Chapitre XVIII. Les finances des cités au-delà du primitivisme et du modernisme1
p. 437-452
Texte intégral
1L’étude des finances publiques des cités grecques, comme celle de l’économie antique en général, est encore prisonnière, sauf exceptions, de la vieille querelle entre primitivisme et modernisme. Certes ces deux approches contradictoires ne sont pas sans mérites, car elles ont permis de mettre en lumière certains aspects valables de l’économie antique. Mais, pour marquer la distance qui sépare les Anciens de nous, les primitivistes recourent volontiers au comparatisme d’inspiration anthropologique : bien que légitime en soi, cette méthode entraîne souvent l’usage de modèles extérieurs qui, appliqués à la société grecque, ont un effet réducteur particulièrement gênant pour l’historien. Les modernistes, de leur côté, rapprochent volontiers l’Antiquité de notre époque, soit de manière implicite en recourant sans précautions au vocabulaire et aux notions d’aujourd’hui, soit de manière délibérée en revendiquant la modernité des Anciens. L’étude des finances publiques, quant à elle, est généralement inspirée par l’approche primitiviste, parfois de manière inconsciente. En effet, on a coutume de présenter la gestion des cités grecques, dans ce domaine, comme extrêmement rudimentaire : on insiste d’une part sur l’insuffisance chronique des fonds publics, l’absence de réserves monétaires et la fréquente pénurie de liquidités, d’autre part sur la dispersion des fonds dans des caisses multiples, les imperfections des systèmes comptables, le manque de données précises et complètes sur l’avoir des particuliers et, d’une manière plus générale, sur l’imprévoyance des conseils et des assemblées et l’impossibilité pour eux d’accéder à une vision globale des ressources et des besoins publics. On aboutit ainsi à une sorte de vision « misérabiliste », voire à un constat d’échec d’autant plus déplorable que les Grecs avaient atteint, dans d’autres domaines, un haut degré de réflexion et d’organisation. Au fond, cette analyse est inspirée par des jugements de valeur dont les critères, secrets ou avoués, sont les règles de gestion de nos États modernes2.
2Comme beaucoup d’autres je pense que ces approches conduisent à une impasse, surtout quand elles se maintiennent à un niveau théorique détaché de l’étude des réalités, et qu’il faut poser les problèmes autrement. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle est plus facile à énoncer qu’à mettre en pratique. Il convient d’abord d’éviter le piège du compromis en cherchant à concilier les deux extrêmes. Ainsi on peut rappeler – à juste titre – que, du point de vue économique, la plupart des cités grecques constituaient des sociétés rurales et pré-capitalistes, de taille réduite, aux besoins limités et à la technologie relativement rudimentaire et stagnante, fondées sur une économie de subsistance, soumises à la lenteur et aux difficultés des communications, désarmées devant les accidents de l’économie et du climat, dominées par de longues traditions, un mode de vie routinier et des valeurs rattachées au travail de la terre et à l’autarcie ; il est également vrai que l’écart entre riches et pauvres y était souvent considérable. À ces traits primitifs on peut opposer la modernité du ive siècle, notamment à Athènes, telle que l’ont évoquée Platon, Xénophon et surtout Aristote, qui a décrit et condamné, comme contraire à la nature, la mauvaise « chrématistique » ou art d’acquérir des biens, et surtout de l’argent, sans respecter la limite du nécessaire (Politique, I, 9, 1256b-1258a). L’analyse d’Aristote a provoqué bien des débats qu’il est inutile d’évoquer ici, mais on s’entend généralement pour y reconnaître les premières traces d’une économie de marché, qui a continué à se développer à la période hellénistique, au moins dans un certain nombre de cités, et a dû favoriser la mobilité sociale. Mais la mise en contraste de ces traits contradictoires ne permet pas de dépasser la controverse.
3Dans les pages qui suivent, et compte tenu des limites de mon propos, je tenterai de poser et de comprendre les problèmes des finances publiques tels que pouvaient les concevoir les citoyens grecs eux-mêmes, donc en les plaçant dans le cadre de la cité. Le propos est banal, mais exigeant car, s’il est relativement simple de dresser le catalogue des ressources et des besoins publics, il l’est beaucoup moins de réfléchir aux conditions dans lesquelles cette responsabilité collective se présentait aux assemblées, aux conseils et aux magistrats et à la manière dont ceux-ci les percevaient et en envisageaient les solutions. Je n’éliminerai certes pas les comparaisons, qui sont à la fois inévitables et éclairantes. Mais je n’aurai recours à aucun modèle extérieur ; car les cités grecques avaient leurs propres caractères, fortement originaux. Je suis heureux d’offrir ces quelques réflexions à Harry Pleket, qui a lui-même beaucoup réfléchi à ce genre de problèmes et dont les publications ont stimulé ma propre démarche. Je répondrai ainsi, en quelque sorte, à son compte rendu de mon livre sur l’emprunt public, dans lequel il me reprochait, non sans raison, de ne pas avoir pris position dans le débat3. J’aborderai successivement trois questions : d’abord la place des problèmes financiers dans les cités, ensuite l’intérêt des Grecs pour ces problèmes, enfin quelques aspects de leur gestion. Mais, auparavant, il est utile que je me situe dans le temps et dans l’espace.
Cadre de l’étude
4En effet, on ne peut traiter l’Antiquité grecque ni l’ensemble des cités comme des touts homogènes, malgré leurs évidents traits communs. En économie comme dans d’autres domaines, une coupure significative s’est visiblement produite au ive siècle. En particulier, la monnaie était alors entrée beaucoup plus largement dans l’usage, avec les conséquences déplorées par Aristote, et le vieil idéal d’autarcie avait éclaté dans bon nombre de cités. C’est pourquoi je me limite à la période allant du ive au ier siècle avant J.-C., durant laquelle, malgré la domination politique des rois macédoniens puis de Rome, les institutions des cités sont marquées par la continuité plutôt que par la rupture. Cette période a par ailleurs l’avantage de fournir un assez grand nombre de documents épigraphiques, alors que la période précédente et l’époque impériale sont beaucoup plus pauvres de ce point de vue.
5D’autre part, il faut prendre en compte la disparité des cités entre elles. Tandis qu’un grand nombre demeuraient des bourgades paysannes, plutôt repliées sur elles-mêmes, relativement autarciques et probablement fidèles aux valeurs et aux modes de vie traditionnels, d’autres s’ouvraient davantage au commerce extérieur. Ainsi, au point de vue financier, on peut envisager au moins une double typologie. Dans les cités rurales, les revenus publics devaient surtout provenir de taxes et d’impôts de type foncier – sur les terres, les récoltes, les esclaves ou le bétail – dont on trouve effectivement plus d’exemples qu’on ne l’admet généralement4. Dans les villes maritimes et commerçantes, les activités portuaires procuraient aux particuliers d’autres types de revenus, dont les cités profitaient sous forme de taxes de vente, de droits de douane et de marché. En outre, pour l’ensemble des cités, il faut tenir compte des revenus procurés par la location des domaines publics (fermes et maisons, terres de culture et pâturages, vignes et autres plantations, bois et terres en friche, mines, carrières, salines, pêcheries…), voire de véritables impôts sur les biens ou les revenus des particuliers, de même que des « ouvertures de crédit » que certaines, comme Athènes, Délos ou Locres, possédaient auprès de sanctuaires locaux et des dons que toutes pouvaient recevoir de citoyens riches, de ressortissants étrangers ou de rois hellénistiques. Bref, il est probable que cette double typologie soit trop simple et doive être raffinée à l’usage5. Pour le moment, elle n’est qu’une hypothèse de travail dont la validité dépendra de l’étude, qui reste à faire, de nombreux documents. Précisons que l’ensemble des cités moyennes et petites m’intéresse davantage qu’Athènes, cité a-typique à bien des égards.
La cité, les citoyens et les finances publiques
6Une donnée fondamentale – et bien connue – de la vie en cité était l’absence de la notion même d’État au sens politique du mot. Aujourd’hui nous nous considérons volontiers comme des contribuables et nous nous opposons comme tels à l’État, entité distincte et incarnée par le gouvernement, dont nous attendons des services publics en retour de nos taxes et de nos impôts. Mieux encore, après le concept d’État libéral s’est développé celui d’État-providence. Bien que ce dernier soit maintenant remis en question, le poids économique et financier de l’État demeure considérable partout en Occident : non seulement l’État intervient directement dans l’économie, comme un frein ou un accélérateur ou en se faisant lui-même entrepreneur, mais on le considère comme responsable de la redistribution des richesses, notamment par l’impôt sur le revenu désormais généralisé, et de missions importantes dans la santé, l’éducation, l’emploi, les infrastructures économiques, etc. On lui attribue même deux finalités, tout à fait caractéristiques du monde moderne : veiller à la croissance économique de la nation et assurer – ou du moins contribuer à assurer – le bien-être et l’épanouissement de chaque citoyen.
7Les Grecs avaient développé des concepts très différents. Pour eux, la cité s’incarnait directement dans ses citoyens, notamment, et de manière concrète, chaque fois que ceux-ci se réunissaient en assemblée. De même, les biens collectifs étaient censés leur appartenir : on connaît plusieurs exemples de partage – ou de tentatives de partage – de revenus publics entre les citoyens, non seulement en Crète jusqu’au iiie siècle av. J.-C., mais aussi à Athènes au temps de Lycurgue (Vies des Dix Orateurs, 843d) ; en contrepartie, chaque citoyen était considéré comme responsable des dettes de sa cité et passible de saisie en cas de non-remboursement6. Or on sait que la plupart des décisions concernant les finances publiques étaient prises en assemblée et que les redditions des comptes des magistrats se faisaient habituellement au conseil. Sur de multiples questions qui relèvent aujourd’hui des gouvernements et des parlements, les citoyens grecs avaient donc l’habitude d’entendre un débat, ou du moins un exposé, et de prendre un vote7. Ensuite ils pouvaient consulter de nombreux documents publics – décrets, comptes ou inventaires par exemple – sur les panneaux de bois puis les pierres sur lesquels ils étaient transcrits. Certes les citoyens riches et influents, grâce à leur prestige et à leur expérience, jouaient un rôle prépondérant dans ce domaine comme dans toute la vie politique. De même, on peut supposer que le détail des comptes ou des devis de construction, par exemple, ou celui des arguments avancés par des orateurs concurrents échappaient à l’attention ou à la compréhension du grand nombre. Mais l’habitude des débats, l’obligation de rendre des comptes et, de manière générale, le contrôle de l’assemblée, plus ou moins serré selon les époques, faisaient de la gestion des finances publiques un domaine ouvert à chaque citoyen de bonne volonté. À l’égard de ces questions, la plupart d’entre eux avaient certainement acquis de la familiarité et un sens des responsabilités.
8Cette ouverture des questions financières à l’ensemble des citoyens peut surprendre. Mais rappelons-nous, en premier lieu, la relative simplicité de ce genre de problèmes. En effet, loin de se tenir pour responsables de la croissance économique, du niveau de vie ou de l’emploi, les citoyens grecs se reconnaissaient des responsabilités permanentes dans un nombre limité de domaines, dont les principaux sont les suivants, etc. :
- cultes : célébration des fêtes, processions, sacrifices et concours ; construction, entretien et restauration des édifices religieux et des sanctuaires ; rémunération des employés des cultes ;
- guerre et défense de la cité : équipement militaire comme les murailles ou la marine de guerre ; éducation éphébique ; solde des mercenaires, etc. ;
- urbanisme : construction, entretien et restauration des édifices et monuments publics, comme les portiques, théâtres, gymnases, fontaines, citernes, arsenaux, rues, quais, etc. ;
- politique : rémunération des employés et esclaves publics et de plusieurs fonctions politiques, du moins dans certaines cités ; frais des ambassades, des distinctions honorifiques, de la gravure des inscriptions, etc.
9À ces quatre domaines on est tenté d’en ajouter deux autres. D’une part celui de l’approvisionnement, car les cités finançaient également des achats de grain, de bois ou d’huile ; mais leurs interventions n’étaient systématiques que dans l’importation du bois en vue de l’équipement maritime, qui relevait de la guerre et de la défense, et l’on a beaucoup exagéré leurs préoccupations dans les deux autres domaines, en particulier les achats de grain, qui sont largement demeurés des affaires privées8. D’autre part celui des contributions ou tributs que beaucoup de cités ont versés, bon gré mal gré, à des puissances étrangères (rois perses, princes barbares, cités hégémoniques comme Athènes à la période classique, rois hellénistiques) ; mais, malgré leur longue durée dans plusieurs cas, on ne peut véritablement ranger ces contributions parmi les responsabilités librement et constamment reconnues par les cités comme allant de soi.
10En deuxième lieu, n’oublions pas la petite taille de la plupart des cités. Alors que la gestion des finances athéniennes pouvait exiger des compétences particulières comme celles d’Eubule ou de Lycurgue, celle des finances de quelques milliers de citoyens était à la portée de tout honnête homme. Un lieu commun de la philosophie grecque, on le sait, mettait volontiers en parallèle la vie en famille et la vie en cité, les qualités du bon père de famille et les qualités de l’homme politique : qui était capable de gérer un oikos devait être capable de gérer une polis9. Ajoutons que l’ouverture des affaires publiques à l’ensemble des citoyens ou, pour reprendre les mots de M. I. Finley, le « face-à-face », étaient certainement plus réalisables dans les petites cités que dans les grandes.
11Rappelons enfin, du moins à partir de l’époque classique, la longue stabilité des institutions, qui n’ont subi que des retouches mineures en dépit des renversements de tendances ou de régimes. De génération en génération, les responsabilités financières des cités et les mécanismes de leur mise en application sont demeurés essentiellement les mêmes10. Ainsi, les nombreux citoyens qui se succédaient chaque année dans les magistratures et les conseils pouvaient rapidement se familiariser avec les questions financières. Ils y étaient aidés, en outre, par les esclaves publics qui assuraient, durant de longues périodes, les tâches routinières et la tenue des livres.
Intérêt des Grecs pour les problèmes financiers
12Dans un opuscule bien connu rédigé au milieu du ive siècle sous le titre Πόροι ἤ περὶ προσόδων, Xénophon, faisant probablement écho à des idées qui étaient dans l’air du temps, a proposé diverses mesures destinées à accroître les revenus athéniens. Quelques décennies plus tard, tout le deuxième livre de l’Économique attribué à Aristote décrivait les expédients utilisés par des cités, des tyrans ou des généraux aux prises avec des difficultés financières. Telles sont, à notre connaissance, les seules études systématiques jamais consacrées par des écrivains grecs à des questions de finances publiques. Mais encore faut-il reconnaître leurs limites, aussi bien dans leur ampleur que dans leur propos, car il ne s’agit nullement d’ouvrages sur la gestion financière des cités dans son ensemble11. Cela dit, il n’en est pas moins faux de prétendre que les Grecs accordaient peu d’intérêt à ce genre de questions.
13Le livre récent de Lisa Kallet-Marx12 vient de montrer comment Thucydide se montrait régulièrement conscient de leur importance, notamment pour le développement des puissances maritimes et en particulier pour celui de l’Empire athénien au ve siècle : la maîtrise des mers et l’archè exercée sur les alliés ne furent possibles, selon lui, que grâce à d’importantes réserves financières, rapidement disponibles pour des dépenses massives.
14Rappelons notamment le fameux passage (II, 13) dans lequel il mettait dans la bouche de Périclès un bilan des forces de la cité à la veille de la guerre du Péloponnèse : avant même d’évoquer sa puissance militaire, il insistait sur la richesse de ses revenus et celle des réserves publiques et sacrées, disant explicitement que « leur force provenait des rentrées en argent et que le succès à la guerre résidait principalement dans le discernement et les surplus en argent13 ».
15À la même époque, dans les milieux politiques ou proches de la politique, il y eut certainement des débats sur la place des finances publiques dans la gestion de la cité. Xénophon nous en a conservé un écho dans les Mémorables (III, 6), où il racontait comment Socrate, en se moquant gentiment de l’ambition juvénile de Glaucon, amena celui-ci à réfléchir aux responsabilités des hommes politiques. Or ses toutes premières questions portaient sur les ressources (prosodoi) et les dépenses (dapanai) de la cité et sur les moyens d’augmenter les premières et de réduire les secondes. Venaient ensuite les problèmes de la guerre et de la défense, de l’exploitation des mines – question d’ordre financier également – et de l’approvisionnement en grain.
16Aristote a plus d’une fois discuté des mêmes questions. L’un des passages les plus intéressants se trouve dans la Rhétorique (I, 4). Le philosophe y distinguait trois genres de discours, le délibératif (symbouleutikon), le judiciaire et l’épidictique, et analysait les caractères propres de chacun. Au genre délibératif il assignait cinq sujets importants, dans l’ordre : les ressources (poroi), la guerre et la paix, la protection du territoire, l’approvisionnement et la législation. Concernant les poroi, Aristote précisait que « celui qui veut donner des conseils sur les ressources doit connaître les revenus de la cité, leur nature et leur nombre, afin d’ajouter ceux qui manquent et d’augmenter ceux qui sont insuffisants, de même que toutes ses dépenses, de manière à supprimer celles qui sont inutiles et à réduire celles qui sont excessives14 ». Le philosophe ajoutait que l’expérience privée ne suffisait pas et qu’il fallait la compléter par la connaissance précise des usages des autres15. Dans la Politique, il notait que certains hommes politiques se spécialisaient dans ce domaine16.
17On peut s’étonner de ne point trouver là des questions aussi importantes que les affaires religieuses. Mais celles-ci occupent la première place dans un passage de la Rhétorique à Alexandre, œuvre d’inspiration aristotélicienne peut-être écrite par Anaximène de Lampsaque au début du iiie siècle. Ce passage (1423a) énumère les sept sujets du même genre délibératif, appelé ici dèmègorikon, c’est-à-dire destiné au dèmos réuni en assemblée : les affaires sacrées, les lois, la forme de la constitution, les alliances et les traités avec d’autres cités, la guerre, la paix et les ressources financières (poros chrèmatôn). Les affaires sacrées (hiéra) sont ici nommées en tête, comme dans de nombreux décrets où les mots méta ta hiéra affirment la priorité de ces questions dans l’ordre des délibérations. Le passage concernant les ressources financières mérite d’être cité au complet car, au lieu de reprendre le topos général sur les revenus et les dépenses, l’auteur proposait une classification des ressources mettant au premier rang le domaine public, comme l’auteur de l’Économique attribué à Aristote l’avait fait peu auparavant17 : « En premier lieu, il faut chercher à savoir si l’une des propriétés de la cité a été négligée, si elle ne produit pas de revenu et si elle n’a pas été réservée pour les dieux. Je parle par exemple de la négligence de certains lieux publics dont la vente ou la location aux particuliers pourrait procurer un revenu à la cité ; car une telle ressource est éminemment commune18. » Ensuite il évoquait le recours aux eisphorai, connu dans plusieurs cités : « S’il n’y a rien de tel, il faut lever des contributions à partir d’évaluations », c’est-à-dire d’évaluations des biens de chacun, ou encore « imposer aux petites gens de servir de leur personne en cas de danger, aux riches de fournir des fonds et aux artisans de fournir des armes19 ». En conclusion, il ajoutait que les ressources publiques devaient être « également réparties entre les citoyens, durables et importantes20 ».
18Bien que la plupart de ces réflexions proviennent de sources athéniennes, comme la plus grande partie de la documentation littéraire, il est évident qu’elles avaient une portée générale, car ce genre de problèmes se pose inévitablement à toute communauté. Certes, comme on le souligne volontiers, leur approche demeurait étroitement fiscale et leur préoccupation majeure – équilibrer les dépenses et les revenus – ne dépassait guère le simple bon sens. Mais ce reproche repose en fait sur une comparaison avec la gestion des Etats modernes, dont les préoccupations financières et économiques dépassent évidemment ce devoir élémentaire. Remarquons toutefois que, même de nos jours, la recherche de l’équilibre entre dépenses et revenus demeure l’un des premiers objectifs des exercices budgétaires ; or cette tâche semble maintenant devenue impossible : les dépenses, l’endettement et le gaspillage publics ne cessent de croître, tandis que les remèdes se réduisent souvent à des coupures et à des augmentations de taxes. Notons d’autre part que l’auteur de la Rhétorique à Alexandre se préoccupait, plus que ses prédécesseurs, de la stabilité des ressources publiques, de leur répartition entre les citoyens et du meilleur rendement possible du domaine public. Comme le montrent d’autres textes, littéraires et épigraphiques, les cités étaient en effet conscientes de l’investissement que représentait la construction d’édifices publics abritant des espaces locatifs comme des boutiques et des ateliers, car ceux-ci constituaient des ressources (poroi) à long terme dont les loyers procuraient, pour reprendre les termes de la Rhétorique à Alexandre, des revenus durables. L’un des meilleurs exemples provient de Milet où, au début du iiie siècle, le prince Antiochos fit construire un long portique dont les revenus, réservés à cette fin, devaient financer la construction du sanctuaire de Didymes21.
19Cela dit, les limites de ces réflexions demeurent évidentes. On n’y trouve en effet aucune discussion d’ensemble, aucune tentative d’explication, de justification ou de remise en question comparables, par exemple, aux débats sur la meilleure forme de gouvernement ou de constitution politique. Certes, dans Les Lois, Platon a proposé de bannir presque complètement le commerce et donc d’abolir les taxes perçues sur les produits en circulation (VIII, 847b-d) ; en contrepartie il proposait une évaluation de tous les biens individuels pour que chacun contribue, par un impôt, au trésor commun (XII, 955d-e). Mais il s’agissait là d’une cité idéale. Dans l’ensemble, philosophes et intellectuels n’ont pas éprouvé le besoin de penser ou de repenser l’organisation financière des cités, pas plus que l’économie en général. Ils considéraient le système comme un acquis allant de soi, dont on pouvait seulement discuter ou améliorer certains aspects.
Organisation et gestion des finances publiques
20La préparation d’un budget est aujourd’hui une opération complexe qui, à partir d’une évaluation globale des ressources et des besoins publics, tente de planifier l’avenir à la lumière des expériences passées. On ne trouve évidemment rien d’aussi ambitieux dans les cités grecques. Comme je l’ai rappelé au début, on se plaît au contraire à souligner leur imprévoyance et leur habitude de vivre au jour le jour. Mais, ici encore, il s’agit d’une déception inspirée par une comparaison avec le monde moderne. En fait, si l’on réfléchit à l’ensemble de la gestion financière des cités, on est d’abord frappé, certes, par les limites et la relative rigidité de leurs ressources, qui les mettaient rapidement dans la gêne en cas d’imprévu. Mais, pour les moments difficiles, elles disposaient justement de recours d’exception : emprunts, souscriptions publiques, impositions d’urgence comme les eisphorai, expédients extraordinaires comme ceux qu’a relatés l’auteur du second livre de l’Economique attribué à Aristote22 et, surtout, appel à la générosité des riches. On connaît l’importance de l’évergétisme dans la vie des cités, bien qu’il soit malaisé d’en évaluer l’impact financier. La tradition des dons à la communauté avait des racines lointaines et s’est progressivement moulée dans des institutions comme les liturgies, par lesquelles les riches procuraient aux cités des ressources aussi régulières que les autres revenus, tandis que l’évergétisme de plus en plus spectaculaire de l’époque hellénistique, notamment celui des étrangers et des rois, leur apportait des ressources ponctuelles dans les situations d’urgence23. On découvre en outre, dans plusieurs cités, l’existence de fonds « en excédent », périonta, ou « non affectés », adiatakta, et même l’habitude de mettre de côté des sommes de réserve24. Ainsi, les moyens ne manquaient pas pour « prévoir l’imprévu », si j’ose dire, ou du moins pour le gérer25.
21D’autre part, l’épigraphie a conservé de nombreux exemples d’une opération financière appelée diataxis, qui se répétait régulièrement dans beaucoup de cités et consistait en la « répartition » des fonds disponibles aux divers postes de dépenses26. Les détails manquent généralement sur le déroulement concret de l’opération : par exemple les comptes de Délos justifient telle dépense en notant simplement qu’elle était faite κατὰ τὴν διάταξιν, « conformément à la répartition ». Mais, dans de nombreux textes, la dia-taxis apparaît clairement comme une opération annuelle effectuée peu avant la fin de l’année civile, donc en vue de l’année à venir. Il s’agissait donc d’un exercice de planification financière. À propos de Délos, Claude Vial n’hésitait pas à employer l’expression, quelque peu anachronique, de « vote du budget de l’État27 ». Sans doute, comme je l’ai déjà noté, une grande partie de cette répartition devait être une affaire de routine, car beaucoup de revenus étaient, par règle ou par tradition, régulièrement affectés aux mêmes types de dépenses. Par exemple, les fonds sacrés, hiéra chrèmata, étaient consacrés aux dieux et voués aux dépenses des cultes, que j’ai décrites ci-dessus. Mais les cités pouvaient emprunter une partie de ces fonds à d’autres fins, moyennant un vote de l’assemblée et généralement contre paiement d’un intérêt28. Le maniement des fonds publics (dèmosia chrèmata), d’autre part, étaient plus souples : en-dehors des postes immuablement ou généralement pourvus de la même manière, l’assemblée pouvait disposer à son gré des sommes disponibles en les assignant par exemple à de nouvelles constructions.
22Notons aussi que les revenus ordinaires des cités, notamment les loyers et redevances du domaine public, de même que les taxes et les impôts, avaient beaucoup de stabilité, car leur perception était affermée à des entrepreneurs privés. Le système avait sans doute des inconvénients, notamment aux yeux des contribuables, mais il procurait aux cités des revenus assurés et clairement identifiables. C’est probablement dans ce domaine que la diversité était la plus grande et que la typologie esquissée ci-dessus devrait se vérifier.
23Les traces les plus concrètes de l’administration publique nous sont parvenues par l’épigraphie, sous forme de comptes, d’inventaires, de contrats, de rapports ou de devis de construction, etc. Bien qu’ils aient été généralement gravés avec beaucoup de soin et de scrupules, souvent pour être exposés dans des sanctuaires29, ces documents nous paraissent aujourd’hui plutôt mal conçus et malcommodes. Les comptes, en particulier ceux de Délos – qui sont parmi les plus nombreux et les plus longs – se présentent comme de longues énumérations, souvent répétitives, que les graveurs ont mises bout à bout sans même les disposer en colonnes et dont le sens et la logique sont difficiles à pénétrer. Mais il faut se rappeler que, dans leur forme monumentale, ces inscriptions reflètent mal l’administration quotidienne des hiéropes et des trésoriers. Il s’agit en effet de bilans annuels, établis après coup par les responsables pour laisser aux citoyens et aux dieux un témoignage de leur bonne administration. Loin d’être complets, ces documents ne reprennent que les transactions réellement effectuées : plus exactement, sous une forme narrative, ils énumèrent les entrées et les sorties d’argent, s’exprimant donc en des termes de recettes et de dépenses, non de crédit et de débit30. Pour les désigner, Cl. Vial a même employé l’expression caractéristique d’« inventaire de jarres31 ». Mais les documents de travail que les hiéropes et les trésoriers recevaient et rédigeaient au fil des jours, sur papyrus, tablettes de cire ou de bois, devaient avoir une autre allure : plus variés et plus disparates, ils étaient aussi plus complets et probablement plus clairs et plus maniables32.
24D’autre part, comme on l’a également souligné depuis longtemps, les Grecs ignoraient la méthode de la « double entrée », qui ne sera mise au point qu’au xiiie siècle33. Mais, en dépit de leur caractère rudimentaire (à nos yeux), leurs méthodes comptables leur ont convenu durant des siècles et ne les ont pas empêchés de faire régulièrement le bilan de leurs profits et pertes ni de prendre des décisions éclairées34.
Conclusion
25Dans les pages précédentes, j’ai tenté de dégager avant tout les traits communs qui ont marqué, selon moi, l’organisation des finances dans les cités classiques et hellénistiques. Si, pour les besoins de la réflexion, on néglige tout à fait leur diversité, surtout évidente dans leurs ressources, on peut tirer deux groupes de conclusions.
26Le premier groupe découle des traits caractéristiques de la vie en cité. D’abord, la conception même des finances publiques, leur organisation générale et leur gestion quotidienne dépendait à la fois de la petite taille de la plupart des cités et de l’exercice de la démocratie directe, qui y était assez largement répandu, ou du moins des contrôles exercés par les assemblées et les conseils. De là découlent d’une part la relative simplicité des problèmes financiers et l’immédiateté avec laquelle ils se posaient aux citoyens, d’autre part la familiarité de ces derniers avec ce genre de questions, et leur sens, probablement plus aigu que le nôtre, de leurs responsabilités dans ce domaine. Certes ils n’étaient pas à l’abri des erreurs de jugement, des conflits d’intérêt, de la corruption, des mesquineries ou ambitions personnelles. Mais, sans tomber dans l’idéalisme, on peut dire qu’ils se considéraient moins comme des individus redevables à une autorité abstraite que comme les membres d’une communauté. Il y a quelques années, l’étude des souscriptions publiques m’a fait toucher du doigt, pour ainsi dire, cette réalité. En effet, loin d’être toujours un signe de détresse, le recours aux souscriptions était généralement décidé (en assemblée) dans des moments de paix et de prospérité : les contributions des citoyens, souvent beaucoup trop modiques pour avoir un réel impact financier, avaient également, et même surtout, une portée symbolique qui traduisait l’adhésion de chaque donateur au projet collectif35.
27Ensuite, à partir de la période classique, les institutions poliades sont en général marquées par la continuité et la permanence. Dans ces petites communautés, souvent fidèles à leurs traditions et au mode de vie rural, la plupart des responsabilités financières se présentaient donc comme des affaires de routine et se réglaient assez rapidement au jour le jour. Il en allait probablement de même, mutatis mutandis, dans les cités maritimes et commerçantes, du moins si l’on excepte les cas particuliers des grandes cités comme Athènes ou Rhodes. Ainsi, bien que l’organisation des finances fût le résultat d’une longue évolution remontant à l’époque archaïque, marquée par des tâtonnements et des contradictions et naturellement dé pourvue de tout plan d’ensemble, leur fonctionnement normal est loin de donner une impression d’incohérence ou de désordre. Au fil des générations, empiriquement, les citoyens avaient acquis un savoir-faire et mis au point des règles qui leur permettaient de gérer non seulement le quotidien mais aussi, autant que possible, les accidents et les imprévus.
28Le deuxième groupe de conclusions se rattache à des traits de mentalité, qui apparaissent d’abord dans les réflexions des intellectuels et des philosophes. Ces derniers ont manifesté un réel intérêt pour les questions financières et surtout pour les problèmes des ressources publiques, dans le cadre de l’administration générale des cités et des responsabilités des hommes politiques : à leurs yeux la gestion financière était naturellement une affaire politique, comme elle l’est encore aujourd’hui au moins dans ses applications. Mais ils n’ont guère été plus loin et, en particulier, n’ont pas éprouvé le besoin de conceptualiser l’ensemble de ces problèmes. Comme on le sait en effet depuis les études de K. Polanyi, l’économie – ou plus exactement la pensée économique – demeurait alors intimement liée (« embedded ») à l’ensemble social et notamment à la pensée et aux structures politiques36. Dans ce contexte où l’économie n’était pas une science autonome, avec ses règles et ses lois, il est naturel que les Grecs aient constamment mis en parallèle l’oikonomikè, gestion privée, et la politikè, gestion publique, et insisté avant tout sur les qualités morales indispensables à l’oikonomikos et au politikos. On comprend également qu’ils aient limité leurs responsabilités publiques à quelques domaines, à une approche fiscale et au souci de l’équilibre entre dépenses et revenus.
29Ces quelques réflexions, que je livre au débat, donnent une image plus positive et plus constructive que ne le fait l’opinion traditionnelle. J’espère que cette image est relativement juste, en tout cas respectueuse du cadre dans lequel il convient d’étudier les finances des cités.
Notes de bas de page
1 Je remercie vivement H. W. Pleket pour ses remarques après la présentation de ce texte à Leiden, de même que les amis et collègues qui ont bien voulu le relire avant sa publication, en particulier J. Andreau, R. Bogaert, P. Herrmann et M. Wörrle, pour leurs critiques et suggestions.
2 Je tente un bilan plus complet de la question dans Topoi (Lyon) 5 (1995). Le livre récent de Millett (1991) est un exemple d’approche primitiviste, certes non dépourvu de qualités : voir mon compte rendu (Migeotte, 1993a) et, plus brièvement (1993b). Ce livre s’est, entre autres, attiré les foudres d’E. E. Cohen (1992b), réaction qui illustre bien l’écart entre des positions irréductibles. Or Cohen a lui-même publié des études qui ne sont pas exemptes de modernisme et dont plusieurs ont été reprises et complétées dans son volume (Cohen, 1992a) ; partant de ce livre, I. Morris vient de publier un « Review Article » largement inspiré de lectures anthropologiques (Morris 1994) ; voir aussi mon bref compte-rendu (Migeotte, 1995b) et celui, plus critique, de R. Bogaert (1995).
3 Pleket (1989).
4 Voir déjà Wilhelm (1947), p. 17-19 ; Gauthier (1976-1977), p. 307-310 ; Migeotte (1994).
5 Voir une première esquisse de cette typologie chez Gauthier (1976-1977). H.-J. Gehrke (1986) a proposé une typologie en six volets dont la gradation s’inspire de l’importance relative de l’agriculture, des activités maritimes et d’autres ressources (comme les mines, les cultes ou le commerce).
6 Cf. Latte (1948) ; Migeotte (1984), p. 172-173, 391 et 397.
7 Voir par exemple le rôle constant de l’assemblée dans la conclusion des emprunts (Migeotte, 1984, p. 379-389) et dans l’ouverture des souscriptions publiques (Migeotte, 1992, p. 310-320).
8 Voir notamment Migeotte (1990 et 1991). Sur le fonds permanent de Samos, voir aussi Migeotte (1989-1990) et Gargola (1992), p. 12-28. Sur le fonds de Délos, Reger (1993), p. 300-334.
9 Voir entre autres Platon, Politique, 259b-c ; Xenophon, Mémorables, III, 4, 12 ; 6, 14 ; Aristote, Politique, I, passim (qui se démarquait cependant de ses prédécesseurs en voyant une différence de nature, et non seulement de degré, entre l’oikonomikè et la politikè).
10 Voir notamment Migeotte (1984), p. 400-401 et (1992), p. 376-378.
11 Voir Gauthier (1976) et Van Groningen (1933).
12 Kallet-Marx (1993).
13 Thucydide II, 13, 2 : τὴν ἰσχὺν αὐτοῖς ἀπò τούτων εῖναι τῶν χρημάτων τῆς προσόδου, τὰ δὲ πολλὰ τοῦπολέμου γνώμῃ καὶ χρημάτων περιουσίᾳ κρατεῖσθαι.
14 Aristote, Rhétorique I, 4, 1359b : ὤστε περὶ μὲν πόρων τòν μέλλοντα συμβουλεύειν δέοι ἄν τὰς προσόδους τῆς πόλεως εἰδέναι τίνες καὶ πόσαι, ὄπως εἴτε τις παραλείπεται προστεθῇ καὶ εἴ τις ἐλάττων αὐξηθῇ, ἔτι δὲ τὰς δαπάνας τῆς πόλεως ἁπάσας, ὅπως εἴ τις περίεργος ἀφαιρεθῇ καὶ εἴ τις μείζων ἐλάττων γένηται..
15 Ibid. : ταῦτα δ’ οὐ μόνον ἐκ τῆς περι τὰ ἴδια ἐμπειρίας ἐνδέχεται συνορᾶν, ἀλλ’ ἀναγκαῖον καὶ τῶν παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐρημένων ἰστορικòν εἴναι πρòς τὴν περὶ τούτων συμβουλήν.
16 Aristote, Politique I, 11, 13 (1259a) : διόπερ τινὲς καὶ πολιτεύονται τῶν πολιτευομένων ταῦτα μόνον.
17 Aristote, Économique II, 1, 5 (1346a) : κρατίστη μὲν πρόσοδος ἡ ἀπò τῶν ἰδίων ἐν τῇ χώρᾳ γινομένη. Cf. le commentaire de Van Groningen (1933).
18 Rhétorique à Alexandre 1425b : πρῶτον μὲν οὖν σκεπτέον εἴ τι τῶν τῆς πόλεως κτημάτων ἠμελημένον ἐστν καὶ μήτε πρόσοδον ποιεῖ μήτε τοῖς θεοῖς ἐξαίρετόν ἐστιν. Λέγω δ’οἷνον τόπους τινάς δημοσίους ήμελημένους ἐξ’ ὦν τοῖς ἰδιώταις ἣ πραθέντων ἣ μισθωθέντων πρόσοδος ἄν τις τῇ πόλει γίγνοιτο κοινότατος γάρ ὁ τοιοῦτος πόρος ἐστίν..
19 Ibid. : ἄν δὲ μηδὲν ᾖ τοιοῦτον, ἀπò τιμημάτων ἀναγκαῖον ποιήσασθαι τὰς εἰσφοράς, ἣ τοῖς μὲν πένησι τὰ σώματα παρέχειν εἶναι προστεταγμένον εἰς τοὺς κινδύνους, τοῖς δὲ πλουτοῦσι τὰ χρήματα, τοῖς δὲ τεχνίταις ὄπλα. Cette classification est reprise à la fin de l'ouvrage, dans des notes qui semblent apocryphes (1446b) : περὶ δὲ πόρου χρημάτων, κράτιστον μὲν ἀπò τῶν ἰδίων προσό δων ἣ κτημάτων, δεύ τερον δὲ ἀπò τῶν τιμημάτων, τρίτον δὲ τῶν πενήτων τὰ σώματα παρεχόντων λειτουργεῖν, τῶν δὲ τεχνιτῶν ὄπλα, τῶν δὲ πλουσίων χρήματα.
20 Ibid. : συλλήβδην δὲ δεῖ περὶ πόρων εἰσηγούμενον φάναι αὐ τοὺς ἴσους τοῖς πολίταις καὶ πολυχρονίους καὶ μεγάλους ὄντας, τοὺς δὲ τῶν ἐναντίων τὰ ἐναντία τούτοις ἔχοντας. Ma traduction des mots ἴσους τοῖς πολίταις peut laisser perplexe : peut-être l'auteur évoque-t-il simplement une relation entre les ressources publiques et le nombre des citoyens ? D’autre part, on se demande quel sens peut avoir, à la fin, son allusion à une situation contraire.
21 I. Didyma 479 et 480. Voir Migeotte (1980 et 1995a).
22 Voir le commentaire de van Groningen (1933).
23 Voir Migeotte (1997).
24 Voir Francotte (1909), p. 150-155 et Robert (1964), p. 16-17. Pour Délos, voir Vial (1984), p. 140-142 et Treheux (1991), p. 349-352 ; pour Tauroménion, Migeotte (1991), p. 38-40. Les réserves accumulées par Athènes, à la veille de la guerre du Péloponnèse, sont trop connues pour que j’aie besoin d’y insister ; mais rappelons le caractère exceptionnel de cette puissance, dont une grande partie provenait des contributions des alliés.
25 Je reprends ainsi et complète les réflexions faites par Will (1986). Voir aussi mes conclusions dans Migeotte (1992), p. 354-356.
26 Voir Francotte (1909), p. 133-139, et les nombreux exemples réunis par L. Robert, Hellenica VII, p. 172-178, Hellenica IX, p. 14-18, Robert (1963), p. 54-57 ; voir aussi Lambrinudakis et Wörrle (1983), p. 351, n. 344. Au ive siècle, Athènes connaissait une opération analogue appelée mérismos : cf. Rhodes (1981), p. 559-560 ; Hansen (1993), p. 303.
27 Vial (1984), p. 140.
28 Voir Migeotte (1988).
29 Cf. Robert (1955) ; Bousquet (1988), p. 145.
30 Cf. de Ste Croix (1956) et Linders (1992), avec références aux publications antérieures. Il y a plus d’un siècle, Th. Homolle (1890), p. 459-460, avait déjà noté l’absence de plusieurs recettes et dépenses dans les comptes déliens. Voir des réflexions analogues de Linders (1988) à propos des inventaires de Délos.
31 Vial (1984), notamment p. 140 et 210.
32 On trouve de bons exemples de ce genre de documents dans Const. d’Athènes, p. 47-48. Sur les divers aspects de l’archivage, de l’exposition par archivage et de la gravure dans la pierre – et sur les rapports entre ces opérations – voir la démonstration richement documentée et toujours actuelle d’AD. Wilhelm (1909), p. 227-299 ; sur les rapports entre les documents de travail et les inscriptions à Delphes, voir aussi les réflexions de Bousquet (1988), p. 189-190.
33 Cf. de Ste Croix (1965).
34 Cf. Macve (1985). Voir aussi les remarques, souvent concordantes, d’E. Fallu (1979) et, pour un autre contexte, Rathbone (1991), spécialement le chapitre 8.
35 Voir Migeotte (1992), p. 346-356.
36 Cf. Humphreys (1969), p. 165-212 ; Garlan (1973), p. 118-127. Il s’agit là d’un acquis valable de l’approche primitiviste.
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