1 Le rôle de l’école, que joue, dans l’élaboration de soi d’un adolescent, la confrontation aux apprentissages, aux savoirs, aux disciplines scolaires, est bien mis en évidence dans les travaux du groupe Escol. Voir Charlot B. et al., École et savoirs…, op. cit. Voir aussi Bautier E. et Rochex J.-Y., L’expérience scolaire des nouveaux lycéens. Démocratisation ou massification ? Paris, Armand Colin, 1998. Voir aussi, sur ces enjeux du travail des élèves, les travaux de P. Rayou, membre du groupe Escol, et, entre autres Rayou P. (dir.), Faire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire, Rennes, PUR, 2009 ; et Barrère A., Les lycéens au travail, Paris, PUF, 1997.
2 Tout le passage qui vient s’appuie sur le mémoire de licence 3 de Gachet L., La vie à l’internat, mémoire d’initiation à la recherche, licence de sociologie, université de Savoie, juin 2007.
3 Dans le cadre de sa thèse, déjà évoquée.
4 Dubar C., La socialisation. La construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 1992.
5 Ce qui se manifeste entre autres par un arasement des accents trop prononcés ou à l’inverse l’adoption d’un accent nouveau, une modification des manières de s’habiller ou de se coiffer, etc. L’importance des accents dans les ascriptions identitaires est aussi soulignée par le fait que, dans certains établissements privés enquêtés en Languedoc-Roussillon, les accents dits « de la cité » ne sont pas tolérés ; le motif avancé est celui de la « dégradation de la langue française », argument scolairement recevable susceptible de rendre l’interdiction légitime aux yeux de ceux à qui elle s’adresse ; mais on peut y voir à l’évidence de tout autres enjeux. P. Bourdieu, qui dans son parcours biographique s’est affronté à cette question de l’effacement des traces des origines, l’a plusieurs fois souligné, et entre autres dans une page (125) de Bourdieu P., Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Éditions Raisons d’agir, 2003 où, par deux fois, il remarque chez des camarades de classe leur accent « pointu » ou « corrigé ».
6 De manière analogue, il fut un temps où, dans certains collèges, la classe de SEGPA (appelée alors SES), était reléguée dans un préfabriqué au fond de la cour, en sorte que les murs contribuaient à dire aux élèves ce qu’ils étaient, et qu’ils exprimaient volontiers par l’expression « Nous on est les nuls ».
7 Ce propos montre que les internes peuvent tout à fait percevoir ce que l’entre-soi peut devoir à l’institution elle-même.
8 Cette notion de « fidélité à l’ordre familial » est empruntée à N. Kakpo. Dans sa thèse de doctorat, puis dans le livre qui en est issu, Kakpo N., L’islam, une ressource pour les jeunes, Presses de la FNSP, Paris, 2006, celle-ci a montré que des jeunes étudiantes musulmanes portant le « voile islamique » pourraient bien le faire pour manifester à leurs parents que, bien qu’à distance d’eux du fait de leur installation dans une ville universitaire, elles n’étaient pas pour autant en train de renier leur famille et leurs origines. Ces mêmes jeunes filles, de retour chez elles après les études ou pendant les vacances, retirent leur voile.
9 Djellab N., L’usage de l’internat par des filles maghrébines, op. cit.
10 Zaffran J., Adolescence, temps scolaire et temps libre. Questions sociologiques ; enjeux de société, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Bordeaux, département de sociologie, 2008. Voir aussi : Singly F. de, Les adonaissants, op. cit.
11 On la trouve aussi hors du lycée. Catherine, qu’on vient d’entendre déplorer le fait de « rouiller » certains mercredis après-midi à l’internat explique par ailleurs que, quand elle rentre chez elle le week-end, elle retrouve des amis le samedi après-midi.
« Je sors dehors, avec des amis, tout ça, voilà.
– Pour discuter ou pour…
– On va “rouiller”. Non, mais en fait à Lyon on a notre endroit et on est là, il y a personne d’autre, c’est nous, on est là : “Salut, salut.” Voilà. »
12 J.-L. Baudry parle de la lecture comme « un rite d’introduction à l’intimité ». Baudry J.-L., « Un autre temps », Nouvelle revue de psychanalyse, no 37, Printemps 1988. Je remercie Géo Collonges de m’avoir signalé ce texte.
13 Voir Montandon C. et Troutot P.-Y., « Les systèmes d’action familiaux », in Montandon C. et Perrenoud P. (éd.), Qui maîtrise l’école ? Lausanne, Éditions Réalités sociales, 1988.
14 Sans pouvoir l’expliciter et le mettre en avant, au risque de paraître opérer un rejet, de son enfant s’il s’agit de l’un des parents, de ses parents s’il s’agit du jeune.
15 Rappelons ceci, qui est particulièrement important pour prendre la mesure des propos des élèves. Afin d’éviter autant que faire se peut les effets d’induction des réponses, sur un domaine qui pouvait paraître sensible, les questions ont été formulées de manière très large : « Comment ça se passait avec tes parents ? », « Qu’est-ce qui a fait que tu t’es retrouvé interne ? », « Est-ce que des choses ont changé dans tes relations avec ta famille ? » C’est délibérément que n’ont pas été utilisés les termes de tensions, de conflits sur tel ou tel point, de distance à prendre. On a préféré considérer que, si le thème était signifiant pour l’enquêté, il ne manquerait pas de l’aborder, et qu’il serait alors temps de lui demander de préciser les choses. De ce fait, le thème n’est pas toujours abordé par les élèves enquêtés.
16 Les deux dernières questions de ce questionnaire portant sur les conditions matérielles d’hébergement (qualité des équipements, des repas, etc.) étaient : « Qu’est-ce qui vous plaît le plus à l’internat ? » « Qu’est-ce qui vous déplaît le plus à l’internat ? » Les élèves n’y ont pas forcément répondu en s’en tenant à des aspects matériels ; par exemple, l’insatisfaction majeure, et de loin, concerne le règlement. Voir chapitre précédent.
17 En raison du petit nombre de « moyenne entente » (11 occurrences), on a procédé au regroupement des modalités « moyenne » et « mauvaise », en considérant qu’il y avait des chances pour que l’expression « je m’entendais moyennement bien avec mes parents » soit une euphémisation d’une mauvaise entente plutôt que d’une bonne entente. Toutefois, le regroupement de « moyenne » avec « bonne » a été aussi opéré, et il ne modifie qu’à la marge les résultats dont le tableau fait état.
18 Nous avons privilégié ici dans l’analyse les entretiens avec des internes, donc des élèves qui ont finalement, tout bien pesé, choisi ou accepté ainsi que leurs parents cette solution de l’internat. Cela ne doit pas faire oublier ceux qui y ont finalement renoncé en raison même de la distance qu’elle imposait par rapport à la famille, aux frères et sœurs, aux amis, à l’environnement quotidien, voire aux animaux familiers. La position d’assistant d’éducation en internat a permis à un étudiant d’interroger aussi des élèves demi-pensionnaires qui auraient pu être internes ; il s’avère que certains élèves ne peuvent se résoudre à être internes en raison de ces « coûts relationnels ».
19 Caluori O. et Collombet I., La délégation parentale, mémoire de master 1, département de sociologie, sous la direction de Glasman D., université de Savoie, Chambéry, 2008.
20 Voir, par exemple, à propos de la fonction d’externalisation des tensions hors de l’espace domestique jouée par les dispositifs de soutien scolaire, Glasman D., Besson L. (coll.), Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, Publications de l’université de Savoie, octobre 2005.
21 Les jeunes eux-mêmes, quant à eux, n’ont pas la même idée de l’âge à laquelle on peut accéder à l’autonomie. Les enfants de parents diplômés ou de mères exerçant une activité professionnelle conçoivent plus tôt de pouvoir « faire seul ». Voir Gasparini R., Joly-Rissoan O. et Dalud-Vincent M., « Quitter l’enfance, devenir adulte. L’hétérogénéité des représentations adolescentes concernant l’âge d’accès à l’autonomie », Politiques sociales et familiales, no 97, septembre 2009.
22 Voir aussi Pennac D., Chagrin d’école, Paris, Gallimard, 2007..
23 Gautherin J., « Comment les élèves passent d’un monde à l’autre », rapport de recherche, université de Nantes, Centre de recherche en éducation, 1996.