1918-1937 : La Chine dans le chaos
p. 18-19
Texte intégral
1La révolution de 1911-1912, en détruisant le régime impérial, a favorisé sous le couvert d’un « fantôme de république », le partage du pouvoir entre les mains de factions militaires rivales, dont les frontières ne sont guère étanches entre elles. Les principaux acteurs qui dominent la scène politique chinoise des années 1920-1930 sont essentiellement Zhang Zuolin un ancien brigand, Wu Peifu un des derniers généraux lettrés, Feng Yuxiang le général « chrétien protestant » au Nord-Ouest, et Sun Yat-sen relayé par Chiang Kai-shek, Zhang Zuolin maître de la Mandchourie est le chef de la clique du Fengtien. La clique de l’Anfu regroupe les provinces centrales jusqu’au Fujian et est dominée par Duan Qirui. Selon Jacques Guillermaz, longtemps attaché militaire en Chine, elle tire son nom d’une rue de Pékin où se réunissaient ses premiers membres. La clique du Zhili, avec Cao Kun et Wu Peifu, domine les provinces de la vallée du Yangzi. Au Guangdong, Sun Yat-sen, relayé après sa mort en mars 1925 par Chiang Kai-shek, est sous la coupe des Soviétiques qui, à partir de 1923, imposent au Guomindang une alliance avec les communistes. Pour cette raison et parce qu’il s’est opposé à la participation de la Chine à la Grande Guerre, Sun Yat-sen est mal vu des Occidentaux, et particulièrement des Anglo-saxons.
2À ces principaux chefs de guerre, vient se joindre un agrégat de généraux de provinces. Tous les historiens s’accordent à dire que, durant cette période, il est impossible de donner une description précise des événements, tant est grand l’imbroglio des warlords, et rapide la fréquence de leurs changements d’alliances et de leurs revirements. Ils se font et se défont au gré des intérêts du moment, les chefs de guerre s’alliant tantôt aux uns, tantôt aux autres. Parmi les plus importants, Tang Jiyao, maître du Yunnan, qui va tenter de regrouper sous son égide les provinces du Sud, soutenu par les Français dont l’intérêt est la sécurité de ces régions, en raison de leur proximité avec l’Indochine. Tiennent également le haut du pavé, Lu Rongting, Bai Chongxi, Li Zongren et Zhang Fakui, maîtres du Guangdong et du Guangxi, Yang Sen et Liu Xiang au Sichuan. Jusqu’à l’invasion des Japonais en 1937, ces généraux sont quasiment indépendants dans leurs provinces, malgré les tentatives de Chiang Kai-shek pour imposer l’autorité du gouvernement de Nankin.
3Dans de telles conditions, il est bien difficile pour les consuls français et leurs homologues étrangers de maintenir les positions de leurs pays dans leurs postes respectifs. Il est aussi bien loin le temps où ministres français et étrangers imposaient aux empereurs mandchous leurs traités de commerce, hypocritement qualifiés « d’amitié », et en profitaient pour se partager une Chine moribonde en différentes sphères d’influence, où ils pouvaient exercer leur toute puissance. Devant le chaos qui ravage l’ensemble de la Chine durant plus d’une décennie, désormais les pays impérialistes semblent ne plus jouer qu’un rôle d’arrière plan, excepté le Japon qui s’impose sur le devant de la scène. Cela ne veut pas dire qu’ils ont renoncé à leurs ambitions, loin de là. Mais elles se manifestent d’une autre manière, beaucoup plus sournoise et insidieuse. Il ne s’agit plus de conquêtes territoriales, auxquelles les Puissances renoncent solennellement par le traité de Washington. En réalité, leurs rivalités pour maintenir leur influence ne sont nullement éteintes. Elles renaissent avec autant de vivacité après la première guerre mondiale, mais elles se cachent derrière d’autres luttes, celles bien visibles des seigneurs de la guerre. Ces derniers deviennent les instruments des Puissances, qui leur fournissent argent, armes et munitions, en échange de la défense de leurs intérêts dans leurs différents secteurs.
4Dans les provinces, les agents dans les différents postes mènent une vie très difficile, le plus souvent isolés en raison des luttes intestines entre warlords. Ils tentent de préserver tant bien que mal les intérêts français quand ils existent encore, et si possible de tirer parti de ces rivalités en vendant du matériel de guerre aux différents protagonistes, comme en Mandchourie et surtout au Yunnan et au Fujian. Cette période de chaos va se prolonger même au-delà de la mise en place du gouvernement de Nankin par Chiang Kai-shek.
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