Chapitre IX. L’établissement d’un consensus
p. 207-233
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Texte intégral
1La loi sur les Assurances semble avoir laissé les nouveaux assurés dans l’indifférence tandis que les partis politiques l’ont défendue avec des motivations diverses, souvent éloignées de son contenu propre. Finalement, parce que, grosso modo, elle répondait aux aspirations de tous, elle a rallié en quelques années l’ensemble de l’échiquier politique, hormis quelques irréductibles situés aux deux extrêmes.
Les paysans résignés1
2L’instauration des Assurances sociales se situe à l’heure où, selon le recensement de 1931, le nombre de citadins – ceux qui vivent dans une commune de plus de 2 000 habitants – dépasse celui des ruraux. La société française se compose alors de trois groupes, proches sur le plan numérique : 14 millions de paysans dont 4/5 propriétaires ou exploitants, 13 millions d’ouvriers aux statuts diversifiés et 12 millions de personnes relevant du tertiaire. Le poids du monde agricole – 53,6 % de la population française vit à la campagne en 1921 et 48,8 % en 1931 – marque les mentalités et « parce que la majorité des Français se voient comme des ruraux, le poids de la terre dans les représentations et les valeurs politiques est considérable2 ». La notion de classes moyennes, thème fréquent du discours politique, véhicule l’image d’une démocratie de petits propriétaires exploitants. Pour ne prendre que deux exemples, la petite propriété domine en Haute-Marne comme dans la Vienne : sur 54 000 exploitations en Haute-Marne, la petite culture de moins de 10 hectares y représente en 1923 près de 71 % de la superficie alors que la moyenne culture (10 à 40 hectares) occupe 4 % des terres cultivables3. Dans la Vienne, sur 54 000 exploitations, 40 000 ont moins de 30 hectares et 60 % des exploitations se font en faire-valoir direct.
3Le maintien dans de nombreux départements de la petite propriété agricole accompagne les changements d’une France en cours d’industrialisation et d’urbanisation. Aux pertes démographiques résultant de la guerre de 1914-1910 s’ajoutent les effets de l’exode rural redouté par les dirigeants paysans qui en rendent l’industrialisation responsable4. De plus, le prix du blé ne cesse de baisser depuis 1926, ce qui, joint aux conséquences de la crise économique qui touche la France en 1931, provoque un mécontentement paysan profond : il culminera à la fin 19355. Pour les représentants du monde agricole, les Assurances sociales doivent tenir compte de la spécificité rurale et en particulier de sa complexité catégorielle. Partagés entre conservatisme et modernité, ils obtiendront des aménagements à la loi avant de s’y impliquer et de contribuer à sa réussite.
4Très vite, sont mis en avant les particularismes du monde agricole ultérieurement définis par « l’absence de toute distinction […] entre ouvriers et employeurs […]. Il est aisé de classer dans la catégorie des patrons un gros propriétaire ou un fermier […] et de ranger dans celle des salariés, les domestiques de ferme, les journaliers dont les ressources sont la plupart du temps, inférieures à celles de l’ouvrier des villes, mais entre des deux situations extrêmes, il y a une série d’intermédiaires » ; mais « ces différences […] apparaissent minimes à côté des caractères communs que leur confère leur état de paysan6 ». Le système des assurances repose sur le salaire ; or ce dernier est difficile à établir lorsque les rapports sont davantage fondés sur des relations personnelles que sur un contrat de travail : sur quelle base calculer les cotisations ? De plus, des dispositions comme les charges sociales, inhérentes au salariat, sont inconnues du monde agricole. La notion de risque, reconnue par la loi du 15 décembre 1922 qui étend aux professions agricoles la législation sur les accidents du travail, n’oblige pas les employeurs à s’assurer. Ils le font pourtant, conscients des dangers du métier. Enfin, l’adhésion et le financement obligatoires suscitent aussi des oppositions.
5Des parlementaires, issus ou proches du monde paysan, s’efforcent de trouver des solutions à ces questions. Trois d’entre eux, Victor Boret, Émile Cassez et Henri Queuille, marqués par l’expérience de leur département d’origine où subsiste la petite propriété traditionnelle, détiendront le ministère de l’Agriculture.
6En 1928, Émile Cassez vante la future loi, « essentiellement généreuse et humanitaire » qui ouvre « aux plus humbles, par la puissance du crédit mutuel, l’accession à la propriété7 » mais la juge inapplicable au monde rural8. L’unanimité qui prévaut, lors du vote par 447 députés, le 14 mars 1928, ne peut masquer les oppositions. Le député de la Haute-Marne, Charles Marin-Quilliard9, défenseur des intérêts des gros propriétaires fonciers, propose par amendement que la loi ne s’applique pas à l’agriculture. Une distinction doit être établie entre les ouvriers de l’industrie et les agriculteurs puisque « l’agriculteur ne travaille pas comme l’industriel… Il faut, en particulier, même le dimanche, soigner les animaux et le cas échéant, rentrer la récolte, si l’orage menace10 ». Un statut spécial tenant compte « des conditions très particulières de vie et de travail des populations rurales » est donc demandé, qui serait élaboré par les organisations représentatives du monde agricole. Cette démarche n’est pas isolée. Depuis les débuts de l’élaboration de la loi, plusieurs Chambres d’agriculture avaient émis des réserves à l’égard du projet. Elles regrettaient que les parlementaires aient fait fi de leurs remarques, faites notamment en 1927, sur le poids excessif des cotisations pour les employeurs en difficulté. Elles critiquaient ce nouveau service de l’État, entraînant paperasserie et accroissement des charges pour les petites exploitations et risquant d’entraver la constitution d’un capital pour devenir propriétaire. Pourtant, 51 Chambres d’agriculture, dont celles des régions de grande culture comme le Bassin parisien et le Nord, ont soutenu la loi en 1928. L’amendement Marin-Quilliard, est voté par 112 députés, le cinquième de la Chambre, dont 57 proviennent des régions de l’Ouest, traditionnellement opposées à l’État.
7L’amendement Marin-Quilliard fait courir le risque de remettre en cause la cohésion nationale : il est repoussé et la Chambre se prononce en faveur d’un règlement administratif destiné à répondre, dans un délai de deux ans, aux attentes du monde rural. Sur proposition du député radical-socialiste de la Haute-Marne, Georges Lévy-Alphandéry11, l’article 37 de la loi est ainsi complété : « L’assurance facultative en faveur des cultivateurs, fermiers, métayers, artisans et petits patrons et des membres de leur famille peut être pratiquée par des caisses mutuelles constituées et gérées comme les caisses d’assurances mutuelles agricoles créées conformément à la loi du 4 juillet 1900. » Ces caisses mutuelles devront grouper au moins cinq mille membres12. Ainsi, les assurés dits facultatifs, qui ne perçoivent pas de salaire proprement dit, bénéficieront de caisses autonomes constituées sur le mode des caisses d’assurance mutuelles agricoles.
8Cette disposition rapproche les exploitants agricoles du petit et du moyen patronat et rejoint la proposition faite en juin 1929 par Louis Loucheur, ministre du Travail, aux Chambres d’agriculture : appliquer la loi aux seuls secteurs du commerce et de l’industrie et élaborer ultérieurement un projet pour l’agriculture. Créées en 1919, les Chambres d’agriculture qui veulent réunir toutes les composantes du monde agricole qualifient alors la loi de ruineuse : elle ne fait pas de distinction entre la grande propriété avec ses salariés à vie et la petite où l’on peut espérer devenir exploitant. Elle alourdit les charges vis-à-vis de la concurrence étrangère et ne prend pas en compte la part importante de la main-d’œuvre dans les prix de revient (30 à 80 %). Les Assurances sociales vont réduire la quantité de capitaux disponibles, à l’heure où l’agriculture en a le plus besoin et risquent d’aggraver la situation de la majorité des exploitations, déficitaires depuis deux ans. L’exploitant se trouvant souvent dans une condition de rémunération inférieure à celle du salarié, devrait bénéficier d’avantages identiques, ce qui ne sera pas le cas pour les assurés facultatifs, dispositif « compliqué et de coût élevé ». Les Chambres d’agriculture proposent de confier la gestion des Assurances à la Mutualité et concluent par une menace qui en dit long sur leur poids dans la vie politique : « Si le Parlement ne vote pas le projet rectificatif, nous demanderons l’ajournement13. »
9À la fin de 1929, Victor Boret et Émile Cassez déposent au Sénat un projet rectificatif et lancent une campagne de soutien à cette initiative ; un mois plus tard, Émile Cassez explique à la Fédération des associations agricoles du Poitou les bienfaits d’une loi remaniée pour le monde agricole. Mais la contestation rurale s’amplifie, surtout dans les départements de l’Ouest où elle favorise la montée rapide de l’opposition dorgériste. En décembre 1928, Henry Dorgères s’est élevé à Vannes contre les Assurances sociales. Avec un autre agitateur paysan, Fleurant Agricola il tient plus de deux cents discours sur ce thème durant la seule année 1930. En février 1929, la Chambre d’agriculture de l’Ouest évoque un « soulèvement inévitable du sentiment public agricole dans les campagnes » contre la loi et le 7 mars 1929, « à l’initiative de la Chambre d’agriculture de l’Orne, trois cents délégués de diverses associations agricoles » envoient, dans le même esprit au ministère du Travail une délégation à laquelle participent des parlementaires14. En Mayenne, la presse de droite – le quotidien La Mayenne ou l’hebdomadaire maurrassien Le Courrier du Maine – a peu réagi lors du vote de 1928. Puis, elle affirme que la loi pénalisera les petits agriculteurs qui devront limiter le nombre de leurs salariés. Les cotisations trop fortes entraîneront le licenciement des domestiques agricoles et l’augmentation du chômage. L’assuré dépensera tout au lieu d’économiser. Les positions sociales seront bouleversées : ruinés par les charges, les chefs d’exploitation seront réduits au bureau de bienfaisance à l’heure où leurs domestiques percevront des rentes de l’État. Est également dénoncé l’influence allemande ou franc-maçonne sur cette « législation de ruine et de démobilisation », stigmatisée aussi comme une « tentative de bolchevisation ». La mainmise de l’État et son laxisme sont particulièrement visés. Le 15 mai 1929, le Journal de Flers, d’orientation centre gauche, reprend à son compte la critique d’Henry Dorgères : « Démoralisante, [la loi] encourage à la paresse, et à la simulation des maladies : elle crée une armée de tireurs au flanc, soutenus par une bande de médecins complices. »
10Des luttes d’influence surgissent pour la direction des caisses : les catholiques veulent des caisses primaires dirigées par des « hommes sûrs » et des « assurés choisis et animés du même esprit » pour éviter « des œuvres laïques, des hôpitaux écartant le prêtre et les religieuses ». En mai 1929, l’Union catholique mayennaise constitue sa propre caisse alors que les cultivateurs non propriétaires se prononcent en faveur de la Mutuelle agricole du Maine. Face à un syndicat de propriétaires conservateurs, souvent issus de la noblesse, et à un syndicat républicain de propriétaires et fermiers, également conservateur, s’organise un groupe d’agriculteurs progressistes du Craonnais se définissant comme « cultivateurs cultivants15 ».
11La contestation dorgériste s’étend sur les 22 départements de l’Ouest16, à travers une nébuleuse de Comités de défense paysanne, de syndicats, et de coopératives. En janvier 1929, 200 agriculteurs près de Château-Gonthier (Mayenne) se prononcent en faveur de l’application progressive de la loi, de sa révision par les Chambres d’agriculture et de sa mise en œuvre par les mutuelles. Le Comité de défense paysanne de Saint-Aignan-sur-Roé veut que le système, géré par la mutualité, se limite à la retraite, au décès et à l’invalidité. Le 28 mai 1929, en présence de tous les parlementaires de la Mayenne, se réunissent à Laval un millier de personnes qui « vomissent » la loi17. En juin 1929, trois sénateurs de la Mayenne demandent son ajournement et la consultation des Chambres d’agriculture ; en vain. D’autres contre-propositions ultérieures rencontreront un échec analogue. Le 1er février 1930, un Comité de défense paysanne réunit 10 000 personnes à Rennes, chiffre considérable malgré les 25 000 espérées. Beaucoup demandent que la loi soit appliquée dans un cadre mutualiste, comme à Alençon le 6 mars 193018 ; peu après, à Argentan, 3 000 personnes venues des départements limitrophes exigent une révision de la loi et obligent les trois sénateurs et les quatre députés de Mayenne à agir en ce sens.
12À la veille du vote de 1930, plusieurs amendements relatifs à l’agriculture sont repoussés. Le 19 avril, Joseph Cadic (Morbihan) demande l’ajournement pour que soit laissé au monde rural le temps d’obtenir les explications nécessaires ; Tinguy du Pouët (Vendée) préconise l’assurance maladie facultative, en raison de son coût trop élevé. En dépit du soutien de 100 parlementaires – dont 3 des 4 députés de l’Orne – et de 52 qui ne prennent pas part au vote, ces deux amendements sont repoussés. Six autres amendements sont discutés le 23 avril. Un nouveau texte déposé par le député de l’Eure Join-Lambert, qui demande un délai d’application de trois ans dans l’agriculture, recueille 161 voix (29 % de la Chambre), émanant de régions traditionnellement de droite : Sud du Massif Central, Pyrénées-Atlantiques, Est, Alsace-Lorraine. L’Ouest reste le fer de lance de la contestation (43 votants) mais avec une légère érosion par rapport à 1928, en Bretagne (11 députés contre 24) et dans les marges vendéennes (17 contre 20) ; la contestation parlementaire se maintient en Basse-Normandie avec 15 députés contre 13.
13La principale critique faite à l’encontre du texte de 1928 était sa trop grande rigidité administrative. Celui voté en 1930 contribue à enraciner les principes de démocratie sociale, défendus par le Parti radical. Il institue la gestion des prestations par les sociétés de secours mutuels autorisant le monde agricole à se doter de structures autonomes. Les salariés agricoles adhérent librement à une société de secours mutuels ou à la caisse départementale. La révision de la loi dans le sens voulu par le gouvernement est finalement votée par 552 voix pour, 17 contre et 27 abstentions ; sur ces 44 contestataires, 10 sont originaires de Basse-Normandie, et 3 de l’Orne. 3 députés mayennais sur 4 votent la loi et au Sénat, 2 de l’Orne, dont Alexandre Millerand, y sont favorables ; le troisième ne prend pas part au vote. La contestation et les inquiétudes mettent du temps à s’atténuer. Lors des élections législatives de mai 1932, la question occupe encore une place essentielle dans l’Orne. En juillet 1932, le duc d’Audiffret-Pasquier dépose, avec d’autres députés du département, un nouveau projet d’assurance facultative qui est rejeté19. En février 1935, 200 délégués du Syndicat des agriculteurs de l’Orne et de la Fédération des syndicats agricoles demandent, à Alençon, en présence de 7 parlementaires et de 12 conseillers généraux, une révision de la loi, en raison de la crise agricole ; la révision est à nouveau soulevée en octobre lors des élections sénatoriales. Durant les élections de 1936, Aveline, le candidat du Front populaire, se prononce en faveur de l’application de « cette loi humanitaire et juste dans son principe » par la Mutualité20. L’idée que les Assurances sociales fonctionnent sur la base de « rouages trop compliqués » et que cette « législation étatiste [entraîne] des contraintes vexatoires » reste répandue21.
14Tout en s’inspirant du modèle allemand, à travers la législation restée en vigueur dans les départements rattachés de Lorraine et d’Alsace22, la loi tient compte, en définitive, des attentes du monde rural. Ses bénéficiaires sont les cultivateurs propriétaires, les fermiers, les métayers, les ouvriers agricoles, les artisans ruraux, les employés des groupements professionnels ainsi que les employés des entreprises de battage et de travaux agricoles âgés de moins de 60 ans et dont les revenus vont de 15 000 francs (assurés sans enfant) à 25 000 francs (trois enfants ou plus).
15Les assurés sont de deux types. Les assurés obligatoires sont les salariés des deux sexes et les métayers ne disposant d’aucun cheptel et n’utilisant pas de main-d’œuvre salariée ; le propriétaire est alors considéré comme employeur. Ils profitent de la couverture des risques maladie, maternité et décès garantis par la répartition, moyennant une cotisation de 10 francs par mois, quel que soit le montant du salaire, payée à part égale par l’employeur et le salarié. Doublée par l’État, cette cotisation s’élève à 240 francs par an. Les remboursements se font sur la base de 85 % du montant des frais pour un salaire inférieur à 20 francs par jour, 80 % s’il dépasse ce chiffre. L’invalidité et la vieillesse sont garanties par capitalisation. L’invalidité est retenue pour incapacité des deux tiers, pendant cinq ans avec paiement de la moitié du salaire, plus une pension égale à 40 % du salaire moyen annuel. La pension devient définitive si l’invalidité persiste au-delà des cinq ans. Versées à 60 ans, les retraites s’organisent en cinq catégories déterminées sur la base des salaires annuels définis par le préfet, selon la loi du 15 décembre 1922. La Caisse générale de garantie majore les cotisations de 80 %. Une rente viagère de 40 % du salaire de la catégorie concernée, augmentée d’une prime pour les familles de plus de trois enfants, est également servie.
16Seconde catégorie, les assurés facultatifs – cultivateurs, fermiers, propriétaires, artisans ruraux, métayers et membres de la famille de l’exploitant travaillant avec lui sans recevoir de salaire – peuvent s’assurer uniquement pour la vieillesse et la maladie. Un assuré facultatif, inscrit à la seule assurance vieillesse, verse une cotisation d’au moins 60 francs par an, doublée par l’État ; il peut obtenir une retraite égale à celle d’un salarié de catégorie 4. Les risques assurés par répartition demandent une cotisation de 10 francs par mois, également doublée par l’État ; l’assuré bénéficie alors des mêmes avantages que les assurés obligatoires23.
17Le système est géré dans un cadre mutualiste : de la première rédaction de la loi du 5 avril 1928, subsiste une caisse départementale avec une section agricole, gérée par 6 délégués émanant des organisations agricoles. S’y affilient les assurés obligatoires qui n’ont pas adhéré à une société de secours mutuels agricoles ou à une caisse autonome de retraite si, à dater de la mise en route de la loi, ils n’ont pas, dans un délai d’un an, rejoint l’un de ces organismes. Les organisations émanant du monde paysan occupent ainsi une place déterminante dans le système. Pour le risque vieillesse, les caisses mutuelles agricoles ouvrent un compte à chaque adhérent et transmettent les cotisations soit à la Caisse autonome mutualiste des retraites, contrôlée par la Société des agriculteurs de France soit à la Caisse autonome de l’Union nationale mutuelle agricole, émanant de la Société nationale d’encouragement à l’agriculture, présidée par Victor Boret. Là où n’existe ni mutuelle ni caisse autonome, l’administration recommande d’en créer une ou de se rattacher à celle de la commune ou du groupe de communes voisines.
18En 1928, vivotent en Mayenne 119 sociétés de secours mutuels dont les plus anciennes remontent au Second Empire. La plus petite compte 10 membres, la plus importante, celle des instituteurs, 680. En 1931, elles ne totalisent que 9 410 adhérents sur les 255 000 personnes que compte le département. En février 1929, 38 sociétés (4 476 membres) se sont fédérées en une Union départementale24. Puis le nombre de ces sociétés explose – 157 en 1930, 213 en 1931 – au profit de caisses agricoles mais la plupart sont des créations de pure forme. Pratiquement aucun salarié n’y est immatriculé et à la fin de 1931, seules 3 des 84 caisses agricoles fonctionnent réellement25. La multiplication de ces sociétés est l’expression de la crainte de la mainmise de l’État. En avril 1929, l’Union mutualiste de la Mayenne qui adhère à la FNMF crée une caisse primaire maladie, maternité et retraite ; elle appelle les mutuelles agricoles à la rejoindre et à coopérer avec la Mutualité agricole du Maine pour la maladie et la maternité et avec la Caisse régionale du Maine pour la vieillesse. À l’heure où les conseils se multiplient pour adhérer aux « bonnes caisses », l’Union exhorte les salariés agricoles à s’inscrire aux caisses mutualistes26.
19La loi votée, il faut au cours de l’été en expliquer les modalités aux employeurs, leur faciliter les démarches et trouver les moyens d’encourager les premières inscriptions alors que les moissons battent leur plein. On rappelle que le paiement des cotisations est attesté par un timbre et que si l’assujetti refuse de payer sa cotisation, l’employeur est dégagé de ses obligations ; le salaire est alors amputé de cette cotisation. Le statut des assurés facultatifs nécessite aussi des éclaircissements, comme le fait Henri Lacaille, président de l’Union mutualiste de Haute-Marne. Les épouses des assurés obligatoires et les femmes des assurés facultatifs bénéficiant du système doivent faire une demande d’adhésion à la préfecture ou à la caisse choisie. Mais aucune disposition n’est prévue pour les épouses d’exploitants agricoles ; Henri Lacaille propose à ces assurés de s’inscrire à une caisse de secours mutuels ou à la caisse départementale, ce qui en fait davantage des salariés que des agriculteurs27.
20Les versements des assurés facultatifs agricoles sont calculés sur la base de leur salaire ; ils bénéficient également des bonifications de la Caisse générale de garantie. Le Service départemental est habilité à délivrer une carte annuelle avec un feuillet trimestriel sur lequel figure cette double contribution. Les assurés sont ainsi dispensés de payer les cotisations afférentes à l’assurance maladie pendant la période où ils reçoivent des prestations en argent. Tout comme les assurés obligatoires, ils possèdent les droits à majoration pour charges de famille. Les facultatifs agricoles cotisent à une société de secours mutuels, pour tout ou partie, des risques maladie, maternité, décès. Ils effectuent un versement annuel, 60 francs minimum, une caisse de solidarité doublant ce versement sans que cette contribution puisse dépasser 100 francs par an. Cette caisse peut aussi verser une contribution supplémentaire mensuelle de 10 francs pour offrir, pour le risque vieillesse, des avantages identiques à ceux dont bénéficient les salariés du commerce et de l’industrie.
21Les salariés agricoles sont incités à rejoindre la caisse départementale ou à constituer leurs propres caisses. Parfois avec succès. Ainsi, en Charente-Inférieure la section locale de Bois-en-Ré, créée en 1932, est composée exclusivement d’assurés agricoles – obligatoires et facultatifs – ainsi que de membres honoraires et de non assujettis aux Assurances sociales (employeurs non assurés). Cette section, dont la gestion est distincte de celle de la société de secours mutuel, veut couvrir les risques maladie, maternité, décès et invalidité pour tous ses adhérents28. Dans, l’Orne, sur 33 964 exploitants en 1929, 8 828 emploient des salariés : 18 861 permanents et 8 505 journaliers agricoles, soit environ 27 000 ouvriers agricoles. Mais les journaliers sont-ils employés plus de 3 mois par an, durée nécessaire pour être considérés comme des assurés obligatoires29 ? La popularisation de la loi donne des résultats : en juillet 1935, le nombre d’assurés agricoles s’élève à plus des deux tiers des salariés permanents du département30.
22Après une dispersion dans le choix des caisses, les caisses départementales gagnent du terrain : avec 7 000 assurés, la caisse départementale de l’Orne l’emporte sur ses rivales. Mais de nombreux dirigeants agricoles restent hostiles à l’obligation ; le Syndicat des agriculteurs de l’Orne, adhérent à la rue d’Athènes31, comprend vite qu’il ne doit pas laisser la paysannerie filer vers la caisse dite officielle. Dirigé par le comte Roger de Beauregard32, proche de l’Action française, ce syndicat regroupe, en 1938, 4 100 paysans moyens et aisés du Perche et de l’Orne centrale. À travers son investissement dans les Assurances sociales, il pense combattre les syndicats nouveaux, issus des petits cultivateurs des Bocages de l’Ouest regroupés en 1931 dans la Fédération des syndicats agricoles de l’Orne qui rassemble 4 500 adhérents en 193833. En Charente-Inférieure, la Fédération régionale agricole des Charentes et du Poitou impulse à partir de 1931 des caisses locales mutualistes et recrute chez les exploitants agricoles, fermiers, cultivateurs, métayers et artisans ruraux34.
23Les débuts de l’application sont difficiles en raison de l’absence de directives permettant aux caisses de calculer leurs propres tarifs. De nombreux petits exploitants ne peuvent s’inscrire en raison du manque d’imprimés et s’étonnent de cette différence de traitement avec les salariés de l’industrie : on leur a pourtant dit qu’ils bénéficieraient des mêmes droits. Henri Queuille cherche à minimiser ces dysfonctionnements et montre que la loi répond aux besoins du monde rural. « Les réactions de l’opinion paysanne, moins vives […] que celles des masses ouvrières, sont plus tenaces. Si les Assurances sociales laissent nos agriculteurs indifférents d’abord, hostiles ensuite, ne serait-ce point dangereux35 ? » La loi est peu coûteuse pour les agriculteurs : un peu plus de 2 % du salaire mensuel, selon Émile Baillargué, directeur des services agricoles de la Vienne. Dans plusieurs départements du Centre, les associations agricoles vantent les mérites de la loi aux petits propriétaires Elles leur permettra de constituer des retraites qu’ils envient depuis si longtemps aux fonctionnaires. Certes, cela exigera d’abandonner chaque mois une partie du gain mais il s’agit d’un bon placement, garanti par l’État.
24Si les propriétaires exploitants attendent le plus de la loi, leur méfiance est tenace. À la tête d’une exploitation de 24 hectares dans la Somme, Valentin Salvaudon emploie 18 salariés à plein temps et 20 saisonniers. Cet ancien combattant a entrepris une carrière politique locale sur le rejet des Assurances sociales ; en refusant de payer les cotisations de ceux qu’il emploie, il provoque l’État et suscite la saisie de ses biens, organisée par vente, le 18 juin 1933. Valentin Salvaudon fait appel à l’Action française, à la Ligue des contribuables ainsi qu’au Comité de défense paysanne d’Henry Dorgères qui organise une manifestation de soutien devant sa ferme pour empêcher la saisie. Point culminant de l’opposition paysanne à la loi, cette affaire qui a un retentissement national, advient dans le fief de Marcel Bernard, prototype du préfet favorable à la réforme. Il ne peut laisser bafouer ainsi l’autorité de l’État. La vente a lieu, mais au profit d’amis de Valentin Salvaudon. Henry Dorgères condamné à une peine légère devient célèbre et reçoit l’appui de nombreux notables paysans. Mais l’indifférence à la réforme se mesure à la rapide retombée de la tension, malgré la persistance de la contestation dorgériste36.
25S’appuyant sur l’expérience acquise, en particulier avec la mutualité, le Parlement a autorisé les sociétés de secours mutuels à se regrouper pour créer des caisses primaires « chez les agriculteurs et chez les mutualistes enrôlés depuis la première heure dans les sociétés locales ». Dans ces conditions, une organisation comme la Mutualité agricole de l’Est apparaît comme « l’organisme qualifié […] en matière d’Assurances sociales, comme en matière incendie et accidents37 ». Outre 29 caisses des salariés du commerce et de l’industrie, elle regroupe 330 sociétés agricoles complémentaires aux caisses départementales. Dans l’Orne, est créée en mars 1930 une caisse départementale mutuelle des agriculteurs38 qui se transforme l’année suivante en Caisse mutuelle agricole pour éviter toute confusion ; en 1934, elle regroupe 5 500 assurés39. Tous ces organismes développent un réseau de correspondants locaux qui relèvent les feuilles de maladie et règlent eux-mêmes les prestations40.
26Selon l’Union des syndicats agricoles, 300 000 adhésions ont été recueillies en 1930 dans toute la France, sur un total de 600 000 travailleurs agricoles obligatoires ; le succès est d’autant plus net que la période d’inscription a correspondu à celle des gros travaux agricoles41. Début 1935, ces 600 000 travailleurs sont assurés42. Les aménagements de la loi ont favorisé l’affirmation identitaire du monde rural et participé à son organisation. Sa réussite doit aussi à la mutualité qui a su apaiser les inquiétudes paysannes. Ainsi Émile Baillargué souligne, en mai 1931, les avantages du dispositif. La couverture du risque maladie sera sans doute particulièrement avantageuse car le pourcentage de malades sera, selon lui, beaucoup moins élevé dans l’agriculture qu’ailleurs : « Il y aura moins de malades, non seulement parce qu’il y a moins de paresseux mais aussi parce que la surveillance sera plus facile à faire à la campagne que dans les grandes villes43. » Le paiement des cotisations et des prestations sociales sera également plus aisé. La gestion, moins coûteuse, permettra une réduction des cotisations ainsi que le développement d’œuvres sociales. Les retraités agricoles verront leur position financière consolidée, facteur de leur maintien à la campagne. Disposant du statut d’assuré facultatif, les employeurs seront moins dépendants de leurs enfants quand ils prendront leur retraite. De plus, « grâce à l’assurance maladie, bien des vies pourront être sauvées. La France n’est pas trop riche en capital humain, celui qui existe doit être soigné et il le sera grâce aux Assurances sociales44 ». Enfin, l’amélioration de la santé publique entraînera celle des conditions de vie.
27Mais la situation varie d’un département à l’autre ; dans l’Orne, les assurés facultatifs sont en tout petit nombre : 20 au début 1931, 50 un an plus tard. La question de la gestion est essentielle. L’expansion des mutuelles est assurée lorsqu’elles sont soutenues par les notables locaux. La Caisse mutuelle des agriculteurs évite l’hémorragie vers celle de l’Union, dont la section agricole ne couvre guère plus de 5 % des salariés permanents45. En avril 1933, devant l’Union régionale des Caisses mutuelles agricoles de l’Est, Émile Cassez, dresse un bilan des résultats obtenus depuis trois ans. Constituée le 1er juillet 1930, une branche supplémentaire à celles existantes – incendie, accident, grêle – a été investie d’une double mission : assurer les risques de répartition (maladie, maternité) couverts par ses caisses locales affiliées et gérer directement, dans le cadre de la Caisse autonome de retraites, la vieillesse puis l’invalidité. Chaque organisme a ses attributions propres et « s’ils se confondent au point de vue légal, dans la personnalité de l’Union, ils sont indépendants au point de vue financier46 ». L’Union réassure 719 caisses locales ou cantonales : 384 en Haute-Marne, 131 en Meurthe-et-Moselle, 78 dans la Meuse, 39 dans les Vosges, 24 dans le Doubs, 22 en Haute-Saône, 15 dans le Territoire de Belfort, 11 dans la Marne, 7 dans le Jura, 6 en Saône-et-Loire, 2 dans les Ardennes. Approximatifs en raison de la mobilité de la main-d’œuvre agricole chez les ouvriers étrangers et les bûcherons, les chiffres font apparaître une augmentation de 10 % entre 1932 et 1933 pour les assujettis obligatoires. Les assurés facultatifs sont 8 100 pour l’assurance vieillesse et 1 150 pour l’assurance maladie, maternité, décès ; 1900 assurés facultatifs supplémentaires ont été gagnés en 1932-1933. Si 60 % seulement des assujettis sont à jour de leurs cotisations, la hausse des adhésions et la création de 19 caisses sont autant de signes encourageants. Enfin, l’Union réassure les Caisses agricoles mutuelles du Jura et de la Haute-Saône, soit 3 000 assurés supplémentaires. Ce bilan – croissance du nombre des assurés, des cotisants, des encaissements et des dépenses – est, selon Émile Cassez, le signe d’une « meilleure compréhension de la loi dans les campagnes, tant par les assurés qui constatent qu’elle présente […] de multiples avantages, que par les employeurs qui prennent peu à peu conscience du rôle qu’ils doivent jouer dans cette application47 ».
28Pour les dirigeants de l’Union des caisses mutuelles agricoles, la loi réaménagée, bénéfique au monde rural, a permis de « calculer les indemnités avec plus d’élasticité que les autres organismes. [Les] associations [adhérentes] peuvent s’écarter de la loi dans le règlement des prestations et attribuer des indemnités à un taux supérieur à celui pratiqué par les caisses non agricoles48 ». Pour être attractives, les mutuelles doivent diversifier leurs services et élargir leur offre. En 1933, la Caisse mutuelle de l’Orne signe une convention avec la Fédération départementale des œuvres de protection maternelle : des infirmières conseilleront les futures mères et donneront des soins aux nouveau-nés. En juillet 1939, est organisé un service de layette49. En Haute-Marne, des prestations, supérieures à celles prévues dans le cadre légal, apparaissent à titre incitatif, tel le taux de remboursement des frais de visite médicale, incluant les frais de déplacement. De nouvelles mesures sont mises en œuvre pour mieux prendre en charge les assurés. L’assurance invalidité n’existant pas, il est donc considéré comme « un acte d’humanité et un devoir social » d’employer une partie des bénéfices réalisés depuis 1930 pour combler cette lacune. Il devient possible d’établir des statistiques des maladies graves et du coût des soins à apporter aux invalides et même de mettre à l’étude le relèvement de la couverture des soins spéciaux et des interventions chirurgicales.
29Les Assurances sociales contribuent à modifier les mentalités rurales. Au début de l’année 1936, l’ouverture à Briouze (Orne) d’un bureau intercommunal de renseignements facilite le paiement des cotisations et l’obtention des indemnités. Fin août, ses animateurs proposent « la création d’un centre de documentation complète et le fonctionnement d’une permanence hebdomadaire ; des spécialistes des questions municipales et agricoles parleront des économies possibles sur les dépenses d’assistance et des cas spéciaux aux Assurances sociales50 ». Parfois, les mutuelles coopèrent avec les mairies ; en 1934, le maire de Planches (Orne) affirme avoir inscrit plusieurs ouvriers agricoles, à la demande de leurs employeurs51. D’autres élus soulignent la part limitée que représentent les Assurances sociales dans un budget agricole. En 1934, le maire d’une petite commune de l’Orne après avoir détaillé son propre budget (automobile, 10 % ; l’électricité coûte cher ; main-d’œuvre : 20 % ; habillement : 5 % ; outillage : 15 % ; engrais : 18 % ; nourriture : 12 % ; réparation des bâtiments : 7 % ; assurances : 3 % ; charges sociales : 2 % des salaires payés soit 0,7 % des frais généraux) conclut « les Assurances sociales ne coûtent à peu près rien car elles ont notablement diminué les frais d’assistance médicale52 ».
30Selon Philippe-Jean Hesse, les agriculteurs ont été les oubliés de la protection sociale53. L’examen de la situation dans l’ensemble de l’Ouest, de l’Est, de la Haute-Marne et des départements limitrophes ainsi que de la Vienne montre qu’après une période d’inquiétude et de contestation qui culmine à la fin 1935, la loi aménagée a su gagner la confiance du monde rural, en respectant sa spécificité. Plus onéreux que celui de l’assuré obligatoire, le statut d’assuré facultatif a été considéré comme essentiellement transitoire. Après une période de désintérêt puis d’interrogation, les questions de protection sociale, présentées au plus grand nombre, ont nourri le débat politique sur le type de société que les responsables du pays voulaient construire. Elles ont aussi constitué une part importante de l’engagement de nombreux hommes politiques.
L’institutionnalisation des mutualistes
31Selon la loi de 1928, tout mutualiste ayant adhéré six mois avant son entrée en vigueur sera présumé affilié à la caisse de sa société, sauf s’il y renonce dans un délai de deux mois (article 26). La présomption d’affiliation est retenue par le texte définitif, jusqu’à trois mois avant son application, soit donc le 30 mars 1930. Les sociétés doivent en informer leurs adhérents, ce qui ne semble pas toujours fait. D’où un certain nombre de plaintes de la mutualité qui, estimant le nombre de ses adhérents minoré, se juge lésée. Ainsi, dans l’Ain, elle proteste contre le fait que plus de 10 000 mutualistes n’ont pas été inscrits convenablement, signe manifeste, selon elle, de l’étatisation abusive de la loi. En avril 1931, la Mutuelle sociale n° 1 du Rhône, affirme qu’on lui a pris indûment 7 000 à 8 000 adhérents sur les 35 000 assurés sociaux. À cette date, les caisses départementales géreraient, à tort, environ 500 000 mutualistes54. À l’été 1932, la Fédération mutualiste de la Seine (FMS) réclame à la CIAS, on l’a vu, le remboursement de cotisations qui auraient été attribuées par erreur à cette dernière et qui concerneraient le tiers des mutualistes de la Seine, soit 354 000 personnes ! Après négociation avec la CIAS, un accord est trouvé pour remédier à cette situation55.
32Ailleurs, les conflits se résolvent également et les Assurances profitent à la Mutualité. En 1930, les mutualistes, répartis dans 23 000 sociétés de base, sont 8 224 000, plus 923 000 membres honoraires56. À la fin de 1938, ils sont 9 809 000, dont 1 271 000 honoraires, répartis sur tout le territoire dans 31 853 sociétés de secours mutuels composées de 327 unions ou regroupements57. Le doublement des effectifs par rapport à 1914, est pratiquement achevé en avril 1930. La perspective de la mise en place prochaine de ce système obligatoire place la mutualité en position attractive, et lui permet de recruter massivement : sur ce plan, les recommandations de Gaston Roussel ont été suivies. Cet accroissement s’accompagne d’une progression sensible des membres honoraires – plus de 46 % – alors que celui des membres participants ne dépasse pas 15 % : ces deux chiffres traduisent une évolution d’ensemble où les gestionnaires les plus âgés se taillent la part du lion. Enfin, la décennie 1930 voit une augmentation considérable des ressources de la FNMF et de ses organisations. Trente ans après sa fondation en 1902, elle est en mesure d’acheter son propre local, obtenu au titre de placement des fonds de sa caisse de capitalisation. Le Palais de la Mutualité est inauguré à Paris en juillet 1931 en présence du Président de la République. En 1930, la FNMF emploie 6 personnes, 12 en 1932 et 94 en 1939.
33Avec les Assurances sociales, la Mutualité a craint le pire, comme l’ont répété à l’envi ses dirigeants. En 1930, son président Georges Petit estime : « Nous venons de vivre les heures les plus dangereuses que nous ayons connues et qui ont mis en péril l’existence même de nos sociétés58. » Ce cap semblant franchi, Léon Heller, élu en juin 1931 à la présidence de la FNMF, se demande pourtant devant ses adhérents « si nous ne sommes pas réunis aujourd’hui pour sauver la Mutualité que nous sentons menacée et surtout pour sauver la sainte liberté qui a été octroyée par la Charte du 1er avril 189859 ». Les mutualistes sont troublés par les adhésions massives aux caisses départementales, considérées comme des « caisses déchets », qui pourtant raflent la mise. Les mutualistes craignent aussi que leur unité soit remise en question par la scission, matérielle et morale, qui risque de s’instaurer entre assujettis et non assujettis.
34En 1932, la FNMF soutient un projet de révision de la loi, déposé par les députés Maurice Dormann, élu de Seine-et-Oise et membre du comité exécutif de la FNMF, et Jean Montigny. Sans remettre en cause le caractère obligatoire de la loi, ce projet vise à sa mutualisation en demandant notamment la suppression du précompte : les mutualistes pourraient verser directement leurs cotisations à leur société de secours mutuels. Dans certains départements comme l’Orne, des députés soutiennent ce projet60. De son côté, la CGT le dénonce aussitôt car elle y voit un sabotage de la loi. La Confédération syndicale des médecins de France (CSMF), constituée en 1928 pour faire entendre la profession y est également hostile ; tout comme la Fédération nationale des Caisses départementales d’Assurances sociales, par la bouche de son président Paul Villemin61. Après avoir pris ses distances par rapport à ce projet, rejeté, la FNMF y renonce définitivement en septembre 1934. Mais des voix discordantes continuent à se faire entendre dans le vaste monde mutualiste : l’Union nationale des présidents de sociétés de secours mutuels prend, à l’égard des Assurances sociales, des positions plus critiques que la FNMF et organise le 14 décembre 1935 une grande manifestation sur le mot d’ordre : « La Mutualité ne veut pas mourir. » Au fil du temps, les critiques s’atténuent. Secrétaire général de la FNMF depuis 1928, Romain Lavielle se réjouit en 1936 devant les mutualistes que « le plus mauvais du parcours est fait, les Assurances sociales n’ont pas tué la Mutualité. C’est donc qu’elle peut leur survivre62 ». Dans une conférence à Radio-Paris en mai 1938, Léon Heller exalte les bienfaits des Assurances faites « pour le bien de tous [et qui] doivent être l’œuvre de tous63 ». Il souligne que cette loi de prévoyance obligatoire n’est pas de l’assistance.
35Le fort investissement des mutualistes dans les Assurances sociales montre le caractère illusoire de leurs craintes. Ils siègent dans la plupart des instances du système, que ce soit au niveau national ou départemental. C’est le cas de Léon Heller (président de la FNMF de 1931 à 1950, membre du Conseil supérieur des Assurances sociales, administrateur de la Caisse générale de garantie, président de la CIAS à partir de 1930) comme d’Eugène André, Victor Bernard, Jean Derdinger, etc.64. La réalité de la présence mutualiste au sein des Assurances sociales reste pourtant difficile à mesurer. Elle varie selon les sources, de 80 % dans les 800 caisses répertoriées en 1932 à 25 %. Ces différences s’expliquent par la complexité de l’intervention mutualiste : elle s’exerce souvent par l’intermédiaire de caisses soi-disant mutualistes qui sont en fait des créations patronales. L’investissement des mutualistes dans la direction des caisses départementales reste également difficile à cerner car on ne dispose pas de renseignements biographiques sur ces responsables. Ils semblent y être très présents, que ce soit à la CIAS, dans l’Hérault, l’Isère, la Loire, l’Orne, le Rhône ou la Sarthe65. Si l’influence mutualiste est tempérée par l’omniprésence de l’État, qui décide, par arrêté, les taux de cotisation et de remboursement, l’osmose entre mutualité et Assurances sociales est devenu en quelques années une réalité tangible66.
36Sur le plan des effectifs comme celui des réalisations, les dirigeants de la FNMF ne cessent de souligner leur apport. La FNMF met en place deux structures spécifiques aux Assurances : une Union nationale des caisses de répartition qui, en 1937, rassemble 283 caisses primaires totalisant 2 325 000 assurés67 et une Union nationale des caisses de capitalisation groupant à la même date, à travers 53 caisses, 3 530 000 assurés. Mais il subsiste un certain flou sur ces chiffres : selon d’autres sources émanant également de la FNMF, cette dernière dirigerait, toujours en 1937, 528 caisses de répartition maladie et maternité groupant 3 058 000 assurés du commerce et de l’industrie, soit 31,3 % de l’effectif total des bénéficiaires ; dans le secteur agricole, 755 000 assurés, soit près de 66 % du total, seraient couverts par 268 sociétés. Ces chiffres auraient peu varié depuis 1930 : grosso modo, un tiers des assurés serait donc affilié aux caisses mutualistes pour la maladie et la maternité. De leur côté, 63 caisses de capitalisation vieillesse invalidité et décès réuniraient, toujours en 1937 selon la FNMF, 6 189 000 assurés soit 63,4 % ou les deux tiers du total, c’est-à-dire le double des caisses de répartition68. À cela s’ajoutent 805 000 assurés agricoles, soit 70 % du total, à travers 49 caisses autonomes. Imprécis mais impressionnants, ces chiffres ne rendent pas entièrement compte de la réalité car ils ne peuvent intégrer l’influence des mutualistes dans les caisses départementales. Une chose est sûre : à travers le système des Assurances, la Mutualité affirme sa présence dans tout le pays.
37Dans l’Isère, les mutualistes, d’abord hostiles à la loi se résignent à l’accepter tout en cherchant à l’aménager à leur profit. Depuis 1920, l’universitaire Marcel Porte, président de l’Union mutualiste et responsable national, s’est prononcé en faveur d’un système d’Assurances sociales portées par la mutualité. Membre de leur Conseil supérieur en 1933, il les défend inlassablement jusqu’à sa mort en 1935. Apolitiques modérés, les mutualistes de l’Isère préfèrent à la gestion de la protection sociale par l’État une adhésion volontaire à une mutuelle. Ils plaident pour un fonctionnement « simplifié et décentralisé familier aux mutualistes, par de petites sociétés locales où les administrateurs peuvent supprimer tant d’abus par la connaissance personnelle qu’ils ont de leurs sociétaires et la surveillance discrète qu’ils peuvent exercer ». S’étant préparée à la loi nouvelle, tout en maintenant son système antérieur de gestion, la mutualité de l’Isère peut proposer de meilleures prestations et faciliter les recrutements. Les mutualistes contrôlent aussi la caisse départementale. L’Union mutualiste met sur pied une caisse de répartition pour la maladie et la maternité ; une caisse vieillesse fonctionnant sur la base de la capitalisation gère les retraites. Des caisses locales sont créées à Vienne, Bourgoin et Vizille. Dès lors, la Mutualité se renforce sans supprimer la concurrence ancienne entre les sociétés, ce qui désole Marcel Porte. Jouant le jeu de la réforme, elle s’ouvre à des personnalités du catholicisme social – René Frappat et le futur député MRP Antoine Buisson – tout en se rapprochant des syndicats ouvriers. De leur côté, les catholiques forment en 1929 l’Union catholique des mutualités des Alpes, dirigée et animée par des enseignants.
38La Mutualité tourangelle s’implique également dans les Assurances sociales, peut-être en raison de son histoire marquée par le radicalisme : à la création de son Union départementale en 1900, Camille Chautemps et René Besnard, bientôt ténors du Parti radical, ont siégé à son Bureau. Puis, l’Union s’est investie dans les Retraites ouvrières et paysannes. À partir de 1927, la mutualité tourangelle s’est préparée aux Assurances sociales car « pour donner à la loi tous ses bienfaits par nos soins, il faut que nous soyons fortement et complètement organisés69 ». Le 17 mars 1928, son président Émile Olivier, s’est affirmé à nouveau en faveur de la réforme. « Il faut que nous enlevions au travailleur, au salarié, l’angoisse du lendemain, que chacun puisse travailler, avec cœur, sans arrière-pensée. » Grâce à l’activité des mutualistes, le département abrite de multiples organismes : la caisse départementale, une caisse CGT, l’Union tourangelle interprofessionnelle d’origine patronale, la Touraine mutualiste, la Mutuelle familiale tourangelle, d’origine confessionnelle et la Fédération des sociétés de secours mutuels de l’alimentation. Ils créent enfin un Comité d’entente des différentes caisses, l’un des premiers du pays, qui donnera naissance en 1936 à l’Union des caisses primaires d’Assurances sociales70.
39Dans la Marne, 11 caisses primaires sont créées en 1930, 5 émanant de mutuelles patronales et 3 de groupements mutualistes. Peu après, elles se regroupent en 6 caisses, principalement autour de l’Union mutualiste qui accueille 4 caisses patronales. Des liens étroits existent dans ce département entre la mutualité et le patronat, comme dans le Nord ou le Rhône. La caisse départementale arrive largement en tête du nombre d’adhérents avec 65 % des assurés contre 22,3 % à l’Union mutualiste qui œuvre aussi dans la caisse départementale71. En Meurthe-et-Moselle, on constate à l’approche de la loi un accroissement sensible du nombre de mutuelles ; les sociétés libres passent de 69 (44 000 adhérents) à 115 (74 500) et les sociétés approuvées de 162 à 181 (36 000 adhérents à 56 000). Mais cette vitalité est artificielle et s’essouffle dès 1931. Beaucoup de sociétés ne faisant rien pour s’adapter sont délaissées par leurs adhérents qui rejoignent la caisse départementale. Les activités proprement mutualistes de l’Union mutualiste sont reléguées au second plan, au bénéfice de la gestion des Assurances sociales. Cette évolution explique la relative stagnation des mutuelles de Meurthe-et-Moselle durant la décennie 1930 : accaparée par la réforme, l’Union n’est pas en mesure d’impulser une dynamique mutualiste autonome72. De nombreuses unions mutualistes départementales se trouvent dans une situation analogue73.
40L’investissement de la Mutualité n’est pas perçu par l’opinion, accaparée par l’affaire Stavisky, le 6 février 1934, le Front populaire et la situation internationale. Pourtant la gestion du système accroît sa puissance, au prix d’une perte sensible de son allant, de sa sociabilité, du caractère militant qui avait fait sa force avant 1914. En se bureaucratisant, elle tend à apparaître comme un rouage de l’État. Ce que reconnaîtra ultérieurement Paul Aubry, responsable mutualiste de Meurthe-et-Moselle et futur secrétaire général de la FNMF : « Les 9/10e du temps pour ne pas dire les 99/100e étaient consacrés aux Assurances sociales74. » Il rejoint en cela Pierre Laroque, père de la future Sécurité sociale, qui suit alors la mise en œuvre de la réforme : « La Mutualité s’était enlisée et bureaucratisée dans les Assurances sociales. Elle était devenue purement gestionnaire alors que sa vocation est de faire du neuf, jouer un rôle pionnier75. »
41Quelques-uns voudraient résister à cette évolution insidieuse. En 1936, lors du congrès de la FNMF, Léon Heller s’insurge contre les informations « désobligeantes à l’égard de l’action fédérale », publiées par La Mutualité nationale, critiquant la passivité de la Fédération. En août 1937, un décret-loi élargit la tutelle administrative gouvernementale sur la mutualité. Aussitôt, Romain Lavielle dénonce un texte « mutualophobe » et s’étonne « que trop d’entre nous l’ont reçu avec une indifférence étonnante ». Ces réactions sont rares et dans l’ensemble, les mutualistes s’accommodent de leurs nouvelles fonctions qui confortent leurs tendances les plus modérées et conservatrices. Elles auront l’occasion de s’épanouir quelques années plus tard et expliquent les positions chartistes prises entre 1941 et 1943. Pour ce mouvement, le réveil sera dur à la Libération.
L’adaptation du patronat76
42Après avoir tenté de retarder le vote de la loi, le patronat crée, à partir de 1928, ses propres structures, sous forme de sociétés de secours mutuels. En juin 1930, l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), se félicite de l’existence de 170 caisses d’assurance sociales, métallurgiques ou interprofessionnelles. Elle recommande formellement à ses adhérents de prélever le salaire de leurs assurés77. Ce soutien de la plus puissante organisation patronale n’empêche pas le refus de très nombreux employeurs de payer leurs cotisations et de rester réticents devant les Assurances sociales. En mars 1933, la conférence d’Eugène II Schneider, président de Schneider de 1898 à 1942, à l’Académie des Sciences politiques et morales, est une bonne illustration des critiques des représentants du grand patronat78.
43En dépit des « difficultés que cette loi soulève dans l’ordre pratique », le patron de Schneider a décidé de l’appliquer scrupuleusement dans son entreprise, non sans la critiquer. Tout d’abord, il estime que, lors de son élaboration, le législateur aurait dû se reporter aux institutions existantes en matière d’assurance contre la maladie et la vieillesse. On aurait dû concevoir la nouvelle législation comme une amélioration et la généralisation des lois sur la mutualité et les ROP. Mais on a fait table rase du passé ; on a mis en place une « construction théorique… trop touffue, on a voulu y mettre trop de choses ». Outre l’assurance contre la maladie, l’invalidité et la vieillesse, « on a voulu, tout ensemble, organiser les institutions d’hygiène sociale, encourager et subventionner les familles nombreuses, protéger la maternité, donner des secours aux décès, réglementer […] l’emploi des ouvriers étrangers, pénaliser l’emploi des travailleurs âgés ». Ce vaste ensemble entraîne des complications administratives, tout en multipliant la paperasserie et les dépenses. On aurait dû réaliser une œuvre « plus limitée […] plus claire, plus aisée à comprendre et à appliquer pour ceux auxquels elle s’adressait : patrons et ouvriers ».
44Eugène II s’en prend ensuite au caractère uniforme du système qu’il oppose à la diversité des œuvres sociales des entreprises. Les Assurances sociales ne font pas de distinction entre le personnel stable des usines et celui, éphémère, des chantiers ». Il leur reproche aussi de faire un amalgame entre les conditions de travail des grandes villes, des petites cités et des régions semi-rurales ainsi que des grandes et des petites entreprises, du commerce etc. Des œuvres sociales spécifiques auraient pu répondre à ces besoins multiples et faire « entrer plus aisément la législation nouvelle dans les mœurs ». On aurait ainsi évité un appareil administratif onéreux, souffrant du « grave défaut de soumettre les situations les plus variées à une règle uniforme qui ne tient compte ni des différences [régionales] des mœurs, ni des habitudes particulières à chaque profession ». Eugène Schneider regrette également que les Assurances aient été mises en place dans un climat de méfiance à l’égard de l’assuré considéré comme un fraudeur et de l’employeur, « à qui l’on demande d’être le collecteur des cotisations, le gendarme au service de l’État, et dont on craint en même temps […] l’influence dans le fonctionnement de la loi ». Méfiance enfin à l’égard des caisses trop bien gérées, qui pourraient faire un sort meilleur à leurs assurés. Des critiques ont été faites à des sociétés de secours mutuels d’usine considérées comme « des instruments de pression patronal » ; Eugène II considère ces critiques injustifiées car les ouvriers choisissent librement leur société de secours mutuels qui s’administrent seules et qui n’ont point de représentants patronaux à leur tête. « Leur esprit d’union et de concorde est suffisant pour rendre ces associations suspectes dans des milieux où l’on a une étrange opinion de la liberté. » Eugène Schneider insiste sur un paradoxe de la réforme : suspicieuse envers les initiatives privées, elle a, dans les patrons, « ses meilleurs auxiliaires » parce qu’une « loi aussi complexe, qui modifie profondément les habitudes courantes, qui exige un appareil administratif fort compliqué, ne peut vraiment réussir que dans un milieu soigneusement préparé à la recevoir : la conscience du devoir existe profondément dans ces milieux où l’on défend et développe les intérêts dont on a la garde, sans jamais perdre de vue que l’on a la charge d’âmes et que l’on travaille pour la collectivité ».
45Eugène Schneider critique les Unions régionales de réassurance destinées à soutenir les caisses déficitaires. C’est donner d’avance une prime à la mauvaise gestion et pénaliser les assurés raisonnables qui n’abusent pas de l’assurance. Il estime plus simple de verser directement la cotisation ouvrière et patronale aux caisses primaires situées près des usines plutôt que de faire transiter ces sommes par la préfecture, source de frais supplémentaires. L’abus des règlements, comme l’obligation de délivrer à l’assuré malade un formulaire par sa caisse d’assurance pour lutter contre les fraudes, entraîne « trop de formalités administratives ». Pour lui, les sociétés de secours mutuels qui n’exigent pas ces documents ne sont victimes d’aucune fraude. Il dénonce aussi la réglementation rigide et omniprésente qui ôte toute liberté dans les relations entre les caisses, les assurés et les médecins. Cette absence de liberté paralyse les caisses dans la mesure où « les besoins des assurés ont été fixés une fois pour toutes par le législateur », sans considération des « tendances particulières d’un groupement ou des besoins spéciaux d’une population ». Les caisses ne disposent pas de la souplesse dont ont bénéficié jusqu’alors les œuvres sociales privées. Si Eugène Schneider reconnaît que certains fonctionnaires des Assurances sociales font bien leur travail, il constate « une mentalité spéciale qui les porte vers des réglementations toujours plus abondantes, plus strictes, plus détaillées ». Eugène II oppose l’initiative privée, exercée dans un milieu déterminé, par des personnes bénéficiant de la confiance et du contrôle mutuel, à un système administratif destiné « à une masse anonyme sur laquelle il n’[a] pas de prise directe ». Créant de façon uniforme « des droits qui deviennent très vite intangibles, et qui constituent bientôt, à l’encontre de leurs créateurs, une puissance redoutable », la loi entraîne « un luxe de précautions, qui donne aux lois sociales un aspect rébarbatif, peu favorable à leur popularité ».
46Il relève des aspects inquiétants de la loi dont la constitution obligatoire par les caisses de réserves financières confiées à la Caisse de dépôts et consignations pour liquider les pensions futures. Le législateur et l’administration ne se sont pas souciés de doser « la répartition et la capitalisation, et d’équilibrer les risques en éludant […] les difficultés qui résultent des placements extrêmement délicats » de ces réserves. De plus, en multipliant les grands projets d’équipement social, « sans se soucier suffisamment des obligations futures […] on puise abondamment dans ce trésor qui paraît inépuisable ». Que les circonstances viennent restreindre les ressources et de nombreuses œuvres sociales seront amputées des recettes indispensables à leur fonctionnement. Eugène II s’inquiète de la préférence de l’administration pour les caisses aux forts effectifs, au nom de la loi des grands nombres. Pour améliorer les Assurances sociales, il faut donc s’appuyer « sur l’action combinée d’institutions autonomes aussi peu administratives que possible et très proches des personnes qui doivent en profiter » ; il y a en effet danger « à construire d’imposants édifices, dont les fondations ne reposent pas sur le tuf inébranlable de la réalité ». Dans un esprit « réaliste et décentralisateur », Eugène Schneider conseille de consolider les résultats acquis, en faisant confiance aux mutuelles d’usines des groupes de l’industrie et du commerce et en les développant. Appliquer ainsi la loi limitera les abus là où les mutuelles fonctionnent bien. Enfin, Eugène Schneider souhaite que le législateur encourage les initiatives patronales en faveur du personnel pour la formation professionnelle, l’habitation, l’hygiène, la sécurité, les loisirs, les retraites et la lutte contre la maladie, en dehors de toutes « spéculations idéologiques ».
47On corrigera graduellement les Assurances sociales sans les alourdir en intégrant « des habitudes naissantes qui ont maintenant une valeur », dans un climat d’écoute entre tous les partenaires. Ceux qui appliqueront la loi feront part de leur expérience et les bénéficiaires feront entendre leurs suggestions, sans jamais oublier que « les inéluctables nécessités de la vie réelle seront toujours plus fortes que les théories les plus séduisantes et les spéculations les plus généreuses ».
48Les liens entre mutualité d’entreprise et patronat sont difficiles à mesurer. Dès 1930, Étienne Antonelli s’insurge contre cette « fausse mutualité qui s’est réclamée de la loi de 1898 […] pour dissimuler ses véritables buts qui étaient d’accaparer les Assurances sociales, au profit de certains intérêts sociaux79 », en clair le patronat. En 1934, il existe 413 caisses professionnelles et familiales d’inspiration patronale, soit plus de la moitié du total des caisses d’affinité. Délégué de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), organisation patronale, Gustave Bonvoisin est un des principaux animateurs de ces caisses ; il siège également au comité exécutif de la FNMF, comme Abel Durand et Georges de Lagarde, eux aussi issus des milieux patronaux. Tout en caractérisant ces caisses de mutualistes, Gustave Bonvoisin les présente comme des « organismes à gestion paritaire où les patrons et les ouvriers partagent à égalité honneur et responsabilité80 ». Le paritarisme qui, dans les faits, confère alors la prééminence au patronat diffère fondamentalement du principe mutualiste, « un homme, une voix », situation qui relativise le caractère mutualiste de ces caisses.
49La loi a entraîné un essor de la mutualité d’entreprise. A-t-il plus profité à la mutualité qu’au patronat ? L’un comme l’autre initialement hostiles, ils se sont peu à peu adaptés, tout en cherchant à en tirer le meilleur parti.
Les opposants irréductibles
50Dans les milieux catholiques et conservateurs, la majorité de l’épiscopat, la Fédération nationale catholique et la CFTC sont, on l’a vu, favorables à la loi ; en revanche, l’extrême droite s’y oppose avec vigueur. En 1930, L’Action française juge la loi immorale parce qu’elle « détruit l’esprit de famille en mettant sur le même pied la mère de famille et la fille mère ainsi que sur le même rang les enfants légitimes et les enfants naturels ». Elle détruit également « l’esprit d’épargne en faisant croire, faussement d’ailleurs, que grâce à elle, le travailleur sera à l’abri de tout. C’est la fin du bas de laine ». En traitant tout le monde à la même enseigne, la loi « favorise les fainéants au détriment des travailleurs, les dépensiers au détriment des économes » ; enfin, pêché suprême, elle « socialise l’économie nationale », en faisant de l’État le distributeur des richesses81. Dirigeant du mouvement des Croix de feu, le colonel de La Rocque dénonce en 1930 l’interventionnisme de l’État et l’irruption de la vague de fonctionnaires qui en découlera. Sa crispation sur des questions de principe, sa volonté de défendre un projet global de société lui interdisent toute recherche de compromis. En 1933, le colonel de La Rocque continue de combattre ce qu’il considère comme une forme d’étatisation absolue : « L’intervention de l’État dans les services humanitaires les mieux intentionnés rend celles-ci impopulaires, dispendieuses, inutiles ou nuisibles. Les Assurances sociales en sont l’exemple typique. Leur gestion par les mutualités professionnelles eut été bienfaisante ; leur absorption, par le ministère du Travail, n’a produit que démoralisation, gabegie et impuissance82. »
51De son côté, Antoine de Saint-Exupéry dénonce dans ses Carnets la « capitalisation absurde des Assurances sociales ». Elles partent du point de vue « que l’on épargne pour la vieillesse. Elles ne peuvent se réaliser que par un versement immédiat aux vieillards d’aujourd’hui malgré qu’ils n’aient rien payé. Cette mise en marche présente est absurde. En fait, simple rente sur simple impôt. En fait aussi, rétablissement tellement souhaitable de l’économie féodale, en imposant aux entreprises le soin de faire vivre les vieux employés ». Pour lui, capitaliser pendant vingt ans c’est « collectiviser des sommes absurdes, impossibles à investir (l’investissement vrai, c’est le don actuel) et qui manqueront très exactement comme pouvoir d’achat83 ».
52D’autres personnalités d’extrême droite font chorus, comme Jacques de Bainville dans L’Action française, Le Capital et la Liberté : « Arrière-garde du progrès », la loi est malade, avant d’avoir marché. En Allemagne et en Angleterre, les Assurances sociales « prêtent à des abus désastreux », aussi conviendrait-il de ne pas imiter ce modèle84. « Monstre législatif […] loi bâclée, loi de réclame électorale […], c’est le pire monstre qui soit sorti de l’usine à lois. » Ce texte, jugé « digne de figurer dans un musée Dupuytren des horreurs législatives […] est fondé sur des calculs d’actuaires qui n’ont aucun rapport avec la justice sociale et l’égalité85 ». Le temps n’émousse guère la critique de Jacques de Bainville qui réédite ses articles en 193786.
53À l’opposé du champ politique, c’est justement en 1937 que le PC et les unitaires dans la CGT abandonnent leurs critiques des Assurances sociales pour s’y rallier avec discrétion.
54Les positions de la CGTU sur les Assurances sociales sont complexes. Tout au long des années 1920, le Parti communiste les a dénoncées comme « une véritable machine de conservation sociale87 ». En 1924, refusant le versement ouvrier, la CGTU a défendu la même position88. Lors du vote de 1928, après avoir présenté un contre-projet, les députés communistes se sont abstenus. Deux ans plus tard, ils votent en sa faveur, tout en continuant à la critiquer avec virulence89. Le 4 novembre 1930, le PC dépose un projet de loi au Parlement où, après avoir dénoncé cette loi « fasciste », il souligne qu’il « fut et reste le seul parti s’opposant à la loi sur les Assurances sociales […], atout dans les mains de l’impérialisme ». Le PC est alors en effet l’une des rares organisations politiques à exprimer une telle opposition, car depuis 1928, il est particulièrement hostile à l’égard de la social-démocratie, qualifiée de social-fasciste. Aucune orientation réformiste ne trouve grâce à ses yeux.
55Une inflexion s’esquisse ensuite dans plusieurs fédérations de la CGTU. En décembre 1932, le Réveil des cochers unitaires évoque des « erreurs […] sur les Assurances sociales et même sur d’autres problèmes… [qui] nous ont fait perdre des adhérents90 ». Le journal est muet sur la nature de ces erreurs. En février 1933, face à la proposition du sénateur Milan tendant à « suspendre » les Assurances, L’Humanité proteste : « Pendant deux ans, l’État a prélevé sur vos salaires la cotisation des Assurances sociales et maintenant on parle de suspendre la loi91. » Le lendemain, la CGTU « élève la plus énergique protestation contre la campagne menée par le grand patronat pour la suppression des Assurances sociales et contre la suspension du fonctionnement de la loi actuelle préconisée par le sénateur Milan92 ». Le 6 mars, le PC propose aux travailleurs socialistes le « front unique […] pour le maintien et l’amélioration des Assurances sociales ». Le Ve congrès de la Fédération CGTU des Cuirs et Peaux, tenu au même moment, se déclare favorable à la défense et l’amélioration de la loi et, dans son appel au 1er mai 1933, la CGTU se prononce dans le même sens93. À cette date, les Assurances sociales ont cessé d’être une loi fasciste.
56À partir de la fin octobre 1933, dans L’Humanité, Lucien Sampaix présente les communistes et les unitaires comme les seuls partisans véritables des Assurances sociales94. De violentes attaques sont menées dans La Vie ouvrière en novembre 1933 par les unitaires contre Georges Buisson, Oreste Capocci et Georges Yung, ces administrateurs de la CIAS qui se seraient enrichis (60 000 à 120 000 francs par an), au point de pouvoir soudoyer Le Peuple et Le Populaire afin que ces derniers passent sous silence leurs malversations financières. Il est alors aisé pour les confédérés de relever ces virages, d’ironiser et de s’interroger sur les hésitations du PC et la CGTU95. Selon le Travailleur de la Somme, d’orientation unitaire : « Voilà trois ans et demi que les ouvriers versent des cotisations produisant des milliards ; à quel moment ont-ils été appelés à la gestion de ces milliards ? À quel moment ont-ils eu la moindre possibilité de contrôle ? […] Il faudrait bien répondre à ces questions, messieurs les chefs réformistes. Sans parler des services rendus par l’installation du mouchardage à domicile qu’est le contrôle sur les malades, le patronat avec l’argent retenu à ses ouvriers, trouve une nouvelle puissance d’exploitation96. » Les critiques sont mises en sourdine lors du VIIe et dernier congrès de la CGTU (septembre 1935), tenu à la veille de la réunification syndicale où il est demandé, sans précisions, « une amélioration des Assurances sociales97 ».
57Le ralliement du Parti communiste à la réforme se situe sous le Front populaire, vraisemblablement vers mai/juin 1937. L’explosion des effectifs de la CGT réunifiée coïncide avec la nouvelle loi sur les congés payés. Les ressources humaines et financières – les cotisations progressent au rythme des adhésions – dégagent des possibilités d’action jusqu’alors inconnues. Pour la première fois de leur histoire, les syndicalistes disposent des ressources nécessaires pour prendre en compte certains besoins culturels et sanitaires du monde du travail. La conquête de nombreuses municipalités, notamment en banlieue parisienne, par le PC l’année précédente a pu hâter cette prise de conscience. Cette orientation avait été esquissée dès 1934 par les électriciens gaziers unitaires de la région parisienne, organisés autour de Marcel Paul. Quelques syndicalistes unitaires s’étaient engagés dans la gestion du social.
58À partir de juin 1936, le Syndicat CGT réunifié des métallurgistes de la Seine, dirigé par les unitaires, construit une nébuleuse d’œuvres sociales : bibliothèque, parc de loisirs, centre de formation professionnelle, clinique des Bluets. Ce syndicat met également sur pied sa propre caisse. Sous l’impulsion de Lucien Molino, les unitaires font de même à Marseille, tout en découvrant le bien fondé de l’intervention mutualiste98. En mars 1937, les métallurgistes CGT ouvrent une clinique à Boulogne-Billancourt. La CGT gère alors en région parisienne neuf cliniques et cabinets dentaires, et en 1938 elle met sur pied un Institut d’étude et de prévention des maladies professionnelles99. Ces quelques expériences, souvent citées, détonnent néanmoins dans le monde communiste et unitaire et restent des exceptions. Le contexte politique – Guerre d’Espagne et fin du Front Populaire – ne leur laisse guère de temps pour se développer.
59Esquissée sous le Front populaire, la conversion des communistes aux Assurances reste limitée faute de temps pour en voir se développer les effets. Surtout, jusqu’en 1940, ils ont conservé une posture générale de refus et de critique. En cela, ils se sont singularisés par rapport aux autres groupes politiques et sociaux qui, durant ces quinze ans, ont fait l’apprentissage de ce nouveau système de protection. Le tournant de 1937, amplifié à la Libération et surtout la mémoire de la Sécurité sociale, présentée par le PC et la CGT comme une conquête ouvrière, constituent un ensemble surprenant tant par son incohérence que par son manque de continuité : il a fallu une décennie, seulement, à ces deux organisations, pour passer du rejet des Assurances à la mise en œuvre de la Sécurité sociale.
Notes de bas de page
1 Ce texte, consacré aux paysans, est largement redevable de la recherche de Mireille Conia.
2 Jean-Jacques Becker et Serge Berstein, Victoire et frustration 1914-1929, Paris, Seuil, 1990, p. 331 et 345.
3 Georges Normandy, La Haute-Marne agricole, industrielle, commerciale pittoresque, Chaumont, Le Petit Haut Marnais/Est, 1923.
4 Victor Boret, Pour et par la terre, Paris, Payot, 1921 et Pour ou contre la terre, Paris, Hachette, 1929.
5 Robert O. Paxton, Le Temps des chemises vertes, Paris, Seuil, 1996, p. 29.
6 M. Destre, L’Agriculture et les lois sociales, thèse de droit, Lyon, 1942, cité par La Sécurité sociale par les textes, tome 4 : La Mutualité sociale agricole (1919-1981), Association pour l’histoire de la Sécurité Sociale, 1991, p. 85.
7 Le Petit Haut Marnais, 13 mars 1928.
8 Francis De Tarr, Henri Queuille en son temps. Biographie, Paris, La Table ronde, 1995, p. 161.
9 Charles Émile Marin, dit Marin-Quilliard, vice-président du Syndicat des agriculteurs de France est élu sénateur de 1920 à 1924 dans les rangs de la Gauche républicaine ; AD Haute-Marne, PF 432 et 342 W 50, recherche de Mireille Conia. Sous Vichy, il participe à la Corporation paysanne et à la Libération, il est suspendu par le Comité provisoire départemental agricole, AD Haute-Marne, 342 W 49 et 50.
10 Bulletin du Syndicat des agriculteurs de la Vienne, 15 novembre 1931.
11 Maire de Chaumont de la Première à la Seconde Guerre, Georges Lévy-Alphandéry est élu en 1924 député de la Concentration républicaine et le reste jusqu’en 1942. Au nombre des passagers du Massilia, il ne prend pas part au vote des pleins pouvoir à Pétain du 10 juillet 1940. Son grand adversaire au plan local est Charles Marin-Quilliard.
12 Le Petit Haut Marnais, 26 février 1928, recherche de Mireille Conia.
13 Sur les réactions du monde agricole devant les Assurances sociales, Paul V. Dutton, Origins of the French Welfare State. The Struggle for Social Reform in France, 1914-1947, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 138-145.
14 Le Journal de Flers, 13 mars 1929.
15 Georges Macé, Un département rural de l’Ouest, la Mayenne, Le Mans, Floch, 1982, p. 138-151.
16 Robert O. Paxton, Le Temps des Chemises vertes…, op. cit.
17 Le Courrier du Maine, 2 juin 1929.
18 L’Avenir de l’Orne, 9 mars 1930.
19 Le Journal de l’Orne, 9 juillet et 17 décembre 1932.
20 AD Sarthe, 4X, recherche de Gérard Boëldieu.
21 AD Sarthe, 5X, recherche de Gérard Boëldieu.
22 « Le premier vœu que la Chambre d’agriculture du Haut-Rhin a émis, était un vœu pour le maintien de nos lois sociales. Vous voyez donc que les agriculteurs d’Alsace y tiennent et ils ont bien raison », déclare Steb, président de la Chambre d’agriculture du Haut-Rhin, cité par Émile Baillargué.
23 Recherche de Jean Henri Calmon.
24 AD Mayenne, X 1052-1055.
25 AD Mayenne, X 1055.
26 Recherche de Rémy Foucault.
27 Le Petit Haut-Marnais, 7-8 septembre 1930.
28 Recherche de Patricia Toucas.
29 Henri Lasselain, Monographie agricole du département de l’Orne, Alençon, 1945.
30 AD Orne, N, Rapport du Conseil général, 1935, p. 360.
31 L’Union des syndicats agricoles, dont le siège est rue d’Athènes à Paris, a été créée à la fin du xixe siècle par les milieux agrariens, proches de Jules Méline.
32 AD Orne, 1 W 83.
33 « Les paysans dans l’Orne de 1940 à 1944 », Le Pays Bas-Normand 1995, recherche de Gérard Bourdin.
34 Recherche de Patricia Toucas.
35 Le Petit Haut-Marnais, 17 septembre 1930. 217
36 Robert Paxton, Le Temps des chemises vertes…, op. cit., p. 132-140.
37 Le Petit Haut-Marnais, 17 septembre 1930.
38 Recherche de Gérard Bourdin. Nous remercions la Mutuelle sociale des agriculteurs de l’Orne qui nous a permis de consulter les archives de la Caisse mutuelle des agriculteurs.
39 AD Orne, M2456 et L’Avenir de l’Orne, 20 septembre 1934.
40 Caisse mutuelle des agriculteurs de l’Orne, 1er mars 1931.
41 L’Avenir de l’Orne, 13 novembre 1930.
42 Le Journal de l’Orne, 5 janvier 1935.
43 Bulletin syndical de l’agriculture, mai 1931.
44 Recherche de Jean Henri Calmon.
45 Recherche de Gérard Bourdin.
46 Archives de l’Union régionale des Caisses mutuelles agricoles d’Assurances sociales de l’Est (MSA) 1931-1939, vol. 2.
47 Ibid. Cette dernière remarque est ajoutée au crayon.
48 Archives de l’Union régionale des Caisses mutuelles agricoles d’Assurances sociales de l’Est, vol. 2 (MSA).
49 Recherche de Gérard Bourdin.
50 Bulletin mensuel du Syndicat des agriculteurs de l’Orne, 1er septembre 1936.
51 L’Avenir de l’Orne, 20 septembre 1934, recherche de Gérard Bourdin.
52 Ibid.
53 Philippe-Jean Hesse, Jean-Pierre Le Crom (dir.), La Protection sociale sous le régime de Vichy, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 55.
54 Olivier Faure, Dominique Dessertine, La Maladie entre libéralisme et solidarité (1850-1940), Paris, Mutualité française, 1994, p. 37.
55 Archives de la Caisse primaire de Sécurité sociale, 50/2 Comptabilité, chemise 5.
56 Jean Bennet, « La Mutualité pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue de la mutualité, n° 126, mai 1986.
57 Mais, seules 21 504 fournissent à l’administration des renseignements statistiques.
58 Bulletin officiel de la FNMF, n° 42, 1er mars-30 avril 1930, p. 2. Cité par Bernard Gibaud, Fédérer autrement. Histoire de la FNMF (1902-2002), Paris, Mutualité française, 2003, p. 98.
59 Bulletin officiel de la FNMF, n° 49, mai/juin 1931 cité par Bernard Gibaud, Fédérer autrement…, op. cit., p. 101.
60 Recherche de Gérard Bourdin.
61 Lucien Linais, Ce qu’il faut penser des Assurances sociales, préface de Paul Villemin, Nancy, Fédération nationale des Caisses départementales d’Assurances sociales, 1932, 32 p. Nous remercions Bernard Gibaud qui nous a signalé ce texte.
62 XVIIe Congrès national de la Mutualité (Toulouse, 28-31 mai 1936), cité par Bernard Gibaud, Fédérer autrement…, op. cit., p. 105.
63 Léon Heller, « Où en sont les Assurances sociales », Entre nous, n° 16, août 1938.
64 Jean Bennet, Biographies de personnalités mutualistes (xixe-xxe siècles), Paris, Mutualité française, 1987 ; Michel Dreyfus, Les Dirigeants mutualistes, Paris, Mutualité française, 2003.
65 Ils auraient présidé 71 caisses départementales selon Paul Tallonneau, « Essai sur la Mutualité niortaise », Bulletin de la Société historique scientifique des Deux-Sèvres, tome XX, n° 4, 4e trimestre 1987, p. 397-548 et plus particulièrement p. 472.
66 Bernard Gibaud, « Les mutualistes et la mise en place des Assurances sociales », séminaire de l’IHTP, séance du 26 janvier 2000.
67 La Mutualité française, 1937, p. 8-11.
68 Victor Bernard, « La Mutualité et les Assurances sociales », La Mutualité française, 1937, p. 41-43.
69 Le Mutualiste de Touraine, mars/avril 1927.
70 Recherche de Jean-Claude Guillon ; cf. également Jean-Luc Souchet, La Mutualité tourangelle : creuset de solidarité, Tours, Mutualité de l’Indre-et-Loire, 2000.
71 Isabelle Adamczyk, Le Passage de la Mutualité à la Sécurité sociale dans la Marne, op. cit., p. 16 -26.
72 Michèle Marchal, La Mutualité en Meurthe-et-Moselle avant 1945, thèse, université Nancy-2, 1985.
73 Dominique Desssertine, Olivier Faure, Didier Nourrisson, La Mutualité de la Loire face aux défis : enracinement local et enjeux nationaux (1850-1980), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005, p. 111-178.
74 Témoignage rapporté par Jean-Louis Morgenthaler, La Mutualité de 1945 à 1976, thèse, université Nancy-2, 1981.
75 Cité dans Bernard Gibaud, De la Mutualité à la Sécurité sociale. Conflits et convergences, Paris, Éditions Ouvrières, 1986, p. 104.
76 Recherche de Christophe Capunao.
77 Patrick Eveno, Danièle Fraboulet-Roussellier, Catherine Hodeir, « Les Assurances sociales », dans Jacques Marseille (dir.), L’UIMM, cent ans de vie sociale, Paris, UIMM, 2000, p. 78-91.
78 « À propos des Assurances sociales. Étatisme et initiatives privées », Revue des deux mondes, 15 mars 1933.
79 Didier Renard, Initiative des politiques et contrôle des dispositifs décentralisés. La protection sociale et l’État sous la IIIe République, rapport à la MiRe, Besançon/Cachan, 2000, p. 372.
80 Congrès de l’Union nationale des caisses primaires professionnelles et interprofessionnelles (Paris, 19-21 octobre 1934), p. 278, cité par Bernard Gibaud, Fédérer autrement…, op. cit., p. 107.
81 AD Gironde, 1 M 582, cité par Jean Vircoulon, La Marche au mieux-être. 1838-1988 : 150 ans de solidarité avec la caisse de secours mutuels de Bordeaux, Bordeaux, Éditions mutuelle de Guyenne et de Gascogne, 1988, p. 139.
82 François de La Rocque, « Tour d’horizon », Le Flambeau, n° 5, mars 1930. Documents cités par Albert Kéchichian, Missionnaires de l’aristocratie. Les Croix de Feu dans l’engrenage partisan (1927- 1936), thèse, Paris, 2002, p. 114-115 et 271-272. Merci à Olivier Dard d’avoir attiré notre attention sur ce point.
83 Antoine De Saint-Exupéry, Carnet V, Œuvres complètes, tome 1, Paris, La Pléiade, 1994, p. 628-629.
84 La Liberté, 17 juin 1929.
85 Id., 20 janvier 1930, « L’État et le médecin », L’Action française, 25 février 1929 ; « Les Assurances sociales et les placements en valeur étrangères », Le Capital, 17 octobre 1930 ; « Trous dans la sébile de l’aveugle », L’Action française, 28 mai 1933.
86 Jacques De Bainville, La Fortune de la France, préface de J.-C. Gignoux, Paris, Plon, 1937, p. 208- 222.
87 L’Humanité, 8 novembre 1923, La Sécurité sociale par les textes, op. cit., p. 241.
88 IIe Congrès de la CGTU, 1923.
89 Henri Raynaud, « À bas la loi fasciste des Assurances sociales », La Vie ouvrière, 18 avril 1930, L’Humanité, 13, 26, 27, 29 juin, 1, 2, 4, 5, 7, 17 juillet, 29 septembre, 15 octobre 1930.
90 Décembre 1932.
91 L’Humanité, 19 février 1933.
92 Id., 20 février 1933.
93 Id., 6 mars, 19 avril et 24 avril 1933.
94 Id., 31 octobre, 9, 13, 19, 25 novembre 1933.
95 Robert Lefèvre, « Souvent fol varie. Les bolchévistes changent souvent d’opinion sur la question des Assurances sociales. Ils ne persévèrent que dans la calomnie », Bulletin ouvrier des Assurances sociales, n° 12, janvier 1934 et 13, février 1934.
96 Le Travailleur de la Somme, 9 février 1934, recherche d’Alain Trogneux.
97 VIIe congrès de la CGTU, p. 319.
98 Michel Dreyfus, Histoire de la CGT : cent ans de syndicalisme en France, Bruxelles, Complexe, 1995 ainsi que Liberté, égalité, mutualité, Paris, Éditions de l’Atelier, 2001.
99 Jean-Michel Letterier, L’Aventure culturelle de la CGT, Montreuil, Le Temps des cerises, 1996, p. 15-116.
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