Transitions du vieillissement et épreuve du grand âge
p. 273-288
Texte intégral
1Depuis une vingtaine d’années, sous l’effet d’influences diverses (citons le constructivisme de Peter Berger et Thomas Luckmann, la sociologie phénoménologique d’Alfred Schütz ou encore les théories de l’individualisation d’Ulrich Beck et d’Anthony Giddens), une plus grande attention a été portée, dans la sociologie francophone, aux individus sociaux et à leurs expériences (Martuccelli et de Singly, 2009). Dans le champ de la sociologie de la vieillesse, ce mouvement s’est traduit par le développement de travaux qui se sont fixés pour objectif de rendre compte du processus et de l’expérience du vieillissement individuel au cours des années de retraite. Ces travaux se sont déployés à travers deux grandes approches, davantage complémentaires que concurrentes : d’une part, l’analyse des moments de transition qui ponctuent l’avancée en âge ; d’autre part, l’étude des changements dans le rapport à soi et au monde qui adviennent dans ce qu’on peut appeler le « grand âge ».
Les transitions du vieillissement
2La première approche, qui fait le choix d’appréhender le vieillissement en privilégiant certains moments particuliers de l’avancée en âge, n’est pas sans précédents. Ainsi, la gérontologie sociale américaine a longtemps appréhendé les transitions du vieillissement à partir de la notion fonctionnaliste de « rôles sociaux », ce qui l’amenait à les considérer comme des moments de perte de rôles (perte du rôle professionnel au moment de la retraite, du rôle parental avec le départ des enfants, du rôle conjugal lors du veuvage). Elle parvenait ainsi à la conclusion que la vieillesse se caractérisait par un rôle « vide » (roleless role) ou « ténu » (tenuous role) ou, pour le dire autrement, par la faiblesse des attentes de la société à l’égard des personnes âgées (Rosow, 1985). Dans les travaux francophones des années 1990 et 2000, la théorie fonctionnaliste a été remplacée par une approche constructiviste et compréhensive et la notion de rôle a cédé la place à celle d’identité : les transitions ont alors été considérées comme des moments de réaménagement du quotidien et d’activation du processus de construction identitaire. Différents travaux ont ainsi porté sur la retraite et le veuvage, l’entrée en maison de retraite (Mallon, dans ce volume), le départ des enfants, la ménopause, la recomposition conjugale ou encore la démotorisation. Ces transitions sont, bien sûr, très diverses. Les unes constituent des étapes institutionnalisées du parcours de vie ; d’autres renvoient à des transformations dans l’environnement domestique ; d’autres encore à des changements physiologiques. Par ailleurs, elles peuvent correspondre à un événement précis ou, à l’inverse, courir sur une certaine durée (comme c’est le cas pour le départ des enfants, qui peut être marqué par des périodes d’entre-deux résidentiel et même par des moments de recohabitation). De ces études, il est possible de tirer quelques enseignements transversaux – qui constituent autant de pistes de recherche à creuser plus avant.
Représentations courantes, expériences vécues des transitions
3On peut, tout d’abord, souligner le décalage qui existe entre les représentations communes – voire savantes – des transitions et ce qu’expriment les personnes qui les franchissent. Les transitions biographiques sont, en effet, couramment envisagées comme des moments de « crise » et elles font l’objet de représentations assez sombres, qui contrastent avec les expériences souvent plus positives et, en tout cas, plus ambivalentes et plus variées, des intéressés. Par exemple, l’entrée dans la période dite du « nid vide » n’est pas particulièrement traumatisante pour les mères : si le départ des enfants conduit, parfois, à un malaise passager, il permet aussi de disposer de plus de temps pour soi (Maunaye, 1997). À propos de la ménopause, le discours médical est beaucoup plus inquiet que ce qu’en disent les femmes dans les enquêtes (Thoer-Fabre, 2005). En ce qui concerne la cessation d’activité, on croit volontiers en une « crise de la retraite » alors que, dans l’ensemble, ce passage est plutôt bien vécu (Caradec, 2010a). À l’inverse, d’autres transitions biographiques, n’attirent guère l’attention alors qu’elles peuvent marquer une rupture importante pour ceux qui les vivent : c’est le cas de l’arrêt de la conduite automobile (Drulhe et Pervanchon, 2002) ou encore de la marche (Balard, 2010 ; Campéon, 2010).
4Selon leur nature, les transitions biographiques ont, en effet, un retentissement variable sur les existences de ceux qui les vivent. De ce point de vue, il est instructif de mettre en regard la transition de la retraite et celle du veuvage, dont l’impact apparaît bien plus profond. Ainsi, invités à désigner les moments qui ont marqué un « changement important » dans leur existence, seuls 8 % des personnes qui ont cessé leur activité professionnelle citent la retraite, alors que les changements familiaux, notamment le décès du conjoint, sont plus fréquemment mentionnés (Lalive d’Épinay et Cavalli, 2007). De même, il existe une surmortalité dans l’année qui suit le décès du conjoint, en particulier pour les hommes (Thierry, 1999), ce qui n’est pas le cas après la retraite (Paillat, 1989). Une même transition peut aussi avoir un retentissement différent selon les époques car sa signification sociale s’est transformée. Ainsi, la retraite est mieux vécue aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1950 : elle est peu à peu devenue désirable, à la fois parce que s’est diffusé peu à peu un imaginaire de la retraite comme « nouvelle jeunesse » et du fait de la pénibilité du travail et des difficultés d’emploi en fin de carrière (Caradec, 2009).
5Au-delà de ces différences entre transitions, dont l’analyse mériterait d’ailleurs d’être approfondie, on peut noter que chacune donne lieu à des expériences très diverses, cette diversité constituant un autre décalage avec les représentations communes, qui envisagent souvent les répercussions de manière globale et homogène. Par exemple, alors qu’elle est majoritairement bien vécue, la transition de la retraite se déroule plus difficilement pour une minorité de personnes. La diversité des expériences est également très nette dans le cas du veuvage : si certains parviennent, après le décès de leur conjoint, à trouver de nouveaux centres d’intérêt, à s’investir dans des activités nouvelles et à nouer des relations, d’autres, en particulier parmi les plus âgés, se contentent de survivre, plongés dans leurs souvenirs et dans l’attente de la mort (Lalive d’Épinay, 1996 ; Caradec, 2010a). De même, les personnes entrant en maison de retraite parviennent plus ou moins bien à (re)trouver un équilibre et à construire un chez-soi au sein de l’institution (Mallon, 2004). Quant à la ménopause, certaines femmes la considèrent comme un non-événement (soit parce qu’elles la conçoivent comme un phénomène naturel n’ayant guère d’impact sur l’existence, soit parce qu’elles prennent un traitement hormonal qui en efface les conséquences ou les met sous contrôle), alors que, pour d’autres, elle est associée à une prise de conscience de leur vieillissement, qui n’est d’ailleurs pas nécessairement négative (Thoer-Fabre, 2005).
Le poids des trajectoires passées, l’importance des supports présents
6Pour rendre compte de cette diversité des expériences, on peut faire appel à deux grands types d’explications : la première en recherche l’origine dans la trajectoire passée des individus, la seconde met davantage l’accent sur leur contexte de vie présent.
7De nombreuses études ont montré que les trajectoires de vieillissement dépendaient de la vie passée, ouvrant sur une analyse en termes de milieu social et de genre. Les travaux qui ont porté sur la retraite ont ainsi établi que les modes de vie adoptés après la cessation d’activité dépendaient des ressources accumulées pendant la vie professionnelle (revenu, état de santé, capacité d’initiative et d’autonomie, etc.) (Guillemard, 1972). Ils ont montré que la transition vers la retraite pouvait être particulièrement difficile pour les cadres supérieurs fortement investis dans leur travail (Lalive d’Épinay et al., 1983) ou encore pour les femmes qui ont choisi de travailler sur le tard pour échapper à leur rôle de maîtresse de maison (Caradec, 1996). De leur côté, les recherches sur le veuvage ont souligné que la manière d’envisager la période de l’existence qui s’ouvre après le décès du conjoint dépend du mode de fonctionnement conjugal antérieur, selon qu’il était plutôt fusionnel ou valorisait davantage l’autonomie des conjoints (Caradec, 1996 ; 2010a).
8L’autre piste consiste à s’intéresser aux ressources que les individus peuvent mobiliser ou, plus largement, aux « supports » existant dans leur contexte de vie présent1 (Caradec, 2010a). Ainsi, trois types de supports ont été identifiés comme facilitant la transition de la retraite : les supports collectifs, tels que les rôles sociaux valorisés à ce stade de l’existence (notamment ceux de bénévole et de grand-parent), qui fournissent des cadres d’identification et des types d’engagement légitimes ; les supports « identitaires », sous la double espèce d’identités déjà expérimentées et d’identités « potentielles », susceptibles d’être transformées en identités effectivement investies ; les supports relationnels, c’est-à-dire le soutien apporté par les proches, en particulier le conjoint, qui peuvent encourager les engagements initiés par le nouveau retraité, voire l’inciter à entreprendre des activités nouvelles. Les études sur le veuvage confirment l’importance des supports identitaires (importance qui se révèle parfois par défaut, lorsque les personnes veuves ne parviennent pas à trouver des occupations qui font sens pour elles) et des supports relationnels (qui prennent notamment la forme de sollicitations adressées à la personne veuve, grâce auxquelles elle parvient à se sentir utile). Notons, à ce propos, la différence entre les supports relationnels masculins et féminins, qui tient notamment au déséquilibre démographique entre veuves et veufs : il existe des formes de soutien mutuel entre veuves qui, par exemple, s’organisent pour partir ensemble en vacances (Caradec, Petite et Vannienwenhove, 2007) alors que les hommes comptent plutôt sur le soutien d’une nouvelle compagne.
Transformations versus stabilité identitaires
9Le recours à la notion d’identité invite à formuler l’hypothèse selon laquelle les transitions biographiques peuvent constituer des occasions de changement identitaire. En effet, elles se caractérisent par une transformation dans les engagements, se traduisent par des modifications dans l’environnement relationnel et sont propices au retour réflexif sur soi (Caradec, 2004). La question se pose cependant de savoir dans quelle mesure il y a effectivement transformation de l’identité et quelle en est l’ampleur. De ce point de vue, les études sur la retraite et le veuvage montrent que c’est plutôt la stabilité identitaire qui prévaut.
10La cessation d’activité ouvre certes sur des possibilités de changement identitaire, d’autant plus que la représentation de la retraite comme moment d’épanouissement et de réalisation de soi incite à mettre alors en œuvre les projets que l’on n’a jamais pu réaliser auparavant. Et l’on observe bien des évolutions de ce type. Pour en donner un seul exemple, citons cette femme qui, après sa retraite de professeur, a cherché à développer le « côté un peu artistique » de sa personnalité qu’elle a le sentiment d’avoir négligé pendant sa vie professionnelle (Caradec, 2004). D’autres logiques sociales poussent cependant à la stabilité identitaire. C’est ainsi que les activités nouvelles dans lesquelles s’engagent les néo-retraités s’inscrivent souvent dans la continuité de leurs activités antérieures : certains réinvestissent leurs compétences professionnelles dans un cadre associatif, parfois même poursuivent leur engagement professionnel au-delà de la retraite (comme c’est le cas pour certains agriculteurs ou parmi les universitaires). Par ailleurs, la présence du conjoint, « autrui par excellence » de la définition de soi (Berger et Kellner, 1988) constitue également un élément de continuité et de stabilité de l’identité.
11Avec le décès du conjoint, c’est précisément cet important facteur de stabilité qui disparaît. Il ne faut donc pas s’étonner que le veuvage puisse conduire à des changements identitaires. Ceux-ci peuvent prendre deux formes très différentes. D’un côté, certains vivent un affaiblissement de soi, qui tient au fait qu’avec le conjoint, disparaît la personne qui, par sa seule présence, donnait une signification aux activités quotidiennes et, plus largement, à l’existence. De l’autre et à l’inverse, on observe parfois un renouveau identitaire. Le décès du conjoint rend, en effet, possible l’expression de potentialités de soi inexplorées ou entravées par la vie conjugale, notamment lorsque l’un des conjoints (le plus souvent la femme) a renoncé à certains de ses goûts personnels (Lalive d’Épinay, 1996). Cependant, à l’exception de quelques cas spectaculaires, comme celui d’un homme devenu prêtre après le décès de son épouse (Caradec, 2010a), le renouveau identitaire reste, le plus souvent, limité à certains aspects de l’existence comme le choix des émissions de télévision, l’alimentation ou encore certaines activités de loisir. Le veuvage, lorsqu’il survient au cours des années de retraite, n’est donc que rarement le catalyseur d’un changement identitaire important. Cette tendance à la stabilité identitaire s’explique doublement. D’une part, les possibilités d’investissement dans de nouvelles activités – et donc d’expression de nouvelles potentialités de soi – sont d’autant moins nombreuses que le veuvage est tardif et que des conditions défavorables (des problèmes de santé, une baisse importante des revenus ou l’absence de moyen de déplacement, ces dernières contraintes pesant essentiellement sur les veuves) limitent la possibilité de nouveaux engagements. D’autre part, le conjoint décédé reste très présent dans les pensées, parfois dans les conversations, souvent à travers un ensemble d’objets domestiques, y compris pour ceux qui ont formé un nouveau couple (Caradec, 2004).
L’épreuve du grand âge
12La deuxième approche du vieillissement individuel s’est efforcée de cerner les changements plus diffus, plus progressifs qui se produisent au fur et à mesure que les personnes qui vieillissent se trouvent confrontées à des difficultés nouvelles. Celles-ci trouvent leur origine à la fois dans des transformations physiologiques (des problèmes de santé, des limitations fonctionnelles, une fatigue accrue) et dans les transformations de l’environnement humain et matériel (la disparition de ses contemporains ; des proches qui se font surprotecteurs ; un monde extérieur moins accueillant, dans lequel les vieilles personnes sont confrontées aux manifestations variées de l’âgisme). Ces difficultés – socialement différenciées – sont constitutives de ce qu’on peut appeler l’« épreuve » du grand âge2 et conduisent à des changements progressifs dans le rapport à soi et au monde. L’un des chantiers de recherche aujourd’hui ouverts consiste à caractériser ces changements. Nous en distinguerons ici quatre registres3, chacun ouvrant sur un « enjeu » du vieillissement au grand âge : le processus de déprise, qui amène à souligner l’enjeu, pour les plus âgés, de la conservation de prises sur le monde ; le phénomène d’étrangeté croissante du monde, qui pose la question du maintien d’espaces de familiarité avec lui ; les tensions de l’identité (entre « être » et « avoir été », entre « devenir vieux » et « être vieux ») qui renvoient à la manière dont les vieilles personnes cherchent à préserver le sentiment de leur propre valeur ; le développement des limitations fonctionnelles et du besoin d’aide, qui pose la question du maintien du pouvoir de décider par soi-même, c’est-à-dire de son autonomie.
La déprise et l’enjeu de la conservation de prises sur le monde
13Le premier type de changement à considérer renvoie à ce qu’il est convenu d’appeler, la « déprise » (Barthe, Clément et Drulhe, 1987 ; Mallon, 2004 ; Caradec, 2007 ; Clément et Membrado, 2010). Ce concept, forgé par Serge Clément et Marcel Drulhe, se situe dans une filiation critique par rapport à la théorie du désengagement (Cumming et Henry, 1961) : d’une part, il reprend l’idée selon laquelle le rapport au monde tend à devenir problématique dans la vieillesse, mais, d’autre part, il s’inscrit en faux contre la vision d’un désengagement qui adviendrait de manière mécanique, inéluctable et homogène. La déprise peut être définie comme le processus de réaménagement de la vie qui se produit au fur et à mesure que les personnes qui vieillissent sont confrontées aux difficultés croissantes que nous avons énoncées plus haut. Ce réaménagement de l’existence est marqué par l’abandon de certaines activités et de certaines relations, mais il ne s’y résume pas. En effet, les activités et les relations délaissées sont susceptibles d’être remplacées par d’autres, qui exigent moins d’efforts. Ainsi, la déprise consiste, pour les personnes qui vieillissent, à poursuivre certaines de leurs activités antérieures sur une plus petite échelle : elles continuent à conduire, mais plus sur de longs trajets ; celle qui avait un jardin potager réduit peu à peu la surface cultivée, puis y renonce pour prendre soin de quelques plantes. Parallèlement, la déprise prend la forme de substitutions d’activités, par exemple lorsqu’une personne qui allait régulièrement à la messe, la regarde désormais à la télévision. Enfin, si certaines activités sont abandonnées, d’autres sont conservées, en priorité celles qui ont le plus d’importance pour soi. La déprise est ainsi un processus actif à travers lequel les personnes qui vieillissent mettent en œuvre des stratégies d’adaptation de manière à conserver aussi longtemps que possible des activités qui font sens pour elles4. L’enjeu de la déprise consiste ainsi à maintenir des « prises » signifiantes sur le monde.
14Si le terme de déprise est sans doute ambigu tant son préfixe privatif semble l’apparenter au déclin (sans doute vaudrait-il mieux l’écrire [dé]prise ou parler de reconversion-déprise), le concept présente le grand intérêt de décrire un mouvement général – un mouvement de reconversion sur fond de contraintes croissantes – et d’étudier de quelle manière il se décline en fonction des contextes physiologiques et sociaux, très divers, dans lesquels s’inscrivent les trajectoires individuelles de vieillissement. Car la déprise se produit seulement sous l’effet de certains « déclencheurs » et ce sont donc ces déclencheurs qu’il convient d’analyser avec la plus grande attention. On peut en signaler quatre. Il faut citer, tout d’abord, les problèmes de santé et les déficiences physiques, qui conduisent à une progressive « fragilisation » de la personne (Lalive d’Épinay et Spini, 2008). Ces limitations fonctionnelles, il faut y insister, doivent être appréhendées dans leur rapport à l’environnement. Car être en « prise » sur le monde suppose une adéquation avec l’environnement matériel, et c’est parfois l’incompatibilité entre les compétences physiques et l’environnement qui provoque la déprise : pensons, par exemple, aux difficultés que certaines personnes âgées éprouvent pour monter dans les bus. Deuxième déclencheur de la déprise : la fatigue, le manque d’envie, le sentiment de ne plus pouvoir suivre qu’expriment des personnes âgées qui peuvent être en bonne santé physique et mentale. On peut l’illustrer à travers les propos de cette femme de 84 ans, qui explique pourquoi elle ne repartira plus en voyage organisé :
« Non, je vous dis, mon voyage en Corse, moi j’étais contente. Mais je n’y retournerai plus, hein… Non, parce que je suis trop âgée… Je suis trop âgée… C’est sur l’aéroport qu’il faut attendre chaque fois hein, pour l’enregistrement de… des bagages il faut attendre et c’est ceci et cela… » (Caradec, Petite et Vannienwenhove, 2007.)
15En troisième lieu, la déprise provient de la raréfaction des « opportunités d’engagement ». On observe un tel phénomène au moment de la disparition de proches, notamment après le décès du conjoint, car ces disparitions ont pour conséquence l’abandon des activités qui étaient réalisées en commun, qu’il n’est pas facile de remplacer. On l’observe également lorsque les petits-enfants deviennent adolescents, puis adultes, et sollicitent moins souvent leurs grands-parents. En quatrième lieu, les interactions avec autrui peuvent également jouer un rôle décisif dans l’abandon de certaines activités. C’est le cas, d’une part, des interactions avec les proches, par exemple lorsque les enfants incitent leur parent âgé à ne plus conduire, de peur d’un accident. C’est le cas également des interactions avec les plus jeunes dans l’espace public, vécues comme potentiellement dangereuses, physiquement (on peut être bousculé) et symboliquement (on peut être agressé verbalement) et qui peuvent conduire à des stratégies d’évitement.
16Si l’on garde à l’esprit que c’est seulement sous l’action de déclencheurs que s’engage le processus de déprise, il est possible d’éclairer la très grande diversité des trajectoires de vieillissement. On sait, en effet, que certaines personnes, même à un âge très avancé, restent investies dans de nombreuses activités. Songeons, par exemple, à Henri Salvador qui, à 90 ans, se produisait encore en public, au cinéaste Manoel de Oliveira qui, à plus de 100 ans, tournait encore des films ou encore à l’architecte Oscar Niemeyer, lui aussi centenaire. Et observons que de telles situations se caractérisent par l’absence de déclencheurs de la déprise. Certaines personnes très âgées connaissent, en effet, peu de difficultés physiques, et les mêmes peuvent continuer à être sollicitées et à bénéficier d’opportunités d’engagement du fait de leur activité professionnelle ou parce que la richesse de leur réseau social les aide à trouver des activités de substitution. Ainsi, ces facteurs (l’état de santé, l’ancienne profession, le réseau social plus ou moins étendu) constituent des ressources socialement inégales qui génèrent des trajectoires de vieillissement socialement différenciées. Car, à l’inverse, d’autres personnes cumulent les difficultés (problèmes de santé, moindres opportunités d’engagement, inquiétude des proches) et sont contraintes à des réaménagements de plus en plus importants de leur existence, jusqu’à l’abandon d’activités à leurs yeux essentielles (comme, par exemple, ne plus pouvoir sortir de chez soi pour sa promenade quotidienne). Dans ces situations, l’ennui peut alors envahir le quotidien et l’attente de la mort constituer le seul horizon.
L’étrangeté au monde et l’enjeu du maintien d’espaces de familiarité
17Parallèlement, avec l’avancée en âge, l’appartenance au monde tend à devenir problématique : les personnes très âgées ont souvent le sentiment qu’elles n’ont plus vraiment leur place dans la société d’aujourd’hui, qui se transforme à grande vitesse, et elles éprouvent des difficultés croissantes à comprendre cet univers qui tend à ne plus les comprendre5. Parmi divers témoignages provenant d’entretiens de recherche ou encore de journaux d’écrivains très âgés (Puijalon-Veysset, 1999), citons ces propos de Claude Levi-Strauss qui déclarait, alors qu’il était âgé de 96 ans :
« Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai connu, celui que j’ai aimé, avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d’humains. Ce n’est plus le mien6. »
18Cette difficulté à adhérer à la société actuelle se forge à travers une pluralité de mécanismes. Ainsi, l’abandon d’activités qui donnaient le sentiment de rester en prise avec le monde risque d’instaurer une plus grande distance avec lui : « Ça en est fini d’être de son temps », s’exclame, par exemple, un homme âgé à l’évocation d’un possible arrêt de l’usage de sa voiture (Drulhe et Pervanchon, 2002). Parallèlement, la disparition des contemporains qui ont traversé les mêmes époques que soi, avec lesquels il existait une connivence et qui « vous comprenaient à demi-mot » (Clément, 2000) joue un rôle majeur dans la construction de ce sentiment. Et d’autres mécanismes y concourent également : l’éloignement des petits-enfants, engagés dans leur vie d’adulte ; les transformations de l’environnement (que l’on songe aux évolutions technologiques, au passage à l’euro ou, pour prendre un exemple plus banal, aux changements dans les filières scolaires et universitaires qui rendent difficile l’identification des études suivies par les petits-enfants ou arrière-petits-enfants) ; la diffusion par les médias de programmes avec lesquels les plus âgés se sentent en décalage et qui leur donnent le sentiment d’appartenir à une autre époque (c’est le cas, notamment, des nouvelles émissions de divertissement ou encore des films récents dont ils condamnent les scènes de violence et de sexe).
19Confrontées à cette étrangeté croissante du monde, les personnes qui vieillissent mettent en œuvre diverses stratégies afin de recréer de la familiarité avec leur environnement. La première consiste à lutter contre cette étrangeté. C’est ainsi que l’on rencontre des personnes qui se sont converties aux nouvelles technologies, voyant là un moyen de « rester dans la course ». La deuxième stratégie consiste à se replier sur un espace proche, familier et sécurisant, qui fait pièce à l’étrangeté et à l’insécurité du monde extérieur. Cet espace est celui du chez-soi. Beaucoup de personnes très âgées valorisent fortement leur domicile qui est, pour reprendre la formule de Bernadette Veysset (1989), à la fois un repaire et un repère : un repaire où elles se sentent protégées des agressions extérieures ; un repère identitaire (le domicile symbolise la personne dans sa continuité), spatial (il est un espace familier, intimement approprié, dont l’usage se trouve fortement ancré dans les habitudes corporelles) et temporel (car il est chargé de souvenirs). Les objets de l’environnement domestique jouent alors un rôle majeur : par leur présence, ils assurent la permanence du monde qui entoure l’individu et lui permettent ainsi de pérenniser un sentiment de stabilité alors qu’à l’extérieur, tout se transforme. C’est d’ailleurs en s’entourant d’objets matériels – meubles et bibelots familiers, photographies de ses proches, vivants ou disparus – que les personnes qui entrent en maison de retraite parviennent parfois à recréer un « chez-soi » et à retrouver un certain équilibre (Mallon, 2004).
Les tensions de l’identité au grand âge et l’enjeu de la préservation de sa valeur sociale
20Ces transformations dans le rapport au monde ont des répercussions sur le rapport à soi. On peut ainsi considérer que l’identité au grand âge se trouve traversée par deux grandes tensions.
21La première tension – entre « être » et « avoir été » – renvoie à la question de savoir dans quel espace temporel les personnes très âgées peuvent ancrer le sentiment de leur propre valeur – leur « estime de soi » – afin d’établir un rapport positif à elles-mêmes. Certaines personnes, nous l’avons vu, continuent d’avoir des engagements et des responsabilités jusqu’à un âge avancé, qu’elles peuvent alors mettre en avant pour se définir. Tel est le cas, bien sûr, de celles dont la carrière – artistique, politique, intellectuelle – se poursuit et qui bénéficient de sollicitations multiples. L’ancrage identitaire dans le présent peut cependant prendre appui sur des réalisations apparemment bien plus modestes – comme continuer à faire son ménage ou parvenir à monter à l’étage plusieurs fois par jour. Il faut souligner, en effet, que le jugement que les vieilles personnes portent sur elles-mêmes se forge aussi à travers la comparaison qu’elles établissent avec des gens du même âge et que, de ce point de vue, la stratégie du « contraste descendant » – la comparaison avec quelqu’un que l’on juge moins bien que soi – est, de loin, la plus fréquente des stratégies de comparaison avec autrui utilisées par les personnes âgées (Beaumont et Kenealy, 2003). Cependant, lorsque les engagements présents s’étiolent, le passé devient le principal point d’appui pour sauvegarder le sentiment de sa propre valeur. Cette valorisation de soi s’enracine dans les engagements marquants de l’existence et, au-delà, prend la forme d’une identification à la société d’autrefois, qui se trouve valorisée au détriment de celle d’aujourd’hui, jugée de manière beaucoup moins favorable. La télévision constitue ici un auxiliaire précieux. D’un côté, certains programmes (de vieux films, les émissions de variétés destinées aux téléspectateurs âgés, comme l’était La chance aux chansons de Pascal Sevran7) constituent de formidables machines à remonter le temps et ouvrent sur les plaisirs de la reviviscence. D’un autre côté, d’autres programmes (qui, par exemple, mettent en scène les mœurs familiales contemporaines) leur donnent l’occasion de condamner moralement la société d’aujourd’hui, de réaffirmer ainsi leurs valeurs morales et de préserver la valeur de leur être social (Caradec, 2003). Signalons, enfin, que d’autres sources de valorisation permettent d’associer le présent et le passé, ce que l’on est et ce que l’on a été. Par exemple, le recours à la valorisation indirecte de soi, à travers les succès de ses enfants ou de ses petits-enfants, signe la réussite de sa propre existence. De même, la sollicitude de son entourage familial contribue à la valorisation de soi puisqu’elle est la preuve que l’on compte pour ses proches.
22Une autre tension identitaire apparaît à propos du positionnement adopté, au grand âge, par rapport à la vieillesse. En effet, lorsqu’on analyse les propos tenus par des octogénaires et des nonagénaires, on note que les uns considèrent qu’ils deviennent vieux, sans l’être encore, alors que d’autres reconnaissent que désormais ils sont vieux. Ces deux modes de définition de soi renvoient à deux « identités narratives » (Ricœur, 1990), deux manières d’établir le lien entre le présent et le passé et de se projeter dans l’avenir. D’un côté, ceux qui affirment qu’ils ne se sentent pas vieux tiennent un discours qui établit une continuité avec le passé : ils n’ont pas le sentiment qu’il existe une rupture radicale entre ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été. « Ça continue comme avant, malgré les difficultés » : tel est le leitmotiv de ces discours. Parallèlement, ils peuvent se projeter dans un avenir de « vieux » très différent de la réalité actuelle. De l’autre, ceux qui reconnaissent qu’ils sont vieux ont le sentiment d’une rupture dans leur existence – qu’ils parviennent souvent à dater – et d’être devenus autres qu’ils étaient. Le leitmotiv est ici : « Maintenant, je ne suis plus comme avant. » Et, n’attendant plus aujourd’hui que la mort, ils ne se projettent pas dans un avenir différent du présent. Cette définition subjective de soi n’est pas dans une relation mécanique avec la situation objective de la personne : chacun élabore, à partir de sa situation présente et de son histoire, une mise en récit singulière de son vieillissement. Aussi longtemps que possible, les personnes qui vieillissent préfèrent se définir à distance de l’identité stigmatisée de « vieux » dans laquelle elles refusent de se laisser enfermer. Elles s’appuient alors sur des éléments très divers (telle activité qu’elles continuent à pratiquer, une santé relativement bonne, des facultés intellectuelles préservées, un caractère inentamé, un intérêt maintenu pour l’actualité, etc.) pour établir une continuité avec leur passé. En tendance, cependant, la définition de soi comme « vieux » est d’autant plus probable que les changements objectifs sont importants et que la déprise est forte. Certains événements marquent plus particulièrement l’entrée dans l’« être vieux » : une hospitalisation, l’aggravation d’un problème de santé, le décès d’un proche – conjoint ou descendant – ou encore une date anniversaire marquant le passage à la dizaine supérieure.
La dépendance par rapport à autrui et l’enjeu de l’autonomie
23Enfin, un dernier registre doit être évoqué, celui du contrôle que les vieilles personnes parviennent ou non à maintenir sur leur existence. En effet, la probabilité de connaître des limitations fonctionnelles, et donc de devenir « fragile », voire « dépendant », augmente avec l’âge (Lalive d’Épinay et Spini, 2008), si bien que de plus en plus de personnes dépendent de proches ou de professionnels pour la réalisation d’un ensemble de tâches quotidiennes (faire ses courses, faire son ménage, faire sa toilette, etc.)8. Se trouve dès lors posée la question du maintien de leur autonomie – si l’on entend par autonomie la capacité à décider par soi-même des affaires qui concernent sa propre vie – dans des situations dans lesquelles leur dépendance par rapport à autrui – au sens de besoin d’aide dans la vie quotidienne – se fait plus étroite.
24Sur ce plan, deux postures opposées peuvent être, de manière idéale-typique, distinguées. Dans la première, les vieilles personnes s’efforcent de préserver autant que possible leur autonomie et déploient, pour ce faire, un ensemble de stratégies : cacher à leurs proches des événements qui pourraient les inquiéter afin d’éviter qu’ils n’interviennent encore davantage (par exemple, en taisant une chute pour ne pas se voir imposer une téléalarme) ; ne pas accepter les aides à domicile prévues dans les plans d’aide mis en place par les équipes médicosociales du conseil général lorsque ces aides ne conviennent pas et empiètent sur leur autonomie9 ; pour celles qui vivent en maison de retraite, résister à l’ordre de l’institution, en contestant les prescriptions que celle-ci cherche à imposer en matière d’hygiène, d’alimentation ou de prises médicamenteuses ou en refusant de participer aux activités collectives qu’elle s’efforce de promouvoir (Mallon, 2004, p. 147 et suiv.). La deuxième posture, à l’inverse, est celle de personnes qui ont renoncé à leur autonomie, qui s’en remettent désormais à autrui, qui se laissent porter par leurs enfants ou les professionnels, en développant une sorte d’indifférence aux choses. C’est ce qu’exprime, par exemple, un homme de 104 ans10, en parlant de sa fille : « Là, elle m’a servi à boire, je ne sais pas ce que c’est, mais c’est bon. » C’est ce que l’on observe aussi en maison de retraite lorsque les résidents refusent les incitations à l’autonomie prônées par le personnel (qui leur suggère par exemple, d’essayer de s’habiller seuls) et préfèrent être pris en charge.
25Notons que ces deux postures ne relèvent pas seulement d’une décision unilatérale des vieilles personnes. Elles se construisent, en effet, dans la relation avec leurs aidants familiaux et professionnels. À partir des travaux de Margaret Baltes (1996), il est ainsi possible de dégager deux mécanismes à travers lesquels les interactions avec l’environnement peuvent conduire à une perte d’autonomie : la dépendance acquise (learned dependency), qui survient lorsque l’entourage fait à la place de la personne, restreignant ainsi ses capacités d’action et de décision ; la résignation (learned helplessness), qui apparaît lorsque l’entourage se montre inattentif à la vieille personne et à ses souhaits, générant chez elle un sentiment d’impuissance et l’amenant à renoncer à faire valoir son point de vue. De son côté, Françoise Le Borgne donne bien à voir, dans son travail sur les mesures de protection juridique11, les attitudes différentes qui existent parmi les enfants en charge des affaires financières de leur parent sous tutelle ou curatelle : tandis que certains les gèrent seuls, à distance de leur parent âgé, sans lui en parler, comme si cela ne le regardait plus, d’autres au contraire le font en négociation avec lui, dans l’objectif de préserver son autonomie.
Conclusion
26Comment appréhender le vieillissement ? L’approche que nous avons développée invite à ne le concevoir ni sur le mode d’un basculement brutal du statut de « senior » vers celui de « personne âgée dépendante » (comme nous y incite la représentation bipolaire de la vieillesse, si prégnante aujourd’hui), ni dans le registre de la sénescence, de l’affaiblissement et de la dégradation organiques (comme le fait la lecture bio-médicale de la vieillesse). D’un point de vue sociologique, le maître-mot des changements qui s’opèrent dans la vieillesse n’est pas celui de dépendance, ni celui de déclin, mais bien plutôt celui d’« épreuves » (Martuccelli, 2006). Ces épreuves sont de deux types. D’une part, elles consistent dans le franchissement de moments de transition qui amènent à réorganiser sa vie quotidienne dans un environnement (professionnel, relationnel, domestique) transformé. D’autre part, au-delà de ces transitions, il s’agit de faire face à des contraintes et difficultés nouvelles dont la probabilité d’apparition s’accroît avec l’avancée en âge : des limitations fonctionnelles, une fatigue croissante, de moindres sollicitations de l’entourage, des interactions avec les plus jeunes jugées périlleuses, une conscience accrue de sa finitude. Ces difficultés constituent, une épreuve pour ceux qui s’y trouvent confrontés, épreuve dont l’enjeu apparaît quadruple : conserver aussi longtemps que possible des activités et des relations qui font sens ; maintenir des espaces de familiarité avec le monde ; préserver le sentiment de sa propre valeur ; maintenir son autonomie.
27Cette épreuve, loin d’être homogène, se décline différemment selon les individus. Les personnes très âgées y sont, en effet, diversement soumises ou, pour le dire autrement, disposent de ressources différentielles pour s’en protéger ou pour la surmonter. Ces ressources se présentent, pour une part, sous la forme de caractéristiques incorporées, dépendant du milieu social : les capacités cognitives ou d’adaptation plus ou moins développées en fonction du niveau d’études (Cambois et Robine, 2004) ; l’état de santé, diversement préservé selon la carrière professionnelle passée (Cambois, Laborde et Robine, 2008). Ces ressources prennent aussi la forme de capitaux accumulés au cours de la trajectoire de vie passée : ressources monétaires, qui facilitent par exemple le recours à des aides extérieures ou l’aménagement du logement ; réseau relationnel, si important pour offrir ces « opportunités d’engagement » grâce auxquelles certaines personnes continuent à participer à la vie sociale, à asseoir leur identité dans le présent et à mettre à distance l’étrangeté du monde. Par ailleurs, ces ressources relèvent aussi des « entours sociaux de proximité » (les commerces, les transports, les équipements urbains tels que les bancs) dont la présence aide au maintien de prises sur l’extérieur du domicile. Les ressources différentielles face à l’épreuve du grand âge sont ainsi de deux grands types. Les unes ont été accumulées au cours de l’existence. De ce point de vue, les inégalités dans les parcours de vieillissement sont le produit des inégalités sociales passées. Les autres renvoient aux « supports » (Martuccelli, 2001) dont les personnes qui vieillissent peuvent disposer dans leur environnement présent. Ces supports proviennent certes, pour une part, du passé (songeons à l’importance que revêt le fait d’avoir eu on non des enfants), mais ils tiennent aussi à la manière dont le passé s’actualise dans le présent (avoir eu des enfants ne garantit pas de pouvoir compter sur eux dans le grand âge car ils peuvent habiter loin, être décédés ou avoir des relations distendues avec leurs parents) et aux caractéristiques de l’environnement. L’importance de ces supports plaide pour que la sociologie du vieillissement soit aussi une sociologie « environnementaliste », attentive aux inégalités de ressources disponibles dans l’environnement (Caradec, 2010b).
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Références
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Notes de bas de page
1 Davantage que celle de ressources, la notion de « support » permet d’intégrer les caractéristiques de l’environnement, de l’« écologie sociale » de l’individu (Martuccelli, 2006).
2 Le « grand âge » est bien sûr une catégorie fort imprécise. Sans vouloir en donner une borne chronologique qui n’aurait pas grand sens dans la perspective qui est la nôtre, on peut indiquer que notre analyse repose sur des enquêtes réalisées, pour l’essentiel, auprès de personnes âgées de plus de 80 ans.
3 Nous poursuivons, dans ce développement, une réflexion initiée dans des publications antérieures (Caradec, 2007 ; 2012), ici complétée par la présentation d’un quatrième enjeu, celui du maintien de l’autonomie.
4 La déprise n’est pas sans évoquer un autre concept, celui d’« optimisation sélective avec compensation » (pour une présentation en français, cf. Baltes, 1997). Celui-ci combine trois éléments : la sélection par les personnes âgées, lorsqu’elles constatent que leurs forces déclinent, de certaines activités importantes pour elles ; l’optimisation, qui les conduit à déployer des efforts particuliers afin de les réaliser au mieux ; la compensation, qui consiste à trouver des procédures ou des technologies leur permettant de pallier leurs déficiences. Tout en étant proche de celui de déprise, le concept d’optimisation sélective avec compensation n’appréhende cependant le vieillissement que dans la mesure où il est « réussi », c’est-à-dire s’il procure une vie satisfaisante en demeurant sous le contrôle actif de l’individu. De ce point de vue, le concept de déprise apparaît plus large, envisageant le vieillissement non seulement dans ses réussites – la capacité à s’adapter aux contraintes nouvelles – mais aussi dans ses dimensions plus tragiques – le renoncement à des activités auxquelles la personne était fortement attachée.
5 Pour reprendre et retourner une formule de Pascal qu’affectionnait Pierre Bourdieu : « Le monde me comprend, mais je le comprends. »
6 Le Monde, 22 février 2005.
7 Célèbre émission de la télévision française qui était dédiée aux chansons anciennes.
8 N’oublions pas cependant qu’une partie non négligeable de personnes très âgées continuent à réaliser elles-mêmes les activités de base de la vie quotidienne, voire n’ont pas ou peu de limitations fonctionnelles (Cambois et Robine, 2003).
9 C’est l’une des sources des décalages observés entre les plans d’aide prescrits dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie et ceux qui sont effectivement mis en place (Gucher et al., 2011).
10 Rencontrée par Anne-Sophie Vantorre dans le cadre de son mémoire de master 1.
11 Cf. son chapitre dans cet ouvrage.
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