Conclusion
p. 273-274
Texte intégral
1La problématique du risque psycho-socio-organisationnel dépasse largement nos frontières. L’organisation du travail telle qu’elle est impulsée au niveau mondial (mondialisation des échanges, économie de marché dérégulée), européen (positionnement sur la monnaie unique et la compétitivité de ses membres au regard des directives et injonctions supranationales), français (applications des mesures supranationales, place dans le marché mondial, mesures contre le chômage, pour la compétitivité et le coût du travail, capacité à défendre un modèle social compromis), et enfin local, au niveau de chaque entreprise, transforme la relation des salariés avec le travail. L’intensification du travail, la néo-taylorisation touchant de plus en plus de secteurs d’activité (industrie, administration, hospitalier, hôtellerie/restauration, logistique, etc.), que ce soit dans le privé comme dans le public, sont des indicateurs alarmants de la dégradation de la situation du travail en France.
2Souvent considéré à tort comme un risque nouveau, le RPSO a des conséquences sur la santé physique et psychologique des personnes. Afin de le prendre en compte, l’arsenal français est conséquent mais deux insuffisances notables subsistent. Tout d’abord, au niveau législatif français, les réalités que recouvre le RPSO sont appréhendées sur un versant négatif, celui du risque, du stress ou encore du harcèlement. Alors, le législateur encadre, sanctionne et oblige les entreprises à intervenir, nous sommes là dans le registre de la contrainte et de la sanction. Cette approche n’est pas partagée par tous, le législateur belge va plutôt retenir le bien-être au travail, alors que le législateur canadien parlera de santé mentale, en s’intéressant tous deux, aux aspects négatifs et positifs. Selon Bernaud et Lemoine (2012), il y aurait une forme de tendance française à médicaliser l’activité humaine et à concevoir le travail plutôt à partir de ses effets délétères (stress, fatigue, épuisement, maladie) qu’à rechercher des conditions d’une bonne santé au travail. Le focus sur les impacts négatifs et la sanction, en laissant de côté le bien-être et l’incitation, soulève des questions de fond sur lesquelles le législateur français, en partenariat avec les organisations syndicales et patronales, devrait agir. Le développement du fond pour l’amélioration des conditions de travail (FACT), notamment pour inciter les entreprises à favoriser le bien-être au travail, pourrait être envisagé. L’autre limite principale de l’arsenal juridique sur le RPSO est l’absence d’encadrement et de précisions concernant les professionnels de santé intervenants sur le sujet. La commercialisation de la santé des salariés, autour des besoins croissants d’expertise sur le RPSO, nécessite d’être encadrée plus strictement. De nombreux consultants, notamment issus d’écoles de commerce se positionnent tout naturellement sur ce marché en « bricolant » des interventions, sans avoir les connaissances et les compétences nécessaires pour prévenir le RPSO et préserver la santé physique et psychologique des salariés. Souvent génériques et dupliquées d’une entreprise à une autre, les interventions de ces consultants ne sont pas suffisamment contextualisées. Pourtant, les spécificités du contexte de travail nécessiteraient de s’interroger à chaque fois sur la validité des méthodes et outils que l’on envisage d’utiliser afin de définir un plan d’actions de prévention du RPSO qui soit en phase avec les réalités terrain.
3La légitimité des praticiens, psychologues du travail et ergonomes, déjà reconnus au sein des services pluridisciplinaires de santé au travail, devrait être renforcée. Les compétences attendues chez les acteurs de la santé psychologique au travail doivent être encadrées et réglementées. Il nous semble qu’à l’instar de l’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP), une habilitation spécifique pour la prévention du risque psycho-socio-organisationnel pourrait être créée.
4En somme, il est urgent que ce risque et les réalités qu’il recouvre, deviennent une priorité sociétale et sanitaire internationale afin d’agir efficacement sur sa prévention mais aussi sur la préservation du bien-être psychologique. Les impulsions internationales sont nécessaires pour enrayer cette évolution, mais des avancées réglementaires et conceptuelles au niveau national le sont également pour améliorer la prévention du RPSO et la préservation du bien-être psychologique. Cependant, l’essentiel se joue au niveau local, dans chaque entreprise car, comme le rappellent Lachmann et al. (2010), ce sont les salariés qui font la performance de l’entreprise et représentent ainsi la ressource stratégique majeure, dont les dirigeants devraient s’occuper au même titre que des enjeux économiques.
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