La construction du champ de la dépendance. De la définition du mot au débat sur le « cinquième risque »1
p. 111-127
Texte intégral
1Nous nous sommes inscrit depuis plus de quarante ans dans une pratique professionnelle dans le champ de la vieillesse « qui va mal », en nous appuyant sur notre double formation d’ingénieur et de sociologue. Cet article est donc le fruit d’un engagement professionnel auprès des personnes « âgées dépendantes », soumis, autant qu’il est possible, à la critique et à la réflexion que permettent les outils et les méthodes scientifiques.
2En 1973, le mot « dépendant » apparaît pour la première fois en France comme qualificatif appliqué aux vieillards, la vieillesse ayant elle-même émergé comme champ particulier d’application des politiques publiques, au début des années soixante, avec la publication du rapport Laroque2. Quelques années plus tard, en 1984, c’est le mot « dépendance » qui recevra une définition ministérielle. En 1997, le gouvernement institue par la loi une prestation spécifique dépendance (PSD), qui va donner une définition légale à la dépendance. C’est ainsi qu’en France, la dépendance devient un champ spécifique catégorisant et stigmatisant les personnes âgées qui « vieillissent mal », étiquetées « personnes âgées dépendantes ». Nous avons expliqué cette institutionnalisation de la dépendance3 (Ennuyer, 2003) par l’émergence d’un champ de la dépendance au sens où Pierre Bourdieu a défini ce mot :
« On peut concevoir un champ comme un espace dans lequel s’exerce un effet de champ de sorte que ce qui arrive à un objet qui traverse cet espace ne peut être expliqué complètement par ses seules propriétés intrinsèques. » (Bourdieu, 1992.)
3L’effet du champ de la dépendance, est, au sens élémentaire de la physique des champs, l’influence que ce mot a sur les personnes étiquetées comme telles, à savoir toutes les connotations implicites et explicites associées à ce vocable et à son énonciation par le discours au sens où les discours sont des pratiques qui forment les objets (en l’occurrence ici les personnes) dont ils parlent (Foucault, 1969). À partir d’enquêtes statistiques et sous l’influence majeure de quelques médecins gériatres, ce champ de la dépendance s’est constitué, dans les années 1980, essentiellement autour d’une définition, d’un outil de mesure et d’une représentation sociale « incapacitaire » pour se traduire, au final, par la mise en place, en 1997, d’une politique publique spécifique.
4Après avoir résumé cet avènement du champ de la dépendance, cet article se propose d’en voir les évolutions depuis 2001, d’abord à la suite du vote de la loi instituant une allocation personnalisée d’autonomie (APA) et surtout eu égard aux promesses de Nicolas Sarkozy, d’abord comme candidat à la présidence de la République puis comme président de la République, de réformer la dépendance par la mise en place d’un nouveau risque de Sécurité sociale, « un cinquième risque ».
5Signalons, pour clore cette introduction, que ce vocable « dépendance » institué pour qualifier les personnes de 60 ans et plus ayant des incapacités importantes dans l’accomplissement des actes essentiels de la vie quotidienne est une singularité française. La plupart des pays européens n’identifient pas, en premier, les incapacités des populations déficientes mais, avant tout, les besoins d’aide et de soins de longue durée qui en découlent et ce quelle que soit l’origine des déficiences et surtout quel que soit l’âge des personnes, ce qui se traduit chez les Anglo-Saxons par l’expression « long term care4 ». L’usage de ce mot de « dépendance » fait de la France un des seuls pays d’Europe à opérer une discrimination par l’âge (avant et après 60 ans) dans l’attribution des prestations d’aide et de soins (Ennuyer, 2011). L’abolition de cette discrimination par l’âge est un des enjeux majeurs de la mise en place d’un « cinquième risque ».
1973-1997 : la construction du champ de la dépendance
1973-1989 : la naissance des mots « dépendant » et « dépendance » dans le champ de la vieillesse : de l’adjectif au substantif
6L’adjectif « dépendant » a été utilisé pour qualifier l’état de vieillesse pour la première fois en 1973, sous la plume d’un médecin d’hébergement de long séjour : « Le vieillard dépendant a donc besoin de quelqu’un pour survivre, car il ne peut, du fait de l’altération des fonctions vitales, accomplir de façon définitive ou prolongée, les gestes nécessaires à la vie. » (Delomier, 1973.) Le terme « dépendant » se substitue peu à peu à ceux de « grabataire » ou d’« invalide » utilisés dans les années 1960. C’est ainsi qu’en 1979 paraît le premier rapport officiel5 utilisant ce qualificatif. La première définition officielle du substantif « dépendance » apparaît, elle, en 1984, dans le dictionnaire des personnes âgées, de la retraite et du vieillissement6 :
« Dépendance (terme obligatoire), domaine : médecine. Définition : situation d’une personne qui en raison d’un déficit anatomique ou d’un trouble physiologique ne peut remplir des fonctions, effectuer des gestes essentiels à la vie quotidienne sans le concours d’autres personnes ou le recours à une prothèse, un remède, etc.7. »
7Le mot « dépendance » devient alors le vocable officiel pour désigner les personnes âgées qui « vieillissent mal » comme le confirmera, en 1988, le rapport de Théo Braun8. Peu de temps après, l’un des rapports préparatoires du Xe plan9 présente « l’augmentation des personnes âgées dépendantes » comme un des nouveaux risques sociaux qui se développent et nécessitent une capacité d’adaptation de notre protection sociale.
8En désignant les personnes âgées qui « vieillissent mal » comme population cible, l’avènement du vocable dépendance va permettre la mise en place d’une politique publique spécifique en direction de cette population.
1990-1997 : la constitution du champ de la dépendance par la mise en place d’une politique publique spécifique
9Dès 1990, une proposition de loi émanant du Sénat envisage de créer une prestation spécifique pour les personnes âgées de 60 ans et plus. Pour les sénateurs, il faut revenir sur l’allocation compensatrice de tierce personne (ACTP), mise en place en 197510, attribuée sans condition d’âge, en distinguant les personnes « âgées » des personnes « handicapées ». Pour eux en effet, l’ACTP a été créée pour les personnes dont le handicap est congénital ou résulte d’une maladie ou d’un accident alors que les difficultés de vie des personnes de 60 ans et plus sont « des handicaps très particuliers qui apparaissent naturellement par suite d’un vieillissement normal de l’être humain11 ». Nous verrons que cette affirmation, fondamentalement erronée puisque les incapacités du grand âge n’ont rien de « naturel », mais sont liées à des pathologies qui touchent une minorité de personnes âgées, comme le prouvent les enquêtes récentes de santé publique (Dos Santos et Makdessi, 2010), sera reprise plus tard dans la discussion à propos du « cinquième risque ».
10Après beaucoup d’atermoiements, le gouvernement légifère en direction des personnes de 60 ans et plus, instituant une prestation spécifique dépendance (PSD) par la loi du 24 janvier 1997 qui donne une définition légale de la dépendance :
« La dépendance, mentionnée au premier alinéa, est définie comme l’état de la personne qui, nonobstant les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin d’être aidée pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie, ou requiert une surveillance régulière. »
11L’outil de mesure de cette dépendance est la grille nationale AGGIR (autonomie, gérontologie, groupe iso-ressources) mise au point par des gériatres de long séjour. Cette grille établit un classement des personnes âgées en 6 groupes iso-ressources (GIR) suivant le degré d’incapacité physique et psychique de ces personnes et leurs besoins d’aide. Cet outil sert aussi à fixer le montant de l’allocation de ressources destinée à permettre l’élaboration d’un plan d’aide auprès de la personne « girée ».
Quelques réflexions à propos de la mise en place d’une politique publique stigmatisant la vieillesse « dépendante »
La médicalisation de la vieillesse à travers la définition de la « dépendance »
12La définition « grand public » de la dépendance, donnée par le dictionnaire, est « situation d’une personne qui dépend d’autrui ». Mais le verbe « dépendre » a lui-même plusieurs sens. Le premier, « ne pouvoir se réaliser sans l’action ou l’intervention d’une personne ou d’une chose », exprime l’idée d’une solidarité de fait ; le deuxième, c’est « faire partie de quelque chose, appartenir à » ; le troisième enfin, le plus récent, c’est « être sous l’autorité, la domination, l’emprise », et il est connoté comme assujettissement, servitude, subordination.
13On peut donc opposer à la vision médicale « incapacitaire » de la « dépendance », une autre vision sociale et relationnelle en rapport avec la première définition du dictionnaire. C’est celle proposée par l’écrivain et sociologue, Albert Memmi : « La dépendance est une relation contraignante plus ou moins acceptée, avec un être, un objet, un groupe ou une institution, réels ou idéels, et qui relève de la satisfaction d’un besoin. » (Memmi, 1979, p. 32.) La dépendance, ajoutait-il, concerne tous les êtres humains : elle est le fait et la vérité de la condition humaine, c’est aussi une relation réciproque, et même un lien trinitaire entre le dépendant, le pourvoyeur, et l’objet de pourvoyance. Nous l’avons appelée, quant à nous, « dépendance-lien social » ou interdépendance, en opposition à la définition médicale que nous avons nommée « dépendance-incapacité ». Ce manque de consensus à propos de la définition de la « dépendance » renvoie donc à deux visions de la vieillesse et à deux politiques publiques fort différentes. La « dépendance-incapacité » fait référence à un état de vieillesse, essentiellement individuel et biomédical et donc à une politique plus curative, plus médicale, plus centrée sur les facteurs individuels de vieillissement. Le plan Bien vieillir (2007-2009) et le plan Alzheimer (2008-2012) sont deux exemples récents de cette médicalisation de la prise en charge de la vieillesse : contrôlées essentiellement par des médecins, ces politiques publiques ont une vision très médicalisante et très individuelle de la vieillesse au détriment de la prise en compte des facteurs collectifs de vieillissement. La « dépendance-lien social », quant à elle, renvoie à une vieillesse dynamique, résultat d’un parcours social et biologique dans un environnement donné et donc à une politique plus préventive, plus centrée sur les facteurs collectifs, environnementaux et culturels du vieillissement, plus correctrice des inégalités dans les parcours sociaux.
14Les médecins gériatres, en biologisant la dépendance, au mépris de la réalité observée (HCSP, 2009), ont aussi conforté les hommes politiques dans leur non-prise en compte du parcours de vieillissement des gens et les ont dédouanés de leur responsabilité « politique » dans ce qui arrivait aux gens en situation de dépendance. De façon analogue aux hygiénistes du XIXe siècle, les médecins gériatres sont devenus les alliés du pouvoir politique, ce que confirme l’analyse de Bernard Cassou : « L’alliance a été parfaite entre les médecins gériatres, avides de reconnaissance et une administration et des gestionnaires qui souhaitent évacuer les questions sociales et politiques au profit d’une démarche technique. » (Cassou, 1998, p. 154.) Cette alliance a été concrétisée par la grille AGGIR.
La prétention de la médecine à une évaluation « objective » et « scientifique » de la vieillesse dépendante
15Une autre conséquence, en effet, et non la moindre, de la colonisation du champ de la vieillesse par la définition médicale de la « dépendance » est la création, au début des années 1980, par une gériatrie qui se veut scientifique, d’outils de mesure de la dépendance. L’un d’entre eux, la grille AGGIR, imposé par la loi PSD de 1997 et confirmé par la loi APA de 2001, est devenu la mesure officielle de la dépendance. Malgré les critiques émises hier (Colvez, 2003) et encore tout récemment12 à son encontre, particulièrement quant à sa capacité à déterminer à lui tout seul un plan d’aide, cet outil est toujours en place.
16On voit se dessiner le rôle de l’outil d’évaluation, chargé par les politiques publiques de réglementer l’accès aux prestations, en contribuant à l’allocation prétendument optimale des ressources du système socio-sanitaire, dans un contexte de rationnement des dépenses publiques. L’outil AGGIR ne permet pas de décrire la complexité de la situation d’une personne dans son environnement, comme le fait le guide d’évaluation multidimensionnelle (GEVA) mis en place dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées créées par la loi du 11 février 200513. Ce guide d’évaluation est un recueil de données en huit volets décrivant la situation de la personne qui demande de l’aide : volet familial, social et budgétaire, volet habitat et cadre de vie, volet professionnel, volet médical, volet psychologique, volet activités et capacités fonctionnelles, etc. Le volet no 8 est la synthèse de ces données en regard du projet de vie exprimé par l’intéressé. Ce guide a été conçu d’après les concepts de la classification internationale du fonctionnement humain (OMS, 2001) pour mettre en évidence, autour du projet de vie de la personne en situation de handicap, l’interaction entre les troubles de santé d’une personne, d’une part, et ses facteurs personnels et d’environnement, d’autre part. Le GEVA, outil de dialogue avec la personne, est une aide à la mise en place d’un plan d’aide et n’est en aucun cas un outil de mesure de la dépendance, comme le revendique l’outil AGGIR.
17Le processus d’évaluation est d’abord un processus de rencontre et de mise en relation entre deux réalités. Comme le rappelait le physicien Niels Bohr (d’Espagnat, 1981), nous avons affaire-là à un ensemble d’éléments indissociables : l’observation de la personne évaluée est fonction du regard de l’observateur et de sa personnalité, de son angle de vue (évaluation des « besoins » collectifs ou individuels, point de vue médical ou social, etc.) et du dispositif d’observation conçu par cet observateur en fonction de son objectif. En clair, il n’y a pas, pour lui et pour nous, possibilité d’une évaluation objective du besoin d’une personne « dépendante ».
18Actuellement la contestation de l’outil AGGIR dans son utilisation pour la mise en place d’un plan d’aide a amené l’expérimentation d’un nouvel outil, le GEVA-A14, c’est-à-dire à l’intégration d’AGGIR dans le GEVA pour évaluer les besoins d’aide des personnes âgées qui s’adressent aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) mises en place par le plan Alzheimer 2008-2012.
L’expertise : le savoir scientifique contre le savoir des gens
19À travers la mise en place de cette grille AGGIR, nous avons aussi assisté à la montée de l’expertise gériatrique dans le monde de la vieillesse. L’expertise renvoie, selon Michel Foucault, à un rapport de pouvoir entre deux types de savoir : le savoir scientifique et ce qu’il appelle le « savoir des gens » :
« Quel sujet parlant, quel sujet discourant, quel sujet d’expérience et de savoir, voulez-vous minorer du moment que vous dites : moi qui tiens ce discours, je tiens un discours scientifique et je suis un savant. » (Foucault, 1997.)
20Et il ajoutait que cette prétention au discours de la science avait pour but de disqualifier ce « savoir des gens », le savoir du malade, du délinquant, considéré comme non-légitime par ceux qui s’arrogent le droit de détenir la connaissance scientifique vraie. Comme le dit Charles S. Ridell, médecin gériatre retraité :
« Des pans entiers de l’expérience humaine sont ainsi soustraits au royaume de la sagesse personnelle et de la connaissance individuelle pour être transférés à l’empire de la médecine, avec l’aura que lui confèrent le déterminisme biologique et l’attrait pour la technologie. » (Ridell, 1999.)
21Et le philosophe Paul Ricœur d’ajouter :
« Les domaines sont devenus si compliqués, nous dit-on, qu’il faut nous en remettre au jugement de ceux qui savent. Il y a là, en réalité, une sorte d’expropriation des citoyens. La discussion se trouve ainsi captée et monopolisée par les experts. Il ne s’agit pas de nier l’existence de domaines où des compétences juridiques, financières, ou socio-économiques, très spécialisées sont nécessaires pour saisir les problèmes. Mais il s’agit de rappeler aussi et, très fermement, que sur le choix des enjeux globaux, les experts n’en savent pas plus que chacun d’entre nous […]. En tout cas, ils ne sont pas plus qualifiés que nous et ce n’est pas à eux que peuvent appartenir les décisions de fond. » (Ricœur, 1994.)
22Les gens « âgés » ont, la plupart du temps, une très bonne appréciation de leurs possibilités et de leurs incapacités. Ils ont donc développé dans leur habitat et avec leur environnement proche des stratégies d’adaptation à ce savoir qu’ils ont de leurs limites : bricolages dans leur façon d’habiter leur logement, développement d’habitudes de vie en relation avec leurs difficultés ; aide des enfants et du voisinage pour tel ou tel type de tâches, aide professionnelle pour d’autres. Ces stratégies d’adaptation qui peuvent apparaître comme des « bouts de ficelle » pour l’expert professionnel ont l’immense avantage de préserver l’autonomie de ces personnes âgées puisque ce sont elles qui les ont mises en œuvre. Des solutions techniques plus « rationnelles » mises en place par les professionnels risquent d’être désastreuses du point de vue de l’autonomie des personnes, autonomie pourtant régulièrement mise en exergue dans les discours officiels. C’est, par exemple, tout le débat actuel sur l’introduction des gérontechnologies censées faciliter la vie des gens dans leur domicile mais refusées par beaucoup de personnes âgées, car elles ne maîtrisent pas toujours leur fonctionnement et ne se sentent plus « chez elles ».
23En conclusion provisoire de cette première étape 1973-1997, notre constat est donc celui d’une médicalisation excessive et d’une réification (Honneth, 2007) de la vieillesse à travers l’annexion par les gériatres du mot « dépendance », repris par les politiques publiques et devenu, de fait, dans son usage grand public, symbole de déficit et d’incapacité alors que dans son sens premier, la dépendance est le fondement de la cohésion sociale et de la solidarité.
2001-2011 : vers un cinquième risque ?
2001 : avec la création d’une allocation personnalisée d’autonomie, le vocable « dépendance » devient « perte d’autonomie »
24Sous la pression du secteur associatif15, le gouvernement socialiste arrivé au pouvoir en juin 1997 rouvre le débat sur la dépendance, puisque la PSD était une loi d’attente16. La loi promulguant l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est votée le 21 juillet 2001 pour s’appliquer le 1er janvier 200217. La nouvelle prestation, élargie aux personnes classées en GIR 4, n’est plus soumise au recours sur succession, mais elle est toujours réservée aux 60 ans et plus. Cette prestation, comme la PSD s’applique aussi bien aux personnes à domicile qu’à celles qui résident en institution d’hébergement. Elle est financée théoriquement à 50 % par les départements et à 50 % par l’État. Cette loi ne parle plus de « dépendance » mais de « perte d’autonomie ». Elle redéfinit implicitement la dépendance comme étant le besoin d’aide et rapporte ce besoin d’aide à une cause identifiée : un manque ou une perte d’autonomie. Ce faisant, elle crée une grande confusion dans l’utilisation de la notion d’autonomie. Celle-ci mérite d’être précisée.
25La définition classique de l’autonomie par Kant (Zielinski, 2009), suivant sa racine grecque : autos nomos, est la capacité de se donner à soi-même ses propres lois, c’est-à-dire à obéir à la raison, à la conscience morale. Rappelons que pour Kant, au XVIIIe siècle, l’autonomie allait de pair avec la reconnaissance de l’individu comme sujet politique et s’opposait à l’hétéronomie, c’est-à-dire à une loi imposée à ce sujet de l’extérieur par la royauté ou encore la religion. Il s’agit alors de sortir l’individu de son état de minorité en le poussant à penser par lui-même pour ne pas être gouverné par un autre. Quand la loi APA parle de « perte d’autonomie », elle fait référence non pas à Kant, mais là encore au monde gériatrique. Quand ce dernier parle d’autonomie, il parle en fait d’indépendance fonctionnelle ou encore d’« autonomie fonctionnelle ». Pour un gériatre, la « perte d’autonomie », sous-entendu la perte d’autonomie fonctionnelle, sera essentiellement une perte de capacité d’exécution des actes de la vie quotidienne : soins personnels, mobilité, tâches domestiques, communication et dans les cas extrêmes perte de tout ou partie des fonctions mentales.
26On peut parler de perte d’autonomie plus ou moins importante au sens de Kant, c’est-à-dire au sens d’une perte importante de capacité décisionnelle, uniquement dans les situations de détérioration mentale extrême qui touchent très peu de personnes, même parmi celles qu’on étiquette un peu trop rapidement « malades Alzheimer » (Gzil, 2009). Du point de vue de l’éthique, mélanger sous le même vocable, l’autonomie fonctionnelle et l’autonomie dans son acception Kantienne, que nous renverrons donc à la capacité décisionnelle et au droit de choisir pour soi-même, crée une redoutable confusion. Car alors dire des gens « dépendants », c’est-à-dire de ceux qui ont besoin d’aide dans les actes essentiels de la vie quotidienne qu’ils sont en perte d’autonomie peut vouloir dire qu’ils n’ont donc plus le libre choix de leur mode de vie.
27On peut noter que ce glissement sémantique de la « dépendance » à la « perte d’autonomie » se produit dans une époque où la référence à l’autonomie est devenue quasi obligée (Ehrenberg, 199818). Il faut souligner ici la contradiction entre un discours public qui prône l’autonomie et le libre choix pour les personnes âgées qui vont relativement bien, les « seniors », injonction d’autonomie qui ne semble plus de mise pour les personnes « dépendantes » avec des incapacités physiques ou psychiques relativement importantes puisqu’on les nomme sans plus de précaution « en perte d’autonomie ». Comme nous le mentionnions plus haut, ces personnes en « perte d’autonomie », stigmatisées comme n’étant définitivement plus capables d’autonomie, c’est-à-dire d’une capacité décisionnelle aussi faible soit-elle, sont en quelque sorte exclues de la société des gens « normaux » étiquetés capables d’autonomie et sommés de l’être !
2003-2006 : deux événements qui bouleversent l’ordre établi, la canicule et la loi de 2005 sur le handicap
28Arrive la canicule de l’été 2003 et ses 14 802 décès supplémentaires dont 2/3 de personnes de plus de 75 ans. Le monde politique découvre avec stupeur et culpabilité que les personnes âgées fragiles existent et que le système d’accompagnement n’est pas à la hauteur (Ennuyer, 2005). Le rapport de Jean-Marie Palach « Vieillissement et solidarités » d’octobre 2003, consécutif aux réunions de septembre entre les représentants des personnes âgées, les professionnels et l’administration, repose la question de la création d’une nouvelle branche de Sécurité sociale, qui est écartée par le plan Raffarin du 6 novembre 2003. Celui-ci parle néanmoins « d’une réforme historique : la création d’une nouvelle branche de notre protection sociale qui va désormais couvrir le risque dépendance » et met en place un nouvel organisme public : la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Créée le 30 juin 2004, la CNSA gère conjointement les moyens financiers en direction des personnes handicapées et des personnes âgées « dépendantes » et notamment les fonds récoltés suite au remplacement du jour férié du lundi de Pentecôte par une journée nationale de solidarité et à la mise en place d’une contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA).
29La loi pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » est promulguée le 11 février 2005 avec effet au 1er janvier 200619. Cette loi amène plusieurs innovations, notamment une définition du handicap et la notion de projet de vie. Elle met en place la prestation de compensation du handicap (PCH) destinée à remplacer l’ACTP et crée de nouvelles structures pour attribuer cette prestation, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Elle prévoit, dans son article 13, que : « Dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux seront supprimées », soit au plus tard le 1er janvier 2011, ce qui n’a toujours pas été fait.
30En 2005, la Cour des comptes porte un jugement très sévère sur le fonctionnement des politiques publiques en direction des personnes âgées dépendantes :
« L’organisation administrative et financière du système n’est pas ainsi en mesure de répondre aux aspirations premières des personnes qui sont la simplicité, la rapidité de décision et l’efficacité des aides20. »
31Le 27 juin 2006, le ministre délégué aux Personnes âgées, Philippe Bas, met en place le plan Solidarité-grand âge (2006-2012) qui prévoit notamment de « donner aux personnes âgées dépendantes le libre choix de rester chez elles » et d’« assurer pour l’avenir le financement solidaire de la dépendance » et pour ce faire il mandate Hélène Gisserot afin « d’envisager l’organisation d’une nouvelle branche de protection sociale pour les personnes vieilles et les personnes handicapées ». Faisant référence à ce plan, la CNSA dans son rapport d’activité 2006 prend position sur ce « cinquième risque » :
« Avec ambition penser un cinquième risque : soixante ans après la création d’une solidarité publique face au risque maladie, il s’agit de reconstruire une solidarité pour compenser la perte d’autonomie et assurer l’accompagnement qui s’impose en certaines circonstances de la vie21. »
2007-2011 : le temps des rapports officiels et des promesses politiques
Quel « cinquième risque » ?
32Quand on parle de « cinquième risque », on sous-entend dans un premier temps risque Sécurité sociale, puisque les quatre autres grands risques : maladie-maternité, accidents du travail, famille et vieillesse ont été définis dans le cadre de la Sécurité sociale. Rappelons que l’ordonnance du 4 octobre 1945 stipule qu’« il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent » (article 1er). C’est parce que les incapacités de la vie quotidienne liées aux maladies chroniques se sont beaucoup développées depuis les années 1970 que le gouvernement en est venu à penser créer un « cinquième risque » pour pouvoir être aidé dans sa vie quotidienne, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement. Notons que, pour éviter le débat technique et politique entre « cinquième risque » et « cinquième branche » nous préférons parler, comme la CNSA, de nouveau champ de protection sociale pour signifier simplement que 2011 ne peut pas être mis tout à fait sur le même plan que 1945, en ce qui concerne le fonctionnement de la société dans son ensemble.
Les positions en lice et leurs philosophies sociales
33Dans les rapports et communiqués officiels publiés entre 2007 et 2011, les positions prises se réfèrent grosso modo à deux modèles de philosophie sociale que nous allons examiner au regard de leur position quant à la barrière de l’âge et quant au mode de financement de la nouvelle prestation (financement solidaire versus assurance individuelle).
34Voyons d’abord les arguments de ceux qui remettent en question le rapprochement entre « handicap et dépendance », et en premier le rapport du sénateur Paul Blanc :
« Si la barrière d’âge n’est pas pertinente pour fonder une différence de traitement entre personnes âgées et handicapées, cette distinction est néanmoins admissible pour d’autres raisons bien plus fondamentales, liées à la différence objective de situation de ces deux publics : s’agissant des personnes âgées, le dispositif de prise en charge doit tenir compte du fait que la dépendance liée à l’âge est un horizon prévisible pour tous, ce qui justifie de laisser à la charge des intéressés et de leur famille une part, éventuellement importante, des frais entraînés par la perte d’autonomie : on se situe donc dans un cadre où la prévoyance, individuelle ou collective, peut et doit même avoir sa place […]. La prise en charge des personnes handicapées repose à l’inverse sur l’idée que le handicap est un malheur rare, imprévisible qui justifie une compensation aussi intégrale que possible par la solidarité nationale pour rétablir une forme d’égalité des chances22. »
35La mission commune d’information du Sénat reprend ces propos dans son premier rapport23, et plus particulièrement dans le deuxième rapport du 26 janvier 201124. À l’opposé, c’est essentiellement la CNSA qui prône « la convergence sans confusion » de la prise en charge des deux populations : rappelant que « l’autonomie est à l’évidence une notion qui ne peut pas se décliner dans des termes radicalement différents de part et d’autre de la limite purement administrative de 60 ans », elle propose de « créer un droit universel, venant compenser les restrictions dans la réalisation des activités de la vie courante et de la vie sociale et cela quel que soit l’âge des personnes et quel que soit le facteur explicatif du besoin d’aide à l’autonomie25 ». En ce sens, la CNSA ne fait que reprendre les préconisations du rapport du Conseil économique et social de 2004 concernant les personnes en situation de handicap, quel que soit leur âge26. On constate donc, dans les différents rapports, des positions assez diamétralement opposées sur cette convergence « handicap » et « dépendance » sur la base d’arguments idéologiques ou sur la base d’arguments conjoncturels essentiellement financiers.
36Nous allons retrouver à peu près ces deux positions antagonistes sur la question du financement. Ceux qui sont pour la convergence sont pour un financement de la prestation de compensation pour l’autonomie, quel que soit l’âge, par la solidarité nationale, position de la CNSA dans le rapport déjà cité. Ceux qui prônent la spécificité de la « dépendance » des personnes âgées, tel le rapport Rosso-Debord, se prononcent clairement pour une assurance individuelle obligatoire à partir d’un certain âge, 40 ou 50 ans27. Fin 2009, certains assureurs privés montent « au créneau » sur ce sujet disant notamment que ce risque ne peut être assuré en sécurité sociale classique et qu’il doit être pris en charge par l’assurance privée28. Quant au rapport de la mission sénatoriale de janvier 2011, il manie l’ambiguïté en écartant « la création d’une assurance obligatoire en matière de dépendance qui soulèverait de très nombreuses difficultés pratiques et de principe » tout en réaffirmant « sa préférence pour une généralisation de la couverture assurantielle du risque dépendance sur une base volontaire29 ».
37On a donc, au début 2011, deux philosophies sociales en présence : la première réaffirme la spécificité de la vieillesse dépendante par rapport au handicap et défend le principe d’une assurance individuelle obligatoire ou non ; la seconde propose la création d’un nouveau droit universel à une prestation personnalisée pour le maintien de l’autonomie quel que soit l’âge par le biais d’un financement assis essentiellement sur la solidarité nationale.
2011 : le vrai débat sans lendemain
38Le président de la République ayant réitéré, le 16 novembre 2010, à la télévision, sa volonté d’aboutir à une réforme de la « dépendance », allant même jusqu’à promettre « la création, pour la première fois depuis la Libération, d’un nouveau risque, d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale, le cinquième risque », quatre commissions nationales sont mises en place en février 2011 par la ministre Roselyne Bachelot. Ces groupes de travail ont donné lieu, fin juin 2011, chacun à un rapport final30 eux-mêmes regroupés dans un document de synthèse31. En parallèle des travaux officiels, les réflexions et les prises de position émanant d’institutions et d’associations très diverses du champ sanitaire et social se sont multipliées témoignant, de ce fait, d’un très grand intérêt de la société civile pour ce débat.
39Il ressort de la synthèse des groupes de travail une croissance modérée (plus 35 %) du nombre de personnes « dépendantes » à l’horizon 2030, et donc des prévisions de dépense elles aussi modérées : la dépense publique en faveur des personnes âgées dépendantes estimée en 2010 à environ 24 milliards d’euros augmenterait d’environ 2,5 milliards d’euros (soit environ 0,13 % de PIB) à l’horizon 2025. Quant aux projections 2060, elles ont été jugées peu crédibles par les experts en santé publique contestant la pertinence des projections faites sur l’espérance de vie et l’espérance de vie sans incapacité au-delà des années 2030.
40Mais en surplomb de l’ensemble de ces travaux, c’est malheureusement le vocable « perte d’autonomie » qui s’est imposé comme vocable dans la plupart des rapports officiels publiés depuis, bien que les membres du groupe « vieillissement et société » aient unanimement émis le souhait qu’on se réfère à l’aide à l’autonomie ou au maintien de l’autonomie plutôt qu’à la « dépendance ».
La non-décision politique : la réforme attendra des jours meilleurs
41Malgré l’engagement personnel du président de la République et les promesses de la ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale fin juin 2011, le Premier ministre déclarait le 24 août 2011 : « Traiter ce dossier dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd’hui, dans l’urgence, ne serait pas responsable. » Au vu du constat d’une faible progression des personnes de 60 ans et plus ayant besoin d’aide d’ici 2025-2030, le gouvernement a argumenté qu’il n’y avait donc pas d’urgence à engager à court terme une réforme de fond. La « crise financière » a été un bon prétexte, une fois de plus, pour ne rien décider… en attendant des jours meilleurs.
42Mais alors, devant ce renvoi sine die de la décision politique, on ne peut qu’être surpris du peu de réactions et de prises de position de tous les acteurs du champ sanitaire et social et du grand public, dans la mesure où les multiples communications et écrits mentionnés plus haut étaient venus témoigner de la très grande mobilisation des citoyens face à cet enjeu de « société » qui dépasse le loin la seule réforme de la « dépendance ». Avançons quelques éléments d’explication possibles devant ce manque de réactions. Tout d’abord, le champ « gérontologique » est, en France, très dispersé (lobby de l’hébergement, lobby des conseils généraux, lobby de l’aide à domicile, CNRPA peu représentatif des retraités, etc.) et n’a pas la cohésion qu’a pu acquérir le champ du « handicap » au cours de son histoire. Ensuite, on peut faire le constat que la France continue à faire de la vieillesse essentiellement une épreuve individuelle à la charge des familles au lieu d’en faire un enjeu collectif du ressort de la collectivité nationale. En effet, pour le « grand public », autant la situation de handicap des plus jeunes apparaît comme un aléa et une injustice insupportables dont la société dans son ensemble doit réparation par la mise en place d’une politique publique solidaire, autant la vieillesse « dépendante » apparaît comme « normale » et comme relevant de la solidarité familiale et non de l’intervention de l’État. Enfin, il faut évoquer la position ambiguë des familles, qui se plaignent, à juste titre, de leurs difficultés mais finalement ne se sont pas constituées en pôle de revendication « politique » comme les familles des personnes handicapées plus jeunes. Peut-on lire aussi, dans cette ambiguïté des familles, un effet de la représentation de la vieillesse et de sa temporalisation comme dernière étape de la vie, donc comme une situation limitée dans sa durée ? En ce sens, contrairement au handicap des plus jeunes qui devient pour leur entourage familial une donnée de l’existence qui peut durer toute une vie, la vieillesse « dépendante » ne concerne que quelques années de la fin de la vie. Ces différents éléments expliquent sans doute, en partie, la non-décision du gouvernement Fillon mais aussi celle des gouvernements précédents comme l’avait fortement dénoncé le rapport 2005 de la Cour des comptes.
43Le gouvernement actuel s’est engagé le 29 novembre 2013, par la voix de son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à mettre en place pour 2015 une loi d’orientation et de programmation « pour l’adaptation de la société au vieillissement ». Cette « loi autonomie » prévoit notamment dans sa première étape une réforme de l’APA baptisée « Acte II » de l’APA. Mais vu la faiblesse des crédits engagés pour cette réforme, on est loin de la création d’un nouveau risque « autonomie »…
Conclusion
44En guise de conclusion, avançons quelques pistes pour continuer à réfléchir sur l’évolution du champ de la « dépendance ». Premièrement, la catégorisation et la ségrégation des personnes de 60 ans et plus ayant des limitations d’activité de la vie quotidienne restent plus que jamais d’actualité, même si le vocable « dépendance » a été remplacé par celui de « perte d’autonomie », renvoyant à la confusion éthique que nous avons dénoncée et mettant en évidence l’impératif de nos sociétés modernes : « l’injonction d’autonomie ». L’incapacité de certaines personnes vieillissantes à vivre sans une aide quotidienne, rebaptisée « perte d’autonomie », menacerait-elle l’idéologie dominante d’un individu souverain et autonome, « obligé d’être libre » et sommé d’avoir « un projet de vie » (Ehrenberg, 1998) ? En clair, en continuant à ségréger « ses vieux » qui vieillissent « mal », la société française ne les reconnaît toujours pas comme appartenant à notre humanité commune. Deuxièmement, l’article 13 de la loi du 11 février 2005 n’ayant toujours pas reçu un début d’application concrète, quand arrivera-t-on en France à intégrer la notion de « situation de handicap quel que soit l’âge » et la classification internationale du fonctionnement humain et à parler, comme l’ensemble de l’Europe, de la nécessité « d’aide et de soins de longue durée » pour les personnes fragiles, quel que soit leur âge ? Troisièmement, la négation de la dépendance comme valeur de solidarité collective, suivant son sens premier, à travers sa stigmatisation chez les « personnes âgées en perte d’autonomie » atteste de l’évolution de notre organisation sociale actuelle vers toujours plus de singularité et d’indépendance de l’individu, comme en témoigne aussi la tentation toujours présente du gouvernement d’obliger les citoyens à s’assurer individuellement contre la dépendance devenue un risque pour la cohésion sociale.
45Or, il nous faut reconnaître la dépendance, nécessaire relation à l’autre, comme fondement de notre existence individuelle et collective (Elias, 1991). En ce sens, tenant compte des évolutions de la société depuis 1945, il nous faut promouvoir un nouveau champ de protection sociale d’aide au maintien de l’autonomie, ouvrant à toute personne, quel que soit son âge, l’accès à l’autonomie dans les gestes de sa vie courante et dans sa participation à la vie sociale, et ce nouveau droit universel, bien évidemment, doit être financé solidairement par l’ensemble des citoyens32. Nous parlerons alors d’« autonomie solidaire » : ce concept signifie que les choix collectifs que nous négocierons ensemble et que nous financerons de façon solidaire sont la condition essentielle d’une certaine possibilité de choisir nos modes de vie individuels et donc la condition essentielle d’une relative autonomie (Castel, 2011) quels que soient notre âge et nos fragilités.
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Références
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Notes de bas de page
1 Nous avons choisi d’utiliser le terme de « cinquième risque » consacré par le discours gouvernemental, même si ce terme est loin d’être clair et suscite beaucoup de controverses, comme nous le verrons plus loin.
2 Haut comité consultatif de la population et de la famille, Politique de la vieillesse. Rapport de la Commission d’étude des problèmes de la vieillesse, présidée par Monsieur Pierre Laroque, Paris, La Documentation française, 1962.
3 C’est le titre exact de notre mémoire d’habilitation pour diriger des recherches soutenu en avril 2002 à l’université Paris Descartes-Sorbonne.
4 Organisation de Coopération et de Développement Economiques, Help wanted ? Providing and paying for long-term care, 2011, [www.oecd.org/health:longtermcare/helpwanted].
5 Arreckx M., L’amélioration de la qualité de vie des personnes dépendantes, 1979.
6 On ne peut que s’étonner de cette initiative ministérielle de publication d’un dictionnaire « à part » pour les personnes âgées dans le même temps où le discours officiel répète qu’il ne faut pas ségréger les personnes âgées. Cf. le rapport Vieillir demain, Paris, La Documentation française, 1980.
7 Commission ministérielle de terminologie auprès du secrétaire d’état chargé des Personnes âgées, Dictionnaire des personnes âgées, de la retraite et du vieillissement, Paris, Franterm diffusé par Nathan, 1984, p. 38.
8 Braun T. et Stourm M., Les personnes âgées dépendantes. Rapport au secrétaire d’État chargé de la Sécurité Sociale, Paris, La Documentation française, 1988.
9 Commissariat général du plan, Protection sociale, rapport de la commission présidée par M. René Teulade. La France, l’Europe, Xe plan, 1989-1992, Paris, La Documentation française, 1989, p. 28-29.
10 Loi no 75-534 d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1075, Journal officiel, 1er juillet 1975.
11 Proposition de loi visant à la création d’une allocation pour les situations de dépendance résultant d’un état de sénescence, no 210, Sénat, 2 avril 1990.
12 Morel A. et Weber O., Société et vieillissement, rapport du groupe no 1, 2011, p. 48-56, [www.dependance.gouv.fr].
13 GEVA, textes et manuels, [www.cnsa.fr].
14 « De la grille AGGIR au GEVA-A, vers une évaluation multidimensionnelle des besoins des personnes âgées », Les cahiers hospitaliers, no 281, septembre 2011, p. 14-15.
15 Comité national des retraités et personnes âgées et 25 associations, Le livre blanc de la prestation autonomie, 1999.
16 Loi no 97-60 du 24 janvier 1997, tendant dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance, article 2, Journal officiel, 25 janvier 1997.
17 Loi no 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, Journal officiel, 21 juillet 2001.
18 Cf. aussi « L’autonomie, nouvelle utopie », Sciences humaines, no 220, novembre 2010, p. 30-47.
19 Loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Journal officiel, 12 février 2005.
20 Cour des comptes, Les personnes âgées dépendantes, Les Éditions des journaux officiels, 2005.
21 CNSA, Rapport 2006, p. 77, [www.cnsa.fr].
22 Blanc P., Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l’application de la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Les rapports du Sénat, no 359, 2007, p. 46.
23 Vasselle A., Construire le cinquième risque, le rapport d’étape, Les rapports du Sénat, no 447, juillet 2008.
24 Vasselle A., Rapport d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, Sénat, no 263, janvier 2011.
25 CNSA, Rapport 2007, [www.cnsa.fr].
26 Conseil économique et social, Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap, Paris, Les Éditions des journaux officiels, 2004.
27 Rosso-debord V., Rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, Assemblée nationale, no 2647, 23 juin 2010.
28 Voir notamment le numéro 78 de la revue Risques de juin 2009 consacré à la dépendance et à la perte d’autonomie, le dossier des professionnels de la réassurance en France (APREF) de décembre 2009 et la réunion du Conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance du 18 décembre 2009 en présence du ministre Xavier Darcos.
29 Vasselle A., Rapport d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, Sénat, no 263, janvier 2011, p. 120-122.
30 [www.dependance.gouv.fr].
31 Synthèse du débat national sur la dépendance, Axel Rahola, rapporteur du comité interministériel de la dépendance, juin 2011, rapport non publié.
32 Bas P., « Dépendance : la solidarité plutôt que l’assurance ! », Le Monde, 6 août 2010.
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