Chapitre VI. Racisme ordinaire et affirmation de l’« arabitude »
p. 109-120
Texte intégral
« Je considère que j’ai de la culture arabe ; mon sang, c’est ma culture. »
1Née au Havre en 1954, mariée, mère de deux enfants, Dalila travaille dans sa ville de naissance dans le secteur social et associatif1. Dalila est issue d’un « couple mixte », d’une mère française originaire de Bretagne, et d’un père algérien. Ses parents se sont rencontrés au Havre. Venant d’un milieu catholique de marins-pêcheurs des Côtes-d’Armor, la mère de Dalila a été élevée, après la mort de ses parents, par sa tante qui vivait au Havre. Né en 1911 en Algérie française (à 100 kilomètres d’Alger, à la frontière de la Kabylie), le père de Dalila a migré en France, à l’âge de 20 ans, pour s’engager dans les bataillons coloniaux.
2Les raisons de l’exil paternel (1931) rapportées par notre narratrice sont liées à des conflits de succession intra-clanique :
« Mon père est issu d’un milieu de propriétaires terriens, assez riches, avec beaucoup de terres. Comme il est devenu orphelin à l’âge de 6 ans, mon père a été spolié par le reste de la famille ; les choses ont été faites derrière son dos. Mais le manque d’argent n’a pas été sa seule motivation pour s’exiler : il avait le désir de s’éloigner de ce contexte familial très pesant pour lui. Quand on parle de l’Algérie aujourd’hui, on pense à la solidarité familiale. Mais quand les parents ont disparu, les enfants n’existent plus : mon père est donc devenu un travailleur comme les autres, de la main-d’œuvre. Donc, sa seule chance de survie a été l’armée. Il avait rencontré en Algérie des Français qui avaient été très sympathiques avec lui et lui avaient conseillé de venir en France. Pour beaucoup d’Algériens à l’époque, la France était considérée comme une sorte d’Eldorado2. »
3En raison de l’amertume et du ressentiment à l’égard de sa famille, le père de Dalila envisage son déracinement à la fois familial et culturel comme définitif. Point de fantasme de retour3, selon le récit de Dalila, chez celui qui se coupe partiellement des attaches de son pays d’enfance, chez celui qui fait de la France sa terre d’exil et d’élection, et de l’armée sa structure d’intégration professionnelle. Intégration dont la fille, plus que l’intéressé lui-même, montre les sérieuses limites :
« Il était engagé militaire, dans l’infanterie ; il ne savait ni lire ni écrire alors qu’il est resté tout ce temps dans l’armée ; ça me révolte aujourd’hui que l’armée française n’ait pas mis à la disposition de ces soldats de quoi les alphabétiser. Les soldats issus des colonies étaient mal considérés, ils défendaient la France, mais avaient un statut différent, étaient logés dans des baraquements spéciaux, n’avaient pas la même solde ; ils restaient des indigènes. Mais mon père ne montrait pas vraiment de ressentiment, car pour lui c’était normal, il me disait : “C’est comme ça, ma fille.” Les Algériens n’étaient pas rebelles, sans être soumis pour autant. »
4L’union entre le père et la mère est décrite par notre narratrice comme une rencontre heureuse de deux enfances originairement malheureuses (orphelins des deux côtés) et de deux parcours d’exilés ; l’exilé algérien et l’exilée bretonne confrontés aux stigmates et aux préjugés de leur temps :
« Quand ma mère est arrivée au Havre, elle s’est heurtée aux difficultés d’intégration. Les Bretonnes étaient considérées comme des paysannes, des ploucs ; le regard n’était pas tendre à leur égard. Combien de Bretonnes ont cherché à dissimuler leur accent4 ? »
5Avant même que la famille de Dalila soit confrontée à la guerre d’Algérie au Havre, il y a donc déjà toute une série d’histoires douloureuses qui ont affecté chacune des lignées. Outre la perte de ses parents, l’expérience de la spoliation familiale, et de l’exil, le père a été durablement marqué par l’expérience de la Seconde Guerre mondiale (prisonnier pendant 5 ans en Allemagne), expérience dont il n’a parlé à ses enfants qu’à la toute fin de sa vie, alors âgé de 82 ans. En raison de son âge, Dalila a très peu de souvenirs d’enfance de situations vécues (mémoire autobiographique) liées à la guerre d’Algérie. L’essentiel tient dans la mémoire historico-sémantique dominée par la transmission maternelle : « Les événements de la guerre d’Algérie, je les ai vécus surtout avec les mots de ma mère. » C’est le mutisme qui règne d’une façon générale du côté paternel pour relater son vécu de la guerre, sauf au crépuscule de son existence : « Comme tous les hommes qui ont vécu des choses très douloureuses, le jour où ils en parlent, c’est très peu de temps avant leur mort. » En raison de son âge et de sa position familiale, le père de Dalila ne s’est engagé militairement ni d’un côté, ni de l’autre, mais il a clairement choisi sa cause et son camp : l’Algérie française. Dalila explique ce choix par la fidélité de son père envers son pays d’adoption. Pourtant, jamais il ne s’est considéré comme proche des harkis : « J’en avais parlé à mon père qui m’a répondu qu’il n’était pas harki ; c’est surprenant, car il était favorable à l’Algérie française. Mais d’un autre côté, il n’était pas d’accord avec la position des harkis. » Le refus de s’engager pour l’indépendance algérienne en France métropolitaine ne tarde pas à se savoir et lui vaut un rejet de la part de la communauté arabe du Havre :
« Il était rejeté mais, en même temps, il était contraint et forcé de payer l’impôt révolutionnaire. À plusieurs reprises, il a été menacé, menacé de mort. À plusieurs reprises, on est venu le chercher à la maison, prétextant qu’il y avait une fête ou ceci ou cela. Une fois, il a été emmené dans un trou de bombes dans la forêt de Montgeon5 pour qu’on l’élimine ; une autre fois, il s’est retrouvé dans les caves à Sanvic6 entouré par des Arabes qui le menaçaient. En même temps, il a toujours eu beaucoup de chance et a fait preuve de courage et de détermination ; ce qui a sauvé mon père, c’est qu’il n’avait pas peur ; les Arabes algériens avaient également peur de lui. En même temps, ils voulaient se servir de lui car à l’époque, après l’armée, il travaillait dans une grosse usine pétrochimique du Havre. Ils voulaient approcher mon père pour qu’il fasse des attentats dans cette usine. Mais il s’est toujours refusé à le faire. D’où ces menaces de mort. »
6Le père de Dalila maintient ses convictions favorables à l’Algérie française, sans agir cependant en faveur des autorités françaises de l’époque, à la fois pendant la guerre et après l’indépendance de l’Algérie. Il s’ensuit des pratiques d’intimidation à son encontre :
« Ma mère me racontait que le jour de l’indépendance, les membres du FLN sont passés devant chez nous et ont dit à mon père : “C’est la fête aujourd’hui, tu viens faire la fête avec nous”, et mon père leur a répondu : “Non, moi, je reste avec ma famille.” »
7Les raisons qui expliquent les convictions du père de Dalila ne se réduisent pas à une dette à l’égard de son pays d’adoption. Il faut y ajouter de vives inquiétudes politiques et sociales à l’égard du devenir de l’Algérie, des incertitudes qui pèsent sur l’avenir du pays, après une indépendance jugée en trompe-l’œil :
« Pour mon père, l’indépendance n’était pas une fête. Il se disait : “Si les Français ne sont plus là-bas, qu’est-ce que l’on va devenir nous les Algériens ?” Il se disait qu’avec l’indépendance, l’Algérie allait se tourner vers les Soviétiques, car ce sont eux qui fournissent les armes. Pour mon père, l’aide des Russes, c’était la perte de son pays d’origine ; l’Algérie faisait le mauvais choix […]. Quand il est retourné en Algérie en 1989 pour revoir sa famille, son sentiment s’est confirmé : l’Algérie était plus pauvre que lorsqu’il l’avait quittée. »
8C’est toute la famille de Dalila qui, d’une manière ou d’une autre, subit les troubles de la guerre d’Algérie en Métropole : la peur prédomine dans les souvenirs maternels de cette période :
« Comme mon père, ma mère devait payer l’impôt révolutionnaire. Mais ma mère s’est rebellée, leur a dit qu’elle n’était pas une femme algérienne, qu’elle ne voulait plus payer l’impôt révolutionnaire. Le FLN venait tous les mois collecter l’argent ; ils étaient odieux. Ils profitaient que papa soit au travail : ils rentraient à la maison sans frapper, me racontait ma mère. Ces méthodes effrayaient ma mère ; mes parents ont été remarquables, alors qu’ils étaient sous surveillance continuelle ; ils étaient forts tous les deux […]. À l’époque, dans le quartier du Rond-Point au Havre, il y avait de grands marchés, avec plein d’Arabes, du couscous, des épices, où ma mère allait faire ses courses ; à plusieurs reprises, elle s’est fait suivre. Elle devait à chaque fois passer son chemin. Je vous dis cela avec les mots de ma maman, moi, je n’ai pas de souvenirs. »
9Il y a tout de même quelques rares souvenirs autobiographiques de cette période, à l’époque où Dalila était une jeune enfant : « Je me souviens, quand j’étais petite, on n’avait pas le droit de jouer dehors ; mes parents craignaient toujours pour notre vie. »
10Si la guerre d’Algérie est un événement biographique, qui s’ajoute aux précédents drames des deux lignées, dans l’histoire familiale de Dalila, ce sont surtout les effets ultérieurs de la guerre sur sa socialisation future qui tiennent lieu ici d’événement biographique directement vécu. C’est à l’école que notre narratrice subit les premiers effets stigmatisants à l’encontre de son origine arabe algérienne :
« À l’école, au Havre, à l’époque, beaucoup d’instituteurs et de professeurs venaient d’Algérie. Or, après l’indépendance, ces pieds-noirs avaient un ressenti terrible à l’égard des Arabes ; donc, ils nous mettaient au fond de la classe, nous humiliaient parfois, ou nous oubliaient. Nous nous sentions différents des autres. À l’époque, on mangeait à la cantine, et moi je ne mangeais pas de porc car mon père était musulman ; on nous faisait des remarques, des réflexions désagréables […]. Mon père m’a dit qu’il avait pris la nationalité française pour nous protéger, mais je lui ai dit que cela ne nous avait protégés de rien, que cela n’avait servi à rien et cela ne nous servirait à rien. Arabe on est, Arabe on restera aux yeux de la société française. »
11Dalila subit donc un double rejet et une double stigmatisation. Au nom des convictions politiques de son père, elle subit l’anathème de la communauté algérienne du Havre, montrée du doigt comme fille de traître. Parce qu’elle est la fille d’un Arabe algérien, elle est rejetée par une partie de la société française, pour des raisons à la fois politiques (l’Arabe algérien comme symbole de la perte de l’Algérie française, de l’ennemi politique) et clairement racistes. Au cours de notre entretien, Dalila ne cesse de faire part du racisme ordinaire dont elle a été victime depuis son enfance :
« Il suffit dans notre société d’avoir un peu les cheveux frisés et la peau un peu mate, pour ne pas être considéré comme Français. Vous savez que je suis Française depuis peu de temps finalement, ou alors une Arabe pas comme les autres. Mais aujourd’hui, à travers mon statut social, on me voit plus du côté des Antilles ; c’est plus sympa, le sable, les cocotiers ; avant c’était plus “la bougnoule”. »
12Le racisme anti-arabe, radicalisé après la guerre d’Algérie, est intériorisé par la mère de Dalila qui multiplie les précautions pour protéger ses enfants contre une société pensée comme menaçante. Tandis que, pendant la guerre d’Algérie, les dispositifs de protection familiale ont été construits tendanciellement contre les actions menées par la « communauté » algérienne du Havre acquise au FLN, après la guerre, les dispositifs de protection sont tournés davantage contre la société française, à travers notamment les agents de l’État (enseignants, forces de l’ordre…) :
« Ma mère craignait pour nous qui étions de couleur, surtout après la guerre. Elle nous disait toujours : “S’il arrive quelque chose, n’oubliez pas que vous êtes Arabes ; si vous faites des bêtises, c’est vous qui prendrez” ; on savait que quand un Arabe était arrêté, il était plus passé à tabac que les autres, même pour des broutilles. On vivait dans cette peur : “Ne bougez pas, ne faites pas de bêtises, vous êtes Arabes” ; on a été élevé comme ça. Eh bien moi, après, je ne savais qui j’étais. Je suis Arabe, je suis Française. Suis-je chrétienne, musulmane ? Mon père ne comprenait pas tout ça. »
13Son ascension sociale, son accès à des positions de responsabilité dans le milieu socio-associatif havrais, son mariage avec un Normand, son appartenance à la moyenne bourgeoisie du Havre sont autant de facteurs sociaux qui ont permis de neutraliser partiellement chez Dalila l’image sociale et raciale de la Maghrébine ou de l’Arabe que l’on n’a cessé de lui renvoyer. Tout se passe comme si l’élévation dans la hiérarchie sociale rendait moins visible sa couleur de peau aux yeux des autres :
« Le statut social transforme les choses ; c’est fou ce que cela transforme les choses ; je travaille dans le secteur associatif depuis de nombreuses années ; je pense même que certains pour cette raison de statut me considèrent comme blanche. »
14La neutralisation d’une représentation raciale, en raison de l’appartenance à une position sociale plus élevée, demeure somme toute relative dans le cas de Dalila. Il ne manque jamais de milieux sociaux qui cherchent à rendre visible sa « différence raciale » ou culturelle7. C’est au sein de sa belle-famille que le renvoi stigmatisant de sa « différence raciale » est le plus durement ressenti. Jusqu’à récemment, Dalila ne s’expliquait pas les conflits récurrents qu’elle avait avec sa belle-mère, les raisons de l’inimitié que celle-ci lui portait :
« J’ai compris depuis peu. C’est mon fils, Yann, qui l’a appris quand il avait 16-17 ans. Il m’a dit : “Mamie est raciste, c’est pour cela qu’elle ne t’aime pas.” Ma fille également me l’a appris, quand elle avait 8 ans. Un jour, sa grand-mère a vu de la javel sur ses gants et elle est allée voir son époux en lui disant : “Dalila met de la javel sur les gants de sa fille, même elle doit savoir que les Arabes sentent mauvais.” Cette histoire m’a bouleversée, ma fille a ri quand elle m’a raconté cette histoire. Moi, je n’ai rien dit. Une autre fois, au cours d’un dîner, ma belle-mère m’a dit : “Vous ne serez jamais comme nous.” Mon mari s’est énervé et s’est élevé contre sa mère. »
15À d’autres occasions, ce sont des réflexions, émanant de réseaux amicaux, qui ne se veulent intentionnellement ni blessantes ni offensantes à son encontre mais qui témoignent de préjugés dissimulés à l’encontre de « Français(es) issu(e) s de l’immigration ». Tout se passe comme si la visibilité sociale de la « différence raciale » ou culturelle rendait impossible l’identification sociale à l’identité française, comme si le fait d’être né en France ne suffisait pas à attester l’appartenance pleine et entière à la société française. C’est en ce sens que l’on pose la question de l’intégration à des individus qui sont nés et qui ont vécu toute leur existence en France : ils continuent d’être perçus et discriminés socialement comme des immigrés et doivent sans cesse pouvoir prouver aux autres leur « bonne intégration » :
« Moi, je n’arrive pas à savoir que je suis Française, je n’ai jamais été considérée comme telle. Lors d’un dîner avec des amis, alors que l’on débattait autour de l’immigration, un ami me dit : “Oh, Dali, c’est incroyable comme tu t’es bien intégrée.” Je suis née au Havre, et on parle d’intégration à des gens qui sont nés ici ; on nous considère comme des intégrés ; vous l’entendez partout. »
16Les conflits d’identification, que Dalila vit de manière encore douloureuse, se posent à la fois à l’intérieur de sa famille d’origine et à l’extérieur, dans les autres institutions sociales. D’un côté, des univers de signification de la société lui renvoient (ou lui ont renvoyé) soit l’image négative d’un être défini par la filiation paternelle arabe ou maghrébine, soit l’image d’une « intégrée » dont l’origine arabe est neutralisée en raison de son statut social8. C’est donc tout un système de classifications et d’identifications sociales qui lui enjoint de se définir par rapport aux origines paternelles. Lorsqu’elle se trouve confrontée socialement à l’identification négative de l’Arabe, à l’instar de l’opération symbolique de la négritude (on pourrait parler ici d’arabitude ou de maghrébitude), elle renverse le stigmate en revendication positive : la différence stigmatisante est transformée en différence valorisante9. Il est remarquable que Dalila, au cours de notre entretien, parle rarement d’une origine algérienne, mais plus volontiers d’une origine arabe. Tout se passe comme si elle intériorisait le stigmate socialement dominant « Arabe » ou « Maghrébin » pour le métamorphoser en signe d’appartenance positive :
« Je ne veux plus me justifier en rougissant en disant mon nom de famille arabe. Je dis et j’affirme que je suis arabe. Parfois quand je dis à des gens que je suis d’origine arabe algérienne, certains me disent : “Oh, quel beau pays.” Je trouve ça lamentable, car les gens ne le pensent pas ; ces gens-là, quand j’étais petite, ils m’auraient insultée10. »
17La revendication positive d’une filiation arabe, et non simplement algérienne, ne revêt pas seulement une signification au regard de la stigmatisation coloniale, postcoloniale, ou raciale, mais joue également une fonction symbolique de distinction au sein des conflits identitaires intra-algériens11. En d’autres termes, se dire d’origine arabe ou arabe algérienne permet à Dalila de se démarquer clairement des Kabyles algériens :
« Mon père n’aimait pas les Kabyles. Les Arabes et les Kabyles ne s’aiment pas. Moi, j’ai été élevée sous le mode “Méfie-toi des Kabyles”. Il m’a toujours dit que les Kabyles sont des gens fourbes, méprisants, arrogants, qui n’ont pas d’éducation. Quand je faisais la connaissance d’Algériens, et quand ils me disaient qu’ils étaient Kabyles, au début, je mettais un mur de trois mètres. Après, j’ai pris du recul, j’ai voulu me faire ma propre opinion. Et en fait, je me suis rendu compte qu’il avait raison, mon père ne s’était pas trompé à propos des Kabyles. Mais c’est vrai que c’est une forme de racisme de ma part… [long silence]. En même temps, je me suis intéressée, j’ai beaucoup lu sur l’histoire de l’Algérie des origines à aujourd’hui, car mon père ne parlait pas beaucoup de l’Algérie ; il fallait que je sache, que j’apprenne qui j’étais ; d’un côté, je n’étais pas Française, de l’autre, je n’étais pas Algérienne. Au cours de ces recherches, je me suis rendue compte que les Kabyles étaient les premiers habitants de l’Algérie, et puis qu’ils ont toujours été de grands guerriers, toujours ils ont défendu leur terre. Je leur reconnais ce grand mérite et je trouve lamentable la manière dont le pouvoir algérien les a traités ces dernières années. »
18L’affirmation d’une filiation arabe permet à Dalila12, en outre, dans une perspective psychosociologique, de s’inscrire positivement dans la filiation paternelle. Dissimuler, renier l’imaginaire arabe pour se protéger par exemple des stigmatisations sociales pourrait se traduire pour Dalila sous la forme d’une « rupture généalogique », au sens de Vincent de Gaulejac, c’est-à-dire dans le fait de refuser sa filiation paternelle. Reconnaître en revanche cette filiation revient de fait pour elle à assumer l’héritage culturel dont le père est porteur. En même temps, elle ne peut pas revendiquer cette seule appartenance, pour autant qu’elle assume une filiation française ou bretonne. Les conflits d’identifications culturelles de Dalila se sont d’abord joués au sein de l’univers de significations familial, mais sans que cela prenne la forme d’un conflit interne, sous le mode d’une identité clivée, entre le projet maternel et le projet paternel. Bien que venant de deux univers culturels différents, notamment religieux, la lignée paternelle et la lignée maternelle ne sont pas entrées en conflit ouvert, même si la transmission de la culture émigrée du père est relativement ténue. C’est la culture maternelle qui a pris le pas, avec le consentement tacite du père. Dalila évoque certes la transmission culturelle de quelques chants, de la musique, ou de quelques traditions culinaires algériennes, mais ni la langue arabe, ni la religion musulmane ne constituent des héritages de la culture importée-transformée du père. Cette rupture relative de l’héritage arabo-algérien s’explique, selon notre narratrice, par le souci commun aux deux parents de protéger leurs enfants ; les protéger contre le racisme ordinaire signifiait choisir la « francisation » de l’éducation de leurs enfants : « Je regrette de n’avoir pas su parler l’arabe. Mais à l’époque en France, il fallait être et parler français. » L’impératif de l’intégration sociale des enfants, qui passe par la maîtrise de la langue dominante, explique également pourquoi la mère de Dalila ne lui a pas transmis en héritage la langue bretonne. Une autre raison qui justifie la non-transmission de la langue arabe du père à ses enfants est liée à un souci de cohésion familiale :
« Un jour, j’ai demandé à mon père pourquoi il ne nous avait pas appris l’arabe. Il m’a répondu : “Ta mère ne parlant pas l’arabe, je ne voulais pas que l’on mette des barrières entre elle et nous.” Quand on allait chez des amis arabes, plus d’origine marocaine qu’algérienne à cause de la guerre, et lorsque les hommes se mettaient à parler en arabe, mon père disait qu’il fallait parler en français, parce que son épouse ne comprenait pas. Il n’acceptait pas que l’on parle arabe devant ma mère. »
19Si le père de Dalila pratiquait l’islam, en observant notamment le ramadan, les enfants ont reçu l’éducation catholique de leur mère, avec toutefois un compromis sur la viande de porc :
« J’allais à l’église, j’étais attirée par la foi, j’avais un petit côté bonne sœur étant petite, mais on ne mangeait pas de porc. C’est un peu le paradoxe du mariage mixte. Ma mère nous a déjà acheté en cachette plus tard de la charcuterie, mais il ne fallait pas le dire à papa ; en même temps, elle estimait que le porc n’était pas de la bonne nourriture, alors même qu’elle était bretonne ! »
20Si le nom et le prénom de naissance de Dalila (ainsi que ceux de ses frères et sœurs) ont une consonance arabe, l’éducation catholique leur a donné en outre un prénom chrétien. Alors que la plupart de ses frères et sœurs, en raison des stigmates sociaux anti-arabes, ont décidé de prendre finalement leur nom de baptême à l’âge adulte, Dalila a maintenu, en dépit de son attachement à la foi catholique, son prénom de naissance, pour contourner peut-être le piège généalogique de l’identité clivée :
« Nous, on a été baptisés catho, ma mère étant catho ; j’avais des parents très ouverts : il n’y a qu’un seul Dieu, c’est le même pour chacun. Même si mon père était musulman, il était d’une très grande tolérance vis-à-vis des religions et n’était pas d’accord avec toutes les pratiques de l’islam. Par exemple, il n’était pas concevable pour lui que ce soit lui qui choisisse nos futurs époux. Il était contre les mariages forcés […]. Nous avons des prénoms de naissance arabes, et en plus on a des prénoms de baptême chrétiens. Trois de mes frères ont souhaité reprendre leur prénom de baptême, car cela leur posait trop de difficultés, notamment professionnelles. C’est le cas de mon frère Ali qui a fait des études d’infirmier et qui a voulu s’installer à son compte comme acupuncteur. Ali, cela ne passait pas très bien comme prénom, il a donc pris son prénom de baptême. »
21L’autoreprésentation de Dalila comme Arabe algérienne correspond moins à une pratique incarnée, faute d’une transmission paternelle, qu’à un fantasme d’identification d’origine. Parce qu’elle ne vit pas (ou presque pas) au quotidien la culture importée de son père, elle se raccroche à des marqueurs d’identification où l’investissement symbolique de l’origine prend le pas sur les pratiques effectives. D’où l’opération de naturalisation, voire de biologisation, de ses origines : « Je considère que j’ai de la culture arabe ; mon sang, c’est ma culture. » « Le sang arabe qui coule dans (ses) veines », l’attachement au nom arabe de son père, le choix de conserver son prénom de naissance (arabe) et non le prénom de baptême sont autant de déterminants qui sont appréhendés comme objectifs, « naturels » par Dalila. Il s’agit de marqueurs d’identification, vécus comme naturalisés, destinés à combler le déficit de transmission de la culture proprement arabe de son père.
22À ce travail de construction et d’interprétation de soi, il faut ajouter un investissement dans les livres d’histoire et les documentaires sur l’Algérie pour pallier ce même déficit d’héritage : « J’ai beaucoup lu sur l’histoire de l’Algérie. Mon père m’en parlait peu. » Ces lectures ne font qu’attiser son ressentiment – quitte à être en porte-à-faux à l’égard du discours paternel – au sujet de la colonisation, de la guerre d’Algérie, et des politiques menées à l’égard des immigrés :
« Je trouve lamentables les films que l’on propose aujourd’hui sur la guerre d’Algérie : des reportages de pieds-noirs en vacances ; on a l’impression que cela n’a pas été très grave […]. Je trouve scandaleuse la colonisation ; ce qui me gêne, c’est que ce qui est blanc est parfait, comme si on était toujours inférieur ; les Arabes sont considérés comme des sous-hommes ; donc, il était légitime qu’ils accèdent à leur indépendance. On leur a spolié leurs terres, on ne leur a rien appris, on leur a tout pris […]. Aujourd’hui, j’ai toujours un ressenti à l’égard de l’État et de la société française ; j’en veux à l’État et à l’administration, d’avoir fait venir des harkis, de les avoir laissés dans les bidonvilles. Je leur en veux pour le statut des anciens combattants qui ont une pension plus faible que les autres. Mon père serait opposé à ce que je dis là ; il n’aurait pas compris que beaucoup d’Arabes se revendiquent comme tels en France. C’était lié pour lui au Coran qui nous oblige à nous adapter dans le pays qui nous accueille. »
23Cette construction de soi ne relève pas d’un simple arbitraire subjectif ou d’une simple curiosité intellectuelle pour ses origines, mais vise à répondre à trois défis d’identification. D’une part, en revendiquant son appartenance à l’identité arabe, il s’agit pour Dalila d’assumer l’impératif généalogique paternel. S’inscrire dans cet ordre généalogique, en dépit de la fragilité même de la transmission de la culture importée du père, implique également pour Dalila de transmettre une « arabité », aussi ténue soit-elle, à ses propres enfants :
« Ma fille Morgane a un palais oriental ; elle se sent bien dans le Maghreb ; j’ai appris à mes enfants à se sentir un peu arabe quelque part ; moins avec mon fils, on n’en parle jamais. »
24D’autre part, la construction d’une identité arabe positive et assumée, quoique fantasmée, contribue à surmonter l’injonction parentale, et plus encore maternelle, sous un mode proche du double bind : d’un côté, la sentence « vous êtes et vous resterez des Arabes », de l’autre, l’éducation francisée qui gomme en grande partie la transmission de la culture arabe paternelle. Comment être et demeurer arabe algérien en l’absence même d’un héritage de cette culture ? C’est sous l’angle d’une volonté de surmonter cette difficulté que l’on peut interpréter le travail de Dalila consistant à naturaliser la transmission (« le sang ») de son identité arabe.
25Enfin, cette construction identitaire peut être interprétée comme une réponse au système de classification, de visions et de divisions sociales de l’Arabe algérien, de l’immigré, de l’enfant d’immigré, de l’intégré dans la société française. Plutôt que de chercher à dissimuler son origine arabe algérienne face à des stigmates sociaux anti-arabes, Dalila, au titre d’une opération similaire à la négritude, renverse cette stigmatisation en affirmation positive (« Je suis arabe, et fière de l’être ») qui atteste en même temps l’impératif généalogique (« Je demeure la fille de mon père »).
26Il reste à évoquer un quatrième dispositif d’interprétation et de construction de soi lié directement aux secteurs professionnels dans lesquels Dalila a exercé. Parce qu’elle juge que la société française – et singulièrement le monde enseignant pied-noir au Havre, dans le contexte d’après-guerre – a failli dans sa tâche d’éducation et d’intégration, a contribué à stigmatiser son origine arabe et à blesser sa construction identitaire d’enfant et d’adolescente, elle a consacré ses multiples activités professionnelles au monde de l’enfance immigrée au Havre, notamment comme présidente du Centre du volontariat du Havre, association qui s’occupe des nouveaux migrants. Tout se passe comme si en travaillant (au sens professionnel) sur l’intégration de l’enfance immigrée des autres, elle travaillait (au sens quasi psychanalytique) sur la mémoire de sa propre enfance de fille d’immigré algérien (au nom également de la mémoire de son père, analphabète) :
« J’ai beaucoup fait d’alphabétisation au Havre, j’ai fait également de l’accueil des familles à la Maison d’arrêt du Havre […]. Je défends toujours la cause des minorités, surtout dans l’enfance […]. À mon époque, quand on était arabe avec un instituteur pied-noir, c’était terrible au Havre. Mon frère, notamment, a été brisé psychologiquement par son maître d’école. »
Notes de bas de page
1 Je suis parvenu à contacter Dalila par l’intermédiaire de deux tiers (une surveillante de lycée et le fils de l’intéressée). L’entretien, qu’elle a accepté sans hésiter, s’est réalisé à son domicile. Je souhaitais initialement faire un entretien avec cette surveillante d’externat qui a décliné la proposition, au motif qu’elle ne connaissait rien de l’histoire de ses parents.
2 Les raisons de l’émigration du père de Dalila en France sont proches de celles que l’on rencontre chez le père de Louis. Si, au cours des années 1930, c’est encore « le premier âge » de l’émigration algérienne en France qui prédomine largement, ce n’est pas le cas toutefois du père de Dalila qui correspond davantage au « deuxième âge ». Il s’agit d’une émigration plus « individualiste » qui échappe peu à peu au contrôle de la communauté paysanne d’origine et peut parfois se construire contre l’emprise de celle-ci.
3 En dépit de son déracinement familial originaire, le père de Dalila, au crépuscule de sa vie, retourne en Algérie en 1989, accompagné de l’une de ses filles : « Il a été très bien accueilli par sa famille là-bas. Mais lorsqu’il a discuté avec des membres de sa famille, il a senti que quelques-uns étaient liés au FIS. Ma sœur, elle, a été très déçue par ce voyage, elle me disait que l’on n’avait rien à faire avec ces gens-là. » Une seconde fois, en 1990, il revient dans son village natal accompagné de son épouse : « Ils ont reçu également un très bon accueil. Au début, ma mère pouvait se promener seule dans le village sans problème, sans être voilée, et habillée à l’européenne. Puis on lui a interdit progressivement ces balades en solitaire, elle s’est mise à porter une djellaba. Le FIS était très bien implanté là-bas. »
4 Une partie importante (difficilement quantifiable toutefois) de la population havraise a des origines bretonnes plus ou moins lointaines, suite à plusieurs vagues d’exil qui se sont produites du XVIe siècle au XXe siècle (les Bretons étaient employés dans certains des métiers les plus pénibles de chacune des époques : assèchement des marais du Havre, à la construction des lignes ferroviaires, matelots dans la marine marchande, employés dans la compagnie transatlantique, employés dans les métiers à risques comme scaphandriers…). Les Havrais d’origine bretonne, souvent stigmatisés, en raison de leur origine et de leurs professions, ont été pendant longtemps rassemblés dans des quartiers (surtout le quartier Saint-François) réputés malfamés à l’époque (pauvreté, délinquance…) où ils recréaient un mode de vie (alimentaire, festif, musical…) proche de celui de leur Bretagne natale (les noms de cafés ou de bistrots portaient très souvent des noms de villages en Bretagne).
5 Forêt qui se situe au Havre.
6 Quartier qui se situe dans la ville-haute du Havre.
7 Ce que ressent Dalila s’inscrit dans une tendance lourde qui affecte les immigrés et leurs descendants : « En changeant de pays, un individu est, aux yeux des habitants de la nouvelle société, moins défini par son origine sociale qu’identifié à son origine ethnique. » (Attias-Donfut C. et Wolff F.-C., Le destin des enfants d’immigrés…, op. cit., p. 43.)
8 À ce titre, on peut parler de réification d’identité ou de rôle, au sens de Berger et Luckmann (La construction sociale de la réalité, op. cit., p. 101 et suiv.), lorsqu’un individu, quelles que soient les positions et les situations qu’il occupe dans le monde social, est systématiquement perçu et objectivé selon les mêmes schèmes sociaux ou raciaux (l’Immigré, le Noir, l’Ouvrier…).
9 Le néologisme arabitude, qui est de notre fait, fait référence à la notion de négritude développée notamment par A. Césaire et L. Senghor dans les années 1930. Cette attitude sur le mode césairien relève d’une position qu’Edward Saïd, assimile, de manière critique, à l’indigénisme. En cherchant à s’opposer à l’impérialisme culturel dominant et stigmatisant, l’indigénisme reste encore prisonnier de ses catégories, de son système de visions et de divisions des races et des peuples hérité du colonialisme. Il s’agit d’essentialiser un stigmate transformé en icône identitaire : « Accepter l’indigénisme, c’est accepter les conséquences de l’impérialisme, les divisions raciales, religieuses, politiques imposées par l’impérialisme lui-même. Laisser le monde historique à des essences métaphysiques comme la négritude, l’irlandité, l’islam ou le catholicisme, c’est abandonner l’histoire pour des essentialisations qui ont le pouvoir de tourner les êtres les uns contre les autres. » (Saïd E., Culture et impéralisme, Paris, Fayard, 2000, p. 325.) On peut objecter cependant à cette analyse qu’il peut exister également un usage stratégique de l’essentialisation. Dès lors que des groupes minoritaires sont assignés à une essence, et soumis à la double contrainte du déni ou du retournement du stigmate, on peut interpréter ces « stratégies d’auto-indigénisation » comme une lutte contre les systèmes de classification et d’identification des groupes dominants. Cette objection m’a été suggérée par Olivier Roueff.
10 Pour reprendre les concepts de M. Pollak (op. cit., p. 276), il s’agit pour Dalila d’articuler trois facettes de l’identité : l’image de soi pour soi (l’autoperception), celle qu’elle donne à autrui (représentation) et celle qui lui est renvoyée par les autres (hétéroperception). En d’autres termes, d’une hétéroperception négative (les discriminations et les préjugés à l’encontre des descendants d’immigrés arabes), elle construit une représentation et une autoperception positives qui culminent dans « l’arabitude ».
11 Si certains conflits intra-algériens sont antérieurs à la colonisation française, ils ont pu être alimentés, renforcés par cette même colonisation, notamment lorsque le pouvoir colonial français a cherché à diviser Algériens arabes et Algériens kabyles, en favorisant par exemple une plus grande francisation des seconds, via la socialisation scolaire, en leur permettant d’accéder plus facilement à des postes de petits fonctionnaires, en accordant davantage d’autonomie aux villages kabyles. Dans un ouvrage de référence (Histoire de la grande Kabylie, XIX-XXe siècles. Anthropologie historique du lien social dans les communautés villageoises, Paris, Éditions Bouchène, 2001), Alain Mahé montre que ce statut particulier réservé aux Kabyles est lié à un « mythe » auquel les colons français auraient en partie adhéré : les Kabyles sont peut-être d’anciens chrétiens, ils sont peu attachés à l’islam, leurs coutumes sont démocratiques, ils sont aptes à devenir de « bons citoyens français ». L’instrumentalisation des rivalités entre Arabes et Kabyles, entre clans, entre tribus n’est pas le seul fait de l’armée française : « La polarisation du conflit, recherchée tant par l’armée française que par le FLN, s’appuie ainsi souvent sur ces rivalités familiales ou claniques exacerbées par le climat de suspicion qui règne durant toute la guerre. L’exemple du “massacre de Melouza” est, à cet égard, éclairant : dans la nuit du 28 au 29 mai 1957, plus de trois cents personnes sont égorgées pour leur soutien au Mouvement national algérien (MNA) par des maquisards kabyles du FLN […]. Cet événement doit en fait être replacé dans le cadre politique de la lutte qui a poussé le FLN à conquérir les régions dominées par le MNA, mais aussi dans celui d’une histoire microlocale dont les logiques ne sont pas nécessairement politiques. L’ALN ayant été, alors, dépassée par les événements. » (Charbit T., Les harkis, Paris, La Découverte, 2006.)
12 Lorsque j’entre dans l’appartement de Dalila, avant même le début de l’entretien, notre interlocutrice s’empresse de me montrer avec fierté le mobilier et les objets qui renvoient à la culture maghrébine. Il s’agit d’objets plus achetés à l’étranger lors de séjours de vacances qu’hérités de la famille. Ce n’est qu’au cours de l’entretien que j’ai mis en relation cette présentation ostentatoire d’objets avec la revendication d’une affirmation identitaire. Tout se passe comme si ces objets devenus biographiques devaient servir d’appui à la construction d’une identification arabe fantasmée.
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