1 Simmel G., « Le conflit », in Simmel G., Sociologie. Études sur les formes de la socialisation, Paris, PUF, coll. « Sociologies », 1999, p. 281.
2 Les développements de S. Freud sur l’« ambivalence » à l’égard des morts sont centrés sur la genèse des tensions et leur contrôle. Freud S., « Le tabou et l’ambivalence des sentiments », in Freud S., Totem et tabou, Interprétation par la psychanalyse de la vie sociale des peuples primitifs, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1972, p. 29-88.
3 Les développements de N. Elias s’inscrivent dans cette direction. Lorsqu’il développe la thèse d’une domestication progressive de l’affectivité et de l’évolution des règles de civilité, formule l’hypothèse du contrôle des comportements émotionnels. Dans son esquisse intitulée « esquisse d’une théorie de la civilisation », N. Elias expose comment certaines contraintes sociales se transforment en auto-contraintes : « Comment certains actes humains sont peu à peu relégués derrière les décors de la vie sociale et investis d’un sentiment de pudeur, comment la vie pulsionnelle et affective prend peu à peu, grâce à un autocontrôle permanent, un caractère plus général, plus stable. » Elias N., La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Agora »/« Presse Pocket », 1996, p. 182.
4 À partir d’un commentaire de R. A. Nisbet sur l’œuvre de G. Simmel. Nisbet R. A., La tradition sociologique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1993, p. 378. Simmel considère l’aliénation « presque exclusivement comme un instrument méthodologique : elle lui permet de renouveler l’analyse de la personnalité humaine et de ses relations avec le monde plutôt qu’elle ne constitue la base d’un jugement relevant du spirituel ou de l’éthique ».
5 Blauner R., « Death and Social Strucure », Psychiatry, 29, novembre 1966, p. 378-394.
6 Voir le thème central d’étude de Goffman E., Les cadres de l’expérience, op. cit., p. 9-29.
7 Voir chapitre ii.
8 Le deuil désorganise les rapports et les ajustements de l’individu endeuillé à la société et aux autres, dans ses insertions immédiates. Si on le compare d’un point de vue analytique avec la maladie. À partir de Baszanger I., « Les maladies chroniques et leur ordre négocié », op. cit., p. 3-27.
9 Parsons T., The Social System, op. cit., p. 252-253. Rappelons que l’auteur définit la tension (strain) comme « risque » de déviance potentielle. L’ensemble du problème est posé dans les termes de l’interaction sociale.
10 Les notions de « tension intra-individuelle » et de « tension structurelle » proviennent de Mann P., « Tension », in Akoun A. et Ansart P. (dir.), op. cit., p. 533.
11 Formulation de Nadel S. F., La théorie de la structure sociale, op. cit., p. 87.
12 Formulation Chazel F., « Retour sur l’“orientation normative de l’action” : éléments pour une appréciation tempérée », op. cit., 2001, p. 166.
13 Nadel S. F., op. cit., p. 88. Chazel F., op. cit., p. 166. Parsons T., op. cit., 1964, p. 251-252.
14 Chazel F., op. cit., p. 167. À partir de Parsons T. et Shils E., « Values, Motives and Systems of Action », op. cit., p. 105.
15 On n’entrera pas dans les « complexités psychologiques » (psychological complexities selon la formulation de T. Parsons) que ces tensions provoquent (anxiété, fantasmes, hostilité, agressivité, etc.), pas plus que l’on ne procèdera à leur observation. Parsons T., The Social System, op. cit., p. 298-299. Le champ de la psychologie, de la psychanalyse et de la psychiatrie médicale offrent de nombreuses catégorisations et descriptions des « symptômes du deuil ».
16 Le conflit est défini comme la « rencontre d’éléments, de sentiments contraires, qui s’opposent ». Il revêt aussi un sens plus « psychologique » lorsque l’on se réfère à l’« action simultanée de motivations incompatibles, son résultat ». Dictionnaire de la langue française, Petit Robert, 1, 1990.
17 Simmel G., « Le conflit », op. cit., 1999, p. 265.
18 Voir chapitre i.
19 À partir de F. Chazel sur T. Parsons qui parle de « rétroaction corrective ». Chazel F., « Retour sur l’“orientation normative de l’action” : éléments pour une appréciation tempérée », op. cit., p. 165. Et G. Simmel qui voit dans le conflit un « correctif » : Simmel G., op. cit., p. 269.
20 Simmel G., loc. cit.
21 On peut rappeler le propos de F. Chazel sur les valeurs : « elles ne s’expriment pas seulement en termes de fins collectives et empiriques ; elles ne se traduisent pas toujours non plus dans une forme claire et précise, mais souvent dans l’ambiguïté des sentiments ». Chazel F., La théorie analytique de la société dans l’œuvre de Talcott Parsons, op. cit., p. 20.
22 Nadel S. F., La théorie de la structure sociale, op. cit., p. 89.
23 Celle-ci pouvant être incarnée par le défunt, comme dans le cas de l’ambivalence développée par S. Freud.
24 Parmi l’échantillon principal, 12 personnes sur 25 évoquent un conflit dans l’interaction directe avec autrui dans le deuil. Le conflit est mentionné dans les récits de huit femmes et de quatre hommes.
25 Déchaux J.-H., § Conflits et mémoire, in Le souvenir des morts…, op. cit., p. 208.
26 Simmel G., « Le conflit », op. cit., p. 281.
27 « The primacy foci of anxiety », in Parsons T., op. cit., 1964, p. 261.
28 Voir dans le chapitre iii le point « La parole ».
29 Selon les modèles de rôles définis par T. Parsons.
30 En référence à leur propre histoire de deuil d’un enfant.
31 Quelques aspects sont développés au cours du chapitre iii de ce livre.
32 L’incertitude entre soit la mort, soit un handicap extrêmement lourd pour ces deux enfants.
33 À propos des funérailles, Aurore souligne par exemple : « Une volonté peut-être, je ne dirais pas d’héroïsme, mais au moins d’être capable de tenir. » Ou encore, vis-à-vis de la période qui précède : « Il y avait aussi en nous l’idée depuis toujours de dire, “on attend des triplés” mais c’est vrai, cela m’a posé des problèmes mais “on assumera tout” et cette volonté d’assumer tout jusqu’à leur mort. » Dans l’ensemble, Aurore éclaire cette « volonté de le faire » soi-même en mobilisant un schéma explicatif opposant l’exceptionnel au normal, l’extraordinaire au quotidien, l’anormalité à la normalité.
34 T. Parsons parlait de « Defensiveness as reaction to strain ». Parsons T., The Social System, op. cit., p. 299-300.
35 Voir dans le chapitre iii, « La parole ».
36 Ibid.
37 Ibid. Goffman E., Les cadres de l’expérience, op. cit., p. 371.
38 Formulation de Mann P., « Conflit social », op. cit., p. 103. Voir Goffman E., le point « La tenue de la déférence », dans Les rites d’interaction, op. cit., p. 43-100.
39 La question de l’appropriation du deuil est développée au chapitre v et la question de l’affirmation de soi, au chapitre vi.
40 Voir dans le chapitre ii le point « L’ancrage ».
41 Initiale fictive qui remplace le prénom de son petit ami décédé.
42 Les notions de « marqueurs » des « territoires du moi » d’E. Goffman sont ici intéressantes, même si l’auteur centre son analyse sur les interactions entre personnes qui ne se connaissent pas dans l’espace public. Alors qu’il s’agit ici d’une « relation ancrée » et non pas « anonyme ». Goffman E., La mise en scène de la vie quotidienne, t. 2 : Les relations en public, op. cit., p. 55-57 et p. 182-183.
43 Ibid., p. 52-53.
44 Ibid., p. 54.
45 Blandine précise ne pas avoir beaucoup parlé du deuil, mais qu’elle parlait de son père : « Ah ! Quand il faisait ceci ou quand on rigolait ou bon ! C’était une façon de parler de mon père mais je ne parlais pas de l’accident en soi. »
46 Goffman E., La mise en scène de la vie quotidienne, t. 2 : Les relations en public, op. cit., p. 121.
47 « Alors qu’ils n’y sont pour rien », mais parce qu’ils ont simplement posé une question sur les parents, et qu’il leur répond être orphelin.
48 Cette question fait l’objet du cinquième chapitre.
49 La formule (« circular form of interaction ») est de R. E. Park qui développe les formes élémentaires du contrôle social. Park R. E., On social control and collective behavior, Selected papers, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 1967, p. 213.
50 Expression provenant de T. Parsons qui parle de « permissivité limitée » relative à la situation particulière du deuil. Voir chapitre i.
51 Les obligations relatives au rôle de l’endeuillé sont moins définies (y compris que ce qu’elles étaient dans le cas du « rôle du deuilleur », tel qu’il est défini dans les analyses classiques de la ritualité). Le rôle de l’endeuillé est mal caractérisé parce qu’il varie en fonction des relations antécédentes avec le mort et avec les proches du mort. Ce rôle n’est pas objectivement défini. Le rôle d’endeuillé est défini par rapport aux autres dans le cadre de la relation préexistante. L’endeuillé dans le cadre de la vie quotidienne n’est pas « mis entre parenthèse », dégagé de ses responsabilités. Et dès lors que l’individu assure des rôles sociaux plus nombreux et divers, il a plus de « risque » d’être confronté à des « exigences normatives » si ce n’est incompatibles du moins en tension.
52 Voir dans le chapitre iii, le point « Le travail ».
53 Goffman E., « La folie dans la place », La mise en scène de la vie quotidienne, t. 2 : Les relations en public, op. cit., p. 323-324.
54 Simmel G., « Le conflit », op. cit., p. 281.
55 Expressions de Ragouet P., « Usages probatoire et exploratoire de l’entretien unique », Sociologie et sociétés, vol. XXXII, 1, p. 186.
56 Pseudonyme.
57 Âge qu’elle avait lorsque son père eut un grave accident. Il en sortit après un coma profond d’une quarantaine de jours avec d’importantes lésions cérébrales. La vie familiale fut bouleversée.
58 Isolde raconte, à un moment de son récit, l’hospitalisation de sa sœur benjamine, pour anorexie mentale.
59 « Mon quotidien était lourd entre mes études, je bossais tout le temps tout le temps, je bossais les week-ends, les vacances, etc. Pour payer mon loyer, donc je n’avais pas beaucoup de temps, je n’avais pas beaucoup d’énergie, et puis je ne savais pas bien faire, je… Et quelque part j’avais rompu, à chaque fois, j’avais pris mes distances, c’était une protection. Je le portais dans mon cœur mais je l’avais, mais je l’avais… Quand on ne pouvait plus rien quand c’était trop dur, et donc j’avais déjà commencé le deuil dans le sens où je ne pouvais plus rien pour lui dans sa vie. Sa place était dans mon cœur. Je savais que je l’aimais, c’était l’essentiel, c’est l’essentiel. Mais par contre je m’en voulais parce que je me rendais compte que d’autres gens y arrivaient. Mes deux sœurs y arrivaient, ma mère y arrivait. Mes deux sœurs y arrivaient. Par exemple, ses dernières vacances, je ne sais pas si c’était cet été-là ou l’été d’avant. Il fallait être avec lui tout le temps, il n’avait plus d’autonomie, la bouffe machin, enfin tout. Et mes sœurs, elles s’étaient colletées ça. Moi, je me suis colletée d’autres choses mais, comme elles sont un peu dures et pas très lucides, et qu’elles vivaient leurs propres trucs, elles me le renvoyaient que moi je n’étais pas là, que moi je ne l’aimais pas. Et ça, c’était très dur. Très injuste et très dur. Et puis de toute façon injuste au sens où elles n’ont pas à juger et cela ne voulait pas dire que je l’aimais moins qu’elles. » (Isolde, 37 ans.)
60 L’expression d’« épreuves normatives » est de Joseph I., Ervin Goffman et la microsociologie, Paris, PUF, coll. « Philosophies », 1998, p. 73.
61 On peut émettre l’hypothèse que la « variabilité des attentes » s’oppose également à l’existence d’une « forme » unique de socialisation du deuil mais qu’elle ne s’oppose pas pour autant à un « besoin de continuité ».
62 Parsons T., The Social System, op. cit., p. 252-253.
63 Parsons T., op. cit., p. 275.
64 Ibid., p. 273-276.
65 Simmel G., « Le secret et la société secrète », in Simmel G., Sociologie…, op. cit., p. 351-368.
66 Joas H., La créativité de l’agir, op. cit., p. 156.
67 Voir dans le chapitre iii, le point « Le travail ».
68 La perspective interactionniste d’E. Goffman est développée dans le chapitre v.
69 Les aspects émotionnels et psychologiques ne peuvent pas être niés dans le deuil.
70 On peut émettre l’hypothèse d’une concordance entre ces trois types de tension (structurelle, intra-individuelle, interindividuelle) et les trois types de « contrôles sociaux » différenciés par E. Goffman dans « La folie dans la place », à savoir : formel, personnel, informel ? Autrement dit : les différents types de tension ne sont-ils pas régulés au niveau des différents types de « contrôles sociaux » ? Goffman E., La mise en scène de la vie quotidienne, t. 2 : Les relations en public, op. cit., p. 324.
71 La relation psychothérapeutique, les groupes de parole entre pairs dans le cadre d’associations sur le deuil, les groupes d’entraide, etc., peuvent être considérés, en ce sens, comme des « institutions » que la société d’aujourd’hui fournit à ses membres pour la « socialisation du deuil ».
72 Parsons T., The Social System, op. cit., p. 303. Voir, dans ce livre, p. 51 et suivantes, ce que recouvre la notion d’isolement.
73 Simmel G., «La sociabilité, exemple de sociologie pure ou formale», in Sociologie et épistémologie, Paris PUF, 1981.