La longue marche de la « bourgeoisie de pointe » vers la conscience de classe
p. 383-401
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1« Quand et comment les entrepreneurs se pensèrent-ils, et furent-ils pensés comme bourgeois ? »Telle me paraît devoir être formulée la question à laquelle il m’a été proposée de répondre.
2Ma première réflexion a été : c’est un sujet « à la Goldman », du nom de l’auteur du dieu caché 1 qui, en 1959, avait publié avec éclat le résultat de ses recherches sur la conformité entre la vision tragique, la Weltanschauung de Pascal et de Racine, le jansénisme et les milieux de robe, et plus particulièrement le groupe des parlementaires. J’ai donc relu, avec l’émotion du rajeunissement, les chapitres « visions du monde et classes sociales, jansénisme et noblesse de robe », réentendu avec délice les échos de la dispute de Lucien Goldman avec Roland Mousnier et Jean Delumeau, et au terme de cette étape, une première (in)certitude : jamais, ni avant, ni après 1789, je ne trouverais l’égal d’un Racine ou d’un Pascal. Dans le « tout » que voulait devenir le tiers état de Sieyès, dans l’immensité de la Nation unie, dans l’écrasant universalisme de la citoyenneté et de l’égalité2, je n’arriverais pas à distinguer « ces cordes de nécessité qui attachent le respect des uns avec les autres. Car il faut qu’il y ait différents degrés, tous les hommes voulant dominer, et tous ne le pouvant pas, mais quelques-uns le pouvant… Il est sans doute qu’ils se battront jusqu’à ce que la plus forte partie opprime la plus faible, et qu’enfin (il y ait) un parti dominant… Alors les maîtres, qui ne veulent pas que la guerre continue, ordonnent que la force (qui) est entre leurs mains succédera comme il leur plaît ; les uns la remettent entre l’élection des peuples, les autres à la succession de naissance… en Suisse des roturiers, en France des gentilshommes. Et c’est là où l’imagination commence à jouer son rôle. Jusque-là la pure force l’a fait : ici c’est la force qui se tient par l’imagination en un certain parti. Or ces cordes qui attachent donc le respect de tel à tel en particulier, sont des cordes d’imagination3 ».
3Ayant renoncé à trouver un grand théoricien ou une grande fresque de la vision du monde de cette fraction de la bourgeoisie française, je me tournai donc vers les entrepreneurs eux-mêmes. Je relus la correspondance familiale et les lettres d’affaires des cotonniers et des lainiers, des toiliers et des soyeux, des maîtres de forges, du charbon, du cuivre et du cuir, des manieurs d’argent, banquiers et financiers : qu’avaient-ils pensé d’eux, de leur condition d’entrepreneur, de leur position sociale ? Qu’avaient-ils entendu dire d’eux ? Qu’attendaient-ils et qu’attendait-on d’eux en 1789, en 1800, en 1815 ? Quelle conscience avaient-ils de leurs intérêts collectifs et de leur force dans la société ? Quel crédit avaient-ils aux yeux des autres groupes sociaux ? Pour avoir longtemps fréquenté les entrepreneurs, pour m’être souvent mis à leur place et en face d’eux, afin de mieux comprendre leur action et celle de leurs adversaires, je savais que la récolte dans leurs papiers personnels serait mince. Ce n’est pas dans l’annonce d’une perte ou d’un bénéfice, ni dans le courrier d’accompagnement d’une livraison ou d’une lettre de change, encore moins dans une lettre affectueuse à une épouse ou à un cousin, qu’un homme d’affaires écrit qu’il s’apprête avec d’autres à prendre le pouvoir ou à y participer. Ces choses-là ne s’écrivent pas, non pas parce que ça laisse des traces, mais parce que, s’il y songe, s’il en rêve, il l’exprime ailleurs qu’à son comptoir, derrière son bureau ou dans un atelier.
4Il garde pour lui ses espérances et son imagination sociales aussi longtemps que l’occasion ne se présente pas de rencontrer un associé ou un concurrent, jusque-là aussi discret que lui, et de lui confier son sentiment sur le cours des choses, de le confronter au sien, à l’opinion publique, quand elle lui parvient, et aux projets politiques, quand il les a sous les yeux. Or, des textes où l’on parlait d’eux, directement ou inclus dans la nation, il y en eut de fort nombreux avant 1789 et au début de la Révolution ; ils tendirent à se raréfier après 1792, reparurent autour de 1800, s’espacèrent à nouveau sous l’Empire, et se remirent à foisonner après les Cent Jours. Qu’ils fussent de Barnave ou de Necker, de Robespierre ou de Joseph de Maistre (« S’il ne se fait pas une révolution morale en Europe, si l’esprit religieux n’est pas renforcé dans cette partie du monde, le lien social est dissous4 »), de Jean-Baptiste Say ou de Chateaubriand, de Madame de Staël ou de Benjamin Constant, de Guizot, de Thiers ou de Saint-Simon, tous eurent en commun de poser, à des moments différents, les mêmes questions : qui va diriger la société ? Qui va remplacer la noblesse à la tête de l’ordre social ? La « bourgeoisie de pointe (Louis Bergeron) », formée par les gens de négoce, de manufacture et du commerce de l’argent, prit-elle ces questions et les réponses pour elle, même si elles n’avaient pas été écrites par Pascal ou par Racine ? Sachant que cette « bourgeoisie d’excellence » tire sa force et son ressort de la propriété mobilière, « annonce l’avenir… un bon siècle à l’avance », et ne constitue, nullement un échantillon représentatif de la bourgeoisie française composée majoritairement de propriétaires-rentiers et de capacités5, on peut tester l’hypothèse qu’elle fut peut-être, au cours de la période 1789-1815, plus impatiente de se manifester, à dire et à écrire, plus prompte à prendre son destin en mains, plus consciente des intérêts de son groupe et de sa classe. À moins que, restée silencieuse, d’autres prissent la parole pour elle, pour sa cause, ou contre elle, contre des lendemains bourgeois désastreux. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’à partir de 1815, elle devint la cible privilégiée, la fraction de la classe moyenne la plus maudite par l’aristocratie qui perdait pied, ou qui croyait le perdre, ce qui dans une lutte de classes revient au même.
5Gramsci a distingué dans ses Notes sur Machiavel 6 trois stades de la conscience collective, trois moments dans la formation de la conscience d’un groupe ou d’une classe. En ne perdant pas de vue les conditions particulières de l’évolution de la société française, on peut regarder les années 1789-1791 comme la fin du « moment économique-corporatif » où un négociant a éprouvé le sentiment de devoir être solidaire d’un autre négociant, un fabricant d’un autre fabricant, où chaque groupe professionnel a ressenti le besoin de serrer les rangs, avec d’autant plus d’acuité que la révolution abolissait l’ancienne organisation des métiers. Les entrepreneurs ont-ils accédé en 1800, au deuxième stade, celui de la conscience « de branche », celui de l’ensemble des intérêts du commerce ? Comme s’il en doutait, Chaptal se dépensa sans compter pour entretenir et développer l’esprit du groupe : il multiplia les institutions du commerce et de l’industrie, il en incita les membres à participer à l’établissement ou à la réforme des codes et de la loi, à égalité juridique et politique avec les groupes dominants. Troisième moment, plus franchement politique, celui où les intérêts du commerce sont mis en avant comme pouvant devenir les intérêts des autres groupes, l’intérêt général, la base commune de l’ordre social, où les idéologies qui ont germé deviennent partis, où les partis se mesurent et entrent en lutte. Et d’après Saint-Simon, c’est bien ce qui s’est passé après les élections de 1818, et avec quel éclat7 :
« On s’est révolté contre le rôle important que l’industrie (les patentables et les patentés, dit-on aussi) a été appelée à jouer dans les élections. On eût voulu que la propriété foncière eût été seule prise en considération. Il n’est pas besoin de se demander si ce sont des amis de la liberté qui voulaient ainsi proscrire la propriété industrielle (et traiter cette classe comme au temps où le commerce dérogeait, comme de laborieux ilotes). Ceux qui la repoussent savent très bien que, fille de la Liberté, l’industrie la protège à son tour ; que leur sécurité et leurs dangers sont les mêmes, que leur prospérité ou leur décadence sont inséparables. »
1789-1791 : « Un milieu si peu assuré de son destin8 »
19 juin 1790 : Opinion de M. Necker sur le décret de l’Assemblée nationale concernant les titres, les noms et les armoiries
6Madame de Staël, dans ses Considérations sur la Révolution française, cite la conclusion de Necker, comme exemple d’annonce, faite par son père, d’événements qui auront bien lieu, exemple de « l’enivrement sauvage d’un certain genre d’égalité9 » :
« On croit devoir terminer les observations contenues dans ce mémoire par une réflexion générale : c’est qu’en poursuivant, dans les plus petits détails, tous les signes de distinction, on court peut-être le risque d’égarer le peuple sur le véritable sens de ce mot : égalité, qui ne peut jamais signifier, chez une nation civilisée et dans une société déjà subsistante, égalité du rang ou de propriété. La diversité des travaux et des fonctions, les différences de fortune et d’éducation, l’émulation, l’industrie, la gradation des talents et des connaissances, toutes ces disparités productrices du mouvement social entraînent inévitablement des inégalités extérieures, et le seul but du législateur est, en imitation de la nature, de les réunir toutes vers un bonheur égal, quoique différent dans ses formes et dans ses développements.
Tout s’unit, tout s’enchaîne dans la vaste étendue des combinaisons sociales, et souvent les genres de supériorité qui paraissent un abus aux premiers regards de la philosophie sont essentiellement utiles pour servir de protection aux différentes lois de subordination, à ces lois qu’il est si nécessaire de défendre, et qu’on attaquerait avec tant de moyens, si l’habitude et l’imagination cessaient jamais de leur servir d’appui. »
7Attention, dit Necker, à ne pas supprimer trop précipitamment les symboles et les « hochets de la vanité », au nom d’une égalité abstraite ! Attention à l’émigration d’hommes qui tiennent à leur naissance, « comme on voit les hommes d’une grande fortune s’éloigner des contrées où les lois somptuaires les empêchent de faire usage de toute l’étendue de leurs revenus » ! Quelle interprétation donner à l’article supprimant la noblesse héréditaire ? « L’Assemblée suppose-t-elle qu’il pourrait y avoir, à l’avenir, de nouveaux titres de noblesse, lesquels ne seraient point transmissibles ? » Laissez donc faire le temps, laissez donc le mouvement social produire ces disparités naturelles et ces combinaisons sociales, laissez se former les habitudes et se tresser les « cordes d’imagination10 ».
10 septembre 1790 : Vœu d’un patriote sur les assignats par M. Ternaux, officier municipal et manufacturier à Sedan
8La condamnation est sans appel : les assignats chassent le numéraire de la circulation, le change avec l’étranger occasionne une grande perte et renchérit les importations de laine. « J’ajoute encore, et sans craindre de me tromper, que la continuation des troubles dans le royaume, la guerre au dehors, et mille événements imprévus peuvent augmenter le discrédit, au point de faire monter la perte des assignats forcés à 50, et même 80 pour cent ». Les manufactures ne peuvent se passer de numéraire et l’ouvrier ne pourra pas attendre son assignat de 25 livres, ce qui occasionnera misère, émigration et « triomphe des ennemis de la révolution ». « Qui peut acquérir des terres ? C’est le capitaliste, et non pas le négociant ni le manufacturier. Il est donc essentiel que les valeurs, propres à acquérir les biens fonds, restent dans les mains du capitaliste, et que celles propres au commerce, n’en soient point détournées11. »
9Ternaux joue le nouveau jeu avec passion. Il est entré à la municipalité de Sedan en février 1790 et, avec un plaisir évident, il découvre la citoyenneté, l’action publique et l’usage de la liberté. Il ne va pas tarder à en courir les risques et les dangers. Mais, on le retrouvera après 1815 à sa juste place, à la tête de la « bourgeoisie de pointe » française.
Mars-septembre 1791 : « l’erreur fondamentale de la Révolution française12 »
10C’est ainsi qu’Émile Ollivier qualifia les lois d’Allarde et Le Chapelier. Il ne me paraît pas nécessaire de reprendre ici le dossier, si bien instruit par Jean-Pierre Hirsch, sur les « corporations » et les coalitions. Deux points restent cependant en suspens :
- Comment un fabricant ou un négociant qui avait déjà entendu en février 1776 le discours de Turgot sur « la véritable origine de la distinction entre les entrepreneurs ou maîtres, et les ouvriers ou compagnons, laquelle est fondée sur la nature des choses, et ne dépend point de l’institution arbitraire des jurandes », a-t-il entendu l’article 7 du décret d’Allarde : « À compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’il trouvera bon » ? Il faut convenir qu’il y avait de quoi confondre l’édit « gothique » et le décret révolutionnaire ;heureusement que Necker avait rétabli un semblant d’ancien régime en 1779…
- Comment fut vécue la laïcisation des métiers inaugurée par l’article XIV de l’édit de Turgot interdisant les associations, assemblées et en conséquence toutes les confréries religieuses qui, « en resserrant encore les liens qui unissaient entre elles les personnes d’une même profession leur donnaient des occasions de s’occuper des intérêts communs de la société particulière ou préjudice de la société générale13 », et qui ne furent pas rétablies par Necker, ni par l’Assemblée constituante, évidemment. Les entrepreneurs et les anciens maîtres se sont-ils réjouis de travailler dans un monde sans Dieu et sans saints patrons, ou commencèrent-ils à « souffrir de ne plus pouvoir avouer tranquillement leur besoin de tutelles politiques et religieuses14 » ? À quoi pensait Perseguer, fermier de l’usine de Belâbre dans l’Indre, lorsqu’en l’an VI, il changeait les jours de repos de ses ouvriers pour les faire tomber en même temps que les fêtes religieuses15 ? À résister à la Révolution ou à sauver son âme de citoyen-chef d’entreprise ?
11 août 1791 : l’entrée de la bourgeoisie dans l’histoire
11Discussion sur le marc d’argent et sur l’exercice des droits de citoyen actif : Robespierre a donné le ton : « Qu’importe au citoyen qu’il n’y ait plus d’armoiries, s’il voit partout la distinction de l’or ! » – Buzot : « Jean-Jacques Rousseau (n’aurait jamais été) choisi par une assemblée électorale uniquement composée de gens riches. Rousseau eût été bien plutôt choisi dans nos assemblées primaires (Applaudissements) ». Barnave monte alors à la tribune. Il n’a pas encore écrit ses phrases célèbres (« une nouvelle distribution de la richesse prépare une nouvelle distribution du pouvoir. De même que la possession des terres a élevé l’aristocratie, la propriété industrielle – il veut dire mobilière – élève le pouvoir du peuple »), mais il en a déjà les mots, le raisonnement, et une certaine idée du peuple pour bien penser la bourgeoisie.
« On vous a présenté, sous différents points de vue, les trois avantages qui doivent se trouver dans les assemblées électorales : premièrement lumières ; et il est impossible de nier que, non quant à un individu mais quant à une collection d’hommes, une certaine fortune, une contribution déterminée, est, jusqu’à un certain point, le gage d’une éducation plus soignée et de lumières plus étendues ; la seconde garantie est dans l’intérêt à la chose publique de la part de celui que la société a chargé de faire ses choix, et il est évident qu’il sera plus grand de la part de celui qui aura un intérêt particulier plus considérable à défendre ; enfin, la dernière garantie est dans l’indépendance de fortune, qui mettant l’individu au-dessus du besoin, le soustrait plus ou moins aux moyens de corruption, qui peuvent être employés pour le séduire.
Ces trois moyens de liberté, ces trois gages que les assemblées électorales peuvent donner à la nation dans les électeurs qui les composent, je ne les cherche pas dans la classe supérieure, car c’est là sans doute qu’avec l’indépendance de fortune on trouverait trop facilement des motifs individuels, un intérêt particulier d’ambition séparé de l’intérêt public, et des moyens de corruption qui, pour être différents de ceux du besoin, n’en sont souvent que plus alarmants pour la liberté.
Mais s’il est vrai que ce n’est pas dans les classes supérieures que se trouvent le plus généralement les trois garanties, il est également vrai que ce n’est pas dans la classe des citoyens qui, obligés immédiatement et sans cesse, par la nullité absolue de leur fortune, de travailler pour leurs besoins, ne peuvent acquérir aucune des lumières nécessaires pour faire les choix, n’ont pas un intérêt assez puissant à la conservation de l’ordre social existant ; étant enfin sans cesse aux prises avec le besoin et étant chaque jour, par l’absence d’un moment de travail, réduits aux dernières extrémités, ils offriraient, par là même, à la corruption de la richesse, un moyen trop facile de s’emparer des élections. C’est donc dans la classe moyenne qu’il faut chercher des électeurs, et je demande à tous ceux qui m’entendent si c’est une contribution de 10 journées de travail qui constitue cette classe moyenne, et qui peut assurer à la société un degré certain de sécurité.
Dès que le gouvernement est déterminé, dès que par une Constitution établie les droits de chacun sont réglés et garantis (c’est le moment auquel j’espère que nous allons toucher), alors il n’y a plus qu’un même intérêt pour les hommes qui vivent de leurs propriétés et pour ceux qui vivent d’un travail honnête ; alors il n’y a plus dans la société que deux intérêts opposés, l’intérêt de ceux qui veulent conserver l’état de choses existant parce qu’ils voient le bien-être avec la propriété, l’existence avec le travail, et l’intérêt de ceux qui veulent changer l’état de choses existant parce qu’il n’y a pas de ressources pour eux que dans une alternative de révolution, parce qu’ils sont des êtres qui grossissent et grandissent pour ainsi dire dans les troubles, comme les insectes dans la corruption ! (Vifs applaudissements)16. »
12C’est un point de vue de classe, platement bourgeois, qu’exprime Barnave, écrit Pierre Rosanvallon17. Vrai, mais quel soulagement quand il fut connu des membres de la classe moyenne. Ce n’était pas l’annonciation de leur règne, ils n’étaient pas prêts, c’était la reconnaissance par la nation de la position sociale des meilleurs d’entre eux. Témoignage du manufacturier de Sedan, André de Neuflize :
« La révolution était commencée et marchait à pas de géant. Non seulement elle venait d’ouvrir, mais même elle forçait à entrer dans la carrière politique tous les Français, et surtout ceux qui, comme M. de Neuflize, se trouvaient en quelque sorte à la tête de leurs concitoyens par leur fortune et leur position sociale. Dès lors, on peut dire que l’histoire de la famille Poupart de Neuflize, qui, jusqu’à présent, avait été circonscrite dans les bornes de la vie privée et commerciale de ses chefs, allait se trouver liée et influencée par les événements de toutes espèces qui se sont succédés avec tant de rapidité, et qui ont tant de fois changé la France. Ces événements l’ont élevée encore plus haut dans l’échelle sociale. Heureusement inspiré (à la différence de Ternaux), il refusa d’être membre de l’administration municipale, mais il fut chef d’un des cinq bataillons de la Garde nationale18. »
1800 : Retrouver « un si discret pouvoir » et sa place naturelle dans la société
13On connaît bien les doléances et les plaintes des milieux de commerce après Thermidor. Incertitudes et craintes font écrire aux maîtres de forges de Corbançon dans l’Indre : « on n’attend que le moment de nous dégager de nos vaines entreprises et faire autre chose avec le peu de fortune qui pourra échapper à tous ces désordres19 ». Benezech, ministre de l’Intérieur en l’an IV, s’alarme : « Jamais il ne fut plus nécessaire de diriger l’espèce de cupidité qui s’est emparée des esprits vers le vrai commerce… Le commerce n’existe plus, l’avidité est à la place de la loyauté20. » Le désenchantement paraît empirer après le coup d’État de fructidor et la banqueroute des deux-tiers qui le suit de près. Les entrepreneurs désespèrent d’entreprendre et de bien faire, le commerce est démoralisé, il a perdu ses mœurs.
An VIII : Jean-Baptiste Say, Olbie ou essai sur les moyens de réformer les mœurs d’une nation21
14« Quel moment le plus favorable à la publication d’un écrit sur les mœurs de la nation que celui où deux hommes ont conçu le projet de fonder la stabilité de la République et ont été placés par leurs concitoyens dans les premières magistratures22 », écrit Jean-Baptiste Say dans la préface. Il date ainsi exactement la publication d’olbie du plan Sieyès, entre brumaire et frimaire an VIII, qui prévoyait un exécutif à deux consuls23, une époque où « il est permis de se livrer aux rêves d’une imagination philanthropique24 ».
15L’intérêt de cette « utopie bourgeoise » est très grand pour notre sujet. Jean-Baptiste Say répond à une question posée comme sujet de prix par l’Institut : quels sont les moyens et les institutions pour fonder la morale chez un peuple ? Avant de publier olbie, il a rédigé un brouillon sur « Ce que c’est qu’une nation éclairée ». Extrait :
« On a voulu dans le cours de la révolution française élever le peuple à des considérations d’un ordre supérieur, mais le mauvais succès des efforts qu’on a faits ne prouve que mieux la vérité de ce que j’ai avancé. Le gros de la nation (j’allais dire la totalité, si je n’avais craint de proférer une impertinence) ne savait pas penser ; on recevait ses idées par la poste ; elles arrivaient avec les décrets, avec les journaux ; et la masse de la nation était alors un troupeau de républicains, comme elle avait été auparavant un troupeau d’esclaves. On en a tiré mille sottes conséquences… que l’esprit humain était borné… que les grands États ne pouvaient se gouverner en République… Tout esprit humain est borné s’il n’est pas cultivé ; cela n’est pas douteux ; et quand on veut faire une république avant d’avoir fait des citoyens, il arrive ce qu’on a vu ; mais que l’esprit humain ne puisse pas étendre ses facultés par la culture, que les bourgeois de france et d’ailleurs ne puissent pas devenir des citoyens, c’est ce dont je ne saurais convenir25. »
16Pour réformer les mœurs d’une nation démoralisée, pour faire marcher la République, il ne faut surtout pas oublier que les « mœurs ne changent pas du jour au lendemain », et que « le temps présent est toujours disciple du temps antérieur26 ». Aussi, les chefs de la nation doivent-ils s’occuper de deux sortes d’institutions : celles qui agissent sur les hommes à venir, ou enfants, et celles qui peuvent réformer les hommes faits, qu’on trouve dans le peuple d’Olbie. Pour ceux-ci, qui en ont le plus grand besoin, un bon traité d’économie politique – le Traité de J. B. Say, membre du Tribunat, paraîtra en 1803 –, sur lequel tout citoyen qui prétend remplir des fonctions à Olbie est interrogé. D’ailleurs, dans ce pays éclairé, la disparité constatée entre la conduite tenue et l’occupation professée entraîne la qualification d’inutile.
17Quant aux institutions, « quiconque se mêle d’instituer un peuple, dit Rousseau, doit savoir dominer les opinions, et par elles, gouverner les hommes. Si l’on veut que telle manière d’être, telle habitude de vie s’établisse, la dernière chose à faire est donc d’ordonner que l’on s’y conforme. Voulez-vous être obéi ? Il ne faut pas vouloir qu’on fasse : il faut faire qu’on veuille27 ». C’est pourquoi les Olbiens instituèrent dans chaque arrondissement non des sociétés politiques mais des sociétés de délassement où tous les citoyens apprirent à se connaître.
« Bientôt les habitants d’un quartier connurent le caractère et jusqu’aux habitudes des uns et des autres. Il en résultera des élections éclairées, favorable aux intérêts généraux. Car, c’est là qu’on sait si l’homme privé est probe dans son commerce, s’il a soin de son père, de son épouse, de son fils. Or ce sont ces qualités-là qu’il faut connaître pour faire de bon choix… On a fait de mauvais républicains chaque fois qu’on a voulu rendre les hommes tels, le pistolet sur la gorge. On a conquis l’apparence, sans plus… Les devoirs dont l’accomplissement fait le bonheur des autres sont réciproques. Qu’on les suppose fidèlement remplis (et) chaque personne jouira des vertus de toutes les autres ; c’est le cas d’un contrat mutuellement avantageux. Ainsi une nation qui connaîtrait et suivrait généralement les règles de la morale, ferait dans toute la rigueur du terme, ce qu’on appelle un bon marché. Elle serait la plus heureuse des nations28. »
18Olbie paraît être un projet de réforme des mœurs parfaitement adapté au deuxième moment de la prise de conscience du groupe, avec ses « institutions de consentement » – aurait dit Gramsci – et de reconnaissance des aptitudes à l’exercice d’un « si discret pouvoir » par une « classe de loisir » à la Veblen, avec un appel à l’intervention de l’État auquel Chaptal répondit aussitôt qu’il fut en charge du ministère de l’Intérieur.
17 ventôse an X : la théorie de Chaptal exposée dans Le Moniteur
19Je ne reprends pas ici les arguments qui m’ont amené à parler d’une « chaptalisation » des institutions de l’industrie et du commerce29.
20L’intérêt du texte qui va suivre réside dans le recours de Chaptal à l’histoire pour justifier le « nouveau sens commun » et la nécessité de l’intervention de l’État.
« Un gouvernement éclairé doit mettre au rang de ses préoccupations les plus importantes le soin (de) favoriser le développement du goût du travail, (base de la morale, de la puissance publique et du bien-être des individus), et il y parviendra par une législation conservatrice des intérêts de tous.
Il y a environ soixante ans que les institutions alors existantes, nées fortuitement à l’époque où les villes passèrent de la servitude féodale à l’état de franchise portaient l’empreinte des circonstances grossières de leur origine… l’esprit de monopole… l’intérêt d’un petit nombre… retardaient le progrès de l’industrie des nations et l’amélioration du sort des individus qui tirent du travail leurs moyens de subsistance.
Dans tous les pays, les hommes les plus distingués par la sagacité de leur esprit… demeurent convaincus que les individus abandonnés dans l’exercice de leur industrie à l’impulsion de leurs intérêts finissent toujours par prendre la direction favorable à la prospérité du corps du peuple dont il fait partie, pourvu que cette liberté soit universelle dans la nation et que les lois aient pourvu aux moyens de poursuivre les spéculateurs de mauvaise foi.
Les idées étaient arrêtées à cet égard plusieurs années avant la Révolution ; l’administration tenta de les réaliser en 1776, mais des révolutions de cour arrêtèrent l’exécution de ce projet. L’Assemblée nationale constituante y revint, elle ne balança pas… Dès lors il n’y eut plus de bornes à l’exercice de l’industrie, ni de gêne à la circulation du travail. Malgré des circonstances défavorables (instabilité des signes monétaires, évanouissement d’immenses capitaux), des arts furent inventés et perfectionnés, des établissements importants furent formés. L’Assemblée constituante pouvait prévoir que la mauvaise foi ne tarderait pas à combiner les fraudes possibles… et aurait dû y pourvoir par une loi appropriée… elle négligea de le faire… d’où les désordres, les plaintes30. »
21En le faisant, Chaptal restaura la foi de l’entrepreneur-citoyen, lui fit retrouver sa place naturelle, lui rendit l’espoir et la confiance dans le corps de la société qu’il formait avec ses pairs.
Confirmations par André de Neuflize et par le préfet du Nord Pommereul
« Le Premier Consul, en prenant les rênes du gouvernement, avait conçu la pensée profonde d’effacer tous les partis, et de se constituer comme point central et dominant ; aussi sa politique tendait-elle à effacer, tous les jours, les traces de leurs violences et surtout de leurs réactions. Les exclusions qu’avait entraînées le coup d’État du 18 fructidor ne subsistant plus, M. de Neuflize se retrouvait naturellement placé en première ligne à Sedan et dans le département. Il fut nommé, en février 1801, membre du Conseil général des Ardennes, dont M. Frain, ancien conventionnel modéré, était le Préfet, […] et maire de la ville, (au début d’août 1803). »
22Et André de Neuflize ajoute quelques pages plus loin, commentant la visite de Bonaparte à Sedan, le 10 août 1803 :
« Certes, ce n’est pas l’époque la moins saillante, ni la moins honorable pour la famille Poupart de Neuflize que celle qui mit son chef dans le cas de recevoir des marques d’estime, des considérations particulières et des distinctions officielles aussi remarquables de l’homme qui venait de rendre la paix à la France, qui y avait rétabli l’ordre, et en qui elle voyait déjà le héros des temps modernes ; car ce sont ces témoignages flatteurs et mérités qui ont définitivement classé cette famille encore au-dessus de l’honorable position sociale où depuis de longues années l’opinion publique l’avait déjà placée31. »
23On ne sait si le prince Salina dans Le Guépard, qui déclare : « il fallait bien que tout change pour que tout puisse rester comme avant », avait lu le discours du général baron Pommereul, préfet du Nord, prononcé en février 1807 devant la chambre de commerce de Lille, mais il faut convenir d’une étrange ressemblance : « Il fallait bien qu’une grande révolution, en confondant tous les éléments de l’ordre social, permit à chacun d’eux de reprendre sa véritable place32. »
24Oui, décidément, la « bourgeoisie de pointe » se sentit mieux dans lasociété civile après Brumaire. Car « il faut se sentir quelque chose dans l’État (sic) social pour voir de la beauté dans le titre de citoyen » écrivait joliment Necker en 180233. Mais pas trace d’aiguillon, ni d’un appétit de pouvoir, ni d’agitation pour « monter » dans la société politique et administrative. Après tout, la Charte, même octroyée, était peut-être plus appropriée qu’un coupd’État ou qu’un sacre pour donner le coup d’envoi de la lutte finale ?
1815-1817 : La vérité de leur destin révélée aux bourgeois par leurs ennemis
25La lecture des chapitres IV et V du tome 1 des Mémoires de Guizot, et notamment du paragraphe intitulé dans le sommaire du chapitre IV « Lutte de classes sous le manteau des partis34 », m’a inspiré le titre de la troisième partie, le sens du troisième moment. Écrit à la fois par un acteur de l’histoire et par un historien du temps présent – il a fait sa première leçon au Collège de France en 1812, une bonne leçon…-ce témoignage permet de comprendre ce qui s’est passé en France après les Cent Jours.
« Je recueille mes souvenirs, je recherche mes impressions. De 1814 à 1848, sous le gouvernement de la Restauration et sous le gouvernement de Juillet, j’ai hautement soutenu et quelquefois j’ai eu l’honneur de porter moi-même ce drapeau des classes moyennes qui était naturellement le mien. Quelle était, pour nous, sa signification ? Avons-nous jamais conçu le dessein ou seulement entrevu la pensée que les bourgeois devinssent des privilégiés nouveaux, et que les lois destinées à régler l’exercice du droit de suffrage servissent à fonder la domination des classes moyennes en enlevant, soit en droit, soit en fait, toute influence politique, d’une part aux restes de l’ancienne aristocratie française, d’autre part au peuple ?
Les classes moyennes n’ont jamais songé à devenir, parmi nous, des classes privilégiées, et nul homme de quelque sens n’y a jamais songé pour elles. Cette folle accusation n’est qu’une machine de guerre dressée à la faveur de la confusion des idées, tantôt par l’adresse hypocrite, tantôt par l’aveugle passion des partis. Ce qui n’empêche pas qu’elle n’ait été et ne puisse devenir encore fatale à la paix intérieure de notre société ; car les hommes sont ainsi faits que les dangers chimériques sont pour eux les pires ; on se bat contre des corps ; on perd la tête, soit de peur, soit de colère, devant des fantômes35. »
26Selon Guizot, c’est lors de la discussion de la loi électorale de 1817 que le parti des classes moyennes se sentit la vocation de lutter à la fois contre la réaction violente, celle qui voulait la victoire pour la victoire, et contre l’esprit révolutionnaire toujours prêt à s’armer de « passions nobles pour couvrir le triomphe des plus mauvaises ». Placées dans une « situation antirévolutionnaire », les classes moyennes « n’avaient rien à demander à des révolutions nouvelles36 ».
27Mais Guizot, fin stratège en luttes de classes, avait senti que le pouvoir politique, économique et social n’était pas qu’au centre37, et que le centre, depuis Bonaparte, ou bien avait négligé les affaires locales, ou bien les avait liées étroitement aux affaires générales. Un double travail était à faire.
« Il fallait d’une part, faire pénétrer la liberté dans l’administration des affaires locales, de l’autre seconder le développement des forces locales capables d’exercer, dans leur sphère, le pouvoir. On ne crée point l’aristocratie par les lois, pas plus aux extrémités qu’au sommet de l’État ; mais la société la plus démocratique n’est pas dénuée de pouvoirs naturels, prêts à se déployer si on les y appelle. Non seulement dans les départements, mais dans les arrondissements, dans les cantons, dans les communes, la propriété foncière, l’industrie, les fonctions, les professions, les traditions font naître des influences locales qui peuvent, si on sait les accepter et les organiser, devenir des autorités efficaces38. »
28Et la loi du 5 février 1817 avait été votée pour concentrer le pouvoir en ville, pour favoriser les patentés et les détenteurs de propriétés mobilières. Le travail avait commencé.
29Confirmation de la « folle accusation » lancée contre les classes moyennes, des chimères des ultras, et de l’enjeu stratégique de la prise du pouvoir local par le sous-préfet de Sedan, qui met en garde contre « les petits patentés et marchands cosmopolites des villes qui ne rêvent que révolution et autres événements sinistres pendant lesquels ils auraient l’espoir d’augmenter leur fortune et de parvenir aux emplois39 ».
Conclusion
30En 1817, la cause bourgeoise est entendue. Elle est loin d’être gagnée. Le « triomphe définitif de la classe moyenne en 1830 (et) la direction unique de la société (assurée par) la bourgeoisie, à l’exclusion, en droit, de tout ce qui était au-dessous d’elle, et en fait, de tout ce qui avait été au-dessus », tels que Tocqueville les décrit dans ses Souvenirs 40 avec une lucidité extraordinaire, ne pouvaient paraître alors que chimères ou utopies à un grand bourgeois comme Guillaume Ternaux, aussi convaincu qu’il fût d’être un exemple pour sa classe et un porteur de son avenir.
31On l’a vu se distinguer dès 1790 et condamner la politique monétaire révolutionnaire au nom de l’ordre manufacturier et de la paix sociale. En août 1792, il refuse la violence faite au roi, prend le parti de La Fayette avec la municipalité de Sedan, et émigre ce qui lui sauve la vie. Rentré en France en octobre 1798, il dénonce l’année suivante le coup d’État de Bonaparte, renonçant du même coup à faire carrière sous la protection de l’empereur. Qu’importe, il fait son métier d’entrepreneur, il fait la guerre à l’Angleterre à sa manière, « autant négociant que manufacturier », autant producteur national qu’exportateur européen de draps, et il la gagne. Partisan de la Charte, il est nommé par le roi membre de la commission consultative du budget en 1816 et, le 29 octobre 1818, il est élu député par les électeurs de la Seine : le libéral l’emporte sur Benjamin Constant de 87 voix. Le premier manufacturier de France qui reçoit dans sa maison de Saint-Ouen, près de son atelier de machines, La Fayette et le général Foy, Jean-Baptiste Say et Saint-Simon, Thiers, Mignet et Auguste Comte41, apprend le 10 juillet 1821 qu’un député ultra, Hervier de Charrin, a sollicité et obtenu du ministre de la justice de Serre, des lettres de relief de noblesse pour avoir fait commerce et dérogeance, lui et son père. C’est l’incident Charrin, c’est surtout le scandale Ternaux. Celui-ci, dans un discours du plus pur style bourgeois aux accents de Monsieur Vanderk, le « philosophe sans le savoir42 », et de Figaro, se dresse « contre un système qui tend à remettre en question l’existence sociale des Français », décline le titre de baron que Louis XVIII lui avait accordé en 1819 pour ses exploits à l’exposition nationale, et conclut sur l’enjeu « Il faut que cette classe nombreuse et respectable de citoyens (les honnêtes gens) soit bien convaincu que la révolution ne peut être terminée d’une manière positive et favorable, que quand, d’accord avec l’autorité royale, elle prendra le dessus, et que c’est seulement alors qu’elle réussira à comprimer tous les partis… Honneur au travail, honte à la fainéantise ! »43. Guillaume Ternaux est bien dans le rythme de la troisième partie de la lutte de classes, qui paraît se dérouler selon le plan prévu par Gramsci, mais en 1821, il n’est pas encore sûr de l’issue. Même s’il est certain que son histoire individuelle illustre le dynamisme de sa classe de référence, même s’il est convaincu que son ascension personnelle annonce une disposition collective à former la classe dirigeante de demain, même si le moment social lui paraît favorable, le moment politique pour « terminer la révolution de manière positive » n’est pas encore venu.
32Au moment où le « prince Mérinos, chef de l’industrie nationale », hésitait encore à forcer le destin de son groupe d’appartenance, il est un point central de la réalité sociale sur lequel chacun s’accordait : « la conservation des propriétés ». Un autre point, corollaire en quelque sorte de la conservation, tout aussi vital pour l’ensemble des propriétaires de biens meubles et d’immeubles, et auquel ceux-ci consentaient avec la même unanimité, était la nécessaire protection des propriétés contre les ennemis de la propriété, les partisans de l’anarchie et les perturbateurs de l’ordre social, en deux « gros » mots, les héritiers d’Hébert et de Babeuf. Et comme si, vingt ans après, il avait entendu l’alarme sonnée par Joseph de Maistre – la dissolution du lien social faute d’une réforme morale –, Saint-Simon lançait en 1817 son projet de « morale terrestre » :
« La conservation des propriétés est le grand objet de la politique. La seule digue que les propriétaires puissent opposer aux prolétaires, c’est un système de morale […] Les négociants sont, de tous les propriétaires, les plus intéressés à l’établissement du nouveau système de morale : car ils sont ceux dont les propriétés sont le plus exposées au pillage ; ils sont donc ceux qui doivent travailler avec le plus d’ardeur à la construction de cette nouvelle digue44. »
33Des digues ! « Contre l’invasion des insectes rongeurs », Thiers fera sien ce mot d’ordre en 1848, en veillant soigneusement et libéralement à le dissocier de toute idée d’organisation, de tout esprit de système45 : à chacun sa digue, à chaque propriétaire sa construction. En janvier 1849, deux mois après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, François Guizot appelle, lui aussi, les « forces conservatrices de l’ordre social en France à s’unir intimement » et à élever partout des digues contre le flot démocratique qui s’infiltre puis s’écoule dans toutes les brèches de la société. Mais il reconnaît que « ne pouvant le supprimer, il faut le contenir et le régler. (Et) pour contenir et régler la démocratie, il faut qu’elle soit beaucoup dans l’État et qu’elle n’y soit pas du tout, qu’elle trouve partout des issues et rencontre partout des barrières46 ». Faire comme les Hollandais face aux envahisseurs français : ouvrir des canaux partout et élever partout des digues. Et que les canaux ne soient jamais fermés, que les digues ne soient jamais entamées !
Annexes
34Les opinions sur le changement social opéré par la Révolution française émises après 1815, peuvent être considérées comme les premiers essais, sinon d’histoire du temps présent, du moins d’histoire d’un temps qui vient juste de se terminer. Car, s’il est un point sur lequel paraissent s’accorder les contemporains, c’est bien que la Révolution est finie en 1815. Qu’il faille reconstruire la société sur des anciennes fondations ou la consolider sur des nouvelles bases est sans doute la grande affaire qui divise l’opinion, mais celle-ci est unanime à admettre qu’un changement profond a bien eu lieu depuis 1789 dans « l’organisation sociale (Chaptal) » et dans la société elle même.
35À titre d’exemple, ces extraits de rapports du sous-préfet de Sedan (département des Ardennes, France) au ministre de l’Intérieur. Chacun sait que la vérité ne sort pas de la bouche d’un sous-préfet, fût-il de Sedan, mais à lire ce qu’il écrivait, l’historien comprend mieux comment la « bourgeoisie de pointe » a pris conscience d’elle-même, de sa force et de son destin dans les textes de ses ennemis.
Arch. nat., F1 CIII Ardennes 9
Rapport du sous-préfet de Sedan au Ministre de l’Intérieur, 6 décembre 1820
36« Il est nécessaire d’observer que cet arrondissement, et on pourrait dire ce département, ne ressemble à aucun des autres départements de la France. Dans un grand nombre de ceux-ci, il existe beaucoup de propriétaires terriens, anciens seigneurs de bourgs et villages qui, malgré ce qu’on a fait pour les discréditer, n’en conservent et n’en n’exercent pas moins une espèce de droit moral de patronage sur leurs concitoyens, qui tourne au profit de la légitimité.
37Dans le département des Ardennes, et plus particulièrement dans l’arrondissement de Sedan, il n’existe presqu’aucun personnage de cette espèce. Les plus gros propriétaires sont des manufacturiers de draperie, maître de forges, usiniers, etc. ; ils sortent de la très moyenne classe du peuple, ils en ont à peu près conservé l’avarice, la rudesse et la dureté ; comme ils ne se distinguent ni par leurs formes, ni par la générosité, ni par la bienfaisance, ils ne peuvent avoir sur leurs concitoyens, moins favorisés par la fortune, cette influence morale que des gens bien nés, bien élevés et bienfaisants ont conservée et exercent ailleurs. Ainsi on ne peut donc pas considérer le parti libéral comme ayant des chefs au patronage desquels il s’est soumis. Possesseurs de grandes, moyenne et petites fortunes, tous ceux de ce parti se trouvent confondus, pêle-mêle, sous le niveau de l’égalité.
38La ville et l’arrondissement de Sedan sont essentiellement, et on pourrait dire uniquement manufacturiers ; Sans l’industrie commerciale et manufacturière, ce pays deviendrait désert, parce que l’industrie agricole y est pour ainsi dire nulle à cause de l’infertilité de son sol, la division à l’infini des terres ne permet pas à leurs possesseurs d’y faire les améliorations qui les rendraient plus productives, et l’impossibilité où sont les agriculteurs d’en tirer les moyens d’élever les bestiaux, objet qui constitue véritablement ce qu’on appelle industrie agricole.
39C’est donc l’industrie commerciale de ce pays que l’administration doit avoir principalement en vue, puisqu’elle est en quelque sorte le principe de son existence. Or, comme il est reconnu que l’industrie commerciale ne peut prospérer et s’accroître que dans un état de calme et de tranquillité, que lorsque les manufacturiers et commerçants sont uniquement et exclusivement occupés des soins qu’elle exige, comment un administrateur pourrait-il ne pas repousser pour l’avenir, loin d’une ville d’industrie, les éléments d’exaspération, de trouble et de discorde dont les élections récentes laissent des traces qui de longtemps ne s’effaceront.
40Ces manufacturiers orgueilleux et avares manqueraient de temps de moyens pour seconder l’impulsion que l’administrateur de leur pays, agissant selon les vues d’un gouvernement paternel, voudrait leur donner. Mais les instants et les moyens se multiplieraient pour eux, quand le moment arriverait de préconiser de nouveau un ennemi du Roi, et d’assurer le succès de la faction à laquelle ils appartiennent.
41Le sous-préfet s’est convaincu que ce qui a fait triompher le libéralisme dans les deux collèges d’arrondissement et de département, c’est la fatale disposition de la loi qui donne la faculté à une foule de manufacturiers et commerçants de joindre à la petite cote d’imposition foncière qu’ils paient, le montant de la patente. S’ils n’avaient pas eu cet avantage, un grand nombre d’entre eux n’aurait pu réunir 300 francs d’imposition foncière, et à ce moyen ils auraient été exclus des collèges d’arrondissement et à plus forte raison de ceux des départements. Car il est également démontré que ce qui a complété la somme d’imposition nécessaire à beaucoup d’électeurs d’arrondissement pour faire partie des grands collèges, c’est le montant de leur patente.
42Sans la maudite patente les Cunin, les frères Bernard et une multitude de gens de cette faction, n’auraient point fait partie des collèges arrondissement et de département, et les intrigues diverses, qu’ils ont mises en pratique, n’auraient pas eu pour résultat la nomination de Lefevre Gineau, et les honnêtes gens n’auraient pas eu un moment la crainte de voir sortir triomphant de l’urne électorale du département le nom de M. Bignon, absolument inconnu dans ce pays. Cette opinion est applicable au département de la Vendée, du Maine-et-Loire, de la Meuse, de la Saône-et-Loire, du Haut et Bas-Rhin, où les élections ont été plus ou moins mauvaises, selon le nombre plus ou moins considérable que la patente y a fait admettre. Comment, en effet supposer que Bignon eût été nommé par les paysans royalistes de la Vendée, si la loi ne leur avait pas accolé une foule de petits patentés, marchands cosmopolites de villes qui ne rêvent que révolution et autres événements sinistres pendant lesquels ils auraient l’espoir d’augmenter leur fortune et de parvenir aux emplois. »
Arch. nat., F1 CIII Ardennes 9
Rapport du sous-préfet de Sedan au Ministre de l’Intérieur, 3 mars 1821
43« Avant la Révolution, les fonctions municipales des villes de France étaient confiées aux personnes les plus distinguées par leur rang, leur mérite, et surtout par une probité sévère. Toutes ses qualités étaient en effet nécessaires à ceux qui étaient appelés à la tutelle des intérêts des villes, à y maintenir une bonne police et à veiller à la conservation des bonnes mœurs : elles étaient d’autant plus indispensables qu’elles mettaient dans les mains de ces magistrats une force morale que le choix seul du Prince n’aurait pu leur conférer ; et le gouvernement d’alors était tellement pénétré de cette vérité qu’il serait difficile de prouver qu’il ait jamais donné à une cité de France des magistrats municipaux qui ne fussent déjà investis de l’estime et de la considération publique.
44Dans les premiers moments de la Révolution, ces fonctions furent dévolues au choix du peuple ; mais malgré l’effervescence qui se manifestait déjà dans diverses classes de la société, l’habitude qu’on avait d’avoir pour maire des hommes recommandables, ne permit pas qu’on donnât à des intrus ce qui, jusque-là, n’avait été donné qu’au mérite et à la vertu.
45Ces heureuses dispositions du peuple n’eurent qu’une très courte durée ; et son esprit se gâtant en raison des efforts que firent les meneurs de la Révolution pour le pervertir, on vit alors, et jusqu’à l’époque où le droit d’élire lui fut enlevé, les hommes les plus vils revêtus de la toge municipale ! À la vérité, de meilleurs choix furent faits par le gouvernement qui succéda à la tourmente révolutionnaire ; mais comme les principes du chef de ce gouvernement étaient un mélange de maximes révolutionnaires et despotiques, ces choix durent se ressentir du système d’amalgame qu’il avait adopté.
46Le gouvernement légitime à ramené les choses à peu près au point où elles étaient avant 1789, c’est-à-dire que la plus grande partie des maires des villes à la nomination du Roi a été choisie parmi les hommes les plus recommandables. Cependant, comme on détruit avec plus de promptitude qu’on ne réédifie, le gouvernement du Roi a encore un grand effort à faire pour donner à l’administration municipale de la France cette universalité de chefs qui la rendrait, comme autrefois si respectable et si utile.
47Pour justifier cette nécessité, le sous-préfet de Sedan ne sortira pas du cercle de son administration, dans la crainte de commettre quelque erreur.
48Il ne compte qu’une ville, dans son arrondissement, dont le maire est à la nomination de Sa Majesté et ce maire est celui de Sedan.
49Cette ville contient une population d’environ 12 000 âmes, non compris un excédent assez considérable d’ouvriers attachés aux ateliers qui, ne pouvant trouver gîte dans la ville, vont coucher hors des murailles de la place. Les trois-quarts de cette population sont des ouvriers de fabrique qui vivent au jour le jour, et le reste se compose de propriétaires de fabrique, teinturiers, marchands détaillants, etc.
50Il est peu de villes en France où les Principes révolutionnaires aient autant exercé leur empire depuis la fatale catastrophe qui fit périr, en 1794, 27 pères de famille qui avait donné des preuves de leur dévouement à l’infortuné Louis XVI. Une partie des enfants de ces honorables victimes, s’écartant du chemin de l’honneur et du devoir qui leur était si glorieusement tracé, ont eu la lâcheté, l’impiété d’adopter les principes des bourreaux de leurs pères ! C’est assez dire qu’en général l’esprit des habitants est devenu mauvais ; et ce qui justifie cette assertion, c’est l’influence pernicieuse qu’ont exercée les électeurs sedanais dans les dernières élections d’arrondissement et de département.
51Les basses classes de la société de Sedan étaient atteintes d’un autre genre de contagion. C’est par l’irréligion. Comment en effet aurait-elle pu se garantir de ce nouveau fléau, puisque la plupart des manufacturiers qui les emploient, avait le stupide aveuglement de travailler sans cesse à extirper de leur cœur la crainte de Dieu et ce sentiment si nécessaire à l’homme du juste et de l’injuste !
52Ces semences ont facilement germé et ceux qui les avaient imprudemment jetées dans le terrain qu’ils avaient si bien préparé, en recueillent aujourd’hui les fruits amers. Il leur faudrait maintenant autant de surveillants qu’ils ont d’ouvriers pour n’être pas exposés, à chaque instant du jour et de la nuit, à être dépouillés d’une grande partie des objets de fabrication qu’ils mettent dans les mains de ces derniers ! !
53La plus grande partie d’une population, ainsi démoralisée et ayant pour chefs municipaux des professeurs d’immoralité, est toujours prête à accueillir toutes les innovations que lui présente une crise politique : elle compte plus sur le désordre pour arriver à prompte fortune que sur un ordre de choses légitime, stable et fondé sur les lois divines et humaines qui mettent un frein aux passions et aux ambitions démesurées. Aussi le 20 mars et la 2e usurpation qui le suivit, furent-ils salués avec transport par les magistrats administratifs et municipaux et par la presque universalité des habitants de Sedan.
54Cependant une ville aussi importante sous le rapport de son industrie commerciale exige une attention toute particulière de la part du gouvernement. On a employé 30 ans à démoraliser ses habitants ! Il est urgent de s’occuper des moyens de les régénérer. »
Notes de bas de page
1 L. Goldman, Le dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris, Gallimard, 1959.
2 P. Rosanvallon, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992, p. 88-89.
3 Pascal, fr. 304, cité par L. Goldman, op. cit., p. 310.
4 J. de Maistre, Considérations sur la France, 1796. Présent. J. Tulard, Paris, Garnier, 1980, p. 43, souligné par moi.
5 L. Bergeron, L’épisode napoléonien. Aspects intérieurs 1799-1815, Paris, Seuil, 1972, p. 164-166.
6 Gramsci, Textes, Notes sur Machiavel, sur la politique et sur le Prince moderne, Paris, Éd. Sociales, 1983, p. 272-273.
7 Saint-Simon, La Politique par une société de gens de lettres, Mélanges, Paris, Corréard, janvier 1819, p. 494-497.
8 J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, éd. de l’EHESS, 1991, p. 191.
9 Madame de Staël, Considérations sur la Révolution française, éd. J. Godechot, Paris, Taillandier, 1983, p. 223, souligné par moi.
10 Arch. Parl., t. XVI, 19 juin 1790, p. 387-389.
11 BnF, Lb 39 4078. Arch. Nat., AD XI 62. Louis M. Lomüller, Guillaume Ternaux, 1763-1883, créateur de la première intégration industrielle française, Paris, La Cabro d’Or, 1978, p. 363, note 4, p. 455. Le corps de la draperie de la ville de Sedan envoya une adresse à l’Assemblée condamnant elle aussi la circulation forcée des assignats (23 septembre 1790).
12 La formule est d’Émile Ollivier (1864). Cité par C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003, p. 7.
13 Édit de février 1776, préambule et texte, dans Turgot, Œuvres choisies, Paris, Dalloz, 1947, p. 397-410.
14 J.-P. Hirsch, op. cit., p. 416.
15 D. Woronoff, L’industrie sidérurgique en France pendant la révolution et l’empire, Paris, éd. De l’EHESS, 1984, p. 129.
16 Arch. Parl., t. XXIX, 11 août 1791, p. 355-368.
17 P.R Osanvallon, op. cit., 1992, p. 90-91.
18 Arch. nat., 44AQ5, Arch. Neuflize, A. de Neuflize, Mémoires, f° 67-68. Les parenthèses sont de moi.
19 D. Woronoff, op. cit., p. 133.
20 Arch. nat., AF III 349, 314, rapport de Benezech, pluviôse an IV, 17 brumaire an IV, cité par G. Dejoint, La politique économique du Directoire, Paris, Marcel Rivière, 1951, p. 8.
21 J.-B. Say, Olbie ou essai sur les moyens de réformer les mœurs d’une nation, Paris, Deterville, Treuttel et Wurtz, an VIII.
22 Ibidem, p. IX.
23 J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, Presses Universitaires de France, 1951, p. 478.
24 J.-B. Say, ibid.
25 J.-B. Say, Ce que c’est qu’une nation éclairée, inédit, dans Œuvres diverses de J.-B. say, 1848. Réimp. Osnabrück, Otto Zeller, 1966.
26 J.-B. Say, Olbie, op. cit., p. 99. C’est moi qui souligne.
27 Ibidem, p. 25-29, p. 14-15.
28 Ibid., p. 38, p. 117 : note R, p. 17-18 et note 1.
29 G. Gayot, « De nouvelles institutions pour les villes et les territoires industriels de la Grande Nation en 1804 », dans J.-F. Eck et M. Lescure, Villes et districts industriels en Europe occidentale xviie-xxe siècles, Tours, CEHVI, 2002, p. 161-182. Id., « Quand les chefs de manufacture et les gens de travail retrouvèrent leur place naturelle dans la société, après brumaire an VIII », dans J.-P. Jessenne éd., Du Directoire au Consulat. 3. Brumaire dans l’histoire du lien politique et de l’Etat-nation, Université de Lille 3, Université de Rouen, CRHEN-O, GRHIS, 2001, p. 217-242.
30 C. Schmidt, L’industrie Instruction, Recueil de textes et notes, Paris, Imp. Nat., 1910, 142 : Rapport du ministre de l’Intérieur aux Consuls concernant « les manufactures et les gens de travail », 13 ventôse an X – 4 mars 1802, p. 183-184, Le Moniteur, 17 ventôse an X, p. 168.
31 Arch. nat., 44 AQ5, source citée, f° 125 et 187.
32 Cité par J.-P. Hirsch, op. cit., p. 187.
33 Necker, Dernières vues de politique et de finances, 1802, dans Œuvres complètes, publiées par M. le baron de Staël, 1821, t. XI, p. 14.
34 F. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, Paris, Michel Lévy, 1858, t. I, p. 99.
35 Ibidem, p. 168, 170.
36 Ibid., p. 171.
37 F. Guizot, Traduction et annotations de F. Ancillon, De la souveraineté et des formes de gouvernement, Paris, Le Normant, 1816. Une remarquable analyse du mal centralisateur qui aurait plu à Pierre Deyon.
38 F. Guizot, Mémoires, op. cit., p. 189-190.
39 Arch. nat. F1 CIII Ardennes 9, rapport du sous-préfet de Sedan au ministre de l’Intérieur, décembre 1820. Voir annexes.
40 Tocqueville, Souvenirs, juillet 1850. Paris, Gallimard, coll. Folio, 1964, préf. de Fernand Braudel, p. 39.
41 L. M. Lomüller, op. cit., p. 383-387.
42 M. Sedaine, Le philosophe sans le savoir, 1765.
43 BnF, Le 63 2, Lettre de Ternaux à ses correspondants, p 15,8.
44 Saint-Simon, Prospectus adressé aux journaux, 1817, cité par J.-P. Hirsch, op. cit., p. 420.
45 Thiers, De la propriété, 1848, cité par J.-P. Hirsch, ibid.
46 F. Guizot, De la démocratie, Paris, Masson Plon, janvier 1849, p. 123-124.
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