La dimension résidentielle des parcours sociaux
p. 111-112
Texte intégral
1Après la dimension temporelle des parcours sociaux, c’est leur dimensionprès résidentielle qui se trouve placée au cœur de cette deuxième partie. Les chapitres qui la composent mettent l’accent sur les facteurs qui façonnent les comportements résidentiels : les politiques publiques, le travail, l’évolution de la structure familiale, les cursus de formation et d’insertion professionnelle ou encore les stratégies patrimoniales. Soulignons que les contributions réunies dans cette partie proviennent majoritairement de chercheurs en géographie, discipline qui, de longue date, a réfléchi aux enjeux individuels et collectifs des mobilités territoriales, ce qui témoigne de l’intérêt de porter un regard pluridisciplinaire sur les parcours sociaux (cf. la préface de Raymonde Séchet).
2Le premier chapitre est consacré à l’analyse du corpus des mesures législatives de sécurisation ou d’autonomisation d’accès au logement adoptées, depuis les années 1950, par les pouvoirs publics. Dans ce texte, Lucie Bonnet met en évidence l’évolution du cadre normatif qui balise les modalités d’accès au logement et structure la manière dont les mobilités sociales trouvent leur traduction spatiale. Plus précisément, elle dégage plusieurs « figures de mobilité » construites par les politiques publiques. L’auteure montre ainsi que, selon les périodes, les législateurs successifs privilégient des modes d’accès différents au logement (pavillonnaire/individuel, social/collectif, urbain/périurbain…).
3Dans un contexte périurbain, celui de la région Pays-de-la-Loire, étudié par Rodolphe Dodier, apparaissent alors des stratégies de parcours résidentiels qui s’élaborent en fonction de l’expérience, de la connaissance et de la lecture du terrain (compétence), des contraintes imposées par les pouvoirs publics et par le maillage du territoire. La contribution de cet auteur montre bien la pluralité des registres que les individus mobilisent pour justifier leur décision de mobilité résidentielle vers le périurbain : désir d’« être propriétaire » et d’« habiter en maison individuelle » ; recherche d’aménités environnementales ; « bonne distance » par rapport aux lieux de travail des conjoints ; proximité de la famille et des services urbains. Et elle éclaire de quelle façon les parcours résidentiels naissent de l’articulation des volontés individuelles et des diverses contraintes avec lesquelles ces volontés doivent composer, contraintes qui tiennent à la fois aux ressources financières des ménages, au fonctionnement des marchés fonciers et immobiliers et à l’existence de modèles résidentiels variables suivant les milieux sociaux.
4Dans les parcours de vie des mères seules, l’entrée en situation monoparentale constitue une véritable bifurcation, qui accentue encore les inégalités observées entre les hommes et les femmes. Le chapitre proposé par Frédéric Leray sur les parcours résidentiels de ces mères montre bien qu’ils sont marqués par une « régression résidentielle » soudaine ou, pour le dire autrement, par le déclin de leurs conditions de logement : changement de statut d’occupation ; abandon de l’habitat individuel ; diminution de la taille des logements. L’entrée en situation monoparentale rétrécit en effet considérablement « le champ des possibles » en raison des nouvelles contraintes qui pèsent sur les mères seules : contraintes de nature financière (baisse des revenus au moment de la séparation), familiales (qui tiennent au souci de proximité ou, à l’inverse, d’éloignement résidentiel avec l’ancien conjoint et avec sa propre famille), temporelle (puisque c’est dans l’urgence que ces femmes doivent trouver un nouveau logement), mais aussi contraintes « externes », provenant des caractéristiques du marché du logement (montant élevé des loyers, faible taux de rotation du logement social). Aussi ces femmes doivent-elles développer des stratégies – ou des « tactiques » – résidentielles dans un « champ des possibles » souvent limité.
5Avec la contribution de Myriam Baron, nous passons à la question des mobilités résidentielles des étudiants. En étroite relation avec leurs motivations d’ordre économique et professionnelle, les mobilités résidentielles des étudiants sont fortement contraintes par l’implantation géographique de la famille, par sa position sociale, par la nature des offres de formation des établissements de proximité, autant d’éléments qui génèrent des parcours différenciés. Contrairement à ce que l’on peut penser, la mobilité géographique des étudiants au cours de leur formation paraît relativement faible (6 à 8 %). Un maillage plus serré du territoire par les établissements de l’enseignement supérieur a favorisé une sédentarisation des nouveaux étudiants. Cette faible mobilité au cours du cursus universitaire doit être comparée à la mobilité, deux fois plus forte, des bacheliers qui changent de région à la sortie de l’enseignement secondaire et à celle, encore plus forte, qui caractérise l’accès au marché du travail. Il faut cependant souligner que les mobilités résidentielles des étudiants augmentent au fur et à mesure de leur progression dans les études : elle est plus élevée lors de l’entrée en deuxième cycle et, encore plus, lors de l’entrée en troisième cycle, en lien avec l’offre de formation.
6Enfin, à la fin de cette deuxième partie, Thomas Pfirsch propose une analyse des parcours résidentiels individuels de la bourgeoisie napolitaine qui, à l’échelle intergénérationnelle (temps sociaux longs), a réussi à concilier, grâce à la cohésion des réseaux familiaux, une forte mobilité internationale et un fort ancrage local. Cette situation apparemment paradoxale se décline en trois types de mobilité : un départ définitif qui n’empêche pas de revenir régulièrement dans les demeures familiales lors des grandes occasions (fêtes, mariages, etc.) ; un départ visant à éviter une situation de déclassement, suivi d’un retour qui sert de tremplin pour restaurer ou consolider sa position sociale ; une circulation résidentielle locale, au sein des quartiers « huppés » de Naples, rendue possible par les biens immobiliers possédés par la famille.
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