Chapitre VII. La notion de carrière chez l’avocat
p. 203-228
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Texte intégral
1Si le recrutement des avocats, leur formation et leurs pratiques professionnelles occupent une place importante dans l’historiographie, les notions de « carrière », de « perspective de carrière », voire de « carriérisme », ne font l’objet pour leur part que de très rares études1. Ces notions seraient-elles étrangères à la profession d’avocat ou leur usage inapproprié ? Sont-elles réservées à certaines professions juridiques comme celle de magistrat, au sein de laquelle il est possible de conduire un véritable parcours professionnel marqué par les changements de postes et les avancements2 ?
2Il nous semble pourtant que les avocats peuvent développer eux-mêmes plusieurs logiques de mobilité professionnelle qu’il ne paraît pas impropre de rattacher à des ambitions de carrière. Même s’ils font historiquement de leur profession un sacerdoce et une vocation, les avocats ne s’avèrent en effet pas étrangers aux volontés de progression hiérarchique (accès à des responsabilités au sein des organes de décision), de diversification professionnelle (ouverture à plusieurs branches du droit, association de compétences), d’enrichissement (par une amélioration des revenus), d’évolution sociale (souhaitée par certains avocats issus de milieux modestes), de réorientation ou de reconversion (démission et choix d’une autre profession), et plus globalement d’aspiration à la réussite. Il est en effet nécessaire de ne pas considérer l’exercice de la profession par chaque avocat comme un tout, mais de le replacer au cœur d’un projet professionnel qui peut le dépasser, et plus largement d’un projet de vie.
3Il convient alors à notre sens d’envisager une réflexion à deux niveaux sur la notion de carrière afin de dégager des pistes de recherche et des interrogations, plus que des conclusions en tant que telles. Il nous intéresse avant tout de savoir si les individus inscrits au barreau de Nantes entre la fin du xixe siècle et les années 1970 envisagent le métier d’avocat comme une finalité en soi ou comme une étape vers un autre exercice professionnel. Le modèle traditionnel d’une carrière longue et fidèle à un barreau, magnifié par la référence aux anciens et les cérémonies organisées à leur intention3, reflète-t-il la réalité ? Il existe indubitablement des « carrières courtes » puisque nombre d’avocats, on l’a vu dans les développements précédents, quittent le barreau de Nantes après un temps d’exercice parfois réduit. Aussi, nous chercherons à évaluer la part des « carrières courtes » et des « carrières longues » en déterminant les durées moyennes des carrières sur les trois quarts de siècle considérés, ainsi que les motifs des fins de carrières. En inscrivant ces résultats dans une chronologie indicatrice de l’évolution des effectifs et des phases d’enfermement ou de réaction traversées par le barreau nantais, nous tenterons de savoir comment évolue le rapport de l’avocat nantais avec son métier. Quel est l’impact du mouvement de professionnalisation débuté dans les années vingt ? Et celui de la précarisation de la profession principalement ressentie après la Seconde Guerre mondiale ? En quoi l’évolution des durées de carrières permet-elle de distinguer les périodes au cours desquelles l’avocat peut ou non envisager de vivre de la profession ?
4Au-delà de la place occupée par l’exercice de la profession d’avocat dans l’ensemble de la vie professionnelle, il nous semble important de nous intéresser dans un second temps aux logiques de carrière internes à la profession elle-même. De prime abord, on peut se demander de quelle carrière l’avocat peut se prévaloir puisque le titre semble renvoyer à un métier unique4. Pourtant, la mobilité de l’avocat, sa capacité à quitter un barreau pour un autre, ne peuvent-elles pas être assimilées à des logiques d’évolution de carrière (même si elles répondent par ailleurs à des contraintes) ? On peut se demander s’il est possible de qualifier un barreau d’« attractif ». En outre, à l’intérieur d’un même barreau, de nombreuses logiques évolutives se dessinent : accession au conseil de l’ordre, au bâtonnat, à l’exercice en association (dès que cela sera possible), à des responsabilités dans les organes régionaux ou nationaux de la profession (Conférence des bâtonniers, Association nationale des avocats, Union des jeunes avocats). Notre objectif n’est pas ici de prétendre établir une hiérarchie des différentes positions mais plutôt de s’interroger sur la déconstruction progressive d’un « fait hiérarchique », en se plaçant dans la voie de la réflexion ouverte par Lucien Karpik pour la fin du xxe siècle5. Au début du siècle, la hiérarchie interne à la profession d’avocat semble figée par la tradition et les fonctions de membres du conseil et de bâtonnier dévolues aux « héritiers ». Pourtant, l’émergence des syndicats, la diversification des domaines du droit et la possibilité d’un exercice en association paraissent bousculer l’ordre hiérarchique établi et permettre aux avocats issus des milieux plus modestes de choisir des parcours hétérodoxes qui les conduiront à occuper des places d’importance. Pouvons-nous observer dans les trois premiers quarts du xxe siècle les signes laissant présager l’hypothèse émise par Lucien Karpik d’une différenciation entre des parcours orthodoxes et des parcours hétérodoxes conduisant à une redistribution des responsabilités et à une certaine remise en question du principe d’inégalité des chances en fonction des origines socioprofessionnelles ? Sur la question d’une inégalité, les femmes peuvent-elles mener une carrière au barreau ? Accèdent-elles au conseil de l’ordre ou au bâtonnat ?
La profession d’avocat : étape ou finalité ? Le modèle de la carrière longue en question
5S’interroger sur les carrières consiste, dans un premier temps, à évaluer leur durée en essayant de déterminer si le métier d’avocat, exercé au barreau de Nantes, constitue généralement une carrière en lui-même ou bien s’il n’est qu’une étape de la vie professionnelle des avocats. Il convient donc de mesurer la durée moyenne des carrières et l’évolution de ces durées dans le temps. En commençant ce travail sur les carrières, nous avons émis une hypothèse qui postulait qu’à la fin de la période (années soixante et soixante-dix), les carrières qui s’achèvent sont plus longues que dans les décennies précédentes. La démarche entend soumettre cette hypothèse à l’analyse et comprendre les raisons de cette évolution qui s’avère bien plus complexe qu’il n’y paraît. Faut-il interpréter l’allongement des carrières comme l’unique conséquence des effets de la professionnalisation et considérer qu’il est alors possible de vivre de la profession sans l’envisager uniquement comme une passerelle vers un autre métier ? Il nous semble que cette explication ne peut en aucun cas se suffire à elle-même.
6Il est certes nécessaire de prendre en considération le mouvement de professionnalisation progressive à partir de la fin de la Première Guerre mondiale, mais aussi celui d’une précarisation importante de la profession déjà en germe et qui se révèle dans les années quarante et cinquante, ainsi que la volonté de réaction du barreau destinée à endiguer la crise à compter du milieu des années soixante. De plus, il faut impérativement replacer ces étapes dans un contexte d’effondrement des effectifs après la Seconde Guerre mondiale, de vieillissement flagrant de la population du barreau puis de relance du recrutement et de renouvellement. Enfin, nous devons déterminer, autant que possible, les raisons pour lesquelles les avocats quittent la profession (décès, retraite, choix d’une autre profession, transfert, radiation, raisons familiales). En fonction du moment auquel ces raisons interviennent (par exemple : l’avocat démissionne-t-il pour la magistrature en début ou en fin de carrière ?) et de leur concentration chronologique (par exemple : existe-t-il des périodes au cours desquelles les démissions pour la magistrature sont plus nombreuses ?), nous essaierons de savoir, selon les périodes, quel rapport l’avocat entretient avec sa profession (une étape ? un tremplin ? une finalité ? un refuge ?).
7Afin de conduire cette réflexion, notre choix s’est porté sur une démarche chronologique visant à comprendre en quoi les évolutions des durées de carrières et les raisons de leur achèvement s’analysent au regard des phases importantes traversées par le barreau de Nantes. Nous avons distingué quatre périodes : 1897-1917, 1918-1938, 1939-1959 et 1960-1976. Remarquons qu’elles sont d’inégale durée : 21 ans pour les trois premières, 17 ans pour la quatrième. Certes, nous aurions pu proposer un découpage avec quatre intervalles de 20 années chacun et ainsi baser nos calculs sur échantillons prélevés au cours d’un nombre d’années identique mais cette option arbitraire ne se serait montrée pertinente que sur un plan mathématique. En effet, elle n’aurait pas été judicieuse quant à l’évolution de l’histoire du barreau (moments d’effondrement des effectifs, après-guerres difficiles, mouvements de réaction et de renouvellement). Aussi, afin d’éviter toute analyse erronée, nos calculs ont fait l’objet d’une vérification en moyenne annuelle.
8Sur les 499 avocats inscrits au barreau de Nantes entre 1897 et 1976, nous sommes parvenus à déterminer la durée de la carrière pour 356 d’entre eux. Sur ces 356, nous avons décidé de prendre en compte ceux qui quittent le barreau de Nantes entre 1897 et 1976, soit 325 individus : 90 entre 1897 et 1917, 99 entre 1918 et 1938, 86 entre 1939 et 1959 et 50 entre 1960 et 19766. Si nous avons choisi de ne pas baser nos calculs sur les avocats qui s’inscrivent au barreau dans une période donnée, c’est que nous pensons que les proportions auraient été faussées, étant donné que certains avocats inscrits à ces dates exercent encore aujourd’hui. Il nous semble qu’organiser la réflexion sur une analyse comparative de quatre groupes d’avocats qui terminent leur carrière nantaise dans les périodes circonscrites, permet de travailler sur une base identique pour chaque coupe. Nous avons alors déterminé des catégories de durée de carrière, en fonction des années de barreau effectuées à Nantes, par tranches de 5 ans : moins de 5 ans, 5-9 ans, 10-14 ans, 15-19 ans, 20-24 ans, 25-29 ans, 30-34 ans, 35-39 ans, 40-44 ans, 45-49 ans, plus de 50 ans. Dans nos explications, certaines appellations regroupent plusieurs de ces catégories : « carrières très courtes » (moins de cinq ans de barreau), « carrières courtes » (moins de quinze ans), « carrières intermédiaires » (entre quinze et quarante ans), « carrières longues » (plus de quarante ans) et « carrières très longues » (plus de cinquante ans).
9Pour les 325 avocats qui constituent notre corpus, nous avons cherché à connaître le motif de la fin de carrière à Nantes. Nous sommes parvenus à le déterminer pour 260 individus – 80 % – : 10 radiations ou omissions, 46 décès et 204 démissions. Lorsqu’elle n’est pas subie (décès, radiation, omission), la cause première de départ est le choix d’une autre profession (55 % des démissionnaires) qu’elle soit juridique (magistrat, avoué) ou non (autre profession rémunérée incompatible avec l’exercice de la profession d’avocat). Les motifs invoqués sont ensuite les demandes de transferts (18,5 % des démissionnaires), les raisons personnelles ayant trait le plus souvent à la famille, aux conditions financières ou à la santé (16,5 %) et les départs en retraite (10 %). Ces chiffres généraux permettent de prendre connaissance des raisons de fin de carrière à Nantes pour l’ensemble de la période. Ils ne seront pas utilisés comme tels dans l’analyse qui va suivre mais affinés pour chaque catégorie (par exemple : quelles professions l’avocat démissionnaire choisit-il en priorité ?) en fonction de la chronologie (par exemple : à quelle période les démissions vers la magistrature sont-elles les plus nombreuses ?) et des durées de carrières (par exemple : quel est le premier motif de départ des avocats qui quittent la carrière avant cinq années de barreau ?).
Graphique 10. – Motifs des démissions du barreau de Nantes (1897-1976).

1897-1917. L’équilibre du début de siècle
10La période 1897-1917 présente un barreau assez équilibré au sein duquel le renouvellement est suffisant pour permettre d’alimenter le tableau tout en laissant le stage servir de creuset à d’autres professions juridiques et judiciaires. Les « carrières très courtes » (moins de 5 ans de barreau) représentent près du 1/3 des fins de carrières. Ce chiffre ne paraît pas excessif si l’on considère que les premières années d’exercice, en l’occurrence les années de stage, constituent un tronc commun permettant l’accès à d’autres professions et principalement celles de magistrat ou d’avoué7. Entre 1897 et 1907, les départs pour la magistrature s’effectuent pour la majorité d’entre eux avant les 5 premières années de barreau (c’est le cas de 5 des 8 avocats qui quittent le barreau pour la profession de magistrat). La reprise d’une étude d’avoué a lieu quant à elle généralement après quelques années d’exercice au tableau (souvent entre 5 et 15 ans) car elle semble demander à la fois une meilleure connaissance du monde judiciaire mais aussi l’attente d’une place car les avoués, officiers ministériels qui achètent leur charge, sont en nombre limité8. Sur les onze avocats qui deviennent avoués entre 1897 et 1917, trois quittent le barreau avant 5 ans d’exercice et 6 entre 5 et 15 ans.
11C’est également au cours des 15 premières années que s’effectue souvent le choix d’une autre profession rémunérée incompatible avec la profession d’avocat. Les parcours révèlent d’ailleurs une importante diversité qu’il nous semble intéressant de remarquer. Alors qu’Alain Mollat s’installe en tant qu’agent de commerce après seulement quelques mois de stage, Henry Daupeley devient, pour sa part, greffier après deux années de barreau. Quatre ans après son inscription au stage, Joseph Mérie de Bellfon quitte Nantes pour travailler au consulat général de France à Constantinople. C’est onze ans après son admission qu’Albert Rondeau devient quant à lui secrétaire général de la ville de Nantes. Maurice Daron opère pour sa part une reconversion totale et se lance dans l’industrie en acceptant le poste de directeur des Tanneries Laurent Desbois après 13 années d’exercice de la profession d’avocat. Autre cas, celui de Claude Liancour qui après s’être confronté pendant 15 ans comme avocat aux problèmes posés par le droit maritime et commercial, enseigne désormais cette matière à l’université.
12Entre 1897 et 1917, bien que les départs vers d’autres professions soient les motifs les plus nombreux des fins de carrières courtes, il faut néanmoins considérer le cas des transferts. Certains avocats décident de quitter, non pas la profession d’avocat, mais le barreau. Ces départs interviennent généralement avant 10 ans de barreau et le plus souvent au cours du stage. Ils sont motivés par deux raisons principales : les motifs familiaux (déménagement, mariage) et la volonté de suivre un stage dans un barreau de cour d’appel. Le barreau le plus prisé par les demandes de transfert est celui de Paris (5 avocats sur les 9 entre 1897 et 1917). Les départs pour une autre profession et les demandes de transfert permettent en partie d’expliquer que la part des « carrières courtes » (moins de 15 ans de barreau) soit aussi élevée (70 % des carrières qui s’achèvent). L’exercice de la profession d’avocat à Nantes apparaît donc, pour de nombreux démissionnaires, comme une étape permettant d’accéder à une autre situation professionnelle ou à une délocalisation du lieu d’exercice.
13Pour autant, ces nombreuses carrières courtes portent-elles préjudice au fonctionnement du barreau lui-même ? Il semble que non, et ce pour plusieurs raisons. Avant tout parce que les 90 fins de carrières qui ont lieu à Nantes entre 1897 et 1917 sont largement compensées par 139 admissions au barreau et que le taux de renouvellement est élevé. Outre le fait que les effectifs augmentent, 66 nouveaux avocats sont inscrits en 1914 qui ne l’étaient pas en 1897. Le barreau paraît donc remplir une double fonction : permettre une formation pour les jeunes stagiaires qui poursuivent dans une autre voie et alimenter le tableau. Les « carrières longues », même si elles sont assez peu nombreuses, témoignent de la présence d’anciens qui font montre d’une longévité professionnelle souvent érigée en exemple à l’attention des jeunes avocats. La part assez importante des carrières « intermédiaires » – entre 15 et 40 ans d’exercice – (près du 1/4) reste une « zone tampon » entre les « extrêmes », expliquée majoritairement par les démissions pour raisons familiales ou de santé. Cependant, il ne s’agit pas de présenter un tableau idéal de la profession au début du siècle. En effet, les départs sont parfois contraints par la difficulté rencontrée par de jeunes avocats à vivre de la profession. Ainsi, Alain Mollat, Edmond Bouquet et Léon Gaillard précisent-ils au bâtonnier qu’ils quittent le métier d’avocat car leur situation est trop précaire9. L’exercice de la profession à Nantes constitue à la fois une étape pour de nombreux jeunes avocats et également une voie longue pour ceux d’entre eux qui peuvent assumer les faibles revenus que procure l’exercice du métier dans les premières années. Le renouvellement des effectifs du stage permet au barreau de maintenir ses effectifs (et même de les augmenter) et de fournir le tableau.
14Bien que les fins de carrières soient principalement caractérisées par des démissions, il nous est nécessaire de prendre en considération, pour les années 1897 à 1917, le nombre important de décès durant cette période (18) qui représente plus du quart des causes de fins de carrières. Ce chiffre important s’explique, d’une part, parce que quelques jeunes gens, plus que dans les périodes suivantes, décèdent de maladie. C’est le cas de Joseph La Rigaudelle du Buisson ou de Marcel Hervé, tous deux morts avant trente ans en 1910 et 1911. D’autre part, parce que le barreau nantais paie un lourd tribut à l’effort de guerre en déplorant la disparition de six jeunes avocats entre 1914 et 1917. Près de la moitié des avocats nantais décédés en cours de carrière le sont avant 15 années de carrière. Précisons même que les décès intervenus avant 5 ans de carrière représentent près d’un quart des décès enregistrés pour l’ensemble des carrières courtes. La période de guerre fausse donc quelque peu la donne et masque pour partie l’équilibre qui existe en ce début de siècle et ce que l’on aurait observé de manière plus flagrante pour les années 1897-1914. Par ailleurs, si ces décès ont un effet sur les constatations dressées sur la durée des carrières, ils sont avant tout essentiels à la compréhension de la situation caractéristique des années vingt.
1918-1938. Raccourcissement des carrières et reprise du recrutement
15Les années d’après Première Guerre mondiale – nous l’avons montré dans un développement précédent – présentent un barreau vieilli par le conflit, qui connaît une chute édifiante des effectifs jusqu’en 1922, année à partir de laquelle s’opère un redressement qui devient effectif dans les années trente. Malgré ce creux dans les effectifs, il s’avère que le nombre d’admissions au barreau (et donc de débuts de carrière à Nantes) se maintient globalement au même niveau que pour la période précédente – 140 débuts de carrière entre 1918 et 1938 contre 139 entre 1897 et 1917. C’est-à-dire que la relance du recrutement dans les années trente, sur fond d’un mouvement de professionnalisation amorcé depuis la fin du premier conflit mondial, compense la situation difficile de l’immédiat après-guerre. Toutefois, si le nombre de débuts de carrière à Nantes stagne, celui des départs du barreau connaît une légère hausse – il passe de 90 à 99 entre les deux coupes. Ce n’est alors pas tant l’évolution du nombre des sorties du barreau qu’il faut observer que celle de la durée des carrières.
16Bien que la part des « carrières courtes » (inférieures à 15 ans de barreau), reste identique à celle qu’elle représentait au cours de la période précédente (70 % de l’ensemble), nous remarquons qu’à l’intérieur de cette catégorie, la part des « carrières très courtes » (moins de cinq ans) augmente sensiblement au détriment de celle des carrières comprises entre 5 et 14 ans qui diminue d’autant. Désormais, près de la moitié des avocats qui quittent le barreau le font après un exercice inférieur à 5 années. Aucun facteur exceptionnel extérieur à la seule volonté des jeunes avocats de mettre un terme à leur exercice professionnel n’intervient pour cette période – aucun décès prématuré. Ce sont les départs pour la magistrature qui connaissent une hausse importante. Ils ont plus que doublé entre les deux périodes. Sur les 18 démissionnaires qui briguent la magistrature, 15 quittent le barreau de Nantes avant cinq ans d’exercice, et 12 entre 1920 et 193010. De même, sur les 12 avocats qui deviennent avoués, ils sont 9, au cours des années vingt, à prendre leur décision avant la fin du stage. Cela semble confirmer que les années de l’immédiat après-guerre correspondent à une période difficile d’exercice de la profession d’avocat au cours de laquelle le fait de franchir les premières années de stage devient une gageure, d’où la hausse des démissions vers des professions moins précaires. Les départs vers d’autres professions rémunérées, incompatibles avec celle d’avocat, augmentent également et se situent pour la majorité d’entre eux dans la décennie 1920-193011. Les transferts eux-mêmes connaissent une légère hausse. Les demandes concernent soit des barreaux proches mais dans lesquels le nombre d’avocats est moins important (La Roche-sur-Yon, Saint-Nazaire, Poitiers), soit des barreaux de cour (Rennes, Paris), soit, et cela représente la moitié des cas, des barreaux plus éloignés vers lesquels les jeunes avocats suivent leur famille (Toulon, Bastia, Pau, Bordeaux, La Seyne-sur-Mer, Papeete).
17La situation difficile traversée par le barreau au cours des années vingt se ressent donc nettement dans l’analyse de la durée des carrières et des raisons de leur achèvement. La hausse du nombre de « carrières très courtes » semble en être un des effets les plus visibles. De plus, il nous faut noter que si les carrières de moins de cinq ans augmentent, celles de plus de 40 ans, dans une proportion toute différente évidemment, font de même. C’est d’ailleurs la part des « très longues carrières » (plus de 50 années) pour laquelle on relève la hausse la plus sensible (2 en 1897-1917 ; 6 en 1918-1938). Inscrits à Nantes depuis les années 1860-1870, certains anciens témoignent de la possibilité de mener de longues carrières. Mais on peut aussi penser que la hausse de la durée des carrières complique la tâche des jeunes avocats, étant donné que les effectifs ne connaissent pas de poussée significative et que le volume des affaires traitées stagne, voire diminue légèrement au cours de la période.
18La relance et l’ouverture du recrutement, caractéristiques des années trente, permettent visiblement de juguler l’hémorragie des années vingt puisque les démissions après des « courtes » voire « très courtes » carrières nantaises diminuent largement entre les deux périodes (50 entre 1918 et 1930, 21 entre 1931 et 1938). La grande difficulté ressentie par les jeunes avocats dans l’exercice de la profession et le départ vers un exercice professionnel plus sûr (magistrat, avoué, autre) semble moins être de mise lors du renouvellement des années trente. Toutefois, les années d’entre-deux-guerres laissent imaginer ce que peut être le résultat d’une situation critique mal maîtrisée.
1939-1959. Avocat : un avenir trop incertain
19Les années 1939 à 1959 sont caractérisées par une augmentation sensible des « carrières très courtes » : si près d’1/3 des avocats qui terminent leur carrière avant la Première Guerre mondiale quittent la profession avec moins de cinq années d’exercice, ils représentent plus de la moitié de ceux qui achèvent leur carrière dans les années quarante et cinquante. Cette hausse pose d’autant plus de questions que les effectifs, quant à eux, diminuent nettement et que, par conséquent, le nombre des débuts de carrières s’effondre.
Graphique 11. – Débuts et fins de carrières des avocats nantais (1897-1976).

20Au cours de ces vingt années, même si 86 avocats quittent le barreau de Nantes contre 99 pour les années 1918-1938, ils ne sont que 52 à s’y inscrire soit près de trois fois moins que pour la période précédente. Alors que la part des carrières de moins de 15 ans diminue très légèrement, celle des carrières de moins de cinq ans continue d’augmenter. Par conséquent, malgré le fait que les entrées soient moins nombreuses, les avocats quittent la profession de plus en plus rapidement. L’exercice du métier dans les premières années de barreau, s’il est une passerelle vers d’autres professions, semble plus que jamais devoir s’interpréter comme une période difficile qui ne conduit pas facilement à une intégration au tableau. D’ailleurs, de moins en moins de jeunes juristes espèrent faire carrière au barreau étant donné la grande précarité dans laquelle se trouvent les stagiaires. Bien que les décès connaissent à nouveau une augmentation notable (14 décès dont 6 au cours de la guerre), les démissions pour la magistrature, une étude d’avoué, d’autres professions ou un autre barreau, se maintiennent à un niveau important et ce malgré la chute des effectifs. Quinze des seize avocats qui quittent le barreau pour un poste de magistrat le font entre 1939 et 1950 et quatorze d’entre eux alors qu’ils comptent moins de cinq années d’exercice. Six des sept avocats qui deviennent avoués ou clercs d’avoués démissionnent également au cours de cette décennie. Six des dix avocats qui s’engagent dans une autre profession quittent eux aussi le barreau avant 1950. Pour les transferts, la proportion entre les périodes est là encore respectée : huit démissions entre 1939 et 1950 et une entre 1950 et 1959.
21Les années quarante et cinquante sont marquées par de très nombreuses démissions dans les premières années de barreau. Cette désertion des rangs du barreau et le rapprochement de plus en plus avéré entre la date d’inscription et la date de démission, confirment pour partie l’hypothèse que nous avions posée qui postulait que les années de guerre et surtout d’après-guerre constituent une période au cours de laquelle l’exercice de la profession devient particulièrement délicat. Si les années cinquante comptent moins de démissions, c’est avant tout parce que les inscriptions sont fort peu nombreuses, que la part des stagiaires diminue et donc que les potentiels démissionnaires sont eux-mêmes en nombre très réduit.
22À l’instar des « carrières très courtes », les carrières longues connaissent une augmentation notable12. Que pouvons-nous en déduire ? Avant tout, que le mouvement de professionnalisation concrètement en marche depuis les années vingt, consacre la possibilité de mener de plus longues carrières. Une fois franchie l’étape du stage et des premières années de tableau, il semble que l’avocat puisse envisager de vivre de sa profession. Mais l’analyse ne doit pas s’en tenir à cette première constatation. En effet, on doit aussi remarquer que si les carrières sont de plus en plus longues, c’est que l’éventualité de terminer une carrière précocement diminue en même temps que le nombre de jeunes avocats. Cette augmentation simultanée des extrêmes laisse donc supposer que le barreau des années quarante et cinquante est scindé entre un barreau assez âgé d’avocats majoritairement établis qui gère quasiment seul le volume d’affaires et les jeunes générations qui parviennent difficilement à s’installer, à franchir l’étape du stage, à se constituer une clientèle et à vivre de la profession. Cette évolution, caractéristique de la position traditionaliste occupée par le barreau dans les vingt années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, pourrait laisser présager un effondrement important, la désertion des rangs du stage entraînant progressivement une asphyxie de la profession. Ce n’est pourtant pas ce à quoi l’on assiste à partir du milieu des années soixante.
1960-1976. La domination des carrières longues. Le double sens du revirement
23La période 1960 à 1976 marque une profonde modification de l’évolution constatée depuis le début du siècle. En effet, sur les avocats qui terminent leur carrière au cours de cette phase, la moitié met fin à un exercice professionnel de 40 années et plus. Les carrières « très courtes » ne représentent plus que 22 % de l’ensemble contre 53 % pour la période précédente. Les avocats terminant une carrière de 50 ans et plus sont aussi nombreux que ceux qui quittent la profession avant cinq années d’exercice, alors que le rapport était de 1 pour 10 dans les années trente à cinquante. Tout semble se jouer à nouveau entre les extrêmes puisque les carrières intermédiaires représentent une part quasi équivalente, que ce soit pour les années quarante et cinquante ou les années soixante et soixante-dix (entre 11 % et 12 %).
24Le changement de cap est brutal entre la situation que connaissent les vingt années d’après Seconde Guerre mondiale et celle qui caractérise les années soixante et soixante-dix. Comment l’expliquer ? Cela témoigne-t-il d’un regain d’intérêt soudain pour la profession ou d’une amélioration des conditions d’exercice ? Les voies ouvertes par le bâtonnier Chéreau et ses successeurs à compter du milieu des années soixante sont-elles à ce point remarquables ? Ne faut-il pas également considérer que le très faible nombre d’avocats inscrits et l’extinction progressive de la profession à la fin des années cinquante est un élément explicatif à prendre en considération ?
25Ce qui constitue au premier abord un revirement de situation dans les années soixante et soixante-dix nous semble être finalement la suite logique de l’effondrement que connaît le barreau au niveau de ses effectifs depuis les années cinquante. Nous constatons que la moitié des avocats qui terminent leur carrière entre 1960 et 1976, quittent le barreau après au moins quarante années d’exercice de la profession (ils sont 11, rappelons-le, à avoir accumulé plus de 50 années de barreau). Ce chiffre ne doit pas nous faire conclure trop rapidement qu’une augmentation significative de la durée des carrières à la fin de la période serait la preuve d’un rétablissement de l’équilibre favorable à la pérennité du barreau, et ce pour deux raisons indissociables. Si la part des « carrières longues » est aussi importante dans les années 1960-1976, c’est notamment parce que les avocats âgés représentent au début de la période la grande majorité des inscrits. La moyenne d’âge du barreau atteint 51,6 ans en 1964. N’oublions pas que le renouvellement a été très faible au cours de ces années puisque sur les 49 avocats au barreau de Nantes en 1964, 2/3 l’étaient déjà en 1938. Très logiquement et inversement, si la part des « carrières très courtes » connaît une telle diminution c’est qu’il n’y a plus de jeunes avocats au barreau de Nantes. Le ralentissement progressif des inscriptions, tout au long des années cinquante, a conduit à une désertion du stage. Aucun avocat de moins de 30 ans n’est inscrit en 1964. Ces remarques faites, la situation des années soixante et soixante-dix semble, avant tout, devoir être considérée comme le fruit de la dégradation de la situation dans les années précédentes : barreau âgé, effectifs en diminution, essoufflement de la profession dont les membres âgés qui démissionnent après de longues carrières témoignent tout autant des effets de la professionnalisation que de ceux de la précarité de l’exercice pour les jeunes stagiaires.
26Cependant, si la période 1960-1976 connaît le plus important effondrement des effectifs depuis le début du siècle, elle est également caractérisée par la réaction et la relance du recrutement. On vient de dire que les jeunes inscrits sont inexistants en 1964 mais on sait également que, suite au mouvement de réaction imprimé à compter du milieu des années soixante, et dans un contexte de la fusion des avocats et des avoués au sein d’une nouvelle profession consolidée et plus attractive, les effectifs connaissent une hausse importante puisque près de 30 avocats s’inscrivent entre 1970 et 1976. Le stage du barreau de Nantes connaît à nouveau l’affluence et recense un nombre de stagiaires aussi important qu’avant chacune des deux guerres mondiales. Pourtant le nombre et la part des « carrières très courtes » n’ont jamais été aussi faibles depuis le début du siècle. Il semble donc que les conditions d’exercice permettent désormais d’envisager le métier d’avocat comme une profession durable. Certes, certains stagiaires quittent la profession pour la magistrature comme sur l’ensemble du siècle, mais ils paraissent bien moins nombreux à fuir au cours ou à l’issue du stage devant les impossibles conditions d’exercice. Même si le barreau porte les stigmates de la dégradation progressive de la situation jusqu’au milieu des années soixante, il semble que la prise en considération de la situation des stagiaires, la volonté de renouvellement et les réflexions menées sur la profession au niveau local et national paraissent suivies d’un engouement nouveau pour le métier d’avocat.
27Une étude pour les années 1980 et 1990, au cours desquelles les effectifs poursuivent leur augmentation régulière (113 inscrits en 1980, 151 en 1990), montrerait alors vraisemblablement un allongement progressif de la carrière. La hausse des effectifs dans de telles proportions, même si elle témoigne de l’augmentation progressive des nouveaux inscrits, semble révéler également une possibilité de plus en plus avérée de l’exercice du métier dans une perspective de carrière.
En guise de bilan
28Pour l’avant-Première Guerre mondiale, l’importance du nombre des carrières de moins de cinq années est due au fait que le barreau prépare pour partie au métier de magistrat, d’avoué et indirectement à d’autres situations professionnelles. Tant que le renouvellement des effectifs est assuré, cette situation ne pose pas de problème majeur et permet une alimentation suffisante du tableau. Ainsi, une part importante de jeunes avocats envisagent une « réorientation professionnelle » tandis que les autres grossissent les rangs du tableau et permettent alors aux effectifs de se maintenir. Par contre, la hausse du nombre de fins de carrière et principalement des « carrières très courtes » après la Première Guerre mondiale alors que les admissions se maintiennent, témoigne d’une certaine difficulté à exercer la profession principalement dans l’immédiat après-guerre ce qui explique une augmentation des démissions au cours de cette période. Le redressement des années trente et la relance du recrutement permettent de retrouver le cap.
29Les années 1939-1959 révèlent quant à elles une situation bien plus problématique. En effet, si le nombre des fins de carrières et surtout des carrières de moins de cinq ans continue d’augmenter, celui des admissions connaît une chute sans précédent. L’exercice de la profession se limite donc souvent à quelques années difficiles qui débouchent sur des changements de voies et plus généralement sur des abandons. Si bien qu’à la fin des années cinquante, les avocats qui terminent leur carrière justifient, pour quelques-uns, d’un grand nombre d’années d’exercice et pour la majorité de quelques années. L’effondrement se poursuit au début des années soixante. La majorité des avocats est âgée et la liste du stage réduite à peau de chagrin. Toutefois, l’attention portée aux stagiaires à compter de 1965 ainsi que la redéfinition des objectifs de la profession, concrétisée par la fusion avec les avoués doublée des initiatives locales, relance le recrutement. Dans la première moitié des années soixante-dix, les effectifs sont aussi nombreux qu’au début du siècle ou qu’à la fin des années trente. Pourtant, le nombre des « carrières très courtes » ne connaît pas de hausse forte. On en déduit donc que si la profession continue de fournir la magistrature et les autres professions juridiques ou judiciaires, il est également possible pour le jeune avocat d’envisager une carrière au barreau.
Faire carrière comme avocat
30Il nous semble qu’examiner les parcours de certains avocats au cours de leur exercice professionnel au barreau de Nantes conduit avant tout à admettre que l’avocat peut faire des choix de carrière. Le fait de porter un titre unique, celui d’avocat, masque la réalité d’une hiérarchie interne à la profession – qui se décline en plusieurs formes, nous y reviendrons – au sein de laquelle l’avocat peut ou non évoluer, selon qu’il aspire à une réussite économique, professionnelle ou personnelle. Il n’est pas cantonné, comme on serait tenté de le croire au premier abord, dans une sphère professionnelle figée mais peut changer de lieu d’exercice (mobilité géographique), occuper des responsabilités au sein des organes décisionnels de la profession, associer ses compétences à celles d’autres confrères, ou bien envisager des changements de spécialité juridique en évaluant l’intérêt porté par les justiciables aux différents domaines du droit.
31Autour des choix de carrière, nous privilégierons trois pistes de réflexion. La première concerne le choix de la mobilité effectué par les avocats intégrant le barreau de Nantes au cours de leur exercice professionnel. La seconde s’interroge sur le rapport entre les logiques de carrières menées par les avocats et leurs origines socioprofessionnelles. Les individus issus de « couches nouvelles » ou « inférieures » ne s’engagent-ils pas dans des parcours hétérodoxes qui leur permettent finalement d’occuper des fonctions de premier plan ? La troisième considère plus particulièrement la place occupée par les femmes au barreau de Nantes.
Les rares transferts en direction du barreau de Nantes
32Ce développement se veut directement l’écho de l’analyse précédente et se situe à la frontière entre le questionnement sur la place de la carrière d’avocat dans la globalité de la carrière professionnelle, et celui qui s’intéresse aux logiques de carrières que l’avocat peut engager au cours de son exercice professionnel. Bien que l’interrogation principale du paragraphe précédent porte sur le rapport de l’avocat à son métier en fonction de la durée de sa carrière et des motifs de son interruption, nous nous sommes demandés dans quelle mesure le barreau de Nantes pouvait ne pas constituer le premier choix de carrière. Combien d’avocats intègrent le barreau de Nantes après avoir déjà commencé l’exercice de la profession au stage ou au tableau d’un autre barreau ? Combien d’inscrits au barreau nantais ont exercé une autre profession que celle d’avocat avant leur arrivée à Nantes ? Quelle est leur provenance géographique ? Comment évolue dans le temps le nombre de recrutements d’avocats ayant déjà démarré un autre exercice professionnel ?
33Sur les 499 avocats de notre corpus, 415 s’inscrivent au barreau de Nantes entre 1897 en 1976. Sur ces 415 inscrits, nous avons identifié seulement 80 avocats intégrant le barreau de Nantes alors qu’ils étaient en cours de stage ou déjà inscrits au tableau d’un autre barreau, ou bien qu’ils exerçaient une profession autre que celle d’avocat, soit 19,3 % du corpus des avocats inscrits entre 1897 et 1976. Sur les 80 avocats, 9 intègrent le barreau de Nantes après avoir exercé une autre profession que celle d’avocat. On compte un avoué13, un sous-inspecteur d’assurance, un militaire, un magistrat, un expert-comptable, un employé de bureau, un comptable, un chargé de conférence et un directeur de cabinet d’affaires. Notons que ces hommes sont pour la moitié d’entre eux originaires de Nantes ou des environs et exercent leur profession à Nantes. Pour les autres : Me Angéli (militaire) est originaire de Corse mais s’est installé en Loire-Inférieure, Me Antoine, né à Montpellier, est chargé de conférence à Rennes, Me Brunetau, natif des Sables-d’Olonne, dirige un cabinet d’affaires à La Rochelle, et Me Mabille du Chène, né à Angers, est avoué à La Flèche. Même s’ils ne travaillaient pas à Nantes, ces quatre hommes exerçaient leur profession dans des villes peu éloignées. De plus, notons que 8 sur les 9 réalisent leur intégration au barreau de Nantes avant 1930. Les conditions du passage d’une profession autre que celle d’avocat à l’inscription au barreau de Nantes tiennent par conséquent au lieu d’exercice de la profession (proximité) et à la période (principalement au début du xxe siècle).
34Ces conditions sont identiques pour les 71 avocats qui intègrent le barreau de Nantes après un passage au stage ou au tableau d’un autre barreau. La majorité d’entre eux arrive en cours de stage (50) et une minorité intègre directement le tableau (21). Les barreaux desquels ils proviennent sont presque essentiellement des barreaux proches voire très proches (64 sur 71) : Angers, La Roche-sur-Yon, Les Sables-d’Olonne, La Rochelle, Laval, Rennes, Lorient, Vannes, Paris, Caen, Poitiers ou Saintes. Notons que l’essentiel de la cohorte est fourni par les barreaux de Rennes (14 individus) et de Paris (23 individus). Ils sont peu nombreux à venir de plus loin (7 sur 71) : Bastia, Clermont-Ferrand, Limoges et Lille, ou hors du territoire français, Casablanca, Constantine, Alger.
Carte. – Barreaux de provenance des avocats intégrant le stage ou le tableau nantais (1897-1976).

35Outre la proximité, on remarque là encore que la très grande majorité de ces transferts en direction de Nantes a lieu au début de la période et principalement dans les années 1897-1917. En effet, si l’on observe l’évolution dans le temps du nombre des intégrations en cours de carrière, on constate que ce nombre est divisé par cinq entre 1897-1917 et 1960-1976. Une première hypothèse consisterait à dire que l’augmentation des exigences de formation au cours du xxe siècle permet moins facilement d’intégrer le barreau et surtout d’envisager une réorientation. Alors que seule la licence en droit suffit jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, il faut rapidement justifier, dès les années vingt, d’une formation préalable au stage puis d’un certificat. L’effondrement du nombre de transferts « entrants » pour les années 1939-1959 paraît marquer quant à lui les signes de la précarisation de la profession. Les inscriptions en provenance d’autres barreaux sont moins nombreuses parce que les inscriptions en général sont moins nombreuses (on a vu la chute des effectifs). Pour les années 1960-1976 par contre, le nombre de transferts ne connaît pas de hausse alors que l’on sait qu’une augmentation sensible des effectifs a lieu dès la fin des années soixante.
36Il existe à Nantes une logique d’auto-reproduction encore plus marquée en fin de période ; le recrutement s’exerce avant tout en direction des individus nés à Nantes et étudiants à Nantes ou à Rennes, qui prêtent serment à la cour de Rennes et qui entrent au stage sans aucune autre expérience professionnelle. Après la préparation d’une maîtrise à Nantes, le suivi des cours de préparation au CAPA à Rennes, et l’obtention du certificat, l’intégration au barreau de Nantes semble la plus logique. Dans leur grande majorité, les avocats qui conduisent une carrière à Nantes sont issus du creuset local, comme si l’intégration au barreau dès le début de l’exercice professionnel constituait un élément fondateur de l’évolution de la carrière (choix des bons collaborateurs, connaissance des membres du barreau, appropriation de la clientèle).
La redéfinition du lien entre les origines socioprofessionnelles et la carrière d’avocat
37À l’inverse des magistrats pour lesquels la « carrière » est identifiable – ils peuvent occuper différentes fonctions, elles-mêmes soumises à une classification – celle des avocats paraît plus complexe à mettre en évidence. Le « fait hiérarchique » est pourtant indéniable. Aux deux hiérarchies « statutaire » (associés, patrons, artisans, collaborateurs) et « discrète » (renforcée depuis les années soixante-dix, elle est composée des domaines du droit et se base sur la spécialisation de l’avocat ou celle de la société d’avocats) distinguées par Lucien Karpik14, il nous semble qu’il faille ajouter une troisième hiérarchie, plus en rapport avec le fonctionnement du barreau du début du xxe siècle, que nous nommerons « décisionnelle », et qui s’évalue en fonction de la place occupée par l’avocat au barreau et du poids de son vote dans les orientations prises par l’ordre au niveau local ou national (selon qu’il est stagiaire, avocat au tableau, membre du conseil de l’ordre, bâtonnier, membre d’un syndicat professionnel).
38Concernant les quarante dernières années du xxe siècle, Lucien Karpik se demande si la structure de la profession n’est pas simplement le produit de la structure des classes sociales. L’hérédité qui détermine le recrutement détermine-t-elle également la carrière ? La réponse qu’il apporte remet en cause les théories sociologiques les plus admises sur l’inégalité des chances15 puisqu’il affirme que « les positions dans la hiérarchie sont indépendantes de l’héritage social16 ». Il émet l’hypothèse qu’il existe des parcours orthodoxes (définis par l’héritage, les liens familiaux, l’attachement et la continuité) qui conduisent à devenir artisan et se caractérisent par la clientèle des particuliers, et des parcours hétérodoxes (définis par l’étrangeté, la disponibilité et le pari) qui aboutissent aux positions de patron-associé et à la clientèle des sociétés. Il estime que « ceux qui ont adopté le parcours hétérodoxe ont pu, mieux que les autres, et justement parce que leurs attaches avec la profession étaient faibles ou inexistantes, saisir les chances nouvelles qu’offrait l’extension du marché des affaires17 ».
39Sans entrer dans le débat autour de la remise en question partielle de l’approche bourdieusienne de l’inégalité, il nous semble que la distinction des parcours (des logiques de mobilité professionnelle) et la conduite de ces parcours en fonction des origines socioprofessionnelles apparaît comme une piste particulièrement intéressante à explorer pour une période antérieure à celle couverte par Lucien Karpik dans son analyse. Il nous importe de savoir si l’on peut mettre en relation la chronologie, les types de hiérarchies, la diversité des parcours et les origines socioprofessionnelles. Nous pensons qu’entre 1897 à 1976, on assiste à une mutation progressive du fait hiérarchique et que la redéfinition de la profession permet aux avocats issus des couches modestes d’occuper des places d’importance, notamment grâce au caractère hétérodoxe des parcours qu’ils mènent.
40Il semble qu’au début du xxe siècle, la hiérarchie « décisionnelle » régisse seule la structure de la profession. L’exercice du métier est exclusivement individuel et même si les avocats connaissent les domaines de prédilection de leurs confrères, ils n’affichent aucune spécialité et peuvent traiter tout type d’affaire. C’est principalement la place qu’ils occupent au sein du barreau (stage, tableau, conseil de l’ordre, bâtonnat) qui détermine finalement un rapport hiérarchique. Ce fait hiérarchique est extrêmement figé puisque l’accès au conseil de l’ordre et au bâtonnat suit un protocole immuable basé sur l’ancienneté. Il n’est pas particulièrement question de mérite dans les conditions requises pour l’accès aux fonctions décisionnelles mais de progression au sein du tableau et d’accumulation d’« années de barre », garantes d’une sagesse et d’un recul sur l’exercice de la profession, suffisants pour occuper la fonction paternaliste du bâtonnier, princeps inter pares. La hiérarchie qu’auraient pu instituer les positions économique (richesse, bon fonctionnement du cabinet) ou sociale (responsabilités politiques ou associatives) n’engendre, semble-t-il, aucune une différenciation particulière puisque la puissance économique et la reconnaissance sociale vont généralement de pair avec l’élection au conseil et au bâtonnat, ainsi nous l’avons mis en évidence dans un développement antérieur.
41Au cœur de ce système, la hiérarchie, caractérisée par l’ancienneté (on retrouve l’idée de respect de la tradition et des anciens), se modifie donc presque exclusivement à l’épreuve du temps. Au fil des années, l’avocat progresse dans les rangs du tableau, intègre le conseil de l’ordre en tant que dernier élu, puis obtient des voix plus nombreuses et enfin, voit son parcours consacré par l’accession au bâtonnat. Ce schéma n’est pas réducteur mais au contraire, révélateur d’une progression hiérarchique par étapes que des éléments extérieurs (réputation grandissante, reconnaissance des confrères) peuvent parfois accélérer mais en aucun cas supplanter.
42Dans ce fonctionnement auquel échappe toute emprise méritocratique tangible, les « héritiers » paraissent les plus à même de briguer les positions importantes puisque la longévité constitue leur atout principal. Les avocats porteurs d’un héritage professionnel (et principalement les fils d’avocats) occupent sur le terrain de la carrière un avantage certain dû à leur connaissance du milieu. Pour ceux qui sont issus de la grande ou de la moyenne bourgeoisie, l’aisance financière des parents et les liens de notabilité établis au cœur de la ville et avec les communes environnantes autorisent un exercice plus serein de la profession. On a noté dans des développements précédents, que la longue carrière nécessitait de franchir les premières années et que toute difficulté financière engendrait généralement la démission des individus pour lesquels le soutien familial ne permettait pas de compenser la précarité de l’exercice de la profession. Durant la première moitié du xxe siècle, la durée moyenne de la carrière des individus appartenant aux couches modestes (« fonctionnaires moyens », « artisans et commerçants », « classes populaires ») équivaut à 12 années, alors que celle des « héritiers » (qu’ils soient issus de la famille judiciaire ou de la grande bourgeoisie) est de 20 années.
43Si l’on associe la sur-représentation des héritiers par rapport aux personnes issues des « couches modestes » à la probabilité plus élevée qu’ils ont de mener une carrière longue, il ne fait pas de doute, puisque la hiérarchie s’articule avant tout autour du facteur temps, qu’ils occupent majoritairement les postes clés. Nous avons identifié la profession du père pour 25 des 30 bâtonniers élus entre 1897 et 1959 : 11 fils de propriétaires ou négociants, 9 fils de juristes (dont 7 fils d’avocats), 3 fils de médecins et seulement 2 fils de fonctionnaires moyens. Dans les deux premiers tiers du xxe siècle, plus d’un bâtonnier sur quatre est fils d’avocat. Ni la petite bourgeoisie commerçante ni les classes populaires ne sont représentées. L’adoubement par les pairs que constitue l’accession au bâtonnat, consacre les parcours orthodoxes des héritiers. Cette domination incontestable atteste de l’accès particulièrement difficile au poste de bâtonnier pour les avocats aux origines modestes. La provenance socioprofessionnelle qui détermine le recrutement semble conditionner également les perspectives de carrières.
44On peut dire qu’à compter des années vingt et trente (mobilisation de la profession, professionnalisation, ouverture du recrutement), la hiérarchie « décisionnelle » s’élargit puisque d’autres organes représentatifs de la profession voient le jour (ANA, UJA) et elle est peu à peu relativisée par l’émergence timide des hiérarchies « statutaire » (clairement identifiable à Nantes à partir de 1960 avec l’officialisation des associations) et « discrète » (le rapport au marché des affaires atteste de certaines réussites). Un basculement s’opère progressivement. Il nous semble que même si l’ouverture du recrutement au cours des années trente est de courte durée, puisque la Seconde Guerre mondiale et l’attitude traditionaliste du barreau dans les années cinquante gèlent pour partie le renouvellement des effectifs, elle permet pour la première fois l’intégration en plus grand nombre d’individus aux ambitions nouvelles18. Ces avocats ne paraissent pas aspirer à la reproduction d’un modèle dans le respect d’une tradition puisqu’ils ignorent presque tout du fonctionnement de l’ordre. Leur ambition première est de réussir leur vie personnelle et de prétendre tirer un revenu de leur métier19. Deux types d’avocats coexistent désormais au barreau : les héritiers dominants, partisans d’une conception traditionaliste de la profession, et les avocats issus des couches modestes, nouvellement recrutés, pour lesquels le fonctionnement traditionnel, même s’il intime le respect, apparaît parfois inconciliable avec le double aspect d’apport alimentaire et d’ascenseur social qu’ils espèrent obtenir de la profession. Il semble alors que la différenciation des objectifs détermine celle des parcours.
45Avant tout, ces générations investissent sur le diplôme pour combler le manque d’intégration permise par la famille. Sur les 16 avocats originaires des couches modestes en 1938, 8 sont docteurs (1 sur 2). Parmi eux, deux sont issus des classes populaires et tous les deux docteurs. À la même date, les héritiers (issus des groupes dominants traditionnels et de la famille judiciaire) sont pour leur part 15 docteurs sur 46 inscrits au barreau (1 sur 3). L’obtention du diplôme pour les nouvelles générations semble moins correspondre à la possibilité de se gratifier d’un titre honorifique qu’à celle d’obtenir une spécialisation synonyme de compétence plus avérée dans un domaine du droit. Dès le début de son exercice professionnel, Maurice Mougin est persuadé que « la profession ne peut vivre que par la spécialisation. L’avocat individuel est condamné à mort. […] Il faut absolument des spécialistes20 ». Ces avocats, minorité agissante d’un barreau qui demeure celui des « héritiers », participent à la réflexion active sur la profession d’avocat. Leur faible nombre et leur jeunesse, les conduit à opérer des choix. Jean Le Mappian intègre l’Union des jeunes avocats dont il devient le président21, à l’instar de Maurice Mougin qui, dès l’après-guerre, prône la nécessité de la fusion avec les avoués22. Ces avocats n’envisagent pas la profession comme une institution qui tirerait de son immobilisme la reconnaissance d’une mission atemporelle. Ils la conçoivent comme un métier devant faire l’objet d’une réflexion approfondie nécessaire à son intégration au marché, au risque qu’elle disparaisse corps et biens, victime de la concurrence avérée de juristes qui s’emparent de domaines du droit délaissés.
46Lorsque des associations d’avocats s’établissent au barreau de Nantes en 1960-1961, aucun avocat « héritier professionnel », formé dans le respect de l’exercice individuel, ne prend part à cette nouvelle forme officialisée d’exercice de la profession23. Ce sont des individus « non héritiers » recrutés dans les années 1930 qui s’inscrivent immédiatement dans le mouvement, associés à de plus jeunes collaborateurs, le plus souvent eux-mêmes « non héritiers ». Ainsi, Jean Le Mappian (fils de comptable) et Luc Biette (origine inconnue) s’associent le 23 juin 1960, suivis d’André Richard (petit-fils de gardien de chantier) et Laurianne Rognie-Calassou (fille d’ingénieur) en septembre, Maurice Mougin (fils de commerçant) et René Jaffré (fils de professeur) en octobre, Yvonne Divanac’h (inconnu) et Monique Bard-Thébaud (fille de commerçant) en décembre, Henri Parent (fils de fabricant de meubles) et Albert Chaumette (fils de professeur) en avril 1961. Le parcours hétérodoxe se traduit par la prise de risque, la volonté de l’innovation et du changement qui permet l’évolution24. Ces avocats voient dans l’association de compétences de meilleures conditions d’exercice du métier. Ce sont encore certains d’entre eux qui, après la fusion de 1971, intégreront les anciens avoués au sein des SCP – sociétés civiles professionnelles25 – (par exemple Me Lécuyer, ancien avoué, associé à Mes Mougin, Jaffré et Toulza dès 1972-197326). Remarquons à ce sujet que les années soixante et soixante-dix sont marquées par un regroupement des avocats en cabinets. Même si l’exercice de la profession demeure largement individuel, l’évolution est notable par rapport aux deux premiers tiers du xxe siècle.
47Les avocats recrutés à partir des années trente accèdent au bâtonnat dans les années soixante27. On se demande alors si l’ouverture du recrutement, constatée avant la Seconde Guerre mondiale, a un impact sur la composition sociale du groupe formé par les bâtonniers trente années plus tard. Le choix des parcours hétérodoxes permet-il la progression au sein de la hiérarchique classique ? L’examen des origines socioprofessionnelles des bâtonniers est à ce titre édifiant puisqu’il aboutit à l’observation d’une diversité de professions qui n’avait absolument pas cours dans les deux premiers tiers du xxe siècle. Alors que seulement deux des trente bâtonniers élus entre 1897 et 1959 étaient issus des couches modestes et qu’un sur quatre avait un père avocat, les 23 bâtonniers élus entre 1960 et 200628 présentent des origines bien plus hétérogènes : 4 sont issus de la grande et moyenne bourgeoisie (père banquier, officier, commerçant en gros, fabriquant de meubles), 3 de la famille judiciaire (2 fils d’avocats, 1 fils d’avoué), 6 des « professions intellectuelles, couches nouvelles » (enfants de dessinateur, professeurs, pharmacien, architecte), 9 des « couches inférieures » (2 fils de fonctionnaires moyens, 4 de commerçants ou d’artisans, 3 issus des classes populaires). La composition sociale du groupe des bâtonniers connaît sans conteste une évolution, qui se traduit par la baisse flagrante des « héritiers », ainsi que par l’ouverture à des nouvelles professions intellectuelles (aucun enfant de médecin) et aux « couches modestes », qui représentent 9 bâtonniers sur 23 alors que la proportion était de 2 sur 25 pour la période 1897-1959. Nous pouvons alors remarquer que la part occupée par les avocats issus de couches modestes de la population dans le « groupe des bâtonniers » est supérieure à celle qu’ils occupent sur l’ensemble du barreau.
48Est-il toutefois possible de déduire des remarques précédentes que l’inégalité des chances en fonction des origines socioprofessionnelles, alors qu’elle paraît flagrante en ce qui concerne le recrutement, serait niée au niveau de la carrière d’avocat elle-même ? Pour notre période, il est difficile d’être catégorique étant donné que nous ne possédons que peu d’éléments sur les hiérarchies « statutaire » et « discrète » dont la visibilité est bien meilleure au cours des trente dernières années. Il nous semble que le choix de parcours hétérodoxes par des individus recrutés dans les années trente, « étrangers » au monde judiciaire et juridique et pour partie au système de valeurs qu’il véhicule, s’est imposé à la profession tant une adaptation aux mutations sociales, économiques et juridiques était nécessaire à partir du milieu des années soixante. Les générations issues de professions intellectuelles nouvelles ou de « couches modestes » développent une conception du métier différente de celle que véhiculent les « héritiers ». À une période où la profession donne des signes de faiblesse alarmants (effondrement des effectifs), où la redéfinition du territoire de l’avocat est indispensable (concurrence des conseils juridiques et interférence avec les avoués), où certains rites nuisent à l’image de la profession (messe du Saint-Esprit) et où l’évolution du contentieux doit être prise en considération (marché des affaires en pleine expansion), des avocats dont les origines, les choix et les personnalités apportent un renouveau au barreau, s’imposent comme des meneurs. N’est-ce pas un fils de dessinateur, Gabriel Chéreau, qui initie la réaction du barreau à compter de 1965 ? N’estce pas un fils de commerçant, Maurice Mougin, qui prépare la profession à la fusion avec les avoués et qui organise la suppression de la messe du Saint-Esprit à Nantes au début des années soixante-dix ? N’est ce pas un fils de comptable, Jean Le Mappian, qui se trouve à la tête des grévistes en 1976 ?
49Comprenons bien que ces pistes de réflexion ne se posent en aucun cas comme des conclusions et qu’une analyse des parcours des avocats recrutés à partir des années soixante-dix, en fonction de leurs origines professionnelles, viendrait éclairer nombre de questionnements qui demeurent en suspens. Si la situation du barreau de Nantes au cours des années soixante et soixante-dix, au cœur d’une réappropriation de l’espace judiciaire, économique et social, reste particulière et que le rôle joué par la minorité agissante d’individus issus des « couches nouvelles » et « modestes » est incontestable, des études sur les évolutions récentes (fusion avec les conseils juridiques au début des années quatre-vingt-dix, hausse importante des effectifs, question actuelle de la fusion avec les juristes d’entreprise) et la place occupée par les avocats dans les hiérarchies « statutaire » et « discrète » au regard du milieu social d’origine, seraient riches d’enseignements.
Les avocates nantaises et leurs carrières
50Entre 1897 et 1976, 53 femmes sont inscrites au barreau de Nantes pour 446 hommes (soit 10,6 % de l’effectif). Leur nombre connaît une augmentation régulière jusqu’au début des années quarante (1 femme en 1918, 17 en 1941), stagne ensuite jusqu’à la fin des années soixante (elles sont 18 en 1967) avant de diminuer nettement dans les années soixante-dix (7 en 1976). Considérant ce groupe en particulier, plusieurs pistes nous ont semblé pouvoir être suivies. Il convient de savoir comment évolue la part des femmes au barreau (quelle part de l’effectif représentent-elles en fonction des périodes ?) et quelles sont leurs origines socioprofessionnelles. S’intéressant à leur carrière, on s’interroge également sur la durée de leur exercice professionnel à Nantes et les raisons de leurs départs, ainsi que sur les responsabilités auxquelles elles accèdent (conseil de l’ordre, bâtonnat).
51Si le nombre des femmes stagne du début des années quarante à la fin des années soixante, elles représentent néanmoins une part de plus en plus importante des effectifs du barreau. En effet, au cours de cette même période, le nombre des hommes connaît une nette baisse. Ainsi, le barreau est constitué de 5 % de femmes en 1925, 10 % en 1934, 20 % en 1941, près de 30 % en 1955 et de 35 % en 1967. En quarante ans, on assiste à une féminisation du barreau nantais.
Graphique 12. – Évolution de la part des femmes au barreau de Nantes (1897-1976).

52Jane Le Meillour, inscrite au milieu des années vingt, se remémore l’accueil chaleureux réservé par ses confrères masculins alors qu’il était difficilement concevable à cette époque qu’une femme envisage une vie professionnelle.
« Au moment où je faisais mon droit, il y avait toute une classe de la bourgeoisie qui n’admettait pas beaucoup que les femmes travaillent. La femme devait se marier et s’occuper de sa famille et de ses enfants. […] Pour moi l’occasion ne s’est pas présentée. Enfin ce que je voulais c’était travailler. Mariée ou pas, je voulais m’occuper. […] Je n’ai jamais rencontré de réelles difficultés tout au long de ma profession du fait d’être une femme. Aucun de mes confrères ne m’était hostile, ou du moins je ne l’ai pas ressenti29. »
53Toutefois, si le nombre des femmes augmente et que leur intégration au barreau ne semble susciter aucune opposition30, on peut s’interroger sur les modalités des carrières de celles qui ont quitté le barreau de Nantes entre 1897 et 1976 (45 femmes). 22 d’entre elles restent inscrites à Nantes moins de cinq années. Les carrières « très courtes » concernent donc près de la moitié des femmes. Pour l’ensemble de la période, elles ne sont que dix-sept à dépasser les dix ans de barreau. Si quelques-unes comme Lucienne Galan, Yvonne Divanac’h, Philomène Barel ou Yvonne Gérault-Monville démissionnent à l’âge de 70 ou 80 ans, les 2/3 des femmes (27 sur 45) quittent le barreau avant d’atteindre 35 ans. À l’instar de ce que l’on avait remarqué pour l’ensemble du groupe, les premières années sont cruciales et le stage particulièrement sélectif.
Graphique 13. – Durées des carrières des avocates nantaises (1897-1976).

54Le premier motif de départ31, invoqué généralement au cours des premières années d’exercice, est familial. Les femmes qui s’inscrivent au barreau sont âgées en moyenne de 24 ans et presque toujours célibataires. Leur mariage, entre 25 et 30 ans, correspond souvent à leur date de démission. Après quelques mois de barreau, Simone de Bettignies rejoint son époux à Cahors d’où il est originaire, alors que Lise Montagne quitte Nantes pour Paris, où son mari s’installe comme médecin. Outre le mariage, la naissance des enfants engendre généralement la démission des femmes au début de leur carrière. Renée Le Pourcelet, après avoir épousé un de ses confrères (Jean Le Mappian), explique au bâtonnier que « le temps qu’elle doit consacrer à son foyer ne lui permet plus d’exercer sa profession32 ».
Graphique 14. – Motif des fins de carrières des avocates nantaises (1897-1976).

55Si les transferts restent peu nombreux et s’effectuent également en début de carrière, ce sont les départs vers d’autres professions (judiciaires ou non) qui mettent souvent fin à l’exercice professionnel au barreau. Ces départs, s’ils ont généralement lieu au cours des années de stage, peuvent aussi intervenir après une longue carrière. Ainsi, Jane Le Meillour intègre la magistrature en 1969 après 44 ans de carrière ; Monique Bard-Thébaud en 1972 après 32 années de barreau. Remarquons alors que sur les 45 démissions qui ont lieu entre 1897 et 1976, plus du quart (12) s’effectuent entre 1967 et 1972, au moment où se prépare puis se concrétise la fusion avec les avoués. Nombre de femmes n’envisagent pas l’adaptation à la nouvelle profession. Chargées pour une grande majorité de préparer les dossiers (elles ne sont que quelques-unes à plaider régulièrement), la fusion signifie un changement important puisque le rôle rempli par les avoués leur incombera désormais. Bien qu’elles soient acceptées au barreau,
« les femmes qui montent leur cabinet sont mises à l’index. La majorité des femmes reste secrétaire toute leur vie (comme Mlle Le Meillour par exemple). Rares sont celles comme Yvonne Divanac’h, Lucienne Galan, Hélène Dumoulin, Jacqueline Gauguet ou moi-même, qui ont prétendu mener une carrière individuelle33 ».
56Pour 31 des 53 femmes qui constituent notre corpus, nous avons identifié la profession des pères. Si le taux de réponse est peu élevé (58,5 %) et ne permet pas de montrer une évolution (un découpage se baserait sur un nombre trop faible d’individus), il demeure néanmoins indicatif. Entre 1897 et 1976, plus de la moitié des femmes est issue des « couches supérieures » ou de la famille juridique et judiciaire. De plus, même si une sur trois est originaire d’un milieu plus modeste (père petit bourgeois ou fonctionnaire moyen), aucune n’est issue des classes populaires. Si bien que le groupe constitué par les femmes semble correspondre au schéma dressé pour l’ensemble des avocats et ne pas connaître de profonde démocratisation.
Graphique 15. – Origines socioprofessionnelles des avocates nantaises (1897-1976).

57Alors que la part des femmes ne cesse d’augmenter jusqu’à la fin des années soixante, il semble que le rôle qu’elles jouent au barreau demeure discret, sauf pour les rares qui se sont démarquées. Leur faible présence au conseil de l’ordre est à ce titre significative. En 1945, pour la première fois, une femme intègre le conseil de l’ordre. Âgée de 48 ans, Yvonne Divanac’h est une figure du barreau de Nantes, menant de front sa carrière professionnelle, sa vie privée (elle est mariée avec Yves Divanac’h, lui-même avocat nantais reconnu) et un engagement politique (sans être élue, elle soutient les radicaux de gauche autour d’André Morice). Le décès de son mari quelques mois après son élection au conseil la meurtrit mais n’entame pas son dynamisme et sa pugnacité. Elle est l’une des rares femmes avocates à plaider aux côtés des ténors du barreau dans les grands procès d’assises34. En 1952, elle se présente au bâtonnat contre Me Polo. Le vote est particulièrement serré et plusieurs tours sont nécessaires à Me Polo pour s’imposer d’une voix35. Notons que la première femme à être élue au bâtonnat le sera cinquante années plus tard36.
58La popularité de Me Divanac’h ne change toutefois rien à la faible présence des femmes au conseil : une seule les représente jusqu’en 1957. Entre 1958 et 1964, aucune femme n’est élue au conseil alors qu’au cours de cette période elles constituent entre 25 et 35 % des effectifs. Cette constatation renforce l’image du barreau traditionaliste et conservateur animé par Mes Leroux, Lauriot et Kieffer. L’élection de Gabriel Chéreau coïncide avec le retour des femmes. Elles sont trois sur les sept membres que comporte le conseil dans les années 1968-1969. À la fin de la période, bien qu’elles demeurent représentées, on ne compte toutefois qu’une ou deux femmes sur douze membres. Il faut dire qu’en parallèle, leur nombre et la part qu’elles occupent dans les effectifs diminue fortement en moins de dix ans. Alors qu’elles étaient 18 en 1967 (34,6 %), elles sont 10 en 1973 (13,7 %) et 7 en 1976 (8,1 %). La fusion de 1972 et ses effets sur la composition des effectifs n’est pas étrangère à la baisse de la part des femmes puisque les avoués qui intègrent la profession sont exclusivement des hommes. Toutefois, cette tendance à la baisse n’est que momentanée. Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sont marquées par une hausse régulière et ininterrompue du nombre de femmes. Elles représentent en 2005 plus de la moitié des effectifs du barreau de Nantes37.
59La notion de carrière au barreau, qui n’a jusqu’alors suscité dans l’historiographie qu’un intérêt limité, a grandement nourri notre réflexion sur la capacité d’adaptation des avocats aux mutations sociales et juridiques. Jusqu’au milieu des années soixante, le nombre des carrières très courtes (moins de cinq ans de barreau) augmente alors que celui des nouveaux inscrits diminue. Cela confirme l’idée selon laquelle on assiste à un mouvement de vieillissement et de chute des effectifs, doublé d’une précarisation progressive de l’exercice de la profession qui ne permet pas l’accès aux personnes issues des classes populaires. Il faut attendre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix pour que les carrières s’allongent à nouveau, témoignant de la possibilité d’exercer le métier dans des conditions plus favorables.
60Jusque dans les années soixante, l’accession à des responsabilités (bâtonnat, conseil de l’ordre) est en outre réservée majoritairement à des « héritiers » menant des parcours orthodoxes. Par contre, les bâtonniers élus à partir de 1965 sont pour nombre d’entre eux issus de couches nouvelles ou modestes. Ils appartiennent aux générations intégrées lors de la légère ouverture du recrutement constatée dans les années trente. Ces hommes, en suivant des parcours « hétérodoxes » – ils s’associent entre eux, sont favorables à la fusion, donnent des conseils juridiques –, accèdent aux organes décisionnels au moment où le barreau est moribond. Dans le contexte des bouleversements qui agitent le pays, ils impriment nettement un mouvement de réforme à partir du milieu des années soixante. Toutefois, ces réformes sont l’aboutissement, souvent partiel d’ailleurs, de la difficile remise en question des pratiques et des structures professionnelles menée tout au long du xxe siècle.
Notes de bas de page
1 Longuet Robert-Jean, L’Avocat. comment on le devient. Avantages et inconvénients de la carrière, Paris, Impr. Viale et Lhotellier, 1932, 48 p. ; Karpik Lucien, Les avocats entre l’État, le marché et le public, op. cit., p. 295-303.
2 Bernaudeau Vincent, La Justice en question. Histoire de le magistrature…, op. cit., p. 65 et suiv., p. 303 et suiv. ; Chauvaud Frédéric, « La magistrature et les chemins incertains de la professionnalisation de l’an VIII à 1958 », in Guillaume Pierre (dir.), La professionnalisation des classes moyennes, Talence, MSH d’Aquitaine,1996,p. 37-56 ; Bernaudeau Vincent, Defois Serge,« Les juges de paix de Loire-Atlantique (1895-1958) : une magistrature de proximité ? », op. cit., p. 211-217 ; Perrot Roger, Institutions judiciaires, op. cit., p. 334-343.
3 ADLA, 83J27, célébrations d’anniversaires (1891-1946).
4 À la différence des magistrats qui, par le biais des mutations, changent de fonction et peuvent ainsi briguer des postes plus en rapport avec leur conception de l’exercice du métier ou mieux rémunérés.
5 Karpik Lucien, Les avocats entre l’État, le marché et le public, op. cit., « le fait hiérarchique », p. 280-303.
6 Étant donné que les quatre corpus correspondent chacun à un nombre différent d’avocats, l’analyse sera conduite en pourcentages des valeurs.
7 Pour le barreau de Lyon à la fin du xixe siècle, le taux d’« évaporation » constaté au cours du stage atteint 60 % et s’effectue principalement vers d’autres professions, au premier rang desquelles les professions de la magistrature. Halpérin Jean-Louis, Avocats et notaires en Europe, op. cit., p. 206.
8 Ce nombre varie très peu. Il est compris entre 16 et 18 jusqu’au milieu des années vingt. ADLA, Étrennes Nantaises, 1897 : Per 53 14, Per 60 3 ; 1905 : Per 53 15, Per 60 6 ; 1914 : Per 53 15, Per 60 13 ; 1925 : Per 60 16. ADLA, 83J120-121, registre de délibérations de la chambre des avoués de Nantes, 1875-1973, séance du 24 août 1884 (18 avoués). Ensuite, le nombre d’avoués passe à 14 puis se stabilise à 13 jusque dans les années cinquante pour atteindre à nouveau 17 au moment de la fusion. AN, BB29/723-724, matricules des avoués près les tribunaux de grande instance.
9 ADLA, 83J1, registre de délibérations du conseil de l’ordre, séance du 7 novembre 1898, séance du 18 octobre 1910. ADLA, 83J2, registre de délibération du conseil de l’ordre, séance du 7 mai 1914.
10 À l’instar de Gaston Servat nommé juge de Paix à Troyes en 1920, de Stanislas Mitard nommé juge suppléant dans le ressort de la cour de Poitiers en 1924 ou de Jospeh Berthiaud nommé juge suppléant à Amiens en 1929.
11 Jospeh Poirier devient courtier en assurance en juin 1919 (après 5 ans de barreau). Paul Aignan intègre la maison de commerce tenu par son beau-frère en 1921 (après 7 ans). Charles Eon-Duval accepte un poste de secrétaire au journal l’Echo de la Loire en 1925 (après 4 ans). Alain Viaud-Grand-Marais intègre un contentieux en 1928 (après 1 an et demi) et Albert Billaud l’administration coloniale en 1929 (après 2 ans).
12 Alors qu’entre 1897 et 1917, seulement 7 individus sur 90 quittent la carrière après plus de 40 ans d’exercice (7 %), ils sont 18 sur 86 entre 1939 et 1959 (21 %). Finalement, nous constatons sur cette période une augmentation des « extrêmes » (carrières très courtes et carrières longues) alors que la part des carrières de durée moyenne (entre 15 et 40 ans d’exercice) diminue. Toutefois, précisons que le nombre des carrières très courtes est toujours au moins trois fois supérieur à celui des carrières longues.
13 Nous avons estimé que les avoués qui marquent un retour dans la profession, alors qu’ils avaient été inscrits au stage voire au tableau du barreau de Nantes, n’entrent pas dans cette catégorie.
14 Karpik Lucien, Les avocats entre l’État, le public et le marché, op. cit., p. 283 et suiv.
15 Boudon Raymond, L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Hachette, 334 p. ; Bourdieu Pierre, De la distinction, Paris, Éd. de Minuit, 1979, 670 p.
16 Karpik Lucien, Les avocats entre l’État, le public et le marché, op. cit., p. 298.
17 Ibid. p. 297.
18 Nous avons vu que la coupe chronologique de 1938 montrait une évolution indéniable de la composition sociale du barreau nantais.
19 « Et c’est ma génération, avec quelques confrères qui se sont inscrits à peu près en même temps que moi [Maurice Mougin est admis au stage du barreau le 25 juillet 1935], comme Le Mappian par exemple Gérault-Monville. Nous avons été les premiers qui ensuite ont prétendu essayer de gagner notre vie par le barreau. » Entretien avec Maurice Mougin, 3 juillet 2001.
20 Entretien avec Maurice Mougin, 1er juillet 2001.
21 ADLA, 83J112-113, syndicats et associations (1919-1964) ; 1Mi249, pièces remises par Philippe Gautier.
22 Mougin Maurice, Rapport sur la défense de la profession d’avocat à l’assemblée des barreaux de l’ouest, 21 novembre 1953, Imprimerie du Commerce, Nantes, 14 p.
23 Le décret du 10 avril 1954 autorise les associations.
24 Karpik Lucien, Les avocats entre l’État, le public et le marché, op. cit., p. 297.
25 Lamboley Annie, La société civile professionnelle : un nouveau statut de la profession libérale, Paris, Librairies techniques, 1974, XI-313 p.
26 Fonds privé René Jaffré.
27 À partir du bâtonnat d’André Lauriot (1960-1962), entré au stage du barreau de Nantes le 3 juin 1930. ADLA, 83J100, admissions au stage (1830-1976).
28 Guy Lallement est élu bâtonnier à deux reprises au cours de la période (1990-1992 ; 2000-2002).
29 Entretien avec Jane Le Meillour, 25 juillet 2002.
30 Sur la difficile intégration des femmes avocates au Québec, voir Gallichan Gilles, Les Québécoises et le barreau : l’histoire d’une difficile conquête, 1914-1941, Sillery, Septentrion, 1999, 249 p.
31 Nous avons identifié le motif pour 38 des 45 départs qui ont lieu entre 1897 et 1976.
32 ADLA, 83J100, démission du stage, 16 juillet 1942.
33 Entretien avec Monique Thébaud, 15 janvier 2002.
34 En 1950 par exemple, lors du procès des incendiaires du Pays de Retz, elle forme l’équipe de la défense composée de Mes Le Mappian, Lerat, Kieffer et Thébaud, ainsi que de Me Maurice Garçon, spécialement venu de Paris.
35 ADLA, 83J5, registre de délibérations du conseil de l’ordre, séance du 18 juillet 1952.
36 Danièle Frétin, 2002-2004.
37 Alorsqu’en1980, elles représentent 21,2 % du nombre d’inscrits, elles atteignent 31,1 % en 1990, 41,3 % en 2000 et 44,8 % en 2005.
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