« Le quartier que j’admire le plus, c’est Bom Retiro » : l’archipel tropical urbain des Petites Italies de São Paolo (1880-1940)1
p. 105-119
Texte intégral
1Témoins et historiens s’accordent à constater une présence italienne importante et diffuse à São Paulo, dès les débuts de son développement urbain (1890) jusqu’aux années 1940 et ensuite. L’immigration italienne de masse vers la ville et l’État de São Paulo ne se poursuit pas au-delà des premiers mois de la Grande Guerre, avec un pic entre 1888 et 19022. Toutefois, dans la décennie 1920, São Paulo était perçue par les observateurs extérieurs, par les Brésiliens, sans parler de la population pauliste elle-même, comme une ville dont la communauté italienne était une composante fondamentale de l’identité. Nombreux étaient ceux3 qui soulignaient la « brésilianisation » presque totale des italiens de São Paulo, même si ce n’était pas pour en minimiser la supposée verve nationaliste mais plutôt pour en exalter la grande contribution à la construction d’une culture et d’une identité paulistes. L’idée de São Paulo ville essentiellement italienne (et accessoirement brésilienne) n’en était pas pour autant moins répandue.
2Quelques exemples permettront de mieux comprendre en quoi consistait cette perception de l’italianité de São Paulo dans les années 1920, à l’heure où la première génération d’Italo-Brésiliens faisait son entrée massive dans le monde du travail des quartiers paulistes et dépassait en nombre tous les immigrés arrivés durant les trois décennies précédentes.
3En septembre 1920, dans un meeting à Trieste, celui qui n’était pas encore son excellence Benito Mussolini déclarait que 700 000 italiens vivaient à new York et 400 000 dans l’État de São Paulo, où, ajoutait-il, la langue italienne deviendrait l’idiome officiel4. Un an plus tôt, Gabriele d’Annunzio avait adopté comme emblème de ses légionnaires celui de la ville de São Paulo. Jouait là un enchevêtrement évident d’expériences et de liens personnels : d’un côté, la présence à Fiume d’Alceste De Ambris – il avait été à plusieurs reprises un leader syndical incontesté à São Paulo, au début du xxe siècle puis après la grève de 1908 dans les campagnes entourant Parme – et de l’autre, l’adoption du Brésil pauliste « comme un des noyaux les plus importants (avec la mythologie allant avec) de l’épopée migratoire de la grande nation prolétaire5 ». Syndicalisme révolutionnaire et travailleurs italiens allaient si bien de pair dans l’histoire du mouvement ouvrier pauliste et dans l’imaginaire militant de l’époque que lorsque fut fondée la première organisation fasciste dans la capitale, il sembla tout naturel de l’appeler Fascio di São Paulo « Filippo Corridoni6 ».
4En 1924, une révolte de lieutenants de l’armée éclata, et la ville de São Paulo devint un champ de bataille. Les troupes rebelles étaient disposées, pas par hasard, dans les principaux quartiers populaires entre des pavillons et des pâtés de maisons ouvriers, le chemin de fer et les principaux établissements industriels de ce qui était déjà devenu la première ville industrielle du Brésil. or, aussi bien les autorités gouvernementales que les témoins de l’époque répandaient l’idée que les italiens soutenaient la révolution7, en justifiant de la sorte avec d’autant plus d’énergie le pilonnage terrestre et aérien, des quartiers ouvriers du Brás et du Moóca, tel qu’il fut effectivement pratiqué. Il s’agissait de frapper des militaires révoltés et des quartiers ouvriers dont le penchant pour la grève générale et la révolte avait été constaté à plusieurs reprises depuis le début du xxe siècle, en particulier lors des grèves de 1917-1920 qui avaient conduit les Pouvoirs publics à proclamer maintes fois l’état de siège. Mais il s’agissait aussi de blesser une communauté ouvrière tenue pour d’autant plus dangereuse qu’elle était composée d’étrangers8.
5Jusqu’aux années 1940, l’évolution de la communauté italienne, par ailleurs hétérogène, fut marquée par un conflit entre la perception du caractère étranger de ses traits par rapport à ceux du pays d’accueil et la constatation du fait que des milliers de familles d’origine italienne étaient en train de s’enraciner dans le pays. C’est pourquoi, en raison d’une multiplicité de facteurs9, le contexte pauliste favorisa l’intégration des immigrés et de leurs enfants par le biais d’une dilution progressive des identités régionales et politiques, pourtant différentes à l’origine (à commencer par l’identité nationale italienne elle-même, en constante évolution à l’étranger) dans le creuset de celle de la grande nation brésilienne. Cependant, un faisceau d’indices confirme que cette « brésilianisation » ne se fit pas sans résistances, sans douleurs et surtout n’anéantit tout à fait l’identité italienne dans sa version pauliste.
6Ainsi, toujours dans un contexte populaire, à l’heure où le football se répandit à São Paulo à partir de la fin de la décennie 1910, on assista à une floraison de clubs se réclamant de leur origine italienne10. Leurs fondateurs et les joueurs furent moins les immigrés que leurs enfants. Dans les années 1930, jusqu’à la nationalisation des associations imposée par Vargas en 1939, et l’interdiction de la langue italienne en 1942 due à la guerre, la majorité de la communauté italienne s’identifiait totalement à ces équipes. Lors de la mémorable finale du 20 septembre 1942, l’équipe du Palestra Italia (émanation des notables italiens de São Paulo, mais très populaire, surtout auprès du prolétariat méridional), se présenta sur le terrain avec son nouveau nom, imposé, de Palmeiras, et un flamboyant drapeau brésilien. Le jour même de la principale fête nationale, donc, et de la victoire de la principale association sportive de la communauté italienne, une longue période d’autoaffirmation et de reconnaissance était symboliquement interrompue.
7Cette prépondérance populaire des travailleurs italiens à São Paulo, ouvriers et artisans, fut confirmée même après l’immigration de masse, par le rôle organisationnel important de quelques sociétés italiennes de secours mutuel (SIMS), dans les années 1930 ; à cette date, depuis de nombreuses années, à São Paulo les syndicats n’étaient pratiquement plus mono-nationaux comme par le passé, c’est-à-dire formés d’Italiens pour des italiens11, mais cosmopolites et surtout nationaux, au vrai sens du terme. Ainsi, les réunions de la Federazione operaia di São Paulo et de l’Aliança nacional libertadora (le Front populaire brésilien) se tinrent souvent au siège de la Lega lombarda, une des plus anciennes associations italiennes de São Paulo, au sein de laquelle l’opposition à Vargas allait souvent de pair avec l’antifascisme12.
8Dans la décennie 1940, la communauté italienne de São Paulo était donc reconnue comme telle, au point d’induire l’intervention appuyée du gouvernement Vargas, et ce au nom d’un Estado novo, engagé dès ses débuts dans la définition d’une identité brésilienne relativement homogène exaltant ses origines lusitaniennes associées aux origines afro-américaines et indiennes. il avait la ferme intention d’en limiter une fois pour toutes la reproduction culturelle, surtout dans une ville d’importance stratégique pour le Brésil, sa capitale industrielle et financière. Pour autant, il ne s’agissait pas d’une communauté unie, en raison même de son enracinement de vieille date et de sa taille.
Complexité du processus rapide de formation de la communauté italienne de São Paulo
9Entre la dernière décennie du xixe siècle et les années 1920, plus d’un tiers de la population pauliste était composé d’immigrés italiens mais il reste encore difficile, aujourd’hui, de dresser la liste des provenances régionales et à plus forte raison des différentes chaînes migratoires régionales, provinciales, locales pour ne pas dire villageoises. Elles étaient pourtant multiples dans une ville dont la composante migrante fut pendant trop longtemps attribuée à la fuite des nombreuses familles italiennes immigrées auparavant dans les fazendas de café.
10Quoi qu’il en soit, le poids de la communauté italienne de la ville de São Paulo passa de 13 % en 1886 à 37 % en 1916, non sans avoir atteint, selon certaines estimations, un pic de 50 % autour de 1905.
11Les statistiques ne prenaient pas en compte les fils d’immigrés nés au Brésil. Ici, nous employons le concept de communauté migrante élargie : en d’autres termes nous prenons en compte les immigrés nés en Italie, mais aussi leurs enfants nés à São Paulo. Ces derniers, tout en vivant dans des quartiers dominés par la présence italienne, et en restant de nationalité italienne selon le droit de leur pays d’origine, étaient, dans une mesure inconnue à leurs parents, influencés par un environnement multi-ethnique en constante évolution. S’ils étaient brésiliens à tout point de vue, ils grandissaient cependant dans une ville dont, pendant presque trente ans, le tiers de la population était composé de compatriotes de leurs parents. Qui plus est, si on envisage le milieu spécifiquement ouvrier, on se rend compte du poids des immigrés italiens et l’on comprend pourquoi les quartiers paulistes ont été définis comme autant de petites Italies. En effet, selon les secteurs industriels, les travailleurs italiens représentaient entre 60 % et 90 % des effectifs14.
12Bref, à São Paulo, quartier italien était synonyme de quartier populaire et ouvrier : la ville s’agrandissait avec et grâce aux travailleurs italiens. C’est à cet univers diffus et enraciné, synonyme de croissance économique et urbaine de la ville, de sa modernité, de sa symbolique d’Athènes brésilienne, que faisait allusion Edmondo Rossoni dans une lettre à Dinale en 1909 : « La vie à Sao Paulo est à peu de choses près comme celle d’une quelconque ville européenne, ou mieux, italienne15 ». Je ne m’attarderai pas ici sur la pléthore d’observateurs frappés par cette grande petite Italie, telle qu’elle nous est restituée, par exemple, dans les pages de Gina Lombroso16. L’idée était si répandue qu’elle devint le stéréotype du São Paulo des pizzerias et du Palmeiras, mais elle est aujourd’hui presque oubliée, notamment parce qu’elle a été surclassée par bien d’autres petites Italies plus célèbres comme celles des États-Unis ou par de grandes petites Italies comme à Buenos aires et Montevideo : celles-ci n’ont pas été investies, comme São Paulo ces cinquante dernières années, par les immenses vagues migratoires internes ni par une croissance urbaine qui en a complètement bouleversé la « vieille » stratification ethnique, où les italiens étaient sans conteste prépondérants.
Petites Italies régionales ou Petites Italies ouvrières ?
13Le fait que cette communauté italienne propre au São Paulo des années 1885-1940 était importante et bien enracinée dans les quartiers populaires – elle formait le noyau dur autour duquel se structuraient les mouvements et associations de classe17 – tout en comptant un nombre de membres non négligeable au sein du monde patronal18, semble avoir eu pour résultat de la fragmenter.
14Dans cette communauté, les divisions, les affrontements, les conflits relevant de divers registres l’emportaient sur la cohésion interne au nom d’une identité. C’était d’autant plus vrai que la plupart des conflits étaient commandés par des allégeances politiques opposées ou des pratiques syndicales portant sur les conditions de travail et de vie : il s’agissait donc de conflits de classe. Même si l’identité italienne était partagée par tous les originaires de la péninsule, bien que sous une forme controversée et jamais entièrement définie, ne serait-ce que parce qu’ils étaient généralement identifiés comme italiens par les autres immigrés, par l’État brésilien et pauliste et plus encore par leurs propres employeurs quand ils étaient ouvriers. Avant d’approfondir cet aspect de la question, il convient d’examiner la composition des petites Italies de São Paulo, à travers le prisme d’une hétérogénéité non dénuée de quelques caractéristiques fondamentales communes, marquant une spécificité.
15En raison des proportions de leur communauté, les italiens vivaient un peu partout à São Paulo. C’est pourquoi l’expression de grande petite Italie, déjà utilisée pour Buenos aires, convient peut-être aussi ici. Les industriels d’origine italienne représentaient la majorité des chefs d’entreprise à São Paulo, et il n’était donc pas rare de trouver des familles italiennes dans les nouveaux quartiers huppés de la bourgeoisie brésilienne du café et bien entendu au centre-ville pour les membres des professions libérales, les commerçants et les industriels d’importance moyenne. Mais compte tenu du fait que l’immense majorité des familles des quartiers ouvriers de São Paulo était d’origine italienne, ce sont justement ces quartiers qui peuvent être définis comme autant de petites Italies ; c’est certainement comme tels qu’ils furent perçus, de façon sans doute stéréotypée, pendant la première moitié du xxe siècle, entre auto-représentations et reconnaissances extérieures, officielles ou largement répandues dans l’imaginaire de l’époque, populaire ou non.
16Certaines distinctions permettent de mieux comprendre la formation et les dynamiques communautaires internes à chaque quartier. D’abord, comme il a été montré pour des villes américaines telles que new York et Buenos aires, aucun quartier ne pouvait être considéré comme purement et simplement italien, comme une petite Italie, au sens courant et presque mythique de l’expression : une série plus ou moins homogène de pâtés de maison où vivaient presque exclusivement des italiens, entourée par d’autres ensembles immobiliers où cette présence se raréfiait ou était inexistante. Ils comportaient aussi des enclaves espagnoles et portugaises, des descendants d’esclaves africains et des Brésiliens migrants, surtout à partir des années 1930, sans parler de la présence allemande, libanaise et d’immigrants d’Europe centrale. Toutefois, plus que dans quelques grandes villes nord-américaines et argentines, dans les quartiers ouvriers paulistes la très forte concentration des travailleurs italiens dans l’industrie locale conféra un profil presque exclusivement mono-national à de nombreux pâtés de maisons et groupes d’immeubles populaires.
17Du point de vue social, ces quartiers présentaient cependant certaines différences : les plus spécifiquement ouvriers et les plus peuplés de la zone est (Brás, Moóca, Pari et Belém-Belénzinho) regroupaient la majeure partie du parc industriel, composé de grands établissements des industries textile et alimentaire, d’entrepôts, des principaux dépôts ferroviaires, de nombreuses usines moyennes et grandes. Ouvriers et ouvrières faiblement qualifiés y étaient donc très nombreux et les cortiços (version brésilienne des conventillos et des tenements) étaient largement répandus, constituant presque la norme en matière de logement. en revanche, les quartiers périphériques de la zone nord et ouest étaient plus hétérogènes, avec une myriade d’usines petites et moyennes, et peu de grandes (des vitreries, quelques usines, des dépôts ferroviaires et toujours des établissements textiles). D’où une composition sociale bien plus variée, au sein de laquelle le travailleur italien le plus fréquent était l’artisan ou l’ouvrier spécialisé (ou tout au moins l’ouvrier métallurgiste ou menuisier, dans une usine dépassant rarement les cinquante salariés). Tel était le cas des quartiers du Bom Retiro, Barra Funda, Lapa et Agua Branca. Ceux du Cambuci et de Libertade, au sud, plus proches du centre-ville, étaient semblables à ceux-ci, entre les grands quartiers ouvriers du Moóca et du Brás, le centre administratif et le quartier populaire central de Bela Vista (le célèbre Bexiga, le noyau dur du petit commerce, des petits restaurants et trattorie, des usines familiales). Aujourd’hui, il est considéré comme le quartier italien par excellence, la Little Italy pauliste mais il l’était alors un peu moins : ses habitants italiens étaient en grande majorité originaires de Cosenza et de Foggia et c’est dans ce quartier que la communauté afro-brésilienne de São Paulo était la plus nombreuse19.
18Les quartiers de Vila Mariana (sud), Ponte grande (nord-ouest), et Ipiranga (sud-est) étaient encore plus éloignés du centre-ville, et séparés de lui par des terrains vagues, des fermes, des jardins potagers, des entrepôts et de petites usines. Ils comptaient des noyaux d’ouvriers, mais les petits ateliers et les travailleurs de type artisanal (parmi lesquels se détachaient, par exemple, les chapeliers toscans et émiliens de l’Ipiranga ou les travailleurs du sable originaires de Viareggio au Ponte grande20) étaient largement prédominants, au moins jusqu’au milieu des années 1930. Quant aux maçons italiens, ils habitaient à peu près tous ces quartiers, dans une ville qui s’étendait et s’agrandissait à vue d’œil, et ils appartenaient à une des catégories les mieux organisées quand ce n’était pas la plus combative21.
19Les échanges entre les différentes parties de cette banlieue ouvrière où vivaient des milliers de travailleurs italiens étaient plus sporadiques qu’on ne pourrait s’y attendre. en effet, la morphologie de la ville – plusieurs collines, trois rivières et de multiples torrents sortant de leur lit pendant la saison tropicale des pluies et rendant impraticables les zones marécageuses – et le tissu urbain lui-même faisait en sorte que la partie est et les parties sud, nord et ouest étaient séparées par des zones plus ou moins étendues, non bâties mais seulement partiellement « remplies » à la fin des années 1930. Si, en outre, on prend en compte les horaires de travail généralement supérieurs aux dix heures quotidiennes et sans repos hebdomadaire, on réalise pourquoi les immigrés italiens (sauf ceux travaillant dans des zones éloignées de leur lieu de résidence) avaient un lien fort avec leur quartier. Il s’agissait d’un véritable archipel composé de nombreux bourgs ouvriers où la présence italienne était déterminante sans être exclusive.
20Résultat de cette dispersion des travailleurs italiens, la plupart des sièges des journaux ouvriers, des syndicats, des principaux groupes politiques et des nombreuses associations italiennes de secours mutuel, se trouvait au centre-ville, puisque des activités coordonnées ne pouvaient être mises en œuvre que dans les zones où tout le monde pouvait se rendre facilement. aussi, toutes les manifestations politiques et syndicales avaient lieu au centre-ville, d’abord pour d’évidentes raisons de propagande, de reconnaissance, de « dialogue » et de pression sur les autorités politiques et patronales, mais surtout en raison du fait que des milliers de travailleurs pouvaient rapidement y affluer depuis les quartiers ouvriers, spécialement ceux de l’est, très peuplés, reliés au centre-ville par la large Avenida Rangel Pestana. Une fois passé le chemin de fer, véritable frontière au-delà de laquelle commençait le São Paulo des usines, cette avenue conduisait en quelques centaines de mètres au centre-ville.
21Par ailleurs, le ciment de ces organisations et mouvements était constitué par le partage des expériences quotidiennes dans une vie de quartier intense et ininterrompue. C’est bien à partir d’elle que se formaient des réseaux de voisinage et de solidarité plus larges, nullement incompatible avec l’existence de multiples conflits quotidiens. Jusqu’à leur consécration urbaine et symbolique sur les places centrales, les grèves étaient d’abord vécues des jours durant, au plan local, usine par usine, quartier par quartier, et l’on confiait ensuite aux quelques militants les plus en vue le soin d’établir la liaison avec le siège central et les ouvriers des autres quartiers. Les réseaux associatifs locaux au sein desquels les immigrés italiens évoluaient avaient une importance fondamentale et étaient nombreux : troupes de théâtre en italien ou en dialecte, parfois d’inspiration politique, immanquables amicales boulistes, clubs de foot, salles de danse, groupes et associations politiques, sociétés de secours mutuel sur base nationale, régionale ou professionnelle. Officiellement, ces dernières comme les groupes politiques étaient ouverts à d’autres nationalités, mais de fait ils étaient composés presque exclusivement d’Italiens. Ainsi, en 1902, il y avait six groupes de quartiers formés par des socialistes italiens : Circolo socialista (Bela Vista), andrea Costa (Bom Retiro), Primo Maggio (Brás), enrico Ferri (Cambuci), internazionale (Lapa), Gruppo Socialista (Casa Branca22).
Régionalisme et politique : l’identité italienne entre Classe et Nation
22Au-delà de leurs spécificités économiques et sociales, on pouvait également reconnaître, à l’intérieur des quartiers populaires, de petites Italies régionales voire villageoises. Toutefois, il ne faut pas généraliser : au niveau du quartier, la dimension régionale était beaucoup plus nuancée dans la réalité. On peut aisément repérer au sein des quartiers ouvriers et artisans des noyaux, des pâtés de maison et des ensembles de rues à l’identité régionale très marquée. Ils se mêlaient néanmoins et se superposaient à d’autres noyaux du même genre, étaient dynamiques et absorbaient tout en étant également absorbés. Parfois recroquevillés sur eux-mêmes, ils étaient le plus souvent ouverts ; ils pouvaient marquer de leur empreinte la vie de leur quartier à l’occasion de divers événements d’auto-célébration et de sociabilité, sans jamais pouvoir entièrement les monopoliser.
23Au-delà du cas, déjà cité, du Bexiha-Bela Vista, il n’est pas possible, aujourd’hui encore, de définir avec exactitude la composition régionale des autres quartiers ouvriers « italiens ». Toutefois, des tendances permettent de conclure à l’existence de certaines chaînes migratoires commandant le fonctionnement du marché du travail, et donc le type d’insertion comme le poids que ceci pouvait avoir dans les mouvements revendicatifs et associatifs des travailleurs italiens de São Paulo. Dans les quartiers populaires où existaient quelques grandes industries, on trouve trace de plusieurs noyaux d’artisans et d’ouvriers toscans, vénètes, émiliens et romagnols, notamment dans les quartiers de Cambucy, Lapa (Vila Romana), Agua Branca, Barra Funda, Bom retiro et Ponte Grande ; de nombreuses familles originaires de l’Italie méridionale y habitaient aussi.
24Les quartiers très peuplés du Brás et du Móoca accueillaient eux aussi des italiens de toutes les régions, bien que parfois on pût repérer une présence méridionale forte, avec des fêtes religieuses diverses, organisées par des familles originaires des Pouilles ou de Campanie, notamment des provinces de Bari, Caserte et Naples ainsi que du Cilento23. Cependant, le Brás était aussi le centre de la communauté vénète originaire de Schio, constituée d’ouvriers textiles spécialisés et bien insérés dans le mouvement ouvrier organisé24. La présence dans le Brás et le Móoca de nombreux groupes socialistes et anarchistes, ainsi que de sociétés de secours mutuel où la présence de républicains et de socialistes était importante, voire parfois prépondérante, laisse à penser aussi que, compte tenu du fait que la plupart des militants ouvriers étaient d’origine septentrionale ou toscane, la communauté méridionale, bien que nombreuse et d’origine variée, n’exerçait aucune véritable hégémonie. aux fêtes religieuses patronales d’origine méridionale, auxquelles les notables de la communauté immigrée – en tout premier lieu le plus important industriel italien de São Paulo, Francesco Matarazzo, originaire du Cilento – assuraient leur présence et souvent leur participation active, s’opposait une sociabilité laïque, socialiste et anarchiste et une activité syndicale, organisationnelle et revendicative, qui s’exprima en 1907, 1917, 1919, 1924 et 1930 par des grèves générales prenant souvent une tournure insurrectionnelle. Depuis 1900, on fêtait régulièrement au Brás avec une forte participation populaire, Saint Vito Martyr et la Madonne de Casaluce, dans un quartier qui connut pratiquement sans interruption jusqu’en 1920, au moins deux groupes politiques italiens importants, l’un socialiste, l’autre anarchiste25 ; il y avait en outre l’une des plus anciennes sociétés italiennes de secours mutuel, la Leale oberdan, fondée en 1899, dont les sympathies républicaines et socialistes étaient bien connues26. Dans le Móoca, par exemple, il n’y avait pas de noyaux politiques actifs et la société italienne de secours mutuel locale était peu importante. Pourtant sur les plans revendicatifs et de l’organisation, l’activité syndicale était aussi importante que dans le Brás ou dans d’autres quartiers ouvriers : à São Paulo, c’est surtout dans ce quartier où les grèves de masse se produisaient et même les centaines d’ouvriers et d’ouvrières d’origine méridionale, notamment dans le textile, jouaient un rôle actif dans un quartier longtemps identifié à São Paulo comme le lieu principal de l’immigration en provenance de la Campanie.
25La véritable norme était donc la multiplicité et la superposition des identités. C’est pourquoi, en dépit de la relative prépondérance des monarchistes chez les méridionaux et des républicains, socialistes et anarchistes chez les Toscans et les septentrionaux, lors des conflits de classe les plus aigus, la plupart des grévistes27 venait des nombreux groupes d’ouvriers méridionaux du Brás, du Móoca, du Barra Funda, du Bom Retiro. Le nombre de militants, venus du Mezzogiorno, au sein des organisations politiques et syndicales ainsi que des sociétés de secours mutuel, était pourtant généralement moindre et la soumission au bossismo était fréquente parmi eux. Celui-ci prenait les formes bien connues du recrutement de main-d’œuvre par les caporali aux ordres de nicolino Matarazzo28, ou bien de l’activité de briseurs de grèves des immigrés venus des Pouilles, ou enfin du contrôle de la main-d’œuvre par les différentes camorre reproduites localement, par certaines sociétés méridionales de secours mutuel, par de nombreux chefs d’entreprise originaires de Campanie, de Sicile, de Calabre ou Pouilles.
26De fait, le conflit régional se confondait avec tout en se diluant dans le conflit plus vaste classe/nation, propre à une communauté italienne de São Paulo hétéroclite. Même à ce niveau, au-delà de quelques éléments récurrents, les superpositions et les aspects, en apparence contradictoires, sont nombreux et ils empêchent de tirer des conclusions univoques. Dans leur complexité et leur variété, tant de nombreuses exceptions courantes enrichissent et rendent bien plus compréhensibles les dynamiques de l’expression politique, identitaire, ou de la sociabilité ainsi que les dynamiques de type associatif plus générales caractérisées pour la plupart par une tendance à se jouer des clivages attendus.
27Tous les quartiers ouvriers paulistes avaient au moins une société italienne de secours mutuel, qui ne représentait pas toujours une simple étape initiale dans le processus de syndicalisation des travailleurs italiens à São Paulo. au contraire, les associations italiennes, en particulier les sociétés de secours mutuels, peuvent être perçues comme un espace associatif d’une importance fondamentale pour les ouvriers italiens qui ne disparut pas entièrement même à l’heure où les syndicats de métier et de branche occupèrent presque tout le terrain des organisations de classe. En général, les sociétés mutuelles italiennes de quartier n’étaient pas régionales à l’exception, toutefois, de l’Unione meridionale del Brás ; elles le furent toutefois à leurs débuts de façon plus ou moins voilée comme le montrent les noms figurant dans les listes de leurs membres et de leurs organes de direction.
28Parmi ces nombreuses sociétés de secours mutuels bien enracinées dans les quartiers, citons celles du Brás (Leale oberdan et Unione meridionale), du Ponte grande (Unione operaia), du Cambuci (Fratellanza italiana), de Barra Funda (Unione operaia), de Agua Branca (Società operaia) et du Bom Retiro (Unione italiana). Toutes avaient une base multi-régionale et à la seule exception de l’Unione meridionale, fief monarchiste, toutes étaient très actives dans le mouvement ouvrier. Toutefois, elles alternèrent des moments forts de participation assidue et d’autres de reflux, voire d’indifférence, changements qui furent fonction de la composition de leurs directions. Leur participation allait de la mise à disposition de leurs locaux pour les réunions syndicales locales, le Premier Mai ou le 14 Juillet, à la mise en place de caisses d’aide mutuelle ou à des souscriptions pour les grévistes. Certains de leurs membres comptaient d’ailleurs parmi les principaux leaders syndicaux, socialistes et parfois aussi anarchistes. La plupart des autres sociétés italiennes avaient leur siège au centre-ville. Elles étaient d’une extrême variété allant de la petite société régionale à la brève existence avec quelques dizaines d’inscrits à d’autres très combatives et à la vie étonnamment longue ; il y avait, enfin, les grandes sociétés, Galileo Galilei, Lega Lombarda, Unione Veneta di San Marco, Unione operaia civiltà e progresso et enfin Vittorio Emanuele II. Les quatre premières jouèrent un rôle très important dans le mouvement ouvrier pauliste.
29La Galilei fut fondée par des Toscans, républicains et socialistes, et la Lega Lombarda, son nom le suggère, fut fondée par des immigrés venant de la région homonyme. Au fil du temps, cependant, ces sociétés perdirent les caractéristiques liées à la région d’origine, comme l’attestent les modifications des statuts comme la présence grandissante dans leurs organismes de direction de membres issus de presque toutes les régions italiennes. À partir de 1908, la Galilei abandonna son nom de Società democratica toscana et depuis 1903 elle comptait parmi ses conseillers des originaires de Salerne ou de Calabre, souvent avec des sympathies monarchistes29. La Lega lombarda elle-même avait beau avoir en 1910, dans son gonfalon le drapeau italien avec le carroccio entouré des armes des chefs-lieux des provinces lombardes, cela ne l’empêchait pas de déclarer dans ses statuts que tous les immigrés italiens pouvaient s’y inscrire30. Quoi qu’il en soit, au sein de toutes les sociétés se situant du côté des tendances républicaines et socialistes, des positions de l’autre bord, monarchistes ou plus modérées et conciliatrices, subsistèrent toujours.
30Dans la vie de la communauté italienne de Sao Paulo, les conflits politiques étaient donc monnaie courante au sein des sociétés de secours mutuels comme dans les sociétés d’inspiration monarchiste, socialiste ou républicaine. Sans oublier celles qui soutenaient un mouvement ouvrier syndicaliste-révolutionnaire dont les italiens étaient la composante principale puisque jusque de la fin du xixe siècle jusqu’aux années 1920, ils fournirent neuf dirigeants sur dix à chaque syndicat. Les sociétés avaient un rôle de catalyseur ou de support lors des conflits dans cette importante communauté immigrée qui se définissait par trois caractéristiques essentielles : un nombre important d’employeurs italiens, une forte concentration de leurs compatriotes ouvriers dans la banlieue ouvrière, l’existence, enfin, de noyaux d’artisans et d’ouvriers qualifiés originaires du centre-nord de l’Italie et enracinés sur place. Ces derniers étaient porteurs d’expériences politiques et syndicales antérieures à l’émigration, enrichies grâce à la circulation des individus et des idées entre l’Italie et les Amériques ; ils se situaient dans les courants démocratiques italiens de l’époque : républicain, socialiste, syndicaliste révolutionnaire. C’est pourquoi, dans ses grandes lignes, l’identité italienne loin d’être figée, exprimait un certain nombre de cultures régionales reliées au milieu et présentait deux aspects. Elle pouvait avoir une connotation nationaliste visant une intégration à la société brésilienne et en général au marché du travail par le truchement de l’idéologie de l’ascension sociale, des pratiques paternalistes et du jeu des clientèles dont certaines dynamiques migratoires favorisaient l’éclosion. Mais, comme ce fut très souvent le cas à São Paulo, l’identité italienne pouvait aussi être le ciment de pratiques symboliques, de représentations et d’idéologies de classe, voire internationalistes, s’appuyant sur le partage des expériences et des pratiques de travail et de sociabilité dans le cadre des petites Italies ouvrières.
31Dans le São Paulo des quartiers ouvriers peuplés d’immigrés, et au-delà donc du stéréotype de l’Italien anarchiste, on était souvent très italien, dans la mesure où on était authentiquement subversif, et on participait activement à des sociétés, des groupes, des syndicats. Au sein de la communauté italienne, la moindre commémoration nationale donnait lieu à deux manières contrastées de l’entendre. Aux associations italiennes républicaines, aux groupes politiques socialistes anarchistes et de républicains, et parfois même aux corporations de métiers, s’opposaient les associations comparables pro-monarchistes et les autorités consulaires.
32Les commémorations du 20 septembre engendrèrent des tensions de ce type31. Un degré très aigu fut atteint en 1898, après que la communauté se fut divisée quelques mois auparavant entre les souscripteurs des listes de soutien aux victimes de la répression policière survenue alors en Italie et ceux qui essayaient d’en empêcher la diffusion dans les quartiers populaires. À cette occasion, l’anarchiste Polinice Mattei fut tué par des membres de la société Meridionali uniti alors que des blocs opposés et bien fournis de monarchistes et d’anti-monarchistes s’affrontaient dans les rues32. Citons également les cas symboliques des cérémonies pour la mort de Verdi en 1901 ou celles du centenaire de Garibaldi en 1907 : autant de moments et de motifs de division à partir de l’appartenance politique et de classe33.
33Le conflit au cours duquel ces dynamiques d’appartenance suspendues entre identité de classe et identité nationale apparurent dans toute leur acuité (on pourrait aussi y voir le signe d’une intégration progressive à la société d’accueil) fut la grève générale de São Paulo en 1917, la grève la plus importante connue jusque-là au Brésil, du point de vue tant du nombre de travailleurs et d’industries impliqués que de l’intensité de la répression, des affrontements et de la durée du mouvement. aux principaux facteurs à l’origine de la grève (inflation galopante, stagnation des salaires, usines et ateliers travaillant à plein régime à cause des difficultés de la conjoncture industrielle en Europe avec un marché déstructuré par la guerre) s’ajouta l’étincelle de la retenue sur les salaires au titre de la contribution pour les nombreux comités Pro Patria qui surgirent à São Paulo pour envoyer des sommes d’argent à l’Italie en guerre et aux familles ayant un des leurs sur le front. Les souscriptions volontaires ne suffisaient pas, mais un motif supplémentaire de conflit en ce sens venait de ce qu’au-delà des sommes retenues à la source, les nombreux techniciens, chefs d’entreprise et contremaîtres italiens exerçaient toutes sortes de pressions sur les lieux de travail et ailleurs pour renflouer les caisses des comités alors qu’entre autres, l’épée de Damoclès de l’appel aux armes était suspendue au-dessus de la tête de la plupart des jeunes, y compris bien entendu les fils des immigrés. Or, cette menace fut brandie devant certains, surtout ceux qui étaient les plus actifs sur le terrain syndical. On leur suggéra qu’ils pourraient être parmi les rares sélectionnés d’une conscription obligatoire qui, pour des raisons évidentes, ne pouvait avoir la même efficacité que dans la mère patrie34.
34Dans ce contexte, le fait que le roi avait octroyé le titre de comte à Francesco Matarazzo, en signe de gratitude pour les importantes sommes d’argent qu’il avait versé à l’Ente Autonomo dei Comuni di Napoli e provincia, ne put qu’accroître le mécontentement parmi les milliers d’ouvriers italiens de ses établissements35.
35Par ailleurs, la répression de la force publique pauliste fut tellement sauvage et la grève si suivie que la plupart des associations italiennes, y compris les loges maçonniques, suspendirent leurs fêtes et rencontres périodiques, et beaucoup d’entre elles constituèrent des fonds de soutien aux grévistes, souvent en détournant les sommes initialement collectées pour les pro-patria. Quand, après plusieurs jours d’affrontements avec des morts des deux côtés, on finit par se réunir autour d’une table de négociations (parmi les représentants des ouvriers il y avait le syndicaliste socialiste Teodoro Monicelli, originaire de Mantoue36, et l’anarchiste Gigi Damiani37, romain) une des principales revendications fut la suppression de la taxe pro-patria38.
36Même le fascisme, dans les décennies suivantes, dut se mesurer avec cette forte identité italienne ouvrière et fut gêné par elle. Parfois, il sut aussi s’appuyer sur elle, l’exploiter à son profit, la reprendre à son compte dans des conjonctures ponctuelles, mais fondamentalement il n’arriva à faire brèche que parmi les mêmes couches sociales qui, en Italie aussi, militaient le plus activement dans les rangs fascistes, des commerçants aux industriels en passant par les membres des professions libérales, les employés et les techniciens d’origine italienne de São Paulo, et très sporadiquement parmi les milliers d’ouvriers et de leurs fils (brésiliens). La figure de Mussolini parvenait à paraître presque familière à la plupart des travailleurs italo-paulistes, au point qu’ils ne manifestaient pas une hostilité explicite à son égard : au fond l’antifascisme actif et organisé lui-même était l’expression d’une minorité. Elle restait néanmoins distante et à quelques exceptions près elle n’atténua pas les dynamiques conflictuelles entre les travailleurs d’origine italienne et les principaux mentors du fascisme italo-pauliste, leurs compatriotes industriels, les sempiternels Crespi, Matarazzo et Falchi par exemple39.
37À partir des années 1920, d’ailleurs, les quartiers populaires de São Paulo prirent d’une année sur l’autre des traits de plus en plus brésiliens et cosmopolites du fait de nouveaux flux massifs de migrations internationales et internes. Ce processus se déroula cependant sans qu’ils perdent jamais tout à fait les multiples aspects culturels, ainsi que l’accumulation d’expériences et de caractéristiques propres au monde italo-pauliste qui s’était progressivement structuré, et les avait marqués des décennies durant.
Notes de bas de page
1 Le titre fait allusion au poème « O Studenti du Bó Ritiro », écrit par Marcondes Machado en une langue qui constitue une parodie du dialecte italo-pauliste. J. Bananère (pseudonyme d’Alexandre Ribeiro Marcondes Machado), La Divina Increnca, São Paulo, Editora 34, 2001 ; il s’agit de la reproduction intégrale de la première édition de 1915.
2 Avec des pointes en 1888, 1891, 1897, 1901, selon a. Trento, Do outro lado do Atlantico, São Paulo, nobel, 1989, p. 34.
3 Cf. par exemple o. Felici, Il Brasile com’è, Milano, associazione Libraria italiana, 1923.
4 B. Mussolini, Discorsi politici, Milano, Edizioni il Popolo d’Italia, 1921.
5 E. Toledo, Travessias revolucionarias, Campinas, ed. Unicamp, 2004.
6 Arquivo do Estado de São Paulo (AESP), DEOPS/SP, Pront. n. 27804.
7 Les témoignages oraux allant dans ce sens sont nombreux. Cf. e. Bosi, Memoria e sociedade : lembranças de velhos, São Paulo, Comp. das Letras, 1994. Sur le rapport entre danger révolutionnaire et origine étrangère et notamment italienne à São Paulo, cf. P. S. Pinheiro, Estrategias da ilusão, a revolução mundial e o Brasil, 1922-1935, São Paulo, Comp. das Letras, 1991.
8 En 1907, l’État brésilien avait promulgué une loi prévoyant l’expulsion d’étrangers considérés comme subversifs, sur proposition des députés paulistes ayant pu observer l’influence exercée par les immigrés italiens dans le développement du mouvement ouvrier. Pour justifier cette loi, on produisit la théorie de la Plante exotique, selon laquelle la lutte sociale était une greffe étrangère à la culture politique locale. Le socialiste Vincenzo Vacirca (1908) et le syndicaliste Edmondo Rossoni (1909) furent parmi les premiers expulsés.
9 Parmi lesquels les éléments culturels connus : religion catholique et langue néo-latine tout comme les nombreuses ressemblances, dans le cas de la métropole pauliste, avec l’Italie urbaine (industrie naissante et grand nombre d’ateliers semi-industriels).
10 Torino, Pro Vercelli, Juventus, Lazio, Roma, Ruggerone, Umberto I, Italo, Savoia, Dante Alighieri, Italia, Colombo, Primo Maggio pour n’en citer que quelques-uns.
11 Ou alors bi-nationaux, parfois, compte tenu de l’apport des travailleurs espagnols, surtout à partir des années 1910-1913.
12 La Lega lombarda, fondée en 1897, résista le plus longtemps à la fascisation des associations italiennes mise en œuvre par le consulat italien de São Paulo (AESP, DEOPS/SP, Pront., n° 10569 et n° 3471).
13 AESP, Memoria urbana. A grande São Paulo anté 1940 ; volume 2, São Paulo. O. Monteiro, Almanach historico-litterario do Estado de São Paulo para o anno de 1896, São Paulo, s. d., p. 265-266. V. Rotellini, Astensione O elettorato ? Un grave problema, São Paulo, Pubblicazioni del Fanfulla, L. Buhnaeds et Cie, 1902. « O Comercio de São Paulo », in « Leggendo e annotando » Fanfulla, n° 21, août 1905. a. Trento, op. cit., p. 124.
14 Selon le Boletim do Departamento estadual do Trabalho, en 1912, 60 % des travailleurs de l’industrie textile de São Paulo étaient italiens. Il faudrait y ajouter un grand nombre d’enfants nés au Brésil entre 1888 et 1901 et qui entraient à l’usine dès 8 ans. Dans le bâtiment, en 1913, les 4/5 des travailleurs étaient italiens. Cf. S. L. Maram, Anarquistas, imigrantes, e o movimento operário brasileiro, 1890-1920, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1979. p. 16.
15 M. Antonioli, Azione diretta e organizzazione operaia, Manduria, Laicata, 1990, p. 162.
16 G. Lombroso Ferrero, Nell’America Meridionale, Milano, Treves, 1908.
17 À partir des années 1890, la langue du mouvement ouvrier fut presque exclusivement l’italien. Il ne fut dépassé par le portugais dans la presse et les documents officiels qu’au début de la décennie 1920.
18 En 1920, plus de 1400 établissements et usines de l’État de São Paulo, soit presque la moitié du total, appartenaient à des propriétaires italiens. Cf. A. Trento, op. cit., p. 142.
19 Des syncrétismes intéressants naquirent de cette rencontre. La samba pauliste puise ses racines historiques dans le quartier de Bela Vista avec la plus ancienne des écoles de danse, Vai-Vai (nom s’inspirant du cri typiquement italien par lequel les tifosi encourageaient les joueurs de l’équipe locale de foot).
20 Sur ces groupes, cf. Il Brasile e gli Italiani, Firenze, edizioni del Fanfulla, Bemporad e Figlio, 1906 ainsi que les dossiers consacrés aux chapeliers socialistes, républicains et anarchistes de São Paulo dans le CPC (Archivio centrale dello Stato), parmi lesquels ceux de Ramenzoni et Biondetti (émiliens), Bezzi (romagnol), Pacini (lucquois), Soderi (pisan).
21 En 1911, ils organisèrent une grève générale qui dura plusieurs semaines.
22 Avanti ! São Paulo (1901-1902).
23 Dans la partie méridionale de la province de Salerne (NDT).
24 A. F. Verona, « O mundo è a nossa pátria » : a trajetória dos migrantes operários têxteis de Schio que fizeram de São Paulo e do bairro do Brás sua temporária morada, de 1891 a 1895. Thèse de doctorat. Universidade São Paulo -USP, 1999.
25 Le principal groupe anarchiste du Brás était l’Aurora, auquel s’ajouta quelque temps le Circolo di studi sociali Francisco Ferrer, formé presque exclusivement d’italiens.
26 Sur les rapports entre les sociétés de secours mutuel et le mouvement ouvrier à Sao Paulo, cf. L. Biondi, Entre associaçes étnicas e de classe. Os processos de organisação política et sindical dos trabalhadores italianos na cidade de São Paulo (1890-1920), Thèse de doctorat, Univ. est. Campinas — UNICAMP, 2002.
27 De 1901 à 1908, des noms d’ouvrières et d’ouvriers méridionaux apparurent souvent dans les listes de souscription et de participation aux assemblées de la Lega di resistenza dei lavoratori Tessili.
28 Cf. par exemple, « Sfogliando i giornali », Il Risveglio, São Paulo, n° 19, 24 juillet 1898, lors d’un de ses discours prononcé à la société Unione italiana del Bom Retiro.
29 Sempre Avanti !, n° 3, 16 décembre 1903. en 1912, au moins 6 des 18 membres du conseil dirigeant étaient d’origine méridionale. Cf. « Circoli e società », Fanfulla, 30 janvier 1912.
30 Statuto della Società italiana di mutuo soccorso Lega Lombarda, Sao Paulo, Tip. Ideal, Canton, 1910.
31 Référence au 20 septembre 1870, date d’entrée des troupes du Royaume d’Italie dans la Rome pontificale (NDT).
32 « 20 settembre » (Lega Democratica italiana di S. Paolo). 20 septembre 1898.
33 Cf. Avanti ! de Sao Paulo en 1901 et 1907-1908.
34 En 1917, au moins 1 500 familles de Sao Paulo avaient un membre de leur famille au front.
35 Fanfulla, n° 7947, 3 mars 1917.
36 Teodoro Monicelli (n° 1875) et fut politiquement actif à Sao Paulo de 1913 à 1920, puis fut expulsé du pays. Auparavant, après avoir participé au mouvement ouvrier dans la province de Mantoue, il avait été secrétaire des Bourses du travail de Bergame, Terni, Ferrare, etc. et avait participé à la grève de Parme en 1908.
37 Luigi Damiani (n. 1876) vécut au Brésil de 1897 à 1919. Il vécut à Sao Paulo où il fut un des dirigeants du mouvement anarchiste de 1898 à 1902 puis de 1909 à 1919.
38 Pour une analyse de la grève de 1917, cf. L. Biondi, op. cit., p. 345-402.
39 Sur fascisme et antifascisme à Sao Paulo, cf. a. Trento, op. cit., p. 267-404.
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