Toscana nell'età moderna, II, Florence, Edi-fir, 1994, p. 748-786, et G. Greco, « I vescovi del Granducato di Toscana nell'età Medicea », ibidem, p. 655-680.
105 Sur cet Index, cf. G. Fragnito, La Bibbia al rogo, op. cit., p. 95-98.
106 « Et in questa parte harebbe Sua Rev.tia a porre ogni diligentia et industria, ponendo cercatori et spie et notificatori segreti et publici colle partecipazioni delle pene, et cosi rimediarebbe a ogni inconveniente senza confondere et sturbar totalmente ogni comodità di chi ha bisogno di libri et senza la ruina de'poveri libraj », ASF, Mediceo delprincipato, 554, document publié par B. Maracchi Biagiarelli, « Il privilegio di stampatore granducale », art. cit., p. 347.
107 Document cité par M. Plaisance, « Littérature et censure à Florence », op. cit., p. 237-238 ; sur le synode de 1573, voir aussi A. D'Addario, Aspetti della Controriforma a Firenze, op. cit., p. 221.
108 M. Plaisance, « Littérature et censure à Florence », op. cit., p. 238.
109 L'épisode est cité par Rucellai, Informazione, op. cit., p. 338 : « Nell'edizione del Boccaccio corretto, fatta nel 1580, nella deputazione che fa il granduca Francesco nella persona del Salviati, dice che vuol che si stampi con permissione de'superiori ecclesiastici : ma cio non pare che concluda che vi si ricercasse altra licenza che d'uno. »
110 Ibidem : « Rispetto poi alla licenza del governo secolare certo che generalmente comincio a ricercarsi nell'istesso tempo che la ricercarono gli ecclesiastici, essendovi molte prammatiche di Carlo V pel Regno di Napoli che obbligarono sotto gravi pene a non stampar senza l'autorità dei ministri a cio deputati, ma in Firenze non si trova verun atto solenne riguardante quest'affare. »
111 Cf. la synthèse de M. Infelise, I libriproibiti. Da Gutenberg allEncyclopédie, Rome-Bari, Laterza, 1999, p. 23 ; plus précisément sur ce sujet, cf. P.F. Grendler, The Roman Inquisition and the Venetian Press, 1540-1605, Princeton, Princeton U.P., 1977.
112 Rescrit de Ferdinand I à Jacopo Dani, auditeur des Riformagioni, publié par A. Panella, « La censura sulla stampa », op. cit., p. 150.
113 Un exemplaire du xviiie siècle de ce texte est conservé dans ASF, Consiglio di Reggenza, 624, ins.4 ; dans sa thèse Caroline Callard utilise un exemplaire conservé dans ASF, Auditorepoi segretario delle Riformagioni, 118, fol. 818, qu'elle retranscrit intégralement : Storiapatria, op. cit., p. 619.
114 C. Callard, Storia patria, op. cit., p. 54-61, soutient ce point de vue.
115 R. Pasta, Editoria e cultura nel Settecento, Florence, Olschki, 1997, p. 7.
116 Un cas intéressant d'auto-dénonciation pour non respect des normes de la censure ecclésiastique de la part du libraire et imprimeur Filippo Papini (1638) est documenté dans les Archives du diocèse de Florence (ACAF), S. Uffizio, 6, c. 53r.
117 G. Fragnito, La bibbia al rogo, op. cit., p. 167.
118 G. Rucellai, Informazione, op. cit., p. 338.
119 Sur ce riche fonds (ACAF, Manoscritti rivistiper la stampa), encore largement à étudier, cf. M. Plaisance, « Littérature et censure à Florence à la fin du xvie siècle : le retour du censuré », in Le pouvoir et la plume, op. cit., p. 233-252 ; A. Prosperi, « L'inquisizione fiorentina al tempo di Galileo », in LLinquisizioneromana, op. cit., p. 183-198.
120 Ibidem, p. 194.
121 Cf. P. Galluzzi, « L'Accademia del Cimento : gusti de Principe, filosofia e ideologia dell'esperimento », Quaderni storici, 16-1981, p. 788-844 ; M. Pesce, « L'indisciplinabilità del metodo e la necessità politica della simulazione e della dissimulazione in Galileo dal 1609 al 1642 », in Disciplina dell'anima, op. cit., p. 161-184.
122 C. Callard, Storia patria, op. cit., p. 45.
123 A. Prosperi, « L'inquisizione fiorentina », op. cit., p. 324.
124 A. Possevino, La coltura degli ingegni (Venise 1598), cité par A. Prosperi, Tribunali della coscienza, op. cit., p. 615.
125 « E' da premettersi che dove il S. Padre dice libertà d'opinare, per quanto io credo, dee intendersi libertà di parlare, perché, quantunque sia verissimo, che nel sistema della Religion Cristiana, nel foro interno o sia della coscienza sono egualmente degni di premio e di pena i pensieri, come le opere, non ostante pero nel foro esterno, e per le pene temporali, come dottamente osserva il Grozio nel De Jure Bello et Pacis lib. 2 cap. 20 § 18, ha luogo la decisione de' Giureconsulti romani, riportata da Ulpiano, nella L. 18 ff. Depoenis, per cui "cogitationis poenam nemo patitur". »
126 Cf. supra, p. 90.
127 Lettre citée par G. Fragnito, La bibbia al rogo, op. cit. p. 100 : « Le S.V. dovrebbono la prima cosa revocar tutto quello indice come inconsiderato, indiscreto et scandaloso et poi fare un decreto pietoso et discreto conforme alla inveterata consuetudine della Santa chiesia, che s'è contentata ch'e libri dove s'imparano le lingue, le scienze et le discipline si legghino, sieno di chi si voglia et venghino donde vogliono et tutti quelli che non sono scritti da eretici ex professo per dogmatizare. Et quanto alla dishonestà et obscenità lasciare li lettori alla loro conscienza, come sono stati per il passato, che s'è contentata la chiesia che de vescovi et predicatori et confessori sia questa cura. »
128 Cf. supra, p. 113.
129 « Pochi sono gli autori profani che non abbino le loro rose tra le spine [...] ora che le sono proibite da chi ne ha la potestà, eglino le lascino stare, facendo più stima dell'altrui censura che del proprio giudicio » : P. Mini, Difesa della città di Firenze e de' fiorentini contra le calunnie et maldicentie de maligni Lyon, Tinghi, 1587, cité par M.P. Paoli, « Nuovi vescovi », op. cit., p. 760.
130 Cf. récemment A. Prosperi, « Anime in trappola. Confessione e censura ecclesiastica all'Università di Pisa tra '500 e '600 », in LInquisizione romana, op. cit., p. 263-296.
131 Cf. G. Fragnito, La Bibbia al rogo, op. cit., p. 93 ; sur cette législation, cf. aussi la lettre de l'inquisiteur de Florence au grand-duc du 25 octobre 1570 publiée par B. Maracchi Biagiarelli, « Il privilegio di stampatore », op. cit., p. 343-344.
132 Cf. supra, p. 124.
133 Le texte prévoyait que « non possit aliquis libros venales exponere aut retinere nisi detur vicario inventa-rium etiam quod libri sint manuscripti », et que « quolibet semestre duo examinatores secundum eorum prerogativam deputati intelligantur et sint ad officinas et librarias visitandas », document cité par A. D'Addario, Aspetti della Controriforma a Firenze, op. cit., p. 222.
134 De nombreuses listes de livres envoyées à l'inquisiteur de Florence au cours du xviie siècle sont conservées dans ACAF, S. Uffizio, 6 et dans le fonds de l'Inquisition de Florence conservé auprès de la Bibliothèque Royale de Belgique : à ce sujet, cf. J.A. Tedeschi, « Florentine documents for a History of the Index of Prohibited books », in A. Molho, J.A. Tedeschi (dir.), Renaissance Studies in Honor of Hans baron, Dekalb Ill., Northern Illinois University Press, 1971, p. 579-605.
135 ACAF, S. Uffizio, 7, c. 149r, 22 juin 1617 : « Desidererei sapere se i libri che pro tempore escono fuora dalle porte di Arezzo devino esser prima presentati a me e sottoscritti ; perché qua questi gabellieri e doganieri delle porte pretendono ignorarla e non osservano alcuna diligenza circa questo particolare ; pero a me parrebbe bene che la P.V.M.R. ci pigliassi qualche espediente et avvisassi a me quello che devo fare. Et anco mi dessi qualche regola o notola de' libri sospesi et prohibiti che non sono nell'Indice e similmente se si devino comportare nelle case de'particolari figure o quadri osceni. »
136 ASF, Regio Diritto, 310, ins. 182, n. 4 : Editto generale del del Santo Offizio di Firenze : « [...] considerando che siccome a chi avvisasse il suo principe quando nella città vi fosse sospetto di peste, non si deve altro titolo che i buon suddito e di cittadino difensore del ben pubblico, cosl chi avvisa il S. Offizio ne'casi suddetti non merita altro titolo che di buon cristiano, difensore della S. Fede cattolica. »
137 ACAF, S. Uffizio, 9, C. 247r : « Molti [parroci] mi hanno favorito, al solito ed alcuni pare che si burlano, stante che si dice da molti che il Sto Offizio in questa regione non v'abbi il suo luogo ; io sopra questo mi son fatto intendere che cattolici come siamo, non abbiamo simili cose a credere e che la Santa Fede avrà sempre il suo luogo. »
138 ACAF, S. Uffïzio, 9, c. 303r-305r : « [...] al che risposi che Vtra Stà Rma cosl m'ordinava nella sua lettera, quale volse leggere, e poi soggiunse bisognava che si levino dal capo che adesso l'Inquisizione non è più come una volta, presentemente, voi altri, non contate niente » ; sur la condamnation romaine de l'ouvrage de Voltaire, cf. Voltaire, La Pucelle d'Orléans, édition critique par J. Vercruysse, in Les œuvres complètes de Voltaire, VII, Institut et Musée Voltaire, 1970, p. 178.
139 ASF, Consiglio di Reggenza, 266, Codex sacerdotii et imperii, 29 juillet 1755 : « Gli editti del S. Uffizio erano stati lacerati e levati con improperio. »
140 Cf. A. Prosperi, Tribunali della coscienza, op. cit., p. 230, et J. Tedeschi, « Florentine Documents », op. cit., p. 587.
141 Cf. ACAF, S. Uffizio, 7, c. 73r, lettre de Giovanni Garsia Millini secrétaire du S. Office, datée du 8 novembre 1619 à l'inquisiteur général de Florence et ACAF, S. Uffizio, 7, c. 160r lettre du cardinal Carlo Emilio Pio datée de septembre 1630.
142 Parmi les rares exceptions, cf. V. Frajese, « Le licenze di lettura tra vescovi ed inquisitori. Aspetti della politica dell'Indice dopo il 1596 », Società e storia, 22-1999, p. 767-818, et de U. Baldini, « Il pubblico della scienza nei permessi di lettura di libri proibiti delle congregazioni del Sant'Ufficio e dell'Indice (secolo xvi) : verso una tipologia professionale e disciplinare », in C. Stagno (dir.), Censura ecclesiastica e culturapolitica in Italia tra Cinquecento e Seicento, Florence, Olschki, 2001, p. 171-201.
143 Cf. les cas étudiés par C. Callard, Storia patria, op. cit., p. 112-116.
144 ACAF, S. Uffizio, 7, c. 91r, lettre du cardinal Millini daté de 1er avril 1623 concernant l'autorisation de lecture accordée à la grande-duchesse Marie-Christine de Lorraine.
145 ACAF, S. Uffizio, 8, c. 63r.
146 ASF, Segreteria di Stato (1765-1805), 22, ins. 7, Supplique de Pietro Maria Tempesti datée de 28 août 1766.
147 ACAF, S. Uffizio, 9, c. 249r-250v, 16 avril 1750.
148 Ibidem, c. 249r-249v : « Io supplico la bontà di Vostra Paternità Reverendissima di un benigno compiaci-mento per questo nuovo incomodo che le arreco derivando cio dal desiderio vivissimo che ho di camminar sul sicuro e per non traviare dal retto sentiero, che bramo di non smarrire. La prego adunque con tutto il più profondo rispetto a volersi compiacere di avvisarmi se posso in tutta buona coscienza prevalermi ogni quantunque volta mi pare e piace della permissione dei libri proibiti e leggerli anco senza verun bisogno e per mera curiosità, benché nel memoriale posto in fronte alla licenza vi siano queste parole Il cavaliere Pietro Tempesti avendo bisogno di ricavare varie notizie, e percio per mia quiete ho caro di sapere se senza necessità ed a solo titolo di lecito divertimento possa leggere i libri proibiti. »
149 Cf. C. Donati, « La Chiesa di Roma tra antico regime e riforme settecentesche (1675-1760) », in G. Chit-tolini, G. miccoli (dir.), La Chiesa e ilpoterepolitico dal Medioevo all'età contemporanea, Storia d'Italia, Annali, IX, Turin, Einaudi, 1986, p. 721-766.
150 ACAF, S. Uffizio, 9, c. 380r-383v, 22 février 1773.
151 Sur la Pucelle d'Orléans, cf. supra, p. 132. Le Coran, disponible dans la version italienne de L. Marracci (Padoue, 1698) n'était pas compris dans l'Index ; le « Lucrèce de Marchetti » est la traduction du De rerum natura par Alessandro Marchetti, publiée à Londres en 1717, cf. M. Saccenti, Lucrezio in Toscana. Studio su Alessandro Marchetti, Florence, Olschki, 1966 ; L'Adone, poème de Giambattista Marino, fut publié à Paris en 1623 : ces deux ouvrages étaient compris dans l'Index.
152 Il s'agit de Pompeo Neri, conseiller d'État et l'une des personnalités politiques majeures de la Régence lorraine ; le Dictionnaire philosophique portatif fut publié à Genève en 1764 ; sur le librairie Joseph Bouchard et, plus généralement, sur le commerce libraire à Florence, cf. R. Pasta, Editoria e cultura nel Settecento, op. cit., p. 87-143.
153 ACAF, S. Uffizio, 9, c. 380r-v : « Io canonico Biagio Costante del Vivo sopradetto denunzio come sospetto d'eresia il Cavaliere Pietro Maria Tempesti d'Empoli dell'Ordine di Santo Stefano per i seguenti motivi. Per avermi parlato amichevolmente, anni sono circa sette o otto sebbene non posso indicare il tempo se non con molta incertezza, che aveva letto la Pulcella d'Orleans, l'Alcorano, quantunque mi pare che m'avesse detto di aver letto quest'ultimo anco molto tempo avanti, siccome ho per la mente che mi disse che nella stessa occasione d'aver letto il Lucrezio del Marchetti e l'Adone del Cavaliere Marino e che l'abbia in altra occasione replicato e tre mesi in circa dell'Adone in luoghi per altro onestissimi mi cito a mente qualche pezzo e del Lucrezio pareva che ne discorresse come di libro a sé letto e questo in occasione di una di queste visite, o poco tempo dopo mi disse che poco tempo fa essendo in Firenze aveva domandato al libbraio Buchard se aveva il Dizionario di Voltaire, libro secondo lui de' più empi e che gli rispose che otto soli giorni avanti l'avrebbe potuto servire ma che non l'aveva più perché l'aveva dato a Sua Eccellenza Neri ; mi accenno ancora in simile occasione sul suo tavolino i Colloqui di Erasmo di Rotterdam, supponendomi per altro di avere la licenza di leggerlo. »
154 Cf. infra, p. 150.
155 ACAF, S. Uffizio, 9, c. 381v-382v : « [...] più volte forse sette, otto o dieci occasioni gli ho sentito maledire il tempo o il male o il giorno della sua nascita e tre volte certo che meglio sarebbe che ei fosse nato Turco e un giorno mi nego l'immortalità dell'anima e tutta affatto la religione ; qualche volta mi ha detto che sarebbe stato meglio per lui l'esser nato un cavallo, ha dato più volte segni di non apprendere molto le pene dell'Inferno [...]. In una delle suddette occasioni mi disse, per quanto mi sovviene, che è una mala cosa che si dovesse acquistare il Cielo per mezzo di patimenti e perché lo reprimei aggiunse che diceva quello che gli dettava la ragione o che gli pareva gli dettasse. »
156 Efemeridi, série Ire, vol. XVIII, c. 64r, 28 février 1768 : « Quanto diversamente si pensa adesso su quest'ar-ticolo ! Non saremmo oggigiorno essere cosl docili ai comandi del Papa, perché non sapremmo persuaderci che abbia egli tanta autorità quanta si arroga. Non io per altro sono capace di farmi giudice in sl gran disputa, di modo che per il mio privato mi regolo con i miei privati sentimenti, lasciando che altri pensi a sua voglia. Credo proibiti a molti di natura loro certi libri, ma credo che chi ha lo spirito di discrezione e chi studia per professione possa legger tutto secondo il suo bisogno. » Sur ce personnage et son journal, cf. infra, p.169.
157 Pour l'analyse de quelques cas de lecteur je renvoie à S. Landi, Il governo delle opinioni, op. cit., p. 158160.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008