Les bourgeois du faubourg Saint-Marcel avant et après la Révolution
p. 89-103
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Index géographique : France
Texte intégral
1Dans Les Thermidoriens Georges Lefebvre évoque une bourgeoisie révolutionnaire qui resta la même mais se transforma. Un grand nombre des bourgeois de l’Ancien Régime, observe-t-il, fut ruiné par l’abolition des privilèges et par l’inflation de l’an III, mais ils furent remplacés par des nouveaux riches, des hommes culturellement très inférieurs, sans scrupule et sans idéaux. L’arrivée de ces individus renouvela la bourgeoisie et prépara l’essor du capitalisme français1. Cette communication confirme le constat de Lefebvre mais le nuance, en interrogeant le sort des bourgeois d’un seul quartier de Paris depuis 1789 jusqu’à la Restauration. Dans le cas parisien, la bourgeoisie, ou plutôt les bourgeoisies qui émergèrent du tourbillon n’étaient pas les mêmes que celles de l’Ancien Régime. Car au xviiie siècle, les bourgeois parisiens étaient divisés entre les différents secteurs économiques mais également, au sein de la ville, par quartier. Au début du xixe siècle, par contre, ces divisions étaient en train de disparaître mais l’essor du capitalisme favorisé par la Révolution créa, comme le remarque Lefebvre, un nouveau fossé entre les anciens bourgeois et les nouveaux venus. Les conditions politiques, du Directoire à la Restauration, facilitèrent néanmoins l’émergence d’un sentiment de classe.
2Il y a deux façons d’envisager l’impact de la Révolution sur les bourgeois d’un endroit donné. La première est celle que j’ai utilisée dans mon livre sur la formation de la bourgeoisie parisienne où je me suis intéressé surtout aux transformations des mécanismes du pouvoir2. J’y ai étudié l’évolution des couches dominantes d’un quartier parisien depuis la fin du xviie siècle jusqu’en 1830, les familles qui peuplaient les offices dans les paroisses et dans l’administration locale, plus tard dans la garde nationale, les districts, les sections, les comités de bienfaisance et les municipalités. Or, à la fin de l’Ancien Régime ces hommes étaient surtout des marchands, des maîtres artisans aisés, des avocats et des officiers. Sous l’Empire et la Restauration, si les marchands restèrent majoritaires, de nouveaux groupes firent leur apparition : les serviteurs de l’État, les scientifiques, les professeurs et bien entendu les « propriétaires ». Ils étaient toujours des bourgeois, dans l’acceptation contemporaine du terme, mais après la Révolution ce n’était ni les mêmes familles ni précisément les mêmes groupes professionnels qui dominaient. Et surtout les constituants de la notabilité bourgeoise avaient changé : si la richesse ne perdait nullement son importance, l’implantation familiale dans le quartier ne pesait plus très lourd. Par contre, la fidélité au régime était devenue un test indispensable. C’était l’État qui nommait à ces places et non plus, comme sous l’Ancien Régime, l’oligarchie locale. Pour cette raison, ceux qui possédaient une réputation et des réseaux d’influence étendus avaient l’avantage. Une fois obtenus, ces offices accordaient un pouvoir local, mais permettaient aussi de consolider et de développer une influence déjà acquise. Avant et après la Révolution, ces offices locaux représentaient un pas significatif, voire indispensable, dans l’ascension sociale d’une famille, mais les moyens d’y accéder et les filières d’avancement n’étaient pas les mêmes. Ainsi, si la bourgeoisie parisienne sortit victorieuse de la Révolution, elle en sortit transformée.
3La deuxième façon de mesurer l’impact de la Révolution sur la bourgeoisie de quartier est de suivre des individus et des familles à travers le tourbillon des années 1790. C’est l’approche que j’adopte dans cette communication. Le cadre géographique est restreint : le faubourg Saint-Marcel, c’est-à-dire les quartiers à l’extérieur de l’ancienne porte Saint-Marcel, située en haut de la rue Mouffetard. Cette rue formait en effet un des axes du faubourg et la Bièvre, la petite rivière qui fut la raison d’être du faubourg, en constituait l’autre. Ces quartiers coïncidaient, sous l’Ancien Régime, avec les paroisses Saint-Médard, Saint-Martin du Cloître et Saint-Hippolyte. Sous l’Empire et la Restauration, ils correspondaient grosso modo aux paroisses Saint-Médard et Saint-Marcel et à la Division du Finistère qui faisait partie de l’ancien 12e arrondissement3.
4Le faubourg était pauvre. Il n’abritait à la fin de l’Ancien Régime que quelques nobles et peu de membres des professions libérales. Mais le commerce et les manufactures étaient florissants et déjà à la fin du siècle, le faubourg Saint-Marcel était devenu un des ressorts de la croissance capitaliste de Paris. Ainsi – comme l’a déjà montré Haim Burstin – la rencontre entre bourgeois et révolution y a un grand intérêt.
5Comment donc identifier ces bourgeois ? Dans les années 1780 l’usage du terme « bourgeois » est flou et en pleine évolution. La définition ancienne et juridique de « bourgeois de Paris » subsiste. Ce statut accorde des privilèges fiscaux, tel le droit d’importer des denrées hors taxes de ses propres terres et l’exemption de la taille4. L’usage reste courant : en 1789 un marchand mercier proteste contre la séparation des nobles dans les élections aux États généraux : « Ne suis-je pas autorisé […] à exiger que mon confrère […] le Maréchal de France, qui est Bourgeois de Paris comme moi, vienne s’asseoir à mes côtés5 ? » Mais dans la bouche de l’ouvrier parisien, « le bourgeois » est le patron, le plus souvent un maître artisan ou un marchand, membre d’une corporation de métier6. Devant les commissaires au Châtelet un « bourgeois de Paris » est souvent un retraité, vivant de ses biens, même, à l’occasion, un ancien domestique qui ne possède qu’une petite rente. Louis-Sébastien Mercier, par contre, affirme que « le bourgeois est marchand ; mais il n’est pas négociant » : son portrait du « bourgeois aisé » est celui d’un boutiquier dont les fils sont en pension et qui donne à sa fille une dot non négligeable de dix à douze mille livres. Quand Mercier décrit une « petite bourgeoise », c’est une femme qui ne travaille pas et qui ne sort jamais seule7. D’un autre côté, l’Édit de 1767 qui établit un Conseil de l’Hôtel de Ville oppose la catégorie des « bourgeois » à celle des officiers des Cours supérieures : dans ce contexte il s’agit de marchands et notamment de ceux des Six Corps. Cependant les « bourgeois » qui sont appelés tous les ans aux élections des échevins sont très variés : des avocats, des officiers, des marchands et même, dans le quartier de Sainte Geneviève qui englobe le faubourg Saint-Marcel, deux doyens successifs du chapitre de Saint-Marcel, tous deux ecclésiastiques. En 1779, il s’agit de Poncet de la Rivière, ancien évêque de Troyes, dont le frère est président honoraire du Parlement de Paris8.
6Il faut reconnaître également que dans la France du xviiie siècle la définition du « bourgeois » est relative. Le bourgeois d’une petite ville est en général beaucoup plus modeste, par sa fortune et par sa culture, que celui de la capitale. De même, les bourgeois des faubourgs de Paris n’ont pas toujours les mêmes titres ni la même fortune que ceux des quartiers riches. La désignation de « bourgeois » s’oppose dans ce contexte à celle de « peuple ». Tout cela rend périlleuse toute définition qui ne retient que des critères en apparence plus précis tels que la richesse, la profession ou la culture. En fait, le moyen le plus pratique de mesurer ce niveau de distinction est d’étudier ceux qui remplissent des charges honorifiques. Ainsi cette communication portera d’abord sur le comité et les élus du district de Saint-Marcel en 1789, car l’appartenance à ce groupe dirigeant est le reflet – nous allons le voir – d’un capital social significatif. Par la suite il s’agira des membres des conseils de fabrique et des bureaux de bienfaisance et des officiers de la garde nationale, les institutions, qui à l’époque de l’Empire et de la Restauration, reconnaissent et construisent la notabilité locale.
7Ce sont, objectera-t-on, ceux qui ont bien voulu jouer un rôle politique qui pourrait avoir influencé leur sort. Je les comparerai donc à d’autres qui ressemblent – par leur notabilité – aux élus, mais qui n’ont pas participé aux débuts de la Révolution. L’état des sources excluant une analyse prosopographique classique, je propose de tracer un certain nombre d’itinéraires, afin de saisir les parcours et les destinations diverses des bourgeois de 1789.
Les bourgeois du faubourg Saint-Marcel à la veille de la Révolution
8Le premier comité du district de Saint-Marcel se compose de trente-six hommes (y compris les députés à la Ville), élus semble-t-il par l’assemblée du district, dont sont exclus ceux qui ne paient pas trois livres de capitation. Quatre membres du comité sont des prêtres que je n’ai pas compris dans mon analyse9. Huit autres nous sont inconnus, leurs noms ne permettant pas une identification certaine. L’éventail de professions et de richesse est large10. Les fabricants et les manufacturiers sont les plus riches, au premier rang le tanneur Derubigny de Berteval, propriétaire de quatre maisons et d’une grande manufacture de cuirs. Il dote sa fille de 15 000 livres en 1788. Rappelons que seulement 14 % des maîtres et marchands mariés en 1749 ont des apports supérieurs à 15 000 livres et qu’un quart des électeurs de 1791 apportent entre 15 000 et 30 000 livres lors de leur mariage11. Les brasseurs aussi sont aisés. La femme d’André Aclocque apporte en 1778 une dot de 3 000 livres et lui de 4 000, mais en 1789 le couple possède trois maisons parisiennes et une maison de campagne12. Jean-Baptiste Santerre et sa femme sont eux aussi propriétaires de trois maisons. Quelques teinturiers sont également riches. Jean-Baptiste Vérité achète en 1791 un moulin qu’il paie 57 000 livres. Il possède une grande teinturerie où il occupe alors une vingtaine d’ouvriers, ce qui fait de lui l’un des plus grands employeurs du quartier13.
9Deux membres du comité de 1789 sont des « entrepreneurs » à la Manufacture des Gobelins, ceux qui dirigent les ateliers. Ils jouissent de revenus plus que suffisants pour mener une vie aisée : plus de 5 000 livres par an. Dans les années 1780 un manœuvre parisien gagne environ 320 livres par an14. Mais la notabilité locale est loin d’être uniquement une question de richesse. Les entrepreneurs des Gobelins ont des postes permanents et ne sont pas sujets aux risques commerciaux qui peuvent ruiner le marchand le plus aisé. Ils ont une bonne éducation et surtout ils jouissent d’une autorité sur les ouvriers et du prestige de la manufacture. Les mêmes facteurs entrent en jeu dans le cas d’Oger, qui dirige l’ancienne manufacture de teinture de draps de Jullienne où travaillent une cinquantaine d’ouvriers en 179015.
10Dans la majorité des cas la présence d’un individu au comité du district s’explique par une forte implantation dans le quartier. Les élus sont presque tous propriétaires et certains appartiennent à des familles qui sont installées et connues dans le faubourg depuis longtemps. Au moins huit (sur 20 dont le lieu de naissance est connu) y sont nés et un autre y a grandi. Les tanneurs Jean Charles Dorigny et Roland Huguet descendent de familles qui possèdent des terrains sur la Bièvre depuis plus de cent ans. Ce dernier est en outre beau-fils de Derubigny de Berteval. Les deux entrepreneurs aux Gobelins appartiennent tous les deux à des familles qui sont associées à la manufacture depuis au moins le début du siècle16. Si le lignage ne joue plus le même rôle que cinquante ans auparavant, les alliances pèsent toujours.
11Certains des élus de 1789 ont déjà rempli des offices locaux. Au moins trois ont été jurés dans leurs corporations et quatre ont acheté un office de dizainier dans le quartier – un poste purement cérémoniel mais qui apporte un certain prestige. Bien que les listes de marguilliers dans les églises paroissiales du quartier soient fragmentaires, il est certain qu’au moins cinq et peut-être six des élus de 1789 ont occupé cette place. Et parmi ceux qui n’ont pas été marguilliers – dans certains cas ils sont trop jeunes – au moins cinq ont des parents proches qui ont assumé cette charge. Un autre a été administrateur de la principale confrérie à Saint-Médard. Or, ces places accordent une grande visibilité à l’individu et à sa famille. Les marguilliers influencent le choix des fournisseurs de l’église et ils ont un rôle dans la distribution des charités17. Au total, treize sur vingt-trois membres du comité qui nous sont connus ont occupé ou ont un père ou un oncle qui a occupé un de ces divers offices ; et les deux entrepreneurs des Gobelins en étaient exempts.
12Trois maîtres de pension font exception dans le comité du district. Ils sont aisés mais non riches et ils n’ont pas tous des liens forts dans le quartier. Léonard Bourdon a débuté comme avocat mais, n’ayant pas semble-t-il bien réussi, il s’est fait instituteur. L’année avant la Révolution, il a obtenu un arrêt du Conseil pour fonder son école dans le faubourg Saint-Marcel18. Jacques Simon Charvet est plus établi, propriétaire d’une maison dans la rue Mouffetard, il a été administrateur de confrérie à Saint-Médard. Du troisième nous ne savons presque rien. Mais ce sont des hommes qui ont fait des études prolongées et qui ont vraisemblablement des clients aisés. Ils sont respectés même s’ils ne sont que nouvellement arrivés dans le quartier. Il en va de même pour Antoine Joseph Thorillon. L’office de procureur au Châtelet qu’il a occupé entre 1766 et 1783 est lucratif, puisque celui qu’occupe François Bouillerot est vendu en 1766 pour 36 600 livres, dont 28 000 pour les recouvrements. C’est peut-être l’origine de la somme de 30 000 livres que Thorillon prête à différentes personnes en mai et juin 178919. Mais c’est sans doute son éducation, son habilité verbale et écrite et sa capacité administrative qui expliquent son élection comme président du comité du district. De même l’écrivain Bernardin de Saint-Pierre, auteur des Études de la nature, un best-seller de 1784, et plus récemment de Paul et Virginie (1788). Ses écrits ne lui ont pas permis de faire fortune, mais il possède une grande réputation qui impressionne les bourgeois du quartier.
13Sans aucun doute le plus surprenant participant au comité est le feudiste Jean Junié. Il n’a pas de fortune : à la mort de sa première femme en 1785, le couple possède peu de chose et son père et sa mère ne lui laissent rien. Il est peut-être un peu connu pour ses travaux et notamment pour son plan des paroisses de Paris. Mais peu avant 1789, il a été employé à la rénovation de la censive du chapitre de Saint-Marcel, un travail qui lui a sans doute valu une notoriété parmi les propriétaires du faubourg, obligés de venir faire leur déclaration de soumission au chapitre. Il a une bonne éducation, mais on se doute que c’est son rôle dans la crise de juillet qui lui gagne une place au comité20.
14À l’exception de Junié, les élus de 1789 sont assez typiques des notables bourgeois du quartier. On peut facilement en identifier une trentaine d’autres qui présentent les mêmes caractéristiques et dont certains d’ailleurs deviendront membres du comité ou des électeurs en 1790. Ils sont fabricants pour la plupart, avec quelques marchands, quelques administrateurs et membres des professions libérales : un professeur, un directeur de pension, le directeur et le garde-magasin des Gobelins. Ces derniers sont, comme leurs confrères membres du comité, beaucoup moins riches, mais ils sont éduqués et ils ont une place qui n’est pas sujette aux péripéties commerciales. Les fabricants sont parmi les principaux employeurs du quartier et ils ont ainsi un pouvoir patronal auquel s’ajoute dans plusieurs cas un office de dizainier ou une place de marguillier ou de juré. Ils sont presque tous propriétaires et l’échelle de fortune est la même que parmi les élus. Certains sont d’ailleurs parents ou alliés de membres du comité. Il s’agit donc d’un groupe qui possède un pouvoir économique et social dans le quartier, qui a une forte implantation locale et qui partage un train de vie confortable et quelquefois luxueux. Les signatures témoignent d’une éducation au-dessus de la moyenne. Ce sont des hommes qui ont l’habitude de commander et qui dans la vie quotidienne reçoivent des marques de respect de la part des ouvriers et des ouvrières. Ils sont comparables au marchand de bois Gentil, que ses employés appellent « Monsieur » qu’ils approchent le chapeau à la main ; ou dans certains cas, au patron que décrit l’imprimeur Contat : hautain et lointain, cible avec sa femme du « grand massacre des chats21 ».
15Ce dernier exemple nous rappelle le rôle des femmes, moins visible à l’historien mais évident au peuple parisien, dans la notabilité bourgeoise. Un portrait, qui se trouve aujourd’hui au musée Carnavalet, par Le Mazurier de la famille Barré, sans doute dans leur maison de la rue du Battoir, en témoigne. La famille prend le café dans un décor simple mais confortable. Leurs habits sont sans ostentation mais de bonne qualité. Elle a une domestique et sous la table deux chats représentent à la fois le féminin, le confort de la maison et un superflu modeste, ce qui Diderot appelle un « luxe de commodité ». Geneviève Barré est fille d’un riche couverturier de la rue Saint-Victor et veuve d’un ancien juge consul, vraisemblablement ancien marguillier de Saint-Médard. Même si les femmes bourgeoises travaillent, elles prétendent à un modèle de domesticité et elles adoptent un comportement de sensibilité et de politesse22. Elles jouent aussi un rôle à l’église paroissiale où elles occupent avec leurs maris un banc privé. Elles présentent le pain béni ; les femmes et les filles des marguilliers et des administrateurs des confréries font la quête, souvent accompagnées d’un bedeau ou du suisse de l’église. Les plus notables participent à la compagnie de charité de la paroisse, elles visitent les pauvres et dans tous leurs déplacements elles manifestent l’aisance et l’honnêteté de leur famille.
Itinéraires des bourgeois de 1789
16Les choix politiques des hommes de 1789 sont très variés, comme l’a montré Haim Burstin. Si la plupart se retirent après le 10 août et plusieurs quittent le quartier, certains continuent de jouer un rôle à l’époque conventionnelle – comme Bernardin de Saint-Pierre et Jean-Baptiste Santerre – et d’autres sont actifs même en l’an II.
17Quel est donc l’effet de la Révolution sur les fortunes et les carrières de ces individus et de leurs familles et sur leur place dans la société parisienne ? En général, dans le long terme, la Révolution modifiera peu la carrière des bourgeois du faubourg Saint-Marcel. Certes, la minorité de jacobins bourgeois sera écartée de la vie politique postrévolutionnaire. Mais Léonard Bourdon, tout comme son confrère modéré Jean Christophe Muraine, redeviendra directeur d’école sous l’Empire. Ceux qui comme Derubigny se sont opposés aux mesures anticléricales ou qui comme Audran sont suspects d’ » aristocratie » passent quelques mois en prison pendant la Terreur, mais par la suite ils retournent à leurs occupations sans que leur carrière ou leurs affaires semblent en avoir souffert, grâce aux talents de leurs femmes. Madame Derubigny et Madame Aclocque, comme beaucoup d’autres, dirigent la manufacture de leurs maris. Même la famille de l’épicier Louis Gilbert d’Hervilly, ancien cinquantenier et notable du faubourg exécuté en 1794, s’en sort grâce à sa veuve qui prend la direction du commerce23.
18Plus nombreux sont les bourgeois de 1789 qui – cinquantenaires ou sexagénaires – reviendront à la vie politique en 1795 et 1796 pour faire partie des derniers comités de section. Plusieurs seront membres de la fabrique de l’église paroissiale ou du Bureau de Bienfaisance de la Division (qui remplace la Section) sous l’Empire. Jean-Baptiste Santerre, malgré le rôle joué par son frère célèbre, fera partie de l’Assemblée municipale du XIIe arrondissement de l’an IV à l’an VIII et sera nommé au conseil municipal en l’an IX24. Le charpentier Berthelon deviendra lui aussi conseiller municipal de l’arrondissement sous le Directoire. Quelques-uns encore auront des fils ou des gendres qui seront nommés au conseil de la paroisse ou à d’autres honneurs : le fils du riche tanneur Le Comte deviendra lieutenant dans la garde nationale en 1814. Mais seulement une poignée de membres ou de descendants des familles d’Ancien Régime seront assez riches pour devenir électeurs sous la Restauration25. La plupart d’entre eux resteront ce qu’ont été leurs aïeux : des bourgeois de quartier.
19Il est évident que les années 1790 marquent un tournant pour ceux dont la profession ou l’office est aboli par la Révolution mais ils deviennent le plus souvent des employés ou des commis. L’ancien procureur Thorillon sera administrateur de la Municipalité, juge de paix, puis député à l’Assemblée législative, enfin de nouveau juge de paix après la Révolution26. Jean Junié, l’un des plus ardents jacobins de la section, sera nommé juge du IIIe arrondissement et ensuite entrepreneur de l’habillement des troupes. Mais il n’y gagne pas beaucoup puisque lors de son deuxième mariage en l’an III, ses biens ne sont évalués qu’à 2 000 livres. Destitué peu après, il retourne à son ancienne profession et obtient le poste d’architecte expert du Département de Paris27.
20Dans certains cas exceptionnels, le hasard, les talents et les choix politiques mènent plus loin. Charles-Alexis Alexandre, ancien agent de change, deviendra général révolutionnaire, en 1798 chef du bureau du Ministère de la Guerre, enfin directeur des contributions directes du Haut-Rhin. Aclocque, qui essaiera de défendre le roi le 10 août 1792, sera obligé de fuir et quittera le quartier définitivement. Il abandonnera la brasserie et se fera vinaigrier. Il y réussira et plus tard sa famille bénéficiera de ses prises de position puisque son fils sera anobli sous la Restauration28.
21Plusieurs des bourgeois de 1789 sortiront de la Révolution encore plus riches qu’avant. C’est le cas du tanneur Derubigny qui profitera de l’approvisionnement des armées en cuir. À la mort de sa femme en l’an IX, la fortune du couple sera évaluée à 350 000 francs, 200 000 après déduction des dettes29. Les couverturiers du quartier semblent eux aussi profiter des années de guerre : Étienne Albinet, arrivé sans fortune en 1783, aura 400 ouvriers en 1807 et laissera une succession de 66 000 francs. Son frère cadet emploiera alors 150 ouvriers. Un autre couverturier, David Bacot, déjà riche lorsqu’il achète une manufacture dans la rue Saint-Victor en 1781 pour la somme considérable de 133 420 livres, occupe plus de 240 ouvriers et ouvrières en 1790 mais en aura 460 en 1807. En 1828 il paiera plus de 2 000 francs en impôts30. Le fabricant de bleu Antoine Robert Dheur laissera une succession de 46 300 francs en 1814 et son fils sera beaucoup plus riche, l’un des plus imposés de l’arrondissement en 182831. Le brasseur Jean-Baptiste Santerre achètera une propriété en Seine-et-Marne, sans doute un bien national payé en assignats32.
22Mais même dans ces cas de réussite, il ne faut pas conclure trop vite que c’est la Révolution qui fait la fortune de ces fabricants. La tannerie, la brasserie et le textile (y compris les secteurs proches comme la teinturerie) étaient en pleine expansion avant 1789 et les bourgeois qui les dominaient étaient déjà riches. Ils auraient vraisemblablement continué à s’enrichir même si la Révolution n’avait pas eu lieu. Ceux qui maintiennent leur position à l’époque de l’Empire y réussissent d’ailleurs en partie à cause de stratégies familiales traditionnelles – notamment les alliances – qui n’ont rien à voir avec les événements politiques. Derubigny s’était établi en épousant la veuve du tanneur Huguet, descendant d’une des principales familles de tanneurs du quartier. À son tour, il marie trois de ses filles à d’autres bourgeois aisés du faubourg. Ils ne réussissent pas tous mais il est certain que le succès d’un d’entre eux, le tanneur Lallemand, provient en partie de la dot de 15 000 livres et de la succession que lui apporte sa femme. Il est vraisemblable que son beau-père l’aide dans son commerce, puisque pendant la Révolution, ils s’associent pour acheter des cuirs. Par la suite la fille de Lallemand épouse le fils du riche fabricant de bleu Dheur : le jeune couple accumule au début de l’Empire des héritages importants33.
23Quelques autres familles de l’ancienne bourgeoisie du quartier gardent leur prééminence grâce aux mêmes stratégies. Le maître de pension Savouré, janséniste notoire, exclu du marguillage avant 1789 et qui ne joue aucun rôle dans la Révolution, est propriétaire de trois maisons avant 1789. Il devient enfin membre du Conseil de Saint-Médard après 1811 et deux de ses fils épousent les filles des frères Albinet, riches couverturiers arrivés peu avant la Révolution. Les Albinet sont alliés également avec les frères Juglard, d’autres notables sous la Restauration34.
24D’autres familles qui réussissent dans les nouvelles conditions poursuivent les mêmes stratégies en dehors du quartier. Ainsi le succès économique est en partie indépendant des événements politiques – ou plutôt il montre la capacité d’adaptation d’une bourgeoisie manufacturière et commerçante déjà riche. La santé et la capacité d’une épouse sont également des éléments indispensables, car la mort prématurée d’un des conjoints entraîne la division des biens et une perturbation des affaires et peut amener les créanciers à demander paiement à un moment importun. Il y a dans ces domaines une continuité à laquelle la Révolution change peu de chose.
25Certains secteurs sont par contre durement touchés par la crise révolutionnaire, surtout les industries de luxe et d’exportation. Les fabricants de papier peint, qui sont parmi les riches du quartier avant 1789, disparaissent des listes des principaux manufacturiers. Jean Nicolas Legrand, qui occupe une centaine d’ouvriers dans les années 1770 et 1780 et qui exporte partout dans le monde, a le malheur de perdre sa femme en 1790 et il sera emprisonné en l’an II. On ne sait pas ce que devient son entreprise ; néanmoins il reparaît brièvement comme commissaire de section en l’an III35. Les commerçants détaillants souffrent eux aussi de la crise révolutionnaire : les boulangers, les épiciers, les bouchers. Mais l’épicier Pierre Mouette préside le comité civil en l’an III et un autre Mouette à la même adresse sera proposé pour le Bureau de Bienfaisance en 1810 et 1811 : la famille garde donc sa notabilité locale36. Il y a certainement des familles bourgeoises qui sont durement touchées et sans doute beaucoup qui sans la Révolution auraient prospéré. Mais celles qui ont le sens des affaires ont des moyens de se protéger. Le marbrier Jean Étienne Bourse, qui emploie douze compagnons en 1791, souffre de la crise des industries du bâtiment, mais il sait profiter de la demande de logements en faisant construire quatre maisons sur un terrain qu’il possède déjà sur le boulevard de l’Hôpital et il se dit dorénavant « marbrier et logeur ». Ses fonds viennent vraisemblablement d’héritages, car sous l’Empire sa femme héritera plus de 40 000 francs37. En fin de compte, même les bourgeois de 1789 qui ne font pas fortune pendant les années 1790 ne souffrent pas outre mesure.
Une nouvelle bourgeoisie
26Mais les années de la Révolution et de l’Empire influencent autrement leur standing dans le quartier. En 1814, lors du renouvellement de la garde nationale, deux seulement des cinq candidats au poste de chef de légion avaient habité l’arrondissement avant la Révolution ou descendaient d’une famille notable du quartier. Sur les quinze candidats pour le grade de lieutenant et les douze candidats pour celui de sous-lieutenant dans le quatrième bataillon, celui qui correspond au quartier Saint-Marcel, il n’y en a que six et deux respectivement qui appartiennent à des familles bourgeoises présentes dans le quartier sous l’Ancien Régime. Sur vingt-cinq membres du conseil de l’église de Saint-Médard entre 1803 et 1815, sept seulement ont des racines locales. Les plus riches et les plus notables citoyens du quartier à l’époque de l’Empire sont arrivés pendant ou peu après la Révolution : les frères Salleron, Bricogne, Boutté, Mattler38. C’est dire que la position relative des anciennes familles bourgeoises s’est détériorée. Est-ce un résultat de la Révolution ou tout simplement un renouvellement cyclique de la population ?
27Il semble que les deux aient joué. On aperçoit dans les années 1790 et au début de l’Empire une arrivée massive de nouvelles familles, sans précédent depuis 150 ans. Mais ce renouvellement a commencé avant la Révolution. Il serait donc le résultat de changements dans l’économie et la démographie parisiennes – et peut-être françaises – à la fin de l’Ancien Régime. Mais il continue et s’accélère pendant les années 1790, malgré la crise produite par la Révolution et par l’émigration. C’est-à-dire que les nouvelles conditions amenées par la Révolution encouragent des phénomènes déjà visibles dans les années précédentes : l’apparition d’entrepreneurs qui méprisent les mentalités corporatives ou tout simplement les manipulent ; l’essor de nouvelles industries qui dépendent d’un marché de consommation, de plus en plus un marché de masse ; une concentration industrielle (très visible dans la tannerie et dans la brasserie) et le développement d’entreprises beaucoup plus grandes ; les créations de sociétés commerciales, souvent entre membres de la même famille. Il en résulte une accumulation de capitaux que favorise aussi un changement dans les stratégies familiales, car la génération bourgeoise d’avant la Révolution poursuit des alliances dans la ville entière. Elle abandonne donc la préférence antérieure pour les mariages dans le même secteur économique et dans le même quartier (qui avait permis la formation d’oligarchies corporatives et locales mais qui souvent avait freiné les accumulations d’argent entre les mains d’un seul individu39).
28Au même moment l’abolition des corporations par la Révolution facilite la création d’entreprises plus diversifiées : les tanneurs par exemple, autrefois spécialisés dans la production de certains cuirs, produisent maintenant de tout et sont libres de se mêler du commerce en gros des peaux. Plus tard le brasseur Boutté investira dans l’exploitation des carrières et le teinturier Jean-Baptiste Vérité se fera également brasseur40. Il devient en effet beaucoup plus facile de changer de secteur afin de profiter des occasions qui se présentent. À ces possibilités s’ajoutent les commandes et le soutien apportés par les gouvernements révolutionnaires. Par ailleurs, les achats de biens nationaux en assignats permettent à ceux qui détiennent déjà un capital d’accroître encore leur fortune. Notons aussi que la plupart des grandes entreprises dans le faubourg, à l’époque de l’Empire, occupent les locaux d’anciens couvents et églises : la Révolution a mis à la disposition du commerce une formidable ressource immobilière qui facilite le développement industriel.
29Un autre phénomène, nouveau par sa fréquence, se manifeste pendant les années révolutionnaires. Alors que sous l’Ancien Régime les nouveaux-venus viennent surtout de province, pendant la Révolution et l’Empire, ils arrivent d’autres quartiers de Paris. Les frères Salleron, Bricogne, Boutté, Mattler – les hommes les plus riches du faubourg sous l’Empire – ont déjà une base ailleurs dans la ville. Les barrières pratiques et psychologiques qui avaient freiné le mouvement entre les quartiers ont diminué sinon disparu – c’est vraisemblablement un facteur plus important dans les faubourgs que dans le centre-ville, mais il en résulte une répartition dans tous les quartiers de la ville des élites bourgeoises précédemment concentrées dans le centre. Cela facilite la création d’une bourgeoisie véritablement parisienne et non plus locale. André Aclocque passe dans l’autre direction, quittant le faubourg pour s’établir dans la rue Saint-André des Arts. Ceux qui ont véritablement profité de la Révolution et qui réussissent dans les nouvelles conditions de l’Empire sont les hommes et les familles qui ont su sortir des horizons limités du quartier et dont les ambitions dépassent de loin la recherche d’une « aisance honnête ».
30Une redéfinition de la notabilité facilite certains de ces changements. D’après le Journal des conseils de fabrique en 1834 « le mot notable [désigne] […] les personnes investies dans les fonctions publiques, les représentants des professions libérales, les plus imposés, tous les électeurs […] enfin tous ceux qui par leurs fonctions, leur fortune ou leurs talents se distinguent des masses41 ». Dès 1794, c’est le gouvernement qui nomme à tous les postes publics, même quand il y a en principe un processus électoral. Et surtout les autorités valorisent, à un degré inouï, la richesse de l’individu masculin : la participation aux élections et à la garde nationale devient des honneurs qui dépendent en premier lieu de la richesse dont il dispose. On publie les listes électorales indiquant le montant des impôts payés. L’État joue un rôle non négligeable dans la formation de la bourgeoisie du xixe siècle. Sous l’Empire et la Restauration « l’influence » sera également essentielle : le réseau de relations de l’individu parmi les électeurs, surtout dans le monde des affaires42. Il n’y a plus, après la Révolution, la même nécessité d’enracinement local ou de lignage.
31La nouvelle élite constitue-t-elle une « bourgeoisie » ? Il est vrai que le terme « bourgeois » disparaît des appellations officielles et n’a plus le même prestige que « propriétaire » ou même « notable ». Pendant la Révolution le mot « bourgeois » acquiert des nuances très négatives43. Mais quelque soit le nom collectif choisi, il est certain que les structures mises en place sous le Directoire et l’Empire renforcent la position économique et sociale des patrons, des fonctionnaires et des professions libérales. Les transformations révolutionnaires ont brisé les différences corporatives qui précédemment avaient érigé des barrières (certes non imperméables) entre ces différents éléments de la bourgeoisie. Les institutions créées dès 1789 ont facilité et encouragé les contacts et les liens entre les acteurs politiques des districts et des sections. Les notables de l’Empire et de la Restauration, d’ailleurs, se reconnaissent. Ils se rencontrent dans les comités de bienfaisance, aux conseils des fabriques, aux assemblées électorales, dans les rangs de la garde nationale et ils y défendent la propriété et l’ordre. Ils partagent une culture matérielle et des valeurs familiales. Plus souvent que sous l’Ancien Régime, ils forment des alliances entre les différents secteurs économiques44.
32Ceci dit, certaines divisions restent très fortes au sortir de la Révolution. La religion divise profondément les bourgeois parisiens – les alliances ne se font pas entre les protestants (dans notre quartier, les Bacot), les catholiques (tels les Savouré et les Albinet, qui s’allient entre eux), et les athées. Les plus riches se marient également entre eux. Les intérêts économiques ne s’alignent pas toujours non plus : tous ne bénéficient pas, par exemple, du système continental. Il faut attendre le mythe d’une révolution bourgeoise (construit par Mignet, Guizot, etc.), les attaques de Charles X contre les institutions et les intérêts chers aux bourgeois parisiens, et la menace du choléra et d’une révolution populaire pour qu’ils aient le sentiment d’appartenir à une même classe. Une identité de classe se construit dans l’action commune et, comme dit Gérard Gayot, en se distinguant de l’ennemi.
33En attendant, pour la plupart des hommes de 1789, du moins dans le faubourg Saint-Marcel, les gains révolutionnaires sont modestes. Eux et leurs descendants jouissent de la même aisance modeste qu’avant et d’une notabilité locale comparable. Ce qu’observe Adeline Daumard dans le Paris de la Restauration, que c’est parmi les notables de quartier que l’on trouve le plus de « bonnes familles parisiennes », est déjà le cas au début de l’Empire45. Ces bourgeois, et dans d’autres domaines leurs femmes, continuent à jouer un rôle important dans la vie des habitants. Peu nombreux dans les conseils de fabrique et les bureaux de bienfaisance, ils sont néanmoins très présents devant les juges de paix où ils signent des certificats de notoriété et font fonction d’ » amis » dans les réunions de famille. En l’an VII, l’ancien jacobin Claude Roland Huguet signera le premier (avec 93 autres) une pétition concernant l’état de la Bièvre46. Ils bénéficient aussi du pouvoir que l’Empire accorde aux employeurs par les mécanismes du livret et par la suppression des associations d’ouvriers. Ces petits notables ont vraisemblablement joué un rôle significatif dans le rejet de l’Empire par les Parisiens en 1814.
34Cependant ils n’ont pas en général profité outre mesure de la Révolution, quels qu’aient été leurs choix politiques. Ils se sont vus dépasser par des hommes nouveaux. Je suis donc d’accord avec Colin Jones qu’il existe au début du xixe siècle des bourgeoisies, tout comme sous l’Ancien Régime, même si les lignes de partage ne sont plus les mêmes. Pourtant cette évolution n’a pas été uniquement le résultat des changements des années 1790 : elle a commencé avant la Révolution et s’est poursuivie rapidement sous l’Empire. Les structures et les définitions de la notabilité, héritées en grande mesure du Directoire, renforcent davantage la position des parvenus à Paris et l’essor du capitalisme, que facilitent les réformes révolutionnaires, crée une nouvelle élite bourgeoise qui dépasse et éclipse les familles bourgeoises de l’Ancien Régime.
35En même temps, la formation de la bourgeoisie est également un processus géographique. Les historiens reconnaissent aujourd’hui que les catégories de « nation » et de « province » sont des constructions historiques, du moins dans leur dimension identitaire47. On peut en dire autant du quartier urbain et même des villes. Or, toutes ces catégories ont un rapport dynamique à la fois entre elles et avec celle de classe sociale. Une bourgeoisie française ne se construit-elle pas en parallèle avec la constitution de la nation française ? L’évolution des communications et l’aménagement d’un espace national créent des conditions démographiques et politiques qui facilitent la formation d’une identité de classe48. Dans le cadre plus modeste de la capitale, la création d’une identité bourgeoisie accompagne la multiplication de liens et de réseaux entre les notables des différents quartiers et l’efflorescence de nouvelles pratiques culturelles et politiques qui transforment les utilisations de l’espace urbain.
Notes de bas de page
1 G. Lefebvre, Les Thermidoriens, Paris, A. Colin, 1937.
2 D. Garrioch, The Formation of the Parisian Bourgeoisie, 1690-1830, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1996.
3 Le cadre n’est donc pas aussi large que celui de H. Burstin, Une révolution à l’œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Paris, Champ Vallon, 2005 et Le faubourg Saint-Marcel à l’époque révolutionnaire, Paris, Société des Études Robespierristes, 1983.
4 Voir surtout J. Di Corcia, « Bourgeois, Bourgeoisie, Bourgeois de Paris from the Eleventh to the Eighteenth Century », dans Journal of Modern History, 50, 1978, p. 207-233.
5 Réflexions d’un marchand mercier, dans C.-L. Chassin (éd.), Les élections et les cahiers de Paris en 1789, Paris, 1888, 4 vols, vol. 1, p. 379.
6 Arch. nat. Y14 436, 24 avril 1788. Arch. nat. Y15 099, 26 mars 1788. Arch. nat. Y14 484, 27 décembre 1789.
7 Arch. nat. Y15 402, 29 avril et 5 août 1775. Tableau de Paris, éd. J.-C. Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, 2 vols, Vol. 1, p. 61, 80-2, 884-885.
8 Arch. nat. K997, n° 3., K996, fol. 107.
9 BnF, Lb40 1621, 26 août 1789. Ils sont choisis vraisemblablement parce qu’ils représentent les paroisses et le puissant chapitre de Saint-Marcel.
10 Cinq tanneurs, trois maîtres de pension, deux entrepreneurs des Gobelins, deux brasseurs, deux entrepreneurs de teinturerie, un miroitier-doreur, un charpentier, un épicier, un amidonnier, un commis, un procureur, un géographe, un « bourgeois de Paris ».
11 Arch. nat. LXXIII 1275, inventaire Lallemant, 12 février 1821. Chiffre de 1749 calculé d’après F. Furet et A. Daumard, Structures et relations sociales à Paris au milieu du xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1961, p. 18-19. Sur les électeurs de 1791, E. Ducoudray, « Bourgeois parisiens en Révolution 1791-1792 », dans M. Vovelle (dir.), Paris et la révolution, Paris, Publications de la Sorbonne, 1989, p. 73-74.
12 G. Aclocque, Un défenseur du Roi, André-Arnoult Aclocque, commandant général de la garde nationale parisienne, 1748-1802, Paris, Picard, 1947, p. 25, 32. H. Burstin, Le faubourg Saint-Marcel, p. 174
13 Arch. nat. S*1641. Arch. Paris DQ10 823. F30 159.
14 Cozette évalue ses revenus à 4 500 livres par an, en moyenne (Arch. nat. F1dII C13, doss. Cozette) mais A-L. Lacordaire, Notice historique sur les manufactures impériales de tapisseries des Gobelins et de tapis de la Savonnerie, Paris, Gobelins, 1853, p. 111, donne le chiffre de 6 000 livres. Pour le salaire d’un manœuvre, D. Roche, Le peuple de Paris, Paris, Aubier-Montaigne, 1981, p. 87.
15 Arch. nat. F30 159.
16 Sur les familles, M. Rambaud, Documents du Minutier central concernant l’histoire de l’art (1700-1750), Paris, SEVPEN, s. d, 2 vols, vol. 1, p. 117-19. Ch. Du Peloux, Répertoire biographique et bibliographique des artistes du xviiie siècle français, Paris, Champion, 1930-31, 2 vols, vol. 1, p. 309. J. Gaston, Une paroisse parisienne avant la révolution. Saint-Hippolyte, Paris, Librairie des Saints-Pères, 1908, p. 78, n. 3, 102-104.
17 Sur le rôle des marguilliers parisiens, D. Garrioch, Formation, p. 48-54.
18 P. Robiquet, Le personnel municipal de Paris pendant la Révolution. Période constitutionnelle, Paris, Quantin, 1890, p. 94.
19 Arch. nat. XXXVII 501, 6 février 1766. Arch. nat. XXII 59, 1er mai et 10 juin 1789.
20 Arch. nat. XLV 590, 9 août 1785. Arch. nat. XXVIII 520, 26 mars 1786. S1931
21 A. Soboul, Les sans-culottes parisiens en l’an II : Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire, 2 juin 1793-9 thermidor 1794, Paris, Clavreuil, 1958, p. 408-9. N. Contat, Anecdotes typographiques, éd. G. Barber, Oxford, Oxford Bibliographical Society, 1980. R. Darnton, « Le grand massacre des chats de la rue Saint-Séverin », dans Le grand massacre des chats, Paris, 1985.
22 Arch. nat. S*1641, rue du Battoir n°. 6 et S*1642, rue Mouffetard n°. 92. Encyclopédie, art. « Luxe ». Voir aussi D. Garrioch, Neighbourhood and Community in Paris, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 74-75.
23 Robiquet, Le personnel municipal, p. 96. P.H.J. Allard, Annuaire administratif et statistique du département de la Seine pour l’an XIII, Paris, 1805, p. 72. Arch. Assistance Publique, nouvelle série 96, première liasse, registre 1, 5 pluviôse III.
24 Arch. Saint-Médard, registre de délibérations, 1803-48. AAP, nouvelle série 96, deuxième liasse, registre 2. F. Weber, « La famille Santerre et la brasserie parisienne au xviiie siècle », dans Le brasseur français, n° 22 (706), 3 juin 1905, p. 3-4.
25 Arch. nat. F1bII Seine 8. F9 658. Arch. Paris VD6 629, n° 2.
26 Robiquet, Le personnel municipal, p. 257, 465. Duverneil, Almanach du commerce de la Ville de Paris, an VI, VII. Almanach national, an IX, X.
27 Arch. nat. F7 4752, doss. 4. VI 892 bis, 26 ventôse III. XIII 504, 18 floréal VI.
28 E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, 2 septembre 1792-17 frimaire an II, Paris, Quantin, 1905, p. 86. Aclocque, Un défenseur du roi, p. 179. Robiquet, Le personnel municipal, p. 87.
29 Arch. Paris D12 U1 44, compte de tutelle, 13 brumaire an XII.
30 Arch. nat. F20 255, principales manufactures, 1807. F7 4794, 7e compagnie. Burstin, Le faubourg Saint-Marcel, p. 190-91. Arch. Paris VD6 629, n° 2.
31 Arch. nat. VII 607, 24 septembre 1814. Arch. Paris VD6 629, n° 2.
32 Arch. nat. DQ7 3955, fol. 93. R. Monnier, Un bourgeois sans-culotte. Le général Santerre, Paris, Publications de la Sorbonne, 1989, p. 82.
33 H. Burstin, Une révolution à l’œuvre, p. 702. LXXIII 1275, 12 février 1821 et XII 819, 30 mars 1812. Arch. Paris D12 U1 44, 13 brumaire an XI.
34 Arch. Paris D12 U1 39, 3 prairial an VII. Arch. Paris, Reconstitution de l’ancien état civil de Paris, Archevêché 2845. Arch. Paris VD6 629, n°. 2. Arch. Saint-Médard.
35 Arch. nat. F30 157. F7* 2517, fol. 227v. DIII 256 (4), doss. 4, n° 26.
36 Bibl. hist. Ville de Paris, Pièces diverses sur les 48 sections de Paris (Caen, 1854), t. 1, n° 37. AAP nouvelle série 96, première liasse, registre 2.
37 Arch. nat. F30 159. XII 819, 30 mars 1812. Arch. Préfecture Police Aa147, 28 mai 1809. LXXIII 1275, 12 février 1821.
38 Arch. nat. F9 658. Archives de Saint-Médard, registre de délibérations. Sur Salleron, Bricogne et Mattler voir D. Garrioch, Formation, p. 215-26 ; sur Boutté, A. Daumard, La bourgeoisie parisienne de 1815 à 1848, Paris, SEVPEN, 1963, p. 344-345.
39 D. Garrioch, Formation. Voir J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, EHESS, 1991.
40 Arch. nat. XXVIII 742, 9 septembre 1819. Weber, « La famille Santerre », Le brasseur français, n° 28-29 (712), 22 juillet 1905, p. 5.
41 Cité dans Daumard, La bourgeoisie parisienne, p. 160-161.
42 D. Garrioch, Formation, p. 250-255.
43 Voir l’exemple cité par H. Burstin, Une révolution à l’œuvre, p. 495.
44 Sur tous ces points je renvoie à mon livre Formation of the Parisian Bourgeoisie.
45 A. Daumard, La bourgeoisie parisienne, p. 299.
46 Arch. Paris D12 U1 49, n°. 452 ; D12 U1 39, avis de parents ; VD6 666, n°. 2 ; VD* 6685.
47 E. Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780, Paris, Gallimard, 1992. B. Anderson, L’imaginaire national : réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, Editions de la Découverte, 1996. Nous attendons le projet de René Favier sur la « province » du Dauphiné.
48 D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993.
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