Révolution française et bourgeoisie
Quelques remarques sur une certaine tradition européenne de l’historiographie
p. 47-61
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Index géographique : France
Texte intégral
1Cette contribution soulève quelques difficultés par sa délimitation. Les organisateurs du colloque « Révolution française et changement social : Vers un ordre bourgeois ? » m’ont invité à esquisser un panorama européen des discussions sur « l’association de la geste révolutionnaire à l’avènement de la bourgeoisie » et « les liens entre les dynamiques sociales et politiques dans la synergie révolutionnaire1 ». Mais c’est une Europe moins l’Angleterre et la France, examinées dans d’autres contributions, qu’il me revient de parcourir. Cette Europe n’est pas simplement réduite de deux pays, mais son historiographie révolutionnaire se trouve diminuée de ses deux bataillons les plus forts. Ce constat trouve sa confirmation dans les pages des AHRF, où sont rapportés régulièrement les chiffres impressionnants des mémoires de maîtrise soutenus dans les universités françaises, et des comptes rendus dans French Historical Studies. À la base des recherches des cohortes des étudiants et des doctorants, une riche littérature scientifique et des manuels à usage académique sont à la disposition des historiens de ces deux pays et de leurs collègues. Notre tâche est implicitement ramenée au « reste de l’Europe2 ». Mais bien évidemment « ce reste » manque de toute homogénéité. Il est la périphérie, et comme toute périphérie, il n’a pas de limites précises, mais se définit par ses relations avec un centre ou on se souvient de temps en temps de cette périphérie. Les contributions russes, les travaux tchèques et les recherches menées par des auteurs espagnols (ou bien catalans) etc. ne sont pas systématiquement représentés, ils sont mis éventuellement en perspective par des colloques ou des numéros thématiques3.
2À mon avis il ne faut pas se plaindre plus longtemps des difficultés linguistiques et des distances géographiques – arguments très souvent utilisés pour justifier les relations déséquilibrées entre un centre historiographique et sa périphérie – car le constat de la marginalisation nous conduit directement au cœur de la problématique du colloque et de notre modeste rapport. D’abord parce que cette périphérie ne fut pas toujours aussi marginale dans l’historiographiques de la Révolution française.
3Entre Stockholm 1960 et Madrid 1990 pour citer les lieux des congrès mondiaux, ce « reste de l’Europe » ne manque pas de références communes ; il était représenté par un groupe d’historiens qui ne furent pas tous élèves de Georges Lefebvre, mais qui formaient des cercles concentriques autour du souvent cité grand maître en Sorbonne. Ils ne furent pas tous des marxistes, les Daline, Lesnodorski, Mejdricka, Benda, Töennesson, Markov, Galanta Garrone, Saitta etc., mais ils n’hésitaient pas à faire référence à la révolution bourgeoise, en vertu de traditions diverses remontant à la Révolution elle-même. Ils enrichirent ces traditions de leurs propres expériences socio-culturelles – Richard Cobb en Angleterre, Daline, Manfred, Ado dans l’école russe de l’histoire agraire4, Saitta dans l’histoire des idées à l’italienne ou bien dans les travaux français d’histoire sociale, ceux d’Albert Soboul notamment. Dans leurs prises de position et dans les circonstances politiques des années 1930 à 1950, la diversité des appartenances vaut autant pour les membres de l’école marxiste orthodoxe que pour les représentants d’un marxisme occidental non-orthodoxe. Divers auteurs ont visiblement peiné à trouver un label commun pour la biographie de la victime de l’antisémitisme stalinien que fut le juif Victor Daline, pour celle de Walter Markov, qui fut un des premiers marxistes occupant une chaire d’histoire en Allemagne, expulsé du parti communiste en 1951 ou pour celle du hongrois Kalman Benda, auteur d’une histoire du jacobinisme de son pays en trois volumes, qui termina sa carrière en tant que directeur du musée des bibles à Budapest. D’autres ne furent jamais liés à des partis communistes et seul le climat de la guerre froide peut expliquer qu’ils aient été mis dans la même boîte que leurs collègues militants (au moins pour une certaine période) dans le milieu communiste5.
4Robert Palmer fut donc peut-être le premier, dans son essai de 1962 sur les résultats des thèses et volumes collectifs parus depuis 1955, à constater (ou, si on veut, à inventer) une certaine homogénéité. Par ailleurs, les deux volumes Jacobins et Sans-culottes 6 et Maximilien Robespierre 7 ainsi que les actes du colloque de Stockholm 8 ont bien montré que le groupe lui-même était aussi à la recherche d’une pratique commune d’échanges 9 et Albert Soboul a inscrit celui-ci dans une longue tradition d’interprétation sociale de la Révolution remontant à Barnave10. Aujourd’hui encore, on trouve, dans les essais historiographiques qui ouvrent des manuels universitaires, la description homogénéisant cette « école » européenne (à laquelle il faudrait bien évidemment ajouter Rudé à Melbourne, Takahashi à Tokyo et Zhang Zhilian à Pékin pour ne nommer que les plus connus). L’image engendrée par les controverses entre Albert Soboul et François Furet à Paris, dès la fin des années 1960, fut finalement celle d’un bloc formé par les tenants d’une interprétation sociale de la Révolution.
5En fait, il y avait bien un centre d’intérêt commun pour ce groupe d’historiens, qui était l’explication de la politique révolutionnaire par des conditions sociales ; leur contribution à l’histoire sociale de la Révolution était focalisée sur le menu peuple, sur une histoire d’en bas (pour citer Rudé) : sans-culottes chez Soboul, paysans chez Lefebvre, Ado, Daline et Takahashi ; mais la majorité de ce groupe s’occupait plutôt d’histoire politique : défaite des sans-culottes en l’an III, armées révolutionnaires… ; d’autres portaient leur attention sur la biographie d’un seul acteur, comme Markov l’a fait dans les quatre volumes consacrés à la vie de Jacques Roux.
6L’autocritique est venue plus tard. C’est Markov qui a souligné l’étrange phénomène d’un groupe d’historiens intéressés au concept de révolution bourgeoise, ayant si longtemps négligé presque totalement l’étude de la bourgeoisie elle-même11. Le constat est encore plus étonnant si on se souvient que la première attaque sérieuse que les disciples de Lefebvre eurent à parer fut celle menée par Alfred Cobban puis Georges V. Taylor et Élisabeth L. Eisenstadt autour de la notion de bourgeoisie12. Il semble, en fait, que le caractère bourgeois de la Révolution intéressait moins l’historiographie dite sociale ou bien jacobine que le rapport entre l’intervention des élites (bourgeoises ou nobles) et la contribution des masses populaires. On peut risquer deux interprétations de ce phénomène. La première épouse les logiques des controverses académiques, selon lesquelles les auteurs des monographies sur les sans-culottes, les paysans ou les porte-parole des couches populaires voulaient défendre la perspective nouvelle qu’ils avaient introduite dans l’historiographie révolutionnaire et ne voulaient pas revenir sur le terrain de l’histoire des élites où ils avaient combattu si énergiquement dans les années 1950. L’autre interprétation relève plutôt de la sphère politique : rappelons-nous que cette génération fut formée dans les combats des années 1930-1940 contre les nazis et dans une perspective révolutionnaire transcendant la crise de la société des années 1920-1930 ; d’où leur fascination pour l’histoire révolutionnaire, pour la dynamique d’un processus complexe. Par ailleurs, ils ont commencé à écrire sur la révolution sous l’impression d’une nouvelle vague révolutionnaire en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique, victorieuse des anciens régimes à la fin de la deuxième guerre mondiale ; mais cette vague n’ayant pas confirmé les espoirs, la sclérose des dynamiques révolutionnaires se révélant assez vite, quelques-uns de nos historiens « d’interprétation sociale » ont transféré ce tournant dans la révolution elle-même. On peut donc aussi interpréter l’intérêt porté à l’action du menu peuple et à la radicalisation de la révolution d’en bas comme la recherche d’une perspective alternative à la révolution contemporaine et à la stalinisation des mouvements de libération en Europe de l’Est, ou encore – un peu plus tard – comme la recherche d’une alternative à la transformation des élites révolutionnaires africaines en nouveaux riches, oubliant l’intérêt de leurs peuples13.
7Mais la reconstruction des motifs ne serait guère satisfaisante si on ne se posait pas la question : dans quelle mesure la notion de révolution bourgeoise semblait-elle utile à ces auteurs ? Je crois qu’il faut distinguer au moins trois dimensions :
- On a discuté assez longtemps prioritairement de la Révolution française en tant que révolution dirigée par une bourgeoisie et œuvre des représentants politiques de la bourgeoisie. C’est dans cette perspective que les études sur les députés, les électeurs, la haute administration etc. se placent.
- Une deuxième interprétation comprend la Révolution comme période dans laquelle les valeurs, les conceptions d’ordre de l’espace et du temps, ainsi que les idées sur l’organisation de la vie sociale liées à la pratique des bourgeois du xviiie siècle ont avancé. Ce sont surtout les contributions à l’histoire culturelle qui ont exploité cette perspective, mais il faut mentionner qu’un livre devenu classique de l’histoire des soulèvements contre-révolutionnaires comme celui de Charles Tilly sur la Vendée explorait déjà cette voie.
- - Une troisième dimension de la notion de révolution bourgeoise a été utilisée par les auteurs qui ont cherché à comparer l’histoire du développement dans d’autres pays avec la Révolution en France et qui ont formé une sorte de « type idéal » (selon Max Weber) pour en tirer les éléments d’une catégorie abstraite afin de pouvoir mesurer la distance de leur cas spécifique à l’idéal.
8On ne peut nier que ces dimensions aient été, de temps en temps, confondues dans les débats souvent idéologisés et animés non seulement par l’intérêt porté à l’histoire de la France à la fin du xviiie siècle, mais aussi par la question des perspectives révolutionnaires du xxe siècle. Toutefois, des progrès énormes dans l’application différenciée de la catégorie « révolution bourgeoise » sont à constater dans ces trois acceptions.
9Tout d’abord les discussions depuis l’article de George V. Taylor mettant en doute l’existence d’une bourgeoisie en France, avant et après 1789, ont suscité des études de terrain clarifiant les différentes formes de la bourgeoisie des villes, bourgs et villages – bourgeoisie rurale, bourgeoisie d’Ancien Régime, bourgeoisie montagnarde, bourgeoisie des faubourgs… La question reste posée, aujourd’hui encore, de savoir, si la diversité régionale (souvent invoquée pour discuter les résultats établis dans une autre région), la dynamisation des constellations sociales autour des bourgeoisies – pensons seulement aux processus liés à la redistribution des biens nationaux ou bien à la perte des colonies – peuvent être maîtrisées dans une typologie ou s’il faut se restreindre plus modestement au constat de la diversité et de la complexité d’une situation transitoire. Les résultats régionaux invitent, à tout le moins, à ne pas exagérer l’uniformité de la société d’Ancien Régime et à n’y pas voir déjà une bourgeoisie qui s’est formée selon des processus sociaux à l’œuvre au xixe siècle, processus, il est vrai initiés au cours de la période révolutionnaire. Il semble de plus en plus anachronique de voir l’histoire des bourgeoisies du xviiie siècle au prisme de l’historiographie nationalisante de la fin du siècle suivant. Ce sont les auteurs de l’Europe centrale et orientale d’ailleurs qui, les premiers, ont corrigé une lecture trop hâtive des séquences sur la bourgeoisie chez Marx sous trois aspects : ils ont remis en valeur la typologie diachronique des bourgeoisies établie dans le troisième volume du « Capital » qui ne discerne pas seulement une variété des formes d’organisation des affaires, mais aussi des variantes d’arrangements politiques, sociaux et culturels avec la monarchie traditionnelle et la société des privilèges. La bourgeoisie du milieu du xixe siècle, analysée par Marx, son contemporain, n’était pas la seule bourgeoisie que Marx, l’historien, a connu et il faut bien rester conscient que la préoccupation intellectuelle principale de Marx était une historicisation permanente de tout phénomène – c’est là peut-être où l’on trouve la différence fondamentale entre Marx et nombre de marxistes. Finalement, ceux qui croyaient avoir trouvé la contre-épreuve à l’existence de la bourgeoisie ont, en fait, démontré souvent ce qu’on pouvait lire aussi dans des écrits de Marx, couramment négligés par une lecture rudimentaire, et notamment dans les passages, rédigés par le Marx désillusionné, sur la bourgeoisie allemande de l’année 1848 : les bourgeoisies trouvent à un certain âge de leur histoire, une place dans les sociétés dites d’Ancien Régime. Ce qui ne signifie pas automatiquement que la matrice du capitalisme moderne soit liée à la prospérité noble (comme l’a suggéré Emmanuel Le Roy Ladurie) – une hypothèse qui a inspiré les recherches de l’école russe en parallèle avec celles sur la noblesse libérale en 1789 et sur le rôle de l’égalitarisme des paysans comme stratégie alternative (à la transformation par en haut) dans l’introduction du capitalisme14.
10Sous un deuxième angle, avec son concept de révolution bourgeoise, le jeune Marx discutait déjà les relations entre le politique et le social, loin de toute idée d’une détermination de l’un par l’autre15. D’où sa question qui a inspiré fortement les historiens tenant à l’interprétation sociale de la Révolution : quel est le rôle de l’État, des professions libérales et du mouvement populaire dans l’établissement d’un ordre où les bourgeoisies dominent, avec leurs idées du temps, de l’espace, de la représentation politique et culturelle. Dans les études concernant les relations entre gouvernement révolutionnaire et mouvement social d’en bas, les Soboul, Markov, Töennesson cherchent à donner une réponse empirique à ce problème théorique. Ce fut seulement avec le progrès de l’histoire comparative des révolutions modernes qu’un auteur comme Manfred Kossok va plus loin, quand il formule l’idée de l’ » l’illusion héroïque » comme base de toute révolution. Il désigne par cette catégorie un sentiment d’enthousiasme, inspiré par une critique fondamentale de l’Ancien Régime (qui commence à exister comme tel dans ce moment de distanciation générale), et une volonté collective à s’investir dans un changement essentiel de la société, sans disposer déjà des moyens d’anticiper les résultats de cette transformation profonde ; d’où la volonté d’accepter l’engagement dans un processus qui – vu de l’extérieur ou dans une perspective rétrospective – ne promet pas à tout le monde les mêmes profits. Cette illusion héroïque n’est pas un climat qui se forme sans porte-parole, sans discours et sans pratiques. Au contraire, la révolution dépend de la capacité à traduire la critique sociale et politique de l’ordre ancien en slogans qui mobilisent et en propositions politiques qui satisfont les aspirations collectives. Cette capacité a supposé une double qualité des acteurs : être bourgeois et citoyens en même temps16.
11Il leur fallait aussi se donner une identité pour se distinguer clairement des dominants du régime précédent. Dans cette perspective, la bourgeoisie ne fut pas seulement et avant tout une configuration sociale caractérisée par une profession, des pratiques, un système de valeurs et de solidarité ainsi que par la séparation des autres milieux, mais, insistant sur les idées de la déclaration des droits de 1789, elle fut un produit de l’illusion héroïque – nécessaire pour garder la direction du mouvement politique et pour assurer l’adhésion des milieux si divers à l’œuvre de la Révolution. Cette bourgeoisie construite par la dynamique de la révolution et par son rôle en tant que hegemon de ce processus, se distingue de la bourgeoisie d’Ancien Régime ; et ceux qui n’ont pas compris que la situation demandait un autre comportement ont payé le prix de la confusion entre les deux formations – pensons seulement aux colons de Saint-Domingue. En outre, cette bourgeoisie révolutionnaire ne fut pas non plus la même que la bourgeoisie résultant de la transformation réformiste dans les pays de l’Europe centrale par exemple17.
12En troisième lieu, ce fut surtout Anatoli V. Ado, historien de la paysannerie française au temps de la Révolution, qui souligna l’existence d’une longue discussion (depuis une circulaire écrite par Marx et Engels en 1846 contre Hermann Kriege 18 jusqu’à la correspondance avec Vera Zazulitch en Russie dans les années 1870) sur la place de l’égalitarisme dans une histoire complexe et plus fine de l’évolution vers un ordre dit bourgeois. Traditionnellement, l’égalitarisme dans les communautés villageoises19, ainsi que dans la fraction de gauche des sans-culottes parisiens20, était vu à travers, d’une part sa critique de la spéculation et des accapareurs, d’autre part son engagement pour le Maximum et pour l’intervention de l’État dans la distribution de la terre et des biens à consommer ; de là l’interprétation de l’égalitarisme comme obstacle à l’avènement de l’ordre capitaliste. Cette image négative de l’égalitarisme fut illustrée par l’enthousiasme de la gauche de la première moitié du xixe siècle (sous l’influence de Buonarotti surtout), fêtant les égalitaristes du siècle précédent comme des représentants d’un communisme avant la lettre21. Ado au contraire a montré que l’égalitarisme, au moins temporairement et sous certaines conditions historiques, n’était ni un obstacle ni une absurdité, mais une ouverture à une voie alternative vers le capitalisme (qu’il nommait démocratique, donc au profit des couches qui ne faisaient pas partie de l’oligarchie de l’Ancien Régime). Selon son interprétation, c’était moins le premier pas dans la direction d’un communisme de la redistribution permanente ou de la nationalisation des moyens de production que vers le libéralisme radical du xixe siècle – et les traces intellectuelles d’un Babeuf égalitariste en Picardie et bien ancré dans la pratique des paysans de cette région le prouvent, car il lui fallait une rupture profonde avec son point de départ pour formuler le programme utopique d’une société communiste en 1795/9622.
13Il me semble que les propositions inspirées par cette discussion ne sont pas encore totalement exploitées, même si le contexte de ce débat a changé radicalement en 1989. Peut-être profitons-nous aujourd’hui de la distance historique et générationnelle qui nous sépare de ce groupe d’historiens, qui n’est pas à proprement parler tenant de l’histoire sociale (parce que prioritairement intéressé à l’explication d’un processus politique) ou de l’interprétation jacobine (car même en défendant le courage des Jacobins, il n’oublie jamais l’intérêt pour l’intervention du menu peuple, dans une équation dont la somme fut peut-être la victoire des bourgeoisies, mais dont les composants ne furent jamais réduits à celle-ci).
14Nombre de ces historiens s’engageaient dans l’interprétation de la Révolution française, mais la contribution la plus forte reste à mon avis l’ouverture du débat sur la révolution vers la discussion de catégories qu’on peut appliquer à d’autres processus de transformation sociale. Pour pouvoir comparer, il fallait en tout cas une typologie des bourgeoisies, des caractères de son action économique, culturelle et politique, mais aussi des configurations à la campagne et dans le milieu des boutiques et des fabriques, qui ont permis (ou non) la transformation (lente ou éruptive) des bourgeoisies d’Ancien Régime en bourgeoisie classe dirigeante de la société révolutionnée. D’autres critères de la comparaison furent envisagés ; les formes politiques et les bases sociales de la contre-révolution23, les actions et la force des mouvements populaires, le rôle de l’État, de l’armée et de la bureaucratie ainsi que du clergé dans la formation d’un leadership de la transformation (partant de l’idée qu’un milieu social peut être remplacé temporairement par un groupe bien institutionnalisé24).
15Les onze volumes édités à partir des colloques de 1969 à 1989 qui ont réuni deux ou trois générations d’historiens de l’Europe centrale et orientale, de la France et de la Belgique, de l’Espagne et de l’Amérique Latine autour du concept d’histoire comparée des révolutions bourgeoises mériteraient d’être analysés de près et en détail25, mais il faut aussi ajouter que dans les années 1980 le spectre l’élargissait encore vers la comparaison des voies révolutionnaires avec les processus de transformations réformateurs, sans doute dominants dans la partie orientale de l’Europe26.
16Si la notion de révolution bourgeoise est restée au centre des efforts de ce groupe international d’historiens inspirés par les idées de Marx, on a l’impression qu’ils s’approchaient de ce centre par une progression en spirale, et qu’au moment où ils étaient sur le point de l’atteindre, toute une période dans l’historiographie révolutionnaire se termina brusquement. On peut donc se demander pourquoi cette historiographie, qui a influencé fortement les débats pendant au moins trois décennies, se trouva tout à coup si marginalisée ? D’abord on remarque un changement de génération difficile. Les liens transfrontaliers entre les acteurs, si forts dans la première génération, furent interrompus pour les générations suivantes. Un des facteurs d’explication peut être les restrictions aux voyages des jeunes historiens de l’Europe orientale : cette génération s’est trouvée coupée des expériences des archives, des langages professionnels, des références aux auteurs soi-disant classiques, des capacités linguistiques dont leurs prédécesseurs avaient profité. Cette distance s’approfondit avec le tournant de l’historiographie française vers une histoire culturelle de la Révolution, qui s’est inspirée plutôt d’un dialogue avec des chercheurs nord-américains qu’avec les collègues de l’Europe centrale et orientale, en supposant que ceux-ci restaient en grande partie bornés dans un matérialisme naïf. Ce constat n’enlève rien au fait que Michel Vovelle en tant que directeur de l’Institut d’Histoire de la Révolution française à la Sorbonne et chef de la mission du bicentenaire, ait déployé d’énormes efforts pour mobiliser aussi les chercheurs européens pour les grandes manifestations des anniversaires entre 1989 et 199427, mais il fallait quelques années aux historiographies de l’Europe de l’Est pour s’adapter à l’agenda renouvelé qui rompait avec la confrontation déjà ritualisée entre les Sobouliens et les Furetistes. Ni l’histoire des mentalités, ni l’intérêt pour la géopolitique de la Révolution28 ne sont éloignés des questions qui sont liées à la notion de révolution bourgeoise, mais cette évidence ne sautait pas immédiatement aux yeux des historiens concernés. L’une des conséquences des changements politiques en Europe de l’Est fut la disparition d’une infrastructure avec les centres de recherches, des revues, le soutien pour des colloques internationaux et des publications29. Enfin, la confrontation entre l’historiographie révolutionnaire et les aléas révolutionnaires dans l’histoire contemporaine a irrité les historiens et contribué à la dissolution – si elle existait encore – de la cohérence intellectuelle d’un réseau international dont une des références principales était les idées de Marx. Michel Vovelle a bien résumé (à partir de l’exemple du congrès international des sciences historiques de Madrid en 1990, consacré au thème majeur « Réforme et révolution » et décidé trois ans avant) la cacophonie des réactions intellectuelles du moment30 ; il en a même extrapolé les possibles stratégies dans le futur : repli dans l’érudition positiviste, revirement vers les positions révisionnistes aussi affectées par le changement de contexte, persistance dans une perspective nostalgique ignorant les changements de contexte. Il nous conseillait, pour éviter celle-ci, la combinaison de quatre approches : repenser le politique au lieu de l’isoler du reste de la société ; réanimer l’histoire sociale et économique ; internationaliser les perspectives en favorisant des comparaisons et enfin mesurer le rôle du culturel dans la mobilisation des gens31.
17Si nous prenons cette typologie des réactions possibles comme point de départ pour une analyse de l’historiographie révolutionnaire de ce reste de l’Europe qui nous est confié, nous constatons que Michel Vovelle avait raison de prévoir une période de triomphe pour les vulgates de ce qu’on a appelé le « révisionnisme historique » dans les années 1970-1980. Les traductions du livre déjà classique de Furet et Richet et d’autres exemples d’une tradition d’interprétation longtemps négligée dans les pays de l’Est ont eu un succès considérable. Mais, assez vite, la conjoncture du bicentenaire prenait fin et la baisse d’intérêt ne frappait pas seulement l’historiographie soi-disant marxiste, mais aussi la critique de sa dominance.
18Très lentement le besoin d’un renouvellement de la recherche s’est reconstruit dans des circonstances difficiles ; l’infrastructure reste à rétablir, et la Révolution française en tant que sujet souffre du fait qu’elle ne fait partie ni de l’histoire nationale des pays concernés32, ni d’un héritage indiscuté de l’Europe dont la mémoire soit encouragée par les programmes et les subsides de la Commission Européenne33. L’histoire économique et sociale de la période révolutionnaire reste dans un ghetto de spécialisation et dans une situation entre deux univers (ne faisant très souvent ni partie intégrale des instituts d’histoire, ni de ceux d’économie34). Il semble que la nouvelle génération hésite encore à utiliser les possibilités qui sont données par le soutien aux recherches sur archives étrangères, pour reprendre le volet de l’histoire économique qui fut longtemps un quasi-monopole des chercheurs sur place pour la simple raison d’accès aux matériaux.
19Contrairement à cette situation qui reste à déplorer, les contributions à l’histoire culturelle et l’internationalisation de ce champ d’investigation ne peuvent être ignorées. Paradoxalement au moment où la notion de la révolution bourgeoise disparaît comme concept clé d’un courant historiographique, les contributions à l’histoire culturelle, qui furent motivées un temps par une volonté de révisionnisme, sont à la recherche d’interprétations plus complexes et à la découverte des avantages de la notion de révolution bourgeoise. Ce tournant s’explique peut-être par une perte de cohérence, alors que l’adversaire traditionnel qu’on a accusé de déterminisme naïf et qui a nourri, par réaction, la découverte du culturel en tant que sphère relativement autonome dans la société, s’est effacé. Le révisionnisme qui avait inspiré par exemple le colloque de Bielefeld en 1985, sur la Révolution comme rupture dans la conscience sociale35, n’était pas un révisionnisme idéologique36, mais il était fondé sur la volonté de revisiter l’histoire de la Révolution par l’intégration de nouveaux résultats de recherche, surtout dans le domaine des perceptions des constellations sociales et de la production des images. Rolf Reichardt et Hans-Jürgen Lüsebrink ont expérimenté cette approche dans un livre pionnier sur la construction d’un événement révolutionnaire à l’exemple de la prise de la Bastille, en analysant les acteurs et les médias de cette production37. Dans la même ligne, des auteurs ont poursuivi le grand projet d’un dictionnaire du vocabulaire socio-politique de la France du xviiie siècle, qui cherche à reconstruire les constellations sociales à partir de l’usage des mots et de leur changement, à la fois dans la longue durée et dans la perspective courte de l’impact des événements qui font césure dans la perception du monde38.
20Les efforts de recherche sur la culture politique, sur l’histoire de l’usage des mots39, sur les imprimeurs, les traducteurs, les bibliothèques et la censure40, sur la lecture populaire dans une perspective large41, sur les arts au temps de la Révolution42, ou bien sur l’organisation du temps 43 semblent être loin de la notion d’une révolution bourgeoise, mais on peut les lire aussi comme contributions à une compréhension plus complexe de la production et de la stabilisation d’un monde dirigé par des valeurs bourgeoises, qui apparaît si stable déjà au temps du Directoire et du Consulat. Les modifications des biens culturels n’étaient alors pas indépendantes d’une vaste transformation sociale et la séparation du monde économique et de la dimension culturelle n’a plus de sens.
21L’autre tournant décisif et profond est observable dans le champ de l’histoire comparatiste. Une critique sévère a été menée contre le comparatisme classique et a conduit au renforcement des études sur les transferts culturels44, qui ne sont plus restreints au cadre franco-allemand, mais englobent d’autres exemples européens et même extra-européens45. Au lieu d’analyser des sociétés d’une manière isolée, l’idée que les interactions entre les sociétés sont devenues plus importantes tout au long de l’histoire moderne gagne du terrain. Ce changement de paradigme influence fortement l’attention des chercheurs et leur choix de sujet.
22Le projet d’une étude approfondie des relations culturelles et intellectuelles entre la France et l’Allemagne au temps de la Révolution se fonde particulièrement sur trois méthodes :
- la reconstruction de toute la chaîne de transfert entre les deux cultures de la production jusqu’au moment de leur perception et de leur usage, y compris sous l’angle important des intermédiaires et des médias,
- la combinaison du comparatisme tel qu’on le connaît en histoire sociale, avec sa capacité à compter avec une perspective culturaliste sur les perceptions, les adaptations intellectuelles et les transformations selon les genres et les médias utilisés,
- la combinaison des études de cas avec une sérialisation des sources comme par exemple la presse, les collections de gravures et caricatures ou les archives d’autorités centrales intermédiaires comme les maisons d’édition ou les rédactions des périodiques et collections46.
23Au cours des discussions sur le transfert culturel franco-allemand, les instruments méthodologiques se sont améliorés ; de plus, la recherche de détail a mis en perspective l’asymétrie des espaces culturels, les espaces frontaliers étant toujours particulièrement intéressants sous cet aspect47.
24La reconstruction de la « bibliothèque des traductions du français » en Allemagne nous donne pour la première fois un panorama pour situer les morceaux du puzzle et voir plus clairement les points d’intérêt dans un pays voisin de la France révolutionnaire. Les 17 000 traductions allemandes des textes français pour la période entre la fin de l’Ancien Régime et la défaite de Napoléon nous donnent une idée de ce qui a intéressé le plus les Allemands. Même avec les deux gros volumes d’analyse publiés sous la direction de Rolf Reichardt et de Hans-Jürgen Lüsebrink48, il semble que ce massif de données n’est pas encore été suffisamment exploité et qu’on peut en tirer plus de conclusions sur l’histoire croisée des deux sociétés voisines. Les résultats (qui montrent par exemple moins d’intérêt pour le robespierrisme que pour l’ascension de la science) peuvent être lus comme un test de la distance entre les sociétés française et allemande, mais on peut les analyser aussi d’une manière inverse et en tirer des conclusions sur les aspects du message « bourgeois » de la révolution les mieux reçus. Le détour par l’histoire interculturelle nous amène donc à une compréhension approfondie du caractère bourgeois de la révolution.
25Des projets comme la « bibliothèque des traductions », le « dictionnaire des mots clés » et la reconstruction de la circulation des livres en Europe au temps de la Révolution montrent bien la valeur d’une collaboration bi-ou multinationale dans la recherche des transferts culturels. Dans la même direction se dessine un projet germano-britannique sur l’expérience et la mémoire des guerres depuis les confrontations des temps de Napoléon, sous la direction de Karen Hagemann et d’Alan Forrest avec des collègues de Berlin et de York49. Le projet n’analyse pas seulement le rôle de la guerre dans la formation des identités nationales, mais aussi son impact sur la constitution des relations entre les sexes qui ont caractérisé la société bourgeoise du xixe siècle50.
26Les recherches sur les transferts culturels, mais aussi la nouvelle pratique de l’histoire des colonies, de l’émancipation aux îles et des mouvements anti-esclavagistes sont à l’origine d’un intérêt renouvelé pour l’histoire mondiale ou transnationale sensible depuis une décennie51. Dans ce contexte, le terme de la révolution bourgeoise – enrichi par des études en histoire culturelle qui surmontent la séparation artificielle des dimensions de la société – reprend sa signification originale qu’elle avait chez Marx, qui n’a pas proposé cette catégorie pour décrire une révolution singulière, mais pour comparer et analyser un processus de transformation globale (avec des voies différentes dans les régions du monde) vers la société moderne, capitaliste. Dans cette perspective, la révolution bourgeoise doit être analysée en tant que variante d’une réponse à une première crise globale52.
27La question n’est pas : la Révolution française était-elle « vraiment » une révolution bourgeoise ? Mais : pourquoi et comment cette crise globale a-telle produit et soutenu l’idée d’une transformation vers une société dominée par les classes moyennes, qui étaient (au moins potentiellement) bourgeoises et citoyennes en même temps, et cherchaient à réconcilier les idées de liberté et de propriété. Il est indéniable que cette idée eut une influence importante sur la pensée sociale au xixe et au xxe siècles. Toutefois, les transformations actuelles du capitalisme sont sans doute éloignées de celles que les contemporains de la Révolution française ou bien leurs interprètes au milieu du xixe siècle ont vécues. Les ambiguïtés des dynamiques du xviiie siècle sautent donc aux yeux et une simple reprise du programme de 1789 ne satisfait plus personne. Mais historiciser la première crise mondiale invite en même temps à voir si des éléments sont à reformuler sous des conditions bien différentes.
Notes de bas de page
1 Les citations sont tirées de la description des intentions scientifiques du colloque qui a eu lieu à Lille du 12 au 14 janvier 2006.
2 Cette construction reflète en même temps le besoin d’une internationalisation vaste et élargie d’un côté et d’une focalisation sur les historiographies françaises et anglophones qui domine aujourd’hui pas seulement les débats théoriques mais aussi la définition de champs de recherche empirique.
3 Les AHRF ont par exemple consacré au cours des dernières années plusieurs numéros à la présentation des recherches en Espagne, en Allemagne ou en Italie ; la Société des Études Robespierristes et le Musée de la Révolution à Vizille ont organisé un colloque en septembre 2006 sur le croisement des discussions théoriques en Union Soviétique et en France dans les années 1950-1960.
4 V. M. Dalin, Istoriki Francii xix-xx vekov (Historiens de la France, xixe-xxe siècles), Moskva, 1981 ; Sergej N. Pogodin, « Russkaja skola » istoriky : N. I. Kareev, I. V. Lucickij, M. M. Kovalevskij, St. Petersburg, 1997.
5 Il est à regretter qu’on ne dispose pas encore d’une analyse détaillée de la prise de position politique de ce milieu qui ne suit pas les clivages de la guerre froide. Le groupe dont nous parlons ici serait un bon cas pour une étude franchissant les limites de l’Occident et de l’Est de l’Europe. Voir pour un premier essai mon article « Marxistische Geschichtswissenschaft », dans J. Eibach, G. Lottes (eds), Kompass der Geschichts-wissenschaft, Göttingen, 2002, p. 69-82. Très suggestif même s’il reste dans les limites du cas anglais : H. J. Kaye, The British Marxist Historians, London, 1995 (2e édition).
6 W. Markov (éd.), Jakobiner und Sansculotten. Beiträge zur Geschichte der französischen Revolutionsregierung 1793/94, Berlin, 1956.
7 W. Markov et G. Lefebvre (eds), Maximilien Robespierre 1758-1794. Beiträge zu seinem 200. Geburtstag, Berlin, 1958 (2e édition en 1961, plusieurs auteurs russes ont participé à l’entreprise).
8 M. Dommanget et al. (éd.), Babeuf et les problèmes du Babouvisme. Colloque international de Stockholm (21 août 1960), Paris, 1963. Encore, Walter Markov, qui disposait du soutien des maisons d’édition est-berlinois, ajouta un volume de « Babeuf-Studien » avec des contributions surtout de Victor Daline devenu plus tard un des éditeurs (avec Albert Soboul et Armando Saitta) des œuvres de Babeuf et lui-même auteur d’une volumineuse étude sur le jeune Babeuf.
9 Le nombre des traductions et des comptes rendus réciproques le montre bien aussi ; la traduction (partielle) allemande de la thèse d’Albert Soboul le prouve ainsi que les efforts de Walter Markov (en hongrois) pour lier les études de ses collègues d’Europe centrale sur les jacobins dans l’empire des Habsbourg : W. Markov, « Jozefinisták és jakobinusok », dans Századok, Budapest, 1962, n° 3-4, p. 400-408.
10 A. Soboul, « L’historiographique classique de la Révolution Française », dans la Pensée, n° 177, 1974, p. 40-58.
11 W. Markov, « Forschungsprobleme der Französischen Revolution. Aus Anlaß des Todes von Albert Soboul », dans Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 32, 1984, n° 6, p. 483-489.
12 A. Cobban, The Myth of the French Revolution, London, 1955 ; Id., The Social interpretation of the French Revolution, Cambridge, 1964 ; É. L. Eisenstadt, « Who intervened in 1789 ? À commentary on The Coming of the French Revolution », dans American Historical Review, vol. 72, 1965 ; G. V. Taylor, « Noncapitalist wealth and the origins of the French Revolution », dans American Historical Review vol. 72, 1967 ; voir le résumé de l’argument dans R. R. Palmer, « Polémique américaine sur le rôle de la bourgeoisie dans la Révolution française », dans AHRF, 1967, p. 368 et suiv.
13 Sur les expériences d’un historien de la Révolution française enseignant en Afrique au commencement des années 1960 voir W. Markov, Zwiesprache mit dem Jahrhundert, Berlin, 1989, p. 244-255.
14 L. A. Pimenova, Dvorjanstvo nakanune velikoj francuzskoj revoljuicii, Moskva, 1986 ; A. V. Ado, Die Bauern in der Französischen Revolution 1789-1794, Leipzig, 1997 (Traduction de la 2e édition russe de 1988 revisitée par l’auteur en 1994 ; traduction française : Paysans en Révolution. Terre, pouvoir et jacquerie 1789-1794, Paris, 1996).
15 Voir la discussion des textes du jeune Marx dans C. Mainfroy, Sur la Révolution française. Écrits de Marx et Engels, Paris, 1985 ; « Marx et la Révolution française », dans Cahiers d’Histoire de l’IRM, 1985, n° 21 ; F. Furet, Marx et la Révolution française. Textes de Marx présentés, réunis et traduits par L. Calvié, Paris, 1986.
16 M. Kossok, « Realität und Utopie des Jakobinismus. Zur heroischen Illusion », dans Der bürgerlichen Revolution, 1986 ; dans Ausgewählte Schriften, Leipzig, 2000, vol. 3, p. 95-108. Le terme de la révolution bourgeoise cache peut être plus que sa traduction allemande « bürgerliche Revolution » ce double ancrage dans l’ambiguïté de l’égoïsme social et de l’universalisme culturel.
17 M. Kossok, « Revolutionärer und reformerischer Weg beim Übergang vom Feudalismus zum Kapitalismus » (1986), dans Ausgewählte Schriften, Leipzig, 2000, vol. 3, p. 67-94.
18 K. Marx, « Zirkular gegen Kriege », dans Karl Marx/Friedrich engels, Werke, Berlin, 1959, vol. 4, p. 3-17.
19 F. Gauthier, La voie paysanne dans la Révolution française. l’exemple picard, Paris, 1977.
20 W. Markov, Die Freiheiten des Priesters Roux, Berlin, 1967.
21 Dans la « Sainte Famille » Marx et Engels comptaient Le Cercle Social, Leclerc, Jacques Roux et les conjurés de Babeuf parmi les prédécesseurs de « l’idée du nouvel état du monde ». « Die Heilige Familie oder Kritik der kritischen Kritik. Gegen Bruno Bauer und Konsorten », dans Karl Marx/ Friedrich Engels, Werke, Berlin, 1962, vol. 2, p. 3-224.
22 K. Middell, M. Middell, F. Noël, Babeuf. Märtyrer der Gleichheit, Berlin, 1988 ; K. Middell, « Egalité und communisme. Das Spannungsverhältnis von Egalitarismus und Kommunismus zur Zeit der Französischen Revolution am Beispiel von N. E. Rétif de la Bretonne und F. N. Babeuf », dans Die Französische Revolution 1789 – Geschichte und Wirkung, Berlin 1989, p. 176-190 ; Id., « Babeuf et Rétif. Les voies du communisme utopique à la fin du xviiie siècle », dans Présence de Babeuf. Lumières, révolution, communisme, éd. par A. Maillard, C. Mazauric et É. Walter, Paris, 1994, p. 67-78.
23 F. Lebrun, R. Dupuy (éd), Les résistances à la Révolution, Paris, 1987 ; M. Weinzierl, Freiheit, Eigentum und keine Gleichheit. Die Transformation der englischen politischen Kultur und die Anfänge des modernen Konservativismus 1791-1812, Munich, 1994 ; Widerstände gegen Revolutionen 1789-1989, éd. par M. Middell, R. Dupuy et T. Höpel, Leipzig, 1994 ; M. Wagner, England und die Französische Gegenrevolution 1789-1802, Munich 1994 ; M. Middell, Die Geburt der Konterrevolution in Frankreich 1788-1792, Leipzig, 2005.
24 M. Kossok, « Hegemonie und Machtfrage in den neuzeitlichen Revolutionen. Theoretische Fragestellungen und empirische Probleme » (1987), dans Ausgewählte Schriften, Leipzig, 2000, vol. 3, p. 109-130.
25 Les volumes étaient consacrés au programme d’une histoire comparée des révolutions (1969, 1974 et 1988), à l’histoire du mouvement populaire au temps de la révolution (1976), à l’histoire globale des révolutions (1979), à la comparaison des révolutions entre 1500 et 1917 (1982), aux paysans pendant la révolution (1985), à l’impact européen de la révolution de 1830 (1985), au prolétariat dans le cycle des révolutions modernes (1988) et enfin deux volumes à l’influence mondiale de la Révolution française (1989).
26 M. Kossok, Revolutionärer und reformerischer Weg (voir note 19) ; « La Révolution française, modèle ou voie spécifique », dans Cahiers d’histoire de l’IRM, Paris, 1988, n° 32.
27 Les colloques du Bicentenaire. Répertoire des rencontres scientifiques nationales et internationales, présenté par M. Vovelle, Paris, 1991 ; S. L. Kaplan, Adieu 89, Paris, 1993.
28 M. Vovelle, La mentalité révolutionnaire, Paris, 1986 ; Id., La Découverte de la Politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, 1993.
29 La tentative pour faire le point entre une tradition riche et la situation après 1989, avec un des premiers bilans du bicentenaire restait sans grande résonance : K. Middell, M. Middell, M. Kossok, M. Vovelle (éd.), 200. Jahrestag der Französischen Revolution. Kritische Bilanz der Forschungen zum Bicentenaire, Leipzig 1991.
30 Ibidem, p. 24-25.
31 ibidem, p. 26.
32 Ce qui semble intéressant est le fait que pas mal des révolutionnaires de 1989 refusaient d’être rapprochés des révolutionnaires de 1789 ; ils s’élevaient plutôt contre l’image de la Révolution française forgée par les manuels et par la politique des pays socialistes qu’ils ne créaient un héritage historique renouvelé.
33 L’importance de l’infrastructure pour ce renouveau de la recherche n’est pas à ignorer. Il n’est pas place ici pour raconter l’histoire de la reconstruction de la Commission Internationale d’Histoire de la Révolution française au sein du Comité International des Sciences Historiques, entre les congrès de 1990 à Madrid et celui de Sydney en 2005, mais signalons la réapparition du Francuzskij ezegodnik à Moscou, avec lequel la recherche en Russie dispose enfin à nouveau d’un annuaire pour s’exprimer et pour organiser avec ses propres moyens la communication avec l’étranger. À titre d’exemple d’une intensification des débats autour de la Révolution en Tchéquie : J. Hanus, R. Vlcek (éd), Interpretace francouzské revoluce, Brno, 2004 ; la synthèse la plus récente qui dépasse le niveau des publications occasionnelles du bicentenaire : R. Reichardt, Das Blut der Freiheit. Französische Revolution und demokratische Kultur, Frankfurt a. M., 1998.
34 La situation est moins difficile pour ceux qui cherchent à lier l’histoire sociale à l’histoire de la culture et des discours comme le montrent les exemples de S. Sammler, Bauern auf dem Weg in die Revolution. die « Cahiers de doléances » von 1789 in der Normandie, Leipzig, 1997 ; T. Höpel, Emigranten der Französischen Revolution in Preußen 1789-1806, Leipzig, 2000 ; D. Schönpflug, der Weg in die terreur. Radikalisierung und Konflikte im Straßburger Jakobinerklub (1790-1795), Munich, 2002.
35 Die Französische Revolution als Bruch des gesellschaftlichen Bewusstseins, éd. par R. Koselleck et R. Reichardt, Münich, 1988.
36 Voir pour comparer les deux types d’intervention les trois volumes du colloque de Bamberg en 1979 ou la confrontation des prises de position politique était affirmée : Die Französische Revolution – zufälliges oder notwendiges Ereignis ? Akten des internationalen Symposions an der Universität Bamberg vom 4.-7. Juni 1979, éd. par E. Schmitt et R. Reichardt, Vienne – Munich, 1983. Pour une autre discussion du révisionnisme : M. Vovelle, Combats pour la révolution française, Paris 1993, p. 95-100.
37 H.-J. Lüsebrink, R. Reichardt, Die « Bastille ». Zur Symbolgeschichte von Herrschaft und Freiheit, Frankfurt a. M., 1990.
38 Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich 1680-1820, éd. par R. Reichardt et al., Munich 1985.
39 À côté du dictionnaire déjà cité voir aussi : F.-J. Meissner, Demokratie. Entstehung und Verbreitung eines internationalen Hochwertwortes mit besonderer Berücksichtigung der Romania, Stuttgart, 1990 ; É. Botsch, Eigentum in der Französischen Revolution. Gesellschaftliche Konflikte und Wandel des Bewusstseins, Munich, 1992.
40 M.-E. Ducreux, M. Svatos (éd.), Libri Prohibiti. la censure dans l’espace habsbourgeoise 1650-1850, Leipzig, 2005 ; F. Barbier (éd.), Est-Ouest. Transferts et réceptions dans le monde du livre en europe (xviie-xxe siècles), Leipzig, 2005 ; F. Barbier, I. Monok (éd.), Les bibliothèques centrales et la construction des identités collectives, Leipzig, 2005.
41 R. Chartier et H.-J. Lüsebrink (dir.) Colportage et lecture populaire, imprimés de large circulation en europe xvie-xixe siècles, Paris, 1996 ; H.-J. Lüsebrink, Y. Gothart Mix, J.-Y. Mollier et P. Sorel (dir.), les lectures du peuple en Europe et dans les Amériques du xviie au xxe siècle, Bruxelles, 2003.
42 G. Gersmann, H. Kohle (éd), Frankreich 1800, Stuttgart, 1990 ; K. Herding, R. Reichardt, Die Bildpublizistik der französischen Revolution, Frankfurt a. M., 1989 ; R. Reichardt, « The Heroic Deeds of the New Hercules : The Politization of Popular Prints in the French Revolution », dans Symbols, myths, and images of the French Revolution. Essays in Honour of James A. leith, éd. Par I. Germani et R. Swales, Winnipeg-Manitoba, 1998, p. 17-46.
43 M. Meinzer, Der französische Revolutionskalender (1792-1805). Planung, Durchführung und Scheitern einer politischen Zeitrechnung, Munich, 1992.
44 M. Middell, « La Révolution française et l’Allemagne : du paradigme comparatiste à la recherche des transferts culturels », dans AHRF, n° 317, juillet-sept., 1999, p. 427-454.
45 Voir par exemple M. Espagne (éd.), Russie-France-Allemagne-Italie. Transferts quadrangulaires du néoclassicisme aux avant-gardes, Tusson, 2005 ; Id. (éd.), Le prisme du Nord. Pays du Nord, France, Allemagne (1750-1920),Tusson, 2006 ; L. Turgeon, D. Délage, R. Ouellet (éd.), Transferts culturels et métissages : Amériques/Europe xvie-xxe siècle, Laval, 1996 ; G. Kokorz, H. Mitterbauer (éd), Übergänge und Verflechtungen. Kulturelle transfers in Europa, Bern, 2004.
46 H.-J. Lüsebrink, R. Reichardt, « Kulturtransfer im Epochenumbruch. Fragestellungen, methodische Konzepte, Forschungsperspektiven », dans Kulturtransfer im epochenumbruch Frankreich-deutschland 1770-1815, Leipzig, 1997, p. 16-18, (Deutsch-Französische Kulturbibliothek, vol. 9).
47 C. Ulbrich, « Transferprozesse in Grenzräumen », dans Lüsebrink/Reichardt, Kulturttransfer im Epochenumbruch…, p. 131-137, et K. Angelike, M. Beermann, R. Nohr, « Frankophone Zeitungen an der deutschen Westgrenze als Medien des Kulturtransfers », dans ibidem, p. 145-192, la monographie exemplaire sur un journal francophone dans la région frontalière : M. Beermann, Zeitung zwischen Profit und Politik. der Courrier du Bas-Rhin (1767-1810), Leipzig, 1996, (Deutsch-Französische Kulturbibliothek, vol. 4).
48 H.-J. Lüsebrink, R. Reichardt (éd), Kulturtransfer im epochenumbruch, Leipzig, 1997.
49 La coopération de plusieures équipes en Angleterre et en Allemagne sous la direction de K. Hagemann et de A. Bauerkämper, R. Bessel, A. Forrest, E. François, H. Kaelble et J. Rendall sous le titre de « Nation, Borders and identities. The Revolutionary and Napoleonic Wars in european experiences and Memories » est présentée sous www.nbi.tu-berlin.de.
50 K. Hagemann, « A Valorous Volk Family : The Nation, the Military, and the Gender Order in Prussia in the Time of the Anti-Napoleonic Wars, 1806-15 », dans I. Blom, K. Hagemann, C. Hall (éd.) : Gendered Nations. Nationalisms and Gender Order in the long Nineteenth Century, Oxford-New York, 2000, p. 179-205 ; Id., « Female Patriots : Women, War and the Nation in Prussian during the Anti-Napoleonic Wars », dans Gender & History, 2004, p. 396-424, etc. ; D. Reder, Frauenbewegung und Nation. Patriotische Frauenvereine in deutschland im frühen 19. Jahrhundert (1813-1830), Cologne 1998 ; H. Carl, « Der Mythos des Befreiungskrieges — Krieg und « martialische Nation » im Zeitalter der Revolutions-und Befreiungskriege 1792-1815 », dans Dieter Langewiesche, G. Schmidt (éd.), Föderative Nation. deutschlandkonzepte von der Reformation bis zum ersten Weltkrieg. München, 2000, p. 63-82
51 M. Grandner, D. Rothermund, W. Schwentker (éd.), Globalisierung und Globalgeschichte, Vienna, 2005.
52 Sur l’anatomie de cette première crise mondiale C. Bayly, The Birth of the Modern World 1780-1914. Global Connections and Comparisons, Oxford, 2004, p. 88-99.
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