Conclusion
p. 257-259
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1Les treize communications présentées à La Rochelle le 24 juin 2005, et dont les textes sont rassemblés dans le présent volume, brossent un ample panorama du littoral atlantique européen à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Traitant soit d’un ensemble régional de ports soit d’un port en particulier, elles balayent de vastes portions de côtes depuis les anciens Pays-Bas, au nord, jusqu’à l’Andalousie, au sud, en passant par le littoral français du golfe de Gascogne. Le survol reste incomplet et il y a indubitablement des manques, entre autres la Bretagne et la Normandie pour l’espace français, les îles Britanniques et la Scandinavie pour le Nord-Ouest de l’Europe. Ces vides s’expliquent en partie par la difficulté de mobiliser des chercheurs en mesure de nous aider à couvrir tout ou partie de ces secteurs. D’autre part, la rencontre ayant été conçue comme l’étape fondatrice d’un projet que nous souhaitons inscrire dans la longue durée, l’exhaustivité géographique n’était pas l’un des objectifs premiers. Elle constituera en revanche un but vers lequel il conviendra de tendre à l’avenir. Nous formulons le vœu que la diffusion des actes de ce séminaire aidera à faire connaître les travaux entrepris et incitera les chercheurs et les doctorants intéressés par ces problématiques à entrer en contact avec nous afin d’enrichir l’approche initiale par leur collaboration.
2En fonction des sources et de la bibliographie dont les intervenants disposaient et du temps qu’ils ont pu consacrer au traitement de ces questions suite à une sollicitation tardive de notre part, mais aussi en raison d’interprétations personnelles assez différentes du document de cadrage1, les treize contributions explorent les pistes de recherche soumises à la réflexion collective sous des angles multiples et divers. Il apparaît néanmoins que la principale évolution naturelle qui, entre le xive et le xvie siècle, affecta les ports européens atlantiques et les secteurs littoraux commandant leurs accès résulte de l’accumulation par la mer et par le vent2 de matériaux (alluvions et sables). La physionomie du littoral fut transformée au point d’entraver dans de nombreux cas les activités qui s’y exerçaient, en particulier la navigation. Les côtes basses et sablonneuses furent les plus exposées à ces phénomènes, surtout à proximité des estuaires qui déversent continuellement dans la mer d’importants volumes d’alluvions que les courants marins rabattent ensuite le long de la côte. La Zélande et la Flandre maritime, la côte du Bas Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge, le littoral gascon, les estuaires du Douro et du Sado ou le littoral de la Basse Andalousie constituent les variantes régionales d’un même phénomène, dont seules les côtes du Nord de l’Espagne ont été relativement épargnées du fait de leur caractère rocheux et de la modestie des fleuves côtiers. À l’inverse, les ports menacés par le recul de la côte sous l’effet de l’érosion semblent avoir été peu nombreux. Royan et Talmont, à l’entrée de la Gironde, constituent néanmoins des exemples significatifs3.
3Plusieurs phénomènes naturels conjuguent leurs effets entraînant des répercussions néfastes pour les ports. Les dépôts abandonnés par la mer engraissent peu à peu le rivage, provoquant une lente avancée du trait de côte qui tend à « emprisonner » le port à l’intérieur de terres. D’autre part, les dépôts obstruent les débouchés maritimes des cours d’eau, des simples étiers jusqu’aux estuaires, rendant de plus en plus difficile l’accès à des ports dont le trafic décline, entravé par la perte de navigabilité et l’éloignement de la sortie à la mer. Bayonne et les ports sauniers de la Baie, en proie à une lente asphyxie aux xve et xvie siècles, comptent parmi les victimes de ces modifications du littoral formant l’environnement portuaire. Palos de la Frontera connaît le même déclin à partir de la seconde moitié du xvie siècle. Le rivage s’éloigne inexorablement de Sanlúcar de Barrameda aux xve et xvie siècles. Les anciens ports doivent composer des avant-ports à l’exemple du binôme Bruges-L’Écluse. Certains comme Bergues et Bourbourg sont carrément supplantés, respectivement par Dunkerque et Gravelines. D’autres enfin refusent catégoriquement cette concurrence et cherchent à contrôler les ports satellites. Middelbourg réussit vis-à-vis de Walcheren, làoù Bruges échoue à l’égard de L’Écluse.
4Sans doute parce que la tâche, complexe et ardue, dépasse de loin les compétences des seuls historiens des textes, il nous aura manqué de cerner les causes des phénomènes observés. Quelques jalons ont toutefois été posés. L’exemple guérandais semble indiquer que les modestes variations du niveau de la mer à l’échelle de la période étudiée ne constituent pas un facteur d’explication déterminant. Il est probable que les hommes portent une part de responsabilité dans ces changements. Les défrichements et l’intensification de l’activité agricole à partir du xiie siècle ont selon toute vraisemblance accéléré l’érosion des sols dans les bassins versants, favorisant le transport de grandes quantités de sédiments par les cours d’eau et leur évacuation vers la mer. L’exemple des littoraux de la Basse Andalousie, de la Gascogne et de la Saintonge plaide dans ce sens. En entravant la circulation de l’eau, les infrastructures telles que les moulins et les pêcheries, et plus encore les marais salants ont immanquablement favorisé l’alluvionnement. La Baie de Bourgneuf, le pays guérandais ou la région de Sétubal en fournissent la démonstration. La construction de quais et de digues destinés à améliorer la manutention des marchandises et à accroître la sécurité des navires au mouillage ou tirés au sec sur le rivage a modifié l’action des houles et des courants marins. Ces obstacles ont pu constituer des points d’ancrage à partir desquels s’est effectué le colmatage (ensablement ou envasement) dans et aux abords des ports. Ces phénomènes sont d’autant plus mal connus que les sources se bornent le plus souvent à incriminer les dépôts de lest sauvages perpétrés au mépris de la sécurité des navires. Le port de La Rochelle à la fin du Moyen Âge cumule les effets désastreux d’un phénomène naturel de chasse insuffisant et d’un délestage mal contrôlé par les autorités municipales. À Santander, Laredo et Castro Urdiales les aménagements portuaires modernes et contemporains ont totalement oblitéré ceux entrepris à l’extrême fin du Moyen Âge, au point de rendre la reconstitution de ces derniers extrêmement difficile en l’absence de relevés archéologiques. Ce n’est que l’aboutissement d’un processus de « repoussement » de la mer par la construction d’infrastructures successives en avant des précédentes.
5Nous sommes loin d’avoir fait le tour de la question ou, plus exactement, des diverses questions qui ont motivé la rencontre. Ces résultats partiels et parfois disparates ne constituent nullement un raté au regard des objectifs ambitieux du départ. Ils traduisent plutôt la richesse de la problématique envisagée qu’une unique journée de travail en commun ne suffisait à l’évidence à épuiser. Ce sentiment d’une quête inachevée, renforcé par le caractère enrichissant des échanges et le climat convivial dans lequel ils se sont déroulés, constitue un puissant encouragement à poursuivre dans cette voie4.
Notes de bas de page
1 Voir la présentation de la problématique du séminaire faite dans l’introduction.
2 La mer accumule les sédiments le long du rivage, notamment les sables. Ces derniers sont repris par les vents qui provoquent des « volements » de sables et des déplacements de dunes dans les parties émergées.
3 Ces deux cas sont à rapprocher de ceux de deux autres sites voisins : Châtelaillon, ruiné au xiie siècle par le recul de la falaise, et Blaye, menacé à la fin du xvie siècle par l’effondrement de la falaise surplombant la Gironde.
4 Une deuxième rencontre s’est tenue à La Rochelle le 13 octobre 2006 sur le thème de la sécurisation des accès aux ports dans l’Europe atlantique (xiiie-début xvie siècle). Elle prend place dans un projet de recherche animé par Mathias Tranchant sur la gestion du risque maritime chez les sociétés riveraines des mers du Ponant (vers 1100-vers 1550) autour duquel vont se structurer les recherches au cours des années à venir.
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