Formés par l’épreuve ? Ressources, adaptations et révisions des professeurs débutants
p. 75-88
Texte intégral
1Dans la perspective de ce texte, le regard sociologique porte sur les premiers pas ou commencements dans le métier des professeurs du secondaire et, précisément, sur la manière dont les jeunes enseignants appréhendent et négocient les épreuves à la fois subjectives et professionnelles des « débuts ». Le point de départ de l’enquête se situe lors de l’année de stage en responsabilité effectué dans le cadre de la formation au sein des IUFM1. L’investigation se prolonge avec le premier poste en tant que néo-titulaire, souvent dans les contextes difficiles des collèges populaires urbains ou relevant de l’éducation prioritaire. Les professeurs y découvrent la complexité et l’imprévisibilité d’une activité et de relations avec des élèves quelque peu éloignés des figures implicites auxquelles ils se destinaient à enseigner. Ils sont alors contraints de procéder à des adaptations pédagogiques, à des ajustements situationnels et, finalement, à des remaniements identitaires. La confrontation initiale source de déstabilisation (van Zanten, 1999) évolue en un travail de négociation continue des situations et interactions en classe (Périer, 2004) et conduit, ce faisant, à façonner les identités professionnelles émergentes.
2Les épreuves que nous nous intéresserons à qualifier dans leur nature et dans leurs effets, exigent des professeurs qu’ils stabilisent les situations et se dotent de principes de justification pouvant fonder et légitimer leur action (Boltanski et Thévenot, 1991). Selon notre hypothèse, ces épreuves requièrent, par-delà les ressources de formation ou d’accompagnement, l’engagement personnel des enseignants confrontés au risque d’une mise en jeu de soi (Hugues, 1996 ; Périer, 2009). En ce sens, la socialisation professionnelle des professeurs débutants s’inscrit dans un processus d’individualisation qui en appelle à l’autonomie et à l’auto-référentialité des enseignants. Les subjectivités sont donc à la fois mobilisées et exposées, jusque dans les marges parfois de l’activité et de l’identité professionnelles. Dans tous les cas, les débuts prennent valeur d’enjeu déterminant du point de vue des agencements à opérer et des postures de travail à stabiliser. On peut penser que, dans ce jeu ouvert mais incertain, se dessinent en pointillés les traits qui préfigurent le type de professionnel et le métier de demain.
Démarche d’enquête
3L’analyse s’appuie sur le corpus d’une enquête longitudinale menée entre 2005 et 2007 auprès d’une cohorte initiale de 34 professeurs du secondaire stagiaires formés en IUFM, devenus néo-titulaires l’année suivante (où 23 d’entre eux ont été à nouveau enquêtés). Issus de trois académies sociologiquement et scolairement contrastées (Créteil, Lyon, Rennes), ils ont été rencontrés à deux reprises chaque année (quelques semaines après la prise de fonction puis en fin d’année scolaire) par les différents membres des équipes de recherche constituées sur chacun des sites (associant formateurs IUFM et enseignants-chercheurs). L’échantillon a été sélectionné de manière à représenter une diversité de profils selon les critères d’origine sociale des enseignants, de discipline enseignée et d’appartenance (ou non) de l’établissement de stage à l’éducation prioritaire. Les différences d’expérience et de vécu des débuts dans le métier pourraient donc, selon ces critères, relever de trajectoires sociales et scolaires mais aussi de contextes contrastés. Compte tenu de l’attention portée à la dimension évolutive des épreuves professionnelles analysées, seuls 23 entretiens des professeurs enquêtés sur les deux premières années ont été exploités. D’une durée d’une heure au moins, les entretiens ont été accueillis avec intérêt car ils ont fourni l’occasion d’un travail d’objectivation et de verbalisation de l’expérience, c’est-à-dire indissociablement d’une prise de distance critique et réflexive vis-à-vis des questions vives du métier, des tensions et dilemmes professionnels non résolus (Tardif et Lessard, 1999).
4On soulignera au préalable qu’une analyse centrée sur une population dite de « débutants » appelle une vigilance particulière car elle incline, de par son objet même, à attribuer des propriétés à un groupe ainsi unifié mais sans que l’on sache précisément mesurer ce qui lui revient en propre et ce qu’il partage sous telle ou telle dimension avec l’ensemble du corps enseignant. Au-delà des limites inhérentes à la méthodologie qualitative, on doit donc se garder d’imputer à un échantillon autonomisé pour les besoins de l’enquête, des traits pouvant être observés à d’autres moments de la carrière, mais sans exclure toutefois la possibilité d’y entrevoir une génération différente de celle qui l’a précédée. En outre, les contextes d’exercice ont profondément évolué et diffèrent sensiblement selon le moment de la carrière. Un certain nombre d’effets sur les pratiques et le rapport au métier ne relèvent pas tant de la singularité des acteurs débutants, que de conditions d’enseignement fortement contrastées sous l’angle des types d’établissements ou classes des premiers postes (ce que les enquêtés n’ont pas manqué de faire remarquer).
Les épreuves de la « carrière » naissante
5La classe des débuts révèle, de manière condensée, les enjeux du métier et anticipe les évolutions à venir (Guibert, Lazuech et Rimbert, 2008). Les tensions et contradictions qui traversent l’expérience des commencements prennent la forme d’épreuves nécessitant un travail de mise en cohérence et de stabilisation des cadres de l’action. Ces premiers pas dans le métier, tant attendus au regard des années d’études qui en ont précédé l’avènement, représentent un tournant biographique et professionnel (turning point), c’est-à-dire un moment clé de la « carrière » des enseignants (Hughes, 1996). Très vite, en effet, les premiers cours prennent les accents d’une épreuve de vérité dans la confirmation ou l’invalidation du choix personnel dont la réussite au concours ne permet pas d’apprécier toutes les dimensions et implications. Nombre de témoignages de stagiaires, à l’instar de cette enseignante (certifiée, lettres modernes), portent la marque du doute qui s’empare parfois de jeunes professeurs quelque peu désorientés :
« Finalement je n’ai jamais fait de stage ni de vacation auparavant donc c’est quelque chose de très très nouveau pour moi, donc on en a forcément très peur, et j’ai dû pleurer toutes les larmes de mon corps en rentrant de la prérentrée, enfin ça a été vraiment très, très difficile. Très, très, très difficile, je ne m’attendais pas à ça. Je me suis dit : “Mais comment je vais faire pour tenir une année complète ?” C’était ma première réaction, comment je vais faire ? »
6Très souvent, le ou les premiers cours cristallisent les appréhensions car ils préfigurent dans les représentations des enseignants le type de rapport qu’ils pourront établir durant l’année entière avec les élèves (Waller, 1967). Un soin particulier est donc attaché à la présentation et mise en scène de soi et surtout, à la définition des règles du vivre ensemble dans la classe. Tous les enseignants s’y emploient mais en empruntant des modalités différentes et à l’efficacité inégale. Le modèle du « contrat » sert volontiers de référence dans la construction d’un ordre scolaire négocié (Périer, 2010) et il inspire des démarches qui prennent parfois un tour presque solennel, à la manière de Johan (certifié, physique-chimie) qui durant sa première heure de cours précise les termes du contrat et l’échelle des sanctions formalisés par un écrit :
« Déjà, moi le premier cours, j’ai fait une espèce de contrat de classe avec eux que j’ai distribué à chaque élève. Alors, c’était ce que je voulais, ce que j’acceptais, ce que j’acceptais pas, pour qu’il n’y ait pas de surprise, j’avais mis l’échelle de mes sanctions, ce que je souhaitais avant le cours, pendant le cours, après le cours, tout était détaillé. Alors, j’ai tout lu ça avec eux. Bon, ça fait très sérieux ; ils m’ont pris pour un flic au départ mais je me suis dit je préfère qu’ils le prennent dans ce sens-là, plutôt que ce soit trop cool et à la fin… Ils étaient surpris, mais je leur disais “vous mettez lu et approuvé et vous signez par vous-même”. Alors ils me disaient : “Mais on fait signer par nos parents ?” Je fais : “Non non, c’est vous qui signez, c’est un contrat de classe qu’on passe ensemble, il y a ce que j’accepte, ce que j’accepte pas et donc vous avez l’échelle des sanctions pour qu’il n’y ait pas de surprise”, donc ça me permettait d’établir mon fonctionnement à travers une classe quoi… »
7Cependant, il n’est pas rare que le calme relatif des débuts évolue, après un premier moment inaugural proche du rite de passage, vers des perturbations ou désordres plus ténus mais que l’enseignant devra affronter tout au long de l’année, sans toujours parvenir à les empêcher. D’ailleurs, l’une des préoccupations majeures repose sans conteste sur l’autorité à construire et surtout à ne pas négliger ou perdre, au profit d’élèves habiles à la disputer ou à la contester. Petits incidents et faits d’indiscipline (sous la forme d’écarts de langage, d’empêchements à travailler, d’interpellations déplacées…) émaillent les rapports en classe et focalisent l’attention des enseignants. Moins en raison de chahuts ponctuels que de comportements perturbateurs au caractère « endémique » (Lapassade, 1998), se jouant des limites de l’interdit et des possibilités de les sanctionner. La focalisation sur un noyau d’élèves voire sur un élève en particulier peut suffire à accaparer toute l’attention de l’enseignant, à perturber le cours et progressivement, à instiller un sentiment d’inefficacité ou d’échec dans la conduite de l’activité et la capacité à « tenir » sa classe. Vincent (agrégé, SVT) en retrace l’expérience amère face à quelques élèves d’une classe de seconde où la situation ne parviendra pas à s’améliorer :
« Il y en a pour qui ça se passe un peu mieux, d’autres c’est encore pire, où il y a des bombes fumigènes pendant les contrôles, des préservatifs qui volent dans les cours, et il y a beaucoup de bavardages… pas mal de redoublants qui s’entraînent un petit peu et dès qu’il y en a un qui peut sortir une blague, il y a tout le monde qui s’y accroche et je crois que c’est solidaire dans leurs dérapages et du coup, c’est dur de les captiver, ceux qui savent qu’ils vont avoir une autre orientation, ils savent que la matière n’est pas importante pour eux, il faut que je me batte pour qu’ils tiennent leur cours, qu’ils les récupèrent, des retenues que je mets sur mon temps… »
8Cet exemple n’est pas isolé, et l’on peut citer dans le même ordre d’épreuve, le témoignage d’Églantine (certifiée, lettres modernes) :
« Ce qui est difficile à gérer c’est les bavardages incessants, ça c’est très, très difficile à gérer. Parce qu’il peut y avoir simplement deux élèves dans la classe qui posent des problèmes, on a beau les mettre seuls, ils trouvent moyen de se retourner, le moyen de parler devant, le moyen de parler à gauche, et ça parasite véritablement une classe. Je ne sais pas jusqu’où on peut s’arrêter, j’ai tendance à m’arrêter, à fixer les gens dans les yeux, pour qu’ils se taisent, et trente secondes après c’est reparti donc jusqu’où je peux aller, je sais pas. Ça c’est très, très très difficile à gérer. J’ai vraiment énormément, énormément de mal. »
9Les façons de faire divergent, de l’intransigeance la plus ferme à des attitudes plus conciliantes en passant par le modèle du contrat, mais sans qu’une posture définie et assurée guide les conduites et éventuelles sanctions à prendre. Largement soumises à l’appréciation individuelle et à la contingence des situations, elles secrètent chez certains enseignants débutants un sentiment d’inefficacité voire de dévoiement de la fonction. Le témoignage de Sylvain (certifié, arts plastiques) exprime cette perplexité :
« Le problème c’est ça, c’est que ça prend beaucoup de temps de leur… de faire le flic aussi, d’attendre le silence au début de la classe […]. Vraiment, je fais le flic avec eux, oui, donc j’appréhende des fois, plus ou moins, leur arrivée, je me dis : “Qu’est-ce qu’ils vont me faire encore aujourd’hui…” La dernière fois j’ai travaillé avec eux le fusain, et il y a une gamine qui est sortie, elle avait du fusain plein le visage en fait, je suis obligé de leur dire : “Mais arrêtez, vous êtes en 3e, c’est des comportements de maternelle que vous avez là, c’est pas responsable”, et à chaque fois, je fais la morale, c’est épuisant, oui. »
10Les enseignants ont le sentiment de beaucoup s’engager et de devoir sans cesse se justifier. Leur implication procède dans les configurations de classe les plus critiques d’une « stratégie de survie » (Woods, 1990) mettant en jeu leur activité et leur identité professionnelle, à la mesure de leur vulnérabilité et de la perte d’efficacité qu’ils peuvent redouter. Ainsi, « faire un cours est pour le professeur, une démonstration de son savoir qui peut échouer et qui est chaque fois, en ce sens, une épreuve » (Boltanski et Thévenot, 1991 p. 172).
11Cependant, au fil des séances, la préparation et gestion des séquences d’apprentissage représentent une préoccupation grandissante nécessitant des ajustements et arbitrages pédagogiques incertains. Passer de la fiction des élèves à la réalité en situation de leur intérêt et mobilisation dans les apprentissages, conduit à des ajustements et infléchissements dans les modalités, supports et contenus d’enseignement. Rapidement, le professeur stagiaire prend la mesure de l’hétérogénéité des élèves et surtout de leur appétence pour les savoirs jugée bien en-deçà de ce qu’il pouvait espérer. Plusieurs stagiaires ont confié avoir modifié leur conception du cours et ses contenus, souvent en concédant sur le niveau d’exigence au profit de séances visant à capter l’attention et la mise au travail du plus grand nombre, usant de « ruses didactiques » (dont le détour ludique est un exemple) mais recourant également à des adaptations de contenus, au risque d’éluder la difficulté et de fabriquer des « curricula locaux » (Gélin, Ria et Rayou, 2006).
12En effet, les premières séances révèlent une complexité insoupçonnée et nécessitent de tester la pertinence des dispositifs pédagogiques mis en place. Dès lors, se pose pêle-mêle la question de la hiérarchisation des contenus enseignés, du niveau d’exigence acceptable pour maintenir l’attention des élèves, de la conformité avec le programme voire avec les méthodes dispensées en formation… Ces préoccupations didactiques et relationnelles forment un ensemble de facteurs interreliés, dont il est difficile d’anticiper les effets. Aude (agrégée, allemand, lycée) en dresse le constat avec sa classe de seconde :
« En l’occurrence, j’avais prévu une progression assez tôt, comme j’allais dire je sais faire. J’ai fait ça un petit peu l’an dernier. J’avais préparé une progression tout de suite à la rentrée, donc j’avais bien balisé mon terrain, et puis en réalité je suis allée de mauvaise surprise en mauvaise surprise, enfin je ne cesse de réduire mes objectifs depuis les débuts de l’année pour essayer, ce ne sera pas possible avant les vacances, qu’en une heure de cours on fasse effectivement ce que j’ai prévu, enfin que je leur transmette le contenu que je voulais leur transmettre ou de les amener à ce contenu-là mais ils sont tellement réticents que… voilà… et puis au départ la préparation ce n’était pas ce qui m’importait le plus, enfin le contenu c’était pas ce qui m’importait le plus, je me concentrais vraiment sur les règles de vie de classe en fait, dans les deux premières semaines et puis j’ai vu que ça passait moyennement, enfin j’ai envie de dire jusqu’à présent tout est bancal… »
13Le doute s’insinue dans l’esprit des enseignants débutants alors enclins à s’interroger sur les normes de savoirs et exigences d’apprentissage, à l’image de Jeanne (certifiée, physique-chimie) :
« Ils ne travaillent pas, enfin pas tous évidemment, et au début c’est un petit peu difficile parce qu’en fait ils disent : “C’est de votre faute, vous êtes nouvelle, c’est de votre faute si on n’y arrive pas.” Alors évidemment, forcément, on se pose quelques questions ; en même temps quand on corrige les interros et qu’on voit que tout ce qui est dans le cours c’est pas su, qu’ils n’arrêtent pas de bavarder… Bon il y a peut-être, sûrement une part de moi, je suis nouvelle et je suis peut-être pas bien adaptée au public, j’en sais rien, mais y’a aussi eux qui ne font rien. Il y a une culture chez eux qui fait que, c’est dans un quartier particulier hein… »
14Conversion didactique et changement de posture sont requis, comme le résume d’une belle formule cet enseignant (certifié, EPS) qui confie : « Je suis passé en cours d’année de préparations pour moi à des préparations pour les élèves. » Il faut, en un temps où tout semble accéléré, trouver la « bonne distance » dans la relation avec les élèves, réguler les exigences de travail, fixer les barèmes d’évaluation, apprécier la nécessité et la justesse des sanctions… Toutes tâches qui, pour ordinaires qu’elles paraissent dès lors qu’elles relèvent de routines professionnelles, sont la source de tensions et de doutes réitérés entre les modèles d’action élaborés en formation et les dispositifs à construire en situation, entre un idéal (une « comédie ») de la maîtrise du métier, procédant d’une rationalité illusoire, et les aléas ou urgences de son exercice quotidien (Perrenoud, 1996). Les formes traditionnelles de l’activité d’enseignement se décomposent, amplifiant un sentiment d’insécurité pédagogique exprimé par une majorité d’enseignants déclarant volontiers effectuer un métier à « risques ».
Quelles ressources mobilisées ?
15Les incertitudes et épreuves des débuts dans le métier posent la question des ressources que les enseignants mobilisent en situation. Or, ni le statut ni les savoirs des enseignants, longtemps posés au fondement de leur autorité et légitimité, ne semblent en mesure de garantir et de stabiliser un ordre scolaire plus exposé à la dynamique des interactions dans la classe et au jeu des attentes ou revendications individuelles des élèves. D’un côté, le métier ne dispose plus d’un statut qui conférait une autorité non négociable aux agents d’une institution capable d’imposer ses significations et son projet à tous. Dans cette configuration ancienne, les professeurs portent les valeurs et finalités de l’école (Dubet, 2002) et bénéficient d’une « légitimité d’institution » (Bourdieu et Passeron, 1987) de sorte qu’ils font autorité, tant en matière de discipline que de savoirs établis. Désormais, ce ne sont pas seulement les contenus des apprentissages qui sont interrogés voire remis en cause (Rayou et van Zanten, 2004) mais le fait même de leur transmission pose problème, en réactivant les formes hiérarchiques et statutaires de la relation éducative (Renaut, 2004). Exemplaire à cet égard, le témoignage d’Églantine (certifiée, lettres modernes) relatant une interpellation relative à l’emploi d’une règle de grammaire, montre à quel point ce qui est hérité du « passé » et tenu pour acquis peut être désormais contesté voire refusé :
« Par exemple il y a une élève, je crois que la cinquième c’est le début de l’adolescence, et j’ai l’impression que j’ai une élève qui cherche à s’opposer systématiquement à l’adulte. Sur une leçon de grammaire, a priori il n’y a pas énormément de choses à discuter. Autant sur un texte on peut dire je ne suis pas d’accord. Là c’était une leçon, une phrase simple, pas une phrase complète, quelque chose où il y a deux verbes, voilà, et elle m’a dit qu’elle n’était pas d’accord, donc j’ai commencé à lui réexpliquer, et puis ça l’énervait beaucoup, et elle a fini par me dire : “Bon allez ça va, je m’en fous, j’ai tort et c’est vous qui avez raison comme d’habitude…” Et je me suis trouvée complètement démunie. C’est-à-dire que je n’ai absolument pas…, j’aurais peut-être dû la punir, j’aurais dû faire quelque chose… ça a duré vingt minutes, ça fait beaucoup finalement, ça fait énormément de temps pour rien, et d’ailleurs je ne sais pas forcément plus ce que je ferai demain si ça m’arrivait à nouveau. Je suis complètement démunie, qu’est-ce que je dois faire concrètement, je ne sais pas… »
16Dans cette configuration nouvelle, l’affaiblissement des deux sources historiques de sens et de reconnaissance dans la fonction d’enseignant exige de puiser ailleurs les justifications et significations nécessaires à l’autorité et à la transmission des savoirs. Plus encore, les professeurs débutants ont à inventer les termes d’un rapport pédagogique qui n’épouserait plus les formes traditionnelles d’une régulation « à l’autorité ». La perte de reconnaissance que procurait le statut les place dans l’obligation réitérée d’apporter la preuve de leur compétence et de leur éthique professionnelles (Prairat, 2009).
17Face à cette exigence, nombre de professeurs débutants admettent de devoir « bricoler », « faire leur sauce » et se félicitent parfois de constater que « ça marche ». La récurrence de ces expressions constitue implicitement un indice du rapport à la pratique (Kaufmann, 1996) et elle dénote une difficulté à anticiper par le biais d’une préparation rigoureuse (mais de moins en moins suffisante), les situations rencontrées. La montée de l’incertitude mais aussi de la dimension affective et émotionnelle dans l’exercice du métier (Maroy, 2006 ; Périer, 2009) rendue particulièrement sensible dans ces contextes, altère la possibilité de rationaliser l’action mais aussi d’expliquer les raisons des réussites comme des difficultés ou échecs rencontrés. Solène (certifiée, histoire-géographie) décrit cette difficulté d’anticipation persistante avec une classe de 5e et le risque de débordement qui sans cesse menace :
« Vu que c’est une classe assez difficile, c’est très irrégulier. Il y a des cours ça va très bien marcher, personne ne va savoir pourquoi, le lendemain ça va pas du tout marcher, ça va marcher bien en cours d’histoire, l’heure d’après en français c’est la catastrophe, le lendemain c’est en maths que ça se passe bien et en histoire ça se passe mal, donc on est vachement démunis par rapport à ça parce que tous les jours c’est la surprise. »
18Le régime d’insécurité pédagogique éprouvé à des degrés variables par les professeurs stagiaires aiguise le sentiment d’un manque de préparation pour affronter les réalités d’un métier qu’ils découvrent sous un jour parfois insoupçonné. Hormis le stage en responsabilité, objet d’un véritable plébiscite, les contenus et modalités de la formation en IUFM n’échappent guère à la critique (Rayou et van Zanten, 2004) : thèmes trop peu articulés aux questions concrètes qui les interpellent en situation, absence de participation et d’implication directe du stagiaire, formalisme sinon dogmatisme des méthodes enseignées, cours jugés inutiles parce que portant sur des notions déjà abordées dans le cursus antérieur… Les apports qualifiés péjorativement de « théoriques » sont ainsi perçus en raison de leur trop grand éloignement a priori des questions et préoccupations rencontrées in vivo par des professeurs soucieux de pouvoir en transposer directement les apports dans la pratique. Les contenus non indexés à leur valeur opératoire sont ainsi minorés dans leur intérêt car ne débouchant pas sur des pistes d’action ou des réponses destinées à des applications immédiates. La discordance des temps entre la réflexion et l’action renforce la logique de cette dernière car l’enseignant doit proposer des aménagements et trouver des solutions. Les méthodologies sur les façons de faire avec les élèves et d’enseigner sa discipline sont révisées à l’aune des expériences et difficultés rencontrées. On peut citer le cas de cet enseignant (agrégé, SVT) qui après avoir appliqué le modèle didactique appris en formation, s’en est progressivement affranchi pour construire, de manière jugée moins « dogmatique », sa propre méthodologie d’enseignement.
« Au début je me suis beaucoup pris la tête, ils [formateurs IUFM] nous parlent tout le temps de la démarche expérimentale, la démarche d’investigation, et qui est plus appropriée pour des classes de bons élèves où on essaie toujours de mettre en situation l’élève qui doit soumettre un problème et le résoudre, mais ça c’est l’élève qui se pose des questions et y’en a quand on essaie de faire émerger un problème, on y reste l’heure, donc ce n’est pas toujours adapté et il y a tout un système de carcan avec les étapes, un problème, une hypothèse, les conséquences de l’hypothèse, le protocole, les résultats, l’interprétation, les conclusions, et donc au début j’ai voulu leur faire faire ça pour me rendre compte que ça ne servait pas à grand-chose, à la limite le faire oralement, mais tous les aspects de cet ordre bien précis n’apportaient pas grand-chose donc j’ai vite laissé tomber même si j’essaie toujours de faire cette démarche mais sans en faire un carcan avec toutes les étapes formatées, formalisées… donc avec ça au début je me prenais beaucoup la tête, j’ai perdu beaucoup de temps avec ça. »
19Les professeurs stagiaires sont alors enclins à adopter un modèle d’action privilégiant le rapport pragmatique et expérientiel à la pratique. Selon cette approche, il n’y a pas de bonne méthode ou d’idée meilleure en soi, mais seulement celles dont on vérifie la pertinence et l’efficacité en situation. Ce type de posture conduit implicitement à opposer l’expérience du « terrain » à la connaissance toute « théorique » délivrée dans les formations ou les ouvrages spécialisés. Parvenue en fin d’année de stage, Justine (certifiée, lettres modernes) dresse un bilan dont la balance penche fortement en faveur du « terrain » :
« Pour moi l’IUFM a surtout servi à savoir faire à peu près un cours, mais c’est tout… À la limite, c’est peut-être un peu dur mais je crois que l’IUFM m’aurait servi là, ça m’a vraiment été utile les deux, trois premiers mois, maximum, après… après je n’ai pas eu le sentiment d’apprendre grand-chose, ce que j’ai appris je l’ai plus appris sur le terrain. Et j’ai encore beaucoup à apprendre. Parce que là, j’ai une classe… l’année prochaine ça sera d’autres classes… »
20Dès lors, s’impose l’idée relativement partagée selon laquelle tout ce qui ne relève pas des savoirs disciplinaires se forge par le biais d’un apprentissage expérientiel et que les réponses à apporter ne peuvent être que contextuelles et individuelles. Cette logique d’auto-formation faite également d’autoréférentialité est de nature à amplifier la « conception personnaliste » du métier (Guibert, Lazuech et Rimbert, 2008). Elle renforce la conviction d’un métier où l’assurance et l’efficacité s’acquièrent « sur le tas » par l’ancienneté, selon un mode de socialisation pratique où chacun forge ses façons de faire ou, selon l’expression récurrente, ses « trucs » et autres « recettes » irréductibles à la personne qui les a fabriqués. Dans ce cadre, la tentation est forte pour le professeur stagiaire sans expérience et ne trouvant pas dans la formation voire auprès des collègues (tuteur de stage notamment) les conseils et soutiens attendus, de prendre pour référence l’élève qu’il a été ou les figures d’enseignants qu’il a connues. Ils représentent des points d’appui (avec des biais mémoriels inévitables) plus ou moins conscients pour orienter ses choix pédagogiques ou expliquer, par comparaison, les difficultés rencontrées. C’est l’un des paradoxes de la formation des enseignants dont la professionnalisation encadrée par les IUFM s’est accompagnée, dans le même mouvement, d’une forte sollicitation de leurs ressources et compétences personnelles.
Révisions professionnelles
21L’année de stage en responsabilité représente un temps fort de réflexivité professionnelle tant les découvertes, révisions et remises en question semblent fréquentes et parfois lourdes de conséquences. Les jeunes enseignants composent avec des situations pédagogiques jalonnées d’épreuves mettant en jeu leur autorité, leurs choix didactiques ou encore leur posture professionnelle. En effet, rares sont les professeurs stagiaires à ne pas évoquer une expérience non seulement très dense mais subjectivement éprouvante. Sans dénier son caractère formateur, l’année de stage contribue, au-delà des compétences acquises, à préciser le sens de l’engagement dans le métier jusqu’à réinterroger la pertinence d’un choix tout à la fois personnel et professionnel soumis à rude épreuve. Telle enseignante (certifiée, lettres modernes) ne cache pas ses doutes face à la difficulté d’habiter pleinement la fonction :
« C’était une année houleuse. Honnêtement je suis contente qu’elle soit terminée, je suis contente que ça se soit bien passé, globalement. C’était une année de pression énorme. J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur, et puis en plus, je vous dis, c’est dur… Déjà on doute énormément et on nous conforte dans ce doute. Donc moi à ce niveau-là, c’est vrai qu’il y a eu une période où je n’en pouvais plus… Au point de me demander, si je n’avais pas été titularisée, je ne sais pas si j’aurais refait cette année… »
22Les premiers pas dans la fonction révèlent le professeur stagiaire à lui-même en même temps qu’il découvre un métier à forte composante relationnelle, où les interactions construisent de façon continue et jamais acquise, les situations d’apprentissage et positions respectives de l’enseignant et des élèves dans la classe. Dans les établissements ou classes difficiles, le processus de négociation identitaire contraint les enseignants à adopter une conception du métier non réductible à la transmission des savoirs dans la discipline. D’aucuns acceptent l’idée d’exercer un autre métier que celui imaginé (quand d’autres semblent la refuser), à la manière de cette jeune enseignante (physique-chimie) qui pointe cet infléchissement sans nécessairement le déplorer :
« Non, je me dis que je vais apprendre pas mal de choses, c’est vrai ; après c’est pas le même métier c’est sûr, on n’est pas axé sur la même chose quoi, je pense plus sur le plan social, quoi […] faut être conscient quoi, faut être conscient que le métier d’enseignant c’est pas qu’enseigner. »
23Les élèves ne sont pas seulement les figures abstraites d’un processus didactique, mais des sujets socialement situés, porteurs d’une culture parfois éloignée des codes scolaires, et qu’il faut intéresser, aider (« amener ») à apprendre. Il n’est pas rare que les objectifs d’apprentissage et ambitions des programmes soient réévalués au profit d’enjeux de socialisation ou de climat de classe qui occupent une place inattendue. Le récit de cette enseignante (certifiée, physique-chimie) témoigne de la manière dont la connaissance du monde de ses élèves questionne sa posture et éclaire ce qu’elle vit en classe :
« J’ai essayé de discuter avec une classe une fois parce qu’ils ne faisaient rien, alors je leur demandais pourquoi ils ne faisaient rien, ils attendaient quoi, après, comment ils allaient faire pour chercher un travail, tout ça : “Ben oui, mais on connaît plein de gens qui gagnent plus que vous madame.” Je dis : “Ben vous avez quoi comme travail par exemple ?” “Ah ben ceux qui vendent de la drogue et tout ça…” “Et puis ceux qui vont vendre de la drogue à ton petit frère aussi ?” Alors là, on a senti que… Mais c’est la réalité en même temps. Et euh, enfin on voyait bien l’état d’esprit des gamins quoi. Ce n’est pas évident de discuter avec eux après, quoi, enfin on voit bien, c’est pas évident pour nous. »
24D’autres, à l’inverse, estiment s’être détournés de ce qu’ils projetaient intellectuellement dans l’enseignement et éprouvent un sentiment plus ou moins douloureux d’éloignement du métier imaginé. C’est l’expérience d’Églantine (certifiée, lettres modernes) après quelques mois passés en collège :
« Enseigner au collège pour moi c’est vraiment très difficile, je ne supporte pas de faire de l’autorité, enfin de faire que ça, j’ai l’impression que ce n’est pas mon métier, et je ne fais que la police la plupart du temps […]. Ce n’est pas un établissement très difficile et que je serai quand même confrontée assez régulièrement à ça… et je m’épuise. Je rentre souvent, j’ai pas envie d’aller en cours, j’ai pas du tout envie… donc c’est loin d’être intéressant […]. Voilà, je leur donne du travail, je ne mets pas forcément sur le carnet de liaison, et les punitions sont à faire pour la fois suivante. En général elles sont faites, il n’y a pas de problème, mais ce qui n’empêche qu’ils ne comprennent toujours pas. Par exemple j’ai 28 élèves en cinquième, j’ai réussi à mettre 32 punitions une fois… Voilà, c’était du travail non fait. Une fois je veux bien laisser passer, mais avec eux… ils m’ont dit : “Madame, les profs ils doivent faire la police”, c’est ce que j’ai entendu… »
25Dans ce cas particulier, le changement de posture qu’elle peine à négocier et l’infléchissement social qu’elle perçoit dans son activité fragilisent le rapport au métier et la conviction non seulement de vouloir encore l’exercer mais d’être en capacité de le faire :
« J’arrive à faire la part des choses mais […] oui, je me questionne beaucoup donc… voilà, je me dis clairement qu’il y a des jours je ne sais pas si je suis capable d’être prof… je me dis, est-ce que je vais continuer comme ça ? »
26Les contextes d’exercice les moins normés et les moins stables ouvrent plus largement l’espace de résolution par soi-même des difficultés qui appellent des réponses adaptées, des remaniements identitaires mais aussi parfois des « deuils » (Barrère, 2003). Car si la discipline enseignée est au principe de l’accès à l’enseignement pour la plupart des professeurs du secondaire, les premiers pas dans la fonction montrent que la fonction de transmission ne s’efface pas mais qu’elle exige d’être refondée en raison d’une part, des nécessités de construire une autorité et de maintenir l’ordre scolaire et, d’autre part, de remanier les savoirs en rapport avec les intérêts et capacités des élèves tels qu’exprimés et perçus in vivo.
27En ce sens, les commencements dans le métier d’enseignant engagent et exposent des individus incertains dans leur compétence, leur posture et leur identité. Ainsi définies, les épreuves des débuts ne sont pas les signes d’un malaise intérieur des enseignants ou les prémices du burn out (épuisement psychique). Elles ne sont pas non plus l’équivalent de souffrances, au sens de situations d’empêchement à travailler (Lantheaume et Helou, 2008), au risque (sans l’exclure) de la voir se loger partout et de ne jamais pouvoir l’atténuer ou l’éradiquer (la démission ou « fuite » constituant alors la seule issue). Ces épreuves représentent bien plutôt le point névralgique de tensions et de contradictions engendrées par la contingence et la complexité d’une activité requérant un travail de l’individu sur lui-même, dans un rapport de soi à soi, caractéristique d’un changement du mode de socialisation professionnelle. Celui-ci vise moins la conformité des individus à des rôles que l’institution peine à définir, que le développement d’une posture réflexive et la constitution de ressources permettant de réduire l’incertitude caractéristique des configurations scolaires contemporaines. D’ailleurs, l’enquête montre que, usant de stratégies et de « ruses pédagogiques », les jeunes enseignants parviennent au fil du temps, à surmonter les épreuves les plus pénibles auxquelles ils se trouvaient confrontés et que persistent des difficultés professionnelles, abordées sur un mode pragmatique, plus que des souffrances psychiques.
Conclusion
28L’enquête réalisée auprès de professeurs suivis durant l’année de stage puis au cours de leur première année en tant que titulaire montre la difficulté d’habiter la fonction dans ces premiers moments professionnels traversés par le doute et la nécessité de réviser ses pratiques et les conceptions initiales du métier. La responsabilité et l’autonomie des jeunes enseignants se déploient dans des contextes scolaires et face à des situations aussi complexes qu’imprévisibles, qui tendent de ce fait à renforcer les exigences d’engagement personnel dans un processus d’individualisation du métier. Sur cette base, trois aspects nous semblent devoir être interrogés.
29Le premier porte sur les liens entre les dispositifs ou contenus de formation et les débuts dans le métier. En effet, la démarche de rationalisation et d’explicitation des savoirs et compétences au principe d’une dynamique de professionnalisation (Altet, 1994) se heurte à des impératifs de gestion de l’ordre scolaire ou de régulation des apprentissages lors de l’année de stage, et encore après. Le temps de la formation – mais pas nécessairement ses contenus – serait ainsi mal accordé au temps de l’action, de sorte que les attentes en situation précèdent les apports d’une formation qui ne pourrait agir qu’à l’insu de ses bénéficiaires ou de manière différée.
30Un deuxième aspect du questionnement met en tension le processus de professionnalisation et la logique d’individualisation qui modèle l’expérience des professeurs enquêtés, dont certains ne cachent pas leur sentiment d’isolement. La possibilité très prisée par les stagiaires de se retrouver lors des sessions de formation, d’échanger librement entre jeunes collègues, de confronter leurs expériences ou de s’apporter mutuellement soutien et conseils, permet de rompre avec la solitude éprouvée dans certains établissements. Elle a aussi pour enjeu de reconstituer des collectifs d’échange que le corps enseignant et les instances traditionnelles sont moins en mesure de fédérer (Maroy, 2006). Leur caractère informel est aussi le moyen d’exprimer sans crainte de jugement, les impasses et non-dits du métier (Perrenoud, 1996) qui ne rencontrent pas toujours l’écoute attendue auprès des collègues plus expérimentés, certes reconnus mais jugés trop éloignés des questions vives et enjeux perçus par les jeunes enseignants.
31Enfin, on ne peut que s’interroger, au moment où se mettent en place les masters des métiers de l’éducation et de l’enseignement, sur les changements induits dans le mode de socialisation professionnelle des enseignants. Car si la maîtrise des savoirs apparaît toujours aussi nécessaire, elle semble de moins en moins suffisante pour asseoir une autorité et légitimité acceptées des élèves (voire de leurs parents), en particulier dans les contextes d’établissement des premiers postes (mais pas seulement). Le jeune enseignant doit donc les conquérir par le biais de méthodes et de stratégies qui sont pour une bonne part à inventer, selon une logique pragmatique fondée sur une suite d’expériences en forme d’épreuves. Dans certains cas, l’épreuve peut constituer, à l’instar des événements biographiques ou du « travail sur soi » (Darmon, 2010), une instance de socialisation à part entière et s’inscrire dans le temps long du processus de professionnalisation. Il n’en demeure pas moins que, affrontées et négociées sur un mode principalement individuel, ces épreuves relèvent d’une obligation de réponse à court terme en prise directe avec les contraintes et contingences des situations. Si, comme le montre cette enquête, des effets tangibles peuvent être observés du point de vue du maintien de l’ordre scolaire et de la construction de l’identité professionnelle, la pertinence pédagogique en termes d’efficacité et d’équité, pour ne rien dire de la question éthique, reste quant à elle, à évaluer. Dit autrement, l’enjeu des années à venir pourrait bien consister à éviter que l’entrée dans le métier ne ressemble à suite d’épreuves professionnelles et subjectives se substituant aux ressources des actions d’accompagnement ou de formation. Le risque serait alors de confier à chaque enseignant la responsabilité de les surmonter, mais sans pouvoir les anticiper ni en contrôler les effets sur le travail et le soi.
Notes de bas de page
1 Instituts universitaires de formation des maîtres désormais intégrés dans les universités en même temps que s’opérait la mastérisation des métiers de l’enseignement.
Auteur
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