Introduction à la deuxième partie
p. 87-88
Texte intégral
1Le taux de chômage, et surtout la capacité à créer des emplois, sont-ils aux États-Unis aussi réactifs à la conjoncture que de nombreux commentateurs le laissent entendre ? On peut s’interroger sur cette réactivité en observant qu’après la récession de 2001, la reprise s’est faite « sans emploi », le taux de chômage officiel ne commençant véritablement à baisser qu’en 2004. À l’automne 2009, alors que le président de la Banque centrale a annoncé la fin de la récession aux États-Unis, anticipant sur l’annonce officielle du National Bureau of Economic Analysis (NBER), des doutes apparaissent sur les capacités du marché du travail américain à s’améliorer rapidement et durablement. Pour certains experts, les États-Unis finiront la décennie avec moins d’emplois qu’ils ne l’ont commencée. La reprise à venir serait, comme la précédente, faiblement créatrice d’emplois et en tout cas insuffisante pour que le chômage baisse sensiblement (Hugues et Seneca, 2009). Le spectre d’une reprise « sans emploi » n’est donc pas à écarter.
2Même en dehors des périodes de récession, les apparentes bonnes performances du marché du travail américain méritent d’être questionnées. Il convient notamment de s’interroger sur les conséquences à plus long terme des politiques de déréglementation qui seraient à l’origine de ce dynamisme. Pour certains, il n’y a pas de doute : les performances exceptionnelles du marché du travail avant la crise sont attribuables aux politiques de déréglementation des années 1980 et aux différentes réformes mises en œuvre par R. Reagan et ses successeurs pour flexibiliser le marché du travail (gel du salaire minimum, durcissement des conditions d’accès aux allocations, baisse des impôts, etc.).
3Sans prétendre directement s’attaquer à cette thèse, nous nous interrogerons dans cette partie sur l’évolution du modèle d’emploi américain mis à mal par ces politiques, modèle longtemps caractérisé par la coexistence de marchés internes du travail particulièrement protecteurs, et de marchés externes très flexibles. Les changements observés dans le fonctionnement du marché du travail ont contribué notamment à étendre l’instabilité de l’emploi à des catégories de travailleurs qui en étaient jusqu’alors protégées. Certes il subsiste un noyau de stabilité, où les salariés ont toujours une ancienneté dans l’emploi relativement importante. Mais, outre que la taille de ce noyau s’amenuise en permanence, la crise accélérant ce processus (dans le secteur de l’automobile par exemple où des destructions irréversibles d’emploi ont eu lieu), la mobilité professionnelle est de plus en plus subie et synonyme de forte insécurité pour ceux obligés de changer d’emploi. Flexibles parmi les flexibles, les salariés travaillant sous des statuts précaires et atypiques alimentent un marché externe où les entreprises se dédouanent de toute obligation sociale. De ce fait, les notions de « bons » et de « mauvais » emplois sont plus pertinentes qu’ailleurs car elles englobent différentes dimensions de la qualité de l’emploi, au-delà du statut du contrat de travail qui n’a pas la même importance aux États-Unis qu’il n’a en France par exemple. L’affaiblissement des marchés internes, que les grandes entreprises fordistes des années 1970 ont contribué à construire, a des conséquences qu’il est encore difficile d’évaluer aujourd’hui. Mais une chose est sûre : les inégalités face au risque du chômage et, plus globalement, les difficultés rencontrées par un nombre croissant de salariés sur le marché du travail, ne sont pas compensées ou corrigées par les politiques de l’emploi. L’essentiel de ces politiques se concentre en effet sur l’offre de travail et reste dominée par l’idée que toute aide financière est un facteur de désincitation au travail.
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