Chapitre VII. Le corps sportif1
p. 133-157
Texte intégral
Le nu et le cuit
1Si, pas plus que l'Auvergne, le monde grec antique n'a été le théâtre d'un quelconque « miracle », il n'a pas manqué, toutefois, de « distinctions » diverses, d'exceptions même, qui le singularisent absolument. Une, c'est la pédérastie. Quelle culture l'a autant valorisée, autant instrumentalisée, l'a autant érigée en modèle ? Nous n'en avons pas encore mesuré toutes les conséquences. La place inhabituelle que prend là et alors cette polyvalence rare de la libido masculine devrait inciter les historiens à réévaluer leur discours dans bien des domaines, c'est le cas des usages de socialisation — ce qui n'est pas sans rapport avec ce dont il va être question. Une autre bizarrerie grecque, c'est la nudité. Elle caractérise un mode de vie qui laisse une place totalement inusitée à la transparence de soi. Là aussi il est clair qu'il ne s'agit pas d'un épiphénomène mais d'une construction historique, qu'on a affaire à un modèle. Pédérastie et nudité entretiennent bien sûr quelques rapports entre elles. Ne serait-ce que par ce que la seconde offre de virtualités à la première. Quoi que les Grecs eux-mêmes en aient dit par ailleurs, il n'est pour cela que de lire, entre autres, les interdictions faites aux neaniskoi de Béroia « d'entrer chez les garçons, ni de leur parler2 », de façon plus générale, de lire les Nuées d'Aristophane ou le Charmide, l'Euthydème ou le Lysis (avec la forte ambiance érotique de son début) de Platon pour constater combien les palestres attirent les amoureux des corps nus3.
2Mais, énoncer les choses ainsi, c'est oublier la moitié d'un monde, les femmes. Car, si, comme nous en convainc Lloyd Llewellyn-Jones dans son si excitant ouvrage sur la dissimulation des femmes grecques4, on peut diviser les sociétés historiques en deux catégories, les sociétés couvertes et les sociétés découvertes5, alors il est bien difficile de dire à laquelle de ces deux catégories appartient la Grèce antique, celle au moins d'où nous sont venus textes et images, car, selon le genre concerné, l'on s'y couvre — complètement — ou l'on s'y découvre autant. Donc, plus que d'un état, c'est d'une tension qu'il s'agit, elle s'exerce dans le champ d'une opposition polarisée binaire où le genre commande : la couverture du féminin s'oppose à la dévêture du masculin, sa mise en évidence. Le tout-couvert et le tout-découvert se vivent en parallèle. La nudité est masculine. Sur l'amphore de Munich, l'athlète Atalante, bien féminine par la blancheur de son corps, porte, elle, un caleçon6.
3Une illustration assez extraordinaire de cette polarité de la mise en évidence de soi, traitée de façon symbolique, se trouve sur une amphore panathénaïque de la fin du ive siècle7, où l'on voit deux pugilistes de face, de taille et de morphologie quasiment identiques, tête légèrement tournée vers l'arbitre ; à leur gauche se trouve un personnage féminin totalement dissimulé sous ses vêtements (la bouche cachée par le pharos8) auprès duquel est inscrit le nom Olympias ; ce personnage cache en grande partie une de ces colonnes dont la présence caractérise les scènes de proclamation des vainqueurs sur ces amphores panathénaïques9. Comme sur toutes ces scènes, les athlètes sont « normalement nus » (on a envie d'écrire « complaisamment ») et, comme il est de règle aussi (et sans que les modernes prêtent à cela beaucoup d'attention), paraissent n'en éprouver aucune gêne. Point de marque de pudeur ici comme ailleurs ; ils sont tranquilles et ne semblent craindre aucun regard inquisiteur. La beauté convenue de leur corps athlétique les en protègerait-elle ? En totale opposition, le personnage féminin de gauche est couvert de la tête aux pieds, il tourne le visage à gauche vers les boxeurs, le poing sous le menton, dans une position qui évoque l'expectative. Or, ce personnage est dérobé à nos regards par une totale couverture de son corps — avec un bandeau sur yeux. Quelle que soit l'hypothèse interprétative que l'on retienne à partir du sens que l'on donne à cette allégorie d'Olympie (la renommée olympique est aveugle, la quasi identité des athlètes ferait penser à un ex-æquo face auquel « l'esprit olympique » se placerait en retrait...), l'image frappe par l'opposition délibérée et accusée entre le corps féminin, même allégorique, même idéel, totalement dissimulé et l'évidence de cette nudité masculine.
Figure 1 : Le nu et le vêtu

Source : Amph. pan., Cambridge (MA), Harvard Univ., A. M. Sackler Museum, 1925.30.124A ; Bentz, pl. 120 4.081.
4Puisque c'est ce qu'on appréhende d'emblée du corps sportif, écoutons le discours grec développé au sujet de cette nudité10.
5Chez Homère, les athlètes des sports de combat se ceignent la taille d'un pagne (Il., XXIII 683-5 et 710 ; cf. aussi Od. XVIII 65 et suiv.). Il est donc clair, que toute interprétation historique de la nudité classique doit rejeter l'idée qu'elle serait le résultat d'une volonté de maintenir on ne sait quel naturisme originel.
6Face au dépouillement total des athlètes de leurs temps11, les auteurs des époques postérieures se posent des questions (de cela aussi on peut tirer argument pour considérer que les Grecs classiques ne voyaient vraiment rien de « naturel » dans cette nudité)12. Dans ce qui nous reste de leurs interrogations on lit un exemple supplémentaire du recours à cette forme de la « pensée mythique » qui consiste à chercher des explications du temps présent dans une quête des « origines ». D'abord des dates (ou pseudo-dates). Selon Denys d'Halicarnasse, c'est Acanthos, un Spartiate, qui aurait, le premier, « lors de la quinzième olympiade, remporté la victoire olympique », nu13. Donc en 720. Selon Pausanias, c'est Orsippos, un sprinter, qui, « alors que, dans le concours, les athlètes gardaient un perizôma selon la coutume ancienne, fut le premier à Olympie à courir nu14, je crois bien, continue Pausanias, « qu'il laissa volontairement15 tomber sa ceinture, sachant qu'il était bien plus facile de courir entièrement nu (gumnos) qu'avec une ceinture ». Une inscription mégarienne, lue en 1769, gravée sur la tombe d'Orsippos, confirme le propos de Pausanias, on y lit qu'il fut « le premier concurrent grec à être couronné nu à Olympie, alors que les précédents portaient des ceintures sur le stade16 ». Ces textes — Denys, Pausanias et l'inscription —, sont en cohérence avec les Chroniques d'Eusèbe (1, p. 195 [éd. Schône]) qui, citant les noms d'Acanthos et d'Orsippos17, placent ce changement lors de la 15e olympiade — c'est-à-dire en 720. Unanimité antique, donc, à propos de la date, mais qu'en est-il de la réception classique de cette innovation, quasi-protohistorique pour un Grec de ce temps ?
7Heureusement, deux commentaires « autorisés18 » nous sont parvenus sur la question. Celui de Thucydide, d'abord, qui, associant la nudité athlétique à ce qu'on ne peut appeler que l'idée de « progrès19 », parle d'elle comme d'une « invention ». La nudité comme une conquête de la civilisation. Sur le continent grec, le mérite, dit-il, en revient aux Lacédémoniens :
Ils furent les premiers qui se montrèrent nus et qui, paraissant en public, sans vêtements, se frottèrent d'huile dans les compétitions sportives. Autrefois, même pour disputer les épreuves olympiques, les athlètes portaient une sorte de ceinture qui cachait leur sexe ; il y a peu d'années (ou polla etè) (exactement "pas beaucoup d'années") que cela a cessé ; et, aujourd'hui encore, certains Barbares — essentiellement les Asiatiques — ont des concours de pugilat et de lutte qu'ils disputent avec des ceintures (I 6, 5 ; trad. J. de Romilly).
8Thucydide associe intimement nudité et onction, la seconde comme suite logique de la première20. Et puis, de façon fondamentale, la monstration du corps athlétique en public, sexe compris, a constitué selon lui une avancée des mœurs grecques telle que les Barbares n'en ont pas connue21.
9Version de Platon :
— Il n'y a pas si longtemps (ou polus chronos) qu'aux yeux des Grecs certaines choses paraissaient honteuses et ridicules, qui le sont encore aujourd'hui aux yeux de la majorité des Barbares, à savoir que les hommes se laissent voir nus. Rappelons... que, lorsque les Crétois22, les premiers, et ensuite les Lacédémoniens se mirent "à pratiquer nu", les policés (asteios) de ce temps avaient quelque droit de railler toutes ces nouveautés ; ne le crois-tu pas ?
— Si
— Mais lorsqu'en s'exerçant ils s'aperçurent qu'il était préférable de se dévêtir que de demeurer vêtu, même ce qui semblait ridicule à leurs yeux disparut devant ce que les arguments révélaient comme ce qu'il y a de meilleur » (République, 452 c-d ; trad. G. Leroux, 2002, modifiée23).
10Platon confirme et infirme à la fois l'opinion de Thucydide. Le commentaire de la République prend place dans une argumentation qui cherche à justifier que les femmes aussi devraient recevoir un enseignement physique. En effet, si la cité idéale exige d'elles « les mêmes services que les hommes, [elle doit] les former aux mêmes disciplines... [et, donc,] leur apprendre aussi la musique et la gymnastique ». L'outrance de la proposition choque l'interlocuteur : « Par Zeus ! Cela paraîtra ridicule, du moins dans l'état des mœurs. » C'est le bon sens ! Suit le commentaire historique que je viens de citer et qui amène à poser deux questions :
- Il est très important, je crois, de constater que Platon trouve légitime qu'on se moquât d'un corps nu (d'homme ou de femme) (à tout le moins, cette légitimité porte sur le fait qu'on eût quelque droit à le faire) [mais on sait bien qu'on peut rire pour dissimuler, par exemple, un malaise.]. Ce qui est en cause ici, ce n'est pas l'esthétique, ce n'est pas l'érotique, c'est le rapprochement du corps nu, dans l'œil du spectateur, avec une des catégories sociologiquement bien définies de la nudité, celle de la misère. Plus généralement, celle de l'absence de protection (le gymnète, guerrier nu, en est un bon exemple), mais aussi, comme l'écrit P. Christensen24, celle qui est liée à « la honte, à l'humiliation, à la vulnérabilité, à l'absence de statut ». On pense au pauvre, au mendiant, au malade, à l'esclave.
- Qu'entendent Thucydide et Platon par ce « peu d'années », ce « pas bien longtemps » qu'ils ont en commun ? C'est par rapport à quoi ? Dans le reste de son commentaire sur l'abandon des armes (I 6, 3), Thucydide se réfère aux « Grecs d'autrefois » et place un référent chronologique « au temps de Minos ». Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Que sait-il de ce « temps » ? Néanmoins, l'impression partagée par les deux auteurs du caractère récent de la mise à nu des athlètes mérite notre attention. Du haut de notre savoir historique, nous dirons que le fait est « récent », certes, par rapport à « Homère », mais suffisamment ancien (pour nous) pour que nous possédions des témoignages figurés de la nudité du milieu du viie siècle (voir supra, la note 11). Nos amphores panathénaïques avec leurs zizis mis en évidence datent de plus d'un siècle et demi quand Platon s'exprime ainsi. Ce « depuis peu de temps » justifie l'opinion thucydidéenne qui voit dans le dénudement une conquête des mœurs. Sans que je sache la démontrer, je professerais la même opinion que celle d'A. W. Gomme25 selon laquelle, c'est dans sa jeunesse que Thucydide a connu des vieillards qui se souvenaient de cela. Si, comme on s'accorde à le penser, Thucydide a un peu moins de 20 ans au milieu du siècle, les vieillards dont il parle en I 6, 3 sont nés dans le dernier quart du vie siècle. On peut croire que ce sont leurs pères qui ont été contemporains de cette innovation gymnique26. Mais, poursuivre l'erreur ou constater la justesse de précision chronologique des deux témoins, ne nous mène pas très loin dans notre quête de la réception de la nudité. Il importe plus, me semble-t-il, d'insister sur trois points :
- Le caractère discriminatoire de la nudité dans la rhétorique grecque sur « Nous et les Autres27 ». Une discrimination valable aussi chez soi : la nudité va avec le statut, c'est ainsi que sur plusieurs peintures représentant des scènes d'entraînement, on voit des garçons nus commander à des personnages vêtus d'un pagne.
- La sensation néanmoins (chez Platon surtout) qu'il s'agit d'une anormalité. Hérodote témoigne lui aussi du fait que les Barbares considèrent comme une honte d'être vu nu, « même pour un homme » (I, 10). Et Platon témoigne du caractère ridicule de la nudité, du fait qu'hors contexte, elle prête à rire.
- Le caractère de nouveauté, de conquête de la nudité athlétique, la range parmi les progrès de la civilisation, et il n'est pas sans intérêt de constater que, pour des Athéniens d'époque classique, ce progrès vient selon eux de la Crète et de la Sparte archaïques.
11Si l'onction doit évidemment tenir une place centrale dans l'interprétation de cet usage, je ne jetterai pas aux orties les idées de Thucydide lorsqu'il établit un rapport entre une série de progrès comme l'abandon du port des armes dans la vie civile, le port de vêtements légers, le caractère plus urbain des citoyens, plus policé des mœurs et la nudité athlétique. En effet, si, sur un plan diachronique, il semble légitime de considérer l'acte du dévoilement comme impliquant un effort sur soi (avec conscience de celui-ci) en ce qu'il comporte une mise en danger de la personne, il s'inscrit en même temps, et plus pour les adultes, dans la même conception d'une société de face à face pacifique et, d'une certaine façon, isonomique. Une autre perspective d'analyse, aussi légitime, c'est celle du caractère narcissique/masculin de l'usage. Il faut s'interroger aussi, comme on l'a dit plus haut, sur le rapport que cette nudité historique entretient avec le sexe.
12Avant de quitter le discours grec sur les origines de la nudité athlétique, un dernier mot à propos d'une « explication » rapportée par Pausanias selon laquelle ce serait un impératif pratique qui aurait motivé le recours à l'abandon des vêtements. Au vrai, in naturalibus, les athlètes (les coureurs surtout) sont plutôt gênés qu'avantagés par les mouvements de leur pénis et doivent se l'attacher28, et les sports de combat menacent aussi gravement leurs organes sexuels. Et puis, qui a vu que le même argument pragmatique ait jamais poussé ailleurs et dans d'autres cultures les athlètes, pas plus ceux de Pierre de Coubertin que ceux d'aujourd'hui — une culture, pourtant, et paradoxalement beaucoup plus découverte — à concourir nus sur les stades ?
13C'est nu que l'homme grec passe une partie de son temps, et c'est partiellement dénudé qu'il passe le reste29. C'est très fréquent dans sa jeunesse, c'est même obligatoire. Cette exigence sociale, conséquence de ce qui est ressenti comme une avancée, en a-t-on assez mesuré la perversité chez les historiens idéalistes ? Pour eux, la nudité grecque ne résonne d'aucun arrière plan social ni psychologique. Ils sont tout nus ? Nous passons outre. Comme si c'était naturel ! Pourtant, que peut signifier pour un enfant de devoir (au signal30 !) se dénuder sous les regards des autres — même si c'est le lot de tous — ? Que peut signifier de devoir se soumettre nu au jugement du « gymnaste31 » (infra), qui décide si l'on est bon pour ceci, cela, ou si l'on est irrécupérable ? Que peut signifier de se sentir jaugé par des érastes en puissance ? S'est-on préoccupé de mesurer les conséquences de la mise en évidence de son corps, de l'absence de vêtements, dans sa propre perception en cet état des autres, de l'espace ? Que ces mêmes historiens qualifient cette nudité d'« athlétique » ou d'« héroïque » (ils parlent la plupart du temps de « représentations »), cela change-t-il quoi que ce soit à cette façon de mettre sa peau directement au contact du monde ? La gêne est sans doute aussi du côté de ces autres voyeurs que nous pouvons être, et ces formules (nudité ceci, nudité cela), qui encombrent l'histoire, ajoutent sur ces corps un voile qui ne s'y trouve pas. Quant au corps de l'athlète — mais n'y a-t-il que des « athlètes » à la palestre32 ? — il est mis en évidence : on le soupèse, on le juge, comme on fait des animaux utiles33, on le critique, on forme sur lui des projets, on pense à le transformer, et puis on le contemple, on le désire, on l'aime.
Des images par centaines, et des textes
14Pour l'étude du corps sportif, qui ne sera qu'esquissée ici, ce ne sont pas les images qui manquent. Des peintures et des sculptures. Du viie siècle à la fin de l'antiquité, on dispose de centaines de représentations d'athlètes, seuls ou en groupe, des « vrais » surtout, mais aussi des mythiques (car il y a peu de différences entre les cuisses d'un Thésée et celles de tel lutteur de concours). L'ensemble documentaire le plus riche est constitué par le corpus des peintures des amphores panathénaïques qui fournissent la source la plus cohérente, une des rares que l'on puisse qualifier de sérielle grâce à une continuité chronologique extrêmement précieuse, sur deux siècles et demi, qui va du milieu du vie siècle à la fin du ive siècle, avec la répartition séculaire suivante : 172 (sur un demi siècle) + 373 + 450 = 995 exemplaires34. Cela donne donc environ un millier de peintures, un véritable gisement documentaire sur le corps athlétique grec où sont puisées les représentations utilisées ici.
15Rappelons que ces amphores, emplies de l'huile pressée des fruits des oliviers sacrés d'Athéna, étaient offertes en prix par centaines35 aux vainqueurs et aux seconds de certains concours qui prenaient place durant les Panathénées pentétériques, les concours appelés ek tôn pantôn36, ouverts à tous, étrangers et Athéniens, qu'ils soient musicaux, gymniques et hippiques37. Les panses de ces amphores étaient toutes illustrées par deux peintures : l'avers montrait toujours un type pérenne d'Athéna, que l'on identifie à la Promachos, et le revers, presque toujours une scène de concours opposant des paides, des ageneioi ou des andres. La variété des épreuves représentées (pour l'athlétisme : le dolichos, le stade, le diaulos, la course armée, le pentathlon, et pour les sports de combat, avec la lutte, la boxe et le pancrace) permet d'appréhender le corps sportif dans les diverses postures qu'offre ces épreuves. Les peintres avaient ainsi l'occasion de mettre en scène à la fois le corps tout entier dans une posture caractéristique du concours, mais aussi l'originalité de la répartition des masses musculaires en fonction d'un morphotype idéal supposé par le « gymnaste », comme on le verra. On dira certes avec raison, qu'il ne s'agit pas d'un reportage photographique, qu'entre l'image sur le prix et la concrétude corporelle il y a une marge à respecter. Bien sûr. Mais, inversement, il n'y a pas lieu de nier la valeur documentaire de ces images. On en veut pour preuve la comparaison entre les représentations d'athlètes de spécialités différentes : non seulement on ne saurait confondre un lutteur avec un coureur, un pentathlète avec un pancratiaste, mais, même, un sprinter avec un coureur de fond. Les images renvoient clairement à des corps, qui renvoient à des épreuves.
16Tout le monde parle d'eux et de toutes les façons. C'est parce que la cité bruit des échos du dromos, du stade, du gymnase et de la palestre, parce que, simplement, la mise en évidence des corps intéresse la cité, et, parce que ses échos emplissent au-delà, de la même façon, toute l'Hellade, qui se passionne pour les performances de tel enfant, de tel champion, que s'explique le fait que nous disposions sur le corps sportif d'une littérature bien plus riche qu'il n'y paraît. On aura peu à prendre dans ce qui nous intéresse aujourd'hui chez les épiniciens, Pindare et Bacchylide, chez lesquels le corps est souvent trop masqué derrière les vertus, mais beaucoup chez les médecins hippocratiques (avec aussi le continuateur Galien) (avec, en particulier, le superbe traité Du régime et aussi le Prorrhétique II), chez les philosophes (Platon), chez les comiques — ce qui fait quand même beaucoup de vrais contemporains des images athéniennes — ; enfin, aussi, et malgré sa date (début du iiie siècle apr. J.-C.), cet unique et passionnant traité de Philostrate Sur la gymnastique38.
Un corps sous influence...
17Soit l'image du corps dans la course.
Figure 2 : Course courte

Source : Amph. pan., Munich, Antikensammlungen J655, Bentz, pl. 18 6.061.
Figure 3 : Course courte

Source : Amph. pan., Genève, musée d'Art et d'Histoire, MF 151, Bentz, pl. 35-36, 6128 (A, B).
Figure 4 : Demi-fond

Source : Amph. pan., Berlin, Antikensammlung F1832, Bentz, pl. 62 5.071.
Figure 5 : Demi-fond

Source : Amph. pan., Vatican, museo Gregoriano Etrusco, 16959, Bentz, pl. 68 5.080.
18Sans nous appesantir sur les aspects strictement plastiques des images des athlètes des amphores, on ne peut passer quelques caractéristiques sous silence. On est frappé par la tendance maniériste du dessin : voir, entre autres, l'affinement progressif de la jambe et du pied, donnant au rendu des corps un aspect quasi « École de Fontainebleau ». Outre que l'influence du style est importante, la question du traitement en volumes « anormaux » (proportionnellement insuffisants) de la tête et du sexe relève d'une grille de lecture des corps qui lie leur morphologie à la fois à des idéaux sociaux — leur attribuant des qualités génériques qui sont celles des athlètes en général en rapport avec le genre de vie qu'ils sont sensés devoir adopter — et, de façon plus précise, en fonction de la spécialité athlétique : comme aujourd'hui, un morphotype de lanceur n'était pas celui d'un sprinter ou d'un coureur de fond.
19Pour mieux illustrer le rôle des idéaux sociaux, il n'est, à la vue des images des fesses des coureurs — volume et fermeté — que de prendre comme référent un discours bien idéologisé, celui de la polémique des Nuées (412-419), là où les « Raisonnements » débattent des volumes respectifs de la fesse et de la verge en un tableau d'oppositions démonstratif : la fesse grosse — megalè —, qui va avec la verge petite — mikra —, c'est celle souhaitable du kouros qui délaisse l'agora et les vaines parlottes de ceux qui l'ont grêle — mikra — et sont affublés, quelle tristesse !, d'une verge grande — megalè —. C'est bien de cette verge mikra dont sont ornés ces sprinteurs (on en reparlera).
20Sur les images, on identifie aisément les spécialités et les catégories d'âge : paides, ageneioi et andres. Ce qui frappe d'une façon générale, c'est la ressemblance gestuelle avec des images d'aujourd'hui, celles de la photographie sportive. C'est qu'en même temps que nous notons cette tendance à la stylisation, nombreux sont les détails qui prouvent une connaissance précise de la gestuelle sportive. Dans le cas de la course, un trait commun sur lequel l'artiste insiste beaucoup, c'est la forme et l'ampleur de la foulée. Mais une différence est intéressante : tous les peintres représentent une image, au vrai, « impossible », celle de coureurs évoluant dans le même rythme de foulées. L'image y gagne en suggestion de vitesse.
Première apparition de l'expert
21Comment n'être pas frappé par le très ample mouvement des bras, un mouvement dont témoignent aussi, avec moins d'ampleur, nos modernes images. Ce geste nous offre le premier exemple d'une rencontre entre ce qui ne serait que la traduction de la seule perception rétinienne de la gestuelle, photographique, celle dont rendrait compte innocemment le peintre de vase, prenant appui sur l'observation des gestes « naturels », et la gymnastie-pédotribie dont il sera beaucoup question plus loin, et qui en est la version « idéologisée ». Il est vrai, en effet, que lorsqu'on on court, on balance naturellement les bras d'arrière en avant et d'autant plus vivement que l'on va vite, ce mouvement s'organise involontairement de façon analogue au trot équin, par bi-membres diagonaux. On agit ainsi afin d'équilibrer son corps. Mais le « gymnaste » va plus loin :
« Pour être plus rapides, les coureurs aident aux mouvements des jambes par celui des bras, en se servant de leurs bras en guise d'ailes » (Gymn., 32).
22Les athlètes enchérissent sur leur propre tendance, ils font du mouvement naturel un mouvement volontaire. Ce que donnent donc à contempler ces peintures n'est peut-être pas si exagéré qu'on le pense au premier abord. L'amplification y est voulue.
Figure 6 : Course de fond

Source : Amph. pan., Baltimore (MD), Museum of Art, CVA Baltimore, Bentz, pl. 16 6.058.
23Toutefois, toutes les images ne montrent pas toujours les mêmes corps ni les mêmes attitudes de course que ceux qui ont été présentés plus haut (figures 2-5). En voici d'autres, montrant moins de finesse, moins de tonus : une foulée accourcie, un sexe plus visible, bras ballants, évoluant à une allure relativement réduite. On note aussi un « renforcement » relatif de la ceinture scapulaire39. La question qui se pose est celle de savoir si ces traits sont rassemblés au hasard ou s'ils dépendent les uns des autres ? Ce sont des coureurs de dolique, des coureurs de fond. Cette « longue » fait 24 stades soit entre 4 et 4,5 km. Une telle distance implique des qualités physiques particulières, spécifiques : résistance surtout, mais aussi capacité d'accélération pour des raisons tactiques. Écoutons l'expert à ce sujet :
Pour devenir un bon coureur de dolique, il faut avoir les épaules et le cou robustes, comme l'athlète qui se livre au pentathle, et les jambes maigres et légères, comme les coureurs de stade (Gymn., 32).
24Le morphotype idéal du coureur de dolique est donc un composite de sprinter pour les jambes et de lanceur pour le torse. C'est précisément ce que montrent les amphores. Soit, mais ce morphotype idéal n'est-il pas contredit par nos exemples contemporains : on ne peut pas dire que les coureurs de demi-fond et de fond d'aujourd'hui jouissent d'une hypertrophique ceinture scapulaire ni d'une musculature thoracique développée, au contraire. Voyez les épaules d'un Hicham El Gerrouch.
25Si l'on se demande où chercher l'erreur, la réponse sera ailleurs. En effet, cet exemple du dolique illustre les conséquences de la mise en œuvre d'une procédure intellectuelle commune à la pensée grecque : un peu comme en médecine hippocratique ou en biologie aristotélicienne, ayant à rendre compte à la fois de cette différence de musculation et de cette curieuse attitude des bras, l'explication du « gymnaste » emprunte plus à l'idéologie qu'à l'observation. Alors que les sprinteurs balancent avec vigueur leurs bras comme des ailes, « les coureurs de dolique ne meuvent ainsi leurs bras que vers la fin de la course ; le reste du temps, ils vont presque toujours à grands pas [on devine que c'est pour des raisons de résistance] en tenant leurs bras en avant du corps : ils ont donc besoin d'épaules plus robustes » (Gymn., 32), pour soutenir leurs bras. Ils doivent donc muscler leurs épaules. Et tant pis si, balancer les bras d'une telle façon en sprintant suppose tout autant qu'elles fussent robustes. Ce qui est le cas des morphotypes des sprinteurs et sprinteuses d'aujourd'hui. La « gymnastie » a conservé la même doctrine durant toute l'Antiquité : il est remarquable qu'à de très nombreux siècles de distance, les peintres et Philostrate disent exactement la même chose.
Spécialisation
26L'excellence au concours — cette nécessité qui commande tout le reste — exige que l'on se spécialise et que l'on développe son corps dans cette direction spécifique qui va lui donner les moyens de vaincre. Point d'« amateur » là-dedans40 : un corps de dolique n'a aucune chance au stade. La littérature « gymnastique » antique le répète, et Épictète avec elle :
Les athlètes commencent par décider à quelle catégorie ils désirent appartenir, et alors ils réagissent en conséquence. Si l'on veut pratiquer le dolique, il faut prendre telle nourriture, faire telle promenade, se faire masser de telle manière, accomplir tels exercices ; si l'on veut courir le stade, toutes ces préparations seront différentes ; si c'est le pentathle, elles le seront encore plus (Entretiens, III 23, 1-2 ; trad. J. Souilhé).
27Notons que cette singularité du pentathle, épreuve qui recourt musculairement au corps tout entier et pour laquelle le développement hyperbolique d'une qualité, d'une fonction, ne pourrait que nuire aux autres, explique sans doute le traitement particulier que les imagiers font du corps du pentathlète. Les décathloniens d'aujourd'hui montrent la même harmonie. Considérant les images par spécialité, il apparaît en effet assez nettement qu'il existe une hiérarchie des corps, parallèle à une hiérarchie esthétique (qui, mais cela demanderait à être démontrer, me semble n'être pas sans lien avec une hiérarchie sociale). J'oserai dire qu'en matière de réception sociale, les corps de pentathlètes sont supérieurs aux corps des coureurs, et plus encore à ceux des sports de combat.
28Pour revenir au texte d'Épictète, celui-ci risque de tromper un peu le lecteur sur un point : c'est en effet plus le « gymnaste » que l'intéressé lui-même qui apprécie son corps. Mais l'essentiel de son intérêt est ailleurs, il est dans la « quadrilogie » : trophè, peripatos, tripsis, gymnasia ; telles sont les quatre variables les plus fréquemment évoquées qui permettent d'influencer les performances d'un corps. Un peu comme la coction règle la quantité et la qualité des humeurs corporelles, le « gymnaste », jouant sur la qualité et l'intensité de chacune, transforme un corps donné en un néo-corps performant : l'objectif. L'auteur de Du régime forge une parabole afin de rendre sensible ce qui compose le pouvoir exorbitant de cet homme :
Les artisans fondent le fer au feu, contraignant le feu par le souffle. Ils enlèvent (au fer) la nourriture qu'il contient, et, quand il est malléable, ils le frappent et le contractent ; puis, nourri par de l'eau, il devient résistant. L'homme subit le même traitement de la part du pédotribe : il enlève la nourriture subsistante par le feu, qui est contraint par le souffle. Une fois qu'il est relâché, il est frappé, massé, purgé ; mais, l'eau venant d'ailleurs, il est résistant... Les foulons opèrent ainsi : ils foulent frappent, tirent ; en maltraitant ils rendent plus fort ; en tondant (les fils) qui dépassent ou en les rentrant, ils rendent (les tissus) plus beaux (Du régime, I, 13 ; trad. R. Joly).
Le « gymnaste »
29Certes, le « gymnaste » ne part pas de rien : le patrimoine génétique, l'influence des hormones sexuelles endogènes — la testostérone en particulier —, le travail de l'athlète en compagnie du pédotribe aussi, l'aident à former/transformer son corps sportif. Mais le « gymnaste » se place au-delà, il a tout du démiurge, comme invite à le considérer la parabole qu'on vient de lire, un démiurge du style héphaïstien, c'est un spécialiste en thermodynamique. Il s'agit d'extraire par l'exercice (le feu = l'effort ; le mot est ici gymnasia, mais on emploie aussi ponos) hors de la substance (fer = chair) des nourritures inutiles afin de fortifier cette chair et de la rendre malléable à l'influence du « gymnaste » et du pédotribe. Alors, l'essentiel est fait, on va pouvoir la sculpter cette chair. On va la maltraiter, la contraindre pour la transformer : le processus est violent : frapper, tirer, purger, masser. Inversement, il convient en même temps d'emplir ce corps d'une nouvelle nourriture abondante pour reprendre le processus. Le corps sort de là plus beau et plus résistant.
30Tout ce programme — on appellerait cela aujourd'hui un protocole — est celui d'un homme, le « gymnaste », c'est l'application d'une méthode de transformation des athlètes, la gymnastie. Philostrate en donne la position épistémologique. C'est une « science composée de médecine et de pédotribie, science plus complète que la pédotribie et ne formant qu'une partie de la médecine » (Gymn. 14). Mais alors, où est sa limite avec la pédotribie41 ? C'est au pédotribe d'enseigner ce qu'on pourrait appeler la gestuelle spécialisée — comment lever les bras en courant, les balancer pour le saut, comment lutter contre la force centrifuge en pivotant pour lancer le disque... Il est l'entraîneur au sens traditionnel. Le « gymnaste » est plus près de l'intérieur du corps, de la nutrition, de la physiologie, il est assez médecin, mais il n'agit pas par des remèdes. S'il vise à l'action sur l'intérieur, il n'y parvient pas en faisant ingérer des substances particulières, c'est bien plus par l'extérieur du corps qu'il agit, par une diète — diététique et exercices — et par des frictions42.
31Mais il ne se contente pas du corps. Le « gymnaste » est aussi adepte de la préparation psychologique :
Les services que les gymnastes ont rendus aux athlètes en les excitant, en les réprimandant, en les menaçant ou en usant de ruses à leur égard sont nombreux, plus nombreux que nous ne saurions le dire (Gymn., 20) (le traité de Philostrate contient nombre d'exemples).
32Le « gymnaste » est donc plus qu'un entraîneur, plus qu'un diététicien, qu'un physiologiste, c'est un « psycho-sôphro-zénologue », un gourou comme les stades en accueillent aujourd'hui, et vis-à-vis desquels les athlètes se trouvent en situation de dépendance.
33Le « gymnaste » détient un savoir supplémentaire, indispensable à son activité : la science physiognomonique. Philostrate détaille les conditions de son application. La loi, dit-il, oblige les magistrats des jeux à juger (krinousin) (Gymn., 25) un jeune athlète en fonction de sa cité, de sa tribu, de son père, de sa famille, du statut de ses parents. Mais aussi s'il est légitime, pubère, tempérant ou non, ivrogne, audacieux ou lâche. Et, « ils ne le peuvent pas car la loi ne leur dit rien à cet égard43 ». Ce n'est pas le cas du « gymnaste » qui, lui, est le « juge de la nature ». Il doit en effet savoir
34Discerner les hommes paresseux de ceux qui résistent, les dissimulés,... selon leurs yeux : bruns, gris, ou sanguinolents…fauves, pointillés. Apprécier les caractères du corps.des athlètes, comme dans la statuaire…
35Un exemple :
Pour devenir bon, l'athlète examiné, doit provenir de l'union de deux parents jeunes, de bonne race et exempts de ces maladies qui s'implantent dans les nerfs ou dans les yeux... car cela contribue à donner à l'athlète de la force, de la vigueur, un sang pur, de la résistance dans les os, des humeurs pures et une taille bien proportionnée (Gymn., 28). Il faut... se fier à cette faculté souveraine [des "gymnastes"] de ne pas méconnaître, par inspection de l'athlète nu, à la manière dont il se comporte, quelle était la condition de ses parents.
36Cette appréciation « théorique » des qualités corporelles « natives » fait irrésistiblement penser aux manuels de zootechnie du xixe siècle, d'ailleurs la comparaison avec les méthodes d'appréciations du bétail vient explicitement sous la plume de Philostrate : quand il s'agit de soumettre à jugement la constitution d'un corps, on pratique, dit-il, comme on le fait avec les chiens ou les chevaux (Gymn, 26).
37L'auteur du Prorrhétique II du Corpus hippocratique polémique à distance avec ces médecins qu'il considère comme des charlatans et qui prétendent savoir déceler chez les athlètes malades des manquements aux prescriptions raisonnées de la science gymnique. Le relevé qu'il fait des cadres du régime (entendu comme toujours lato sensu) dans lequel se placent ces écarts est significatif des domaines où s'exercent la science et la pratique du « gymnaste ». L'auteur doute ainsi qu'il soit possible d'« identifier44 chez les athlètes et ceux qui font des exercices et des efforts... s'ils ont négligé une part de leur nourriture, s'ils ont mangé quelque chose d'autre, s'ils ont trop bu, s'ils ont négligé un partie de leur promenade ou s'ils ont fait l'amour » (Prorrhétique II, 1 ; trad. de V. Visa-Ondarçuhu, p. 274).
Le couple « gymnaste »-athlète
[Si tu veux vaincre aux Jeux Olympiques, point d'autre voie], Examine les antécédents et les conséquences, et alors, si tu dois en retirer un avantage, mets la main à l'œuvre. Tu dois accepter une discipline (eutaktein), te soumettre à un régime (anagkophagein), t'abstenir de friandises, faire l'exercice par nécessité (gymnazesthai pros anagkèn), à une heure déterminée, sous la chaleur ou le froid, ne pas boire frais, ni de vin quand tu en as l'occasion ; tu dois t'être livré, en un mot, à ton entraîneur comme à un médecin (Épictète, Entretiens, III 15, 2-3 ; trad. J. Souilhé).
38Ce que traduit « entraîneur », c'est « épistate » ; mais il s'agit du « gymnaste ». Il gouverne, il dirige tout. Mais, l'important est ailleurs. Comme l'a souligné V. Visa-Ondarçuhu45, le terme fondamental ici et ailleurs, c'est anagkophagein et ses proches : « Être soumis à un régime » ou, plus, « être contraint à une nourriture forcée ». La date de l'auteur du Prorrhétique II permet d'assigner au ve siècle au moins le fait, pour les athlètes, de consommer ce qui est prescrit et de se voir interdire de consommer moins ni autre chose46 (époque qui justifie la lecture combinée des images). La gymnastie impose plus qu'un régime au sens moderne du mot. La notion de contrainte s'applique à l'ensemble du mode de vie. On contrôlera bien sûr la nature, la qualité, l'origine de ce qu'il boit et mange... On spéculera sur la l'influence bénéfique de la viande par rapport au fromage, de la viande de porc par rapport au bœuf... On ira jusqu'à régler l'usage, la fréquence et l'intensité des éléments qui composent ce régime. Les recommandations de l'auteur de Du régime donnent un bon exemple de cela. C'est le cas à propos des promenades47. Il en distingue trois sortes : « Après dîner, le matin et après les courses » (Rég., I 35, 3). Il les caractérise ainsi : « Des promenades rapides après les exercices, lentes et au soleil après dîner, beaucoup de promenades le matin : les commencer lentement, progresser jusqu'à un rythme vif et les terminer doucement » (Rég., III 68, 4). Certaines sont à l'ombre (III 68, 12), d'autres la nuit (III 68, 4) ou jouent sur le quantitatif : « Beaucoup après dîner et le matin » (III 79, 3), « après l'exercice, en rapport avec la fatigue, mais après dîner, le plus possible, en rapport avec la nourriture prise ; le matin, proportionnée à l'état où l'on se trouve » (III 90, 2 ; trad. R. Joly). Si les contraintes essentielles sont d'ordre diététique et « gymnastique », on ne s'étonnera certes pas non plus de voir le « gymnaste » choisir la matière de la couche, de l'oreiller de l'athlète48...
39Dans le pari commun d'être les meilleurs, il s'agit de se vouer l'un à l'autre. Le couple se forme, moins résultat d'un choix personnel de l'athlète qu'adoption par le « gymnaste », basée sur un contrat simple : l'athlète se conforme aux injonctions du « gymnaste » et celui-ci devient son interlocuteur unique : il règle sa vie et lui garantit sa progression vers l'extrême, et secondairement sa santé. La dimension psychologique de la dépendance dans laquelle se trouve l'athlète est apparue tout à l'heure (cf. le passage de Gymn., 20 cité plus haut).
Pédotribie et diététique
40Pour gagner, nous savons qu'il convient, en amont, d'agir sur le rendement et le développement des muscles striés volontaires par l'usage combiné d'exercices et d'une alimentation raisonnée : pour cela le « gymnaste » antique programme les promenades, contrôle le sommeil, régule l'activité sexuelle. Agir comme les forgerons sur la substance. Il ne faudrait pas, néanmoins, négliger la pédotribie. La répétition gestuelle, qui est la matière des entraînements, les rituels précompétitifs des échauffements ainsi qu'une préparation psychologique comprenant, au moins, un effort de concentration, donnent au compétiteur cette capacité à libérer ces éclairs impulsifs qui rendent possible l'insolite de l'acte performant. Tout est mis en œuvre pour permettre la plus grande efficacité d'un organe à l'instant t : améliorer le muscle squelettique strié (on remarquera qu'il n'est pas sexué). Alors, il faut commencer jeune.
41Aristote énonce le programme : exercices et régime alimentaire. Mais il se montre prudent sur la question de l'âge (un tel conseil fût-il toujours suivi ?).
Jusqu'à la puberté on doit préférer des exercices assez faciles et proscrire tout régime alimentaire forcé et tout travail imposé, après la puberté [.] alors il convient que les travaux fatigants joints à un régime alimentaire imposé occupent la période suivante (Politiques VIII 1339a ; trad. J. Aubonnet).
42Le vocabulaire est plein d'intérêt : avec le ponos et ce terme spécifique de la littérature sportive l''anankophagia (avec anankotrophia, anankositia...) : un régime de nourriture forcé49. On tend très tôt vers ce but ultime, atteindre ce qu'Hippocrate appelle « un état de santé excellent porté à un niveau extrême50 », afin de transformer le corps naturel en un néo-corps, un sur-corps. Cela, toutes les images le confirment.
Figure 7 : Athlètes enfants luttant

Source : Amph. pan., Baltimore (MD), Museum of Art, Bentz, pl. 80 5.177.
43Dans cette stratégie thermodynamique qui joue sur l'antagonisme entre l'ingestion massive de calories, au moyen de nourritures inusitées, que ce soit en quantité et/ou en qualité, et leur élimination, à l'aide d'une « gymnastie » et d'une pédotribie intenses, c'est le premier facteur qui a frappé le plus les contemporains et c'est sur la nourriture de l'athlète que la littérature a laissé le maximum d'informations, surtout quand il s'agit des sports de combat.
44L'image de l'athlète d'autrefois hante l'esprit de Philostrate51. Sans attacher plus d'importance que cela à cette notation chronologique, ce qu'il en dit nous aide au moins à définir quel était son idéal diététique : du « pain d'orge, du pain azyme au son et comme viande, ils mangeaient du bœuf, du taureau, du bouc, de l'antilope » (Gymn., 43). Les athlètes de l'autrefois de Philostrate mangeaient du mâle. Du côté des savants, même discours :
Les athlètes consomment des aliments ayant très bon goût, mais gras et gluants — je parle du moins des athlètes lourds. C'est ainsi surtout que l'on appelle les lutteurs et dès lors aussi les pugilistes et les pancratiastes. Ils ont besoin d'une nourriture qui se consume et se disperse difficilement. Telle est celle qui a des sucs gras et gluants comme surtout la viande de porc et les pains préparés comme on l'a dit que seuls mangent ceux qui s'entraînent dans les règles (Galien, de alimentorum facultatibus, I, t. VI, p. 487-488, Kuhn ; trad. V. Visa-Ondarçuhu, L'image de l'athlète..., 278).
45À cela il faut ajouter du goût, pour qu'ils en consomment plus. Le thème de voracité et de l'insatiabilité des athlètes déborde de la littérature spécialisée : les comiques s'en emparent. Ainsi Théophile, au ive siècle, dans son Pancratiaste.
Pancratiaste — Trois mines de viande bouillie B — Ensuite ? P. — Du museau, du jambon, 4 pieds de porc. B — Par Héraklès ! P. — 3 pieds de bœuf. Une volaille. B. — Par Apollon ! Et puis ? P. — Deux mines de figues. B. Et qu'as-tu bu ? P. — 12 cotyles de vin pur. B. — Par Apollon, Hôros et Sabazios ! (Koch, CAF, 2, 1888, fr. 8).
46Cette surcharge calorique ne manque pas d'entraîner de l'obésité et d'être porteuse de troubles.
Figure 8 : Lutteurs

Source : Amph. pan., Karlsruhe Badisches Landesmuseum, Bentz, pl. 8-9 6.014.
Figure 9 : Boxeurs

Source : Amph. pan. de Kléophradès, Tarente 115472, Bentz, pl. 54 5.029.
47La science physiognomonique, d'ailleurs, les identifie.
Ceux qui ont trop mangé se révèlent à ces signes : alourdissement des sourcils, respiration profonde, proéminence de la région des clavicules qui ressemble à un cyathe... On reconnaît... ceux qui sont sous l'influence du vin à un ventre surchargé, à un sang plus vif... Ces signes suffiraient au besoin, toutefois, quand les athlètes sont déshabillés, l'excavation de la région claviculaire, une hanche relâchée, une poitrine dont les côtes sont en relief… sont des traits auxquels on ne saurait méconnaître leur infériorité.
48Ces problèmes se posent assez fréquemment pour qu'il existe des méthodes de « désengorgement » :
Ceux qui ont trop mangé, que ce soient des athlètes légers ou des athlètes pesants, doivent être traités par des frictions descendantes, afin que les humeurs superflues soient dérivées des parties principales (Gymn., 48).
49Sur la voie de ce néo-corps riche de potentialités psychomotrices et d'expressions corporelles performantes, l'athlète se soumet aussi à ces fameux exercices qui sont pensés comme le pendant symétrique de la diététique au sens moderne du mot. Il faut aussi brûler les calories, faire sortir la nourriture de la substance. C'est vers ce fameux « état de santé excellent porté à son niveau extrême » que tend tout l'effort de préparation. Pour contrebalancer les effets délétères de l'alimentation forcée, les athlètes doivent « s'épuiser à pratiquer avec excès les exercices quotidiens » (Galien). Dans une telle alternative, la paresse est bien le pire des défauts, c'est précisément cette tare qui explique le « tout fout l'camp, mon pov' monsieur » de Philostrate :
Maintenant, au lieu d'être actif on est paresseux, au lieu de se montrer énergique on est amolli, la gloutonnerie sicilienne a pris le dessus. Ce fut la médecine qui la première usa de complaisance en offrant comme conseiller un art certes utile mais trop efféminé pour convenir à des athlètes ; en enseignant encore la paresse ; en introduisant l'habitude de rester assis…en amenant des cuisiniers et des marmitons. en régalant de pain assaisonné de pavot…en alimentant avec des poissons, mets complètement contraire aux lois de la « gymnastie » (Gymn., 44).
50Il l'était déjà dans l'implicite, mais voilà que le discours se sexualise plus clairement : la dérive paresseuse est évidemment féminine, et, voir apparaître du poisson quand les athlètes d'« autrefois » consommaient du mâle, dit bien comment cette lamentation sur la baisse de niveau est réactionnaire aussi en genre.
51Il y a peu de la goinfrerie et du constat des dérives organiques des corps trop nourris à l'accusation d'idiotie. Et cela commence très tôt. Un bon exemple de cette littérature, c'est l'Autolykos d'Euripide (un contemporain et de la fesse megalè d'Aristophane et des images, ce qui démontre l'ancienneté du discours de blâme sur les athlètes et, donc, de la polémique).
Des innombrables fléaux qui frappent la Grèce, il n'en est pas de plus funeste que l'engeance des athlètes. D'abord ils n'apprennent pas à administrer une maison selon les normes. Ils ne le pourraient pas : comment un homme, quel qu'il soit, esclave de ses mâchoires et dominé par son estomac, pourrait-il se procurer des richesses afin d'augmenter son patrimoine ? Ils sont par ailleurs incapables de supporter la pauvreté et de résister aux coups du sort. Ne s'étant pas accoutumé à la vertu, il leur est dur de passer de l'opulence à la gêne. Brillants dans leur jeunesse et les idoles de leur cité, ils paradent ; mais, que s'abatte sur eux la vieillesse amère, « souquenilles effilochées », ils disparaissent. Je blâme également cette coutume des Grecs qui organisent pour eux des rassemblements et rendent honorables des plaisirs inutiles pour jouir d'un festin (Euripide, Autolycos [282 Kn], trad. Jouan et Van Loy, Euripide. Fragments, p. 24052).
52Et puis Galien :
Pour commencer, ils ne savent même pas s'ils ont un esprit. Ils sont bien loin de savoir qu'il participe de la raison. Accumulant sans cesse en quantité de la chair et du sang, ils gardent l'esprit comme étouffé dans une abondante fange, incapable d'avoir aucune pensée pertinente et insensé comme celui des bêtes.
53La gloire est éphémère, et elle est surfaite. La « gymnastie » déviante a détruit en eux la tempérance et aussi la résistance aux coups du sort. Elle leur prépare une vieillesse amère. Instruits que nous sommes des lamentables dégâts actuels (directs et indirects) de ce qu'il est convenu d'appeler le « sport de haut niveau » sur l'espérance de vie de nombre de ceux qui s'y adonnent, certaines images de corps déformés (figures 8 et 9), et surtout certaines paroles qui nous viennent de si loin éveillent des échos tragiques. Galien :
Certains meurent rapidement, d'autres s'avancent plus avant dans l'âge mais sans atteindre la vieillesse, et si jamais ils y parviennent malgré tout, c'est dans l'état des prières d'Homère qu'ils finissent : « Boiteuses, ridées et louches des deux yeux (Galien, Adhortatio adartes addiscendas, 11 ; éd. E. Wenkebach).
54Et l'explication du phénomène, comme souvent, est thermodynamique. Cet aphorisme hippocratique que j'ai cité plusieurs fois incomplètement jusqu'ici la résume : « Chez ceux qui pratiquent les exercices physiques, un état de santé excellent [est] porté à un niveau extrême. » Mais le médecin ajoute que cet état recherché est dangereux.
Il ne peut en effet rester au même point ni demeurer stationnaire. Or, en ne demeurant point stationnaire et ne pouvant progresser, empirer est la seule voie qui reste. Voilà pourquoi il est bon de réduire sans tarder cet état de santé afin que le corps connaisse une nouvelle croissance53.
55Juste retour des choses, parce qu'il y a de l'hybris là-dedans. « La diathesis athlétikè (constitution athlétique) est une rupture avec la nature (ou phusei) car, à trop vouloir augmenter sa force en augmentant sa corpulence, le sportif va au-delà des capacités humaines » (Hippocrate, De l'aliment, 34).
56Galien fait retour à Hippocrate sur ce thème. Passe encore leur bêtise, si, au moins, les athlètes pouvaient se justifier de la qualité de leur santé !
Mais tu ne trouverais personne dans une condition physique plus dangereuse », s'il faut en croire Hippocrate, selon qui un parfait état de santé, porté à la dernière limite est dangereux. Naturellement aussi, ces belles recommandations d'Hippocrate : « Entretien de la santé : ne pas manger trop, ne pas s'exercer trop54 », sont approuvées par tous. Pourtant les athlètes font tout le contraire, en pratiquant du surentraînement, de la suralimentation (ύπερπονοῦντές τε καί ὑπερπιπλάμενοι) et en méprisant, en bref, les préceptes de l'Ancien, comme si c'était un corybante, lorsque, à la recherche du régime salutaire il dit : « Des efforts, de la nourriture, des boissons, du sommeil, les plaisirs de l'amour, le tout avec modération (panta mètria) (Galien, Protreptikos logos, XI 15, l. 20-16, l. 12, cité et traduit par V. Visa-Ondarçuhu, L'image de l'athlète..., p. 244-245).
57Le corps sportif est un corps en équilibre. Entre exercice et gavage. Entre anonymat et agalma. Entre vie et mort. Entre l'homme et la femme, ni l'un ni l'autre.
Un corps désexué
58Soit le corps sportif féminin d'aujourd'hui. Relativement au corps d'origine, il a perdu ses seins et ses hanches, a élargi son cou, développé ses épaules, glissé vers le masculin jusqu'à se conformer dans la monstration compétitive à ce qu'on a longtemps cru la spécificité de l'autre sexe : la manifestation phallique de la puissance (ou, comment on est passé de Suzanne Lenglen à Amélie Mauresmo). Le doute s'installe alors. Chez le spectateur et chez l'athlète. Il est tel qu'on a mis en place il ya quelques années un test de non-masculinité obligatoire pour permettre aux femmes de participer aux Jeux Olympiques contemporains. Chez les athlètes, on constate deux réactions opposées face à cette trahison de leur corps de sa capacité à séduire. Elles semblent à la recherche de deux images opposées :
- S'exhiber de manière provocante dans une féminité alors surjouée : le spectacle de la pratique sportive favorise le narcissisme : voir les griffes de Jackie Joyner-Kersee et celles des nageuses françaises ; la fausse vraie femme.
- Accentuer la déféminisation pour glisser vers l'unisexe ; le vrai faux homme. Les athlètes masculins, de leur côté glissent aussi du côté du sexuellement neutre (voir les corps épilés, lisses, le corps du nageur, du cycliste).
Figure 10 : J. Joyner-Kersee, d'après une photographie de son site Internet

59Revenons aux Grecs de l'antiquité. Au sein du si rigoureux programme de construction du néo-corps se place une exigence de comportement fondamentale. Une exigence dont a traité Chr. Vendries pour les musiciens : la continence sexuelle55. Platon l'évoque :
N'avons-nous pas ouï dire ce qu'a fait Iccos de Tarente en vue du concours olympique et des autres concours ? Pour y être vainqueur, lui qui possédait en son âme et la technique et la force avec la tempérance ( to meta tou sôphronein andreion), ne toucha jamais, on nous l'atteste, ni à une femme ni à un enfant tant qu'il fut dans le feu de son entraînement ; et pour Crison, Astyle et Diopompe et beaucoup d'autres, on raconte la même chose (Lois, VIII 840 ; trad. A. Diès).
60C'est le même type d'anecdote édifiante qui se racontait à propos de divers compétiteurs célèbres, ainsi aussi ce qu'on dit du pancratiaste Cleitomachos qui détournait les yeux quand il voyait forniquer des chiens et qui quittait le banquet si l'on y échangeait des propos licencieux56. La personnelle expérience de faiblesse après le coït suffit pour comprendre ce précepte de tempérance, nul besoin d'évoquer ici le pythagorisme. Le péché de chair est donc majeur en gymnastie et on ne s'étonnera pas d'apprendre que la science physiognomonique permet au « gymnaste » de repérer « ceux qui ont usé des plaisirs d'Aphrodite…leurs forces ont baissé, leur respiration est resserrée... » (Gymn., 48). L'auteur de Du régime manie avec dextérité les autorisations — rares — et les interdictions de coït de son athlète protégé. Plus fort encore, on cherche à éviter les émissions nocturnes de sperme ; un traité de Galien recèle cette curieuse prescription de placer sur les reins une plaque de plomb aplatie... l'effet en est paraît-il garanti57 ! Et les préceptes hippocratiques de mesure répétés par Galien impliquent aussi que, comme les aliments, comme les exercices, la mesure dans l'amour physique appartient à la diathesis athlétikè. Or, sans tomber dans le panneau intitulé « le niveau baisse, mon pov' monsieur », qu'agite Philostrate à la fin de son traité, on s'autorise à utiliser ses arguments pour dire que le fait de faillir aux aphrodisia est la marque des mauvais athlètes de son temps.
61C'est sans doute le moment d'écouter de nouveau cet autre réactionnaire ayant vécu environ sept siècles plus tôt, parce que les mêmes échos se font entendre dans ses vers des Nuées. Est-ce que ce n'était pas la plus belle chose du monde quand, dans l'archaia paideia58, le cithariste apprenait le chant aux enfants du quartier, et que ceux-ci tenaient (v. 966) « leur cuisses écartées » ou, plutôt, « sans qu'elles soient jointes » (au vers 983 : « Ni de croiser les jambes ») ? À cette époque, on savait efficacement leur enseigner comment ne prendre pas garde à ce qui s'y trouve. On allonge la cuisse. Cela, c'était avant, mais, par la faute de l'adikos logos, aujourd'hui, quelle honte de voir que, dansant pour Tritogénie59, ils cachent leur sexe avec leur bouclier (vers 988-989) ! Depuis l'adoption de la nudité athlétique — qu'on peut, dans ce contexte aristophanesque, qualifier de nudité pédagogique —, l'évolution des regards sur les corps a retourné le ridicule dont parlait Platon comme un doigt de gant : maintenant, c'est la pudeur qui l'est ! Mais le message demande encore des commentaires, car il faut à la fois se montrer — à condition que ce soit innocemment — et s'effacer. Si, d'un côté, le bouclier ne doit pas servir de cache-sexe, on doit aussi, comme avant, effacer sur le sable, la trace de son hèbè, pour éviter que d'aucun — de ces érastes à l'affût — la trouve (vers 976). L'athlète idéal d'Aristophane est « désexué », il n'est que d'analyser ce tableau tiré de la polémique des deux Raisonnements pour s'en convaincre aisément.
62La poitrine : robuste liparon resserrée lepton
63Le teint :clair lampran pâle ôchan
64Les épaules : larges megalous étroites mikrois
65La langue : courte baian60 longue megalèn
66La fesse : grosse megalèn grêle mikran
67La verge :petite mikran grande megalèn [est sodomisé]
68Le face-à-face est polarisé à souhait. Des athlètes face à des gringalets. De beaux corps face à des corps délaissés. On ne voit pas de ces enfants et jeunes gens à la fesse grêle sur les peintures contemporaines : trop absents des palestres, ils ne sont pas sélectionnés par les « gymnastes », ils ne font pas partie des modèles des peintres. Ce qu'on y voit ce sont des corps musculeux, qui produisent dans l'effort physique une impression phallique, mais qui (apparent paradoxe) — pour ce qui est de l'anatomique génital — sont si peu sexués : des verges menues. Ils ne sont que poitrine, épaule, cuisse et fesse. Des volumes, et puis un teint lumineux. Chez les autres, des petites formes, tout est dans l'étroit, exception faite du sexe. Ce sont sans doute les trop pudiques de tout à l'heure : gros sexes, mais honteux. Ou honteux, parce que gros sexe ! Ce sont les mêmes qui ne se comportent pas comme il se doit dans les rapports sexuels. Des brocardés publiquement61. Des « trop sexués ». Du féminin.
69Encore ai-je peu parlé de la beauté. Part intégrante du souci athlétique, dans le programme, l'euandria des Panathénées, l'euexia des Théséia, par l'investissement en pouvoir de séduction qu'elle recèle (Éros est avec Hermès et Héraklès, un dieu familier du gymnase). Je ne pense pas qu'il faille y voir comme une imitation de la nudité des dieux62. Celle-ci n'est pas une donnée pure, extérieure au sujet. Les éléments archéologiques malheureusement nous manquent pour mettre en regard les deux représentations, celles des athlètes et celle des dieux pour comparer finement leur chronologie, et ce que les unes emprunteraient aux autres. Le code, on l'avouera, est complexe. 1— Le sexe se cache. 2— On l'exhibe aussi. 3— On n'y prête pas attention. L'exhibition est innocente. Et, dans la perspective éducative, l'ostension du sexe peut être interprétée comme la preuve sensible de sa sôphrosynè. Certes, beaucoup s'habituent sans doute à leur nudité. Quant à celle des autres, il faut discipliner l'éventuelle concupiscence qui naît en soi, la volonté, là, doit être capable de dominer la libido.
70Pas plus féminine que masculine, la performance musculaire, qui ne dépend in fine que du travail effectué par les muscles volontaires striés, est qualitativement de l'ordre de l'asexué ou du présexué : elle est sexuellement neutre. Hier comme aujourd'hui. Alors que son image : cette érectilité du corps humain, bandé par l'effort, par la qualité de virilité que lui prêtent toutes les sociétés, renvoie sans ambiguïté au masculin. Elle conforte les hommes dans la puissance conquise et rend les femmes perplexes. Mais l'athlète en performance résulte d'une combinaison d'éléments contradictoires. La prouesse est nourrie en amont de ce que l'athlète a donné de lui-même — dans la pédotribie, le ponos —, de l'effet de ses hormones, tout cela combiné avec l'action de l'assistance technologique et scientifique dont il est l'objet. La monstration du corps sportif si bien rendue par les peintures met en scène sur la place publique un corps marqué par l'accent mis dès le début de la paideia sur le contraste, et même l'opposition, entre la vérité, l'évidence du sexe et, en même temps, une sôphrosynè de sa négation. On aura provisoirement terminé le tableau en y ajoutant un exhibitionnisme, que favorisent à la fois l'agôn et l'extrême affûtage musculaire. Le corps sportif, celui dont on nous parle surtout, offre évidemment un côté « m'as-tu vu ? », l'intime étant jeté à la face de tous, mais l'athlète, ainsi que l'Autre, dans le même mouvement, le nient. Ne reste que le muscle strié. L'athlète garde pour lui sa quête de gloire, son corps douloureux, sa hantise de la vieillesse, sa solitude. Seule la victoire est belle…
Notes de bas de page
1 Version remaniée de ma communication au panel « Penser et représenter le corps » à la IIIe Celtic Conférence in Chssics organisée par le Crescam, Rennes, du 1er au 4 septembre 2004, Fr. Prost et J. Wilgaux (dir.), Penser et représenter le corps dans l'Antiquité, Cahiers d'histoire du corps antique 1, Rennes, PUR, 2006, p. 263-287.
2 Pli. Gauthier et M. B. Hatzopoulos, 1993, face B l. 13-14, trad. p. 30, commentaire p. 57-58 (se mettre nu) et p. 60 en parallèle avec la loi citée par Eschine, Contre Timarque, 10.
3 Il s'agit le plus souvent de les voir (cf. aussi : Paix, 762 et suiv. Oiseaux, 139-142, Guêpes, 1023-1028), mais il est aussi possible de les palper — sous couvert d'athlétisme, s'entend ! —, comme le prouvent les paroles d'Alcibiade dans le Banquet où il se découvre que, dans une position inversée par rapport à la hiérarchie normale des rapports entre éraste et éromène, dans celle, voulue par lui, du chassé se muant en chasseur, désireux d'« accorder ses faveurs » à Socrate, et ayant cherché à favoriser les occasions de contact, il avoue : « Je pensais que j'arriverais ainsi à quelque chose. [Socrate] partageait donc avec moi les exercices physiques et souvent il luttait avec moi, sans témoin. Eh bien... Je n'en fus pas plus avancé » (217 b-c ; trad. L. Brisson) (sur ces lieux de rencontre, voir F. Buffière, 1980, Éros adolescent, Paris, p. 561-572). Depuis bien longtemps (milieu vie siècle), les jeunes sont ainsi disponibles : « Heureux l'amoureux qui fréquente le gymnase, et, de retour chez lui, dort tout le jour [l'euphémisme est dans le grec !] avec un bel enfant » (Théognis, Élégies, 1335-1336 ; trad. J. Carrière, sauf pour pais).
4 Aphrodite's tortoise. The veiled Woman in Ancient Greece, Swansea, Classical Press of Wales, 2003, dont je rends compte en partie dans P. Brulé, 2006 et P. Brulé, 2007b. Récemment, Th. F. Scanlon, 2002, p. 203-235, a étudié l'interpénétration de l'homoérotisme masculin et du « milieu » athlétique (éducatif ou compétitif).
5 Notion introduite à partir de l'étude des femmes musulmanes du monde contemporain par des sociologues, Ch. Chafiq et F. Khosrokavar, 1995.
6 Péléus et Atalante, Munich, Antikensammlunge, J584. À propos d'Atalante, voir A. Ley, 1990, p. 31-72 et Th. F. Scanlon, cité à la note 4, p. 175-198.
7 Datée de 340-339 par M. Bentz, 1998 (cité infra, Bentz), n° 4.081 (p. 176), pl. 120, haut (Cambridge, Harvard Univ. 125.30.124).
8 Voir le commentaire de ce vase par Lloyd Llewellyn Jones dans son ouvrage cité à la note 4, p. 93-94, fig. 93.
9 Pour ne citer que des amphores panathénaïques (on trouve aussi de telles scènes sur des amphores pseudo-panthénaïques) et le seul corpus de M. Bentz, les numéros 4.008 (371/370) : athlète avec palme, Niké et colonne ; 4.079 (340/339) : athlètes avec palme à gauche et joueur de salpinx à droite ; n° 4.412 — 4.122 (seconde partie du ive s.) dont le 4.416 : athlète avec palme, à gauche un joueur de salpinx. Dans les pages que Bentz consacre à ces cérémonies de proclamation (p. 80-82) (voir aussi P. D. Valanis, 1990), il ne s'intéresse pas à cet hapax iconographique.
10 Comment ne pas citer d'emblée le beau travail de L. Bonfante, 1989 (même si l'on n'adhère pas à toutes ses conclusions) ?
11 L'étude de N. B. Crowther, rassemble la somme des sources utiles, « Athletic dress and nudity in Greek athletics », Eranos, 80, 1982, p. 163-168. On verra, plus largement, la thèse de J.-P. Thuillier, 1985, en particulier la seconde partie, chap. V ; il reproche avec raison à Crowther de n'avoir pas tenu compte de l'iconographie grecque — ainsi le fameux cratère de Berlin d'Euphronios — pour interpréter correctement la question du suspensoir utilisé pour protéger la verge dans les exercices athlétiques (cf. J.-P. Thuillier, 1988) (on verra à ce sujet, dans le volume d'où est tirée la présente communication, la contribution de Chr. Vendries). Présentation rapide des données du débat chez M. Golden, 1998, p. 65-69. L'étude de P. Christensen, « On the meaning of gymnazô », Nikephoros 15, 2002, p. 7-37, classe et rassemble les textes les plus importants ; il a aussi le mérite de distinguer (p. 18-19) différentes catégories de la nudité masculine (en particulier, sa juste distinction entre nudité (« nudity ») et absence de vêtement (« nakedness »). Le commentaire de Ph. Gauthier et M. Hatzopoulos sur l'usage d''epegduesthai dans la loi de Béroia (op. cit., p. 133, note 2) est important, il souligne le lien est le nu et l'oint.
12 Chez les exégètes modernes, il est des tenants d'une sorte de continuité naturiste. Chez D. Sansone, 1988, p. 107 et suiv., l'explication passe par le maintien (depuis quand ?) d'usages liés à la pratique de la chasse.
13 Denys d'Halicarnasse, Ant. Rom., VII 72, 3.
14 Pausanias, I 44, 1 (édition CUF, Casewitz et Pouilloux). Voir aussi la scholie à Thucydide I 6.
15 Le scholiaste à XXIII 683 de l'Iliade prétend que c'est parce qu'il avait été gêné par son perizoma qu'il en supprima l'usage.
16 CIG 1, 3, n° 1050 (p. 553-556) (avec le commentaire de A. Boeckh) ; reprise dans le recueil de E. L. Hicks et G. F. Hill, 1901, p. 1 (= CIG 1060 ; = IG VII 52). Voir aussi la scholie à Thucydide I 6 qui donne et la raison de la mise à nu d'Orsippos et le texte de l'épigramme qui cite un oracle de Delphes (texte dans C. Hude [dir.], 1927, traduite dans P. Christensen, cité note 9, 27. L'épigramme fut composée certainement longtemps après la date supposée de l'invention d'Orsippos (cf. J. B. Salmon, 1984, p. 71). Sur Orsippos, voir J. H. Krause, 1972 [1838], p. 339-343 ; W. E. Sweet, 1985, p. 43-45 et 1987, p. 124-129.
17 Les discussions sont vives et longues sur ce sujet ; on verra N. B. Crowther, article cité en note 11, p. 163-168 ; J.-P. Thuillier, ouvrage cité en note 11, p. 369-403 ; M. MacDonnell, 1991, p. 182-193, ne me convainc ni dans son argumentation sur les goûts de la clientèle étrusque (cf. J.-P. Thuillier) ni dans le souci didactique qu'il prête à Thucydide. Le dossier doit être complété par l'iconographie. Voir le catalogue de B. A. Lekakis, 1977, qui compte quelque 800 représentations (vases à figures noires essentiellement).
18 J.-P. Thuillier les honore du qualificatif de « sérieux » (art. cit. ci-dessus note 11, p. 135).
19 À propos de ce texte qui associe la nudité avec l'abandon des armes dans la vie civile et avec la disparition de la piraterie et au port de vêtements quasi-féminins, je renvoie à mon commentaire ci-dessus dans « Le code de genre... », p. 118. Pour une lecture assez différente, voir l'article de A. D. Geddes, 1987, p. 307 et suiv., et le commentaire de S. Hornblower, 1991, à Thuc. I 6, 3, p. 26.
20 Même lien dans ce texte législatif auquel Eschine (C. Timarque, 138) fait allusion : « Un esclave, dit la loi, ne pourra s'exercer, ni se frotter d'huile dans les palestres. » Il faut aussi comprendre qu'évidemment cette nudité est interdite aux esclaves (voir la loi de Béroia, B 27).
21 Un regard jeté sur les Barbares occidentaux fait résonner la cloche du même son : la dévêture grecque constitue aux yeux des Romains un scandale, une incitation à la débauche. Le lien entre nudité et pédérastie est totalement explicite chez les auteurs latins ; aussi tôt que chez Ennius (239-169 ?), tel que le cite Cicéron pour qui la pédérastie est née dans les gymnases des Grecs : flagiti principium est nudare inter civis corpora (Tusc., IV 33, 70), et puis chez Tacite, Ann., XIV 20, 4, degeneretque studiis externis iuventus, gymnasia et otia et turpes amores exercendo... Lucien imagine Solon défendant la nudité grecque face à l'incompréhension barbare (Anarchasis, 36-37). Cf. Th. F. Scanlon, cité note 4, p. 211.
22 On sait comme la Crète et Lacédémone voient souvent leur histoire organiquement liée chez les auteurs athéniens.
23 En particulier sur le sens à donner à asteiois.
24 Article cité note 11, dans sa taxinomie des nudités, p. 19 ;à propos de ce critère de distinction, P. Christensen renvoie précisément à A. Stewart, 1997, p. 25 ; je lui dois aussi de connaître sur ce sujet H. Duerr, 1988, p. 13-23.
25 1945, p. 1, 103.
26 Ceci, pour tenir compte de la règle iconique sans ambiguïté des amphores panathénaïques qui, dès leur apparition, vers 566, montrent toute la peau des athlètes (J.-P. Thuillier penche pour « vers 510 » [art. cit., note 11].
27 H. A. Harris, 1964, p. 64 et suiv. et 1972, p. 19 et suiv., insiste sur cette dimension discriminante de la nudité grecque ; ce qu'illustre remarquablement une anecdote rapportée par Xénophon à la louange d'Agésilas. En ces circonstances, le roi cherche à donner à ses soldats du cœur pour combattre : « Il ordonne aux hérauts de mettre en vente tout nus les ennemis pris par les maraudeurs (au vrai, c'est le terme lèstès : "brigand", "pirate" qu'il emploie). Alors, les soldats, voyant les corps blancs des Barbares, parce qu'ils ne se mettaient jamais nus, chargés de graisse et dénués de vigueur, parce qu'ils sont toujours en voiture, pensèrent que se battre avec eux c'était tout comme s'ils avaient à se battre avec des femmes » (Agésilas, 1, 28 ; trad. P. Chambry).
28 Voir le fameux cratère de Berlin d'Euphronios où l'un des jeunes athlètes ligature sa verge contre sa cuisse (Berlin Antikensammlung F218).
29 Sur la mise à nu de la moitié de la partie supérieure du corps masculin, voir ici, « Bâtons et bâton... », p. 130, et P. Brulé, 2007b.
30 Voir le texte et le commentaire de la loi de Béroia (o.c. note 2), B 2 et p. 59-61.
31 Sur le sens donné ici à gymnaste et gymnastie, voir la seconde partie de l'étude.
32 Sur ce sujet du rapport (à Athènes au moins) entre éducation et participation effective au concours (« the social background on ancient Greek athletes »), le débat est vif entre les tenants de l'exclusivité « aristocratique » et ceux d'une diffusion large dans le corps civique. Je me contenterai de renvoyer à une mise au point récente qui donne la bibliographie complète du sujet et prend position pour la seconde version, celle de D. Pritchard, 2003, p. 293-350 (avis différent Nick Fischer, 1998, p. 84-104) ; élargissement par H. W. Pleket, 2000, paru en 2002, p. 627-644).
33 Voir l'indécente ressemblance des appréciations physiques des corps d'athlètes par les « gymastes » que décrit le traité de Philostrate (infra, p. 147) avec les discours des zootechniciens des xixe et xxe siècles ; c'est avec une même rhétorique que s'évaluent/s'apprécient les anatomies des enfants et celles des animaux domestiques.
34 Renseignements tirés du corpus de Martin Bentz (cité note 7), que nous allons piller consciencieusement dans tout ce qui suit.
35 Par exemple 30 amphores au vainqueur enfant du pentathlon, 6 au second (ll. 26-8 de l'IG II2 2311).
36 Par opposition aux concours ek tôn politôn, comme la pyrrhique, l'euandrie ou la lampadéphorie, qui mettent aux prises des groupes politiquement définis (ainsi la tribu) pour des récompenses collectives.
37 Voir l'IG II2 2311 (datée de la première partie du ive siècle).
38 J'utilise le texte donné par l'ouvrage de J. Jüthner, 1909. Outre le relevé complet pour l'époque des auteurs de traités sur la « gymnastique », il donne le texte et la traduction du traité p. 133-183 et un commentaire p. 185-311. J'ai suivi la traduction donnée par Ch. Daremberg, 1858 (consultable sur http ://www.bium. univ-paris5.fr). Cité dorénavant Gymn.
39 L'amphore panathénaïque du British Museum B137 (CVA Br. Mus. 1, IIIhe.3, pl. [28] 4.1 A-B) montrent des attitudes et des morphologies remarquablement semblables.
40 Sur un plan plus général, cf. D. C. Young, 1984.
41 Limite que l'on n'a pu tracer qu'après que la distinction avait été opérée entre gymnastie — nouvelle — et pédotribie — traditionnelle — ; à suivre Galien (V, p. 870, Kühn), c'est de la fin du ve siècle que date cette nouveauté : « L'art des gymnastes, dit-il, est né peu avant l'époque de Platon. »
42 Voir D. G. Kyle, 1987, p. 141-143.
43 Il faut comprendre que la loi ne fournit pas les critères qui permettraient de répondre à ces questions, qu'ils ne relèvent pas d'elle.
44 Plutôt que « apprendre à voir ».
45 V. Visa-Ondarçuhu, 1999, surtout p. 273-281.
46 Que valent les attributions respectives de l'« invention » de l'alimentation carnée à Pythagore par Porphyre comme plus en rapport avec l'expression de la vigueur (De l'abstinence, I 26) et celle de Pausanias à Dromeus de Stymphale (VI 7, 10) ? Un « témoignage » qui n'a aucune valeur historique, c'est celui de Philostrate (Gymn., 43) à propos des athlètes d'autrefois : ce n'est pas de l'histoire cela, c'est l'expression d'une nostalgie réactionnaire sans rigueur chronologique.
47 V. Visa-Ondarçuhu, 1999, p. 252 et suiv.
48 Je me permets de renvoyer à la troisième partie de P. Brulé, 2007, p. 158-164, « Le vin raisonné de l'athlète » qui propose un commentaire des prescriptions du traité Du régime en ce domaine. Ce qu'on ingère, le vin en particulier, n'est qu'un élément de ce qui contribue à la santé, donc à l'efficacité athlétique, « il faut aussi des exercices ».
49 Voir les commentaires de V. Visa-Ondarçuhu, 1999, p. 278 et suiv.
50 Hippocrate, Aphorismes I, 3 (éd. Loeb, W. H. S. Jones, vol. 4, Londres, 1931) ; trad. V. Visa-Ondarçuhu, 1992, p. 273-283.
51 D'où, de quand ? Comment le connaît-il ?
52 Ce passage est très souvent cité : Athénée X 413c ; Galien, Protr., 10, p. 13.22-14.13 ; Eust. à Il., 23, 261, p. 1299, 20 (IV, 723, 20-21, M. Van der Valk) ; Diogène L., I 56 ; Plut., Du génie de Socrate, 581 f.
53 Hippo crate, Aphorismes, I3 ;cf. V. Visa-Ondarçuhu, 1999, texte p. 285 et trad. p. 286.
54 Sur la doctrine hippocratique envisagée dans les rapports que la santé entretient avec la diète et les exercices physiques, voir N. Angeloupoulou, C. Matziari, A. Mylonas, G. Abatsidis, Y. Mouratidis, 2000.
55 Chr. Vendries, 2006, p. 253 et suiv.
56 Pour Iccos et Cleitomachos, Élien, Nature des animaux, VI 1 ; sur la chasteté de Cleitomachos : Plut., Mor., 710 d et les Anecdota Graeca (Cramer) II 154, ll. 20-25 (où ce contrôle de la libido est appelé sôphrosynè) ; voir aussi l'histoire de Laïs, amoureuse d'un athlète chaste, dont l'identité varie en fonction de la source : Aristotelès de Cyrène pour Clément d'Alexandrie (Stromates, III 6, 50-51), Eubatas de Cyrène pour Élien (Histoires variées, X 2).
57 C'est encore une histoire de thermodynamique, Galien attribue explicitement l'effet de tarissement au froid. Le texte est cité et traduit par Th. F. Scanlon, cité note 4, p. 234 ( De simplicium medicamentorum tempera-mentis ac facultatibus, livre VI 12, 232).
58 Qu'on s'étonne de voir utiliser comme une catégorie historique avérée, estampillée, par nombre de modernes ; c'est comme « du temps des seigneurs » !
59 Sans doute s'agit-il de la pyrrhique, analogue à celle du concours des Panathénées (« quel affront pour Tritogénie ! ») ; cf. P. Ceccarelli, 1998, p. 29 et note 13 et 31 et note 21.
60 Le vrai mâle, l'athlète aristophanesque déteste la contestation sophistique, il hait les discours, il est une figure du « misologue ».
61 Sur les Clisthène et autres « invertis » de la comédie ancienne, voir ici « Les codes du genre... », p. 104 et suiv.
62 Cf. Th. F. Scanlon, cité note 4, p. 234.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008