L’influence des facteurs naturels et anthropiques sur l’évolution des ports de Basse-Andalousie (xiiie-xvie siècles) : études de cas (Palos de la Frontera, Séville et Sanlúcar de Barrameda)
p. 167-187
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Index géographique : France
Texte intégral
1Au cours de la période historique, le littoral atlantique de la basse Andalousie (fig. 1) a été soumis à une forte dynamique sédimentaire, facilitée par la nature tendre des falaises et la dérive générale nord-ouest-sud-est. Elle a conduit à une régularisation progressive du rivage qui s’est notamment traduite par l’érosion des caps, la formation de cordons sableux et un renforcement du colmatage alluvial des baies et des estuaires (Ménanteau, 1983). Les villes portuaires de ce littoral, qui ont joué un rôle majeur dans la découverte de l’Amérique et le commerce de la Carrera de Indias (Chaunu, 1959-1960), ont donc subi les impacts générés par une rapide évolution des paysages côtiers. Quel rôle ont joué les facteurs naturels dans le développement de leurs fonctions portuaires ? D’autres facteurs anthropiques correspondant aux deux ruptures marquées par la Reconquête, au milieu du xiiie siècle, et la découverte de l’Amérique, en 1492, ont-ils accentué les effets environnementaux ?
2Pour illustrer cette problématique, plusieurs exemples ont été choisis (fig. 1) : Palos de la Frontera et son complexe portuaire, en bordure de la rive gauche de l’estuaire du Río Tinto, Séville sur le lobe interne d’un méandre du Guadalquivir et Sanlúcar de Barrameda, son avant-port, sur la rive gauche de l’embouchure du Guadalquivir.
Palos de la Frontera : une perte de sa fonction portuaire due à des facteurs anthropiques
3Le site du port médiéval de Palos (fig. 4) est localisé dans l’entité géographique de la Ría de Huelva, formée par la confluence des estuaires des Ríos Tinto et Odiel. La figure 3 en présente l’environnement géographique actuel et les principaux repères de son évolution géomorphologique (Ménanteau, 1999). Ce site a été profondément transformé en raison du colmatage de l’anse de la Fontanilla au fond de laquelle se trouve l’aiguade médiévale éponyme (fig. 4 et 5 ; Equipo 28 Sevilla, 1989).
4Le port atteint son apogée dans le dernier tiers du xve siècle. La villa créée à la fin du xive siècle par Alvar Pérez de Guzmán s’est ensuite étendue le long d’une chaussée empierrée, la Calzada de la Ribera1, d’une lieue de longueur (environ 4,19 km), qui la faisait communiquer avec son port situé le long de la rive gauche du paléocours estuarien du Río Tinto, le canal de Palos.
5À cet endroit étaient localisés les deux principaux éléments de ses installations portuaires, la alota2, qui servait de magasin et d’auberge pour les marins étrangers, et, juste au sud, des chantiers navals (atarazanas)3, où, depuis le milieu du xve siècle, étaient construites en bois de résineux, et réparées, des caravelles4. Palos disposait d’un autre site portuaire, établi sur la rive gauche de l’étier de la Fontanilla au pied de la falaise morte dominée par l’église San Jorge Mártir et le centre ancien de la ville (fig. 6). Sa fonction était sans doute liée à la pêche, activité qui a joué un grand rôle dans l’économie de la ville. Ainsi, les marins de Palos se risquaient, dès le milieu du xve siècle, à pêcher jusque sur les côtes africaines de la Guinée, alors contrôlées par les Portugais. Des sondages réalisés en 1991 ont permis de connaître la nature et les phases de comblement (fig. 7) de l’anse où était situé cet embarcadère.
6Plusieurs phases, de bas en haut, ont été mises en évidence5 :
- La première, comprise entre le xive et la première moitié du xve siècle, correspond à une période où les pentes sont stables, l’anse bien marquée et son chenal de marée fonctionnel. Les argiles superficielles de la plaine alluviale ont connu une sensible pédogenèse. L’anthropisation du milieu naturel par des activités agro-forestières est très faible. Seuls quelques tuiles et carreaux de cuisine indiquent une présence humaine.
- La deuxième, qui correspond à la seconde moitié du xve siècle et au début du xvie siècle, coïncide avec une intense activité portuaire (pêche, commerce et production artisanale). Ce fait est corroboré par l’archéologie avec la découverte, entre autres, d’hameçons, de poids de filet, de grands jarres destinées au stockage, de déchets de four, de monnaies et de restes de constructions. Les conditions de la période antérieure semblent se maintenir même si, dans sa partie finale, une réactivation fluviale commence à être décelée.
- La troisième, qui s’étale de la seconde moitié du xvie siècle au xixe siècle, est caractérisée par une rupture de l’équilibre naturel qui se traduit par une érosion des sols, le colmatage alluvial de l’anse et des chenaux de marée. Un tel phénomène ne serait pas dû à une surexploitation du milieu mais, au contraire, à un fort déclin démographique et à un abandon brutal des activités agricoles. En effet, la population qui s’élève à environ 2 700 habitants en 1476 est devenue inférieure à 1 800 en 1510 et à 600 en 1590. Ce déclin accéléré6 a été provoqué par l’émigration massive de la population en Amérique ou à Séville, siège de la Casa de la Contratación de Indias, et Huelva (pêcheurs), dont témoignent l’absence de restes archéologiques et de nombreuses traces d’abandon. Il faudra attendre le début du xxe siècle pour que, de manière partielle, les terres agricoles soient de nouveau vraiment exploitées.
7Au total, l’érosion des sols engendrée par les coupes massives de pins pour la construction navale, puis l’abandon des cultures, seraient les causes essentielles pour expliquer un tel phénomène. L’anse ouverte de la Fontanilla en bordure de l’estuaire du Río Tinto, soumise à la submersion semi-diurne de la marée, s’est transformée en une anse de moins en moins profonde où les influences fluviale et continentale se sont renforcées brusquement. Il en a résulté une dégradation des conditions nautiques et la perte définitive de la fonction portuaire de Palos de la Frontera.
Séville : dynamique fluvio-marine et déplacement portuaire
8La ville de Séville s’est implantée dans la vallée et au fond de l’estuaire du Guadalquivir (La Ribera). Des études archéologiques ont révélé que son premier emplacement était localisé sur la petite élévation de San Vicente, sans doute constituée par des calcarénites, atteignant la cote de +15 m, et occupant une surface d’environ 450 m de long sur 200 m de large (Campos et al., 1988). Les coupes stratigraphiques déjà effectuées (Campos et al., 1988), notamment dans la rue Argote de Molina (puissance de huit mètres) ont apporté des données précieuses sur la sédimentation depuis 2 500 ans7. Le site urbain primitif était insulaire : il était ceinturé, à l’est, par un ancien bras du Guadalquivir qui coulait à l’emplacement actuel du Prado de Santa Justa et dans lequel se jetait le ruisseau du Tagarete (Vanney, 1970 ; Diaz del Olmo et al., 1989) et, à l’ouest, par un autre bras du fleuve dont l’évolution est présentée (fig. 11).
9La présence de ce bras disparu à l’intérieur de l’enceinte urbaine a été pressentie dès 1634 par Rodrigo Caro. Ce dernier, en bon géomorphologue, déduisait l’existence d’un courant fluvial du sable « lavé » se trouvant à la base de nombreuses tranchées ouvertes dans la ville8. Plus récemment, Luis Alarcón y de la Lastra (1952) en proposait un tracé précis de la porte de la Almenilla ou de la Barqueta, au nord, à celle de l’Arenal, au sud. Après avoir suivi, suivant une direction nord-sud, la Alameda de Hércules, puis les rues actuelles de Trajano, Sierpes et Tetuán, le bras s’incurverait vers le sud-ouest et traverserait obliquement la Plaza Nueva (fig. 11 et 12 ; Ménanteau, Vanney, 1985). Francisco Collantes de Terán (1977) apporte plusieurs indices tendant à confirmer cette hypothèse : l’épaisse couche de graviers et de sables de formation alluviale contenant des amphores romaines dégagée en faisant les fondations de l’ancien Cine Imperial de la rue Sierpes, les pilotis formés de pieux en pin (L = 1,50 m) à la base pointue, dont la fonction était sans doute de consolider les terrains alluviaux jouxtant la berge du bras, le long de la rue Sierpes et sur la place San Francisco. Ces indices ont été corroborés par la coupe de terrain qui a pu être observée en faisant les fondations du Banco de Bilbao à l’angle de la rue Tetuán avec la Plaza Nueva : même niveau de graviers et de sables lavés, profil caractéristique de bordure de chenal.
10Entre 711 et 1090, Ishbiliya (Séville) s’étend vers le sud et se transforme en ville arabe (fig. 8). Sa solide muraille était alors directement bordée à l’ouest par le Guadalquivir (Nahr-al-Kâbir ou le grand fleuve). Pour lutter contre les inondations, les Almohades font remblayer, sur une épaisseur pouvant atteindre six mètres, la bordure extérieure de l’enceinte aux endroits les plus menacés. Plus tard, entre 1091 et 1248, se produit un fait essentiel dans l’évolution du site urbain : le bras fluvial est intégré dans l’enceinte en raison de l’extension de la ville vers l’ouest. Une nouvelle muraille est construite au devant et en continuité avec l’ancienne dont la partie occidentale est démolie (fig. 11). La reconstruction des chantiers navals (atarazanas) près de la nouvelle rive fluvio-marine avait marqué, vers 1170-1180, le début de cette transformation du site urbain par rapport au Guadalquivir. On peut comparer une telle évolution (Pétiaud-Lang, 1992) avec la ville de Nantes où, au xiiie siècle, le débouché de la rivière de l’Erdre est incorporé dans l’enceinte fortifiée agrandie.
11À l’intérieur de la nouvelle enceinte urbaine, deux zones basses fréquemment inondées, appelées Lagunas, marquaient le tracé de l’ancien bras du Guadalquivir : la Laguna de la Feria et celle de la Pajería ou de la Mancebía. La première était la plus importante et correspondait au secteur actuel de la Alameda de Hércules9 ; la seconde, située entre les portes de l’Arenal et de Triana occupait un secteur qui ne fut urbanisé qu’à partir du xviiie siècle. Ces lagunes résiduelles occupaient, de manière discontinue, le lit de l’ancien bras qui ne se reconstituait que lors des grandes inondations10 (fig. 9). Le fait d’être incluses dans la zone intramuros allait transformer ces lagunas en réceptacles des eaux urbaines et en dépotoirs (dépôts d’ordures et de fumier), ce qui provoqua leur comblement progressif et les rendit de plus en plus insalubres. C’est pourquoi, vers 1550, le docteur Luis Suárez conseillait de les assécher, en leur donnant un exutoire vers le Guadalquivir. Un peu plus tard, en 1574, le Conde de Barajas, Don Francisco de Zapata, aménagea le site lagunaire en place, la Plaza Alameda, ainsi nommée pour ses plantations de peupliers blancs (Populus alba). La place, décrite comme si grande que deux personnes situées à ses extrémités ne pouvaient pas se distinguer, était boueuse en hiver et recouverte à la belle saison d’herbacées, parfois broutés par des taureaux, et de roseaux, que l’on venait couper. Cyprès, orangers et margousiers complétaient la végétation arborée (Morales Padrón, 1977). L’autre lagune, celle de la Pajería ou de la Mancebía, située près de la Puerta del Arenal, coïncide avec la rue actuelle de Castelar, anciennement appelée Calle de Laguna (fig. 10). Son site est encore perceptible grâce aux variations de la microtopographie, la rue s’inclinant légèrement vers le nord-est jusqu’à la rue Quirós.
12Cette transformation fut à l’origine d’un déplacement latéral du port : en 1220, il s’étendait sur la rive gauche du fleuve entre, à l’amont, un pont de bateaux (établi au xiie siècle), localisé à l’emplacement actuel de celui d’Isabel II, et, à l’aval, la Torre del Oro (élevée en 1220-1230) devant laquelle une chaîne barrait l’accès aux navires (Ladero Quesada, 1989).
13Une découverte archéologique fortuite, lors des premiers travaux menés à la mi-juillet 1981 pour la construction d’un métro à Séville, apporte une preuve tangible de l’ampleur de la modification de la relation ville/fleuve de la fin de l’Antiquité au début du Moyen Âge. Le creusement d’une bouche de la station de métro prévue sur la Plaza Nueva11 (fig. 12), au cœur de la vieille ville, a mis au jour l’épave d’une embarcation à onze mètres en dessous du niveau actuel de la place (soit à environ –3,50 m sous le zéro géographique)12.
14Malheureusement, l’épave avait été coupée en deux de manière longitudinale par le caisson de fonçage (fig. 13), qui allait atteindre 40 m de profondeur, son flanc droit (à tribord) étant ainsi perdu. Les pelleteuses ont détruit l’autre flanc mis au jour et seules des parties de l’étrave de la proue et de la coursive ainsi que quelques membrures ont pu être récupérées13 par une équipe du Museo Arqueológico Provincial14, à environ quatre mètres en dessous de cette épave (à –15 m, soit à 7,60 m sous le zéro géographique, c’est-à-dire à environ 5,35 m en dessous des PMVE actuelles) est apparue une ancre en fer dont la verge avait 1,72 m de hauteur mais dont manquaient l’arganeau, la moitié d’un bras et le jas15 (fig. 14). Sa typologie (ex. bras sans courbure de section rectangulaire et plane), qui présente des analogies avec les ancres byzantines, la daterait de la seconde moitié du vie siècle ou du début du viie siècle. Elle pourrait coïncider avec la présence des Byzantins à Séville au cours de la même période16. L’embarcation (CNIAS, 1988) est antérieure au milieu du xiiie siècle car son épave se trouvait en dessous de l’emplacement du couvent de San Francisco fondé en 1258 et qui fut démoli en 1840 après avoir subi un grave incendie en 1810. De manière plus précise, elle était en dessous de la cour du noviciat et de l’infirmerie de ce couvent franciscain ou de son petit cloître. Une autre embarcation aurait été découverte en faisant les fondations de l’hôtel de Inglaterra (fig. 15), en bordure du nord-est de la place.
Sanlúcar de Barrameda : ensablement d’une anse et extension urbaine
15La physiographie et l’évolution de l’embouchure du Guadalquivir sont synthétisés sur la fig. 19. Au moment de la Reconquête (1264), un château à sept tours (Torre de Solúcar) s’élevait sur le relief. L’enceinte urbaine (L = 1,55 km), dont deux côtés dominaient des barrancas (falaises ravinées), affectait une forme quadrangulaire et s’est maintenue jusqu’au début du xvie siècle. Sa construction (fin xiiie-début xive siècles) avait été décidée par Alonso Pérez de Gúzman qui, en 1297, avait eu en donation le Señorío de Sanlúcar. La ville était divisée en quatre arrabales dont le plus important, qui est l’objet de notre étude, était celui de la Ribera ou de la Mar, devenu ensuite le barrio bajo. Sa naissance remonte au milieu du xve siècle. Mettant à profit l’accrétion de la plage bordant le pied de la falaise et la formation de cordons sableux accolés, un nouveau quartier s’est créé sur les sables déposés au fond de l’anse de Sanlúcar.
16Plusieurs faits attestent la profonde et rapide modification du tracé de la rive de Sanlúcar de Barrameda. Le nom de Puerto de la Foz (port de la Faucille), donné au port médiéval de Sanlucar en raison de la configuration de la rive, contraste fortement avec l’actuel tracé rectiligne de cette même rive. La situation des anciens chantiers navals, les atarazanas, du duc de Medina Sidonia dans la rue de la Chanca, au pied du château de Santiago, le nom de Cuesta de la Mar attribué à la Cuesta de Belén (fig. 17) sont autant d’indices de l’existence d’un rivage marin suivant la base du versant de la falaise limitant le barrio alto de Sanlúcar (fig. 18).
17L’écrivain espagnol Agustín De Horozco apporte en 1598 un témoignage de grande valeur sur l’extension de la ville sur la mer (barrio bajo) :
« La meilleure zone de peuplement de la ville est représentée par les constructions réalisées pendant les soixante-dix dernières années sur les pentes de la colline ; le centre urbain se déplaça de l’ancienne ville vers le rivage de la mer qui recula et se retira de toute l’étendue de cette nouvelle ville. En effet, auparavant, le flot maritime et ses marées arrivaient à l’escarpement de la colline.
Parmi les vieilles gens, beaucoup ont connu cet endroit encore recouvert par les eaux, où les bateaux arrivaient pour s’arrimer aux contreforts et soubassements du jardin du palais des Ducs de Medina Sidonia (dont c’est la ville), situé presque au bas de l’escarpement. Et pour ma part, depuis dix-huit ans, j’ai vu de nombreuses et belles demeures et de vastes rues là où la mer baignait et recouvrait le terrain… »
18Document exceptionnel : un dessin du flamand Anton van Winghaerde (fig. 16) donne la position du rivage en 1567, après la création du barrio bajo sur les sédiments sableux déposés au-devant de la falaise médiévale.
19Cependant, cette conquête de terrains sur la mer s’est produite avant le début du xvie siècle. En effet, un privilège concédé à Huelva par Enrique de Guzmán le 3 décembre 1478 à la population de la Ribera apporte la preuve que le développement du nouveau quartier (arrabal) de la Ribera ou de la Mar était déjà bien amorcé. En quelques dizaines d’années, plusieurs couvents (Madre de Dios, San Francisco, Regina Celi), un hôpital (de la Trinidad) sont édifiés sur les terrains sableux du fond de l’anse. L’extension fut telle qu’en 1529 naît le projet de construire une muraille et des tours sur la plage afin de protéger le nouveau quartier. Le 23 octobre 1534, le Cabildo demande d’en empierrer les rues17. Un alcalde de la Mar18, nommé par le duc, exerçait sa juridiction sur l’arrabal de la Ribera de la Mar.
20Le comblement naturel et anthropique de l’anse de Sanlúcar, l’intérieur de la « faucille », s’est accompagné d’une forte érosion du cap, La Punta del Espiritú Santo, qui en marque la limite au sud-ouest (fig. 22 et 23). L’évolution des deux rives de la Broa de Sanlúcar (Ménanteau, 2004) est sans aucun doute l’une des plus rapides du littoral espagnol (fig. 19). Au nord, les sables apportés par la dérive littorale NO-SE ont été à l’origine d’un élargissement considérable de la plage (Playa del Inglesillo). Ainsi, la Torre de San Jacinto, tour-vigie construite en bordure de la mer sur ordre du roi Philippe II vers 1590, se retrouve actuellement à une distance de 500 m du haut de plage actuel (fig. 24). Plus grave, elle est menacée d’être ensevelie par une dune vive ! Les sables ont fossillisé plusieurs hauts-fonds rocheux situés au-devant de cette tour. Ces récifs formaient la Punta del Cabo figurée sur plusieurs cartes anciennes : par leur présence, ils ont accéléré le processus sédimentaire. Cette pointe limitait au nord le canal de los Ingleses, lequel se prolongeait par une série de récifs formant l’ossature du Placer del Cabo, appelé aussi Placer del Tablazo. La rive qui correspond à la Punta de Malandar (pointe du Mal-Aller), ainsi nommée par les navigateurs pour leurs difficultés, déjà évoquées, à franchir la Barra de Sanlúcar, a, au contraire, été érodée par les eaux du Guadalquivir. Il en a résulté la disparition de la Torre de San Fernando (xviiie siècle), et plus récemment, de trois fortins édifiés en… 1940 !
Conclusion
21Les exemples présentés montrent la rapidité de l’évolution des rivages marins et des rives estuariennes en Basse-Andalousie du xiie à la fin du xvie siècle. Des facteurs naturels, mais aussi des facteurs humains sont responsables de cette forte dynamique hydro-sédimentaire. L’érosion des bassins versants du Guadalquivir provoquée par la Reconquête à partir du milieu du xiiie siècle et les changements de techniques culturales et d’utilisation du sol qui en ont résulté a certainement joué un rôle dans l’accélération des processus de sédimentation. Il conviendrait aussi d’évaluer l’impact de la découverte de l’Amérique sur les paysages côtiers (par abandon ou intensification des activités). La collaboration entre médiévistes et géographes s’avère indispensable pour affiner les connaissances sur cette évolution et en obtenir une fidèle représentation cartographique.
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Notes de bas de page
1 Avec interdiction d’en réutiliser les pierres pour lester les navires.
2 La principale de la région jusqu’au début du xvie siècle où, sur l’initiative du duc de Medina Sidonia, fut créée celle de Huelva.
3 Deux autres chantiers navals existaient sur la côte de Palos de la Frontera : l’un, près de l’aiguade de Villafrías, en bordure de la flèche de mi-baie de l’Arenilla ; l’autre, dans un lieu indéterminé, sans doute le long des plages de Mazagón (ou de Julián Morla).
4 Selon le modèle des caravelles portugaises, mais avec des adaptations.
5 Campos Carrasco J. M., Gómez Toscano M., p. 182.
6 Izquierdo Labrado J., 1985.
7 La présence de la nappe phréatique, à 3,50-4 m est un indice du relèvement de la plaine alluviale (Campos et al., 1988).
8 Caro, 1634 : « [Le cours du fleuve] se manifestaba más porque en muchas partes abriendo zanjas, se hallaba arena lavada, que era señal de la antigua corriente del río. »
9 Elles couvraient, en plus de la Alameda de Hércules, les parties finales des rues actuelles de Trajano et de Jesús de Gran Poder (Collantes de Terán, 1984).
10 Les plus graves au cours de la période étudiée sont survenues durant les années suivantes : 1297, 1302, 1330, 1353, 1403, 1434, 1435, 1481, 1485, 1488, 1544, 1545, 1554, 1590, 1591, 1592, 1593, 1594 (22-VII), 1596, 1597 (Borja Palomo, 2001).
11 Antérieurement Plaza de San Fernando, créée en 1854 à l’emplacement du couvent de San Francisco (xiiie siècle). Elle a ensuite porté successivement les noms de Infanta Isabel (1857), Libertad (1858), República (1873), San Fernando (1875), puis de nouveau República (1931).
12 Une plaque placée sur le mur de la mairie de Séville donnant sur la Plaza Nueva indique l’altitude de 9,10 m que nous avons prise comme référence pour calculer les altitudes par rapport au zéro géographique (niveau moyen de la mer à Alicante).
13 Elles furent amenées au Museo Arqueológico Provincial de Séville, mais leur conservation s’est avérée difficile en raison de l’absence de traitement spécifique pour les bois gorgés d’eau.
14 Fouilles archéologiques menées sous la direction de Fernando Fernández Gómez et Antonio de la Hoz Gándara.
15 Près de l’ancre on trouva du matériel d’époque romaine très roulés et donc remaniés : trois fûts de colonnes en marbre, la moitié d’un vase en terre sigillée hispanique de forme Drag 27, des morceaux d’amphores de type Dressel 8, 11, 17, 19 et 20, une anse d’une amphore ibérique (Guerrero Misa, 1984).
16 Selon les chroniques, entre 552 et 567, 580 et 583 et vers 610.
17 Ainsi que celle de la Madre de Dios et des « vendedoras ».
18 Séville et le Puerto de Santa María avaient également un alcalde de la Mar.
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