Le paradoxe de l’accès : le rôle des avant-ports dans les anciens Pays-Bas à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne (approche comparative générale)1
p. 227-255
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Index géographique : France
Texte intégral
1Sur un des tableaux les plus connus au monde, la Joconde, on voit à l’arrière-plan un paysage avec un fleuve sinueux. Les avis sont partagés sur la question de savoir si le paysage est imaginaire ou historique. Dans le dernier cas, le fleuve serait l’Arno qui traverse la ville de Florence. Quoi qu’il en soit, à la fin du xve siècle le peintre de la Joconde, Leonardo da Vinci, avait développé un plan pour rendre l’Arno navigable et faire de la ville de Florence un port de mer. Au début du siècle suivant Niccolò Machiavelli a essayé de réaliser ce plan, ce qui impliquait de changer le cours du fleuve, privant d’eau la ville de Pise, située à l’embouchure de l’Arno. Si ce plan avait réussi, Florence aurait pu transformer la base économique de sa puissance2. À une échelle plus modeste, mais plus réaliste peut-être, certaines villes des anciens Pays-Bas ont également essayé au bas Moyen Âge et au xvie siècle de contrôler ou de dominer leurs avant-ports3 situés en aval.
2D’un côté les villes médiévales dans les régions maritimes néerlandaises4 étaient prêtes à faire de grands investissements pour créer ou améliorer leurs liens avec la mer, de l’autre elles essayaient de freiner le développement de leurs avant-ports. Au plan urbain, il n’était pas seulement question de construire ou d’agrandir leurs moyens portuaires afin de renforcer leur position économique, il s’agissait également d’éviter le développement des concurrents. Dans trois des comtés maritimes des anciens Pays-Bas – la Flandre, la Zélande et la Hollande – Bruges, Middelbourg et Delft sont des exemples respectifs de villes qui se prêtent parfaitement à une comparaison dans ce sens (fig. 1). Ces trois villes ont essayé de dominer leurs avant-ports respectifs : L’Écluse, Arnemuiden et Delfshaven. Le but de cet article est de traiter quelques éléments des relations entre les trois villes et leurs avant-ports et de tenter de faire quelques remarques comparatives afin de contribuer à l’analyse des similitudes et des différences des développements dans ces trois cas5. On se centrera sur les infrastructures portuaires et sur les accès navigables. Le rôle du prince, qui voulait stimuler le développement économique de son territoire, sera également pris en compte.
3La comparaison proposée est moins osée qu’il ne pourrait paraître. Au xvie siècle, les villes mentionnées faisaient déjà référence les unes aux autres pour indiquer la comparabilité de leurs relations avec leurs avant-ports6. Cette contribution se place dans le cadre du thème de la ville et de ses environs dont l’étude a souvent été axée sur l’arrière-pays des villes en question7. Il est également important de considérer les relations de ces mêmes villes avec leurs avant-pays8.
4Cet article traitera surtout à la question de « comment ». En ce qui concerne la question du « pourquoi » on se limitera à la remarque du fameux écrivain poète Jacob van Maerlant qui a travaillé sur l’île de Voorne et à Damme, avant-port de Bruges :
De zee is rijk, de zee is groot,
Zout water geeft het zoetste brood9.
5Vers dont la traduction en français pourrait être :
La mer est riche, la mer est grande,
L’eau salée donne le pain le plus sucré.
6Quoiqu’on puisse interpréter ces mots comme une référence à l’importance de la pêche, l’archiviste de la ville de L’Écluse, J. H. van Dale, les a également interprétés dans le sens plus large de la navigation et du commerce maritime. Voilà donc, en deux phrases poétiques, la raison de tous les travaux et les efforts des villes que nous allons aborder
7Le présent article se compose de trois parties. Dans la première deux questions seront abordées. Nous nous préoccuperons tout d’abord de savoir comment les trois villes considérées ont essayé de réaliser, d’entretenir ou d’améliorer leur accessibilité maritime, puis comment les villes de Bruges, Middelbourg et Delft ont essayé de contrôler ou de freiner le développement des activités de leurs avant-ports. Une analyse comparative, forcément incomplète, sera tentée dans la deuxième partie. Enfin, dans la dernière partie quelques remarques seront faites sur les conséquences de la Révolte des Pays-Bas pour les relations entre les villes en question et leurs avant-ports. Il est évident que dans le cadre limité d’un article il ne peut être question d’un traitement exhaustif de la problématique10.
Le paradoxe de l’accès
Amélioration et maintien de l’accessibilité maritime
8L’intérêt d’avoir un lien maritime n’impliquait pas que les villes côtières avaient nécessairement une position avantageuse vis-à-vis des villes situées plus à l’intérieur du pays. D’une part, une ville intérieure avait l’avantage de pouvoir desservir un arrière-pays plus important qu’une ville directement en front de mer. D’autre part, une ville « continentale » était moins vulnérable aux attaques d’un ennemi, pour ne mentionner que deux raisons11. Ce dernier avantage semble avoir été surtout important au moment où le développement de l’État avait déjà atteint un certain niveau et où les villes maritimes étaient considérées comme des villes frontalières12. Le défi d’une ville située à l’intérieur était d’améliorer ou pour le moins de maintenir son accessibilité maritime, si elle avait l’ambition de devenir ou de rester un centre de commerce maritime. Il devait y avoir, soit dans la ville même, soit plus en aval de la route maritime qui liait cette ville à la mer, soit à l’embouchure de ce cours d’eau, des facilités pour le transbordement de biens de navires de haute mer sur des bateaux plus petits, ou possibilité de débarquement direct des navires à quai. Autrement dit, il fallait des facilités portuaires. Nous allons nous intéresser aux mesures prises par les villes de Bruges, de Middelbourg et de Delft afin de garantir leur accès maritime.
Bruges
9L’étroit golfe du Zwin s’est formé pendant les trente ou quarante années qui suivirent l’inondation de 1134. Ce bras de mer, parfaitement navigable, arrivait à 5 kilomètres de Bruges (fig. 2). C’est à ce point que fut construit un barrage (dam) pour protéger l’intérieur des terres de la mer. En 1180, le comte Philippe d’Alsace y fonda une nouvelle ville : Damme, qu’il exempta de tonlieux. Peu après, un canal fut creusé, la nouvelle Reie, qui liait la ville de Bruges au Zwin à Damme. Vers 1250 ce canal fut fermé à Damme par une écluse. Par conséquent, Bruges cessait d’être un port maritime. Du fait de l’introduction de grands navires, comme la coque au xiiie siècle, la plupart des bâtiments de mer ne pouvaient plus atteindre Bruges. Les navires s’amarraient devant Damme, où les marchandises étaient débarquées et transbordées dans des bâtiments plus petits qui les portaient à Bruges13.
10Quoique le développement de Damme ait été en grande partie le résultat de l’initiative personnelle du comte de Flandre, la ville de Bruges a contribué à l’expansion de cet avant-port par la réalisation des infrastructures, comme le canal mentionné entre Bruges et Damme, l’écluse à Damme et les quais du port de Damme, qui étaient la propriété de la ville de Bruges. À côté du transbordement de biens destiné à Bruges, il fut permis à Damme de faire le commerce de certains produits sans obligation de transport à Bruges. Ainsi Damme a obtenu pour la Flandre l’étape exclusive du vin, du hareng salé, de la poix, du goudron, des bestiaux danois et des chevaux frisons14.
11Après Damme, au cours du xiiie siècle quelques autres noyaux urbains se sont développés le long des rives du Zwin : Hoeke, Monnikerede, Mude (actuellement Sint-Anna ter Muide) et L’Écluse. Chacune de ces petites villes profitait du commerce dans le Zwin. Comme Damme, elles possédaient certains privilèges. Une certaine répartition du travail ou forme de spécialisation s’était opérée. Monnikerede bénéficiait de l’étape du poisson séché. Hoeke s’occupait du commerce avec les Allemands et semble avoir été un siège de la Hanse. À L’Écluse il était parfois question de l’étape du bois. Cette dernière ville entra maintes fois en conflit avec Bruges à propos des droits d’étape. Mude devait sa raison d’être à la présence du bailli des eaux auquel incombait la juridiction commerciale sur le Zwin.
12Ces villes possédaient donc une certaine indépendance mais elles étaient toutefois soumises à la loi de Bruges, leur chef de sens. Avant de rendre jugement, les échevins de Damme, L’Écluse, Mude, Monnikerede et Hoeke devaient consulter leurs homologues brugeois. Les petites villes apparaissent comme un réseau dont l’existence repose d’une part sur leur situation géographique spécifique, c’est-à-dire leur emplacement sur le cours d’eau qui liait Bruges à la mer, et d’autre part leur lien de dépendance par rapport à la métropole flamande. Brigitte Fossion a proposé l’intéressante hypothèse que l’emplacement ou du moins le développement de ces petites villes sous la coupe de Bruges correspondait à la volonté de cette ville de contrôler l’ensemble des plages d’échouage ou les endroits où des marchandises pouvaient être déchargées sur le Zwin. Laisser ces emplacements libres ou sans contrôle aurait pu être dangereux pour Bruges qui entendait garder le monopole du commerce dans le Zwin. Les privilèges donnés aux petites villes du Zwin s’expliqueraient alors par la volonté de Bruges de leur permettre de subsister tout en contrôlant leurs activités15.
13Si Bruges a pu contrôler à un certain degré ses avant-ports de Damme, Hoeke, Monnikerede, L’Écluse au niveau juridique et économique, elle était confrontée à un problème d’ordre hydrographique16 qui mettait en cause son commerce maritime. Il s’agit du fameux problème de l’ensablementprogressif du canal et du Zwin. À cause de plusieurs endiguements réalisés sur la rive droite du Zwin pendant la deuxième moitié du xiiie siècle, ce bras de mer s’est fortement rétréci et son ensablement s’est accéléré de sorte que vers la fin du xiiie siècle les gros navires ne pouvaient plus accoster à Damme et trouvaient une alternative à L’Écluse située plus en aval que Damme, à l’entrée du Zwin, sur la rive orientale.
14Bruges ne s’est pourtant pas résignée à l’ensablement de son accès maritime. Pour y remédier toute une série de projets a été développée pendant les siècles suivants. Certains ont été réalisés, d’autres ont été commencés puis abandonnés et d’autres encore n’ont pas dépassé le stade de l’intention. Le canal fut amélioré dès 1294, recreusé en 1333, rectifié en 1370, creusé de nouveau en 1399-1402 et approfondi en 1419. Pour lutter contre l’ensablement du Zwin, Bruges chercha à augmenter l’écoulement des eaux en creusant un canal jusqu’à la Lyse en 1330. Les travaux furent repris en 1361, et encore en 1378, mais quand les ouvriers atteignirent les limites du quartier de Gand, ils furent chassés par les Gantois17. Des commissions d’enquêtes furent créées qui présentèrent quatre projets différents pour le Zwin entre 1420 et 147018. Le projet exécuté fut l’ouverture du Zwarte Gat afin d’améliorer la circulation de l’eau dans le Zwin, mais l’effet atteint fut au contraire l’accélération de l’ensablement du Zwin. La fermeture du Zwarte Gat, où pendant la révolte flamande une flotte de guerre de Maximilien d’Autriche put faire escale, a pris des années et a coûté une fortune. Tous les efforts entrepris ensuite non pas eu le résultat désiré. Parmi tous ces projets, le plus visionnaire fut sans doute celui du Lancelot Blondeel, lancé en 1546. Il s’agissait de creuser un nouveau canal vers le nord et de créer ainsi une nouvelle ouverture vers la mer près de Heist dans la direction de l’emplacement où, au début du siècle dernier, Zeebrugge fut construit19.
15Entre 1501 et 1575 Bruges aurait dépensé 463 397 florins pour l’amélioration du Zwin, dépenses limitées d’ailleurs aux années 1501 et 1547 à 1575. À en croire une remarque portée à la suite de la liste des dépenses, probablement par un comptable de l’administration brugeoise, « le résultat de cette énorme dépense fut anéanti en 1583 par la rupture et la destruction des digues opérées à la suite des troubles20 ». Il est évident que, dans de telles conditions, il ne pouvait plus être question d’une exécution de projets tel celui de Lancelot Blondeel.
16À côté de tous ces projets d’infrastructure une solution moins ambitieuse mais plus réaliste a été trouvée : la création d’un service de pilotage et le placement de bouées ou balises dans le Zwin afin d’indiquer le chenal à L’Écluse. Une première enquête pour savoir comment les grands bâtiments pouvaient atteindre le port de L’Écluse eut lieu en 1448 à l’initiative des Quatre Membres de Flandre – Gand, Bruges, Ypres et le Franc de Bruges. Il en résulta l’année suivante une première ordonnance sur le règlement du pilotage. Après quelques naufrages qui risquaient de dissuader les capitaines de navires étrangers de faire escale à L’Écluse, Bruges prit l’initiative d’organiser le pilotage du Zwin en collaboration avec le Franc de Bruges et avec L’Écluse à partir de 1456-1457. Les premières bouées furent placées à l’embouchure du Zwin en 1456. Bruges était responsable de l’initiative, de l’organisation et du financement de ces services. La ville espérait ainsi continuer d’attirer le grand commerce international à l’avant-port de L’Écluse21.
17Tous les projets et travaux d’infrastructures étaient concentrés sur l’accessibilité de Bruges, tandis que le service du pilotage était axé sur l’accès du port de L’Écluse. Les anciens avant-ports de Bruges comme Damme, Hoeke et Monnikerede étaient trop petits et n’avaient pas les moyens financiers de réaliser des infrastructures qui auraient pu améliorer leur situation22.
Middelbourg
18Situé sur Walcheren, aujourd’hui une presque île, une île à l’époque, dans l’archipel zélandais, Middelbourg était relié par le fleuve Arne, dont l’embouchure se trouvait à l’est de l’île, à la fameuse rade de Walcheren, un des plus grands centres de navigation d’Europe pendant les xive, xve et xvie siècles, profitant d’abord de sa situation vis-à-vis Bruges puis vis-à-vis de celle Anvers (fig. 3)23.
19Bien avant 1200, Middelbourg, mentionné comme portus, dut avoir une certaine importance comme centre commercial. L’établissement a probablement profité du passage des commerçants de Flandre qui exportaient déjà des draps en Angleterre, vers le nord de l’Empire, la Rhénanie et la région du haut cours de la Meuse. Pendant le xiiie siècle Middelbourg s’est développé comme un centre régional d’activités économiques diversifiées où il était question entre autres de commerce de draps et de vin. Vers la fin du siècle, les habitants de Middelbourg, comme d’ailleurs d’autres Zélandais, ont également joué un rôle dans le transport maritime de la laine, en profitant des tensions anglo-flamandes24.
20Comme Bruges, Middelbourg ne se trouvait pas directement en bordure de la mer, mais dépendait pour le transport maritime d’un petit fleuve sinueux, pratiquement inapte à la navigation par des bateaux à voile et probablement inaccessible pour des bâtiments de haute mer à marée basse (fig. 4). En 1435 il était déjà question d’un appareil appelée « taupe » (mol), pourvu de cames de fer, pour approfondir le port de Middelbourg et probablement aussi l’Arne. Il s’agissait probablement d’une drague.
21En 1451 et 1486 des projets ont été développés pour la construction d’un port à l’embouchure de l’Arne, près d’Arnemuiden, mais pour des raisons inconnues ils n’ont pas été exécutés. Middelbourg a ensuite opté pour l’agrandissement de son propre port, dont le bassin datant du xiie siècle était trop petit et encombré, et pour l’amélioration de l’accès du port. Un indice nous est fourni par la présence d’un maître de port en 1513 pour assurer le bon fonctionnement du trafic maritime et pour indiquer des mouillages.
22L’accès difficile du port a amené en 1526 la magistrature à nommer une commission qui devait étudier comment un nouveau canal pourrait être creusé entre la ville et la rade de Walcheren. En 1531 la ville a reçu l’approbation de Charles Quint sous condition que la ville serait responsable du financement du projet, c’est-à-dire pour le creusement du canal et pour la construction de deux écluses de chasse. Ces dernières serviraient à déverser les terres aux alentours du canal de ses eaux et permettraient également à creuser le canal afin de le garder à profondeur. En 1536, le canal d’une largeur de 57 mètres fut réalisé sur une longueur de 5 kilomètres environ. La même année, Middelbourg inaugura un banc pour pouvoir radouber les coques des navires. Il s’agissait d’un banc de sable avec un sous-sol dur d’argile utilisé comme cale sèche. Le navire était amené à marée haute sur le banc. Échouées à marée basse, ses œuvres vives étaient accessibles pour effectuer les travaux. Il s’agissait d’une nouvelle facilité portuaire, unique aux Pays-Bas à l’époque25.
23Le nouveau canal eut un tel succès que quelques années après son ouverture, la navigation, avait fortement augmenté, créant déjà de nouveaux problèmes dans le port. L’entrée était obstruée par des navires venant de l’étranger qui ne trouvaient pas de place le long du quai pour décharger leurs marchandises. La ville s’adressa à nouveau à Charles V, cette fois pour la construction d’un deuxième port à l’intérieur de la ville, ce qui fut approuvé en 1540. Le nouveau port était utilisé pour les navires venant d’Espagne, du Portugal et de France, trop grands pour entrer dans le vieux port. En hiver, il servait également à abriter les navires. Le nouveau port, les canaux de ceinture de la ville et le canal vers la rade de Walcheren étaient reliés à un lac de retenue, le Molenwater, agrandi autour de 155026 afin de garantir la profondeur de ces cours d’eaux. Ainsi l’accès de la ville de Middelbourg avait-il été assuré. Pendant les décennies suivantes la ville n’a plus connu d’améliorations portuaires significatives27.
24Comme Bruges, Middelbourg a eu des soucis à cause de l’ensablement de son avant-port ou plutôt de la rade de Walcheren, espace maritime à l’est de l’île du même nom. En 1557 une commission fut nommée afin d’étudier les fonds devant Arnemuiden, mais il fallut 1591, Arnemuiden s’étant libéré entre-temps de la tutelle de Middelbourg, pour combattre le problème de l’ensablement28.
Delft
25À Delft, le développement de deux branches économiques d’exportation au cours du xive siècle, la brasserie et la draperie, a créé le besoin d’une bonne jonction avec les grands fleuves du delta des anciens Pays-Bas. Au xiiie siècle, Delft était relié à la Nouvelle Meuse – Merwe à l’époque – par le Delff, par le cours inférieur de la Lede et par la crique du Schie (fig. 5). Vers 1260, un établissement, Schiedam29, s’est développé au dam construit là où le Schie traversait la digue pour se jeter dans la Nouvelle Meuse. Les biens transportés sur des bateaux en provenance de Delft devaient y être transbordés sur le dam dans des navires qui se trouvaient sur le fleuve. Ce transbordement avait lieu par des ruelles passant entre les maisons sur le dam. Vers 1299 l’une de ces maisons fut démolie pour la construction d’un portage. Ainsi des bateaux pouvaient être tirés sur le dam jusqu’au port de Schiedam sur des rouleaux et avec l’aide d’un treuil.
26Une meilleure jonction fut créée autour de 1343 avec l’ouverture d’un canal, le Rotterdamse vaart, qui reliait la ville de Rotterdam au village d’Overschie et ainsi qu’à Delft. L’avantage était que ce canal traversait la digue à Rotterdam par une écluse qui permettait aux bateaux venant de l’intérieur d’arriver jusqu’au port extérieur où les biens pouvaient être transbordés directement dans des navires plus grands. Il fallait pourtant payer pour l’usage de l’écluse et pour l’outillage du port. À Rotterdam, où il y avait également des brasseries et des draperies, le gouvernement municipal avait d’ailleurs tendance à protéger ses propres bourgeois et n’a donc pas stimulé le transport de produits de Delft dans son port par l’écluse30.
27Il n’est pas surprenant que Delft ait désiré avoir sa propre liaison avec la Nouvelle Meuse, indépendamment de ses avant-ports de Schiedam et Rotterdam. En 1389, Delft reçut le privilège du duc Albert de Bavière, comte de Hollande, de creuser un canal entre Overschie et le fleuve : le Delftse Schievaart. Pour cela la digue du Schie était percée au nord de Schiedam. Le canal menait à la digue de la Meuse (Maasdijk) où une écluse fut construite. Le creusement fut poursuivi au-delà de la digue jusqu’à la Nouvelle Meuse. Delfshaven fut construit sur la rive inondable au-delà de la digue31.
28Selon le privilège, la ville de Delft a construit une porte d’écluse à la fin du canal, à la haute digue du wateringue32 de Schieland. Une grande chambre d’écluse fut creusée devant cette écluse au-delà de la digue, l’Aelbrechtskolk, qui existe toujours. Cette chambre d’écluse était ensuite séparée par une porte du port qui, lui, était en relation directe avec le fleuve. La chambre avait un double but. D’un côté elle protégeait des navires qui s’y trouvaient et de l’autre elle permettait d’éviter que le port ne s’envasât grâce à la possibilité de faire écouler l’eau en ouvrant les portes de l’écluse. Les deux écluses avaient des portes qui se déplaçaient verticalement. Elles étaient levées au moyen de grandes roues comparables à celles qu’on trouvait dans les grues de l’époque. Au-dessus de chaque écluse, il y avait une construction pourvue d’une voûte en berceau. La hauteur de ces bâtiments correspondait au minimum à la hauteur totale de la porte de l’écluse et à celui du mécanisme pour la mouvoir. Seuls les navires avec des mâts mis à bas pouvaient passer33.
29Un nouveau privilège de 1424 émancipait les habitants de Delfshaven en leur donnant les mêmes droits que les bourgeois de Delft dans la mesure où cela convenait au magistrat, ce qui stimula le développement économique de l’avant-port. En 1451 Delft obtint le consentement du comte de Hollande pour creuser un deuxième port à Delfshaven, le Achterhaven, afin d’avoir plus de place pour accueillir des navires. L’agrandissement du port en 1451, qui doublait l’espace portuaire, a rendu possible le développement de Delfshaven comme port de pêche. La plupart des pêcheurs venaient de l’extérieur de Delft, de toute la Hollande méridionale et de Waterland. Ils apportaient leur pêche à Delfshaven pour la vendre au marché à Delft. Plusieurs pêcheurs de Brielle, dont le port subissait les conséquences négatives d’ensablement vers la fin du xve siècle, et qui furent peut-être attirés par la présence proche d’une ville qui disposait de capitaux, échangèrent leur port pour celui de Delfshaven. Pendant l’hiver, ils laissaient leurs harenguiers à Delfshaven34.
30Delft, une des grandes villes du comté de Hollande, a su garantir son propre accès maritime, indépendamment de Schiedam et de Rotterdam, en créant son propre avant-port dont le développement semble avoir été stimulé jusqu’au milieu du xve siècle au moins.
Comparaison
31Si on laisse de côté les projets avortés, on constate que Bruges a concentré tous ses efforts pour garantir son accès maritime sur le seul lien existant, c’est-à-dire le Zwin. Soit directement, soit indirectement, les différents travaux exécutés avaient pour but l’approfondissement du Zwin ou l’amélioration de la circulation de l’eau dans ce bras de mer. Par contre, Middelbourg et Delft ont opté pour le creusement de nouveaux cours d’eau : Delft pour être indépendant des avant-ports de Schiedam et Rotterdam ; Middelbourg pour ne plus être dépendant de l’Arne sinueux. Au niveau des infrastructures portuaires, Delft a construit un nouveau port à l’embouchure de son lien avec la Nouvelle Meuse, tandis que Middelbourg, après avoir songé à construire un port à l’embouchure de l’Arne, opta pour l’agrandissement de son port à l’intérieur de la ville. On ne peut que spéculer sur l’explication de ces différences. Delft était situé à 12 kilomètres du fleuve, Middelbourg se trouvait à 5 kilomètres de la rade de Walcheren seulement. Contrairement à Delft, Middelbourg avait déjà un port de mer. L’élément des infrastructures préexistantes a donc pu être un facteur décisif dans le choix de Middelbourg d’élargir le port existant au lieu de construire un nouveau port ailleurs. Delft a voulu avant tout être indépendante pour son accès maritime de Schiedam et de Rotterdam. Mis à part le fait que la construction d’un port de mer à Delft aurait demandé des investissements plus vastes puisque dans ce cas le canal creusé aurait dû être beaucoup plus grand que le canal existant, Delfshaven permettait à Delft de concurrencer directement les activités portuaires de Schiedam et de Rotterdam.
Contrôle et limites au développement des avant-ports
32Comme nous venons de le voir, les trois villes de Bruges, Middelbourg et Delft ont entrepris des travaux importants afin de conserver ou d’améliorer leur accès pour le transport maritime. La création d’avant-ports comme Damme et Delfshaven a eu lieu avec le consentement ou à l’initiative des villes de Bruges et de Delft. Il y avait pourtant le risque que ces créations nouvelles ne surpassassent les métropoles. C’est pourquoi ces dernières ont également fait des efforts pour contrôler ou limiter les développements de leurs avant-ports.
L’Écluse
33Étant le plus jeune des ports du Zwin, L’Écluse a obtenu des privilèges de ville peu avant son apparition dans les sources en 1290. Selon A. Verhulst, l’ensablement du Zwin a été une des raisons pour lesquelles vers la fin du xiiie siècle L’Écluse a été fondée par Jean de Namur, le fils aîné du comte Gui de Dampierre, comme ville nouvelle et avant-port de Bruges35. L’Écluse était particulièrement bien située sur la rive droite de la large embouchure du Zwin. Ainsi le port était beaucoup moins vulnérable à l’ensablement que les ports situés plus à l’intérieur de ce bras de mer. La ville de L’Écluse s’est rapidement transformée en une agglomération urbaine importante. Elle a connu ses années les plus prospères pendant la deuxième moitié du xive siècle et la première moitié du xve siècle quand la ville était, après Bruges, la plus importante ville du Zwin. Entre le milieu du xive siècle et la fin du xve siècle sa population a doublé jusqu’à dépasser 9 800 habitants. Damme, qui a subi l’ensablement de son port, ne comptait pas plus que 2 000 habitants autour de 1500 quoiqu’elle ait été encore assez prospère aux xive et xve siècles36. L’estimation selon laquelle L’Écluse aurait pu dépasser Bruges comme centre commercial maritime est exagérée37. Mais il est sûr que vers la fin du xive siècle L’Écluse était devenue le seul avant-port important de Bruges.
34Il n’est donc pas surprenant que, à plusieurs reprises, il y ait eu de graves tensions entre Bruges et L’Écluse. Sans pouvoir suivre ici la longue histoire des relations entre ces deux villes, quelques moments forts dans le développement des rapports entre la métropole flamande et son avant-port peuvent donner une idée de la façon selon laquelle la rivalité s’est exprimée et comment Bruges a essayé de limiter le développement de L’Écluse.
35En 1323, le comte Jean de Namur, seigneur de L’Écluse, avait reçu du comte de Flandre, Louis de Nevers, le bailliage de l’eau de L’Écluse, compétent pour le Zwin. Jusqu’à ce moment, cet office avait toujours été occupé par un bourgeois de Bruges ou de Damme38. Les Brugeois, qui avaient d’ailleurs entendu que Jean recrutait à L’Écluse des gens pour la guerre et craignant une atteinte à leurs privilèges commerciaux, démolirent la grue de L’Écluse et brûlèrent la plus grande partie de la ville. L’action brugeoise eut le résultat escompté car l’année suivante le comte donna des privilèges étendus à la métropole, interdisant entre autres à L’Écluse de faire « nulles forteresses ne nulles maisons défensables ». Chaque fois que L’Écluse essayait de se soustraire aux mesures restrictives Bruges portait plainte en faisant référence aux privilèges de 132439. Néanmoins, au fil du temps et avec le soutien ou la simple approbation du comte, L’Écluse a pu s’entourer d’une muraille, signe caractéristique d’une ville, soulignant ainsi son indépendance vis-à-vis de la campagne alentour et vis-à-vis de Bruges.
36À partir du moment où L’Écluse fut incorporée dans le domaine du comte de Flandre, le 1er décembre 1386, ce dernier ordonna la construction d’un château au nord de la ville et, en face, de l’autre côté du Zwin, celle de la tour de Bourgogne. Une chaîne tendue entre les deux forteresses pouvait en barrer l’accès. Cette reconnaissance de l’importance stratégique de L’Écluse par le nouveau comte de Flandre, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, marquait le début du développement de L’Écluse comme port militaire. La construction d’un arsenal où les caravelles et les galées du duc pouvaient être mises à l’abri en fut l’élément le plus caractéristique40. Ainsi L’Écluse était devenue une base stratégique aux mains du comte contre des menaces maritimes étrangères mais pouvait également servir contre Bruges.
37Bruges faisait très attention aux travaux, surtout aux constructions sur lebord du Zwin où L’Écluse profitait pendant les années 1414-1415 des alluvions pour y mettre des poteaux afin de réaliser une digue et des constructions de défense contre la menace maritime anglaise. En 1432, alors que L’Écluse était en train de construire l’enceinte au côté du Zwin, Bruges, se référant aux privilèges de 1324 et prétendant que les travaux auraient des conséquences négatives pour la navigation sur le Zwin, demanda d’arrêter les travaux et de détruire ce qui avait déjà été construit. En première instance, Philippe le Bon soutint Bruges, mais un « lobby » de L’Écluse auprès du duc et de son entourage fut finalement couronné de succès car la ville obtint l’autorisation de continuer les constructions et put ainsi réaliser la muraille au long du Zwin41. Cette décision dut faire à Bruges l’effet d’une gifle et peut expliquer pourquoi la domination de L’Écluse fut un des principaux objectifs de la révolte brugeoise des années 1436-1438.
38Pendant cette révolte, L’Écluse a fermé à plusieurs reprises le Zwin, non seulement pour contrarier Bruges mais aussi les alliés de Bruges sur le Zwin, comme Hoeke et Monnikerede42. De tels blocus, qui dans le cas de Bruges incitaient des marchands étrangers à quitter la ville, soulignent la position-clé de L’Écluse vis-à-vis de Bruges. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les rebelles étaient d’avis que la municipalité de Bruges ne prenait pas des mesures suffisantes pour contrôler le Zwin et pour garantir sa profondeur. La réduction de la concurrence de L’Écluse fut une des plus importantes demandes des rebelles de Bruges43.
39Pour comprendre la rivalité entre Bruges et L’Écluse, il est important de souligner à la fois l’importance stratégique et économique du port de L’Écluse. Malgré des problèmes d’ensablement du Zwin, L’Écluse était considérée au xve siècle comme « principal port et clef de nostre pays de Flandres ». L’Écluse était alors un des trois principaux ports d’Europe et pouvait accueillir les plus grands navires de l’époque, galères incluses, et même des flottes entières, comme au début de 1464 quand 60 navires se trouvaient simultanément dans le port. Il y avait un abri qui pouvait accueillir 12 navires de la Hanse ainsi que 36 à 40 harenguiers44. Au milieu du xvie siècle, L’Écluse était considérée aussi bien par la ville de Bruges que par les trois autres villes maritimes de Flandre, Dunkerque, Ostende et Nieuport, comme le seul port flamand pouvant accueillir des navires de 80 tonneaux45.
40Contrairement à Arnemuiden et à Delfshaven, L’Écluse a connu son propre développement urbain qui semble avoir été fortement stimulé par le comte de Flandre. L’Écluse a aussi profité du développement commercial de Bruges. Contrairement aux autres avant-ports de cette métropole, trop petits et dont les moyens étaient par conséquent trop restreints pour entreprendre des travaux d’infrastructure importants afin d’échapper à l’ensablement du Zwin, L’Écluse a su développer sa fonction portuaire grâce à sa position idéale à l’embouchure du Zwin et grâce au soutien du comte. À côté de son importance comme centre de commerce et de navigation, L’Écluse avait une importance stratégique qui dépassait le cadre local. Elle était la base navale des ducs de Bourgogne aux Pays-Bas. Par sa position, elle permettait d’une part de protéger Bruges et son arrière-pays contre des menaces maritimes étrangères et d’autre part elle offrait au prince un moyen de mettre un frein à Bruges si les conditions le rendaient nécessaire.
Arnemuiden
41En 1254, Middelbourg s’était déjà assuré la juridiction sur le fleuve Arne et les digues, ce qui pourrait indiquer que la ville possédait également la juridiction sur Arnemuiden à l’embouchure de l’Arne46. En 1482 il était interdit d’utiliser la balance et d’y stocker des marchandises. Elles devaient toutes être transportées à Middelbourg. Ces mesures n’étaient plus suffisantes quand, pendant la seconde moitié du xve siècle, Arnemuiden fut abandonnée et reconstruite plus à l’est, hors la juridiction de Middelbourg, suite à des problèmes d’eaux affluentes. Par l’achat, en 1493 et en 1508, de deux petites seigneuries sur lesquelles Arnemuiden était située, Middelbourg a pu s’assurer le contrôle du nouveau village47. La ville craignait que le propriétaire précédent, le seigneur de Beveren, Veere et Flessingues, ait l’intention d’y créer un port pour faire ancrer des navires en provenance de l’étranger afin de diriger les marchandises vers sa ville de Veere. Les acquisitions foncières de Middelbourg doivent être considérées dans le cadre des eff orts de la ville pour briser le risque d’encerclement par le plus puissant seigneur de la Zélande qui, grâce à Veere et à Flessingue, contrôlait les deux routes maritimes entre la mer et la rade de Walcheren, c’est-à-dire l’Oosterschelde et la Westerschelde ou Honte48. En 1558, à la mort du dernier seigneur de Veere, ses propriétés furent vendues, la première ville zélandaise voulut acheter les seigneuries de Welsinge et de Kleverskerke « coûte que coûte », puisqu’elles avaient une certaine importance stratégique pour l’accès à son port. Cet achat fut réalisé en 156749.
42Middelbourg a quasiment étoufféles activités économiques du nouveau village d’Arnemuiden. Toute activité commerciale à Arnemuiden était soumise à l’autorisation préalable des bourgeois de Middelbourg. Des activités liées à la navigation étaient permises sous certaines conditions, comme la réparation navale ou la vente de matériaux pour les navires. La réalité économique a pourtant donné occasion à la modération de certaines mesures. À l’occasion des plaintes de marchands portugais qui trouvaient trop long et compliqué le transport de leurs biens en provenance d’Anvers et à destination de la péninsule Ibérique par la ville de Middelbourg, et qui menaçaient de se reporter sur d’autres routes, la première ville zélandaise autorisa que les marchandises en transit puissent être stockées à Arnemuiden pendant une courte durée.
43Mais cela n’était pas suffisant pour les habitants d’Arnemuiden. En 1530, ils adressèrent un mémorandum à Charles Quint contenant leurs plaintes contre Middelbourg. Ils entreprirent également une procédure devant le Grand Conseil de Malines pour obtenir un assouplissement des relations entre la première ville zélandaise et son avant-port. Une sentence du 15 août 1531 confirma pourtant Middelbourg dans ses droits tandis que seules quelques activités économiques furent permises à Arnemuiden, essentiellement celles qui étaient directement liées à la subsistance des habitants et à la navigation, comme la production de biscottes et la vente de viande salée pour l’approvisionnement de navires.
44Il est évident que dans les conditions restrictives décrites ci-dessus il ne pouvait pas être question de constructions portuaires à Arnemuiden50.
Delfshaven
45Pour un port comme celui de Delfshaven, dont l’espace portuaire avait été doublé au milieu du xve siècle, le nombre de maisons – 117 en 1514 et 178 en 1544 – était relativement restreint. Malgré le besoin de nouvelles habitations, ce nombre était resté constant depuis une dizaine d’années. La raison était claire : « Ceulx de Delft ne voulaient pas permettre qu’on y fasse des constructions51. » En 1537, cette interdiction était explicitement confirmée par une résolution de la magistrature de la ville de Delft. Il était déclaré qu’il était interdit de construire des nouveaux bâtiments et qu’il n’était pas permis d’agrandir ou de changer des bâtiments déjà existants à Delfshaven sans le consentement de Delft. La raison en était donnée sans détour : « Il fallait tenir le port petit52. » Cette interdiction avait été énoncée suite aux conséquences de l’incendie de 1536, qui avait détruit la plus grande partie de la ville de Delft. Pas moins de 2 309 maisons avaient brûlé. Seulement 300 maisons furent conservées. Par conséquent beaucoup d’habitants se réfugièrent à Delfshaven, dont le développement fut fortement stimulé. Il paraît que pendant un moment on avait même songé à reconstruire la ville de Delft à Delfshaven, mais très vite ce projet avait été abandonné. Le clergé ne voulait pas abandonner ses belles églises tandis que les remparts, toujours intacts, devaient être construits à nouveau si Delft était reconstruit à la Meuse. Au xviie siècle plusieurs auteurs de Delft ont regretté cette décision. Ils croyaient que Delft aurait pu se développer aussi fortement que Rotterdam53.
46Comme les habitants d’Arnemuiden, ceux de Delfshaven se sont adressés au Grand Conseil de Malines pour contester les mesures restrictives prises par Delft, comme celles concernant l’immobilisation des harenguiers, l’emballage des harengs et l’interdiction de la construction et de la réparation des maisons. En 1548, une sentence du Grand Conseil obligeait la ville à améliorer le port. Il était permis de construire des quais dans le Achterhaven et de les affecter aux harenguiers à condition que les pêcheurs financent eux-mêmes les travaux54. Le désintérêt de la magistrature de Delft pour la pêche et la mauvaise volonté d’investir dans le port, ainsi que le fait que les pêcheurs, dont la plupart n’étaient pas originaires de Delft, trouvaient des ports alternatifs dans la région, expliquent pourquoi Delfshaven n’a pas connu d’expansion portuaire pendant les décennies suivantes. Vers 1550 une trentaine de maîtres de navires ont même quitté Delfshaven pour s’établir à Rotterdam. La politique restrictive de Delft a été poursuivie pendant tout xvie siècle. C’est ainsi que le fameux homme d’État de la République des Provinces-Unies, Johan van Oldenbarnevelt de Rotterdam, qui a d’ailleurs beaucoup stimulé le développement de sa ville, aurait pu dire que « la précision de ceux de Delft et l’avarice de ceux de Schiedam ont fait grand Rotterdam55 ».
Comparaison
47Tandis que L’Écluse obtenait des franchises communales et se transformait sous l’autorité comtale en une ville importante qui approchait les 10 000 habitants, Delfshaven et Arnemuiden restaient sous la tutelle de leurs métropoles, avec un nombre restreint d’habitants. Arnemuiden semble avoir tenté de se libérer de Middelbourg par son déplacement rendu nécessaire à l’occasion des difficultés causées par l’eau, mais la première ville zélandaise s’est ensuite assurée de la domination sur le nouveau village par des achats fonciers. Un autre contraste qui sépare L’Écluse de Delfshaven et Arnemuiden est le rôle du prince vis-à-vis de ces avant-ports. L’Écluse put compter à plusieurs reprises sur le soutien du comte de Flandre face à la ville de Bruges. Delfshaven et Arnemuiden par contre devaient se passer du soutien de Charles Quint. Des circonstances politiques et stratégiques semblent avoir déterminé l’attitude du prince. L’Écluse était d’une importance primordiale pour la politique navale du prince jusqu’à la fin du xve siècle. En Zélande, Charles Quint avait besoin de l’appui de Middelbourg pour limiter la forte position du seigneur de Beveren, Veere et Flessingues. Delft, une des grandes villes de Hollande, était représentée aux États de Hollande, institution d’une importance fondamentale pour l’acceptation des aides, dont le prince dépendait pour le financement de sa politique.
48Grâce à sa position relativement indépendante comme ville et grâceà sa position stratégique, L’Écluse a pu à plusieurs reprises tenir tête avec succès à Bruges. L’exemple le plus spectaculaire est fourni par la Révolte flamande à la fin du xve siècle quand L’Écluse, dans les mains de Philippe de Clèves, devenait le foyer de l’opposition contre le pouvoir de Maximilien d’Autriche, dont Bruges avant tout devait subir les conséquences négatives pour son commerce maritime. Contrairement à L’Écluse, Delfshaven et Arnemuiden étaient des entités politiques négligeables ce qui permettait à Delft et à Middelbourg de poursuivre leur maîtrise de ces avant-ports, sans devoir tenir compte de contraintes ou d’obstacles politiques supérieurs.
Analyse comparative
49Les trois villes étaient prêtes à de grands investissements pour entretenir leurs liens maritimes, et dans les cas de Delft et de Middelbourg, à créer de nouveaux liens avec la mer. Les municipalités étaient conscientes que la fortune de leurs villes dépendait de ce lien. Au xvie siècle, l’image du sac et de son bord était utilisée pour représenter la situation d’une ville comme Middelbourg, le sac, et de son avant-port Arnemuiden, le bord56. Cette image montre bien le double défide ceux qui se trouvaient à l’intérieur du sac. Il fallait assurer l’ouverture du sac, en gardant le chemin maritime ouvert d’une part et en limitant le développement portuaire d’avantports d’autre part. Cela a été plus difficile pour Bruges. La ville a consenti de grands efforts afin d’échapper à l’ensablement de son accès maritime. Perçant puis rebouchant le Zwarte Gat, la ville ne contrôlait pas son avant-port principal, L’Écluse, au même degré que Middelbourg a su contrôler Arnemuiden et Delft Delfshaven.
50Après avoir analysé les grandes lignes des tentatives des trois villes pour maintenir et améliorer leur accès maritime, et limiter le développement de leurs avant-ports respectifs, passons à l’analyse comparative. Cette comparaison se concentre sur cinq aspects différents plus ou moins liés : les solutions choisies pour résoudre le problème d’accessibilité, la compétition portuaire au niveau régional, les aspects politiques et juridiques, l’infrastructure et la longue durée.
Les solutions de l’accessibilité
51Quant à l’aspect hydrographique, il est difficile et peut-être impossible de comparer les situations des trois binômes portuaires pour la simple raison qu’ils étaient uniques et parce qu’ils ont évolué différemment dans le temps ce qui rend toute comparaison extrêmement difficile et hasardeuse. Néanmoins, cela ne décharge pas le chercheur de faire au moins un effort. Dans cette phase de mes recherches je me limite à constater qu’au simple niveau de la distance le défide Bruges était le plus grand. Cette ville setrouvait en ligne droite à une quinzaine de kilomètres de L’Écluse tandis que la distance entre Delft et Delfshaven ne dépassait guère 12 kilomètres et celle entre Middelbourg et Arnemuiden se situait autour de 5 kilomètres seulement. La distance n’explique pourtant pas tout puisque nous avons vu comment les trois municipalités étudiées n’arrêtaient pas de développer des projets, des travaux et des infrastructures afin de résoudre les problèmes d’ensablement sans nécessairement tenur compte de la distance. En tout cas, la distance entre Florence et Pise atteignant 80 kilomètres, le projet de Leonardo da Vinci et de Machiavelli de changer le cours du fleuve Arno dépassait les ambitions de Delft, Middelbourg, et même de Bruges, quoique le projet de Lancelot Blondeel de créer un nouveau canal de Bruges à la mer approchait celui des deux grands hommes de la Renaissance encore le plus en ambition.
52Les solutions choisies par les trois villes pour améliorer leur accès à la mer ont été différentes. Tandis que Delft et Middelbourg ont opté pour le creusement d’un nouveau canal afin d’être indépendants de leurs avant-ports – Schiedam et Rotterdam dans le cas de Delft avant 1389, Arnemuiden dans le cas de Middelbourg – Bruges s’est longtemps concentré sur l’amélioration de la navigabilité du Zwin. La solution radicalement nouvelle de Lancelot Blondeel restait inexécutée jusqu’au xxe siècle. Delft et Middelbourg se distinguent également l’un de l’autre dans le sens que Delft a construit un nouveau port à l’embouchure de son canal, inclus dans la ville, tandis que Middelbourg a envisagé la construction d’un avant-port à l’embouchure de l’Arne mais n’a pas exécuté ce projet. Elle a par contre concentré tout le développement portuaire à l’intérieur de ses murailles ou à proximité, comme le Molenwater. On pourrait dire que la vision de Delft en 1389 était plus tournée vers le futur que celle de Middelbourg au xvie siècle, mais il faut admettre tout de suite, que Middelbourg à cette époque possédait déjà un port de mer tandis que l’accessibilité de la ville de Delft semble toujours avoir été restreinte à des navires de modestes dimensions.
La compétition portuaire régionale
53Au niveau de la compétition portuaire régionale il faut constater que L’Écluse a non seulement pris la première place des ports du Zwin grâce à son accessibilité à de grands navires, mais aussi, au moins à partir du dernier quart du xve siècle, parce qu’elle était le seul port du comté de Flandre pouvant accueillir des flottes entières. Ce n’était pas pour rien qu’elle était mentionnée comme le troisième port de la chrétienté à la fin du xve siècle57. Le port de Middelbourg a certainement connu plus de concurrence, surtout de la part de Veere et de Flessingue (ce dernier, port de pêche avant tout), qui tous les deux avaient des ports de mer. Si tous ces ports ont profité de la présence du plus grand port de l’Europe, c’est-à-dire la rade de Walcheren, Middelbourg en a certainement tiré le plus grand parti grâce aux avantages combinés de l’accès direct de son port à la rade, de la domination exercée sur Arnemuiden et de son importance politique comme première ville de Zélande. Delfshaven se trouvait parmi d’autres ports de la Nouvelle Meuse, comme Schiedam et Rotterdam. Malgré les restrictions de Delft, Delfshaven a néanmoins pu se développer comme un port de pêche important, conjointement avec Rotterdam, le plus important de Hollande au milieu du xvie siècle.
Aspects politiques et juridiques
54Quant aux aspects politiques et juridiques, il est important de se rendre compte que L’Écluse était une ville protégée par le prince tandis que Arnemuiden et Delfshaven faisaient respectivement partie de la juridiction de Middelbourg et de Delft. Cela explique pourquoi les tensions entre Bruges et L’Écluse pouvaient monter à des niveaux plus hauts que dans les cas des deux autres couples portuaires. L’Écluse avait simplement davantage les moyens de contrarier Bruges que Arnemuiden et Delfshaven. La possibilité de fermer le Zwin, mise en œuvre pendant la révolte brugeoise de 1436-1438 et la Révolte flamande (1488-1492), était la menace plus importante. Dans un contexte plus large, le rôle du prince a certainement été décisif. Tandis que L’Écluse trouvait parfois le prince à son côté contre Bruges, Arnemuiden a dû admettre que Charles Quint était au côté de Middelbourg et soutenait cette ville contre le seigneur de Veere et de Flessingues.
55Puisque Arnemuiden et Delfshaven faisaient partie des juridictions respectives de Middelbourg et de Delft, ces deux villes paraissent avoir eu des moyens de contrôle plus effectifs. Bruges était bien consciente du désavantage de sa position vis-à-vis de L’Écluse comparé aux relations de Middelbourg et Delft avec leurs avant-ports. Dans une note de 1563 laville exprimait l’espoir que l’incorporation de L’Écluse dans sa juridiction contribuerait non seulement à la prospérité de Bruges, Damme et L’Écluse, mais aurait également comme conséquence l’harmonie entre ces villes sans procès. Bruges se référait explicitement aux exemples de « Middelbourg en Zélande avec Arnemuiden, Delft en Hollande avec Delfshaven et la ville de Groningue en Frise avec le Dam58 ». Le cas de Groningue59 n’est pas étudié ici, mais son inclusion dans la note montre bien que Bruges faisait référence aux cas comparables dans l’ensemble des Pays-Bas60. La comparaison faite par Bruges était d’ailleurs un peu trop optimiste puisque le fait que Middelbourg et Delft englobaient la juridiction de leurs avant-ports respectifs n’excluait pas la possibilité que les habitants de ces avant-ports intententdes procès contre les municipalités dont ils faisaient partie. À plusieurs occasions, des habitants d’Arnemuiden et de Delfshaven se sont adressés au Grand Conseil de Malines afin de tenter de se libérer des restrictions imposées par les municipalités de leurs métropoles respectives.
56L’ironie de l’histoire des relations entre Bruges et son principal avant-port est que les premières initiatives de rapprochement des deux villesfurent prises par L’Écluse. Pendant la révolte flamande et les années où la ville fut aux mains de Philippe de Clèves, la vie économique s’en trouva bouleversée. Financièrement épuisée, L’Écluse avait été incorporée en 1498 dans le domaine du souverain à la demande du Magistrat. La relance économique ne se produisant pas, L’Écluse chercha l’aide de Bruges. En première instance les Brugeois, craignant toujours qu’une renaissance de L’Écluse soit un danger pour leur propre commerce, n’étaient pas enclin à soutenir leur vieil avant-port. Après la présentation d’une requête adressée par le magistrat de L’Écluse à Philippe II en 1559 l’affaire fut examinée par le gouvernement central qui mena une enquête. Finalement les Brugeois abandonnèrent leurs réserves. En 1566, Bruges acheta la ville et l’échevinagede L’Écluse de Philippe II61.
Les infrastructures
57Malgré leur situation comparable, reconnue par les contemporains, les avant-ports différaient quant à leurs infrastructures. Arnemuiden, plus grand port naturel de l’Europe, profitait de sa situation sur la rade de Walcheren, mais il n’avait pas de port propre avant 1590. Il semble que Middelbourg empêcha le développement d’infrastructures importantes à Arnemuiden. La première ville zélandaise a regroupé les infrastructures portuaires dans ses murailles, assurant également l’indépendance de son ancien avant-port. Contrairement au fonctionnement portuaire d’Arnemuiden avant 1590, le port de Delfshaven était une construction humaine dès le début. La fondation de L’Écluse est certainement liée à l’excellence de son emplacement à l’embouchure du Zwin, mais il reste à voir dans quelle mesure des infrastructures ont stimulé sa fonction portuaire62. L’importance stratégique de L’Écluse, clé de la Flandre, s’est surtout exprimée à travers le grand château et le petit château, construits des deux côtés du Zwin et permettant de fermer cette voie maritime à tout moment.
Les évolutions sur la longue durée
58On peut définir un port de mer comme un port accessible aux navires de mer ou plus spécifiquement la fonction portuaire de transbordement de grands navires sur des bateaux plus petits. Si l’on considère le développement des ports en question sur la longue durée, on constate que les ports de mer se sont déplacés vers la côte dans le cas de Bruges, tandis que Middelbourg a su assurer l’accès de son port pour des grands navires, au moins pendant la période étudiée. La possibilité du déplacement de Delft à Delfshaven en 1536 s’est présentée à l’occasion du désastre de l’incendie, mais ce projet n’a pas été réalisé car apparemment les infrastructures encore existantes, comme les murailles et les églises, ont eu un poids plus grand que celui de l’attraction du port. On touche ici au sujet du « path dependency ». Dans ce sens, le petit village d’Arnemuiden représente l’exemple opposé, celui de la flexibilité topographique. La possibilité de son déplacement s’explique justement, je crois, par le manque d’infrastructure et par conséquent par la possibilité et, bien sûr, par la volonté des habitants de s’adapter à la situation hydrographique nouvelle. Avant 1590, ce n’étaient pas ses infrastructures qui étaient déterminantes mais sa position vis-à-vis de la rade de Walcheren. Cette dynamique me paraît surtout capitale pour comprendre le développement portuaire durant le Moyen Âge central, quand les infrastructures ne pesaient pas encore aussi lourd qu’au bas Moyen Âge, mais cette problématique dépasse le cadre chronologique en question ici.
59Quoi que les navires vinssent généralement aux ports, il faut bien se rendre compte que, sur la longue durée, les ports de mer se déplacèrent de plus en plus vers la côte pour accueillir de plus grands navires et pour pallier les problèmes d’ensablement. Ceci était parfois difficile à accepter pour des villes fondées sur des lieux accessibles à la navigation qui virent ensuite cet avantage remis en cause. D’où la volonté des municipalités comme Bruges, Middelbourg et Delft de maintenir et d’améliorer leurs liens avec la mer et leur volonté de dominer leurs avant-ports. Vu l’impossibilité de leur déplacement, il fallait attirer l’eau salée le plus loin possible dans la ville afin de garantir le pain sucré pour reprendre les mots de Van Maerlant.
Les conséquences de la Révolte des Pays-Bas
60La Révolte des Pays-Bas eut des conséquences différentes pour les relations entre les villes étudiées et leurs avant-ports. Dans le cas de Bruges et de L’Écluse, l’union des deux villes n’a pas duré longtemps. Pendant la Révolte des Pays-Bas, Bruges repassa sous l’autorité de Philippe II en 1584 tandis que L’Écluse fut déclarée libre de Bruges par les États généraux des Provinces-Unies en 1586. Quoique L’Écluse ait été reprise par les troupes espagnoles en 1587 la ville fut définitivement conquise par les ProvincesUnies en 160463. En fin de compte, les deux villes se trouvaient dans deux États différents. Par conséquent Bruges était coupée de son accès avec lamer tandis que L’Écluse était coupée de son arrière-pays.
61Pour Arnemuiden la Révolte fut l’occasion de se soustraire au pouvoir de Middelbourg. Très tôt Arnemuiden a choisi le camp du prince d’Orange tandis que Middelbourg restait fidèle au régime légal qui avait toujours soutenu la ville. La première ville zélandaise changea de parti seulement après un siège qui dura deux ans64. Arnemuiden fut remerciée pour le soutien accordé au prince en recevant une magistrature propre, distincte de celle de Middel bourg. Mais, au moment où Arnemuiden gagnait sa liberté politique, plusieurs circonstances empêchèrent son développement. Malgré la construction, finalement, d’un port en 1590, la fermeture de l’Escaut en 1585 eut comme conséquence une forte diminution de la navigation internationale vers Anvers dont Arnemuiden avait largement profité pendant les décennies précédentes. Un deuxième obstacle pour le développement d’Arnemuiden fut l’ensablement de la rade de Walcheren qui menaçait de couper la petite ville de la mer65.
62Le Magistrat a tout fait pour essayer de garder ouvert l’accès à la mer. En 1607 elle a même considéré de se mettre à nouveau sous la tutelle de Middelbourg, mais contrairement à Bruges qui avait acheté son avant-port, Middelbourg se ravisa au moment où il apparut qu’elle devait payer les dettes d’Arnemuiden contractées auprès de Flessingue, le grand rival de Middelbourg sur l’île de Walcheren66. Malgré le soutien financier des États de Zélande, tous les efforts pour garder ouvert le cours d’eau vers Arnemuiden ont échoué. La petite ville n’avait pas les moyens comme Middelbourg de creuser un canal pour garantir l’accès à la mer67. Le parallèle avec les petits avant-ports de Bruges – Damme, Hoeke et Monnikerede – qui n’avaient pas non plus les moyens de réaliser des travaux importants afin d’échapper à l’ensablement, est clair.
63À côté des deux exemples précédents de relations entre ville et avant-port, le cas de Delft et Delfshaven est remarquable pour sa continuité. Delfshaven a continué à faire partie de la ville de Delft jusqu’à la fin de la République des Provinces-Unies en 179568. Toutes les conditions étaient présentes pour le développement de Delfshaven comme une ville portuaire importante : un port convenable, une bonne accessibilité avec l’arrière-pays et une flotte de pêche importante. La ville de Delft, prospère, pourvue d’une bourgeoise capitaliste et d’industries comme la brasserie, aurait facilement pu stimuler le développement de son port. Vu l’exemple de Delft, et sachant comment Bruges et Middelbourg ont essayé de limiter le développement de leurs avant-ports, il est peu probable que le destin de L’Écluse et d’Arnemuiden, vu leurs problèmes hydrographiques d’ensablement et leurs moyens financiers restreints, ait été différent si la Révolte des Pays-Bas n’avait pas coupé les XVII Provinces en deux.
64La Révolte des Pays-Bas a coupé Bruges de son avant-port, L’Écluse de son arrière-pays, et, à une échelle plus large, Middelbourg et Arnemuiden ont également été coupées de leur arrière-pays traditionnel, c’est-à-dire la Flandre et le Brabant avec Anvers. Grâce à son influence politique et à sa position géographique, Middelbourg a su réorienter sa base économique et s’est intégrée dans l’économie des Provinces-Unies. Cela n’a pas été le cas deL’Écluse et d’Arnemuiden. Le manque d’influence à des niveaux politiques plus élevés et le manque de moyens financiers – L’Écluse et Arnemuiden avaient de graves problèmes financiers au xvie siècle, ont empêché ces deux ports de réorienter leur économie. L’autonomie d’Arnemuiden, acquise grâce au soutien du prince d’Orange, venait trop tard pour échapper à la décadence suite à l’ensablement de la rade de Walcheren et à la chute d’Anvers. La relation entre Delft et Delfshaven n’a pas changé à l’occasion de la Révolte. Plus éloignée de la nouvelle frontière qui coupait les anciens Pays-Bas en deux, la position géopolitique de cette ville hollandaise et de son avant-port ne semble pas avoir radicalement changé.
65Il a été supposé que l’unique projet de coopération entre Leonardo da Vinci et Macchiavelli avait été étouffé69. L’échec du projet de changer le cours de l’Arno aurait montré une faiblesse fondamentale de la forme politique de la ville-État, dominé par l’étroite vision des intérêts commerciaux et orienté vers des profits rapides. Relativement petites et trop dépendantes de mercenaires, ces villes-États n’étaient pas capables de combiner le capital et la force comme l’État moderne70. Si cela est vrai, il reste à voir si ces considérations s’appliquent aux Pays-Bas royaux et aux Provinces-Unies. Dans ce contexte, les exemples de Bruges et de Delft montrent que la réalité historique ne s’explique pas de façon aussi simple. Tandis que, dans le cas de Bruges, l’ensemble des institutions de l’État a fait des efforts pour rétablir un lien avec la mer, sans résultat probant pendant l’époque moderne, la ville de Delft a poursuivi sa politique médiévale restrictive vis-à-vis de son avant-port au moment où les Pays-Bas atteignaient le plus grand essor dans leur histoire.
66Delft et Middelbourg ont profité de leur représentation dans les institutions de l’État et de leur position économique pour s’assurer que plusieurs institutions dont les activités étaient directement liées aux ports aient leur siège à l’intérieur des murs. Ainsi Delft s’est assurée d’une représentation (kamer) de la Compagnie unie des Indes orientales (VOC) et du secrétariat de l’important « Collège de la Grande Pêcherie ». Middelbourg a été le siège de la représentation zélandaise de la VOC et de la Compagnie unie des Indes occidentales (WIC) et s’est développée dans les années 1640 comme le deuxième port des Provinces-Unies, après Amsterdam. Bien que ces exemples dépassent le cadre chronologique de cet article, je pense qu’on peut dire que pour comprendre le développement portuaire et la réalisation de travaux d’infrastructure liés aux ports, il faut avant tout considérer les cadres politiques locaux, les priorités des municipalités en question, ainsi que les relations des villes en question avec des pouvoirs politiques à des niveaux plus élevés comme celui du prince ou de l’État central.
67La jeune République des Provinces-Unies s’est tournée vers la mer et a connu une croissance économique sans précédent. Leonardo da Vinci et Macchiavelli par contre tournèrent le dos à l’Arno comme Mona Lisa, ce qui nous permet d’apprécier son sourire.
Notes de bas de page
1 Les recherches pour cette contribution ont été possibles grâce au Programme Pôles d’attraction Interuniversitaires – Politique scientifique fédérale belge « La société urbaine dans les anciens Pays-Bas (bas Moyen Âge – xvie siècle) ». L’auteur remercie Wim Blockmans et les collègues au sein de la section d’histoire médiévale ainsi que Cátia Antunes et Tim Soens pour leurs commentaires et suggestions, et Bruno Castille pour avoir relu le texte. Naturellement, la responsabilité de l’article incombe seulement à l’auteur.
2 Masters R. D., Fortune is a river. Leonardi da Vinci and Niccolò Macchiavelli’s magnificent dream to change the course of Florentine history, New York, 1998, p. 105-107.
3 Le mot « avant-port » est employé dans cet article dans un sens géographique, comme un lieu portuaire vis-à-vis d’une ville située plus en amont. Ce mot n’a ici pas de signification juridique.
4 L’adjectif « néerlandais » signifie : « des anciens Pays-Bas ».
5 Il y a d’autres exemples aussi bien dans les anciens Pays-Bas, comme Gravelines, avant-port de Saint-Omer ; Nieuport, avant-port de Dixmude, qu’à l’extérieur, comme San Lúcar de Barrameda, avant-port de Séville. Verhulst A., Histoire du paysage rural en Flandre de l’époque romaine au xviiie siècle, Bruxelles, 1966, p. 43 ; Vignols L., « Du rôle des avant-ports entrepôts, français et étrangers, dans l’ancien commerce », Annales d’histoire économique et sociale, t. 5, 1933, p. 86-87.
6 Voir par exemple la référence de Middelbourg à la relation entre Delft et Delfshaven, et celle entre Bilbao et Portugalete. Remonstrance de Middelbourg datant avant le 2 mai 1531 dans Unger W. S. (dir.), Bronnen tot de geschiedenis van Middelburg in den landsheerlijken tijd, I, Rijks geschiedkundige publicatiën Grote serie 54, La Haye, 1923, n° 653, p. 574-575. Voir également De Stoppelaar J. H., Inventaris van het oud-archief der stad Middelburg, Middelbourg, 1883, n° 1447, p. 128. Pour une référence de Bruges aux exemples de Middelbourg et Arnemuiden, Delft et Delfshaven, Groningen et Dam voir Schouteet A., « Betoog van de stadsregeering van Brugge aan de magistraat van Damme betreffende de ontworpen inlijving van L’Écluse bij Brugge », Annales de la Société d’émulation de Bruges, t. LXXIX, 1936, p. 130-135, 134.
7 Clark P. et Lepetit B. (dir.), Capital cities and their hinterlands in early modern Europe, Aldershot et Brookfield, 1996.
8 Blondé B. et Deceulaer H., « The port of Antwerp and its arrière-pays : port traffic, urban economies and government policies in the 17th and 18th centuries », Ertesvåg R., Starkey D. J. et Tove Austbø A. (dir.), Maritime industries and public intervention. The fourth North Sea History Conference, 18-20 August 1995, Stavanger, Norway, Stavanger, Stavanger Maritime Museum/Association of North Sea Societies, 2002, p. 21-44.
9 Citation en néerlandais moderne dans Van Dale J. H., Een blik op de vorming der stad Sluis en op den aanleg van harer vestingwerken, Middelbourg, 1871, p. 3. Sur Van Maerlant (ca. 1230-ca. 1300) voir l’étude de Van Oostrom F. P., Maerlants wereld, Amsterdam, 1996. Van Dale a été l’archiviste municipal de L’Écluse et a donné son nom aux fameux dictionnaires néerlandais. Sur lui voir Van Driel L., Een leven in woorden. J. H. van Dale, schoolmeester, archivaris, taalkundige, Zutpen, 2003.
10 Il y a d’ailleurs des contraintes au niveau des sources. Une grande partie des archives médiévales de la ville de Delft et de Delfshaven a brûlé en 1536. Ce qui reste est décrit par Morre G., Inventaris van het archief van het stadsbestuur van Delft. Eerste afdeling 1246-1795, 1-2, Delft, Regionaal historisch centrum Delft, 1902, et par Soutendam J., Inventaris der charters en privilegien berustende op het archief der gemeente Delft (1246-1599), Delft, s. n., 1860 ; id., Register der bescheiden die berust hebben in het « secreet vertrek » van H. H. burgemeesteren en regeerders der stad Delft, Delft, 1861 ; id., Mededeelingen uit het archief der stad Delft, Delft, 1862. Les archives de Middelbourg et d’Arnemuiden ont été détruites en 1940 et celles de L’Écluse en 1944. En ce qui concerne Middelbourg et Arnemuiden, d’importantes éditions de sources ont été achevées avant la Seconde Guerre mondiale. Les plus importantes sont celles de Unger W. S. (dir.), Bronnen tot de geschiedenis van Middelburg in den landsheerlijken tijd, I-III, Rijks geschiedkundige publicatiën Grote serie 54, 61, 75, La Haye, 1923-1931 et de Kesteloo H. M. (dir.), « De stadsrekeningen van Middelburg van 1365-1449 », Archief. Vroegere en latere mededeelingen voornamelijk in betrekking tot Zeeland uitgegeven door het Zeeuwsch Genootschap der wetenschappen (AZG), 1883, p. 171-330 ; id., « De stadsrekeningen van Middelburg (II) van 1450-1499 », VI, 1885, p. 43-171 ; id., « De stadsrekeningen van Middelburg (III) van 1500-1549 », VI, 1885, p. 257-426 ; id., « De stadsrekeningen van Middelburg (IV) van 1550-1600 », VII, 1894, p. 1-182. L’inventaire des archives médiévales de la ville de Middelbourg, contenant, à côté de simples descriptions, des régestes, est devenu une source en soi : De Stoppelaar J. H., op. cit.
11 Voir par exemple la description de la situation de Londres par John Stow au xvie siècle. Milne G., The port of medieval London, Stroud, 2003, p. 7.
12 Amsterdam et Flessingue étaient considérés comme tel à la fin du xve siècle et pendant la première moitié du xvie siècle. Smit J. G., Vorst en onderdaan. Studies over Holland en Zeeland in de late middeleeuwen, Miscellanea neerlandica XII, Leuven, 1995, p. 295 et Sicking L., « De Zuiderzee en de territoriale afronding van de Nederlanden onder Karel V », Holland, historisch tijdschrift, t. 30, 1998, p. 127-141, 127.
13 Ryckaert M., « Hydrografie van de binnenstad en bloei van de middeleeuwse haven », Vermeersch V. et alii (dir.), Brugge en de zee. Van Brugge tot Zeebrugge, Anvers, 1982, p. 27-51, 31 et 44. J. Paviot (Bruges, 1300-1500, Paris, 2002, p. 33-34) se trompe en mentionnant Thierry d’Alsace.
14 De Witte H., « The maritime topography of medieval Bruges », Bill J. et Clausen B. L., (dir.), Maritime topography and the medieval town. Papers from the 5th international conference on waterfront archaeology in Copenhagen, 14-16 May 1998. Publication from the National Museum. Studies in archaeology and history 4, Copenhague, 1999, p. 137-144, 141-142 ; Verhulst A., « Kort overzicht van de geschiedenis van de Zwinstreek in de middeleeuwen », Handelingen van het genootschap voor geschiedenis gesticht onder de benaming, Société d’Émulation de Brugge, 137, n° 3-4, 2000, p. 191202, 199. Verhulst A., Histoire du paysage rural en Flandre…, op. cit., p. 43.
15 Fossion B., « Bruges et les petites villes du Zwin. À propos des “réseaux” urbains », Le réseau urbain en Belgique dans une perspective historique (1350-1850). Une approche statistique et dynamique, actes du 15e colloque international de Spa (1990), Crédit communal Collection d’histoire, série in-8°, n° 86, Bruxelles, 1992, p. 327-339, 329.
16 Hydrographie : partie de la géographie physique ; science des mers, fleuves, lacs, en particulier en ce qui concerne la navigation.
17 Paviot J., op. cit., p. 34. Voir aussi Ryckaert M., op. cit., p. 56-62.
18 Blockmans W. P., De volksvertegenwoordiging in Vlaanderen in de overgang van middeleeuwen naar nieuwe tijden (1384-1506), Verhandelingen van de koninklijke academie voor wetenschappen, letteren en schone kunsten van België, Klasse der Letteren, XLe année, n° 90, Bruxelles, 1978, p. 517-520.
19 Ryckaert M., op. cit., p. 61.
20 Gilliodts-van Severen L., Bruges port de mer. Étude historique sur l’état de cette question principalement dans le cours du seizième siècle d’après de documents inédits déposés aux archives de la ville de Bruges, Annales de la Société d’Émulation pour l’étude de l’histoire et des antiquités de la Flandre, 5e série, VII, 1894, p. 18-20. Selon M. Ryckaert (op. cit., p. 64) les inondations de ces années ont amélioré la navigabilité du Zwin, mais la guerre empêcha le commerce maritime brugeois de tirer profit de cette situation.
21 Étudié en détail avec des références nombreuses aux sources primaires par Degryse R., « Brugge en de organisatie van het loodswezen van het Zwin op het einde van de 15de eeuw », Handelingen van het Genootschap voor geschiedenis, CXII, 1-2, 1975, p. 61-130, 66-69, 100, et id., « Brugge en de pilotage van de Spaanse vloot in het Zwin in de xvide eeuw », Handelingen van het Genootschap voor geschiedenis, CXVII, 1-2, 1980, p. 105-178.
22 Sosson J.-P., « Les “petites villes” du Zwin (xive-xve siècles) : des “espaces urbains” inviables ? », Contamine Ph., Dutour T. et Schnerb B. (dir.), Commerce, finances et société (xie-xvie siècles). Recueil de travaux d’histoire médiévale offert à M. le professeur Henri Dubois, Paris, 1993, p. 171184, 180.
23 Brulez W. et Craeybeckx J., « Les escales au carrefour des Pays-Bas (Bruges et Anvers, 14e-16e siècles) », Les grandes escales, t. 1 : Antiquité et Moyen Âge, colloque organisé en collaboration avec la Commission internationale d’histoire maritime (10e colloque d’histoire maritime), Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions 32, Bruxelles, 1974, p. 417-473, 431, 435-436. Sur le développement de Middelbourg avant le xive siècle voir Henderikx P. A., « Havenplaatsen in Zeeland in de dertiende eeuw », Henderikx P. A., Land, water en bewoning. Waterstaats- en nederzettingsgeschiedenis in de Zeeuwse en Hollandse delta in de middeleeuwen, Hilversum, 2001, p. 68-80.
24 Henderikx P. A., op. cit., p. 72 et 75.
25 Sigmond J.-P., Nederlandse zeehavens tussen 1500 en 1800, Amsterdam, 1989, p. 26-28.
26 D’après Dommisse P. K., « Onderzoek naar de eerste omwalling en omgeving der stad Middelburg », AZG, 1904, p. 33-34 et le plan ajouté à la fin, il y avait déjà un Molenwater avant 1314 sur le même endroit que celui de 1550. Voir aussi De Klerk A. P., Het Nederlandse landschap, de dorpen in Zeeland en het water op Walcheren. Historisch-geografische en waterstaatshistorische bijdragen, Utrecht, 2003, p. 205.
27 Sigmond J.-P., op. cit., p. 28. Pour le port de Middelbourg voir aussi Unger W. S., « Middelburg als handelsstad (XIIIe tot XVIe eeuw) », AZG, 1935, p. 1-177 et 160-163 ; Henderikx P. A., op. cit. ; et Sneller, Walcheren in de 15e eeuw, Utrecht, 1916.
28 Kesteloo H. M., Geschiedenis en plaatsbeschrijving van Arnemuiden, Middelbourg, 1875, p. 17. Pour la séparation d’Arnemuiden de Middelbourg voir la troisième partie de cet article.
29 Hoek C., « Schiedam. Een historisch-archeologisch stadsonderzoek », Holland, t. 7, 1975, p. 89195, 98-99.
30 Hoek C., « Delfshaven, de rivierhaven van Delft », De stad Delft. Cultuur en maatschappij tot 1572. Tekst, Delft, Stedelijk museum « Het Prinsenhof », 1979, p. 100-104.
31 Sigmond J.-P., op. cit., p. 38.
32 Wateringue : institution responsable pour l’état de l’eau dans une région ou polder.
33 Hoek C., « Delfshaven », art. cité, p. 101.
34 Sigmond J.-P., op. cit., p. 38.
35 Verhulst A., « Kort overzicht », p. 200-201. Voir sur l’origine de L’Écluse Häpke R., « Die Entstehung von L’Écluse », Hansische Geschichtsblätter, t. XI-II, 1904-1905, p. 66-80.
36 Fossion H., « Bruges », art. cité, p. 329-330.
37 De Witte B., « Maritime topography », art. cité, p. 142.
38 Van Dale J. H., op. cit., p. 66-68.
39 Ibid., p. 44-45.
40 Paviot J., La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384-1482, Lille, 1995, p. 281-282.
41 Van Dale J. H., op. cit., p. 58-60, 75-78.
42 Les marges de manœuvre de ces petites villes dans la proximité directe de Bruges étaient trop restreintes pour pouvoir prendre une position indépendante. Pour ces villes, qui ont choisi le côté des rebelles brugeois sans hésitation, L’Écluse était probablement une menace plus importante que Bruges même. Dumolyn J., De Brugse opstand van 1436-1438, Standen en landen CI, Courtrai et Heule, 1997, p. 192, 196, 223 (rôle du prince et les deux châteaux), 231, 269, 305 et 310 (petites villes).
43 Dumolyn J., op. cit., p. 200-202.
44 Degryse R., « Loodswezen », p. 69-70, 111. Citation dans Dumolyn J., op. cit., p. 240, n. 701.
45 Sur l’accessibilité du port de L’Écluse voir les références de Brulez W. et Craeybeckx J., op. cit., p. 423-424.
46 Unger W. S., Bronnen Middelburg, I, n° 2, section 62, p. 16 : « So wat so gheschied bin Arne of up den dijk of ene roede bin den dike, dat sal men berechten bin Middelburg ende bi der chore van Middelburg. » Sigmond J.-P., op. cit., p. 28.
47 Kesteloo H. M., Geschiedenis Arnemuiden, Middelbourg, 1875, p. 5-6.
48 Sicking L., Neptune and the Netherlands. State, economy, and war at sea in the Renaissance, Leyde/ Boston, 2004, p. 46-48.
49 Unger W. S., « Middelburg als handelsstad », p. 61. Le fait que Philippe II ait eu l’intention d’acheter les villes seigneuriales de Veere et Flessingues pourrait expliquer la volonté d’achat de ces deux seigneuries par Middelbourg. Cependant, leur prix était trop élevé pour la première ville zélandaise.
50 Unger W. S., Bronnen Middelburg, I, n° 650, p. 556-557 ; De Stoppelaar J. H., op. cit., n° 1447, p. 128. Sigmond J.-P., op. cit., p. 29. Kesteloo H. M., Arnemuiden, p. 229-231.
51 Fruin R. J. (dir.), Informacie up den staet faculteyt ende gelegentheyt van de steden ende dorpen van Hollant ende Vrieslant om daernae te reguleren de nyeuwe schiltaele gedaen in den jaere 1514, Leyde, Uitgeverij Maatschappij der Nederlandsche Letterkunde, 1866, p. 336 ; Sigmond J.-P., op. cit., p. 39, n. 92.
52 Ibid., p. 39.
53 Kleijn F. J., Beschrijving en geschiedenis van Delfshaven, benevens die van Schoonderloo en het slot Spange, Delfshaven, 1873, p. 19-22.
54 Sigmond J.-P., op. cit., p. 40.
55 Ibid., p. 40 et 80. C’est D. Van Bleyswijck (Beschrijvinge der stadt Delft, Delft, 1667, p. 744) qui le fait dire.
56 Unger W. S., Bronnen Middelburg, I, n° 653, p. 589, remonstrance de Middelbourg datant avant le 2 mai 1531 : « La ville de Middelbourg est comme ung sacq, le ventre représente la ville et la gueulle du sacq la place d’Armude, laquelle du sacq coppé, la reste seroit inutile et de nulle fruyt. »
57 Degryse R., « Loodswezen », art. cité, p. 111.
58 Schouteet A., op. cit., p. 130-135, 134 : « Up hope dat, wesende de stede van Brugghe vermeerst met de stede van Sluus als haerlieder havene, ghelyck Middelburch in Zeelandt met Ermude, Dhelft in Hollandt met Dhelfthaven ende der stadt van Grueninghen in Vrieslandt met den Dam, alle de steden van Damme, Brugghe ende Sluus te bet zoude[n] moghen prospereren, levende in eendrachticheyt zonder processen ende employerende de poorters deser stede een deel van huerlieder goet ende coopmanscepe in ‘t faict van dezelve neeringhe, visscherie ende seyllaige. »
59 Il s’agit de la relation entre la ville de Groningue et son « avant-port » Appingedam. Voir Prins A. H. J., Groningen middeleeuwse hanzestad vanaf de waterkant, Groningue, 1994, p. 101.
60 Wijffels A., « Zeeuwse steden voor de Grote Raad », Pro Memorie. Bijdragen tot de rechtsgeschiedenis der Nederlanden, t. 4, 2002, p. 266-293.
61 Schouteet A., op. cit., p. 130-131.
62 Les recherches sont rendus difficiles à cause de l’incendie de l’hôtel de ville de L’Écluse en 1944. Voir Paviot J., La politique navale…, op. cit., p. 281-283, en ce qui concerne les travaux financés par le duc de Bourgogne. Ces travaux étaient surtout liés à la fonction de L’Écluse comme port militaire.
63 L’achat a eu lieu pour 21 000 livres gros et un paiement annuel de 300 livres gros. Schouteet A., op. cit., p. 131-132 ; Van Dale J. H., op. cit., p. 71-72. Sur L’Écluse en 1604 voir De Vries D. et alii, Oostende verloren, Sluis gewonnen, 1604. Een kroniek in kaarten. Catalogus bij een tentoonstelling in de Leidse Universiteitsbibliotheek van 12 augustus – 12 september 2004, Leyde, 2004.
64 Sigmond J.-P., op. cit., p. 63.
65 Kesteloo H. M., Arnemuiden, p. 16-17 et 23-24.
66 Ibid., p. 12-13 et 135-140.
67 Sigmond J.-P., op. cit., p. 29, 64-65.
68 Pour le développement administratif de Delfshaven voir Bijlsma R., Het archief van de gemeente Delfshaven, Rotterdam, 1909, p. 3-4.
69 Masters R. D., op. cit., p. 215.
70 Tarrow S., « From comparative historical analysis to “Local Theory” : an expansion of Charles Tilly’s Model of the Renaissance City-State », http ://falcon.arts.cornell.edu/sgt2/PSCP/documents/ comparative %20historical %20analysis %20to %20local %20theoryST.pdf
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