Vieillesses et vieillissements : un bilan provisoire
p. 385-392
Texte intégral
1Au terme de cet ouvrage, quelle cartographie des recherches sociologiques francophones sur les vieillesses et les vieillissements a-t-elle été dressée ? Comment lire l’approche spécifique que propose la sociologie appliquée à ces objets ? Cette conclusion propose d’opérer un retour critique sur les forces et les faiblesses, les insuffisances et les atouts de ce champ en structuration. Des cumulativités se dessinent, des acquis sont établis, qui fournissent des points de départ utiles aux recherches prenant les derniers âges de la vie comme objet, qu’il s’agisse de s’en inspirer, de s’y appuyer ou de les contester. Pour autant, si certains points de la carte sont particulièrement bien dessinés et renseignés, en raison de la robustesse ou de la précision affinées au fil des travaux, des outils de description et d’analyse des vieillesses et des vieillissements, d’autres espaces demeurent pour l’instant vides ou très grossièrement esquissés.
Cumulativités
2Si les regards sociologiques rassemblés dans l’ouvrage sont pluriels, si les objets « vieillesses » et « vieillissements » présentent de multiples facettes, constitutives d’autant de problématiques, une appréhension commune de ces faits est lisible dans les différentes contributions, qu’on pourrait résumer par l’expression « démarche sociologique ». Celle-ci peut-être résumée en trois points : le souci de déconstruire les représentations de la vieillesse et du vieillissement, une attention aux écoulements différentiels du temps, la constitution d’un outillage conceptuel propre.
3En premier lieu, les différents chercheurs se sont attachés à déconstruire les représentations communes de la vieillesse et du vieillissement. Cette déconstruction se présente sous deux formes, classiques dans la démarche sociologique. Une grande partie des travaux montre ainsi comment les différentes catégories de la vieillesse, dans différents domaines de la vie sociale, sont construites, notamment par les politiques publiques. Les chercheurs sont attentifs aux déplacements des limites d’âge, aux contenus des catégories, aux différentes institutions et catégories sociales qui parviennent à imposer leurs définitions de la vieillesse, et transforment les catégories héritées. En effet, la vieillesse n’est pas une catégorie nouvelle, son caractère ambivalent et sa plasticité dans les usages sociaux sont attestés tout au long de l’histoire (Bois, 1989).
4Les périodes récentes ont cependant vu se déplacer les centres de gravité de cette ambivalence, selon les contextes où on l’observe, et augmenter l’élasticité des usages de la vieillesse, qu’on les saisisse au niveau du parcours de vie dans son ensemble ou au sein même de la catégorie vieillesse. Dans les périodes récentes, les différents chapitres de l’ouvrage en attestent, les différentes vieillesses sont construites par les politiques publiques au carrefour de considérations économiques (relatives tant à la viabilité des systèmes de retraite qu’au coût des soins de longue durée), médicales et sociales. L’empilement des dispositifs politiques de prise en compte spécifique des salariés âgés, d’organisation des retraites et des modes de vie à la retraite, de soutien à l’autonomie, segmente en effet les publics âgés, et multiplie les définitions de la vieillesse qui leur sont associées. La distinction entre « bonne » et « mauvaise » vieillesse, entre « nobles » ou « bons vieillards » et « vieilles folles » s’actualise et se transforme par les différents vocables sous lesquels elle s’énonce « 3e » et « 4e âge », « seniors » et « dépendants », « baby-boomers » et « malades d’Alzheimer », etc. Différents auteurs soulignent en outre le poids toujours important des gériatres et des institutions sanitaires dans ces définitions de la vieillesse, qui les ancrent dans une réalité biomédicale et négligent leur diversité sociale au profit d’une variabilité interindividuelle, et leur emprise renouvelée sur une partie des politiques publiques. Dans cette perspective, la vieillesse reste un repoussoir, très largement définie sous un mode déficitaire, ou sous l’angle du fardeau qu’elle fait peser sur les autres classes d’âge. Cette vision des choses possède également sa déclinaison et ses justifications économiques. L’orientation récente de l’ensemble des politiques publiques de la vieillesse vers le « bien vieillir » ou le « vieillissement actif » traduit cette volonté politique, mise en œuvre aux différents niveaux de l’action publique (locaux, nationaux et internationaux) de lutter contre ce vieillissement biologique aux conséquences négatives, sur les plans individuel et collectif. L’un des effets inattendus de cette orientation des politiques sociales est une délégitimation, voire un abandon, du critère d’âge dans la définition des catégories-cibles, voire des dispositifs, de l’action publique. S’il est loin d’être achevé, ce processus de délégitimation de l’âge constitue sans doute un mouvement de fond, auquel participe également la dynamique de lutte contre la « discrimination par l’âge » (Caradec, Poli et Lefrançois, 2009). Il correspond à une transformation du mode de régulation des existences, désormais moins marqué par un bornage chronologique strict des existences individuelles (Kohli, 1989). En effet, malgré l’inertie des institutions et des politiques de la vieillesse, l’orientation vers « le vieillissement actif » ou de manière plus large le « bien vieillir » tend à ériger de nouvelles distinctions ne reposant plus sur le critère d’âge chronologique, ou sur les âges sociaux, mais sur les capacités ou les incapacités des personnes âgées, sur leur état de santé, bref sur des âges individuels, saisis en dernier ressort par « l’âge des artères », dont la variabilité interindividuelle est telle que l’âge devient une catégorie non pertinente dans la définition et la conduite des politiques publiques. La question que pose une telle orientation est la suivante : faut-il y voir les prémices d’une société « pour tous les âges », inclusive des différences, ou d’une société « sans âge », niant ces différences ? La question est cruciale car on sait que le vieillissement différentiel est lié à des facteurs sociologiques autant que biologiques, et que derrière « l’âge des artères » se joue la trame des inégalités sociales, et en particulier les inégalités cumulatives distribuées le long du parcours de vie qui trouvent leur résultante dans le grand âge.
5L’autre manière de déconstruire les représentations sociales du vieillissement est d’en montrer les diversités, qu’on les saisisse par les cadres sociaux qui les structurent ou par les pratiques individuelles qui les construisent. Ainsi, plusieurs chapitres rappellent utilement que, contrairement aux images du sens commun qui parlent essentiellement des « petits vieux » saisis dans leur habitat « naturel » (la maison de retraite), la vieillesse est d’abord affaire de femmes ; les personnes âgées sont engagées dans des formes de participation sociale et des pratiques plus diverses que celles des images d’Épinal sociologiques ; elles s’intègrent de manière différenciée dans les contextes locaux où se déroule leur retraite, et l’avancée en âge ne suit pas un rail unique, mais laisse place à des stratégies et des tactiques variées selon les caractéristiques et les trajectoires sociales des individus vieillissants. Tout autant qu’isolés, malades et assistés, les vieux sont aussi sportifs, bénévoles, grands-parents, individus prenant en charge leur destinée. Tout l’intérêt de la sociologie est de montrer comment les inscriptions et les trajectoires sociales des individus déterminent et mettent en forme, à une période donnée et tout au long du processus de vieillissement, ces différentes pratiques, et les rendent plus ou moins probables selon les parcours de vie.
6Au-delà de la rupture avec les nombreux stéréotypes caractérisant les vieux, d’autres acquis nous semblent essentiels, tant dans les postures de recherche que dans les concepts maniés par les différents auteurs. Plus encore que dans d’autres champs de recherche, les sociologues des vieillesses et des vieillissements sont attentifs à l’écoulement du temps, de manière différenciée selon les échelles auxquelles on le saisit : les rythmes individuels, conjugaux, familiaux, collectifs, institutionnels ou sociaux ne sont pas toujours synchrones, et l’explication sociologique cherche à rendre compte des synchronismes ou des décalages entre les différents niveaux de la vie sociale, de leur constitution et de leurs effets, tant sur les parcours individuels que sur les actions collectives, les institutions ou les organisations. En outre, la sociologie du vieillissement insiste sur la manière dont les positions sociales sont construites au fil du temps, et sur la nécessité de rapporter les statuts sociaux des individus à leurs parcours biographiques (dans les différentes sphères de la vie sociale, familiale, professionnelle, amicale, associative, politique) et leurs inscriptions historiques. Cette posture est une autre manière de revisiter l’idée princeps de la sociologie selon laquelle la société exerce son influence tout au long de l’existence, de manière différenciée selon les moments de la vie. Elle débouche sur une problématique dont les ramifications sont à la fois théoriques et méthodologiques : comment les influences des différents statuts et groupes d’appartenances successifs des sujets sociaux se composent-elles au cours de la vie ? Comment les saisir, en mesurer les poids relatifs et en analyser les effets composites ? Sont ainsi réinterrogées les questions classiques de l’intégration et de la régulation sociales, des formes du lien social, de la modernité, à l’aune de ces populations et de ces processus spécifiques. Les sociologues donnent à voir comment se spécifient et s’agencent ces questions selon les territoires, les populations âgées, les contextes sociaux.
7Les acquis doivent également être cherchés du côté des concepts mobilisés pour penser vieillesses et vieillissements. Une partie de ces concepts est importée d’autres champs sociologiques, aux croisements de perspectives théoriques constituées et de domaines particuliers de la pratique sociale. Les lecteurs auront ainsi trouvé dans ce volume des concepts parfois classiques, forgés dans d’autres contextes intellectuels ou d’autres enquêtes empiriques. Des notions aussi diverses que dispositions, identités, épreuves, trajectoires, institutions totales, migrations ou mobilités, rôles, intersectionnalité (la liste n’est évidemment ni exhaustive, ni limitative) se voient ainsi revisitées : leur « application » à des terrains nouveaux en enrichit les usages, en approfondit la robustesse théorique, en précise les limites de validité ou en spécifie le sens. D’autres concepts sont issus de la pratique sociale, qu’il s’agisse des professionnels ou des politiques en charge des personnes âgées, et un travail critique et dialectique conduit à en proposer une définition sociologique : ainsi en va-t-il des notions de vulnérabilité, de fragilité, ou encore d’autonomie, très largement utilisées dans les sciences de la santé du vieillissement ou dans l’action publique. Par les différents concepts retenus et les usages différenciés qu’en font les chercheurs s’est progressivement construit un langage commun, un « jargon » dirait A. Strauss (1992), qui permet une cumulativité partielle des résultats (Berthelot, 2001), au-delà des contextes toujours singuliers des enquêtes.
Absences
8La vieillesse, dans ses différentes formes, ainsi que le vieillissement en tant que processus sont de mieux en mieux analysés. Pourtant, une lecture rapide du sommaire et des sujets traités dans cet ouvrage (maladie d’Alzheimer, solitude, maison de retraite, soutien familial, protection, etc.) peut donner le sentiment que la déconstruction des représentations habituellement déficitaires de la vieillesse est encore inachevée. Si la lecture attentive des chapitres consacrés à ces sujets permet d’effacer une telle impression, l’orientation des recherches vers ces vieillesses difficiles, ou qui posent problème, n’est pas une illusion. Elle procède non seulement d’un inachèvement de la rupture épistémologique engagée par les chercheurs, mais aussi, et peut-être surtout, du financement des recherches sur la vieillesse et le vieillissement. En effet, les instances publiques comme les fondations privées sont davantage prêtes à financer des études sur les problèmes de la vieillesse, variables selon l’époque1, que des recherches sur les vieillesses ordinaires, pas particulièrement souffrantes ou aidées, qui concernent la très grande majorité des vieux.
9Ainsi, la recherche francophone comporte encore de nombreux angles morts. Bien que chaque auteur ait signalé en fin de chapitre une ou plusieurs pistes d’enquête, il nous importe de souligner qu’au sein même de l’ouvrage, des pans entiers de la pratique sociale apparaissent peu, mal, voire pas du tout. C’est ainsi le cas de la santé : hormis les focalisations récentes sur la maladie d’Alzheimer, ou les travaux pluridisciplinaires (avec des risques forts de biologisation de la santé), trop peu d’enquêtes portent sur la santé et la maladie aux âges élevés. La mort, cette limite haute de la vieillesse, cette fin du vieillissement, constitue encore un point presque aveugle des recherches : comme si mourir vieux était inquestionnable, car « dans l’ordre des choses ». Cette absence de travaux est sans doute due à une volonté « d’écarter systématiquement les prénotions » (Durkheim, 1894), et particulièrement les perceptions du sens commun qui font de la vieillesse une maladie et des vieux des « presque morts » ou des « déjà morts », la sociologie se focalisant alors sur la vie jusqu’au bout de la vie, sans se donner les moyens d’interroger les possibles spécificités de la maladie ou de la mort aux âges élevés. La question du corps n’est pratiquement pas abordée dans le monde francophone alors qu’elle nourrit un véritable courant de recherche dans le monde anglo-saxon. Et la construction de la vieillesse par les personnes travaillant auprès de publics âgés, dans des institutions spécialisées ou non, n’est que rarement abordée pour elle-même. Les travaux portant sur les professionnels au contact des personnes âgées, et en particulier les professionnels de première ligne2, insistent moins sur la manière dont ces derniers produisent ou construisent des vieillesses différenciées que sur la manière dont ils composent avec une vieillesse conçue essentiellement sur un mode déficitaire. Il est ainsi significatif que ces différents travaux sont inscrits et reconnus en sociologie du travail ou de la santé, et que les auteurs aient peu à dire sur les vieillesses ou les vieillissements. Or, les vieillesses ne sont pas construites seulement par les politiques sociales : il apparaît tout aussi important d’analyser la manière dont des professionnels, spécialistes ou non des personnes âgées ou du vieillissement, contribuent à construire des vieillesses socialement différenciées. Il faudrait ainsi faire des enquêtes auprès des esthéticiennes ou des coiffeurs, auprès de kinésithérapeutes, mais également de commerçants, de professeurs de sport ou de yoga, d’art plastique, etc., pour montrer quel(s) type(s) de vieillesses et de vieillissements leurs pratiques construisent.
10Une autre absence est celle des controverses scientifiques dans ce domaine spécialisé de la sociologie. Les enquêtes sont parfois très éclatées, tant du point de vue des thèmes ou des domaines de la pratique sociale qu’elles mettent en question, que des objets qu’elles construisent. Les lectrices et lecteurs auront peut-être retiré de l’ouvrage une impression de grand écart entre des enquêtes quantitatives qui dressent des panoramas utiles des pratiques et des représentations de la vieillesse, des enquêtes macro-sociales attachées à analyser les régulations politiques des différents groupes de personnes âgées et les définitions de la vieillesse auxquelles elles donnent lieu, et des enquêtes micro-sociologiques, parfois ethnographiques, soumises à des régimes spécifiques de généralisation. La rançon de la construction de postures et d’un langage communs pour appréhender le vieillissement est peut-être une moindre intensité de la discussion scientifique. Chaque chercheur faisant en quelque sorte œuvre de défricheur, les résultats sont établis moins en référence à d’autres travaux sociologiques qu’à des représentations communes, à des catégories d’action ou à des savoirs scientifiques externes au champ. En outre, ces résultats apparaissent spécifiques de cet âge de la vie, et ne sont guère débattus en dehors du milieu des sociologues de la vieillesse. Il est ainsi intéressant de noter que la notion de déprise, qui signale le processus de sélection et de maintien d’activités subjectivement signifiantes durant le vieillissement, n’a guère été reprise ou débattue pour analyser ce type de processus à l’œuvre à d’autres âges de la vie3. De manière réciproque, on sait l’importance de la notion d’autonomie pour caractériser le passage à la vie adulte : pourquoi cette notion n’est-elle plus guère reprise ou discutée pour analyser la vieillesse ? Nous insistons ainsi plus, collectivement, sur ce qui nous rassemble que sur ce qui nous distingue, nous sépare, ou nous oppose.
11Trois types d’explications peuvent être mobilisés pour comprendre cette relative faiblesse des controverses scientifiques ou des débats en sociologie de la vieillesse. En premier lieu, on pourrait imaginer des débats ou controverses avec les autres disciplines cherchant à décrire et analyser la vieillesse, si de tels lieux de débats interdisciplinaires existaient. Or, la gérontologie en France, dominée par la gériatrie, n’offre guère de tels espaces de débat, les dimensions sociales étant considérées comme des variables secondaires par rapport aux déterminations biologiques, individuelles, des vieillissements et de la vie à la vieillesse. En deuxième lieu, les débats pourraient également exister en sociologie, si les questions de vieillesse et de vieillissement étaient reconnues comme importantes d’un point de vue sociologique. Or, il nous semble que la dévalorisation de la vieillesse et des vieux, à l’œuvre dans différentes sphères du monde social, est la chose du monde la mieux partagée par les sociologues eux-mêmes, et rend ces derniers indifférents à la sociologie du vieillissement, aux questionnements qu’elle ouvre, aux résultats qu’elle propose. Cette double indifférence, des spécialistes du vieillissement et des spécialistes de la sociologie, aux regards sociologiques sur le vieillissement provient non seulement des dynamiques propres à ces champs de recherche, mais probablement aussi d’une auto-censure des chercheurs sur ces questions. Et c’est sans doute là encore une manifestation subtile de l’âgisme, au moins dans le champ sociologique. Enfin, une dernière manière d’analyser la faible intensité des débats dans le champ de la sociologie de la vieillesse renvoie à l’orientation relativement récente en sociologie, qui, même si elle n’est pas partagée par tous les chercheurs, consiste à penser de manière moins disjonctive que conjonctive (Génard, 2011) les structures et les individus sociaux. Il nous semble que les débats dans le champ sont aujourd’hui moins nombreux et pour certains moins vifs, moins durables également, que durant les années 1970, par exemple. Il s’agit moins en effet de déterminer quel niveau d’explication (macro ou micro-sociologique) prime dans l’élucidation des questions sociales, ou s’il faut expliquer plutôt que comprendre, que d’articuler ces différents niveaux et formes de réflexion sociologique, sans en disqualifier aucun, dans une perspective proche de celle défendue par M. Riley (1987) dans son article instituant la sociologie des âges et des avancées en âge.
12Constater cette faiblesse nous invite alors, jeunes chercheur(e) s ou sociologues plus expérimenté(e)s, à débattre plus intensément pour préciser les usages et les sens que nous conférons aux concepts que nous utilisons. Les différents chapitres de cet ouvrage peuvent en constituer l’amorce. Fort heureusement, nous disposons maintenant de lieux de rencontre, de débats, dans lesquels poursuivre ce travail d’analyse et de discussion autour de ces travaux : les congrès et journées d’études doivent être investis aussi en ce sens, et pas seulement pour être confortés dans nos acquis ou dans un entre-soi de bon aloi.
Enjeux
13Au-delà de la nécessité d’approfondir les débats autour des résultats, des méthodes et des outils des analyses sociologiques des vieillesses et des vieillissements, d’autres enjeux se dessinent. Les transformations rapides des sociétés occidentales et la manière dont elles rencontrent la révolution de la longévité à l’œuvre depuis quelques décennies en leur sein invitent à multiplier les enquêtes. Comment l’urbanisation, la mondialisation, la diffusion accélérée de nouvelles techniques d’information et de communication transforment-elles les questions sociales (qu’on peut entendre en un sens fort, originel, aussi bien qu’en un sens plus singularisé ou plus localisé) ou en font-elles naître de nouvelles ? Les migrations de retraite, le vieillissement « sur place », l’apparition de pathologies inédites, les réorientations des préoccupations publiques pour la vieillesse, les transformations des rôles politiques, sociaux, familiaux des aîné(e)s, leurs investissements et désinvestissements de différentes sphères de la vie sociale doivent être enquêtés. Ces enquêtes peuvent pour partie rencontrer les intérêts de connaissance de différentes institutions, de la commande publique, certes, mais également d’entreprises ou de professionnels, prenant acte, souvent avec quelque retard, des transformations de la structure par âge des différents mondes sociaux. Éclairer les débats publics, organiser un examen critique des pratiques professionnelles, permettre aux décideurs et aux personnes âgées de se saisir de nos résultats est un autre défi à relever. Il s’agit alors, dans un contexte où les enquêtes sur le vieillissement sont construites de manière pluridisciplinaire par la puissance publique qui les organise et les finance, de saisir cette opportunité pour préciser la spécificité de chaque démarche disciplinaire, et produire des connaissances plus complètes. Collaborer avec des chercheurs d’autres pays permet également de déplacer le regard, condition de toute analyse sociologique, et de produire des connaissances renouvelées, en mettant en évidence des processus ou des pratiques, spécifiques aux différents contextes étudiés ou transversaux à ces derniers. La structuration actuelle de la recherche, qui repose de plus en plus en Europe et ailleurs sur des financements mixtes et sur des collaborations internationales, peut être un carcan. Aussi bien pouvons-nous en faire une chance. Au travail ! Il reste tant à découvrir !
Bibliographie
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Références
10.3917/rs.053.0049 :Avril C., « Les aides à domicile pour personnes âgées face à la norme de sollicitude », Retraite et société, no 53, 2008, p. 49-65.
Berthelot J.-M., Épistémologie des sciences sociales, Paris, PUF, 2001.
Bois J.-P., Histoire de la vieillesse, Paris, PUF, 1989.
Causse L., « L’univers des aides-soignantes en maisons de retraite médicalisées : un travail dévalorisé et occulté », in Cours-salie P. et Le Lay S., Le bas de l’échelle. La construction sociale des situations subalternes, Toulouse, Érès, 2006, p. 67-79.
Durkheim É., Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1994 [1894].
Génard J.-L., « Expliquer, comprendre, critiquer. Une tentative d’éclaircissement du statut de la sociologie critique à partir des acquis de la pragmatique », SociologieS, expériences de recherche, régimes d’explication en sociologie, mis en ligne le 6 juillet 2011, consulté le 14 novembre 2012, [http://sociologies.revues.org/3555].
Negroni C., Reconversion professionnelle volontaire. Changer d’emploi, changer de vie : un regard sociologique sur les bifurcations, Paris, Armand Colin, 2007.
10.2307/2095388 :Riley M. W., « On the Significance of Age in Sociology », American Sociological Review, vol. 51, 1987, p. 1-14.
Rimbert G., Vieillards sous bonne garde. Réparer l’irréparable en maison de retraite, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2011.
Strauss A., Miroirs et masques. Une introduction à l’interactionnisme, Paris, Métailié, 1992.
Zaffran J., « Les parcours de l’enfance à l’adolescence ou les épreuve de l’emprise », communication au colloque Les parcours sociaux entre nouvelles contraintes et affirmation du sujet, Le Mans, 17-20 novembre 2010.
Notes de bas de page
1 Ainsi, au tournant des années 2010, la maladie d’Alzheimer est, en France, au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et bénéficie de nombreux financements.
2 Cf. par exemple Causse, 2006 ; Avril, 2008 ; Rimbert, 2011.
3 À noter cependant certaines tentatives comme le travail de Negroni (2007) sur les reconversions professionnelles et celui de Zaffran (2010) sur l’adolescence.
Auteurs
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