Rider Haggard et William Morris : l’image de la femme entre tradition et modernité
Rider Haggard and William Morris: the image of the woman between tradition and modernity
p. 181-194
Résumés
Deux auteurs britanniques de la seconde moitié du XIXe siècle, Henry Rider Haggard (1856-1925) et William Morris (1834-1896), ont mis en scène des personnages de reines belles, semi-immortelles et tragiques dans leurs romans d’imagination. Si ces figures se rapprochent de la femme fatale archétypale, elles témoignent aussi de la volonté des deux auteurs de leur conférer une puissance et une autonomie inhabituelles. Chez Rider Haggard, Ayesha (She, 1886) et Cléopâtre (Cleopatra, 1889) éprouvent de grandes passions et entendent choisir librement l’objet de leur amour, mais l’une comme l’autre sont avant tout reines, et assument les contraintes de leurs charges. Avec Morris, les caractéristiques de la femme libérée, qu’on trouve dans son utopie futuriste (News From Nowhere, 1890) force et courage physiques, aisance dans les rapports avec les hommes, liberté d’aimer, se trouvent incarnées dans son dernier roman, The Well at the World’s End (1896), en deux personnages, la Dame d’Abondance et Ursula. La première, pourvue elle aussi d’une longévité inhabituelle et exerçant le pouvoir politique ainsi que le métier des armes aussi bien qu’un homme, rejoint ses consœurs, Ayesha et Cléopâtre dans une fin tragique pourtant. Serait-ce le signe que les temps n’étaient pas encore mûrs, et que la transgression de l’ordre patriarcal, même chez le socialiste William Morris, ne pouvait aboutir ? Une évolution médiane semble se dessiner, pourtant, en la figure d’Ursula, jeune fille qui combine indépendance, initiative et liberté de choix, tout en respectant les convenances conjugales, à l’instar de nombre de pionnières féministes des débuts du XXe siècle.
Two British authors of the second half of the nineteenth century, Henry Rider Haggard (1856-1925) and William Morris (1834-1896), emplotted versions of the beautiful, semi-immortal and tragic queen in their works of imagination. Though these characters are redolent of the archetypal Femme Fatale, they nonetheless testify to their creators’ intention to endow women with unusual might and autonomy. Rider Haggard’s Ayesha (She, 1886) and Cleopatra (Cleopatra, 1889) are passionate to the extreme and bestow their love and their bodies freely, but they are also queens and assume the obligations of their rank. With William Morris, the hallmarks of the free women of his futurist utopia (News From Nowhere, 1890) – physical strength and courage, ease in their behavior with men, freedom to love as they wish – are to be found in two characters of The Well at the World’s End (1896), the Lady of Abundance and Ursula. The former, enjoying a magically enhanced lifespan and wielding political power and martial prowess as well as a man, will nevertheless perish tragically like her sisters, Ayesha and Cleopatra. Is this to show that times weren’t ripe yet, and that subversion of the patriarchal order, even in the works of a socialist such as Morris, is doomed to failure? A middle course seemes to be suggested in the person of Ursula, who combines, independence, initiative et freedom of choice while observing marital proprieties like a number of pioneer feminists of the beginning of the twentieth century.
Texte intégral
1Dans son célèbre ouvrage consacré au romantisme noir, Mario Praz décrit une séquence de personnages diaboliques où le héros byronien, avatar du Lucifer de Milton, cède la place à « une lignée traditionnelle parmi les femmes fatales dès les débuts du romantisme » et qui va en s’accentuant à mesure qu’on progresse vers la fin du XIXe siècle1.
2L’extrême passivité de l’héroïne victorienne vertueuse voisine avec les Salomé, les Hérodiade, les Cléopâtre et autres courtisanes, puissantes, certes, mais dont la puissance réside principalement dans leurs charmes, dont elles usent pour asservir les hommes. En aucun cas cette puissance ne s’exerce dans les domaines traditionnellement impartis aux hommes comme la force physique et la politique. En s’approchant des temps modernes, marqués par la revendication du suffrage féminin, de la libération des corps par des vêtements moins contraignants, la culture physique et la libre disposition de sa personne, on peut déceler des frémissements dans ce sens en littérature, associés pourtant à la figure traditionnelle de la reine toute-puissante et belle, dont l’effet produit sur les hommes n’est guère moins perturbant que celui des Belles Dames sans Merci ou autres Dames du temps jadis.
3Deux auteurs britanniques fort différents, Henry Rider Haggard et William Morris, peuvent en témoigner, car ils mettent en scène des femmes puissantes, non seulement séduisantes à l’extrême et décidées à disposer librement de leur corps dans le domaine amoureux, mais jouant volontiers un rôle politique de premier plan et parfois même capables de rivaliser avec les hommes en se défendant physiquement.
4Une telle figure n’est pas née spontanément et il en existe des prototypes. Dans l’inclassable Isis de Villers de L’Isle-Adam (1862) où, certes, suivant l’hyperbole traditionnelle, « il est difficile de se figurer une femme plus belle », Tullia Fabriana est aussi « la femme la plus puissante d’Italie2 », servie par une énigmatique servante grecque, et retranchée dans un palais aux mille et une défenses mécaniques, elle-même sachant admirablement manier les armes. Elle apparaît à certains contemporains comme un composé : « Cette dame qui était censée s’être assimilée les sciences chaldéennes des femme d’Edgar Poe, et la sagacité diplomatique de la Sanseverina-Taxis de Stendhal, s’était en sus composé l’énigmatique contenance d’une Bradamante mâtinée d’une Circé antique3 », nous explique Huysmans dans À Rebours.
SHE
5Vient alors She, Elle, ou « Celle à qui l’on doit obéissance », que Henry Rider Haggard publie en 18874. D’emblée ce personnage s’annonce bien plus nuancé que les héroïnes dont le public pouvait avoir l’habitude, ni Bien, ni Mal, ni ange ni démon, mais un étrange mélange des deux. À l’inverse de bien d’autres femmes fatales, elle est chaste, car elle reste fidèle au souvenir d’un amour défunt. Elle dispose de pouvoirs exceptionnels, mais chez elle la passion fait bon ménage avec une innocence quasi angélique. Ce roman, prototype du roman archéologique, qui conduit, à travers les Allen Quatermain et autres King Solomon’s Mines, jusqu’aux « Indiana Jones », met en scène une reine immortelle régnant sur un royaume secret, caché dans les profondeurs d’Afrique, consumée par l’amour qu’elle voue à un simple mortel – qui n’est autre que la réincarnation de l’homme qu’elle aima et fit mourir deux mille ans plus tôt. La passion fait bon ménage avec la générosité car elle compte offrir l’immortalité à ce Leo Vincey ainsi qu’à son fidèle tuteur, le narrateur Holly, mais elle périt quand la flamme qui devait régénérer son immortalité la réduit en cendres. L’auteur, reculant devant l’irréversible, la ressuscita tout de même pour la suite, dans The Return of She, et la reine Ayesha connut une grande popularité, inspirant d’autres versions, jusqu’en Inde, où on en trouve une en langue ourdoue. On a cru y reconnaître l’inspiratrice d’Antinéa, l’Atlantide de Pierre Benoit, une génération après (1920). Le romancier français, qui fut accusé de plagiat du reste, donne acte du changement complet dans la typologie féminine, accéléré par la Grande Guerre, car sa reine à lui ressemble à une garçonne de Victor Margueritte, et l’auteur concède dans un entretien qu’« on n’aurait de chance de séduire le lecteur qu’ayant épousé la mentalité parisienne, abonnée à la NRF et vêtue à la mode de la rue de la Paix5 ».
6Chez Haggard, la reine Ayesha règne sur la cité morte de Kör, une civilisation antique dont il reste que des ruines parsemées de cadavres momifiés, non sans rappeler ce que D’Annunzio fera de la Citta Morte dix ans plus tard et qui porte l’empreinte des découvertes de Schliemann. Ayesha n’est pas qu’une amoureuse, c’est aussi une reine dans le sens politique du terme – elle entend accompagner Leo Vincey en Angleterre, et c’est peut-être la perspective alarmante d’une colonisation à rebours qui scelle son sort et rend sa destruction inévitable, comme pour un autre personnage charismatique de la même époque, un certain Dracula inventé par Bram Stoker. On mesurera la distance parcourue en traçant une comparaison avec L’Atlantide de Benoit. Si Antinéa provoque l’assassinat du capitaine Morhange par son ami Saint-Avit, ce n’est pas seulement pour se venger de son dédain, mais surtout parce que le capitaine menace de revenir détruire son royaume à la tête d’une colonne de méharistes. Le fait que cette motivation, pourtant exprimée par Benoit sans détour, semble avoir échappé à bien des commentateurs, signifie bien qu’à l’époque on n’imagine pas qu’une femme puisse user de violence autrement que par dépit amoureux. L’affaire revêt donc, aux côtés de la dimension passionnelle, un aspect politique.
7Ayesha conserve, cependant, certaines caractéristiques de la femme fatale dans le descriptif qu’en donne Holly, le narrateur. D’abord, elle est d’une beauté absolue, et l’hyperbole est de rigueur : « J’ai contemplé son visage et, je n’exagère en rien, j’ai reculé aussitôt, aveuglé et abasourdi. J’avais entendu parler de la beauté des créatures célestes et voici qu’elle était là, devant mes yeux6. » C’est aussi une beauté marquée par le Mal :
« Regarde-moi, je suis belle comme aucune femme ne l’a jamais été, immortelle et semi-divine ; mes souvenirs me hantent d’âge en âge et la passion me mène par la main. J’ai commis le mal et le chagrin est de mes intimes […] Je commettrai le mal une fois encore et je connaîtrai le chagrin jusqu’à l’heure de ma rédemption7. »
8Comme il conviendrait à une surfemelle décadente, elle a tué l’être qu’elle aimait par jalousie, et s’en prend à une femme de son peuple, Ustane, qui a l’outrecuidance, elle aussi, de tomber amoureuse de Leo. Mais on y décèle aussi un rôle agissant et politique qui ne se limite pas seulement à l’assouvissement de ses passions. Aussi peut-on y voir le prototype de l’héroïne de son roman Cleopatra, publié en 1889 (soit deux ans après She), où Haggard relève le défi et dépeint le modèle et la référence absolue dans la matière, cette reine d’Égypte qui incarne le mieux la Femme fatale aux côtés d’Hélène de Troie et de Guenièvre8.
CLEOPATRA
9Là aussi, on découvre une puissante reine aux attributs presque surhumains, du moins dans les comparaisons. Elle est « un être de flamme dont la beauté, exhalant la passion, a façonné le destin des empires [,] un être de flamme, semblable à aucune femme présente ou à venir […] Grandiose comme l’âme de l’orage, belle comme un éclair, malfaisante comme la peste9 ». Elle est créature de feu et de flamme, comme le personnage de Perdita dans Il Fuoco de D’Annunzio où le poète applique à la tragédienne, quand elle incarne Juliette dans les arènes de Vérone, la belle formule shakespearienne : « O she doth teach the torches to burn bright ! »
10Mais en cela, elle ne fait que porter au sommet la quintessence de la femme, dont le haut-prêtre Sepa dit :
« Car la Femme, malgré sa faiblesse, est pourtant la force la plus puissante sur terre […] Pourtant elle se tient assise comme le Sphinx, là-bas, et aucun homme n’a jamais déchiffré tous les énigmes de son sourire, ni percé tous les mystères de son cœur […] Elle a beau être ton esclave, elle te tient néanmoins captif ; à son toucher, l’honneur se fane, les serrures se déverrouillent, les barrières tombent10. »
11Ce sont des lieux communs essentialistes, qu’on pourrait aisément taxer de misogynie, sauf que Cléopâtre, telle qu’elle est dépeinte par Rider Haggard, ne se résume pas à cela. Incapable d’aimer d’amour le narrateur, Harmachis, issu pourtant de la lignée des pharaons indigènes, et donc susceptible de conférer une nouvelle légitimité à la branche lagide dont Cléopâtre est issue, elle propose de lui donner son amitié. Loin de se complaire dans les caprices cruels des femmes fatales décadentes, elle lui explique les raisons de ses cruautés, qui apparaissent alors comme un mal nécessaire que l’on ne condamnerait pas s’il s’agissait d’un homme. Elle est femme d’État, reine, et se doit d’être implacable au risque de périr sous les coups des envieux et des ennemis : « Imagine, Harmachis, ce que c’est que d’être élevée au-dessus de la masse de coquins qui te haïssent, bouche bée, pour ta fortune et ton esprit ; qui grincent les dents et décochent les flèches de leurs misérables existences, s’abritant derrière leur médiocrité dont ils ne s’envoleront jamais faute d’ailes, et dont le seul but qui leur tienne à cœur est d’abaisser ta noblesse jusqu’au niveau du rustaud et de l’imbécile11. »
12Aussi, dans une aventure digne des romans d’aventures archéologiques et même de la Heroic Fantasy d’un siècle après – on notera, cependant, que Tolkien réserve les expéditions au cœur des montagnes et des forteresses ennemies, ainsi que les combats, aux seuls personnages masculins – Cléopâtre et Harmachis affrontent les dangers physiques en complices et en camarades d’armes. Tous deux pénètrent au cœur de la Pyramide de Menkauré pour y rechercher un trésor fabuleux, dissimulé dans le sarcophage du pharaon, non pour combler une quelconque cupidité, mais pour sauver les finances du royaume ptolémaïque. C’est à ce moment-là que leur complicité est à deux doigts de laisser place à l’amour, mais à un amour raisonnable, né d’avoir affronté le danger de concert, au cours d’une quête initiatrice. Mais cela ne suffira pas. Cléopâtre refuse en outre le principe même du mariage :
« Me marier, moi ! Oublier la liberté et rechercher la pire des servitudes de notre sexe qui, par la volonté égoïste de l’homme, plus fort physiquement, nous attache encore à un lit devenu haïssable, nous imposant un service que l’amour me sanctifie plus guère ? À quoi bon alors être reine12 ? »
13Dans cette tirade aux tonalités féministes, Cléopâtre va jusqu’à affirmer que le mariage est pire que la mort. « I love but I marry not ». Haggard est bien loin de Tennyson qui, dans The Princess (1847), tout en reconnaissant les injustices subies par les femmes, à travers le conte fantastique en vers relatant l’histoire d’une université pour femmes, dirigée par une princesse insoumise, se rallie à la fin au conservatisme quand l’héroïne succombe à l’amour du prince, entré dans son établissement en se travestissant. Car même dans le domaine de l’amour, Cléopâtre et plus encore Charmion, sa servante et rivale, infligent toutes deux à Harmachis une leçon cinglante. Charmion encore davantage, car elle aime à la fois Cléopâtre et Harmachis, même quand ce dernier la rejette, lui déclarant : « Je suis de celles qui, quand elles aiment, aiment pour toujours, et si l’on ne m’aime pas en retour, je mourrai vierge13. » Plus conventionnelle aussi – il est des affronts que même une femme libre, chez Haggard, ne peut pardonner – elle trahit Harmachis pour se venger de son amour (à lui) pour Cléopâtre et n’hésite pas à le lui avouer. En même temps, elle se permet de le tancer sans détour : « Sois un homme, et affronte donc le danger jusqu’au bout14. »
14Rider Haggard se devait, néanmoins, de représenter son héroïne en grande amoureuse. Cléopâtre conjugue enfin son rôle de reine et son amour aux côtés de Marc-Antoine, et leur défaite est attribuée aux machinations de Harmachis, qui reconnaît néanmoins : « J’avais beau pouvoir détruire ces deux-là, je ne pouvais détruire leur amour15. » Le livre se termine sur la suggestion que Cléopâtre n’est autre qu’un avatar d’Isis, qui, avec la disparition de la Reine, quitte l’Égypte pour toujours, un départ qui s’inscrit dans la légende des dieux qui abandonnèrent Antoine, leur cortège émettant une musique étrange, une image reprise par le poète grec moderne Constantin Cavafy et le romancier britannique Lawrence Durrell. D’avoir ourdi ce terrible stratagème pour se venger en détruisant Cléopâtre – et en faisant tomber l’Égypte aux mains des Romains – vaut à Harmachis une fin terrible, ce dont témoignera, des siècles plus tard, la grimace effroyable que l’on distingue encore sur le visage de sa momie.
LA DAME D’ABONDANCE
15William Morris, qui a combiné des talents d’artiste, de décorateur, d’hommes de lettres et d’homme politique, n’est pas loin d’une même inspiration. Dans son utopie politique, News from Nowhere, les femmes sont physiquement puissantes, libres de disposer de leurs personnes. L’ancien peintre préraphaélite prise les femmes de grande taille – en cela d’ailleurs il partage les goûts de George Du Maurier, qui, dans Trilby, décrit une jeune femme, modèle d’artiste puis cantatrice, grande et puissante, surtout en comparaison avec son amoureux surnommé « Little Billie ».
16Quand son narrateur, endormi à la fin du XIXe siècle, se réveille dans l’Angleterre d’un siècle plus tard, guérie de ses maux par le socialisme, il ne tarde pas à se féliciter de l’apparence des femmes, de leur état de santé et, surtout, du naturel de leur comportement :
« Quant aux femmes, cela faisait plaisir à voir, car leurs visages exprimaient une telle joie et une telle gentillesse, leurs corps étaient si harmonieux et bien bâtis, tandis qu’elles paraissaient toutes robustes et en bonne santé. Toutes étaient au bas mot jolies, l’une se distinguait spécialement par sa beauté et la régularité de ses traits. Elles vinrent vers nous joyeuses et sans la moindre timidité feinte, et toutes trois me serrèrent la main comme si j’étais un ami tout juste de retour d’un long voyage16. »
17On notera que la femme est libre de manifester tout autant son penchant qu’une simple camaraderie en présence d’hommes, en se comportant avec le plus grand naturel. L’état de la femme victorienne, que Morris déplore, est dû selon lui aux bases sociales de la société, la propriété privée entraînant la prétention d’exercer sur les femmes, leurs corps et leurs sentiments, une domination absolue : en somme, tout cela
« venait surtout de l’idée (une idée née d’une loi) selon laquelle la femme serait la propriété de l’homme […] Cette idée a disparu, bien entendu, en même temps que la propriété privée, ainsi que ces notions absurdes selon lesquelles une femme serait “perdue” si elle suivait ses désirs au mépris de la loi, tout cela étant une convention dérivée des lois sur la propriété privée17 ».
18Bien entendu, News from Nowhere est un texte politique, même si l’auteur qualifie son roman de « utopian romance ». Mais on découvre sans surprise que Morris applique ses idéaux dans son œuvre ultime, The Well at the World’s End (1896), par ailleurs un des premiers romans qu’on classe dans le domaine de la Fantasy. Dans cette histoire au schéma de quête assez classique – un fils cadet parti à la recherche d’une fontaine de jouvence et qui rencontre aventure sur aventure au sein d’un univers médiéval – le personnage le plus saillant est indubitablement la Lady of Abundance, une reine jadis puissante, chassée de son pays, et qui règne sur une communauté de brigands libres, les Compagnons de l’Arbre Sec. Elle s’est déjà rendue jusqu’au Puits, acquérant grâce à ses eaux une quasi-immortalité. En rupture de mariage avec le Chevalier du Soleil, elle tombe amoureuse de Ralph, le jeune héros, et file le parfait amour avec lui dans la forêt jusqu’au jour où son mari survient et la tue. Ralph se consolera avec Ursula, une fille de son âge, que la Dame lui a désignée dans un songe post mortem, repart à la recherche du Puits, puis rentre chez lui et délivre son petit royaume d’une armée d’envahisseurs. Lui et sa reine pourront alors « vivre heureux ». En somme, une formule de quête initiatique, voire de Bildungsroman, volontairement épurée malgré un langage chatoyant et médiéval, les noms de personnages et noms de lieux étant réduits à leur fonction purement descriptive : le nom personnel de la Dame d’Abondance n’est jamais mentionné, et Ralph, le héros, est prince des Upmeads, autrement dit du royaume des « Hautsprés ». L’originalité est ailleurs. C’est précisément en ce personnage qu’est la Dame d’Abondance que Morris concentre sa vision de la femme, cette femme de transition, qui combine bien des traits traditionnels avec une indépendance et surtout la libre disposition de sa personne au gré de ses sentiments, et qui rompt avec les déterminismes victoriens.
19Si elle est reine (du « royaume de la Tour ») reconnue comme telle par les Compagnons de l’Arbre sec, elle est d’origine inconnue et nullement noble, semble-t-il, car ses premiers souvenirs sont ceux d’une petite fille élevée en quasi-servitude par une sorcière au milieu des bois. Comme Ayesha et Cléopâtre elle règne véritablement, au point qu’elle l’emporte même en talents politiques sur son époux : « J’étais le Roi et il n’en était que l’apparence », précise-t-elle18. Pour Morris, à la fibre sociale, elle est surtout celle qui défend les petites gens, menacée par les habitants de la ville des « Quatre chemins » (Four Friths) où règne en concentré le capitalisme dominateur et esclavagiste que Morris reprochait à l’Angleterre victorienne. C’est autant pour cela que pour sa beauté exceptionnelle et sa prestance, qu’elle est reconnue comme reine par les brigands d’honneur de l’Arbre sec. Et ce sont précisément les gens simples qui la tiennent en odeur de sainteté, et ce malgré le désordre de sa vie amoureuse. L’art de Morris se reconnaît dans sa manière de traduire cette conscience sociale en un langage et des concepts bien médiévaux, évitant une terminologie politique anachronique.
20À l’instar de tant d’héroïnes stéréotypées, elle est d’une beauté incomparable, mais il est intéressant que celle-ci est souvent assortie de superlatifs au sujet de sa force physique : « Elle était puissante de corps et bien bâtie ; elle était grande, ses bras étaient beaux et musclés, et on ne pouvait manquer d’admirer ses membres si bien tournés, sa tunique étant fine et légère19. » Sa propre servante la décrit ainsi au jeune Ralph :
« Je l’ai vue telle que Dieu l’a faite, et je peux t’affirmer que ce jour-là Il avait l’intention de créer un chef-d’œuvre ; car elle n’a de tache nulle part. Ses hanches sont lisses et ses cuisses guère moins douces que son visage, et ses pieds sont aussi délicats que ses mains ; en effet, elle est en tout point telle une perle, et pourtant, puissante comme un chevalier et je peux garantir qu’elle a le cœur plus vaillant que bien des chevaliers20. »
21On souligne donc, chez une femme belle, une force physique et un courage l’emportant même sur ceux des chevaliers. Plus intéressant encore, quand Ralph la rencontre, prisonnière des hommes du « Burg of the Four Firths » et la délivre en abattant deux de ses gardiens21, elle le remercie avec grande courtoisie, mais entend minorer son exploit en précisant qu’elle n’allait pas tarder à se libérer par ses propres moyens : « Penses-tu avoir accompli une prouesse, bel enfant ? Peut-être bien. Mais certains diraient que tu n’as fait qu’abattre deux bouchers ; et si tu comptes prétendre m’avoir libérée, cependant, il se peut que je n’eusse point tardé à me libérer par mes propres moyens22. »
22Mais comme sa beauté est telle que « No man shall look on thee that shall not love thee23 », les dégâts qu’elle provoque quand elle est reine du Pays de la Tour sont ceux d’une femme fatale, qui suscite malgré elle des rivalités amoureuses à l’issue souvent sanglante. Plus tard, l’homme qu’elle a accepté d’épouser, le Chevalier du Soleil, guerrier redoutable, en vient à blesser son meilleur ami par jalousie, et aurait bien voulu occire le jeune Ralph en raison du penchant qu’il distingue chez la Dame à l’endroit du jeune homme. D’ailleurs, il finit par tuer la Dame elle-même.
23Aussi ce pouvoir et cette beauté, assortis de l’intention d’en disposer selon les mouvements de son cœur, peuvent susciter de la malveillance. Elle traîne une réputation de sorcière – réputation qui n’est pas déraisonnable car elle semble jouir d’une jeunesse éternelle grâce aux eaux du Puits au Bout du Monde, et possède des pouvoirs magiques dont ceux d’une guérisseuse. Même le jeune Ralph la soupçonne : « peut-être bien que cette femme dont son cœur était épris n’était pas une vraie femme, mais une diablesse, et l’une des déesses du monde antique24. » Il faut les paroles d’un saint ermite, pour qui elle est « a rightly holy woman », pour le rasséréner. L’originalité de Morris réside dans le fait que la Dame ne fait rien pour éveiller ces jalousies mortelles dont elle sera la victime. Douce mais ferme en paroles, raisonnable, soucieuse de réconciliation, elle n’use pas de ses charmes à proprement parler. Ce sont les hommes qui sont responsables de cette folle violence, ne tolérant pas que la Dame exerce son libre choix, et ce n’est autre que le méfait de l’instinct de propriété qu’entend dénoncer Morris dans ce roman, comme il l’avait déjà fait dans News from Nowhere. Elle n’est donc « femme fatale » ni pour se gausser des faiblesses masculines, ni pour se venger des hommes, ni même pour manipuler les hommes afin de régner ou protéger son royaume comme le fait Antinéa dans L’Atlantide de Benoit. C’est de considérer la femme comme une propriété pour laquelle on se bat qui transforme les hommes en fauves, capables de s’entretuer ou de détruire celle qu’ils prétendent aimer. Ainsi, Morris soustrait sa Dame aux soubassements idéologiques de la femme fatale habituelle, tout en lui en conservant l’apparence.
24Il l’en éloigne aussi en lui donnant des amitiés féminines sincères et durables. La femme âgée qui l’instruit en cachette de sa sorcière de maîtresse, quand elle est petite fille, lui revient plus tard, quand elle est reine, toute rajeunie par l’eau du Puits, et la Dame n’hésitera pas à abandonner son trône séance tenante pour partir sur les routes avec son ancienne tutrice, devenue amie, et s’abreuver à son tour à la source miraculeuse. Plus tard, régnant sur les Compagnons de l’Arbre Sec, elle sauve la vie d’Ursula, jeune fille qui deviendra la compagne et reine de Ralph, et une fois morte, apparaîtra au jeune homme en rêve pour lui recommander cette personne.
25Il est toutefois possible de tracer les limites de la modernité d’une telle femme, puissante et indépendante, en se référant aux destins de chacune de ces reines exceptionnelles. Toutes deux, Ayesha et la Dame d’Abondance, appartiennent à la catégorie des femmes surnaturelles, l’une par le feu, l’autre par l’eau. Ayesha est carbonisée par la flamme de l’immortalité et Holly et Leo, le cœur brisé, fuient son royaume (même si Rider Haggard jugea bon de la ressusciter plus tard). Cléopâtre, personnage historique, se suicide après la mort de Marc-Antoine, leur royaume défait en partie à cause du désir de vengeance de Harmachis. Et la Dame d’Abondance est victime de la fureur homicide de son époux, et ne sera jamais la reine du jeune héros, qui devra se contenter d’une jeune fille de son âge en une fin d’histoire bien conventionnelle. Chaque fin est un échec qui entraîne la mort de ces femmes d’exception. Est-ce une façon de dire que le monde, dans son ensemble, n’est pas encore prêt à accepter une telle femme libre et puissante ?
URSULA, OU LA JUSTE MESURE ?
26Les qualités exceptionnelles de la Dame d’Abondance, sa prestance, sa force physique, son indépendance dans l’octroi de ses sentiments et de son corps – sa modernité, en d’autres mots – sont d’autant plus remarquables lorsqu’on la compare à celle qui la remplace auprès de Ralph, la jeune Ursula. Tout en nuances, elle est un mélange révélateur de tradition et d’indépendance. Apparaissant d’abord sous l’identité de la « Demoiselle de Bourton Abbas », Ralph la rencontre tout au début de son aventure. Les descriptions physiques, déjà, sont moins précises et moins hyperboliques que pour la Dame : elle est belle, la peau hâlée par le soleil. Elle prend l’initiative de partir, elle aussi, à la recherche du Puits, rompant avec un amoureux, et d’un commun accord : « J’avais découvert dans mon cœur […] que je n’avais que peu d’amour pour lui […] Il s’était lassé de moi et des miens25. » En chemin elle tombe entre les mains du Seigneur d’Utterbol et parvient non seulement à protéger sa vertu de la concupiscence de ce personnage lascif mais à s’enfuir en dérobant l’armure dorée de son neveu26. Retrouvant Ralph, ils vont tous deux cheminer à la recherche du Puits. À l’occasion, elle monte la garde une épée à la main et affronte, toute nue, un ours sauvage. Souvent elle fait preuve de plus de perspicacité que Ralph, si bien que celui-ci reconnaît qu’« en vérité, tu me mèneras. J’ai toujours été mené par une personne ou une autre depuis que j’ai quitté les Hautsprés27 ». On se souviendra en effet que c’est une Dame Katherine, sa « gossip », ou commère, qui lui apprend tout d’abord l’existence de ce Puits, et que c’est la Dame d’Abondance qui l’entraîne sur cette quête. C’est Ursula qui, par son sens de l’observation, leur évite de boire l’eau empoisonnée qui entoure l’Arbre Sec et qui rompt la torpeur qui paralyse Ralph en inventant un danger imminent. Tous deux connaissent, sous l’égide d’un sage rencontré dans la nature, une véritable initiation qui leur permet de franchir les obstacles et de parvenir au Puits.
27Cette quête offre à Morris l’occasion d’exposer plus précisément ses idées sur la coopération entre hommes et femmes, car durant une grande partie de l’aventure, ils s’entendent pour se comporter en amis, en camarades, même s’ils sont, depuis le début, attirés l’un par l’autre. Si la Dame d’Abondance défunte a bien désigné Ursula comme son héritière (l’appelant en rêve « Dorothéa »), Ralph éprouve toujours un chagrin immense qui se ranime à chaque fois que leurs pas les entraînent dans les lieux qu’il a parcourus avec elle, ou qu’elle a décrits – comme la petite cabane de la sorcière où la Dame a passé toute son enfance. Mais lorsque l’amour se déclare entre eux, Ursula hésite à se donner à lui. Morris rend-il compte des simples pudeurs d’une jeune fille ? Manifeste-t-il là une certaine soumission aux valeurs victoriennes qu’il lui arrivait de combattre par ailleurs ? Ou suggère-t-il qu’Ursula, confrontée au désir violent de ses geôliers et du seigneur d’Utterbol, éprouve comme un choc posttraumatique ? Toutefois, Ralph parvient à maîtriser son désir.
« En vérité, Ralph, tout à l’écoute d’Ursula, pensait qu’elle désirait l’aimer charnellement, et il savait bien, à présent, que nonobstant tout ce qui s’était passé auparavant, il l’aimait corps et âme. Mais subsistait dans son cœur la peur qu’elle ne le rejetât, s’il l’embrassait et la caressait comme il est d’usage entre un homme et une demoiselle. Aussi s’abstint-il, bien que son désir d’elle le tourmentât à l’occasion28. »
28Pour révolutionnaire qu’il soit, et sans doute pour respecter à la fois le contexte médiéval de son monde secondaire ainsi que les convenances victoriennes, Morris envisage un comportement différent, selon que son héroïne est femme d’expérience, comme la Dame d’Abondance, ou jeune fille, comme Ursula. Cette dernière, en effet, ne souhaite appartenir à Ralph qu’à l’issue d’une cérémonie de mariage, certes aux allures païennes, devant le peuple rassemblé de la forêt et rappelant sans doute certains rites de la campagne anglaise :
« Puis Ralph se leva et prit la main d’Ursula, et ils se tinrent debout devant l’ancien et le prièrent, lui et les jeunes gens rassemblés, de témoigner qu’ils étaient unis ; puis ces deux-là embrassèrent les nouveaux venus et gagnèrent la tonnelle nuptiale la main dans la main, à travers la fraîcheur du soir29. »
29On notera que cette « régularisation » a pour effet immédiat d’attiédir chez Ralph l’ardeur de sa quête, car il propose aussitôt à Ursula de rebrousser chemin derechef pour retourner aux Hautsprés, et c’est la jeune femme qui insiste pour qu’il maintienne le cap, suggérant peut-être que le mariage aurait un effet démobilisant sur l’homme.
30Toujours est-il qu’Ursula ne suscite jamais la même ferveur que la Dame d’Abondance. Quand Ralph et la jeune femme, de retour du Puits, passent près de la grotte où repose la Dame, un homme sauvage qui n’est autre que l’ancien Duc des hommes de l’Arbre Sec, que la mort de sa souveraine a rendu fou, s’en prend à Ursula et Ralph est obligé de l’abattre. Si les anciens sujets de la Dame, qui cultivent les terres entourant le Château d’Abondance, veulent bien reconnaître en Ursula la sœur de la défunte, l’un des compagnons de Ralph est péremptoire dans son jugement de valeur : « Ainsi tu t’es trouvé une autre Dame ; et si mes yeux ne me jouent pas des tours, elle est plutôt belle. Mais il en est d’autres d’aussi belles qu’elle ; au lieu que des semblables à celle qui fut notre Dame, il n’y en a point30. » Il reste inébranlable dans son jugement, contrastant la timidité d’Ursula avec l’indomptable fierté et bienveillance de la Dame quand elle fut conduite dans la grande salle du château de Hampton, citadelle des Hommes de l’Arbre Sec en une superbe évocation de l’Éternel féminin triomphant :
« Notre duc la mena céans tout enveloppée dans son manteau écarlate de chevalier, et la conduisit jusque sous le dais ; lors, quand elle y fut, elle se retourna et laissa choir son manteau, et se dressa là, pieds nus, dans sa seule tunique, telle qu’elle avait été jetée en la forêt sauvage, et elle leva les mains et s’écria dans une voix forte et mélodieuse comme celle du merle au mois de mai, “Que Dieu bénisse cette Maison, demeure des hommes vaillants et refuge des malchanceux”31. »
31Nonobstant ces murmures, Ralph entend asseoir Ursula sur le même trône, où elle fait bonne figure, comme l’« image même du début de l’été », et les chevaliers de s’en émerveiller si bien que l’un d’eux chuchote qu’il s’agit bien de leur Dame, revenue parmi eux. Mais l’étude étroite des deux évocations, situées sur la même page, donne néanmoins l’avantage à la première.
32On notera que les femmes, chez Morris, n’accèdent à une réelle indépendance et à son corollaire, la capacité de se défendre physiquement, qu’à l’issue d’une période de troubles. Dans News from Nowhere, la société utopique n’est possible qu’après une véritable guerre civile. Dans le monde du Puits, les femmes des « Wheat-wearers » sont « plus solidement bâties et plus habiles de leurs mains que les autres femmes en général32 » car elles doivent compenser une pénurie d’hommes provoquée par les incursions meurtrières des Hommes de la Ville des Quatre Chemins (Burgers of the Four Friths), et tout naturellement ce sont les hors-la-loi de l’Arbre Sec qui leur apprennent à se battre, les arment, et en font leurs épouses et leurs compagnes.
33Si les fins tragiques d’Ayesha, de Cléopâtre et de la Dame d’Abondance peuvent suggérer les limites que la fin du XIXe siècle impose toujours aux femmes exceptionnelles – sans oublier les impératifs d’un tropisme qui associe étroitement puissance et beauté suprêmes et mort, Éros et Thanatos, le thème de la Femme morte et peut-être une moralité plus explicite chez les auteurs misogynes, celle qui condamne par exemple à la maladie et à une mort précoce et douloureuse les Dames aux Camélias et autres Nanas –, Ursula, avec sa fin heureuse de conte de fées, représente la voie médiane et raisonnable, associant une forme d’indépendance et la conjugalité. N’accédant pas au rang de quasi-déesse comme la Dame, Ursula serait non sans rappeler certaines très jeunes aventurières du temps de son créateur, comme les Américaines Nellie Bly et Elizabeth Bisland, dont la quête du Puits au Bout du Monde fut celle d’effectuer le Tour du Monde en moins de quatre-vingts jours (1889-1890), pour battre le record des héros de Jules Verne, mais qui, l’une comme l’autre, se rangèrent et contractèrent de riches mariages.
34Surgissant dans des œuvres d’imagination et d’aventure où l’on retrouve des lieux communs comme la reine immortelle, objet de passions, ce sont des petites touches qui annoncent une nouvelle vision de la femme. À la même période les beautés alanguies et passives à la Bouguereau peuvent orner encore les saloons dans l’Ouest, mais déjà une Diane grande et musclée, tirant à l’arc, règne sur Manhattan depuis le faîte de la tour de Madison Square Garden ; lors des tournées de Buffalo Bill la petite Annie Oakley fait l’admiration de tous par la précision de son tir à la carabine (trop précise, hélas, comme quand elle coupa net la cigarette du Kaiser alors qu’une erreur tragique aurait épargné des millions de morts). Elle est aussi une ardente propagandiste de la culture physique pour femmes. En Europe, Cléo de Mérode se donne les apparences d’une courtisane, mais en réalité mène une existence bien plus sage et gère son image avec un sens tout moderne, alternant les genres et gardant sous contrôle les clichés innombrables qui se vendent à travers le monde33. Et les suffragettes pour tenir en respect les Bobbies, n’hésitaient pas à s’entraîner au combat rapproché dans la salle de M. Barton-Wright à Londres.
Notes de bas de page
1 Praz M., La chair, la mort et le diable dans la littérature du XIXe siècle, Paris, Denoël, 1977, p. 167 sqq.
2 Villiers de L’Isle-Adam Ph.-A., Isis, Paris, Éditions J. Crès, 1923, p. 18.
3 Huysmans K.-J., À Rebours, Paris, Gallimard, Folio, 1983, p. 285.
4 Voir pour une étude récente, Guillaud L., Henry Rider Haggard, des mines du roi Salomon à la quête du Graal, Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2013.
5 Cité dans Foucrier Ch., Le Mythe littéraire de l’Atlantide (1800-1939), Paris, Ellug, 2004, p. 156.
6 « I gazed at her face and – I do not romance – shrank back blinded and amazed. I have heard of the beauté of celestial beings, now I saw it » (Rider Haggard H., She, London, Hodder and Stoughton, 1886, p. 158-159).
7 « Behold me, lovely as no woman was, or is, undying and half divine ; memory haunts me from age to age and passion leads me by the hand. Evil have I done, and with sorrow have I made acquaintance […] evil shall I do, and sorrow shall I know till my redemption come » (id.).
8 Moins célèbre, et de loin, que She, Cleopatra a été récemment étudié par Panaghis A.-M., The Defeat of Death : A Reading of Sir H. Rider Haggard’s Cleopatra, Peter Lang, 2013.
9 « A Thing of Flame whose passion-breathing beauty shaped the destiny of empires [,] thing of flame like unto which no woman has ever been or ever will be […] Grand as the spirit of storm, lovely as Lightening, evil as Pestilence » (Rider Haggard H., Cleopatra, 1887, rééd. Indo-European Publishing, 2010, p. 6).
10 « For Woman, in her weakness, is yet the strongest force on earth […] But she sits like yonder Sphynx, and smiles, and no man has ever read all the riddles of her smile, or known all the mystery of her heart […] She is thy slave, and yet holds thee captive ; at her touch, honor withers, locks open and barriers fall » (ibid., p. 29).
11 « Think what a thing it is, Harmachis, to be set high above the gaping crowd of knaves who hate thee for thy fortune and thy wit ; who gnash their teeth and shoot the arrows of their lives from the cover of their own obscureness, whence they have no wings to soar ; and whose hearts’ quest is to drag down thy nobility to the level of the groundling and the fool » (ibid., p. 87).
12 « I to marry ! I to forget freedom and court the worst slavery of our sex which, by the selfish wish of man the stronger, still binds us to a bed grown hateful and enforces a service that love mayhap no longer hallows ! Of what use then, to be a Queen ? » (ibid., p. 141).
13 « I am of that sort who, loving once, love always, and being not beloved, go virgin to the death » (ibid., p. 188).
14 « Be a man, and brace these troubles out ».
15 « Though I could destroy these twain, I could not destroy her love » (ibid., p. 211).
16 « As for the women themselves, it was pleasant indeed to see them, they were so kind and happylooking in expression of face, so shapely and well-knit of body, and thoroughly healthy-looking and strong. All were at least comely, and one of them very handsome and regular of feature. They came up to us at once merrily and without the least affectation of shyness, and all three shook hands with me as if I were a friend newly come back from a long journey » (Morris W., News from Nowhere, London, Routledge and Kegan, 1970, p. 11).
17 « Was mostly the idea (a law-made idea) of the woman being the property of the man […] That idea has of course vanished with private property, as well as certain follies about the “ruin” of women for following their natural desires in an illegal way, which of course was a convention caused by the laws of private property » (ibid., p. 68-69).
18 « I was the King, and he the King’s cloak » (Morris W., The Well at the World’s End, New York, Ballantine Books, 1975, p. 173).
19 « Her body was strong and well-knit ; tall she was, with fair and large arms, and limbs most goodly of fashion of which little was hidden, since her coat was both thin and scanty » (ibid., p. 48).
20 « I have seen her as God made her ; and I shall tell thee that when he was about that work he was minded to be a craftsmaster ; for there is no blemish about her at all or anywhere. Her sides are sleek and her thighs no rougher than her face, and her feet as dainty as her hands ; yea, she is a pearl all over, withal she is as strong as a knight, and I warrant her hardier of heart than most knights » (ibid., p. 106).
21 Elle ne se contente pas de se laisser délivrer, mais prend une part active au combat : « Légère comme un léopard, la femme bondit sur la selle à l’arrière de son ennemi, l’enveloppa de ses bras et le tira en arrière au moment où il leva sa hache sur elle, et elle s’écria à l’endroit de Ralph, qui fonçait sur son cheval, “Frappe-le, frappe ! Ô bel enfant de Dieu !” » (« The woman sprang as light as a leopard on to the saddle behind the foeman, and wound her arms about him and dragged him back just as he was raising his axe to smite her, and as Ralph rode forward she cried out to him, “Smite him, smite ! O lovely creature of God !” ») (ibid., p. 47).
22 « Dost thou deem that thou hast done great things, fair child ! Maybe. Yet some will say that thou hast but slain two butchers : and if thou wilt say that thou has delivered me, yet it may be that I should have delivered myself ere long » (ibid., p. 48-49).
23 Ibid., p. 178.
24 « Whereas it might be that this woman on whom he had set his heart was herself no real woman but a devil, and one of the goddesses of the ancient world » (ibid., p. 99).
25 « I had found out in my heart […] that I loved him but little. […] He was weary of me and mine » (ibid., p. 368-369).
26 Le tyran et son épouse pourraient symboliser tous les excès de l’« amour libre » aux yeux de Morris car chacun est en proie au désir et peut s’adonner à ses penchants de son côté. Il est à noter que l’épouse du Seigneur d’Utterbol est malheureuse, désœuvrée, en proie aux errements de son mari et que Morris lui trouve donc des excuses. D’ailleurs, après le meurtre du tyran, elle trouve le bonheur aux côtés de son meurtrier et successeur.
27 « Yea, thou shalt lead me. I have been led by one or another ever since I left Upmeads » (ibid., p. 336).
28 « Sooth to say, Ralph, taking heed of Ursula, deemed tat she were fain to love him bodily, and he wotted well by now, that, whatever had befallen, he loved her, body and soul. Yet still was that fear of her naysay, lurking in his heart, if he should kiss her or caress her, as a man with a maid. Therefore he forebore, though desire of her tormented him grievously at while » (ibid., p. 368-369).
29 « And then Ralph rose up, and took Ursula’s hand, and they stood before the elder, and bade him and the young men bear witness that they were wedded ; then those twain kissed the newcomers and departed to their bridal bower hand in hand through the freshness of the night » (ibid., p. 378-379).
30 « […] thou hast gotten another Lady ; and if mine eyes do not fail me she is fair enough. But there be others as fair ; while the like to our Lady that was, there are none such » (ibid., p. 477).
31 « Our Duke brought her in hither wrapped up in his knight’s scarlet cloak, and went up with her on to the dais ; but when she came thither, she turned about and let her cloak fall to earth, and stood there barefoot in her smock, as she had been cast out into the wildwood, and she spread abroad her hands, and cried out in a loud voice as sweet as the May blackbird, “May God bless this House and the abode of the valiant, and the shelter of the hapless” » (ibid., p. 497).
32 Ibid., p. 480.
33 Voir Garval M. D., Cléo de Mérode and the Rise of Modern Celebrity Culture, Ashgate Publishing, Ltd., 2012.
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